M. Roger KAROUTCHI, rapporteur spécial

II. LE PROGRAMME 104 « INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE »

Le programme  104 regroupe les crédits d'intervention consacrés à l'intégration des étrangers et des réfugiés et s'articule autour de quatre actions dont l'intitulé a été rénové pour tenir compte de la réforme de l'immigration en cours d'examen à l'Assemblée nationale :

- l'action  11 « Accueil des étrangers primo-arrivants », qui porte la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- l'action  12 « Accompagnement des étrangers primo-arrivants », qui finance les actions d'intégration des étrangers en situation régulière hors OFII ;

- l'action  14 « Accès à la nationalité française », qui porte les crédits de fonctionnement de la sous-direction des naturalisations ;

- l'action  15 « Accompagnement des réfugiés », qui finance les actions d'intégration des réfugiés et, en pratique, essentiellement les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH) .

Ce programme représente, avec 59,6 millions d'euros prévus en 2015 , seulement 8,9 % des crédits de paiement de la mission . La diminution des crédits se poursuit donc, puisque les dotations étaient de 79,4 millions d'euros en 2010 et encore de 61,3 millions d'euros en 2014. Il convient de souligner que les fonds de concours sont cependant en forte hausse , puisque 13,6 millions d'euros en sont attendus, contre 7,6 millions d'euros en 2014.

Évolution des crédits de paiement du programme 104

(en millions d'euros)

Crédits de paiement

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Variation

Programme 104 - Intégration et accès à la nationalité française

75 092 142

61 329 200

59 640 000

-2,75%

Action 11 - Accueil des étrangers primo-arrivants

13 424 696

10 985 300

10 765 594

-2,00%

Action 12 - Accompagnement des étrangers primo-arrivants

40 142 403

34 378 334

30 985 478

-9,87%

Action 14 - Accès à la nationalité française

1 899 431

1 820 000

1 722 800

-5,34%

Action 15 - Accompagnement des réfugiés

19 625 612

14 145 566

16 166 128

14,28%

Autorisations d'engagement

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Variation

Programme 104 - Intégration et accès à la nationalité française

79 475 744

60 765 700

59 077 000

-2,78%

Action 11 - Accueil des étrangers primo-arrivants

13 424 696

10 985 300

10 765 594

-2,00%

Action 12 - Accompagnement des étrangers primo-arrivants

40 185 137

34 378 334

30 985 478

-9,87%

Action 14 - Accès à la nationalité française

6 234 995

1 256 500

1 159 800

-7,70%

Action 15 - Accompagnement des réfugiés

19 630 916

14 145 566

16 166 128

14,28%

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015

A. L'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTÉGRATION : STABILITÉ DES CRÉDITS, AUGMENTATION DES MISSIONS

Créé par l'article 67 de la loi  2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dispose d'une compétence générale en matière d'intégration des étrangers en situation régulière dans les cinq premières années de résidence sur le territoire français .

En particulier, l'office finance, au sein du parcours d'intégration, les formations linguistiques et civiques et organise les visites médicales obligatoires, le bilan de compétences professionnelles, etc.

Il est financé par trois principales ressources :

- des taxes affectées , correspondant aux droits de timbre acquittés par les étrangers ou aux taxes sur la main d'oeuvre étrangère due par les entreprises, pour un montant d' environ 140 millions d'euros en 2014 ;

- une subvention pour charges de service public de l'Etat , portée par le présent programme, pour un montant de 10,9 millions d'euros en 2014 ;

- diverses ressources , en particulier les crédits du fonds européen « Réfugiés, Intégration et Retour ».

L'OFII voit ses ressources stabilisées entre 2014 et 2015 . En effet, le plafond de ressources affectées, fixé à 140 millions d'euros, n'est pas abaissé par le présent projet loi de finances. En outre, la subvention pour charges de service public est stable, puisqu'elle est prévue à 10,8 millions d'euros en 2015, soit une diminution de seulement 0,1 million d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. De même, le plafond d'emplois, à 801 équivalents temps plein, n'est pas modifié .

Cette stabilisation des crédits ne tient toutefois pas compte de la suppression totale de la subvention 2014 à l'occasion de la loi de finances rectificative pour 2014 , qui a réduit de 10 millions d'euros les crédits du programme 104, réduction portée en pratique par l'OFII qui va devoir prélever sur son fond de roulement.

En tout état de cause, les moyens prévus pour 2015 ne suffiront pas pour permettre à l'Office de remplir les nouvelles missions qui lui sont confiées par les deux réformes mentionnées précédemment .

En effet, ces deux textes induisent pour l'OFII d'importantes évolutions :

- le premier accueil des demandeurs d'asile , ainsi que la primo-évaluation des demandeurs pour estimer leur « vulnérabilité » et adapter ainsi la solution d'hébergement proposée ;

- la gestion de l'ensemble du parc de places en CADA de façon centralisée pour l'attribution des places aux demandeurs d'asile ;

- la gestion de la nouvelle allocation de demande d'asile , qui se substituera à l'allocation temporaire d'attente ;

- le renouvellement du parcours de l'étranger primo-arrivant et, en particulier, le relèvement au niveau A1 (contre A1.1 aujourd'hui) du niveau de langue exigé des étrangers après un an en France.

Ainsi, la stabilité du plafond d'emplois (801 ETPT) masque en réalité une nouvelle répartition des effectifs vers les missions relatives à l'asile , en particulier le premier accueil. Ainsi, 52 ETPT supplémentaires en régions et 9 ETPT supplémentaires en central seront affectés aux missions liées à l'asile, d'après les informations fournies à votre rapporteur spécial.

Certes, des marges de manoeuvre existent, par exemple en rationalisant la visite médicale pour certaines catégories d'étrangers (étudiants notamment). En outre, certaines subventions aux associations devraient diminuer fortement suite à la mise en place d'un guichet unique internalisé s'agissant du premier accueil des demandeurs d'asile (8,5 millions d'euros d'après les réponses au questionnaire budgétaire).

Toutefois, votre rapporteur spécial estime qu'il sera nécessaire, lors du projet de loi de finances pour 2016 qui devrait voir la pleine entrée en vigueur de la réforme, de prévoir un financement significativement rehaussé de l'OFII . Le projet de loi relatif au droit des étrangers identifie correctement la nécessité de renforcer l'intégration des étrangers, en commençant par le socle fondamental que constitue l'apprentissage réel de la langue à un niveau suffisant pour travailler en France : dès lors, le financement du principal opérateur en charge de cette mission devra être adapté en conséquence. L'intégration ne peut plus être le parent pauvre de notre politique publique d'immigration .

B. LA CONCENTRATION DES CRÉDITS D'INTÉGRATION SUR LA FORMATION LINGUISTIQUE

L'action 12 « Accompagnement des étrangers primo-arrivants » est, en termes budgétaires, la principale action du programme . Les crédits de paiement prévus au titre de cette action sont en baisse sensible , puisqu'ils passent de 34,3 millions d'euros à 30,9 millions d'euros. Cette diminution s'explique essentiellement par une mesure de transfert , à savoir la disparition de la subvention pour charges de service public au bénéfice de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI) de la Porte Dorée, pour 2,4 millions d'euros. Son financement sera ainsi désormais porté intégralement par le programme  224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture ».

L'action recouvre d'abord, pour 21,5 millions d'euros (en légère baisse de 0,4 million d'euros), des actions d'intégration des étrangers . Il s'agit, en pratique, de subventions à des associations et au soutien de projets d'accompagnement des étrangers. Le projet annuel de performances indique que cette action financera désormais la « deuxième phase » de l'intégration des étrangers ; elle prendra ainsi le relais de l'OFII au terme de la première année d'intégration pour compléter la formation, notamment linguistique, des étrangers.

A cet égard, le directeur général des étrangers en France a indiqué à votre rapporteur spécial que l'exercice budgétaire 2014 et, plus encore, l'exercice budgétaire 2015, seront l'occasion de concentrer les crédits alloués vers la formation linguistique , qui devra constituer le coeur de l'action d'intégration. Cette évolution, à laquelle votre rapporteur spécial souscrit, est cohérente avec l'objectif affiché par le projet de loi relatif au droit des étrangers, qui prévoit que la délivrance de la carte de résident sera conditionnée à l'atteinte du niveau A2 du cadre européen de référence.

Par ailleurs, l'action finance également, pour 9,5 millions d'euros en AE=CP, la réhabilitation (engagée en 1997) des foyers des travailleurs migrants, qui sont progressivement transformés en résidences sociales - ce qui permet de solvabiliser les résidents par les aides personnalisées au logement, mais implique des travaux importants de mise aux normes. Plus précisément, l'action ne finance pas les dépenses d'investissement ainsi réalisées, mais les surcoûts liés à ces travaux (baisse des loyers perçus par les gestionnaires, accompagnement social, aide transitoire au logement, etc.).

C. DES ACTIONS D'INTÉGRATION DES RÉFUGIÉS LIMITÉES AUX CENTRES PROVISOIRES D'HÉBERGEMENT

L'action  15 du programme  104 porte les crédits qui prolongent l'action 2 du programme 303, puisqu'elle finance les actions mises en oeuvre pour les réfugiés , une fois leur qualité reconnue par une décision de l'OFPRA ou de la CNDA. A cet égard, il est frappant de constater la disproportion entre les moyens alloués pour les demandeurs d'asile , qui s'élèvent à plus de 509 millions d'euros et les moyens qui sont destinés à l'intégration de ceux qui, parmi ces demandeurs, se sont vus reconnaître la qualité de réfugiés et, partant, ont vocation à demeurer en France, voire à accéder à la nationalité française, pour seulement 16,2 millions d'euros en 2015.

En pratique, l'action  15 finance exclusivement les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH) et les dispositifs remplissant des missions équivalentes. La dotation pour 2015 s'établit à 16,2 millions d'euros, contre 14,1 millions d'euros en 2014 (+ 14 %) .

Les CPH sont des centres d'hébergement, qui ressortissent de la réglementation des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), et qui sont destinés à l'accueil et à l'accompagnement des réfugiés. Avec un total de 1 083 places réparties dans 28 centres collectifs ou diffus , les CPH n'accueillent toutefois qu'une faible proportion des personnes à qui le statut de réfugié est annuellement reconnu (environ 10 000 personnes). En principe, les CPH accueillent les personnes les plus vulnérables, mais l'attribution des places, en pratique, résulte d'une discussion locale entre la direction départementale de la cohésion sociale et les associations gestionnaires, qui imposent souvent leurs propres critères.

Le coût moyen journalier à la place est estimé en 2015 à 29,55 euros ; il existe cependant de très fortes disparités de coûts entre les différents centres, qui résultent notamment d'une grande hétérogénéité dans les prestations fournies .

L'augmentation significative des crédits résulte du fait que, pour la première fois, est budgétée en 2015 la dotation pour les centres complémentaires aux CPH qui accomplissent les mêmes missions sans en avoir le statut . Il s'agit de deux centres :

- le dispositif provisoire d'hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS) , géré par France Terre d'Asile et qui fournit des appartements collectifs en région parisienne ; il représente en réalité le plus important dispositif d'hébergement des réfugiés en région parisienne, avec 300 places (et non 220 places comme indiqué par erreur dans le projet annuel de performances) ;

- le dispositif « CADA Insertion des réfugiés » (CADA-IR) géré par l'association Forum réfugiés, en région lyonnaise.

En comptant d'autres actions plus ponctuelles (bourses étudiantes, soutien associatif, etc.), cette dotation complémentaire s'élève à 4,49 millions d'euros en 2015 .

Dans le cadre de son contrôle budgétaire en cours sur les CPH et les dispositifs associés d'accueil et d'intégration des réfugiés, votre rapporteur spécial a pu constater la très forte hétérogénéité des dispositifs mis en place et, surtout, l'absence totale de pilotage stratégique par l'Etat , qui se contente de verser des subventions, globalement stables, aux associations gestionnaires. On ne peut à cet égard que regretter qu'il n'y ait pas, en matière d'intégration des réfugiés - qui doit pourtant être l'aboutissement réussi d'un processus d'asile - de politique de l'Etat aussi structurée et déterminée qu'en matière d'accueil temporaire des demandeurs d'asile .