M. Jean-Vincent PLACÉ, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

- La mission « Sécurité » est dotée de 17,168 milliards d'euros en autorisations d'engagement (+ 2,2 % par rapport à 2011) et de 17,063 milliards d'euros de crédits de paiement (hors fonds de concours), soit une augmentation de 1,5 % par rapport à l'exercice précédent.

- La trajectoire budgétaire de la présente mission dépasse les plafonds fixés par la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. A périmètre constant, cet écart s'élève à 244 millions d'euros en autorisations d'engagement (soit + 2,1 %) et à 50 millions d'euros en crédits de paiement (soit + 0,4 %).

- Votre rapporteur spécial s'inquiète des réductions d'effectifs ayant affecté tant la police que la gendarmerie sous l'effet de la révision générale des politiques publiques (RGPP) : ces réductions mettent en péril le niveau de sécurité dû à nos concitoyens et sont préjudiciables à la présence des forces de sécurité sur le terrain.

- Cette politique de RGPP mène à une « privatisation rampante » de la sécurité dans notre pays (faute de moyens humains suffisants), à une précarisation des agents et au désengagement de l'Etat faisant peser une charge supplémentaire sur les collectivités territoriales (en terme d'immobilier, de moyens matériels, de police d'agglomération, de vidéo-surveillance...) et faire face à des inégalités territoriales dues à l'inégale répartition des forces sur le territoire.

- Si la délinquance constatée en matière d'atteintes aux biens a reculé de 43 189 faits entre 2009 et 2010, celle concernant les atteintes à l'intégrité physique des personnes a augmenté de 11 437 faits . En outre, l'évolution du nombre de crimes et délits en matière d'escroqueries et d'infractions économiques et financières n'est pas satisfaisante : la prévision actualisée pour 2011 (- 1,5 %) est en effet bien inférieure à la prévision initiale (- 2,5 %). Ainsi, le Gouvernement n'a pas atteint ses propres objectifs.

- Votre rapporteur spécial souligne que la mission « Sécurité » ne peut se résumer à une « politique du chiffre » , essentiellement orientée vers la sanction et la répression. La prévention représente l'autre pilier indispensable de la présente mission et cette dimension doit être mieux prise en compte dans l'évaluation de la performance des forces de sécurité.

Au 10 octobre 2011, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 100 % des réponses portant sur la mission « Sécurité » étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION

A. UNE DOTATION DE 17,1 MILLIARDS D'EUROS EN CRÉDITS DE PAIEMENT, RÉPARTIS À 54 % POUR LA POLICE NATIONALE ET À 46 % POUR LA GENDARMERIE NATIONALE

La mission « Sécurité » est dotée de 17,168 milliards d'euros en autorisations d'engagement (+ 2,2 % par rapport à 2011) et de 17,063 milliards d'euros de crédits de paiement (hors fonds de concours), soit une augmentation de 1,5 % par rapport à l'exercice précédent.

Avec 9,21 milliards d'euros de crédits de paiement (hors fonds de concours), le programme « Police nationale » comporte 54 % des moyens financiers de la mission. Son plafond d'emploi est fixé pour 2012 à 143 714 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT), soit 60 % des emplois de la mission.

Pour sa part, le programme « Gendarmerie nationale » est doté (hors fonds de concours) de 7,852 milliards d'euros de crédits de paiement (soit 46 % des crédits de la mission) et de 97 883 ETPT , soit 40 % des ETPT de la mission.

Les dépenses en personnel constituent l'essentiel des moyens de la mission, soit 14,91 milliards d'euros ( 87,4 % des crédits de la mission ). Elles représentent 89,6 % du programme « Police nationale » et 84,8 % du programme « Gendarmerie nationale ».

L'évolution des crédits de la mission est récapitulée dans le tableau ci-dessous.

B. DEUX FORCES AU SEIN D'UN MÊME MINISTÈRE

Depuis 2009, la mission « Sécurité » est marquée par une évolution notable : le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur 1 ( * ) .

Une première étape a été franchie le 1 er janvier 2009 par le rattachement du budget de la gendarmerie nationale au budget du ministère au sein de la présente mission. Concrètement, la préparation du budget de la gendarmerie s'effectue désormais au ministère de l'intérieur. De même, le recrutement des personnels civils est, depuis cette date, assuré par le ministère.

Une deuxième étape a été franchie par l'adoption de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale qui consacre le rattachement effectif de la gendarmerie au ministère de l'intérieur et précise l'étendue de ce rattachement ainsi que son articulation avec le ministère de la défense. La loi précise notamment que « sans préjudice des attributions de l'autorité judiciaire pour l'exercice de ses missions judiciaires, la gendarmerie est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, responsable de son organisation, de sa gestion, de sa mise en condition d'emploi et de l'infrastructure militaire qui lui est nécessaire », tandis que « le ministère de la défense participe (...) à la gestion des ressources humaines et exerce à l'égard des personnels militaires de la gendarmerie nationale les attributions en matière de discipline » 2 ( * ) .

En outre, cette loi réaffirme la nature militaire de la gendarmerie nationale et son ancrage au sein des forces armées, avec les valeurs propres à cette institution. Le dualisme entre les deux forces de sécurité relevant de l'Etat (la police et la gendarmerie nationales) est donc maintenu , chacune conservant son identité et son statut.

Enfin, la loi prévoit, tous les deux ans, un rapport évaluant les modalités concrètes du rattachement et les éléments relatifs à l'obtention d'une parité globale entre les personnels de la police et de la gendarmerie nationales.

Sur le plan matériel, le changement le plus symbolique est l'installation du cabinet du directeur général de la gendarmerie nationale sur le site du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, place Beauvau.

C. LE DÉPASSEMENT DES PLAFONDS FIXÉS PAR LA PROGRAMMATION TRIENNALE

La loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 a fixé des plafonds d'autorisations d'engagement (AE) et de crédits de paiement (CP) à la mission « Sécurité » pour la période 2011-2013. Toutefois, comme le montre le tableau ci-dessous, cette trajectoire budgétaire n'est pas respectée en 2012 pour la présente mission.

L'évolution triennale des crédits de la mission « Sécurité »

(hors compte d'affectation spéciale « Pensions »)

(en millions d'euros)

Loi de finances pour 2011

Loi de programmation des finances publiques (LPFP)

Exercice 2012

PLF 2012

au format LPFP

PLF 2012*

Autorisations d'engagement (AE)

11 525

11 369

11 613

11 593

Crédits de paiement (CP)

11 527

11 461

11 511

11 488

* Ce montant tient compte des modifications de périmètre et de transferts impactant la mission

Source : d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012

Concernant les AE, le dépassement s'élève à 244 millions d'euros à périmètre constant, soit 2,1 % du montant prévu par la programmation triennale. L'écart est moins important, quoiqu'encore substantiel en valeur absolue, s'agissant des CP (à périmètre constant) dans la mesure où il correspond à 50 millions d'euros , soit 0,4 % de l'autorisation accordée dans le cadre de la programmation triennale.

Ces dépassements trouvent leur origine dans la conjonction de deux phénomènes .

D'une part, des moyens supplémentaires de fonctionnement et d'investissement sont accordés en vue de renforcer la capacité opérationnelle des services. Cette majoration de crédits par rapport à la programmation triennale se monte à 284 millions d'euros en AE et à 90 millions d'euros en CP . Ces moyens supplémentaires seront consacrés à des dépenses immobilières (221,5 millions d'euros en AE et 27,2 millions d'euros en CP), à l'acquisition de véhicules supplémentaires (35 millions d'euros en AE et en CP), à l'achat de matériel informatique (7 millions d'euros en AE et en CP) et au fonctionnement courant des services (20,5 millions d'euros en AE et en CP).

D'autre part, une minoration supplémentaire est réalisée en matière de dépenses de personnel par rapport à la prévision réalisée lors de la programmation triennale. La masse salariale de la présente mission est ainsi inférieure de 40 millions d'euros (en AE et en CP) à la prévision triennale.

D. L'INSCRIPTION DANS LE CADRE DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA PERFORMANCE DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE (LOPPSI 2)

Le budget de la mission « Sécurité » s'inscrit dans les grands axes tracés par la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2) .

Du point de vue budgétaire, la LOPPSI 2 impacte la police et de la gendarmerie, jusqu'en 2013, en répondant à deux objectifs principaux :

- améliorer la performance de la sécurité intérieure par une modernisation technologique favorisant les capacités d'investigation, un renforcement de l'équipement ainsi que de la protection des personnels, et une approche valorisant l'accompagnement social ;

- financer les projets de mutualisation favorisés par le rapprochement entre la police et la gendarmerie , dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

1. La LOPPSI 2 pour le programme « Police nationale »

Les crédits de la LOPPSI 2 dédiés à la police s'élèvent pour 2012 à 108,9 millions d'euros en AE (contre 147,1 millions d'euros en 2011) et à 101,7 millions d'euros en CP (contre 146,9 millions d'euros en 2011).

a) La modernisation technologique

La modernisation technologique se voit consacrer, au titre de la LOPPSI 2 en 2012, 52,9 millions d'euros en AE et 36,8 millions d'euros en CP, en vue de l'acquisition de matériels permettant le déploiement des projets suivants :

- la modernisation des centres d'information et de commandement (afin de mieux gérer la gestion des appels au « 17, police secours ») ainsi que la radiolocalisation des véhicules (permettant un suivi en temps réel des fonctionnaires intervenant sur la voie publique) ;

- le développement de la vidéosurveillance ( cf. infra Partie II. C. 5) ;

- l'affirmation d'une police scientifique et technique grâce, d'une part, à la modernisation du fichier national automatisé des empreintes digitales (FNAED) et du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), afin notamment de les rendre interopérables avec les autres fichiers européens, et, d'autre part, au renforcement des moyens de recueil des traces sur les scènes de crime ;

- la dématérialisation et l'optimisation des ressources de la police en tirant profit des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il s'agit là en particulier de trois projets majeurs : la nouvelle main-courante informatisée, la dématérialisation du courrier administratif et la mise en place de la plateforme rénovée de traitement des données d'interception.

A cet égard, votre rapporteur spécial alerte toutefois votre commission sur les limites et, même, les dangers potentiels d'une utilisation qui ne serait pas strictement encadrée des fichiers de police, en particulier le FNAED et le FNAEG .

b) L'amélioration de l'équipement et de la protection des fonctionnaires

L'amélioration de l'équipement et de la protection des fonctionnaires pourra compter, en 2012, sur 23,1 millions d'euros en AE et en CP.

Un montant de 15 millions d'euros sera consacré au renouvellement d'une partie du parc de véhicules légers . Environ 800 véhicules pourront ainsi être renouvelés.

Parallèlement, 8 millions d'euros seront utilisés pour le renouvellement d'une partie du parc automobile lourd , soit 135 fourgons de reconnaissance et camions de transport de matériels pour les compagnies républicaines de sécurité (CRS). Ces matériels, acquis pour la plupart sur les crédits de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI 1), feront ainsi l'objet d'un remplacement.

c) Les projets immobiliers

Les projets immobiliers de la LOPPSI 2 reposent sur 32,9 millions d'euros en AE et 41,8 millions d'euros en CP.

Cette ouverture de crédits doit permettre :

- la rénovation du patrimoine immobilier des CRS , dans le cadre d'une rationalisation de l'implantation des structures correspondant aux besoins opérationnels, ainsi que la construction de nouveaux cantonnements en Ile-de-France afin de réduire les coûts d'hébergement des unités ;

- la poursuite de la restructuration de la formation des agents (correspondant à la fermeture de plusieurs sites de formation et à la réalisation des travaux préalables au transfert à Lognes de l'Institut national de la formation des personnels administratifs, techniques et scientifiques) ;

- la modernisation et le développement des capacités des laboratoires de police technique et scientifique ;

- l'amélioration de l'immobilier de la préfecture de police de Paris et de la sécurité publique dans les circonscriptions couvrant des zones sensibles ;

- la poursuite de la modernisation des locaux de garde à vue ;

- la réorganisation des filières « logistiques » de la police, notamment au travers des travaux sur les sites du secrétariat général pour l'administration de la police (SGAP) de Lille Five et de l'établissement central logistique de la police nationale à Limoges, et grâce au développement d'actions de mutualisation avec la gendarmerie nationale, par exemple dans le cas des garages automobiles chargés d'équiper et d'entretenir les véhicules ;

- la poursuite ou le lancement de travaux dans plusieurs commissariats.

Prenant acte de cet effort financier significatif, votre rapporteur spécial insiste toutefois sur la nécessité de l'entretien, du maintien en l'état et également de la modernisation du parc immobilier de la police. Les commissariats souffrent en effet trop souvent d'un état de vétusté avancé ainsi que de l'exiguïté de leurs locaux. Ce dernier point pose d'ailleurs problème dans le cadre de la mise en application de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue 3 ( * ) .

S'agissant de l'état des commissariats, votre rapporteur spécial insiste également sur la nécessité d'en faire un sujet de préoccupation essentiel, dans la mesure où cette question conditionne grandement non seulement les conditions de travail des personnels mais aussi la qualité de l'accueil des usagers et des victimes . Ce thème fait d'ailleurs l'objet de considérations récurrentes dans les rapports annuels du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue.

2. La LOPPSI 2 pour le programme « Gendarmerie nationale »

Au titre de la LOPPSI 2, le programme « Gendarmerie nationale » disposera en 2012 de 134,1 millions d'euros en AE et de 99,6 millions d'euros en CP .

a) Le saut technologique

Le saut technologique sera financé à hauteur de 3,1 millions d'euros en AE et de 15,1 millions d'euros en CP.

Ces crédits permettront le financement des dispositifs de lecture automatisée des plaques d'immatriculation, de moyens de radio de nouvelle génération, de solutions d'analyse des téléphones cellulaires et de moyens de stockage de données numériques. Ils seront également dédiés à l'achat d'équipement de police technique et scientifique, ainsi que de nouvelles tenues motocyclistes et de maintien de l'ordre.

b) Le fonctionnement courant

La LOPPSI 2 finance, enfin, un effort de mise à niveau des dépenses de fonctionnement courant de la gendarmerie pour une enveloppe totale de 50 millions d'euros en AE et en CP.

Cette enveloppe vise, notamment, à couvrir des loyers, des dépenses de fluides et d'entretien courant de l'immobilier, des équipements individuels, le carburant et l'entretien de certains matériels de transport, le fonctionnement de systèmes d'information, et du fonctionnement courant.

c) Les projets immobiliers

L'effort immobilier de la gendarmerie nationale s'appuiera sur des montages classiques en maîtrise d'ouvrage publique et sur des montages innovants suivant la procédure « d'autorisation d'occupation temporaire - location avec option d'achat » (AOT-LOA). Il reposera sur une enveloppe LOPPSI 2 de 81 millions d'euros en AE et de 34,5 millions d'euros en CP.

S'agissant des AE en particulier, 41 millions seront consacrés à la construction de la nouvelle caserne du groupement de gendarmerie départementale du Val d'Oise et du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN) sur le site de Pontoise (Val d'Oise).

Le déménagement du siège de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) à Issy-les-Moulineaux 4 ( * ) induira en 2012 un transfert de 9,6 millions d'euros en AE et de 12 millions d'euros en CP vers le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ». Ce programme supporte en effet les dépenses afférentes à la gestion des immeubles de l'administration centrale du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Mis à disposition en 2012, le nouveau siège de la gendarmerie nationale fait l'objet d'un contrat de conception, de financement, de construction, d'entretien et de maintenance, courant sur une durée de 32 ans et 4 mois. Le coût total de cette opération est chiffré à 455,4 millions d'euros.

E. LA PERFORMANCE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ

1. Des indicateurs de performance très contestables
a) L'harmonisation des indicateurs entre les deux programmes

Le projet annuel de performances (PAP) pour 2011 a tenu compte de la réforme des statistiques de la délinquance , cette réforme étant intervenue dans le courant de l'année 2010 5 ( * ) . Il comprend désormais 5 objectifs et 17 indicateurs pour la police, 7 objectifs et 21 indicateurs pour la gendarmerie.

La présentation des objectifs et leur libellé sont systématiquement harmonisés entre les deux programmes , sauf en ce qui concerne les missions militaires exercées par la gendarmerie (soit deux indicateurs).

Par ailleurs, quatre indicateurs communs aux deux programmes ont été retenus pour être présentés comme indicateurs emblématiques des priorités de l'action du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration en matière de sécurité :

- l'évolution du nombre de crimes et délits en matière d'atteintes aux biens ;

- l'évolution du nombre de crimes et délits en matière d'atteintes volontaires à l'intégrité physique ;

- le taux d'élucidation ;

- le nombre d'accidents, de tués et de blessés sur la route.

Il convient de remarquer que, pour les deux programmes, l'objectif et les deux indicateurs liés à la lutte contre l'immigration irrégulière nombre d'éloignements effectifs » et « nombre d'interpellations d'aidant ») ont été transférés, en 2009, au programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, intégration et asile ».

b) Des indicateurs et des statistiques biaisés

Il convient de regretter que le volet « performance » du PAP de la présente mission s'appuie sur des indicateurs et des statistiques biaisés .

A cet égard, la critique de votre rapporteur spécial porte sur la méthodologie même retenue pour bâtir le PAP. Ainsi, les indicateurs relatifs à l'objectif 1 « Réduire l'insécurité » et à l'objectif 4 « Améliorer le taux d'élucidation des crimes et délits » souffrent-ils du mélange de faits certes tous qualifiés de crimes ou de délits mais en réalité de nature très différente .

Par exemple, l'indicateur 1.2 « Evolution du nombre de crimes et délits en matière d'atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes constatées [en zone police ou gendarmerie] » traite de façon identique des violences sexuelles et les simples menaces de violence.

De même, l'indicateur 1.3 « Evolution du nombre de crimes et délits en matière d'escroqueries et d'infractions économiques et financières constatées [en zone police ou gendarmerie] » opère un amalgame entre les différentes infractions financières et l'emploi d'étrangers sans titre de séjour. En revanche, cet indicateur ne tient pas précisément compte de la cybercriminalité.

L'indicateur 1.4 « Evolution du nombre d'infractions révélées par l'action des services » cumule, lui aussi sans distinction, toutes sortes de délits de nature totalement différentes : les atteintes à l'environnement, le proxénétisme, le travail clandestin ou encore la consommation illégale de stupéfiants.

Enfin, l'intérêt pour le contribuable de connaître le « taux d'engagement des effectifs sur le terrain » (indicateur 1.6) paraît relativement intéressant, mais là encore ce ratio est biaisé. En effet, ainsi que l'indique le PAP, « le système d'information ne permet pas de distinguer le type des emplois », « tous les personnels sont pris en compte » (administratifs, scientifiques, techniques) et la part du travail administratif que doit effectuer un policier n'apparaît pas du tout.

c) Les propositions d'amélioration de la mesure de la performance

Afin de remédier aux lacunes décrites supra et de fournir un tableau réellement représentatif de la performance de la police et de la gendarmerie, votre rapporteur spécial propose la création de plusieurs nouveaux indicateurs, ces créations pouvant être compensées par la suppression de certains indicateurs actuels .

Tout d'abord, un indicateur rendant compte du sentiment d'insécurité pourrait utilement venir enrichir le volet « performance » de la mission. Il serait mesuré par un organisme indépendant et se déclinerait par secteurs (par exemple, les transports publics, les espaces publics, les zones prioritaires de sécurité, les zones rurales, les zones urbaines ou les zones périurbaines).

En outre, un indicateur évaluant la part de l'action des agents consacrée à la prévention et celle dédiée à la répression apporterait un éclairage utile sur la politique menée.

Par ailleurs, le nombre de gardes à vue entrainant une condamnation devrait également figurer dans le PAP.

En matière de vidéosurveillance , un indicateur pourrait aussi utilement venir enrichir le volet « performance » de la présente mission, en mesurant par exemple le nombre d'affaires élucidées grâce à ce type de dispositif.

Concernant la sécurité routière , il serait nécessaire de recenser le nombre d'accidents de la route pour cause d'ivresse, de vitesse ou de drogue (notamment) afin d'observer l'évolution dans le temps de ces types d'accidents ainsi que l'impact des choix politiques en la matière.

Afin de mesurer l'efficience du déploiement de radars (du point de vue du contribuable et du citoyen) , un indicateur portant sur le ratio entre le nombre de radars et le nombre d'amendes enregistrées.

En contrepartie de ces créations, certaines suppressions paraissent possible sans dommage pour la lecture du tableau de la performance de des deux forces de sécurité. C'est le cas de l'indicateur 1.5 « Indice d'évolution de l'efficacité de la surveillance générale sur les atteintes aux biens », qui n'apporte aucun élément d'information pertinent, ou de l'indicateur 1.6 relatif au « taux d'engagement des effectifs sur le terrain » pour les raisons exposées supra . La suppression de ces indicateurs, tels qu'ils sont présentés, semble s'imposer ou, à tout le moins, une modification dans la méthodologie de leur calcul.

De même, en matière de renforcement de l'efficacité dans la lutte contre l'insécurité routière (objectif 3), les indicateurs 3.2 « Indice d'efficacité du dépistage d'alcoolémie sur les accidents corporels dus à l'alcool » et 3.3 « Indice d'efficacité du dépistage des stupéfiants sur les accidents mortels impliquant l'usage de stupéfiants » manquent de lisibilité : ils ne permettent d'observer aucune évolution dans le temps (ces indicateurs n'étant pas disponibles pour 2009 et 2010), ni l'impact réel de la politique menée. En outre, les chiffres présentés en prévision pour 2011 et en cible pour 2012 (soit un indice « supérieur à un ») se prêtent très mal à l'analyse. Au total, ces indicateurs pourraient sans préjudice être également retirés du PAP pour l'avenir.

S'agissant précisément de la méthodologie utilisée pour bâtir les indicateurs actuellement présents dans le PAP, votre rapporteur spécial préconise l'emploi de statistiques judiciaires , qui permettent une meilleure vision de la chaîne pénale ( via la chaîne d'application pénale Cassiopée).

Au total, votre rapporteur spécial se félicite de l'effort d'harmonisation et de maîtrise du nombre des indicateurs. Il souligne cependant que la mission « Sécurité » ne peut se résumer à une « politique du chiffre », essentiellement orientée vers la sanction et la répression. La prévention représente l'autre pilier indispensable de la présente mission et il souhaite, en conséquence, que cette dimension soit mieux prise en compte dans l'évaluation de la performance des forces de sécurité dans les années à venir .

2. La lutte contre la délinquance : les atteintes à l'intégrité physique des personnes augmentent

La baisse de la délinquance, sous toutes ses formes, est le premier objectif de la mission « Sécurité » . La performance en l'espèce est mesurée par l'évolution du nombre de crimes et délits constatés, tant en zone police qu'en zone gendarmerie.

En 2010, la délinquance constatée en matière d'atteintes aux biens a reculé de 1,7 % en zone police et de 2,5 % en zone gendarmerie. Au total, le nombre de crimes et délits constatés est passé de 2 227 649 en 2009 à 2 184 460 en 2010, soit une baisse de 43 189 faits constatés .

Dans le domaine des atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes , la zone police enregistre pour 2010 une augmentation de 3,25 % de la délinquance constatée, tandis que la zone gendarmerie connaît une légère baisse de 0,3 %. Au total, le nombre de crimes et délits constatés est passé de 455 911 à 467 348 en 2010, soit une hausse de 11 437 faits constatés .

L'évolution du nombre de crimes et délits en matière d'escroqueries et d'infractions économiques et financières, aussi bien en zone de police qu'en zone gendarmerie (indicateur 1.3), n'est pas satisfaisante : la prévision actualisée pour 2011 (- 1,5 %) est en effet bien inférieure à la prévision initiale (- 2,5 %). Le Gouvernement n'a pas atteint ses propres objectifs.

Ainsi qu'il l'a indiqué supra , votre rapporteur spécial déplore que le PAP n'offre pas une observation plus fine de la performance en matière de lutte contre l'insécurité. A cet égard, il rappelle que le nombre des cambriolages des habitations principales a fortement augmenté entre octobre 2010 et septembre 2011 . Ainsi, selon le bilan mensuel de l' Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) d'octobre 2011, 28 726 cambriolages de plus ont été enregistrés pendant cette période, soit une augmentation de 17,5 %. De même, la cybercriminalité connaît une croissance forte sous l'effet, par exemple, de l'usurpation d'identité sur internet.

Parallèlement, le taux d'élucidation a connu une évolution défavorable entre 2009 et 2010. En zone police, il atteint 14,72 % pour les atteintes aux biens (contre 14,25 % en 2009), 54,75 % pour les atteintes à l'intégrité physique des personnes (contre 57,2 % en 2009) et 45,52 % pour les escroqueries et les infractions économiques et financières (contre 45,78 % en 2009). En zone gendarmerie, les résultats sont les suivants : 16,85 % pour les atteintes aux biens (contre 17,05 % en 2009), 79,5 % pour les atteintes à l'intégrité physique des personnes (contre 81,17 % en 2009) et 65,2 % pour les escroqueries et les infractions économiques et financières (contre 66,7 % en 2009).

Globalement, la politique menée depuis plusieurs années du chiffre et de l'interpellation se trouve mise en échec , comme en atteste les statistiques en matière de stupéfiants. Ainsi, alors qu'en 2005 on dénombrait 106 773 usages de stupéfiants et 6 057 interpellations pour fait de trafic, on en a relevé en 2010, respectivement, 141 873 et 5 869, soit une hausse de 32,9 % et une baisse de 3,2 % 6 ( * ) .

3. Le bilan de la lutte contre l'insécurité routière

L'exercice 2010 enregistre des résultats satisfaisants en matière de sécurité routière. En zone police , le nombre d'accidents a reculé de 11,7 % (47 937 accidents), tandis que le nombre de tués a fléchi de 4,87 % (1 075 tués).

En zone gendarmerie , le nombre d'accidents a lui aussi baissé : - 10 % (pour un nombre total de 17 926 accidents). Les accidents y sont également moins mortels qu'en 2009, avec un nombre de tués passant de 3 305 en 2009 à 3 085 en 2010 (- 6,7 %).

En réponse aux bilans de l'accidentalité dans sa zone de compétence, la gendarmerie concentre ses efforts sur trois principaux leviers : la lutte contre les conduites addictives (alcool et stupéfiants) , le respect des limitations de la vitesse ainsi que le comportement des jeunes conducteurs et des utilisateurs de deux-roues motorisées.

Dans le domaine de la lutte contre l'insécurité routière, votre rapporteur spécial propose un audit d'évaluation de l'efficacité des radars dits « pédagogiques » . En effet, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, Claude Guéant, a annoncé, le 22 mai 2011, le déploiement d'environ 2 200 « radars pédagogiques » en 2011. Ces radars à vocation préventive informent les automobilistes, sans verbalisation ni sanction, et sont placés « notamment dans les zones dangereuses, y compris sur des itinéraires dans lesquels des radars existent 7 ( * ) », mais à une distance aléatoire de ces derniers en fonction de la configuration des lieux.


* 1 Aujourd'hui ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

* 2 Le ministre de la défense conserve certaines attributions, notamment celles qui s'attachent au statut et aux missions militaires (en particulier extérieures) de la gendarmerie. Il continue d'assurer certains soutiens, comme la solde, le service social ou le maintien en condition de certains équipements.

* 3 En vigueur depuis le 1 er juin 2011, cette réforme prévoit notamment la présence de l'avocat dès la première heure de détention.

* 4 Le siège de la DGGN est actuellement situé à Paris (16 ème ).

* 5 Il convient toutefois de souligner que cette réforme des statistiques de la délinquance n'a pas eu d'incidence sur les séries historiques suivies. En effet, ces séries sont toujours issues des 36 index de l'état 4001, suivi depuis 1972. Aucun biais statistique n'a donc été introduit par la réforme.

* 6 Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), bulletins mensuels de janvier 2006 et de janvier 2011.

* 7 Selon l'annonce faite par le ministre le 22 mai 2011.