M. Roger KAROUTCHI, rapporteur spécial

II. UNE MISSION STABLE, CONCENTRÉE SUR LES DÉPENSES LIÉES AUX DEMANDES D'ASILE

A. UNE MAQUETTE RELATIVEMENT STABLE

L'architecture de la mission « Immigration, asile et intégration » est globalement stable par rapport à la loi de finances pour 2014. Elle reste constituée de deux programmes seulement :

- le programme 303 « Immigration et asile » , qui porte notamment les dépenses liées aux demandes d'asile et les crédits de lutte contre l'immigration irrégulière ;

- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » , qui porte les crédits de l'intégration des étrangers en situation régulière, en particulier la subvention de l'Etat à l'OFII, les crédits d'intégration des étrangers et les dépenses liées à l'hébergement des réfugiés.

Deux mesures de transfert mineures sont à noter. Au programme  303, l'action  4 porte les dépenses de fonctionnement de la direction générale des étrangers en France, « état-major » de la politique d'immigration et d'intégration rattaché au ministère de l'intérieur. Or, à compter de 2015, dans le cadre du déménagement des services parisiens vers un site unique, les loyers budgétaires seront désormais portés par le programme  216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ». Cela correspond à une diminution d'environ 5 millions d'euros des crédits de paiement de cette action.

Au programme  104, les crédits de fonctionnement de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration disparaissent pour être désormais rassemblés au sein du programme  224 de la mission « Culture » (2,4 million d'euros en 2014).

Il convient de noter que, sans que cela emporte de modification de périmètre ni d'évolution des crédits qui leur sont destinés, les actions du programme  104 reçoivent de nouveaux intitulés qui visent, selon les termes du projet annuel de performances, à mieux correspondre aux nouvelles « phases » d'intégration des étrangers conformément au projet de loi relatif à l'immigration précédemment mentionné :

- l'action  11 « Accueil des primo-arrivants » portera la première phase du parcours d'intégration, pris en charge par l'OFII ;

- l'action  12 « Action d'intégration des étrangers en situation régulière » portera la seconde phase de ce parcours, en accompagnant les étrangers vers le niveau de langue supplémentaire (A2) qui constituera désormais une condition de délivrance de la carte de résident ;

- l'action  14 « Naturalisation et accès à la nationalité française » porte les crédits de la sous-direction de la naturalisation, qui « constitue l'aboutissement d'un parcours d'intégration réussi » selon les termes du projet annuel de performances.

- l'action  15 « Accompagnement des réfugiés » continue, quant à elle, de financer l'hébergement et l'accompagnement social des personnes à qui le statut de réfugié a été accordé.

En procédant à ces modifications d'intitulés, le Gouvernement s'engage à peu de frais dans la réforme qu'il initie . Votre rapporteur spécial ne peut que regretter que la programmation budgétaire ne prévoie pas en conséquence l'augmentation significative des moyens dédiés à l'intégration, qui conditionnera la réussite de ce parcours rénové, en particulier s'agissant du niveau de langue exigé des étrangers.

B. UNE CONCENTRATION SUR LES DÉPENSES D'ASILE

D'un point de vue budgétaire, la répartition des crédits de la présente mission est très inégale, le programme  303 représentant plus de 90 % des crédits de la mission demandés pour 2015. Ce déséquilibre est d'ailleurs renforcé par le présent projet de loi de finances, puisque les dépenses d'asile continuent d'augmenter, tandis que celles liées à l'intégration continuent de se réduire, comme l'illustre le tableau récapitulatif ci-dessous.

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration »

(en euros)

Autorisations d'engagement

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Variation

Programme 303 - Immigration et asile

635 790 435

586 657 000

596 882 140

1,48%

Action 1 - Circulation des étrangers et politique des visas

485 620

1 495 000

1 420 000

-5,02%

Action 2 - Garantie de l'exercice du droit d'asile

542 231 015

498 547 000

509 731 000

2,24%

Action 3 - Lutte contre l'immigration irrégulière

62 182 634

63 410 000

63 627 000

0,34%

Action 4 - Soutien

30 891 166

23 205 000

22 104 140

-4,74%

Programme 104 - Intégration et accès à la nationalité française

79 475 744

60 765 700

59 077 000

-2,78%

Action 11 - Accueil des étrangers primo-arrivants

13 424 696

10 985 300

10 765 594

-2,00%

Action 12 - Accompagnement des étrangers primo-arrivants

40 185 137

34 378 334

30 985 478

-9,87%

Action 14 - Accès à la nationalité française

6 234 995

1 256 500

1 159 800

-7,70%

Action 15 - Accompagnement des réfugiés

19 630 916

14 145 566

16 166 128

14,28%

Total 2015 pour la mission

715 266 179

647 422 700

655 959 140

1,32%

Crédits de paiement

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Variation

Programme 303 - Immigration et asile

629 895 763

597 457 000

606 456 140

1,25%

Action 1 - Circulation des étrangers et politique des visas

606 857

1 495 000

1 420 000

-5,02%

Action 2 - Garantie de l'exercice du droit d'asile

542 259 489

498 547 000

509 731 000

2,24%

Action 3 - Lutte contre l'immigration irrégulière

63 450 027

73 411 000

73 802 000

0,53%

Action 4 - Soutien

23 579 390

24 004 000

21 503 140

-10,42%

Programme 104 - Intégration et accès à la nationalité française

75 092 142

61 329 200

59 640 000

-2,75%

Action 11 - Accueil des étrangers primo-arrivants

13 424 696

10 985 300

10 765 594

-2,00%

Action 12 - Accompagnement des étrangers primo-arrivants

40 142 403

34 378 334

30 985 478

-9,87%

Action 14 - Accès à la nationalité française

1 899 431

1 820 000

1 722 800

-5,34%

Action 15 - Accompagnement des réfugiés

19 625 612

14 145 566

16 166 128

14,28%

Total 2015 pour la mission

704 987 905

658 786 200

666 096 140

1,11%

Source : commission des finances

Le projet de loi de finances pour 2015 ne fait ainsi que renforcer la concentration de la mission sur quelques dispositifs d'intervention, au premier rang desquels les dispositifs contraints liés à l'accueil des demandeurs d'asile (CADA, hébergement d'urgence, ATA), qui représentent plus des trois quarts des dépenses de la mission, ainsi que les crédits de lutte contre l'immigration irrégulière (frais de fonctionnement des centres de rétention administrative, accompagnement social des étrangers en situation irrégulière, frais de reconduite à la frontière).

Cette répartition témoigne de l'urgence d'une réforme qui permette d'assurer la soutenabilité financière de la présente mission en réduisant la dépense liée à l'asile par un traitement plus efficace des demandes déposées.

Répartition des crédits de paiement demandés pour 2015

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances

C. UNE POLITIQUE PLUS LARGE QUE LA SEULE MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION »

Si le décret d'attribution du 24 mai 2012 confirme que le ministère de l'intérieur est chargé à titre principal de la mise oeuvre des politiques publiques en matière d'immigration, d'asile et d'intégration, sept autres ministères mènent des actions qui y sont rattachées :

- le ministère des affaires étrangères et du développement international , en particulier au titre de la politique des visas dans les consulats ;

- le ministère de la justice , notamment au titre de la justice des étrangers ;

- le ministère des finances et des comptes publics , à travers notamment la question de l'immigration économique ;

- le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes , en particulier au titre de l'aide médicale d'Etat (AME), mais aussi de la lutte contre les exclusions et la pauvreté (par exemple le revenu de solidarité active qui bénéficie aux réfugiés) ;

- le ministère de la ville, de la jeunesse et des sports , au titre notamment de l'hébergement et de l'accès au logement ;

- le ministère du travail , notamment au titre des autorisations de travail et de la lutte contre le travail illégal ;

- le ministère de la culture et de la communication au titre de la politique linguistique et de la tutelle sur la Cité nationale de l'histoire de l'immigration de la Porte Dorée ;

- le ministère de l'éducation nationale , à travers la scolarisation et l'intégration des jeunes migrants.

En outre, il convient de souligner que le Conseil d'Etat, auquel est rattachée la Cour nationale du droit d'asile, est également partie prenante, du point de vue contentieux, de l'admission et de l'intégration des étrangers.

Au total, le document de politique transversale « Politique française de l'immigration et de l'intégration » estime à environ 4,4 milliards d'euros les dépenses de l'Etat en 2015 liées à l'immigration et à l'intégration des étrangers.