M. Serge Dassault, rapporteur spécial

PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. La mission « Engagements financiers de l'État »

Un besoin de financement record, né de la dette accumulée et du déficit budgétaire de l'exercice 2015

1. Le besoin de financement de l'État devrait atteindre en 2015 le niveau record de 196,6 milliards d'euros , soit 10,3 % de plus que le besoin de financement pour 2014 prévu par la loi de finances rectificative du 8 août 2014. Ce montant correspond principalement au déficit budgétaire de l'année, soit 75,7 milliards d'euros, et au refinancement de 119,5 milliards d'euros de dette arrivant à échéance en 2015.

2. Le besoin de financement sera couvert à 95,6 % par l'émission de titres d'État à moyen et long terme, pour un montant de 188 milliards d'euros . Le solde sera financé par une variation positive des disponibilités du Trésor de 4,1 milliards d'euros et par 4 milliards d'euros de recettes de cessions de participations de l'État.

La spirale de la dette camouflée par le niveau exceptionnellement bas des taux d'intérêt

3. L'État est en déficit de 31,4 milliards d'euros avant même de payer les intérêts de sa dette : ceux-ci sont donc financés par emprunt . Cela conduit à une progression autoentretenue de la dette de l'État, alimentée chaque année par la charge des intérêts.

4. Les conséquences de cette dérive de la dette de l'État sont artificiellement camouflées par le niveau extrêmement faible des taux d'intérêt : alors que la dette devrait passer de 1 457,2 milliards d'euros fin 2013 à 1 531,8 milliards d'euros fin 2014, soit une hausse de 5,1 %, la charge de la dette reculerait dans le même temps de 3,9 %.

5. La charge de la dette devrait s'établir en 2015 à 44,3 milliards d'euros, soit une baisse de 2,3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014 mais une hausse de 1,1 milliard d'euros par rapport à l'estimation révisée pour cette même année.

Face au risque de refinancement, la nécessité de réaliser des économies importantes et immédiates sur les dépenses de l'État

6. Le projet de loi de finance prend comme hypothèse une remontée progressive des taux à moyen et long terme , le taux à 10 ans passant d'environ 1,25 % actuellement à 1,9 % fin 2014 puis 2,2 % fin 2015. Un choc plus violent ne peut être exclu tant les doutes des i nvestisseurs et des agences de notation sur la situation économique de la France et la politique de son Gouvernement semblent se renforcer. La défiance des marchés à l'égard de la dette française entraînerait, à travers une augmentation de la prime de risque exigée par les investisseurs, un alourdissement automatique et important de la charge de la dette et donc du déficit budgétaire : chaque point de taux d'intérêt supplémentaire représenterait un coût 2,4 milliards d'euros la première année et 5,3 milliards d'euros la suivante.

7. Le projet de loi de finances pour 2015 se fonde sur une remontée très progressive des taux d'intérêt de la dette française s'inscrivant dans un contexte de redressement du taux de croissance : dans ce cas de figure, un alourdissement du coût de la dette serait effectivement plus soutenable. Toutefois, les hypothèses de croissance du projet de loi de finances semblent excessivement optimistes . Sans mesures rapides destinées à assoir la crédibilité budgétaire de l'État, le scenario d'une crise de défiance à l'égard de la dette française conjuguée à un approfondissement de la crise économique est de plus en plus probable.

8. Le rétablissement d'un excédent primaire est indispensable pour enrayer la mécanique d'accumulation de la dette et réduire le risque de refinancement. Il faut pour cela que l'État se recentre sur ses missions premières et réduise drastiquement les transferts directs ou indirects aux ménages et aux entreprises , y compris lorsqu'ils prennent la forme de dépenses fiscales.

Les autres programmes de la mission

9. Si les crédits du programme 114 « Appels en garantie de l'État » restent pratiquement stables , le programme 145 « Épargne » voit ses crédits passer de 568,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 569,1 millions d'euros en crédits de paiement (CP) à 476,7 millions d'euros en AE et CP, soit une baisse de 16,2 %, essentiellement grâce à la réforme de l'épargne-logement, réalisée par la majorité précédente et entrée en vigueur le 1 er mars 2011, qui, à juste titre, a recentré le plan d'épargne-logement (PEL) sur l'accession à la propriété d'une résidence principale.

MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »

Le présent projet de loi de finances prévoit, pour la mission « Engagements financiers de l'État », 50,9 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 45,2 milliards d'euros de crédits de paiement dont l'évolution est détaillée dans le tableau ci-après, étant précisé que le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque » a été créé au sein de la mission.

Évolution des crédits de paiement de la mission

(en euros)

Programmes et actions

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Variation

PLF 2015 / LFI 2014

117 - Charge de la dette et trésorerie de l'État

44 885 787 998

46 654 000 000

44 337 000 000

-5%

1 - Dette négociable

44 885 787 998

45 740 000 000

43 401 000 000

-5%

2 - Dette non négociable

0

0

-

3 - Trésorerie

0

914 000 000

936 000 000

2%

114 - Appels en garantie de l'État

114 516 142

208 400 000

205 000 000

-2%

1 - Agriculture et environnement

0

1 500 000

1 000 000

-33%

2 - Soutien au domaine social, logement, santé

7 200 000

8 500 000

10 000 000

18%

3 - Financement des entreprises et industrie

379 049

10 000 000

10 000 000

-

4 - Développement international de l'économie française

106 800 000

138 200 000

149 300 000

8%

5 - Autres garanties

137 093

50 200 000

34 700 000

-31%

145 - Épargne

575 888 342

569 072 591

476 700 000

-16%

1 - Épargne logement

572 794 565

565 972 591

474 342 650

-16%

2 - Instruments de financement du logement

3 093 777

3 100 000

2 357 350

-24%

168 - Majoration de rentes

179 184 062

171 000 000

168 000 000

-2%

1 - Participation de l'État aux majorations de rentes viagères

179 184 062

171 000 000

168 000 000

-2%

336 - Dotation en capital du mécanisme européen de stabilité (MES)

6 523 488 000

3 261 744 000

0

1 - Dotation en capital du MES

6 523 488 000

3 261 744 000

0

338 - Augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement

1 617 003 000

0

0

1 - Augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement

1 617 003 000

0

0

Totaux pour la mission (périmètre LFI 2014)

53 895 867 544

50 864 216 591

45 186 700 000

-11%

344 - Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque (LFI 2014 retraitée)

50 000 000

50 000 000

0%

1- Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque (LFI 2014 retraitée)

50 000 000

50 000 000

0%

Totaux pour la mission

50 914 216 591

45 236 700 000

-11%

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances pour 2015

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 prévoyait un recul des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », hors charge de la dette (programme 117) de 1,044 milliard d'euros en 2014 à 0,980 milliard d'euros en 2015. Le montant prévu par le présent projet de loi de finances s'élève à 849 700 000 euros, soit 13,3 % de moins que la programmation.

Écarts à la programmation 2013-2015

Source : réponse au questionnaire budgétaire

I. LE PROGRAMME 117 « CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L'ETAT »

A. UN BESOIN UN FINANCEMENT RECORD ESSENTIELLEMENT COUVERT PAR L'EMISSION DE DETTE

1. Un besoin de financement record

Le besoin de financement de l'État, qui devrait s'élever en 2015 à 196,6 milliards d'euros correspond principalement :

- au déficit budgétaire de l'année, soit 75,7 milliards d'euros ;

- à l'amortissement de titres émis au fil des ans pour financer les déficits des exercices précédents et arrivant à échéance en 2015, pour 119,5 milliards d'euros (dont 2,4 milliards d'euros de suppléments d'indexation versés aux détenteurs d'obligations dont le capital est indexé sur l'inflation).

Les autres besoins de trésorerie s'élèvent à 1,3 milliard d'euros et tiennent compte principalement des décaissements relatifs aux programmes d'investissements d'avenir.

Besoin de financement de l'État

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2014

2014

2015

Exécution

Exécution

LFI

LFR

révisé

PLF

Besoin de financement

187

185,5

176,4

178,3

182,3

196,6

Amortissement de titres d'État à moyen et long terme

97,9

106,7

103,8

103,8

103,8

119,5

valeur nominale

95,3

103,8

103,8

103,8

103,8

117,1

suppléments d'indexation

2,7

2,8

-

-

-

2,4

Amortissement des autres dettes (dettes reprises, etc.)

1,3

6,1

0,2

0,2

0,2

0,1

Déficit à financer

87,2

74,9

70,6

71,9

75

75,7

déficit budgétaire

87,2

74,9

82,6

83,9

87

75,7

investissements d'avenir

-

-

-12

-12

-12

-

Autres besoins de trésorerie *

0,6

-2,2

1,8

2,4

3,3

1,3

* neutralisation des opérations budgétaires sans impact en trésorerie ; décaissements opérés à partir des comptes consacrés aux investissements d'avenir, nets des intérêts versés ; passage de l'exercice budgétaire à l'année civile.

Source : projet annuel de performances pour 2015

Votre rapporteur souligne le poids des déficits passés dans le besoin de financement de l'État. En effet, pour rembourser les obligations arrivant à échéance une année donnée, l'État est conduit à réemprunter sur les marchés les fonds nécessaires : il refinance sa dette (on dit également qu'il la fait « rouler »).

Vie d'une obligation de maturité 5 ans

Source : commission des finances du Sénat

Outre les insuffisances budgétaires de l'État, la nécessité de faire « rouler » la dette découle d'une stratégie de financement tirant profit du fait que le taux d'intérêt demandé par les prêteurs est une fonction croissante de la durée de l'obligation émise : il est moins risqué de prêter à court terme qu'à long terme, le prix réclamé est donc moins élevé. L'État fait ainsi le choix d'émettre une partie importante de sa dette sur des maturités de court ou moyen terme . Ce faisant, il accroît le rythme et le montant annuel du refinancement.

Il faut relever que le besoin en financement de l'année ne prend pas en compte le « roulement » de la dette négociable de l'État de maturité inférieure à un an, constituée de bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF), qui sert à couvrir les décalages de trésorerie infra-annuels. Seule la variation globale de cette dette d'une année sur l'autre est comptée comme ressource positive ou négative dans le tableau de financement (voir infra ). Il n'en demeure pas moins qu'en réalité, s'ajoutent aux émissions de titres de moyen et long terme, constitués d'obligations assimilables du Trésor (OAT) et de bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN), les émissions de BTF qui ont lieu tout au long de l'année. À la fin de l'exercice 2014, le stock de BTF devrait s'établir à 178 milliards d'euros et rester stable en 2015.

Part des amortissements et du solde de gestion
dans le besoin de financement de l'État de 2000 à 2015

en milliards d'euros

en %

Amortissements

Solde

de la gestion

Autres besoins

Besoin de

financement

Amortissements

Solde

de la gestion

Autres besoins

Besoin de

financement

OAT BTAN

dettes reprises

OAT BTAN

dettes reprises

2000

57,1

-

28,5

-

85,6

67%

-

33%

100%

2001

51,3

-

39,3

-

90,6

57%

-

43%

-

100%

2002

59,4

-

50,2

-

109,6

54%

-

46%

-

100%

2003

62,5

-

57,0

-

119,5

52%

-

48%

-

100%

2004

66,5

-

46,4

-

112,9

59%

-

41%

-

100%

2005

65,6

-

47,3

-

112,9

58%

-

42%

-

100%

2006

77,6

2,8

35,4

-

115,8

67%

0

31%

-

100%

2007

69,0

0,6

34,6

-

104,9

66%

1%

33%

-

100%

2008

97,6

10,3

56,4

-

164,0

60%

0

34%

-

100%

2009

110,1

1,6

134,7

-

246,2

45%

1%

55%

-

100%

2010

82,9

4,1

149,6

-

236,9

35%

0

63%

-

100%

2011

94,9

0,6

93,1

-

188,6

50%

0

49%

-

100%

2012

97,9

1,3

83,6

-

182,8

54%

0

46%

-

100%

2013

106,7

6,1

71,9

1,1

185,8

57%

3%

39%

1%

100%

2014

103,8

0,2

75

3,3

182,3

57%

0

41%

2%

100%

2015

119,5

0,1

75,7

1,3

196,6

61%

0

39%

0%

100%

Source : Agence France Trésor

NB : Pour 2014 et pour 2015, le besoin de financement est composé non de l'impact en trésorerie du solde de la gestion (qui sera déterminé dans les lois de règlement respectives) mais de la prévision du déficit à financer.

Ce besoin de financement aurait pu être encore supérieur si l'Agence France Trésor (AFT) n'avait pas procédé, au cours de l'année 2014, à des rachats anticipés de titres à échéance 2015.

Ces rachats se sont établis, sur les sept premier mois de l'année, à 19,3 milliards d'euros et pourraient atteindre, selon les prévisions de Natixis 1 ( * ) , un total de 27 milliard d'euros pour 2014.

En 2013, l'AFT avait déjà racheté pour près de 10 milliards d'euros de titres à échéance 2015, en plus des 13,2 milliards d'euros consacrés à la reprise de titres à échéance 2014.

Ces opérations permettent de lisser les émissions de dette française et de profiter de conditions de taux actuellement très avantageuses (voir infra ). Sans elles, le besoin de financement de l'État pour 2015 s'élèverait donc à 233,6 milliards d'euros.

L'État détient environ 150 milliards d'euros de titres à échéance 2016. S'il souhaite éviter de financer l'intégralité de l'amortissement de ces titres au cours de l'exercice 2016, l'AFT sera très probablement amenée à poursuivre sa politique de rachat en 2015, pour un montant qui pourrait être du même ordre qu'en 2014, soit 27 milliards d'euros. Le montant des émissions de BTAN et d'OAT en 2015 pourrait ainsi atteindre 215 milliards d'euros.

2. Des ressources de financement provenant essentiellement de nouveaux emprunts

Les ressources de financement en 2015 proviennent pour l'essentiel des émissions nouvelles de dette à moyen et long terme nettes de rachats qui s'élèvent à 188 milliards d'euros.

Les titres composant la dette négociable de l'État

« La composition de la dette de l'État a été rationalisée par la création de trois catégories de titres standardisés, les valeurs du Trésor : les OAT, les BTAN et les BTF. Ces titres, dont la coupure nominale est de 1 euro, se distinguent par leur maturité à l'émission.
À compter du 1er janvier 2013 et dans un souci de simplification, les nouveaux titres de références créés sur le moyen terme (de maturité 2 ans et 5 ans) seront désormais émis sous la forme d'OAT (Obligation Assimilable du Trésor) , comme pour les titres de long terme (10 ans et plus). La dénomination spécifique de BTAN (Bon du Trésor à intérêts Annuels) pour les titres de moyen terme n'a en effet plus l'utilité qu'elle avait à l'origine. Les souches de BTAN existantes continueront à être abondées et leur liquidité sera ainsi assurée.

Les obligations assimilables du Trésor (OAT) sont le support de l'endettement à moyen et long terme de l'État. La maturité de ces titres est comprise entre deux et cinquante ans. La plupart des OAT sont à taux fixe et remboursables in fine. Mais le Trésor émet aussi des obligations à taux variable (OAT TEC 10 indexées sur le taux de l'échéance constante à 10 ans) et des obligations indexées sur l'inflation (OATi, OATei).

Les OAT long term e sont émises par adjudication le premier jeudi de chaque mois ; l'État adjuge à cette occasion une ligne à taux fixe d'échéance 10 ans, et si les conditions de marché s'y prêtent, d'autres lignes d'OAT à taux fixe. L'échéance des OAT et la date de paiement du coupon sont fixés au 25 du mois.

Les OAT moyen terme et indexées (TEC 10, OATi, OAT€i) sont émises par adjudication le troisième jeudi de chaque mois, dans la cadre d'un calendrier annuel publié à l'avance ; l'État émet à cette occasion au moins une ligne d'échéance 2 ou 5 ans.

Les bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN) représentaient, jusqu'au 31 décembre 2012, l'endettement à moyen terme de l'État. Leur maturité à l'émission était de deux ou cinq ans. Le dernier BTAN arrivera à échéance le 25 juillet 2017.

Les bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF) sont l'instrument de gestion de trésorerie de l'État. Ils servent à couvrir les fluctuations infra-annuelles de la trésorerie de l'État, qui découlent pour l'essentiel du décalage entre le rythme d'encaissement des recettes et celui du paiement des dépenses, et de l'échéancier d'amortissement de la dette. La maturité des BTF à l'émission est de moins d'un an. Ils sont émis chaque lundi par voie d'adjudication, dans le cadre d'un calendrier trimestriel publié à l'avance et précisant les échéances des bons qui seront mis en adjudication. Un BTF à 3 mois est émis chaque semaine ; s'y ajoute, selon les cas, une émission de BTF semestriels ou annuels. Certains BTF peuvent être émis hors calendrier pour des durées de 4 à 7 semaines en fonction des besoins de trésorerie. »

Source : Agence France Trésor

Le détail du programme d'émission sera annoncé par l'AFT en décembre. Il est prévu que les émissions de dette de court terme (BTF) restent stables.

Les ressources de financement comprennent également :

- les ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement , fixées à 4 milliards d'euros, issues du produit de cession de participations publiques ;

- une contribution des disponibilités du Trésor de 4,1 milliards d'euros ainsi que d'autres ressources de trésorerie (0,5 milliard d'euros) qui représentent le montant des suppléments d'indexation perçus à l'émission des titres indexés.

L'encours des dépôts des correspondants du Trésor 2 ( * ) est stabilisé, de même que l'encours des titres d'État à court terme.

Ressources de financement de l'État

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2014

2014

2015

Exécution

Exécution

LFI

LFR (1)

révisé

PLF

Ressources de financement

187

185,5

176,4

178,3

182,3

196,6

Émissions de titres d'État à moyen et long terme, nettes des rachats

178

168,8

173

173

173

188

Ressources consacrées au désendettement

-

-

1,5

1,5

1,5

4

Variation de l'encours de titres d'État à court terme (+ si augmentation ; - sinon)

-11,2

7,2

-

1,9

4,2

-

Variation des dépôts des correspondants (+ si augmentation ; - sinon)

13,4

-4,2

-

-

-1

-

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État (+ si diminution ; - sinon)

-2

7,9

1,4

1,4

1,6

4,1

Autres ressources de trésorerie

8,9

5,7

0,5

0,5

3

0,5

Source : projet annuel de performance 2015

Les « ressources consacrées au désendettement » et les ressources de trésorerie ne répondent en réalité que marginalement au besoin de financement, dont la couverture se traduit par une augmentation de la dette de l'État.

Couverture du besoin de financement et évolution de la dette
(hors suppléments d'indexation)

Situation fin année N-1

Évolution année N

Situation fin année N

Déficit à financer,
y compris charge de la dette

(A)

Besoin
de financement

(A+B)

Ressources de financement

(C+D+E)

Ressources consacrées au désendettement

(C)

Ressources de trésorerie

(D)

Nouveaux emprunts émis

(E)

Accroissement de la dette

Dette totale

Dette arrivant à échéance en N à refinancer

(B)

Dette totale

(E+F)

Dette continuant à courir
(échéances N+1, N+2,..., N+x)

(F)

Source : commission des finances du Sénat

B. UNE CHARGE DE LA DETTE ANORMALEMENT BASSE EN RAISON DE TAUX D'INTÉRÊT TRÈS FAIBLES

Les crédits du programme 117 s'élèvent à 44,34 milliards d'euros en 2015, soit 43,4 milliards d'euros au titre de la charge de la dette négociable et non négociable (action 1) et 0,94 milliard d'euros au titre des charges de trésorerie (action 3). L'ensemble des crédits sont situés en dehors du périmètre de la norme étroite d'évolution des dépenses (norme « zéro valeur »).

En tenant compte des excédents dégagés par les contrats d'échange de taux d'intérêt (swaps) retracés à la deuxième section du compte de commerce « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État », soit 0,14 milliard d'euros en 2015, la charge nette de la dette devrait s'établir à 44,2 milliards d'euros. Elle enregistrait ainsi une baisse de 536 millions d'euros, soit 1,2 %, par rapport au montant prévu pour 2014 par la loi 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

Charge de la dette

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2014

2015

Exécution

Exécution

Exécution

LFI

LFR (1)

PLF

Charge de la dette (avant swaps)

46 256

46 303

44 886

46 654

44 854

44 337

Gain net des opérations de swaps

322

307

208

122

122

141

Charge nette de la dette (après swaps)

45 934

45 996

44 678

46 532

44 732

44 196

Source : projet annuel de performances pour 2015

L'évolution de la charge de la dette a ainsi été nettement moins dynamique que celle de l'encours de la dette négociable , comme le montre le graphique ci-après.

Évolution comparée 2008-2014
de la charge de la dette et de l'encours de la dette (valeur actualisée)

(en milliards d'euros)

Échelle de gauche : encours de la dette. Échelle de droite : charge de la dette

Source : commission des finances du Sénat

1. La charge de la dette négociable et non négociable

La baisse des taux d'intérêt permet à l'État de se refinancer à moindre coût : les titres remboursés, par anticipation ou à échéance, le sont par l'émission de nouveaux titres de dette à de meilleures conditions.

La faiblesse de l'inflation maintient les provisions pour indexation du capital des titres indexés à un niveau faible.

Charge de la dette (hors trésorerie)

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2014

2015

Exécution

Exécution

Exécution

LFI

LFR

PLF

Charge de la dette (hors trésorerie)

45 782

45 423

43 977

45 740

43 940

43 401

OAT et BTAN

43 891

44 977

43 621

44 507

43 207

42 872

Charge nette d'intérêts *

39 924

41 339

41 849

41 666

41 366

40 997

Provision pour indexation du capital des titres indexés

3 967

3 638

1 772

2 841

1 841

1 875

BTF - Intérêts versés

1 611

206

158

1 127

627

427

Dettes reprises (charge nette)

265

231

180

85

85

82

Frais et commissions de gestion de la dette **

14

9

17

20

20

20

Dette non négociable

1

1

1

1

1

-

* intérêts versés moins recettes de coupons courus à l'émission

** montant global, y compris ceux afférents à la trésorerie

Source : projet annuel de performances pour 2015

Il faut toutefois souligner que l'on observe un écart important entre, d'une part, les prévisions de taux associées à la loi de finances pour 2014 , et, d'autre part, les taux effectivement constatés en 2013 et l'estimation pour 2014 mentionnés dans le projet de loi de finances pour 2015 .

Comparaison des hypothèses
de taux du PLF 2014 et du PLF 2015

Taux à l'émission des BTF à 3 mois (moyenne annuelle)

Taux à l'émission des OAT à 10 ans (moyenne annuelle)

PLF 2014

PLF 2015

PLF 2014

PLF 2015

2013

0,05 %

0,04 %

2,3 %

2,23 %

2014

0,3 %

0,08 %

3,3 %

2,0 %

2015

-

0,05 %

-

2,2 %

Source : commission des finances du Sénat

Le décalage entre les prévisions et l'évolution réelle des taux a conduit à la révision à la baisse de 1,8 milliard d'euros de la charge de la dette par la loi de finances rectificative pour 2014.

Selon les indications du projet annuel de performances pour 2015, il faut s'attendre à ce que la charge de la dette réellement constatée en 2014 se révèle encore inférieure (environ 42,3 milliards d'euros).

Par rapport à cette dernière estimation, la charge de la dette prévue par le projet de loi de finances pour 2015 s'inscrirait donc en hausse de 1,1 milliard d'euros, en raison des scénarios de taux et d'inflation retenus :

- pour les taux à court terme, « sous l'hypothèse d'un maintien jusqu'à la fin de 2015 des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne à leur niveau actuel (0,05 % pour le taux de refinancement depuis la décision du 4 septembre 2014), il est supposé que le taux des BTF à 3 mois (ressorti à -5 points de base lors de l'adjudication du 8 septembre) resterait très bas tout au long de 2015, à un niveau proche du taux de refinancement. Au-delà, il est fait l'hypothèse que ces taux directeurs seraient progressivement relevés, en lien avec le retour de la croissance et avec une inflation se rapprochant de l'objectif de la Banque Centrale Européenne, ce qui tirerait à la hausse le taux des BTF à 6 mois et à 12 mois dès 2015 » ;

- pour les taux à moyen et long terme, « après le point bas atteint début septembre (le taux à l'émission de l'OAT de référence à 10 ans est ressorti à 1,32 % seulement lors de l'adjudication du 4 septembre), le scénario retenu pour la fin de l'année et l'an prochain table sur une remontée progressive des taux (le 10 ans français passerait à 1,9 % fin 2014 et progresserait de 50 points de base en 2015). Cette prévision tient notamment compte d'une possible remontée rapide des taux longs américains qui entraînerait dans leur sillage les taux européens, surtout si la zone euro apparaît moins attractive économiquement pour les investisseurs » ;

- s'agissant de l'inflation, « l'estimation, pour 2015, de la provision pour charge d'indexation du capital des titres indexés s'appuie sur les prévisions d'inflation retenues pour la construction du budget 2015 (+0,9 % en moyenne annuelle pour la France et +1,1 % pour la zone euro). En pratique, du fait du mode de construction des références d'inflation utilisées pour le calcul de cette provision, la charge budgétaire prévue pour 2015 repose sur l'évolution anticipée des prix entre mai 2014 et mai 2015, soit +0,8 % pour la France et +1,0 % pour la zone euro ».

À l'heure où votre rapporteur spécial écrit ce rapport, le taux de l'échéance constante à 10 ans (TEC 10) 3 ( * ) s'établit à 1,25 %.

Taux d'intérêt à court et long terme
selon le projet annuel de performances 2015

Taux à l'émission des BTF à 3 mois (moyenne annuelle)

Taux à l'émission des OAT à 10 ans (moyenne annuelle)

2003

2,22 %

4,17 %

2004

2,00 %

4,20 %

2005

2,06 %

3,48 %

2006

2,84 %

3,73 %

2007

3,87 %

4,23 %

2008

3,59 %

4,37 %

2009

0,62 %

3,69 %

2010

0,37 %

3,17 %

2011

0,70 %

3,38 %

2012

0,04 %

2,70 %

2013

0,04 %

2,23 %

2014 (estimation)

0,08 %

2,0 %

2015 (prévision)

0,05%

2,2 %

Source : projet annuel de performances pour 2015

2. La charge de trésorerie

Les crédits de l'action 3 « Trésorerie de l'État » du programme 117 enregistrent une faible hausse, passant de 914 millions d'euros en 2014 à 936 millions d'euros en 2015 (+ 22 millions d'euros) 4 ( * ) .

Cette charge nette de trésorerie correspond au solde, en recettes, du produit des placements de trésorerie et, en dépenses, de la rémunération des comptes des correspondants (qui ne sont pas tous rémunérés, comme les comptes « courants » des collectivités territoriales), des charges diverses, ainsi que de la rémunération des fonds non consommables destinés au financement des investissements d'avenir prévus par la loi n° 2010-237 de finances rectificative du 9 mars 2010.

Trésorerie de l'État et compte du Trésor

« La trésorerie de l'État est centralisée sur un compte unique qui retrace le solde de l'ensemble des mouvements financiers exécutés par environ 5 000 comptables publics dotés chacun d'un ou plusieurs comptes d'opérations. Au 31 décembre 2013, on dénombrait 6 942 comptes d'opération. Les mouvements afférents à ces comptes d'opérations sont centralisés en temps réel par la Banque de France, dans sa fonction de teneur du compte de l'État, sur un compte unique, dit «compte du Trésor».

En pratique, les mouvements financiers qui affectent le compte du Trésor correspondent aux opérations :

- du budget de l'État, qu'il s'agisse des recettes fiscales et parafiscales ou des dépenses de fonctionnement et d'investissement ;

- des correspondants du Trésor, c'est-à-dire des organismes qui sont tenus de déposer leurs fonds auprès de l'État ;

- de l'Agence France Trésor elle-même, au titre du financement de l'État à moyen et long terme et de la gestion de sa trésorerie (amortissement de la dette venant à maturité, paiements des intérêts, appels de marge, prêts, ...).

L'AFT veille à ce que la situation de trésorerie de l'État rende systématiquement possible le dénouement des opérations financières qui viennent s'imputer sur le compte du Trésor, dans des conditions de sécurité maximale. À cet effet, l'AFT suit en temps réel l'exécution des flux de recettes et de dépenses sur le compte unique du Trésor à la Banque de France. En 2013, ces flux de trésorerie ont atteint 41,7 milliards d'euros en moyenne journalière. »

Source : AFT

Le graphique qui suit montre l'évolution, sous l'axe des abscisses, des recettes de trésorerie et, au-dessus de cet axe, des charges brutes de trésorerie. La courbe représente la charge de trésorerie nette résultant de la différence entre charges brutes et recettes.

Évolution de la charge de trésorerie nette

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

S'agissant des recettes de trésorerie, celles-ci resteraient faibles en 2015 en raison du niveau toujours bas des taux de court terme et devraient s'établir à 12 millions d'euros.

S'agissant des charges, le graphique illustre le poids de la rémunération des fonds non consommables destinés au financement des investissements d'avenir , dont le taux a été fixé une fois pour toutes et ne suit pas l'évolution des conditions de marché . En exécution, cette rémunération est passée de 165 millions d'euros en 2010 à 645 millions d'euros en 2012. La rémunération correspondant aux fonds non consommable du premier programme d'investissements d'avenir (PIA) a atteint son « rythme de croisière » en 2013 à 667 millions d'euros. S'y ajoute, à partir de 2014, la rémunération des fonds supplémentaires prévus par le second PIA, soit 80 millions d'euros en 2015. Au total, la rémunération des fonds des deux PIA devrait s'élever à 751 millions d'euros en 2015 .

Le coût de la rémunération des dépôts des correspondants est en baisse de 105 millions d'euros (de 278 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2014 à 173 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015).

C. LA « BOMBE À RETARDEMENT » DE LA DETTE

1. La hausse continue de la dette sous l'effet des déficits budgétaires successifs

L'encours nominal de la dette négociable de l'Etat devrait augmenter de 71 milliards d'euros entre 2014 et 2015 , correspondant au plafond de la variation de la dette à moyen et long terme 5 ( * ) (70,9 milliards d'euros) et à l'évolution du coût d'indexation (100 millions d'euros), tandis que la dette à court terme resterait stable. Cet encours passera de 1 531,8 milliards d'euros fin 2013 à 1 602,8 milliards d'euros fin 2014, soit une augmentation de 4,6 %.

Évolution de l'encours de la dette négociable

(en milliards d'euros)

encours

fin
2009

fin
2010

fin
2011

fin
2012

fin
2013

fin
2014
(prévision)

fin
2015
(prévision)

Ensemble de la dette - valeur nominale

1 133,5

1 212,3

1 293,9

1 365,5

1 437,6

1 511,0

1 581,9

OAT & BTAN

919,4

1 025,2

1 116,1

1 198,9

1 263,8

1 333,0

1 403,9

BTF

214,1

187,1

177,8

166,6

173,8

178,0

178,0

Supplément d'indexation à la date considérée

14,5

16,7

19,1

20,7

20,2

20,8

20,9

Ensemble de la dette - valeur actualisée (1)

1 148,0

1 229,0

1 313,0

1 386,2

1 457,2

1 531,8

1 602,8

variation d'une année à l'autre

+131,4

+81,0

+84,0

+73,2

+71,0

+74,6

+71,0

Source : réponses au questionnaire budgétaire

(1) Nominal pour les titres à taux fixe ; nominal + supplément d'indexation à la date considérée pour les titres indexés

À la fin août 2014, l'encours de dette négociable de l'État s'élève à 1 524 milliards d'euros en valeur actualisée. Ces données confirment par ailleurs que la part de l'endettement à court terme continue à refluer. Après avoir atteint un pic fin 2009 (18,6 % de l'encours total), les bons du Trésor à taux fixe devraient représenter 11,25 % du stock de dette en valeur nominale à fin 2015 (178 milliards d'euros).

La progression de l'encours de la dette nominale ralentit par rapport aux années de crise 2008 et 2009 : elle s'élève à 5,1 % en 2014, 5,3 % entre 2012 et 2013, 5,6 % entre 2011 et 2012, 6,8 % entre 2010 et 2011 et 7,1 % entre 2009 et 2010.

Elle reste toutefois beaucoup trop élevée . Le Gouvernement développe en effet une stratégie de réduction très lente des déficits publics. L'objectif est de protéger la croissance en mettant à profit le niveau extrêmement bas des taux d'intérêt qui rend la dette publique peu pénalisante.

Cette stratégie est fondée sur une double illusion .

Premièrement, le maintien de déficit élevés, loin de protéger la croissance, déprime la demande privée et inhibe ainsi le reprise économique . En effet, face à ces déficits, les agents économiques attendent une hausse des impôts et une baisse des transferts publics dans le futur (principe d'équivalence ricardienne), donc dépensent moins dès aujourd'hui : on observe historiquement une nette corrélation entre creusement des déficits, hausse de l'épargne des ménages et baisse de l'investissement des entreprises. Au contraire, les exemples étrangers démontrent que la réduction des dépenses publiques est favorable à la croissance.

Deuxièmement, les taux d'intérêt bas ne sont pas un acquis définitif . Ils sont susceptibles de remonter brutalement si les investisseurs achèvent de se convaincre de l'inefficacité de la politique économique du Gouvernement et du caractère non soutenable de sa politique budgétaire. La politique de roulement d'une dette à maturité courte ou moyenne expose particulièrement à ce risque, dont la réalisation aurait un impact majeur sur le solde budgétaire de l'État .

2. Les conséquences potentiellement désastreuses d'une inévitable remontée des taux d'intérêt

Une remontée durable des taux d'intérêt constitue un facteur d'aggravation de la charge de la dette. Le projet annuel de performances présente une simulation d'un choc de 1 % (par rapport au scénario de référence) sur l'ensemble de la courbe à compter de 2015, présentée ci-dessous 6 ( * ) .

Conséquences d'un choc de 1 % sur la courbe des taux d'intérêts

(en milliards d'euros)

Source : projet annuel de performances pour 2015

Comme expliqué précédemment, la propagation du choc au stock de dette est d'autant plus rapide que le rythme de refinancement est élevé. Or, à date du 31 août 2014, 30 % de la dette négociable de l'État présentait une échéance à moins de deux ans (23 % entre deux ans et cinq ans et 47 % à plus de cinq ans).

Comme le relève la rapporteure générale Valérie Rabault dans son rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014, « la seule dégradation des conditions de financement du déficit et de la charge de la dette, qui actuellement bénéficient de taux d'intérêt historiquement bas, serait à très court terme insurmontable ».

Le scénario de remontée progressive des taux de long terme retenu par le présent projet de loi de finances prévoit un retour concomitant à une croissance plus soutenue. Dans cette hypothèse, l'impact positif sur le déficit budgétaire d'une croissance plus élevée peut venir compenser la hausse de la charge de la dette résultant de l'augmentation des taux d'intérêt.

Une hausse des taux sans reprise économique serait beaucoup moins soutenable. Cela pourrait être le cas dans deux hypothèses :

- celle d'un choc inflationniste non anticipé , comme lors des chocs pétroliers des années 1970-1980 ou lors de la forte hausse des prix des matières premières en 2007-2008 ;

- celle d'une forte augmentation de la prime de risque de la France , dans le cadre d'une crise de défiance des marchés financiers . Lorsque les investisseurs n'ont plus confiance en la capacité d'un pays à rembourser sa dette, alors ils demandent des taux d'intérêt plus élevés en contrepartie du risque de défaut. Ceci augmente la charge d'intérêt de la dette du pays concerné, et donc son déficit public. Un cercle vicieux, dont il est difficile de sortir, s'installe.

Cette dernière hypothèse est de plus en plus envisageable à mesure que le Gouvernement fait la preuve de son incapacité à engager les réformes nécessaires au redressement des finances publiques et de l'économie de notre pays . L'érosion de la crédibilité de la France a d'ailleurs commencé à se traduire dans les analyses des agences de notation. L'agence de notation Fitch a ainsi annoncé, le 14 octobre 2014, avoir placé la note « AA + » de la France sous surveillance négative. Cette décision intervient quelques jours après celle de Standard & Poor's qui a confirmé la note « AA » de la ' France tout en abaissant sa perspective, de stable à négative. L'agence Moody's avait adopté la même position en septembre dernier.

Le risque est également renforcé par la confirmation qu'apporte chaque jour la situation de la France au fait, établi par les études économétriques, qu' une dette publique élevée conduit à une croissance faible . Cette croissance faible conduit elle-même à une hausse plus rapide de l'endettement public si les mesures d'ajustement nécessaires ne sont pas rapidement prises. S'enclenche alors également un cercle vicieux conduisant potentiellement au défaut .

Il faut par ailleurs souligner qu'une reprise de l'inflation aurait un impact important sur la charge de la dette du fait de l'indexation de certains titres de dette. La provision pour charge d'indexation du capital des titres indexés est par construction très sensible au risque inflationniste. Un point d'inflation en plus représente 1,8 milliard d'euros de provision supplémentaire. Toutefois, cette provision constatant une charge payable dans le futur, l'impact budgétaire de cette hausse ne se traduirait pas immédiatement en trésorerie.

3. L'effet « boule de neige » et la nécessité de dégager un excédent primaire

L'État est en déficit de 31,4 milliards d'euros avant même de payer les intérêts de sa dette : ceux-ci sont donc financés par emprunt . Cela conduit à une progression autoentretenue de la dette de l'État, alimentée chaque année par la charge des intérêts.

Cette situation est d'autant plus inquiétante que le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) français devrait ressortir à 0,4% en 2014, selon les dernières prévisions de l'INSEE, soit un niveau inférieur au taux d'intérêt de la dette publique française. Cette situation conduit à l'enclenchement d'un « effet boule de neige » qui augmente mécaniquement le ratio entre endettement public et PIB.

Le rétablissement d'un excédent primaire, de l'État comme de l'ensemble des administrations publiques, est indispensable pour enrayer la mécanique d'accumulation de la dette et réduire le risque de refinancement. Il faut pour cela que l'État se recentre sur ses missions premières et réduise drastiquement les transferts directs ou indirects aux ménages et aux entreprises , y compris lorsqu'ils prennent la forme de dépenses fiscales.


* 1 Special report, recherche économique, 1er octobre 2014, n° 129.

* 2 Les correspondants du Trésor sont les entités qui, par obligation législative, réglementaire ou par convention, disposent d'un compte ouvert dans les livres du Trésor, auprès d'un comptable public. Le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique du 7 novembre 2012, entré en vigueur au 1 er janvier 2013, réaffirme le principe de l'obligation, pour les organismes publics, de déposer leurs fonds au Trésor. Les encours déposés sur le compte du Trésor par les correspondants, en particulier par les collectivités territoriales et leurs établissements publics au titre de la loi organique relative aux lois de finances, constituent une ressource stable pour la trésorerie de l'État.

* 3 Indice quotidien, publié par l'AFT, des rendements des emprunts d'État à long terme correspondant au taux de rendement actuariel d'une obligation du Trésor fictive dont la durée serait de 10 ans. Il est calculé par interpolation linéaire à partir des cotations, données par les SVT (Spécialistes en valeurs du Trésor) chaque jour à 10 heures, des deux OAT (Obligation assimilable du Trésor) encadrant le plus près la maturité théorique de 10 ans.

* 4 Toutefois, comme l'indique le Rapport annuel de performance pour l'exercice 2013, « dans la mesure où l'action « Trésorerie » peut présenter un excédent de recettes sur les dépenses, il a été décidé de regrouper, pour le calcul des versements à destination du compte de commerce, les dépenses et recettes de trésorerie avec celles de l'action «Dette«. Aucun versement n'est donc enregistré au niveau comptable en exécution sur l'action «Trésorerie«, même si cette dernière affiche un solde négatif sur l'exercice . Pour assurer la bonne information du Parlement, un suivi extracomptable permet de ventiler les versements entre les deux actions et de retracer ainsi la consommation des crédits action par action. »

* 5 Plafond fixé par l'article d'équilibre du présent projet de loi de finances, conformément à l'article 34 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 6 Cette simulation correspond à « une optique ?maastrichtienne«, avec une charge agrégeant intérêts courus et étalement des primes et décotes à l'émission ». Dans le cadre de sa politique d'émission à moyen et long terme, l'Agence France Trésor complète les émissions sur lignes nouvelles par la réouverture d'anciennes « souches ».