M. Michel Canevet, rapporteur spécial

II. LE PROGRAMME « COORDINATION DU TRAVAIL GOUVERNEMENTAL » : LES ENJEUX DE LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » regroupe divers services, secrétariats généraux, directions ou organismes rattachés au Premier ministre. Aussi, votre rapporteur spécial a choisi, cette année, de s'intéresser plus particulièrement au SGDSN en raison de la hausse de ses crédits et au Secrétariat pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), pour le rôle qui lui est donné aujourd'hui en matière de modernisation de l'administration et de simplification des démarches.

A. UNE HAUSSE JUSTIFIÉE DES CRÉDITS DU SGDSN

L'action relative à la coordination de la sécurité et de la défense représente 49 % des crédits demandés au titre du programme 129, soit 293 millions d'euros (CP) demandés.

1. Accélérer le regroupement des deux instituts relevant du SGDSN

Le SGDSN bénéficie au total de 243 millions d'euros de crédits de paiement. Chaque année, en cours de gestion, environ 60 millions d'euros sont transférés, en particulier au ministère de la défense. En effet, le SGDSN pilote des projets d'investissements à caractère interministériel et en assure à la fois la cohérence et le financement.

17 millions d'euros correspondent à des subventions versées à deux opérateurs. Il s'agit de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) et de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ).

Évolution des crédits de l'action « Coordination de la sécurité et de la défense »

(en millions d'euros)

LFI 2014 (périmètre 2015)

PLF 2015

Coordination de la sécurité et de la défense

257,3

293,3

SGDSN

207,1

243,1

- dont IHEDN

8,5

8,2

- dont INHESJ

9,4

9,2

Fonds spéciaux et groupe interministériel de contrôle

50,2

50,2

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des réponses au questionnaire

Les subventions pour charges de service public versées à ces instituts diminuent de 2 % en 2015. Il a été indiqué à votre rapporteur spécial que « conformément aux orientations données par la tutelle, l'IHEDN et l'INHESJ sont engagés dans un programme de mutualisation des fonctions de soutien (...). Au vu des discussions en cours, la mutualisation, envisagée dans le projet de plan stratégique, devrait déboucher en 2015 sur de nouveaux champs, tant dans le domaine du soutien que de la formation ».

Votre rapporteur spécial souhaite que le rapprochement de ces deux instituts soit renforcé et leur fusion envisagée : sans nier leurs spécificités, leurs missions, en particulier en matière de formation, sont proches.

2. La poursuite de la montée en puissance de l'ANSSI, indispensable pour faire face à de nouvelles menaces

Le SGDSN est désormais chargé de la mise en oeuvre des recommandations pour la prévention des risques dans le domaine de la sécurité nationale, de l'anticipation des crises et du pilotage de la prospective interministérielle. À ce titre, le plan Vigipirate a été révisé afin de garantir une meilleure coordination entre les ministères et les préfectures.

Il conviendrait d'étudier la possibilité de rattacher au SGDSN d'autres services ministériels afin de mieux coordonner les activités de veille stratégique.

Le présent projet de loi de finances prévoit que le SGDSN bénéficie, en 2015, de 36 millions d'euros de crédits (CP) supplémentaires. 16 millions d'euros sont destinés à financer la poursuite de la montée en puissance de l'Agence nationale pour la sécurité des systèmes d'information, et notamment la création de 65 nouveaux emplois (ETP).

L'ANSSI demeure donc une priorité du Gouvernement, l'objectif d'une agence composée d'environ 500 personnes à horizon 2017 étant maintenu.

Évolution des emplois de l'ANSSI depuis sa création

(en ETP)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Effectifs au 1 er janvier

110*

122

132

172

212

292

357

422

487

Évolution annuelle

12

10

40

40

80

65

65

65

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Par rapport aux agences chargées de missions équivalentes à celles de l'ANSSI, sa taille paraît raisonnable : 800 personnes travaillent sur ces questions au Royaume-Uni, 582 en Allemagne et plusieurs milliers aux États-Unis 5 ( * ) .

Les enjeux majeurs que sont la protection des intérêts nationaux contre la cybercriminalité et la sécurité des systèmes d'information justifient la hausse de crédits destinés à l'ANSSI .

Par ailleurs, le personnel de l'ANSSI est composé très majoritairement de contractuels, ce dont votre rapporteur se félicite. En effet, cette politique de recrutement vise non seulement à offrir une première expérience professionnelle enrichissante à des élèves issus de grandes écoles tout en maîtrisant la masse salariale , mais aussi à favoriser la diffusion de la culture et des bonnes pratiques. En effet, selon le SGDSN, une proportion importante des personnels recrutés n'ont pas vocation à faire toute leur carrière à l'ANSSI.

Votre rapporteur spécial s'inquiète toutefois de ce que, selon le SGDSN, « la France ne forme pas assez de spécialistes des différents domaines que recouvre la mise en oeuvre d'une politique de cybersécurité ».

Répartition des effectifs prévisionnels de l'ANSSI (2015) par statut et catégorie

(en équivalent temps plein)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données du SGDSN

Une enveloppe de 20 millions d'euros (en CP) supplémentaires est prévue en 2015 au titre des transferts de crédits vers le ministère de la Défense afin de financer des projets interministériels : il s'agit notamment du plan interministériel de modernisation des produits de sécurité gouvernementaux (PMPS), du programme de cryptophonie de nouvelle génération ou les besoins en capacités techniques interministérielles (CTIM).

B. LE SGMAP, OPÉRATEUR DE LA MODERNISATION DE L'ETAT

Le budget opérationnel du Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) est inférieur à celui du SGDSN ( 33,2 millions d'euros (CP) demandés pour 2015, hors dépenses de personnel ) et stable par rapport à 2014.

Le SGMAP regroupe la direction interministérielle pour la modernisation de l'action publique (DIMAP), la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (DISIC), le service à compétence nationale « Réseau interministériel de l'État » et la mission Etalab.

Par son positionnement interministériel, le SGMAP se présente comme un service de soutien aux autres ministères , dont la mission est de moderniser et surtout d' unifier les systèmes d'information , pour simplifier les démarches des citoyens et des entreprises, mais aussi de l'administration elle-même. La DISIC joue un rôle majeur dans ce cadre.

À ce titre, le programme « Dîtes-le nous une fois » , qui vise à supprimer la redondance des informations demandées par les différentes administrations aux entreprises, est un projet primordial pour le SGMAP dans les années à venir.

Si des progrès sont encore à accomplir, il faut observer qu'en août dernier, l'Organisation des nations unies (ONU) a désigné la France comme la nation la plus avancée en Europe en matière de « e-gouvernance » et la quatrième au niveau mondial (après la Corée du Sud, l'Australie et Singapour) 6 ( * ) .

Le SGMAP est également chargé de la mise à disposition publique de ses données par l'État, l' open data .

1. Un changement d'affectation du programme d'investissement d'avenir « Transition numérique et modernisation de l'action publique »

Le SGMAP est chargé du pilotage du programme d'investissement d'avenir (PIA) « Transition numérique et modernisation de l'action publique » créé par la loi de finances pour 2014 et doté initialement de 150 millions d'euros.

Interrogé en 2014 par notre collègue Philippe Dominati, alors rapporteur spécial de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », le SGMAP avait indiqué que parmi les sept enveloppes d'appels à projets envisagées dans le cadre du PIA, l'une d'entre elles concernait les « services publics en milieu rural : mise en place de points d'accès publics et d'espaces mutualisés d'accès aux services de l'administration ».

Votre rapporteur spécial regrette que le projet de convention récemment transmis à votre commission des finances ne prévoie plus d'actions en faveur des services publics en milieu rural.

Interrogé sur ce point, le Commissariat général à l'investissement (CGI) a répondu que « cette thématique a finalement été traitée dans un autre cadre et ne fait donc plus partie des domaines d'intervention de l'action ». Il s'agirait du Commissariat général à l'égalité des territoires.

2. Le SGMAP : un recours particulièrement important aux prestataires extérieurs

Le SGMAP recourt de façon très importante aux prestations d'audit ou d'évaluation réalisées par des prestataires extérieurs. En 2013 et 2014, les dépenses engagées à ce titre par le SGMAP s'élèvent à 7,3 millions d'euros. Autrement dit, environ 10 % des crédits du SGMAP correspondent à la rémunération de prestataires extérieurs.

Prestations d'audit ou d'évaluation réalisées par des prestataires extérieurs

(en euros)

Objet

Titulaire

Service Prescripteur

Date de notification

Coût TTC

Assistance pour la définition et l'étude de solutions d'amélioration des services aux usagers et pour l'accompagnement stratégique et le pilotage du projet « Dites-le-nous une fois » - Lot 1 : assistance pour la définition et l'étude de solutions d'amélioration des services aux usagers

PRICEWATER HOUSECOOPERS ADVISORY

SGMAP

22/10/2013

4 000 000

Assistance pour la définition et l'étude de solutions d'amélioration des services aux usagers et pour l'accompagnement stratégique et le pilotage du projet « Dites-le-nous une fois » - Lot 2 : accompagnement stratégique et pilotage du projet « Dites-le nous une fois ».

KURT SALMON

SGMAP

22/10/2013

2 100 000

Sous-total 2013

6 100 000

Lot n°1 : Conseil opérationnel, audit et assistance au fonctionnement interne, au pilotage et à la coordination d'ensemble du SGMAP

CSC COMPUTER SCIENCES SAS

SGMAP

27/03/2014

370 800

Lot n°1 : Conseil opérationnel, audit et assistance au fonctionnement interne, au pilotage et à la coordination d'ensemble du SGMAP

KPMG

SGMAP

27/03/2014

380 760

Lot n°1 : Conseil opérationnel, audit et assistance au fonctionnement interne, au pilotage et à la coordination d'ensemble du SGMAP

DELOITTE CONSEIL SAS

SGMAP

27/03/2014

239 532

Marché subséquent portant sur l'évaluation de projets de systèmes d'information

SIA PARTNERS

SGMAP

20/05/2014

180 360

Sous-total 2014

1 171 452

TOTAL

7 271 452

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Vue l'importance des montants en jeu, votre rapporteur spécial se félicite que la commission des finances du Sénat ait demandé à la Cour des comptes, en vertu de l'article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), de réaliser une enquête sur le recours aux consultants extérieurs par l'État .

C. LA NÉCESSAIRE RATIONALISATION DES COMMISSIONS ET INSTANCES PLACÉES AUPRÈS DU PREMIER MINISTRE

Sur les 536 commissions et instances consultatives et délibératives existantes au 16 septembre 2014, 28 sont placées auprès du Premier ministre 7 ( * ) . Leur budget prévisionnel consolidé pour 2015 n'est pas présenté dans les documents budgétaires .

En effet, certaines de ces commissions sont rattachées à des services ou directions et leurs dépenses sont intégrées dans leur budget global. C'est par exemple le cas de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre, dont les crédits (964 000 euros en 2013) relèvent du SGDSN.

Au total, en 2013, le budget de ces 28 commissions s'est élevé à près de 5 millions d'euros. Sur 60 commissions supprimées en 2013, trois 8 ( * ) relevaient du Premier ministre.

Votre rapporteur spécial appelle à la poursuite de ces suppressions et à la recherche de regroupements .


* 5 Chiffres fournis par le SGDSN.

* 6 « E-government survey 2014 - E-governement for the future we want », Department of Economic and Social Affairs, United Nations, New York, 2014.

* 7 Selon l'annexe au projet de loi de finances pour 2015 « Liste des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres ».

* 8 Il s'agit du comité consultatif pour l'habilitation des organismes prodiguant des stages de formation à la lutte contre la pollution, le comité technique des systèmes d'information et de communication et le conseil culturel de l'Union pour la Méditerranée.