MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud, rapporteurs spéciaux

III. EN DÉPIT D'UN NIVEAU DE DÉPENSE ÉLEVÉ, LE SYSTÈME SCOLAIRE FRANÇAIS ENREGISTRE DES RÉSULTATS DÉCEVANTS

A. UN QUASI DOUBLEMENT DE LA DÉPENSE EN FAVEUR DE L'ÉDUCATION DEPUIS 1980

La dépense intérieure d'éducation (DIE) correspond à l'ensemble des dépenses effectuées en faveur de l'enseignement scolaire, tous financeurs confondus (État, collectivités territoriales, entreprises et ménages).

Comme le montre le tableau ci-après, entre 1980 et 2013, la DIE a progressé de 97 % en euros constants, passant de 64,6 milliards d'euros à 127,4 milliards d'euros.

Par élève, cette dépense s'élevait en moyenne à 4 520 euros en 1980 contre 8 320 euros en 2013 (+ 84 %).

Évolution de la dépense intérieure d'éducation

1980

2000

2011

2012

2013

Dépense intérieure d'éducation (DIE)

- aux prix courants (en milliards d'euros)

25,2

92,9

124,3

125,3

127,4

- aux prix 2013 (en milliards d'euros)

64,6

114,1

126,8

126,3

127,4

DIE/PIB en %

5,6%

6,3%

6,0%

6,0%

6,0%

DIE / habitant aux prix 2013 (en euros)

1 360

2 120

2 140

2 130

2 140

Dépense moyenne par élève

- aux prix courants (en euros)

1 760

6 200

8 210

8 220

8 320

- aux prix 2013 (en euros)

4 520

7 610

8 370

8 280

8 320

Source : Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance

Comme le montre le tableau ci-après, entre 1980 et 2013, la DIE a progressé de 97 % en euros constants, passant de 64,6 milliards d'euros à 127,4 milliards d'euros.

B. LES ÉTUDES INTERNATIONALES SOULIGNENT LES RÉSULTATS MÉDIOCRES DE L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE FRANÇAIS

L'augmentation de la dépense intérieure de l'éducation ne s'est pas traduite par une amélioration significative des performances du système scolaire français.

À partir de 2000, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a mis en oeuvre le programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) qui vise à évaluer la capacité des jeunes de 15 ans « à relever les défis de la société de la connaissance » . Menée tous les trois ans, l'enquête Pisa couvre trois domaines : la compréhension de l'écrit, la culture mathématique et la culture scientifique.

- En 2012, la France obtenait un score global de 495 en culture mathématique, qui la situe dans la moyenne des 34 pays de l'OCDE (cf. graphique ci-après). Ce résultat est toutefois inférieur de 16 points à celui obtenu en 2003. Cette baisse peut être mise en relation avec l'augmentation du nombre d'élèves en difficulté selon les critères de Pisa : la part des élèves de 15 ans qui ne possèdent pas les compétences et connaissances mathématiques leur permettant de faire face aux situations de la vie courante passe en France de 16,6 % à 22,4 %, alors que sur la même période cette part évolue peu en moyenne pour l'OCDE.

La performance des élèves français de 15 ans scolarisés en seconde générale et technologique (score moyen de 546) est comparable aux scores obtenus par les meilleurs pays de l'OCDE. En revanche, les élèves ayant un an de retard, scolarisés en troisième générale, obtiennent un score de 411.

La dispersion des résultats des élèves français sur l'échelle de score est plus grande en 2012 qu'en 2003 : l'écart entre les 25 % les plus faibles et les 25 % les plus performants augmente de 10 points, ce qui place la France parmi les pays les plus inégalitaires selon ce critère. Le contraste avec l'Allemagne est particulièrement saisissant puisque celle-ci voit diminuer cet écart de 10 points.

L'édition 2012 de Pisa montre l'augmentation du poids des déterminismes sociaux sur la performance des élèves français. Alors que les scores des élèves les plus favorisés situent la France parmi les pays les plus performants, les scores des élèves les plus défavorisés la placent en bas du tableau international.

- Avec un score moyen de 505 en compréhension de l'écrit, la France se situe légèrement au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE (cf. graphique ci-après).

La part des élèves français en difficulté passe de 15,2 % à 18,9 % entre 2000 et 2012, alors que sur la même période la part des faibles niveaux diminue légèrement dans la moyenne des pays de l'OCDE. Parallèlement, la proportion d'élèves dans les hauts niveaux passe de 8,5 % à 12,9 % alors qu'elle reste stable dans la moyenne des pays de l'OCDE.

- Avec un score de 499 en culture scientifique, les résultats de la France sont stables et se situent dans la moyenne des pays de l'OCDE (cf. graphique ci-après).

Résultats des pays sur l'échelle internationale de culture mathématique (Pisa 2012) et position des élèves en France en fonction de la classe fréquentée

Source : réponse au questionnaire budgétaire

La largeur des rectangles traduit l'intervalle de confiance autour de la moyenne qui correspond à l'erreur d'échantillonnage. Les élèves de l'échantillon français sont situés sur la ligne de la France en fonction du score moyen de la classe fréquentée.

Résultats des pays sur l'échelle internationale de compréhension de l'écrit (Pisa 2012)

Source : réponse au questionnaire budgétaire

La largeur des rectangles traduit l'intervalle de confiance autour de la moyenne qui correspond à l'erreur d'échantillonnage.

Résultats des pays sur l'échelle internationale de culture scientifique (Pisa 2012)

Source : réponse au questionnaire budgétaire

La largeur des rectangles traduit l'intervalle de confiance autour de la moyenne qui correspond à l'erreur d'échantillonnage.

C. UNE ALLOCATION DES MOYENS NE REPOSANT PAS SUR UNE OFFRE SCOLAIRE MAÎTRISÉE

1. Une offre de formation pléthorique et dispersée

En 2010, la Cour des comptes 7 ( * ) critiquait le coût de l'éparpillement de l'offre de formation. Elle relevait ainsi qu'un tiers de l'ensemble des heures d'enseignement n'étaient pas effectués en classes complètes mais en petits groupes. Elle notait que cet éparpillement était dû au grand nombre de filières dans l'enseignement professionnel mais aussi à la multiplication des matières et des options dans les lycées généraux et technologiques.

Or, force est de constater, cinq plus tard, que le nombre d'options demeure élevé. Dès lors, une réflexion pourrait être utilement menée sur la pertinence du maintien de certaines options.

Cet éparpillement de l'offre scolaire est également géographique. La Cour des comptes notait dans son rapport de 2010 que si, en 1990, les « divisions » (classes) des lycées généraux et technologiques comptaient 30 élèves en moyenne, contre un peu plus de 24 pour les collèges et un peu moins de 23 pour les lycées professionnels publics et privés, ces chiffres étaient ramenés, à la fin des années 2000, à 28 élèves pour les lycées généraux et technologiques et à 19 élèves pour les lycées professionnels publics et privés. Il apparaît dès lors indispensable de s'interroger sur la pertinence du maintien de certains établissements au regard de la faiblesse de leurs effectifs.

2. Une dépense excessivement concentrée sur le second degré

Le système scolaire français se singularise par rapport aux autres pays de l'OCDE par la part prépondérante des dépenses en faveur de l'enseignement secondaire dans le total des dépenses consacrées à l'enseignement scolaire. Dans le présent projet de loi de finances, 46,7 % des crédits de la mission « Enseignement scolaire » sont ainsi dédiés à l'enseignement dans les collèges et les lycées.

Pourtant, le premier degré constitue le lieu où sont enseignés les apprentissages les plus fondamentaux. Sa valorisation apparaît donc comme un préalable indispensable à la mise en oeuvre d'une politique éducative.

La définition d'un socle commun des connaissances et des compétences par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République avait ainsi pour objectif de fixer une liste de connaissances fondamentales devant être maîtrisées à l'issue de la scolarité dans le premier degré.


* 7 Cour des comptes, L'éducation nationale face à l'objectif de réussite de tous les élèves, mai 2010.