M. Jean-Pierre Vogel, rapporteur spécial

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX DU PROGRAMME

A. UNE VOLONTÉ DE MAÎTRISER LES DÉPENSES DE PERSONNEL QUI DOIT S'ACCOMPAGNER D'UNE RÉFLEXION SUR LES MISSIONS DE LA DGSCGC

Évolution des crédits par titre

(en millions d'euros)

2015 (voté)

2016 (demandé)

Variation

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dépenses de personnel

(y compris CAS Pensions)

166,61

166,61

167,19

167,19

0,35 %

0,35 %

Dépenses de fonctionnement

89,58

117,48

107,48

122,56

19,98 %

4,32 %

Dépenses d'investissement

34,10

40,93

30,58

48,34

- 10,34 %

18,10 %

Dépenses d'intervention

100,80

104,60

99,47

100,97

- 1,31 %

- 3,46 %

Dépenses d'opérations financières

3,57

3,57

2,52

2,52

- 29,26 %

- 29,26 %

Total hors dépenses de personnel

228,05

266,57

240,05

274,39

5,26%

2,93%

Fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP)

13,15

13,15

12,35

12,35

- 6,08 %

- 6,08 %

Total (y compris FDC et ADP)

407,81

446,33

419,60

453,93

2,89 %

1,70 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

1. Une volonté de maîtriser des dépenses de personnel

Historiquement, le programme « Sécurité civile » a été marqué par un phénomène de « croissance pauvres en emplois » . Entre 2006 et 2014, les dépenses de personnel ont ainsi augmenté de 22,7 %, alors même que les effectifs ont baissé de 6,6 % en ETPT.

Évolution comparée des ETPT et des dépenses de personnel

(en millions d'euros)

2006

2014

Évolution 2006-2014

Équivalent temps plein travaillé (ETPT)

2 563

2 395

- 6,6 %

Dépenses de personnel

134,416

164,907

22,7 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les crédits demandés pour 2016 témoignent à l'inverse d'une volonté de maîtriser à la fois les dépenses de personnel et les effectifs.

S'agissant du schéma d'emplois, l'exercice 2016 prévoit une nouvelle baisse de 10 ETP à périmètre constant, pour un plafond d'emplois de 2 404 ETPT.

Évolution des schémas d'emplois depuis 2012

(en ETP)

2012

2013

2014

2015

2016

Cumul

LFI

- 23

- 24

- 24

- 24

- 10

- 105

Exécution

- 23

- 21

- 24

-

-

-

Écart à la LFI

0

3

0

-

-

-

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Sur la période 2012-2016, la baisse cumulée représente ainsi environ 4 % des effectifs sous plafond du programme.

S'agissant des crédits demandés, la hausse des dépenses de personnel (0,35 %) est contenue et s'explique intégralement par une hausse des cotisations et contributions sociales ainsi qu'une hausse des prestations sociales.

Décomposition des dépenses de personnel par catégorie en 2015 et 2016

(en millions d'euros)

2015

2016

Variation

Rémunérations d'activité

98,6

98,03

- 0,57

Cotisations et contributions sociales

67,74

68,86

1,12

dont contributions au CAS Pensions

48,53

50,26

1,73

Prestations sociales et allocations diverses

0,28

0,3

0,02

Total Titre 2

166,62

167,19

0,57

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. Un risque de « paupérisation » de l'administration centrale

Si votre rapporteur spécial salue ces efforts, il convient de réaffirmer la nécessité de garantir l'adéquation entre les effectifs de la DGSCGC et le périmètre de ses missions.

En effet, des inquiétudes ont été exprimées lors des auditions concernant un phénomène de « paupérisation » de l'administration centrale, qui ne parviendrait plus à assumer l'ensemble de ses missions.

À titre d'illustration, les sapeurs-pompiers volontaires ne pouvaient toujours pas, en septembre 2015, bénéficier de l'accès à la formation professionnelle continue car le manque de personnels de la DGSCGC ne lui a pas permis de « formaliser à temps les documents nécessaires » 6 ( * ) .

La poursuite de cette politique de maîtrise des dépenses de personnel devrait donc s'accompagner d'une réflexion sur le périmètre des missions assurées par l'administration centrale et l'opportunité de s'appuyer davantage sur les autres acteurs de la sécurité civile.

B. UNE POSSIBLE SOUS-BUDGÉTISATION DE CERTAINES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT

1. L'évolution particulièrement dynamique des dépenses de fonctionnement

S'agissant des dépenses de fonctionnement , deux principaux facteurs expliquent la hausse importante (+ 20 % en AE et + 4,3 % en CP) des crédits demandés.

Concernant les crédits de paiement, la hausse est avant tout expliquée par le MCO des avions. Comme le rappelle la DGSCGC dans ses réponses au questionnaire, « les économies prévues dans le triennal ont été absorbées par les hausses économiques et l'effet de change ».

Décomposition de l'évolution anticipée du coût du MCO des avions

(en millions d'euros)

Impact anticipé sur le coût du contrat annuel de MCO des avions

Révision générale des moteurs des Canadair

3,3

Hausses économiques liées au prix des pièces

2

Hausse du dollar

3,2

Contraintes liées à la réglementation

0,3

Modernisation de la flotte

0,7

Retrait de service de 3 Tracker d'ici 2022

- 0,3

Pression concurrentielle



- 7,6

Partage des risques plus équilibré

Contrat opérationnel au juste besoin

Augmentation du temps disponible pour la maintenance en saison feu

Souplesse d'organisation

Total

1,6

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses de la DGSCGC)

La hausse de 20 % de la parité entre le dollar et l'euro pendant la période de renouvellement du marché a ainsi été intégrée dans les offres remises par les candidats, l'exposition du titulaire du marché à l'évolution de la parité étant estimée à 40 % par la DGSCGC. Un mécanisme de révision annuelle des prix devrait toutefois permettre de répercuter toute évolution favorable de la parité.

Concernant les autorisations d'engagement, la forte hausse observée tient au MCO des hélicoptères. En raison d'un retard dans la passation des marchés, les AE demandées pour 2016 doivent permettre de couvrir 21 mois de prestation, au lieu de 12 mois 7 ( * ) .

2. Une possible sous-budgétisation des dotations qui dépendent fortement de l'activité opérationnelle

Votre rapporteur spécial s'interroge sur les dotations prévues pour le retardant, les colonnes de renfort et le secours d'extrême urgence, qui sont orientées à la baisse depuis 2011, en dépit d'une légère hausse en 2016.

Montants inscrits en LFI et en PLF au titre des secours d'extrême urgence, des colonnes de renfort et du retardant

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Retardant

3,3

2,3

2,3

2,3

2,2

1,94

Colonnes de renfort

3,26

3,26

2,09

1,99

1,9

2,95

Secours d'extrême urgence

0,36

0,36

0,32

0,32

0,31

0,23

Total

6,92

5,92

4,71

4,61

4,41

5,12

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses de la DGSCGC au questionnaire)

Les montants prévus dans le cadre du présent projet de loi de finances sont ainsi significativement inférieurs à la moyenne des consommations réalisées au cours des cinq derniers exercices .

Consommations réalisées au cours des cinq dernières années pour les secours d'extrême urgence, les colonnes de renfort et le retardant

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

Moyenne

Retardant

2,4

2

3,5

1,9

2,8

2,5

Colonnes de renfort

10

2,5

3,8

1,6

2,2

4

Secours d'extrême urgence

3,8

0,65

0,62

0,15

0,79

1,2

Total

16,2

5,15

7,92

3,65

5,79

7,7

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses de la DGSCGC au questionnaire)

Cette possible sous-budgétisation n'est pas sans rappeler l'évolution observée s'agissant du carburant. En effet, les dépenses de carburant aéronautique ont fait l'objet en 2015 d'un « redimensionnement budgétaire » de près de 2 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent afin de corriger « la sous-dotation de ce poste au vu des dépenses exécutées » 8 ( * ) .

Comparaison des montants inscrits en LFI et en PLF pour le carburant aérien avec les consommations réalisées

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Montants inscrits en LFI / PLF

7,28

7,34

7,34

7,29

8,88

7,93

Consommation réalisée

9,68

8,05

11,2

11,58

-

-

Sous-budgétisation

2,4

0,71

3,86

4,29

-

-

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses de la DGSCGC au questionnaire)

Aussi, votre rapporteur spécial estime souhaitable que le niveau des dotations au titre des dépenses variant fortement en fonction de l'activité opérationnelle soit déterminé sur la base de la consommation moyenne constatée au cours des cinq années précédentes.

C. UN NOUVEAU REPORT DE CERTAINS PROJETS D'INVESTISSEMENT QUI SE TRADUIRA PAR DES SURCOÛTS

1. Une augmentation plus faible que prévue des dépenses d'investissement

S'agissant des dépenses d'investissement, le projet annuel de performance prévoit une hausse significative des CP (+ 18 %) et une baisse importante des AE (- 10 %).

Les principales dépenses sur ce poste concernent :

- la modernisation et rationalisation des implantations immobilières , avec le transfert de la base d'avions de la sécurité civile sur la plate-forme de l'aéroport de Nîmes-Garons, à proximité du groupement d'hélicoptères, qui devrait intervenir entre les saisons feux 2016 et 2017 (14,78 millions d'euros en AE et 12,45 millions d'euros en CP) ;

- l'optimisation de la couverture d' ANTARES (7,9 millions d'euros en AE et 18,4 millions d'euros en CP), programme qui fait actuellement l'objet d'une mission de contrôle spécifique et qui ne sera donc pas traité dans le cadre du présent rapport spécial ;

- le système d'alerte et d'information de la population (aucune en AE et 6,2 millions d'euros en CP).

L'évolution des dépenses d'investissement reste toutefois inférieure à ce qui était prévu dans la programmation pluriannuelle. L'écart par rapport à la LPFP est de 4 millions d'euros en CP et de 1,6 million en AE.

2. Un écart qui traduit en partie un report de certains projets d'investissement générateur de surcoûts pour le programme

Après analyse des informations transmises par la DGSCGC, la moitié de l'écart constaté correspond à des mesures de périmètre (par exemple, une comptabilisation sur le titre 3 et non sur le titre 5 de certaines dépenses) ou à des avances payées en 2015.

Décomposition de l'écart constaté sur le titre 5 entre le PLF 2016 et la LPFP

(en millions d'euros)

Justification de la DGSCGC

Impact

CP

AE

ANTARES

Effort sur les zones blanches

0,55

0

Base d'avions à Nîmes

Avances payées en 2015

- 1,5

0

Aéronefs

Nouveaux échéanciers des marchés et comptabilisation partielle en titre 3

- 0,56

- 0,56

Réserve nationale

Comptabilisation sur le titre 3

- 0,28

- 0,28

SAIP

Étalement de l'installation des sirènes

- 0,82

0

Autres postes

Réduction de 12 % des autres postes pour respecter les arbitrages gouvernementaux

- 1,41

- 0,78

Total

- 4,02

-1,62

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses de la DGSCGC)

Pour le reste, l'écart constaté traduit le report de certains projets d'investissement du programme, du fait de la contrainte budgétaire.

D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, la réduction de 12 % des dépenses d'investissement sur les « autres postes » mentionnée ci-dessus se traduit ainsi principalement par un décalage d'opérations immobilières et d'achats de véhicules.

Le projet de remplacement du réseau national d'alerte (RNA) par le système d'alerte et d'information des populations (SAIP) est également symptomatique de la tendance à reporter les investissements prévus.

L'achèvement du projet est rendu indispensable par l'obsolescence du RNA, qui n'est plus maintenu par la société Orange et dont l'exploitation doit se terminer au dernier trimestre de l'année 2015.

Sur le plan budgétaire, le projet a été scindé en deux :

- le volet « sirènes » doit permettre la réalisation du logiciel de pilotage du dispositif, la mise en place d'un serveur de diffusion de l'alerte, le déploiement de 2 830 sirènes et la réalisation d'études préalables concernant le deuxième volet ;

- le volet « téléphone mobile » doit permettre l'information des citoyens par l'envoi de messages textes sur leurs téléphones mobiles.

Si l'achèvement du volet « sirènes » était initialement prévu pour 2015, sa mise en oeuvre devrait finalement s'étendre jusqu'en 2019, en raison de multiples retards . Ainsi, « le prestataire chargé de l'élaboration du logiciel a reporté à plusieurs reprises la livraison, qui connaît aujourd'hui un retard de 36 mois » et devrait être opérationnel en préfecture « au deuxième trimestre 2016 », une solution temporaire ayant toutefois été mise en oeuvre pour pouvoir continuer à déclencher les sirènes depuis les préfectures 9 ( * ) .

S'agissant du volet « téléphone mobile », aucun financement n'est prévu dans le cadre du prochain triennal (2015-2017).

Pour le programme, ces retards se traduisent le plus souvent par des surcoûts non négligeables.

D'après la DGSCGC, l'allongement de la première phase du projet SAIP implique ainsi la souscription d'une prestation « assistance au déploiement » sur la période 2016-2019, pour un coût supplémentaire de 610 000 euros. D'autres surcoûts pourraient résulter des hausses économiques, de l'augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et du paiement d'intérêts moratoires.

Compte tenu de ces difficultés, il est aujourd'hui indispensable pour la sécurité civile de s'engager dans une nouvelle dynamique de mutualisation afin de dégager des marges de manoeuvre budgétaires pour l'ensemble des forces de secours.

D. LA NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE DYNAMIQUE DE MUTUALISATION

1. Une mutualisation plus ambitieuse des flottes d'hélicoptères

Une première possibilité serait de s'engager vers une mutualisation plus ambitieuse des flottes d'hélicoptères de l'État .

Parc des hélicoptères publics non militaires

Appareils

Bases

Régime

Douanes

9

3

Propriété

Gendarmerie nationale

56

29

Propriété

Service d'aide médicale urgente (SAMU)

42

41

Location

Sécurité civile

35

23

Propriété

Sous-total ministère de l'intérieur

91

52

Total

142

96

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses de la DGSCGC)

Ce thème figure d'ailleurs parmi la liste des 16 revues de dépenses qui devraient être effectuées par les corps de contrôle et d'inspection en 2016. Il fait également l'objet d'une enquête de la Cour des comptes .

Les enjeux budgétaires sont estimés à 200 millions d'euros 10 ( * ) , tant la situation actuelle semble sous-optimale :

- il subsiste en pratique de nombreux décideurs 11 ( * ) , même si le préfet est en principe chargé de décider de l'emploi d'un hélicoptère dans le département ;

- chaque autorité d'emploi dispose de ses propres bases, règles de formation, centres de maintenance et outils de formation ;

- les implantations territoriales sont décidées par chaque ministère, ce qui se traduit par des doublons et des déséquilibres ;

- les appareils employés sont différents selon les forces.

Il convient toutefois de souligner que de premiers efforts ont été réalisés à partir de 2005 par la DGSCGC et la DGGN, qui représentent 64 % du parc 12 ( * ) :

- rédaction d'un schéma commun d'implantation ;

- mise en place d'un marché mutualisé de support logistique pour les EC 145 (48 appareils) ;

- réalisation de travaux sur le centre de maintenance de Nîmes afin de pouvoir y effectuer la maintenance des EC 145 ;

- ouverture de formations de la sécurité civile aux mécaniciens de bord et aux pilotes de la gendarmerie.

Toutefois, d'après les informations recueillies lors des auditions , des obstacles culturels ne permettent pas de bénéficier pleinement des possibilités techniques ouvertes par ces premiers efforts de mutualisation.

Surtout, une rationalisation plus ambitieuse impliquerait nécessairement un traitement interministériel de ce dossier.

2. La réduction du nombre de centres de traitement des appels d'urgence, à condition de prévenir le risque de transfert de charges au détriment des SDIS

Une deuxième possibilité serait de mener une politique ambitieuse de réduction du nombre de centres de traitement des appels d'urgence (CTA) .

Comme l'a récemment rappelé le colonel Éric Faure, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, à l'occasion du 122 e congrès national des sapeurs-pompiers, « aujourd'hui, face aux enjeux technologiques, aux attentes de la population, aux menaces et bien sûr, à la contrainte économique, notre pays n'a plus les moyens de conserver une centaine de CTA 18, une centaine de centres 15, et près de 300 pour le 17 de la police et celui de la gendarmerie » 13 ( * ) .

Votre rapporteur spécial soutient cet appel à la création de plates-formes communes de gestion des appels , évolution qui permettra à terme de faire véritablement du 112 l'unique numéro d'appel d'urgence.

Le sujet est ancien : à titre d'exemple, la Cour des comptes relevait dès 2011, dans son rapport public thématique sur les SDIS, le faible nombre de plates-formes communes de traitement des appels entre les SDIS et le SAMU et recommandait de rendre obligatoire, dans les meilleurs délais, l'unification des CTA 14 ( * ) .

Si les obstacles techniques et culturels à une telle évolution ne doivent pas être négligés, de nombreux pays se sont déjà engagés dans cette voie avec succès.

À titre d'illustration, la Finlande a réussi à mener entre 2009 et 2015 une réforme ambitieuse de son organisation qui a permis de réduire le nombre de centres d'appels de 15 à 6 et de faire du 112 le numéro de téléphone unique en cas d'urgence 15 ( * ) .

À l'inverse, un onzième numéro d'urgence a été mis en place dans notre pays en 2015 16 ( * ) .

Comparaison entre le nombre de numéros d'appel d'urgence et de centres de traitement des appels en France et en Finlande

Nombre de numéros d'urgence

Nombre de centres d'appels

Nombre de centres d'appels pour un million d'habitants

France

11

500

7,7

Finlande

1

6

1,1

Source : commission des finances du Sénat

D'après les informations transmises par la DGSCGC , « une expérimentation en province dans plusieurs départements types » devrait toutefois être lancée en 2016 sur « le modèle de la plate-forme parisienne de la Préfecture de Police qui regroupe, sur une plate-forme unique de filtrage, les appels 17 et 18 de Paris et des départements de Seine-St-Denis (93), des Hauts-de-Seine (92) et du Val-de-Marne (94) », dans la perspective de l'euro 2016.

Par ailleurs, des plates-formes communes de traitement des appels entre SDIS et SAMU ont été récemment mises en oeuvre en Haute-Marne et dans l'Hérault, portant leur nombre total à une vingtaine.

Si le bilan de ces premières initiatives est très encourageant - dans un département, la mise en place d'une plate-forme commune s'est ainsi traduite par une accélération de 30 secondes du traitement des appels et une diminution du temps d'intervention 17 ( * ) - deux inquiétudes subsistent à ce stade.

Premièrement, si le ministère de la santé est associé aux réflexions en cours, il semble pour le moment accorder la priorité à la modernisation de son propre système d'information , au détriment, dans certains territoires, de l'objectif de mutualisation des centres d'appel.

Deuxièmement, votre rapporteur spécial sera particulièrement vigilant à ce que les regroupements de plates-formes n'aboutissent pas à des transferts de charges pour les SDIS , comme c'est le cas en matière de transport sanitaire 18 ( * ) .

Là encore, une rationalisation plus ambitieuse impliquera nécessairement un traitement interministériel de ce dossier et une forte volonté politique.

E. LE DÉFI DE LA MODERNISATION ET DU RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE AÉRIENNE

La flotte aérienne de la sécurité civile est composée de 26 appareils :

- 12 Canadair , bombardiers d'eau qui peuvent emporter jusqu'à 6 tonnes d'eau ;

- 9 Tracker , bombardiers d'eau terrestres capables d'emporter 3 tonnes d'eau ou de retardant ;

- 2 Dash , avions polyvalents pouvant effectuer des missions de bombardement d'eau en saison feu (jusqu'à 10 tonnes) et des missions de liaison en saison hivernal ;

- 3 Beech , utilisés principalement pour des missions de coordination, d'investigation et de liaison.

À moyen terme, le principal impératif pour la sécurité civile est de remplacer la composante Tracker de la flotte , dont la limite de vie était initialement estimée entre 2016 et 2020 19 ( * ) .

À plus court terme, le premier chantier pourrait toutefois concerner la rénovation avionique et l'équipement en optronique des Beech.

1. La rénovation des avions d'investigation et de liaison Beech

Depuis plusieurs années, la DGSCGC est à la recherche d'une solution permettant de renforcer ses moyens aériens de surveillance, compte tenu de son déficit en la matière.

D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, deux options sont actuellement à l'étude.

Une première option consisterait à louer des heures d'aérosureillance.

Cette solution, actuellement expérimentée par deux SDIS, présente toutefois l'inconvénient d'être particulièrement coûteuse à long terme. Ainsi, le coût est actuellement de 230 000 euros pour le SDIS 13 par saison feux, pour un nombre d'heures de vol limité.

Une deuxième option consisterait à équiper les Beech en matériel optronique.

Cette solution serait moins coûteuse sur le long terme et offrirait une souplesse d'emploi bien plus grande. Par ailleurs, elle permettrait d'effectuer une rénovation des Beech, dont l'avionique ancienne génère d'après la DGSCGC « des pannes fréquentes, des surcoûts de maintenance » et pourrait conduire à « des restrictions croissantes de circulation dans l'espace aérien national et européen », compte tenu des évolutions réglementaires.

Cette deuxième solution nécessite toutefois un investissement initial relativement important pour le programme estimé à 8,8 millions d'euros sur trois ans , dont 3 millions d'euros pour la rénovation avionique, 0,4 million d'euros pour la rénovation des cabines et 5,4 millions d'euros pour l'équipement optronique.

La DGSCGC précise que ces modernisations peuvent être commandées dans le cadre du nouveau contrat de MCO , sous réserve d'une avance de 60 % versée à la commande.

En complément, la mobilisation de drones devrait également être étudiée dans le cadre d'un groupe de travail qui sera prochainement mis en place.

2. Le remplacement des avions bombardiers d'eau Tracker

S'agissant des avions bombardiers d'eau Tracker, la DGSCGC indique avoir remis en 2015 des propositions techniques au ministère de l'intérieur.

La solution envisagée repose sur le remplacement des Tracker par des Dash, complété le cas échéant par des Canadair .

En effet, les Dash présentent l'avantage de la polyvalence : ils peuvent être utilisés en tant que bombardiers d'eau mais également pour des missions de transport de passagers et de matériel. Ils seraient idéalement complétés par des Canadair, qui peuvent être mobilisés pour réaliser des attaques sur des secteurs plus accidentés.

Toutefois, une incertitude forte demeure sur la capacité de la DGSCGC à faire l'acquisition de nouveaux Canadair , la chaine de production du constructeur Bombardier ayant été fermée.

À ce stade, le calendrier prévisionnel de la DGSCGC pour le renouvellement est le suivant :

- 1 appareil après la saison feux 2018 ;

- 3 appareils après la saison 2019 ;

- 5 appareils après la saison 2020.

Ainsi, la DGSCGC confirme que certains Tracker pourraient être prolongés jusqu'à la fin de l'année 2022 « si une extension du certificat peut être obtenue à des conditions économiques raisonnables, afin de lisser l'effort d'investissement ».

D'après l'échéancier prévisionnel, qui reste soumis à des arbitrages budgétaires à venir, le coût total de l'opération s'élèverait à 100 millions d'euros pour le programme 141 « Sécurité civile ».

Prévision des crédits nécessaires au renouvellement de la composante Tracker

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

AE

50

0

0

25

25

0

CP

2,5

0

22,5

22,5

25

25

Source : commission des finances du Sénat (d'après les informations transmises par la DGSCGC)


* 6 Cf. Allocution du colonel Éric Faure, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, à l'occasion de la venue de monsieur Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, au 122 e congrès national des sapeurs-pompiers.

* 7 Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire.

* 8 Réponses de la DGSCGC au questionnaire.

* 9 Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire.

* 10 Cf. document « Revues de dépenses » annexé au projet de loi de finances pour 2016, p. 19

* 11 Centres opérationnels de la gendarmerie, du SAMU, des sapeurs-pompiers et brigades de surveillance maritime des douanes notamment.

* 12 Source : réponse de la DGSCGC au questionnaire.

* 13 Cf. Allocution du colonel Eric Faure, précitée.

* 14 Cour des comptes, Rapport public thématique : Les services départementaux d'incendie et de secours, novembre 2011.

* 15 Marko Nieminen, Heikki Uusitalo, « Managing change : the example of Finland, from 15 centres to a network of 6 centres », EENA case study document, 7 mai 2015.

* 16 La liste complète est désormais la suivante : 15, 17, 18, 112, 114, 115, 119, 191, 196, 197, 116000. Cf. arrêté du 6 juillet 2015 homologuant la décision n° 2015-0153 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 17 mars 2015 modifiant la décision n° 02-1179 du 19 décembre 2002 établissant la liste des numéros d'urgence devant être acheminés gratuitement par les opérateurs de communications électroniques.

* 17 Source : réponse de la DGSCGC dans le cadre des auditions.

* 18 Les « restes à régler » pour carence du transport sanitaire ont augmenté significativement pour les SDIS en 2014 (1,75 million d'euros).

* 19 Rapport du préfet de région Christian Lavernée sur « L'avenir de la flotte aérienne de la sécurité civile », mars 2012.