M. Philippe Dominati, rapporteur spécial

II. LA PR OGRAMMATION PLURIANNUELLE : UNE HAUSSE DES DÉPENSES DE PERSONNEL EN PARTIE COMPENSÉE PAR DES ÉCONOMIES RÉSULTANT D'UNE MUTUALISATION ACCRUE ENTRE LA POLICE ET LA GENDARMERIE

Le respect de la programmation pluriannuelle est délicat à établir au regard de l'évolution du périmètre de la mission « Sécurités », à laquelle sont intégrés depuis l'an dernier les crédits de la sécurité civile.

Toutefois, les crédits des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » (17,74 milliards d'euros en AE et 17,76 milliards d'euros en CP) constituent une part prépondérante des crédits de la mission « Sécurités », à hauteur de 98 % des AE et des 97 % des CP, ce qui permet à votre rapporteur spécial d'apprécier dans quelle mesure les plafonds de dépenses respectent la programmation pluriannuelle, même s'il ne rapporte que les crédits de deux des quatre programmes de la mission.

Les crédits de la mission par programme*

(en millions euros)

* À périmètre constant (PLF 2015).

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015

A. DES DÉPENSES INFÉRIEURES À L'ANNUITÉ 2015 DU BUDGET TRIENNAL 2013-2015

Conformément aux dispositions de l'article 11 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, les crédits de paiement dédiés à la mission « Sécurités » (hors programme « Sécurité civile » 2 ( * ) ) s'élèvent à 11,96 milliards d'euros en 2015, hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Par rapport à l'annuité 2014 du budget triennal 2013-2015, ces crédits progressent de 0,18 milliard d'euros 3 ( * ) .

Dans le présent projet de loi de finances, les crédits de paiement de la mission « Sécurités » s'établissent (hors pensions) à 12,17 milliards d'euros, dont 0,39 milliard d'euros pour le programme « Sécurité civile », soit 11,78 milliard d'euros pour les programmes de la mission « Sécurités » retenus dans la programmation triennale 2013-2015. Le montant des crédits de paiement est donc inférieur de 0,18 milliard d'euros à l'annuité 2015 de la programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, à périmètre courant .

À périmètre constant , les crédits de la mission « Sécurités » (hors sécurité civile) progressent de 11,76 milliards d'euros dans la LFI 2014 à 11,78 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015, soit une hausse de 0,02 milliard d'euros, inférieure à celle (+ 0,18 milliard d'euros) prévue entre 2014 et 2015 par le budget triennal 2013-2015, ce qui correspond donc à une économie de 0,16 milliard d'euros par rapport à l'évolution annuelle figurant dans le budget triennal 2013-2015.

Dans la loi de finances initiale pour 2014, les crédits de la mission « Sécurités » (hors sécurité civile) étaient déjà inférieurs de 0,1 milliard d'euros à l'annuité 2014 de la programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Comme en 2014, le plafond des crédits de la mission « Sécurités » figurant dans le projet de loi de finances respecte le budget triennal 2013-2015.

B. LA NOUVELLE PROGRAMMATION TRIENNALE (2015-2017) : DES ÉCONOMIES SUR LES POSTES DE DÉPENSES AUTRES QUE DE PERSONNEL, SOUS L'EFFET NOTAMMENT DE LA MUTUALISATION ACCRUE DES MOYENS DE LA POLICE ET DE LA GENDARMERIE

L'article 13 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, en cours d'examen par le Parlement, prévoit une légère progression chaque année des crédits de paiement de la mission « Sécurités » (y compris les CP dédiés à la sécurité civile) : de 12,147 milliards d'euros en 2014 à 12,174 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015 (soit + 0,22 %) 4 ( * ) , avant d'atteindre 12,207 milliards d'euros en 2016 (+ 0,23 % par rapport à 2015) et 12,208 milliards d'euros en 2017 (+ 0,01 % par rapport à 2016), soit une progression globale de 0,034 milliard d'euros (0,50 %) en trois ans .

Comparaison des crédits prévus en loi de programmation et des crédits réellement octroyés à la mission*

(en milliards d'euros)

* Périmètre actuel de la mission « Sécurités » (y compris sécurité civile), hors pensions
Source : commission des finances du Sénat

Or, des créations de postes sont envisagées à un rythme régulier jusqu'en 2017 dans la police et la gendarmerie nationales, à hauteur de 400 ETP par an, soit des coûts au titre des schémas d'emplois de 0,01 milliard d'euros par an et de 0,03 milliard d'euros sur trois ans. Au regard des autres facteurs de progression spontanée de la masse salariale (mesures catégorielles, mesures générales, glissement vieillesse-technicité), la dynamique des dépenses de personnel 5 ( * ) sera compensée par des économies sur les autres titres de dépenses au cours du budget triennal 2015-2017 .

Une partie des économies attendues est issue du rapprochement des forces de police . Les efforts de mutualisation portent tant sur les achats que sur les moyens et les structures ( cf. encadré ci-après ), suite notamment à la mise en place, en 2014, de structures communes aux deux forces de sécurité, comme le service de l'achat, des équipements et de la logistique pour la sécurité intérieure (SAELSI) et les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) 6 ( * ) . Par exemple, la mutualisation des ateliers dédiés au parc automobile de la police et de la gendarmerie nationales a été opérée dans le cadre des SGAMI.

Au demeurant, la mutualisation des achats n'a pas vocation à se limiter aux forces de police et de gendarmerie : elle mérite d'être encore approfondie avec l'administration pénitentiaire, le ministère des affaires étrangères, le ministère de la défense ou encore la direction des douanes.

Les mutualisations des achats, des moyens et des structures entre la police nationale et la gendarmerie nationale

Mutualisation des achats

« La mutualisation des achats pour tous les nouveaux marchés nationaux est la règle surtout depuis la création du service de l'achat, des équipements et de la logistique pour la sécurité intérieure (SAELSI), fusion des services auparavant dédiés à ces missions de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

« La politique d'achats groupés s'est notablement développée dans les domaines de l'armement et de la protection balistique, mais concerne aussi largement les consommables liés à la police judiciaire, les matériels d'unités spécialisées, la mobilité et les systèmes d'information et de communication (SIC). En 2014, le marché mutualisé le plus significatif a été celui relatif aux matériels de franchissement et de montagne.

« La mutualisation avec les armées demeure importante pour l'achat de carburant avec en particulier la signature en 2014 d'une convention entre la police nationale et le service des essences des armées, mais aussi dans les domaines du maintien en condition opérationnelle des hélicoptères, du transport de fret et de personnels.

Mutualisation des moyens

Domaine de la police technique et scientifique (PTS)

« Une expérimentation dans le département de la Creuse, étendue ensuite à 20 départements d'ici à 2015, consiste à mettre en commun des moyens techniques et d'optimiser des ressources humaines dans le champ de la police technique de proximité, liée à la délinquance de masse.

« Cette expérimentation, suivie par le comité national de coordination et de suivi de la police technique et scientifique (CNCSPTS), a débouché sur un bilan positif et des préconisations tendant à la généralisation de la pratique.

Domaine des SIC

« La création du service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure [ST(SI)²] contribue au renforcement des synergies entre la police et la gendarmerie nationales :

« - rationalisation des systèmes existants pour optimiser leur coût total de possession et la capacité d'adaptation à l'évolution de la délinquance et de l'environnement légal et réglementaire ;

« - optimisation des supports opérationnels au profit des policiers et des gendarmes utilisateurs des SIC de la sécurité intérieure.

« À ce titre, des logiciels informatiques et des bases de données techniques ont été mis en commun.

« En outre, de nombreuses bases de données sont actuellement mutualisées. Si les fichiers les plus anciens sont gérés conjointement à partir de plateformes distinctes, certaines applications plus récentes sont administrées à partir d'une plate-forme unique. La réforme du système d'information judiciaire intègre finalement la mutualisation dès l'origine, les nouveaux fichiers judiciaires étant développés conjointement par la gendarmerie et la police, en coordination avec le ministère de la justice.

« Par ailleurs, la mutualisation de certains systèmes issus des technologies de l'information, comme la lecture automatisée des plaques d'immatriculation (LAPI), s'est développée.

« Enfin, les initiatives se multiplient pour renforcer la mutualisation des moyens de communication opérationnelle entre les deux forces de sécurité intérieure, afin d'améliorer l'interopérabilité (matériels similaires) d'une part, de réaliser des économies d'échelles sur les investissements et optimiser le soutien d'autre part.

Mutualisation des structures

« C'est d'abord la création depuis le 1 er janvier 2014 du SAELSI sous l'autorité directe des directeurs généraux de la police et de la gendarmerie pour concevoir, acheter et gérer en commun les équipements des deux forces.

« En plus de ces fonctions d'administration central, le SAELSI s'est vu confié le centre national de soutien logistique (CNSL) de l'établissement central de l'administration et du soutien de la gendarmerie nationale (ECASGN) ainsi que l'établissement central logistique de la police nationale (ECLPN) pour développer encore plus les synergies initiées dans les domaines aussi divers que le transport de fret routier en métropole, le reconditionnement des gilets pare-balles, la maintenance et le prototypage automobiles, la formation des mécaniciens automobiles, etc.

« S'agissant du soutien automobile, après une première phase de validation des plans zonaux de mutualisation des ateliers de soutien automobile en juillet 2010 par les deux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie, la responsabilité de la mutualisation est désormais confiée aux secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur créés le 1 er mai 2014.

Perspectives

« 2014 a été une année particulièrement importante qui a vu la création du SAELSI, la mise en place des SGAMI et la réorganisation des structures territoriales de la gendarmerie nationale. L'année 2015 permettra de valoriser les bénéfices attendus de ces réformes. L'effort de mutualisation se traduira par la passation de marchés communs : consommables de la police technique et scientifique, équipements secouristes, pièces détachées moto, casques protection balistique...

« D'autre part, des marchés seront passés afin d'assurer la mutualisation et le rapprochement des dispositifs de télécommunications (Institut national des postes et communications, terminaux radios de la police nationale, photo numérique) ».


Source : ministère de l'intérieur, réponse au questionnaire budgétaire


* 2 Les crédits de la sécurité civile atteignent 0,41 milliard d'euros dans l'annuité 2015 pour le budget triennal 2013-2015.

* 3 L'évolution s'établit à + 0,01 milliard d'euros pour la sécurité civile au cours de la même période 2014-2015.

* 4 L'annuité 2015 du projet de loi de programmation reprend le montant des crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2015.

* 5 Les dépenses de personnel de la mission hors police et gendarmerie sont concentrées sur le seul programme « Sécurité civile », après le transfert des dépenses de personnel du programme « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » vers la mission « Administration générale et territoriale de l'État » dans le présent projet de loi de finances. Les dépenses de titre 2 au titre de la sécurité civile ne représentent que 1 % des dépenses de personnel de la mission, et leur évolution n'a donc qu'un impact marginal à l'échelle de la mission.

* 6 Les SGAMI ont été institués par le décret n° 2014-296 du 6 mars 2014 relatif aux secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur et modifiant diverses dispositions du code de la défense et du code de la sécurité intérieure.

Les SGAMI ont commencé leurs activités à compter du 1 er mai 2014 (à l'exception de celui de Paris, pour lequel la date prévue est fixée au 1 er janvier 2016.

Les SGAMI ont été créés en lieu et place des secrétariats généraux pour l'administration de la police. Placés sous l'autorité du préfet délégué pour la défense et la sécurité, ils sont chargés, dans chaque zone de défense et de sécurité, de la gestion de moyens territoriaux au bénéfice des services de police, des unités de gendarmerie et des préfectures.