M. Claude Raynal, rapporteur spécial

II. LE PROGRAMME 163 « JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE »

Ce programme, placé sous la responsabilité du directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, doit permettre à l'Etat de jouer un rôle d'impulsion, de coordination interministérielle, d'expertise, d'innovation, de régulation et de financement direct de certaines actions en faveur de la jeunesse (politique transversale par excellence).

A. LE PROGRAMME EN QUELQUES CHIFFRES

Les crédits demandés sur le programme « Jeunesse et vie associative » dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élèvent à 205,9 millions d'euros en AE et en CP . Ces crédits, en augmentation de 0,3 % à périmètre constant par rapport à l'année dernière , se répartissent de la façon suivante.

Répartition par action des crédits demandés

Action

Autorisations d'engagement
(en euros)

Crédits de paiement
(en euros)

En % des CP du programme en 2015

2014

2015

2014

2015

Développement de la vie associative

15 369 645

12 165 066

15 369 645

12 165 066

5,9 %

Actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire

71 877 045

68 732 366

71 877 045

68 732 366

33,4 %

Actions particulières en direction de la jeunesse*

122 111 500

125 000 000

122 111 500

125 000 000

60,7 %

* Après retraitement des crédits 2014, qui intégraient le versement d'une compensation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) qui n'a plus lieu d'être depuis l'alignement sur le droit commun du régime social des volontaires par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

Source : projet de loi de finances pour 2015, annexe « Sport, jeunesse et vie associative »

Le taux de consommation de ces crédits a beaucoup varié ces dernières années, dépassant à peine 86 % en 2012, du fait de « surgels » allant au-delà de la prévision initiale et de reports de crédits destinés au service civique, mais atteignant 99 % en 2013.

Par ailleurs, comme indiqué dans la présentation d'ensemble des moyens dévolus à la mission, plus de 2,6 milliards d'euros de dépenses fiscales sont rattachés au programme (en premier lieu les réductions d'impôts au titre des dons aux associations d'utilité publique).

B. LES OBJECTIFS ET LA PERFORMANCE

Là aussi, la partie « objectifs et performance » du programme a évolué de manière significative l'année dernière. Seules quelques modifications mineures d'indicateurs apparaissent cette année.

Le premier objectif « Favoriser l'engagement et la mobilité des jeunes » concerne le service civique. Il est mesuré :

- d'une part, par la part des jeunes peu ou pas diplômés qui s'engagent dans le service civique, avec comme but de faire passer cette proportion de 25 % en 2012 à 35 % en 2017, ce qui est à la fois ambitieux et atteignable - d'autant que la cible précédente, à savoir 30 % en 2015, est devenue une prévision ;

- d'autre part, par la proportion des volontaires satisfaits par le service civique, qui doit se maintenir aux alentours de 90 %, taux déjà réalisé en 2013. Cet indicateur pourrait peut-être utilement être complété par le taux de satisfaction des structures d'accueil de volontaires.

Le deuxième objectif « Soutenir le développement de la vie associative notamment dans le champ de l'éducation populaire », se mesure au travers de la proportion d'associations faiblement dotées en personnel salarié parmi celles ayant bénéficié d'une subvention versée par l'intermédiaire du fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) ou au titre du fonds de développement de la vie associative (FDVA). Les premières données disponibles ne semblent pas très significatives et il conviendra sans doute d'affiner les cibles lors des prochains exercices.

Enfin, le dernier objectif consiste à « Renforcer le contrôle et le suivi des risques au sein des accueils collectifs de mineurs avec hébergement ». Un seul indicateur le mesure : le taux de contrôle des organisateurs de séjours et des locaux connus pour des événements graves ou ayant fait l'objet d'injonctions l'année précédente. En la matière, un seul résultat est admissible (100 %, taux prévu pour 2015), ce qui rend l'indicateur à la fois pertinent et relativement peu significatif.

C. LES PRINCIPAUX CHOIX BUDGÉTAIRES POUR 2015

1. La prépondérance toujours plus affirmée du service civique

En 2015, il est proposé de verser 125 millions d'euros de subvention pour charge de service public au bénéfice de l'Agence du service civique (ASC). Ces crédits représentent plus de 60 % des moyens financiers de ce programme.

La faible augmentation de cette somme par rapport à 2014 (+ 2,9 millions d'euros, soit + 2,4 %) ne rend qu'imparfaitement compte de la poursuite de la montée en charge de cette action .

En effet, le service civique devrait bénéficier d'un cofinancement communautaire de 18 millions d'euros en 2015 afin d'accompagner l'engagement en service civique de 3 500 jeunes qualifiés de « NEETs », c'est-à-dire ni étudiants, ni employés, ni stagiaires.

La véritable augmentation des moyens publics dépasse donc 20 millions d'euros.

Au total, selon les documents budgétaires, il s'agit de passer de 35 000 à 40 000 volontaires dans le courant de l'exercice à venir.

2. L'évolution plus contrastée des autres crédits du programme

Les autres dépenses du programme connaissent une évolution plus contrastée, en lien avec la nécessité de contrôler les dépenses de l'Etat, notamment les crédits d'intervention, prépondérants au sein du programme hors service civique.

a) Le maintien des moyens octroyés aux postes FONJEP et aux programmes internationaux

Plusieurs lignes , considérées comme structurantes par le ministère, ont été intégralement préservées. Il s'agit, en particulier :

- du financement du FONJEP , qui permet de soutenir l'emploi d'environ 3 500 personnes au sein de quelque 2 500 associations. Cette ligne budgétaire se maintiendra, en 2015, à 24,9 millions d'euros ;

- du financement des structures permettant les échanges internationaux de jeunes , en particulier les offices franco-allemand et franco-québécois de la jeunesse (OFAJ et OFQJ). Cette orientation évite en outre des tensions avec les pays partenaires, liés à la France, en la matière, par des conventions d'échanges. Le financement total de cette sous-action s'élèvera à 13,8 millions d'euros.

b) Une diminution des subventions aux associations

L'effort financier proposé pour 2015 repose sur le financement des associations , soit en direct soit au travers du FDVA.

Le montant budgété à cet effet s'élève à 18,9 millions d'euros, en diminution de 1 million d'euros par rapport à 2014 à périmètre constant - c'est-à-dire, en particulier, hors apport de la réserve parlementaire.

D. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des moyens budgétaires à remettre en perspective
a) Le poids de dépenses fiscales à l'efficacité mal évaluée

Tout d'abord, il est à souligner, une nouvelle fois, que les crédits du présent programme ne sont qu'une petite partie de l'effort public global consenti en faveur de la jeunesse.

Outre les crédits des autres missions orientés vers les jeunes, le poids des dépenses fiscales rattachées au programme 163 est particulièrement conséquent (près de 13 fois le montant des crédits demandés, cf. détail dans le tableau ci-après).

Les dépenses fiscales du programme « Jeunesse et vie associative »

Dépense fiscale

Chiffrage pour 2015 en millions d'euros

Réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons

1435

Réduction d'impôt au titre des dons faits par les entreprises à des oeuvres ou organismes d'intérêt général

790

Exonération en matière d'impôt sur les sociétés des revenus patrimoniaux perçus par les fondations reconnues d'utilité publique et les fonds de dotation au titre des activités non lucratives

40

Taxation à un taux réduit des produits de titres de créances négociables sur un marché réglementé, perçus par des organismes sans but lucratif

10

Franchise d'impôt sur les sociétés pour les activités lucratives accessoires des associations sans but lucratif lorsque les recettes correspondantes n'excèdent pas 60 000 euros

Non chiffré

Réduction d'impôt de solidarité sur la fortune au titre de certains dons

112

Exonération des mutations en faveur de certaines collectivités locales, de certains organismes ou établissements publics ou d'utilité publique

Non chiffré

Abattement sur la part nette de l'héritier à concurrence du montant des dons effectués au profit de fondations, de certaines associations, de certains organismes reconnus d'utilité publique, des organismes mentionnés à l'article 794 du C.G.I., de l'État

Non chiffré

Exonération au bénéfice du donataire des dons ouvrant droit, pour le donateur, à la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune

80

Exonération du droit d'enregistrement de 1,20 % pour les ventes publiques d'objet d'art, d'antiquité ou de collection réalisées au profit de certains organismes d'intérêt général ayant une vocation humanitaire d'assistance ou de bienfaisance

Non chiffré

Exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif

1

Franchise en base pour les activités lucratives accessoires des associations sans but lucratif lorsque les recettes correspondantes n'excèdent pas 60 000 €

136

Source : projet de loi de finances pour 2015, annexe « Sport, jeunesse et vie associative »

Cela rend évidemment nécessaire l'évaluation des effets réels de la dépense fiscale (en particulier des réductions d'impôts au titre des dons aux associations) sur le programme . Or cette exercice complexe n'a jamais été vraiment mené ; même le comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par Henri Guillaume, n'a pas examiné cette dépense dans son rapport de juin 2011. En l'état, le Parlement ne dispose donc pas d'éléments objectifs pour juger du caractère optimal de ces différents avantages.

b) Les fonds issus des investissements d'avenir

Ensuite, même si le programme 411 « Projets innovants en faveur de la jeunesse » , n'apparaît plus dans la maquette de la mission, c'est à partir de 2015 qu'il devrait concrètement procéder à des financements de projets à partir de fonds en provenance du PIA - 100 millions d'euros au total .

Votre rapporteur spécial se montrera attentif à l'utilisation de ces fonds lors de l'examen des prochaines lois de règlement du budget. Il conviendra, en particulier, que la nature des projets retenus justifie pleinement le choix d'un financement au travers du PIA, lequel ne doit évidemment pas être un outil de débudgétisation.

2. Service civique : la clé de la soutenabilité budgétaire du programme
a) 2015-2017 : les marches à franchir restent hautes

S'agissant du service civique, votre rapporteur spécial a bien pris note de l' engagement du Président de la République d'atteindre le nombre de 100 000 volontaires à l'horizon 2017 . Près de 15 % d'une classe d'âge pourrait ainsi s'engager au travers du service civique.

De ce point de vue, les marches à franchir en trois ans restent hautes.

Le nombre de volontaires devrait passer de 35 000 à 40 000 en 2015, ce qui devrait pouvoir se faire sans grande difficulté.

Par la suite, le rythme devra s'accélérer afin que l'objectif présidentiel soit tenu.

b) La nécessité de tenir les coûts de ce dispositif utile

Par ailleurs, il sera nécessaire de bien « tenir les coûts » du service civique afin de permettre la réalisation de cet objectif .

En effet, l'augmentation prévue de 100 millions d'euros des crédits consacrés au service civique d'ici à 2017 , si elle est la marque d'une véritable ambition au regard des contraintes budgétaires, ne suffira pas, à elle seule, à financer les coûts liés à un nombre de 100 000 volontaires dans les conditions actuelles.

Il va donc falloir :

- d'une part, trouver des sources alternatives de financement , qu'il s'agisse, comme on l'a vu, de fonds communautaires ou peut-être, à l'avenir, de partenariats avec le secteur privé ;

- continuer d' agir sur les coûts unitaires du service civique , au travers, par exemple, de modulations de la subvention en fonction des structures d'accueil ou en jouant sur la durée des missions.

Il s'agit d'un enjeu d'importance, la gestion de la montée en charge du service civique conditionnant presque à elle seule la soutenabilité budgétaire d'un programme par ailleurs aisément pilotable, au travers de dépenses d'intervention qu'il est toujours possible de calibrer.

Les principales observations de votre rapporteur spécial
sur le programme « Jeunesse et vie associative »

- Les moyens consacrés par le programme « Jeunesse et vie associative » au service civique ne progressent que légèrement (+ 2,4 %). Cela n'empêchera pas la poursuite de la montée en puissance du dispositif en 2015 grâce à l'octroi de fonds communautaires pour un montant de 18 millions d'euros.

- La gestion de l'objectif de 100 000 volontaires effectuant un service civique en 2017 , fixé par le Président de la République, est la clé de la soutenabilité financière de ce programme . L'accroissement programmée de 100 millions d'euros de l'enveloppe consacrée au service civique y contribuera mais ne suffira pas à elle seule.

- Les crédits considérés comme les plus structurants au sein du programme (FONJEP, office d'échanges internationaux de jeunes) seront intégralement préservés en 2015.

- L'effort budgétaire du programme portera essentiellement sur les aides directes aux associations , en diminution de 1 million d'euros à périmètre constant.