M. Claude Raynal, rapporteur spécial

SECONDE PARTIE
ANALYSE DES DEUX PROGRAMMES DE LA MISSION

I. LE PROGRAMME 219 « SPORT »

Ce programme, placé sous la responsabilité du directeur des sports, poursuit l'objectif de promouvoir, dans un cadre sécurisé et de qualité, la pratique physique et sportive à tout niveau, ainsi que les valeurs qu'elle véhicule : sens de l'effort, du progrès, du dépassement de soi, du respect de l'autre, apprentissage des règles collectives, renforcement du lien social, ou encore universalité.

A. LE PROGRAMME EN QUELQUES CHIFFRES

Les crédits demandés sur le programme « Sport » dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élèvent à 216,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 228,3 millions d'euros en crédits de paiement . Le tableau suivant retrace la répartition de ces crédits par action.

Répartition par action des crédits demandés

Action

Autorisations d'engagement
(en euros)

Crédits de paiement
(en euros)

En % des CP du programme

2014

2015

2014

2015

Promotion du sport pour le plus grand nombre

14 412 656

7 807 739

14 412 656

7 807 739

3,4 %

Développement du sport de haut niveau

169 645 923

162 330 956

176 047 488

174 161 579

76,3 %

Prévention par le sport et protection des sportifs

18 776 613

18 753 177

18 776 613

18 753 177

8,2 %

Promotion des métiers du sport

27 487 965

27 550 933

27 487 965

27 550 933

12,1 %

Source : projet de loi de finances pour 2015, annexe « Sport, jeunesse et vie associative »

La diminution apparente des crédits demandés appelle quelques observations.

Tout d'abord, le montant des crédits votés en 2014 intègre l'effet de la « réserve parlementaire », traditionnellement importante sur ce programme. A périmètre « véritablement égal » , c'est-à-dire en tenant compte de cet effet, les crédits demandés sont presque les mêmes que l'année dernière , en baisse de seulement 1 million d'euros.

En revanche, ces crédits subiront, comme ceux de toutes les missions, les conséquences de l'augmentation du taux de mise en réserve de précaution, qui doit passer de 7 % à 8 % pour les dépenses autres que les dépenses de personnel ( cf. exposé des motifs du projet de loi de finances, page 25). Comme le programme ne finance pas directement d'emplois, il subira complètement l'effet de cette mesure. Ces dernières années, le taux de consommation des crédits du programme était compris entre 96 % et 99 %.

Enfin, comme cela a été indiqué supra , les crédits du programme, et plus particulièrement ceux de son action 1 « Promotion du sport pour le plus grand nombre », seront renforcés par le versement d'un fonds de concours d'un montant de 19,5 millions d'euros en provenance du CNDS .

Quant aux dépenses fiscales rattachées au programme, elles ne sont que deux, dont une seule est évaluée : l'exonération (plafonnée) des sommes perçues par les arbitres et juges sportifs, dont le chiffrage pour 2015 s'élève à 17 millions d'euros - stable par rapport aux années précédentes.

B. LES OBJECTIFS ET LA PERFORMANCE

Notre collègue Jean-Marc Todeschini, alors rapporteur spécial de la présente mission, avait détaillé l'année dernière la forte évolution des objectifs et indicateurs de ce programme 2 ( * ) .

Rappelons ici simplement que les objectifs poursuivis par l'Etat consistent à :

- réduire les inégalités d'accès à la pratique sportive , que ces inégalités soient territoriales, liées à l'âge, au handicap, etc. Aux crédits relativement modiques de l'action 1 doivent s'ajouter ceux du CNDS, notamment ses crédits d'aide à l'équipement des collectivités territoriales ( cf. infra ). Les résultats de ces dernières années sont plutôt encourageants et montrent une augmentation, légère mais régulière, de la pratique des « publics cibles » ;

- la promotion de la rigueur financière et de l'efficacité des fédérations sportives . Outre un soutien financier direct, l'atteinte de cet objectif passe par la régulation et le suivi de la gestion des fédérations. Année après année, il semble exister un socle d'une quinzaine de fédérations en difficulté financière ;

- conforter le rang de la France parmi les grandes nations sportives et favoriser l'insertion professionnelle des sportifs de haut niveau . De fait, les résultats des dernières olympiades permettent à la France de rester parmi les meilleures nations sportives du monde. Quant à l'insertion deux ans après la fin de la carrière sportive, l'objectif que s'est assigné l'Etat est ambitieux et il conviendra de veiller à son atteinte dans le cadre de l'examen de la loi de règlement ;

- renforcer le respect de l'éthique dans le sport et préserver la santé des sportifs . Cet objectif ne comporte que des indicateurs relatifs à la lutte contre le dopage - au demeurant, la cible concernant le taux de sportifs et d'espoirs ayant bénéficié d'un suivi médical complet n'est jamais atteinte depuis des années. Même si les crédits du programme n'y participent pas directement, on peut se demander s'il ne serait pas nécessaire de compléter cet objectif par un ou plusieurs indicateurs permettant de mesurer l'ampleur et l'efficacité de la lutte contre la triche liée aux paris sportifs , qui fait peser un grand risque sur l'intégrité des compétitions ;

- adapter la formation aux évolutions des métiers . L'atteinte de cet objectif de « bonne gestion » est mesurée par un indicateur sur la proportion de diplômés qui occupent un emploi en rapport avec la qualification obtenue après l'obtention du diplôme dans le domaine sportif.

C. LES PRINCIPAUX CHOIX BUDGÉTAIRES POUR 2015

Le projet annuel de performances de la mission annexé au présent projet de loi de finances livre de manière précise la nature des crédits demandés pour l'exercice à venir.

Les chiffres saillants et les principales évolutions par rapport à l'année dernières sont résumés ci-après.

1. Un soutien financier aux fédérations qui reste conséquent

Le soutien financier global de l'Etat aux fédérations sportives devrait rester stable par rapport à 2014, à 63,5 millions d'euros (83 millions d'euros en intégrant le fonds de concours du CNDS) .

Ce soutien concerne l'ensemble des actions du programme, les fédérations mettant en oeuvre, dans leur discipline, une politique globale déléguée par l'Etat.

Il concerne également toutes les fédérations agréées, que celles-ci disposent, ou non, par elles-mêmes de moyens financiers conséquents. Par exemple, il est prévu d'octroyer 1,3 million d'euros à la fédération française de football, 1 million d'euros à la fédération française de rugby et 0,9 million d'euros à la fédération française de tennis. Il est vrai que ces lignes ont subi des diminutions importantes, de l'ordre de 50 %, depuis 2011.

2. Le maintien des moyens dévolus aux CREPS avant leur probable transfert aux régions

De même, le financement des CREPS a été préservé, à un niveau de 53,9 millions d'euros . Les emplois sont également stables, à 1 170 ETPT dans le budget 2015.

Cette sanctuarisation, dans un contexte de diminution des dotations aux opérateurs, s'explique par la volonté du Gouvernement de transférer les CREPS aux régions à compter du 1 er janvier 2016 - transfert qui devrait faire l'objet d'un amendement du Gouvernement au projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Pour mémoire, les CREPS constituent un réseau de 17 établissements publics administratifs répartis sur l'ensemble du territoire national, dont deux en outre-mer. Ils accueillent chaque année près de 3 000 sportifs, dont 2 400 sportifs de haut niveau ou espoirs, ainsi que plus de 22 000 stagiaires de la formation professionnelle.

3. INSEP : vers la fin des grands travaux

Pour ce qui concerne l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), établissement public scientifique, culturel et professionnel placé sous la tutelle du ministère chargé des sports, les faits suivants sont à relever.

L'enveloppe dévolue aux investissements immobiliers s'élève à 3,1 millions d'euros en AE et à 6,5 millions d'euros en CP . L'objectif de quasi achèvement de ces travaux à l'horizon de la prochaine olympiade d'été, en 2016, devrait être tenu, sauf imprévu, ce qui contribuera d'ailleurs à soulager les crédits du programme à la fin de l'actuelle période de programmation.

Le contrat de partenariat public-privé (PPP) relatif à la gestion des infrastructures extra-sportives du site de l'INSEP se poursuit et n'appelle pas de commentaire particulier. Des crédits de 1,5 million d'euros en CP sont inscrits au budget afin de régler l'annuité.

En revanche, la subvention de fonctionnement accordée par l'Etat à l'INSEP enregistre une baisse, passant de 23 millions d'euros à 22,6 millions d'euros , ce qui apparaît cohérent avec l'effort demandé aux opérateurs de l'Etat.

4. Le maintien de la subvention à l'Agence française de lutte contre le dopage

Les crédits budgétaires alloués à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) sont stables, et s'élèvent à 7,8 millions d'euros . Le budget total de l'agence, qui n'est pas un opérateur de l'Etat, est d'un peu plus de 9 millions d'euros.

L'AFLD doit organiser les contrôles antidopage et analyser les prélèvements. On a pu noter, ces dernières années, une forte augmentation du coût unitaire moyen des contrôles (641 euros l'année dernière, en hausse de plus de 12 % par rapport à 2012), ce qui rend difficilement envisageable une diminution du soutien financier de l'Etat, même dans le contexte budgétaire actuel.

5. La poursuite du plan de redressement du CNDS

Enfin, le présent projet de loi de finances prévoit plusieurs évolutions significatives concernant le CNDS .

D'un côté, l'article 61 propose d'allonger de deux ans le prélèvement supplémentaire exceptionnel sur les mises de la Française des jeux (FdJ) afin de compenser, à l'euro près, l'aide de l'Etat, supporté par le CNDS, aux travaux de construction ou de rénovation des stades devant accueillir l'Euro 2016 de football ( cf. infra le commentaire de cet article).

D'un autre côté, l'article 15 tend à diminuer de 2,2 millions d'euros le montant des taxes affectées au CNDS dans le cadre du financement de ses actions ordinaires . Celui-ci passerait ainsi de 272,2 millions d'euros à 270 millions d'euros. Encore faut-il noter que l'effort réel demandé au CNDS est bien supérieur puisque ce chiffre net intègre la prise en compte, pour 10,8 millions d'euros, des frais d'assiette et de recouvrement de ces taxes prélevés par l'Etat, frais qui, jusqu'à présent, n'étaient pas appliqués. La véritable diminution des moyens du CNDS atteindra donc 13 millions d'euros , dans le cadre d'un triennal qui conduira l'établissement public à disposer, en 2017, de 33 millions d'euros de taxes affectées en moins par rapport à 2014.

Les engagements du CNDS devront donc être fortement contrôlés et s'inscrire dans le respect du plan de redressement défini fin 2012 , l'établissement ayant, sous le quinquennat précédent, consenti de nombreux engagements de financement de travaux non financées par les crédits de paiement correspondants 3 ( * ) .

D. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une trajectoire budgétaire sérieuse et soutenable

Les crédits demandés au titre du présent programme en 2015 s'inscrivent dans le cadre d'un budget à la fois sérieux et soutenable , qui participe, si on le considère en globalité (CNDS inclus) à la nécessaire maîtrise des comptes publics.

Les crédits demandés apparaissent sincères et ne semblent comporter ni lignes sous-budgétées pour lesquelles une rectification pourrait être demandées en cours de gestion, ni surbudgétisations destinées à donner une marge de manoeuvre excessive au gestionnaire de programme en cours d'exercice.

Le programme paraît également soutenable, avec notamment des restes à payer qui devraient diminuer en cours d'exercice 2015. Le principal risque, qui concernait auparavant le CNDS, a été, comme indiqué ci-dessus, bien identifié et pris en charge par le Gouvernement.

Le ministère devrait donc se trouver à l'abri de « mauvaises surprises » l'année prochaine. On notera toutefois que cet équilibre repose sur la poursuite du versement du fonds de concours du CNDS, qui devrait effectivement être stabilisé à 19,5 millions d'euros sur la période 2015-2017 .

2. Fédérations : un distinguo à opérer dans le soutien financier de l'Etat ?

Votre rapporteur spécial s'interroge sur la réelle nécessité pour l'Etat, au travers du programme « Sport », de soutenir financièrement l'ensemble des fédérations.

Si, pour la plupart d'entre elles, cet apport constitue une manne indispensable sur laquelle il n'est pas question de revenir, plusieurs « grandes » fédérations disposent d'autres sources de financement très conséquentes, notamment des droits de retransmission audiovisuelle, qui leur permettrait de boucler leur budget sans difficulté même en l'absence de subvention de l'Etat - qui représente moins de 1 % de leurs dépenses .

Certes, comme indiqué supra , les sommes versées aux trois fédérations sportives les plus concernées ont notablement diminué depuis 2011. Mais, dans le contexte budgétaire actuel, la légitimité même d'un tel financement pourrait être remise en cause . L'Etat, qui donne auxdites fédérations l'agrément et la délégation de service public indispensables à leur fonctionnement est, de toute façon, naturellement légitime à surveiller leur activité, même en l'absence de financement. Un effort supplémentaire pourrait donc être envisagé en ce sens .

3. Equipements sportifs : le risque d'une pénalisation de l'investissement public local

Cela est d'autant plus vrai que, selon les informations dont dispose votre rapporteur spécial, et sous réserve de l'accord du conseil d'administration du CNDS, la diminution de 13 millions d'euros des moyens qui lui seront alloués devrait intégralement porter sur l'aide à l'équipement sportif local porté par les collectivités territoriales (et non, par exemple, sur le financement des associations sportives au travers de sa « part territoriale »).

Or la contribution du CNDS aux projets des collectivités est doublement importante :

- d'une part, parce que sa quote-part, souvent de l'ordre de 15 %, constitue, dans un contexte de tension des finances locales, un apport de plus en plus nécessaire pour le bouclage du financement des projets ;

- d'autre part, en raison de son effet d'entraînement sur les autres financeurs (départements, régions, etc.), qui s'appuient souvent sur la « labellisation » que constitue le soutien du CNDS - lequel se montre, de fait, sélectif dans le choix de ses dossiers.

Cette forte diminution des subventions d'équipement, qui devrait se poursuivre en 2016 et en 2017, pourrait donc réellement pénaliser l'investissement public local, pourtant indispensable . Surtout, cette pénalisation semble s'opérer en dehors de toute stratégie d'ensemble de l'Etat sur cette question. Il convient a minima de poser clairement le débat en ces termes lors de la séance publique.

C'est pourquoi votre rapporteur spécial propose un amendement tendant à diminuer de 2,2 millions d'euros les crédits du programme « Sport » (action 2 « Développement du sport de haut niveau »), qui devrait s'appliquer au financement des fédérations les plus « riches » . Cet amendement sera complémentaire d'un autre amendement qu'il déposera, à titre personnel, dans le cadre du débat de première partie, visant à maintenir inchangé par rapport à 2014 (donc en hausse de 2,2 millions d'euros par rapport au projet de loi de finances) le niveau global des taxes affectées au CNDS - ce qui, compte tenu de l'application des frais d'assiette et de recouvrement à ces taxes, constituerait encore un effort important.

Les principales observations de votre rapporteur spécial
sur le programme « Sport »

- Les crédits demandés au titre du programme « Sport » s'inscrivent dans le cadre d' une programmation budgétaire à la fois sérieuse et soutenable sur le moyen terme d'un point de vue financier.

- Les crédits demandés au titre des investissements de l'INSEP apparaissent compatibles avec le quasi achèvement des travaux du site du bois de Vincennes à l'horizon de la prochaine olympiade.

- Les CREPS bénéficient d'une préservation de leurs moyens financiers et humains dans la perspective de leur transfert aux régions au 1 er janvier 2016 .

- Les subventions aux fédérations sportives sont relativement stables , et concernent , quoiqu'en proportion réduite, certaines « grandes » fédérations disposant, par ailleurs, d'importantes sources de financement.

- Le plan de redressement du CNDS se poursuit. Cet établissement public bénéficiera finalement d'un remboursement à l'euro près de ses aides aux stades de football devant accueillir l'euro 2016. Mais son budget ordinaire comportera des coupes d'un montant de 13 millions d'euros en 2015, qui devraient porter uniquement sur l'aide aux investissements des collectivités territoriales .

- Au vu de ces constats, votre rapporteur spécial propose un amendement tendant à diminuer de 2,2 millions d'euros les crédits du programme « Sport » destinés à subventionner les fédérations les plus riches . Cette somme devrait permettre de diminuer à due concurrence les réductions de crédits du CNDS aux collectivités territoriales .


* 2 Rapport général n° 156 (2013-2014), Tome III, annexe 29.

* 3 Voir le rapport d'information n° 287 (2011-2012) de notre collègue Jean-Marc Todeschini et le rapport de la Cour des comptes qui lui est annexé sur la situation du CNDS, et le rapport général n° 156 (2013-2014), Tome III, annexe 29, précité, du même auteur sur le plan de redressement de l'établissement.