Mercredi 16 avril 2014

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -

Egalité réelle entre les femmes et les hommes - Examen des amendements au texte de la commission

La réunion est ouverte à 9 h 05

La commission procède à l'examen des amendements sur le texte n° 444 (2013-2014) de la commission pour le projet de loi n° 321 (2013-2014) modifié par l'Assemblée nationale en première lecture, pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Examinons tout d'abord les amendements de notre rapporteur Virginie Klès au texte de la commission sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en première lecture, pour l'égalité « réelle » entre les femmes et les hommes - dernière occurrence de cet adjectif, qui a été supprimé par notre commission la semaine dernière.

Article 3

L'amendement de coordination n° 56 est adopté.

Article 11 bis A

L'amendement rédactionnel n° 57 est adopté.

Article 15 quinquies A

Mme Virginie Klès, rapporteure. - L'amendement n° 54 corrige une erreur matérielle.

L'amendement n° 54 est adopté.

Article 25

L'amendement de coordination n° 55 est adopté.

AUTRES AMENDEMENTS DE SÉANCE

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Venons-en aux autres amendements extérieurs. Nous sommes heureux d'accueillir Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Article 2 E

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - L'amendement n° 41 reprend une disposition de la proposition de loi de Mme Campion adoptée en février 2012 par le Sénat : il incite les entreprises à conclure avant le 1er janvier 2015 un accord sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, sous peine de perdre le bénéfice des exonérations de charges et d'impôts auxquelles elles sont éligibles. L'avis est donc favorable.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je m'en remets à l'avis de la commission des affaires sociales, sur cet amendement comme sur tous ceux portant sur des articles dont l'examen lui a été délégué au fond.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 41.

Article 2 F

M. Philippe Bas. - L'amendement n° 14 supprime cet article, véritable cavalier, qui inclut le temps de déplacement effectué dans le cadre de la journée de travail dans le temps de travail effectif. Cela n'a rien à voir avec l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Avis défavorable. Cette disposition a toute sa place ici, car les femmes sont très nombreuses à devoir se déplacer sur plusieurs lieux de travail pour un même employeur dans une seule journée, dans le secteur de la propreté ou des services à la personne par exemple.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - En tant que sénatrice, je suis favorable à cet amendement, car je crains que l'assimilation du temps de déplacement au temps de repos pose un problème juridique.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 14.

Article 2 G

M. Philippe Bas. - Cet article oblige les branches professionnelles à remettre au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle un rapport analysant les négociations réalisées en matière de classification et les bonnes pratiques. Comme si on pouvait présumer qu'une négociation entraînera des discriminations... Ne submergeons pas ce Conseil d'un travail inutile.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Avis défavorable à cet amendement de suppression, d'autant que l'amendement suivant que je vous propose réécrit l'article.

M. Pierre-Yves Collombat. - Nous produisons déjà suffisamment de papier. Je ne vois pas en quoi ces dispositions promouvront l'égalité réelle entre hommes et femmes.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 15.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - L'amendement n° 46 précise que le rapport remis au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle analyse les négociations réalisées, les discriminations entre les femmes et les hommes identifiées et les mesures prises pour les corriger. La révision des classifications rendra plus efficace la lutte contre les discriminations professionnelles au niveau des branches. La périodicité prévue pour ce rapport n'est que quinquennale, cela devrait apaiser les craintes de M. Bas et de ses collègues.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 46.

Article additionnel après l'article 2 H

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - L'amendement n° 47 rectifié généralise à tous les licenciements fautifs résultant d'une discrimination ou de faits de harcèlement l'obligation faite par le juge à l'employeur de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage perçues par le salarié injustement licencié.

M. Patrice Gélard. - Il y a un problème : le jugement des prud'hommes n'est pas nécessairement définitif.

M. François Pillet. - S'agit-il de la totalité des indemnités chômage devant être versées, ou seulement de celles ayant été versées à la date du jugement ? En l'absence de précision, l'employeur pourra verser la totalité des indemnités dues, y compris les indemnités futures. Le législateur créerait une condamnation indéterminée, puisque son montant serait fonction de la date de retour à l'emploi.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Il s'agit, non des indemnités de licenciement, mais des indemnités chômage. Par ailleurs, le plafond de remboursement est fixé à six mois d'indemnités.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 47 rectifié.

Article 2

M. Philippe Bas. - Lorsque deux parents prennent simultanément un temps partiel, il n'y a pas lieu de prolonger le bénéfice de la prestation partagée d'éducation de l'enfant, puisqu'ils demeurent dans l'emploi, d'où l'amendement n° 9 rectifié.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - L'objectif de cet article est de favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales au sein des couples, quelle que soit la situation professionnelle des parents. Les emplois à temps partiel sont occupés à 82% par des femmes qui, le plus souvent, ne l'ont pas choisi. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9 rectifié.

M. Philippe Bas- Les militaires sont soumis à l'obligation de servir en tout temps et en tout lieu, obligation rendue plus contraignante lorsque la France est engagée dans des opérations extérieures. L'amendement n° 6 rectifié fait déroger les familles dont un parent est militaire, ainsi que celles confrontées au cas d'une naissance multiple, à l'obligation de partage de congé parental pour bénéficier du versement pendant une durée maximale de trois ans de la prestation partagée d'éducation de l'enfant.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Le partage de la prestation parentale entre conjoints pourrait poser problème à de nombreuses autres professions, comme les policiers ou les urgentistes, par exemple... Quant aux parents de jumeaux ou de triplés, je ne vois guère de raison de les exclure du dispositif.

M. Philippe Bas. - Il ne s'agit pas d'exclure ces familles du dispositif, mais au contraire de les faire bénéficier d'une prestation à laquelle les conditions réelles de leur vie familiale leur donneraient droit, mais dont les privent les conditions particulières d'exercice de leur activité professionnelle.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 6 rectifié.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Je suis favorable à l'amendement n° 5 de Mme Dini.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 5.

Article 2 bis A (supprimé)

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - L'amendement n° 45 rectifié rétablit un article supprimé par la commission des lois la semaine dernière, qui protège du licenciement les hommes salariés au cours des quatre semaines suivant la naissance de leur enfant.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Difficile de nous déjuger, même si, je le concède, mon opinion a évolué : le père peut se trouver sanctionné pour avoir pris son congé paternité par exemple. Je m'en remets à la sagesse de notre commission.

M. Patrice Gélard. - Il n'est pas évident qu'un père s'occupera de son nouveau-né. Les familles monoparentales se multiplient : les pères reconnaissent leur enfant mais s'en désintéressent par la suite. Je ne suis pas convaincu de l'intérêt de cette disposition.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Est-il juste de pénaliser ceux qui s'occupent activement de leur enfant au seul motif que d'autres ne le font point ?

M. François Grosdidier. - Il y a aussi des mères qui ne s'occupent pas de leur enfant.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 45 rectifié.

Article additionnel après l'article 2 bis A (supprimé)

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - L'amendement n° 44 rectifié étend aux licenciements discriminatoires, liés à la maternité ou à des faits de harcèlement sexuel, une procédure jusqu'ici réservée aux licenciements économiques collectifs, et autorisant le juge à ordonner la poursuite du travail ou à octroyer au salarié une indemnité équivalente à douze mois de salaire au minimum. Cette mesure bénéficiera surtout aux femmes victimes de discriminations, qui ne bénéficient pas de règles si protectrices concernant le montant de l'indemnité qu'elles sont susceptibles de percevoir.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Cette disposition a-t-elle un lien direct avec l'égalité entre les femmes et les hommes ?

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Oui.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Les hommes ne sont pas moins concernés.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Les femmes sont davantage touchées.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 44 rectifié.

Article 2 bis B

M. Philippe Bas. - Comme on ne peut leur opposer l'article 40 de la Constitution, les avantages sociaux à la charge des employeurs se multiplient. Donnons un coup d'arrêt à cette pratique qui alourdit les contraintes pesant sur les entreprises, alors que le Gouvernement entend précisément les alléger. L'amendement n° 16 supprime cet article, qui maintient le salaire des époux, concubins ou titulaires d'un PACS qui s'absentent pour se rendre à trois examens médicaux obligatoires pendant la grossesse.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Nous avons déjà eu ce débat : avis défavorable. L'article incite les pères à s'impliquer dans le partage des responsabilités parentales, et préserve leurs droits.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je défends l'idée d'autoriser les pères à assister aux examens médicaux, mais maintenir leur rémunération me semble excessif. Les petites entreprises pourraient en pâtir. Pourquoi ne pas plutôt prévoir une autorisation d'absence non rémunérée ?

M. François Pillet. - Avons-nous la possibilité de modifier l'amendement ?

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Rectifier ainsi un amendement de suppression semble difficile.

M. Philippe Bas. - Notre rapporteur ne pourrait-elle déposer un nouvel amendement ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Notre commission a délégué l'examen de ces dispositions à la commission des affaires sociales.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Madame Meunier, pourriez-vous réfléchir à amender le texte en ce sens ?

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Je demeure défavorable à cet amendement.

M. André Reichardt. - Mme Meunier parle du droit de l'époux, du concubin ou du pacsé à assister aux examens médicaux. Dans les petites entreprises, cette absence peut être très perturbante.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous reviendrons sur cette question dans la suite de la navette. Pour l'heure, votons.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 16.

Article 2 bis (suppression maintenue)

M. Philippe Bas. - Il est rare que je demande la remise d'un rapport...

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Oui, cela m'étonne de vous !

M. Philippe Bas. - Je m'étonne moi-même. Celui que propose l'amendement n° 8 rectifié a un caractère exceptionnel. L'ambition du nouveau congé parental est de favoriser le partage des responsabilités entre hommes et femmes. Il n'ira pas sans poser des problèmes, ce qui nécessite de le mettre sous observation. Or il n'y a pas d'autre moyen pour cela que de demander la remise d'un rapport. N'avançons pas à l'aveugle.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Je m'étonne moi-même de la réponse que je vous ferai : avis défavorable, car je crois que nous avons déjà les outils d'observation nécessaires. De plus, la Cnaf fournit déjà un certain nombre de données utiles sur l'accueil de la petite enfance.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8 rectifié.

Article 5 ter

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Reprenant une autre des dispositions de la proposition de loi de Mme Campion de 2012, l'amendement n° 42 met les entreprises devant leurs responsabilités et garantit l'application du droit en autorisant l'administration à infliger une pénalité aux entreprises qui n'ont pas transmis à l'inspection du travail leur rapport de situation comparée.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 42.

Article 5 quinquies C

M. Jean-Jacques Hyest. - Supprimer, comme l'a fait l'Assemblée nationale, l'exigence d'une situation de nécessité - ou de « détresse » - introduite par la loi de 1975 nous paraît contraire à la Constitution. L'amendement n° 13 la rétablit en supprimant l'article.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous avons déjà voté contre cet amendement, qui avait reçu un avis défavorable de la rapporteure.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13.

Article 5 sexies A

Mme Esther Benbassa. - L'amendement n° 33 est rédactionnel.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Remplacer « raisonnable » par « prudent et diligent » ne me semble pas opportun. « Raisonnable » est une notion en phase avec les standards européens et internationaux. Préciser excessivement la loi, c'est l'affaiblir.

M. Jacques Mézard. - Je déplore le toilettage sémantique du droit positif. L'Assemblée nationale a déjà supprimé la notion de bon père de famille. Bientôt, on bannira la notion d'honnête homme au sens du XVIIe siècle !

Mme Esther Benbassa. - « Raisonnable » ne veut pas dire grand-chose. « Bon père de famille » est une expression populaire qui ne veut rien dire non plus. Y aurait-il des bons et des mauvais pères de famille ?

M. Jean-Jacques Hyest. - Il n'est pas évident que « raisonnable » ait le même sens qu' « en bon père de famille ». La tentative de Mme Benbassa de se rapprocher de cette dernière notion est intéressante. Il faudra bientôt éliminer la notion de « patrimoine »...

M. François Grosdidier. - Et celle de « patrie » !

M. Jean-Jacques Hyest. - Remplacer cette notion par « raisonnable », qui ne veut rien dire, appauvrit notre droit. Je voterai cet amendement.

M. Pierre-Yves Collombat. - Un bon père de famille peut être déraisonnable - il faut d'ailleurs l'être en matière éducative. Prudent, diligent : ces termes trouveraient plutôt à s'appliquer à un banquier ... Je serais bien revenu à la notion de bon père de famille.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je vous rejoins : il n'était pas utile de la remplacer. En même temps, entamer une partie de ping-pong avec l'Assemblée nationale sur ce point ne serait guère... raisonnable. Soit l'on considère que « raisonnable » répond aux standards européens et internationaux, soit l'on revient au bon père de famille. En tout cas, introduire de nouveaux adjectifs me semble exclu.

M. René Vandierendonck. - La notion de bon père de famille renvoie à quelque chose de précis. Comme disait le doyen Carbonnier, tout le reste, c'est « l'acné du style juridique ».

M. André Reichardt. - Très bien !

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 33.

Article additionnel après l'article 6 bis

Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement n° 48, qui concerne les recouvrements forcés pour les créanciers de pensions alimentaires et le rôle des huissiers, est du domaine réglementaire. Avis défavorable, d'autant que cet amendement modifie l'équilibre entre Caf, huissiers, créanciers et débiteurs de pensions alimentaires. Cela ne veut pas dire que la question ne doit pas être approfondie.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - J'ai reçu les représentants des huissiers qui font valoir que 80 % des recouvrements de pension alimentaire effectués par leurs soins sont efficaces. Il paraît disproportionné de combler le manque à gagner résultant de la mise en place de la gratuité de la procédure pour les créanciers par un doublement des frais pesant sur l'ensemble des débiteurs non défaillants.

En revanche, peut-être serait-il pertinent de s'inspirer de la procédure de paiement direct. Dans ce cas, l'article R. 213-7 du code des procédures civiles d'exécution prévoit expressément que les frais de cette procédure incombent au débiteur et qu'aucune avance ne peut être demandée au créancier. Si le débiteur est introuvable, ou si le paiement direct ne peut être obtenu, les émoluments des huissiers de justice sont avancés par le Trésor public.

M. Patrice Gélard. - C'est donc contraire à l'article 40  de la Constitution !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - En effet. C'est pourquoi il appartiendrait alors au Gouvernement de prévoir une solution identique pour les procédures de recouvrement forcé de pensions alimentaires. L'intention de cet amendement est bonne, mais les difficultés sont réelles, et il est possible de s'en sortir autrement.

M. Jacques Mézard. - Mme Klès a raison, cet amendement est du domaine réglementaire. Se pose la question de savoir si l'article 10 du décret relatif au tarif des huissiers est applicable dans ce type de procédure, qui permet de récupérer les fonds sur le créancier... Le puissant lobbying des huissiers avait fait passer cette mesure pour une bonne idée. Quant à l'argument des 80 % et des 20 %, il n'est guère convaincant, car il n'y a pas là de vases communicants.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 48.

Article additionnel après l'article 6 septies

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - L'amendement n° 17 rectifié étend l'expérimentation du versement prévue pour le versement en tiers-payant du complément de libre choix du mode de garde aux organismes qui assurent une prestation de garde d'enfant à domicile ainsi qu'aux établissements d'accueil de jeunes enfants de type micro-crèche.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 17 rectifié.

Article 7

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - L'amendement n° 49 rectifié étend le pouvoir du juge aux affaires familiales aux décisions qu'il prend en matière de solidarité des dettes relatives au logement du couple, afin de mettre fin à la solidarité entre époux séparés du fait de violences conjugales. L'information du bailleur n'est pas prévue parce qu'elle poserait le problème de la confidentialité nécessaire dans ce type de dossier.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Si l'objectif est louable, le dispositif n'est pas bon. D'abord, les difficultés qu'il engendre pour le bailleur sont importantes. De plus, il faut tenir compte des spécificités qui s'attachent à chaque situation visée : mariage, concubinage, pacs, etc. Ensuite, souhaite-t-on délivrer la victime de violences de tout droit et de toute obligation liés au logement de manière définitive, ou dans l'attente de décisions de long terme ? Qu'adviendra-t-il de la victime qui a donné son congé et qui, au terme de l'ordonnance de protection, décide finalement de revenir dans le logement ? Avis défavorable, mais il sera bon d'avoir ce débat en séance.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Ni la chancellerie ni le ministère des droits des femmes ne sont d'accord sur cette rédaction.

M. Jacques Mézard. - L'enfer est pavé de bonnes intentions. Cette proposition irréaliste est une fausse bonne idée.

M. Patrice Gélard. - En effet, et elle porte atteinte à l'égalité femmes-hommes : il ne faut pas qu'elle soit à sens unique.

M. Thani Mohamed Soilihi. - L'amendement se heurte à des obstacles juridiques majeurs. Le couple locataire est contractuellement lié au bailleur du logement. Permettre au juge de mettre fin aux obligations contractuelles de la victime à l'égard du bailleur me semble tout à fait inopportun.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 49 rectifié.

Article 7

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - L'amendement n° 25 rectifié réintroduit une disposition autorisant la victime de violences à élire domicile, pour les besoins de la vie courante, chez une personne morale qualifiée.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Avis défavorable : elle peut élire domicile chez l'avocat.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 25 rectifié.

Article 8

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Les amendements n° 12, 19 rectifié et 26 rectifié ont le même objet.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Comme l'amendement n° 19 rectifié, le n° 12 interdit la médiation pénale en cas de violences conjugales.

M. Christian Favier. - La médiation n'est pas adaptée en cas de violences conjugales. L'amendement n° 26 rectifié rétablit la version adoptée par le Sénat en première lecture.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Avis défavorable à ces amendements. Aucune systématisation n'est bonne. Évitons de lier trop le pouvoir d'appréciation du procureur de la République, déjà bien encadré. Les amendements vont trop loin et ignorent la possibilité de conflits ponctuels, y compris violents, pour lesquels la médiation pénale peut être adaptée, et qu'il convient de bien différencier des violences avec emprise. Ces violences avec emprise sont très spécifiques. Avis défavorable.

M. François Pillet. - Nous avions déjà examiné ces amendements lors de la discussion de la proposition de loi de Roland Courteau, dont j'étais rapporteur. Le Sénat les avait rejetés. La justice a pour objet d'apaiser les conflits. La médiation apaise les conflits lorsqu'elle est mise en oeuvre. Elle n'est, de plus, que facultative et prévient la récidive. Les cas de violences conjugales ne relèvent pas du tribunal de police, mais du tribunal correctionnel. Les procureurs ne transmettront pas systématiquement : les affaires ne seront pas tranchées par une instance pénale mais donneront lieu à un rappel à la loi dans le bureau du procureur, voire à un classement sans suite. Ne supprimons pas la médiation pénale. Si celle-ci échoue, d'ailleurs, on revient à la procédure normale. Systématiser est contraire à l'esprit de notre commission.

M. Pierre-Yves Collombat. - Je soutiens la position de bon sens de notre rapporteur.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 12, 19 rectifié et 26 rectifié.

Article 12 bis B

Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement n° 50 complète le code de la défense. Il interdit toute mesure de discrimination à l'encontre d'un militaire victime de faits de faits de harcèlement sexuel ou moral, et prévoit expressément qu'une victime de tels faits peut bénéficier de la protection fonctionnelle. Avis favorable.

M. Jean-Jacques Hyest. - La rédaction reprend celle qui a été retenue pour la fonction publique. Que signifie la référence à la protection juridique de l'Etat ? Est-ce le cas pour les fonctionnaires ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. - C'est la reconnaissance que les faits de harcèlement sont susceptibles d'ouvrir droit à cette protection juridique. Le Conseil d'Etat l'a expressément admis dans un arrêt de 2010.

M. Pierre-Yves Collombat. - Dès qu'un fait divers se produit, on légifère, comme si le Parlement était la caisse de résonance des scandales médiatiques. Mieux vaut améliorer le fonctionnement de nos institutions.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - D'une manière générale je partage votre point de vue, mais en l'occurrence, il est opportun de légiférer, dans un souci de pédagogie et de lisibilité du droit pour nos militaires.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 50.

Article 14

M. Christian Favier. - L'amendement n° 27 rectifié rétablit la version de l'article 14 adoptée en première lecture au Sénat.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Cette disposition a été supprimée par l'Assemblée nationale afin d'anticiper la publication à venir d'une ordonnance rendant applicable le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) à Mayotte et qui prendra en compte les modifications intervenues dans ce projet de loi. Retrait ?

La commission demande le retrait de l'amendement n° 27 rectifié.

Article additionnel après l'article 14

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je maintiens mon avis défavorable à l'amendement n° 28, ainsi qu'aux amendements nos 29 et 30.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 28 et 29.

Article 14 bis

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 30.

Mme Esther Benbassa. - L'amendement n° 34 facilite l'octroi de titres de séjour à des personnes qui ont porté plainte ou témoigné dans le cadre de procédures pénales pour des faits de traite des êtres humains. En cas de condamnation définitive, les titres sont délivrés de plein droit.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Avis défavorable. Notre commission est hostile à toute systématisation qui limiterait le pouvoir d'appréciation des autorités. Ne nous exposons pas à des risques de détournement de la procédure.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 34.

Article 14 ter A

M. Christian Favier. - L'amendement n° 31, essentiellement rédactionnel, complète le texte adopté à l'Assemblée nationale.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Ce n'est pas le bon véhicule. Cette question de la situation spécifique du droit au séjour des pacsés et des concubins sera examinée lors de l'examen du projet de loi sur le droit au séjour. Avis défavorable, ainsi qu'à l'amendement n° 37 rectifié pour les mêmes raisons.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 31 ainsi qu'à l'amendement n° 37 rectifié.

Mme Esther Benbassa. - L'amendement n° 36 précise et complète les dispositions adoptées à l'Assemblée nationale. En effet, l'article L. 313-12 du CESEDA ne protège pas les personnes vivant en concubinage, pacsées ou qui ne sont pas entrées par regroupement familial comme les conjoints de bénéficiaires de la protection internationale ou les conjoints de citoyens communautaires.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Cet amendement a un objet identique à l'amendement n° 31 de Mme Cukierman. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 36.

Article 14 quater

M. Christian Favier. - L'amendement n° 32 rétablit un article adopté en première lecture du texte au Sénat.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Encore une délivrance de plein droit : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 32.

Article 14 quinquies

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 38.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 38.

Article 15 quater

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - L'amendement n° 20 rectifié rétablit une disposition adoptée en première lecture au Sénat. Il demande la remise d'un rapport sur les violences faites aux femmes.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Bel exemple de ténacité... mais j'y demeure défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20 rectifié.

Article 15 quinquies

M. Jacques Mézard. - L'amendement n° 11, qui rétablit l'article 15 quinquies dans la rédaction issue des travaux du Sénat en première lecture, étend le champ d'application de l'article 34 de la loi du 9 juillet 2010 à l'ensemble des violences sexistes commises à l'étranger.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Bien que nous partagions votre objectif, nous nous interrogeons sur l'impact réel de la mesure ainsi que sur la possibilité de la faire appliquer par nos consulats.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.

Article 17

Mme Esther Benbassa. - L'amendement n° 39 supprime l'article 17 qui étend l'obligation faite aux hébergeurs et fournisseurs d'accès à Internet de mettre en place des dispositifs de signalement des contenus illicites ayant trait aux contenus sexistes ou homophobes. La saisine directe des services de police par le site signalement-gouv.fr est plus efficace et plus rapide. Au moment où le Gouvernement appelle à une remise à plat des différentes règles et évoque un habeas corpus numérique, attendons ses conclusions avant d'élargir à nouveau le champ de cet article.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 39.

Mme Esther Benbassa. - L'amendement n° 40 est de repli.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - J'y suis également défavorable : l'amendement bouleverserait l'équilibre de la loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004. Cela ne concerne pas la question de l'égalité femmes-hommes.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 40.

Article 17 bis

M. Jacques Mézard. - L'amendement n° 10 rétablit l'article 17 bis. Il favorise la résidence alternée dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant en cas de séparation des parents. Le juge, en cas de rejet de ce mode de résidence, devra motiver spécialement sa décision. Le Sénat avait adopté cet article par scrutin public lors de la première lecture ; la majorité ne l'avait pas voté. Mais Bruno Leroux, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, vient de déposer une proposition de loi qui prévoit que désormais la résidence de l'enfant sera établie au domicile de chacun de ses parents, sauf circonstances exceptionnelles.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Les socialistes du Sénat ne sont pas inféodés à ceux de l'Assemblée nationale... Une grande liberté prévaut dans nos rangs.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je partage le souci de mettre en avant l'intérêt supérieur de l'enfant. Reste que cet article limite de manière importante la marge d'appréciation du juge, indispensable pour résoudre des situations très complexes. Quant à l'obligation de recourir à la médiation familiale pour les questions d'autorité parentale, une expérimentation de médiation préalable obligatoire est en cours aux tribunaux de grande instance d'Arras et de Bordeaux. Comme Catherine Tasca et Michel Mercier l'ont indiqué dans leur récent rapport d'information sur la justice familiale, la généralisation de cette obligation doit se faire progressivement et avec la plus grande prudence, en raison des obstacles matériels et culturels auxquels elle se heurte. En outre, ce texte ne semble pas être le véhicule législatif approprié pour aborder ces questions importantes. Un texte spécifique est en préparation. Avis défavorable.

M. François Pillet. - Je soutiens la position de M. Mézard. En outre, soyons cohérents : cet article a été adopté lors d'un scrutin public.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Notre commission y était déjà défavorable.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Je voterai cet amendement qui apporte des réponses précises en cas de conflit sur l'attribution de l'autorité parentale.

M. André Reichardt. - Même si le texte n'est pas parfait, il améliore notre droit et répond à des situations inacceptables. Quelle volée de bois vert après avoir affirmé, en séance publique, que tout enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses deux parents ! J'ai reçu des réactions exprimées en termes violents et inqualifiables. Qu'importe, je voterai cet amendement.

M. François Zocchetto. - La résidence alternée n'est pas une panacée ; elle est souvent une solution de facilité. Toutefois cet amendement apporte des réponses à des cas concrets et je le voterai.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 10.

Article 18 bis

Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'enfer est souvent pavé de bonnes intentions, a dit M. Mézard. Avec l'amendement n° 1, en cas de remplacement d'un seul adjoint au maire, seuls les conseillers municipaux du même sexe que le précédent adjoint pourraient se présenter. Cette restriction soulève des difficultés d'ordre constitutionnel. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1, ainsi qu'à l'amendement n° 2.

Article 18 quater

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3, ainsi qu'à l'amendement n° 4.

Article 19 ter

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - L'amendement n° 21 rectifié accélère le calendrier de mise en oeuvre de l'obligation de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes parmi les personnalités qualifiées désignées au sein des conseils d'administration et de surveillance des établissements publics de l'État.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Cet amendement, de même que les trois suivants des mêmes auteurs, rétablissent des articles que notre commission avait rejetés. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 21 rectifié.

Article 20

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 22 rectifié.

Article 22 ter A

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23 rectifié.

Article 22 quinquies

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°23 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous passons enfin à l'examen des amendements que le Gouvernement vient tout juste de déposer.

Article 3

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Nous avions réintroduit l'interdiction de concourir aux marchés publics en raison du non-engagement de la négociation annuelle sur les salaires prévue par l'article L. 2245-8 du code du travail. L'amendement n° 52 la supprime. Nos positions étaient partagées. Il est vrai qu'il existe un risque juridique au regard de la proportionnalité de la mesure et que cette disposition est éloignée de l'objet du texte. Sagesse.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°52.

Article 7

Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement n° 53 supprime la disposition qui impose, dans le cadre du dispositif de l'ordonnance de protection, qu'en cas de danger grave et imminent pour la victime de violences, la convocation des parties soit adressée par la voie administrative ou par assignation en la forme de référés. Laissons la justice décider des modalités adaptées en pareilles circonstances. En outre, ces dispositions procédurales relèvent du niveau réglementaire. Je suis donc favorable à leur suppression.

M. François Pillet. - J'approuve le rapporteur. Lors de la discussion de la loi du 9 juillet 2010, qui a créé l'ordonnance de protection, nous avions obtenu l'accord de la Chancellerie pour que toutes les formes de convocation soit possibles en cas d'urgence.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 53.

Article 23

Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement n° 51 vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures pour favoriser la parité au sein des autorités administratives indépendantes ou de certains organismes publics. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 51.

Mme Cécile Cukierman. - Le calendrier d'examen en séance publique a été modifié plusieurs fois. Prévu initialement jeudi dernier, il a été reporté à lundi, puis à samedi, et enfin à nouveau jeudi. Dans quelles conditions débattons-nous ? L'ordre du jour de jeudi est déjà chargé avec le texte sur l'artisanat, la convention d'Istanbul et les questions cribles. Dans l'intérêt de la démocratie, il faut laisser aux parlementaires le temps de s'organiser : 48 heures, c'est insuffisant ! J'espère, monsieur le Président, que vous attirerez sur ce point l'attention du Gouvernement, lors de la conférence des Présidents ce soir.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je n'y manquerai pas ! Je vois mal comment nous pourrions examiner ce texte avant jeudi soir et qu'il soit fini dans la soirée.

Mme Esther Benbassa. - Je partage cette préoccupation. Nous travaillons dans l'urgence et à flux tendu.

M. Jean Louis Masson. - J'ai fait un rappel au règlement à ce sujet hier. Il est indécent de changer deux fois de suite le calendrier. J'avais annulé plusieurs réunions pour me libérer lundi puis l'ordre du jour a encore changé... C'est intolérable.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Lors de l'examen par l'Assemblée nationale du texte sur la modernisation et la simplification du droit et des procédures, le Gouvernement a à nouveau présenté un amendement pour procéder à la réforme du droit des obligations par voie d'ordonnances. S'il devait être adopté, je vous proposerais que la commission mixte paritaire n'aboutisse point.

La commission adopte les avis suivants :

AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Auteur

Avis de la commission

Article 3
Interdiction de soumissionner aux marchés publics en cas de délit de discrimination
ou de méconnaissance des dispositions relatives à l'égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes

Mme KLÈS

56

Adopté

Article 11 bis A
Immunité pénale pour les centres d'hébergement accueillant des victimes
de violences titulaires d'une ordonnance de protection

Mme KLÈS

57

Adopté

Article 15 quinquies A
Possibilité de récusation ou de dépaysement
dans le cadre des procédures disciplinaires universitaires

Mme KLÈS

54

Adopté

Article 25
Application outre-mer

Mme KLÈS

55

Adopté

EXAMEN DES AUTRES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Auteur

Avis de la commission

Article 2 E
Réforme de la négociation annuelle sur l'égalité professionnelle
et salariale entre les femmes et les hommes

Mme BORDAS

41 rect.

Favorable

Article 2 F
Inclusion des déplacements entre deux lieux de travail
dans le temps effectif de travail

M. HYEST

14

Favorable

Article 2 G
Rapport à la Commission nationale de négociation collective et au Conseil supérieur
de l'égalité professionnelle sur la révision des classifications professionnelles

M. HYEST

15

Favorable

Mme MEUNIER

46

Favorable

Article additionnel après l'article 2 H

Mme MEUNIER

47 rect.

Favorable

Article 2
Réforme du complément de libre choix d'activité

M. BAS

9 rect.

Défavorable

M. BAS

6 rect.

Favorable

Mme DINI

5

Favorable

Article 2 bis A (Supprimé)
Protection des pères salariés contre le licenciement
durant les quatre semaines suivant la naissance de leur enfant

Mme MEUNIER

45 rect.

Favorable

Article additionnel après l'article 2 bis A (Supprimé)

Mme MEUNIER

44 rect.

Favorable

Article 2 bis B
Octroi de trois autorisations d'absence à un père salarié
pour assister à certains examens prénataux de sa compagne

M. HYEST

16

Favorable

Article 2 bis (Suppression maintenue)
Remise d'un rapport au Parlement sur les effets
de la réforme du complément de libre choix d'activité

M. BAS

8 rect.

Défavorable

Article 3
Interdiction de soumissionner aux marchés publics en cas de délit de discrimination
ou de méconnaissance des dispositions relatives à l'égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes

Le Gouvernement

52

Favorable

Article 5 ter
Extension du champ du rapport de situation comparée
à la sécurité et à la santé au travail

Mme BORDAS

42 rect.

Défavorable

Article 5 quinquies C
Suppression de la référence à la notion de détresse
dans le cadre d'une demande d'interruption volontaire de grossesse

M. HYEST

13

Défavorable

Article 5 sexies A
Suppression de la notion de « bon père de famille »
dans le code civil et dans d'autres codes

Mme BENBASSA

33

Favorable

Article additionnel après l'article 6 bis

Mme TASCA

48 rect.

Défavorable

Article additionnel après l'article 6 septies

Mme MEUNIER

17 rect.

Favorable

Article 7
Renforcement des dispositions relatives à l'ordonnance de protection

Le Gouvernement

53

Favorable

Mme TASCA

49 rect. bis

Défavorable

Mme GONTHIER-MAURIN

25 rect.

Défavorable

Article 8
Encadrement du recours à la médiation pénale
en cas de violences commises au sein du couple

Mme DINI

12

Défavorable

Mme GONTHIER-MAURIN

19 rect.

Défavorable

Mme CUKIERMAN

26 rect.

Défavorable

Article 12 bis B
Obligation pour l'employeur de mettre fin au harcèlement sexuel
commis dans l'entreprise et de le sanctionner

Le Gouvernement

50

Favorable

Article 14
Exonération des taxes de délivrance et de renouvellement des titres de séjour
pour les femmes étrangères victimes de violence

Mme CUKIERMAN

27 rect.

Demande de retrait

Article additionnel après l'article 14

Mme CUKIERMAN

28

Défavorable

Mme CUKIERMAN

29

Défavorable

Article 14 bis (Suppression maintenue)
Délivrance de plein droit d'une carte de séjour
aux victimes de la traite des êtres humains

Mme CUKIERMAN

30

Défavorable

Mme BENBASSA

34

Défavorable

Article 14 ter A
Clarification du droit au séjour des victimes
de violences conjugales de nationalité étrangère

Mme CUKIERMAN

31

Défavorable

Mme BENBASSA

37 rect.

Défavorable

Mme BENBASSA

36

Défavorable

Article 14 quater (Suppression maintenue)
Délivrance de plein droit d'une carte de séjour à l'étranger victime de violences

Mme CUKIERMAN

32

Défavorable

Article 14 quinquies
Interdiction de fonder le refus de délivrer une carte de résident
à une victime de violences conjugales sur la rupture de vie commune

Mme BENBASSA

38

Défavorable

Article 15 quater (Suppression maintenue)
Rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur le traitement des violences
envers les femmes et institution par chaque département
d'un dispositif d'observation de ces violences

Mme GONTHIER-MAURIN

20 rect.

Défavorable

Article 15 quinquies (Suppression maintenue)
Possibilité de récusation ou de dépaysement
dans le cadre des procédures disciplinaires universitaires

M. MÉZARD

11

Défavorable

Article 17
Extension du dispositif de signalement de contenus illicites sur Internet aux faits d'incitation à la haine en raison du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap et aux faits de diffusion d'images de violence

Mme BENBASSA

39

Défavorable

Mme BENBASSA

40

Défavorable

Article 17 bis (Suppression maintenue)
Résidence alternée des enfants

M. MÉZARD

10

Favorable

Article 18 bis (Supprimé)
Instauration de la parité à la tête des exécutifs locaux

M. MASSON

1

Défavorable

M. MASSON

2

Défavorable

Article 18 quater
Clarification des règles de remplacement des conseillers communautaires

M. MASSON

3

Défavorable

M. MASSON

4

Défavorable

Article 19 ter (Supprimé)
Anticipation et renforcement de l'obligation de représentation équilibrée
entre les femmes et les hommes au sein des conseils d'administration
ou de surveillance des établissements publics de l'État

Mme GONTHIER-MAURIN

21 rect.

Défavorable

Article 20
Représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises publiques

Mme GONTHIER-MAURIN

22 rect.

Défavorable

Article 22 ter A (Supprimé)
Parité des conseils d'administration des établissements publics
de coopération culturelle

Mme GONTHIER-MAURIN

23 rect.

Défavorable

Article 22 quinquies (Supprimé)
Inscription dans la loi de l'existence de l'observatoire de l'égalité
entre les femmes et les hommes dans la culture et la communication

Mme GONTHIER-MAURIN

24 rect.

Défavorable

Article 23
Égalité entre les femmes et les hommes au sein
des autorités administratives indépendantes
et des commissions et instances consultatives ou délibératives de l'État

Le Gouvernement

51

Favorable

Réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive - Examen du rapport et du texte de la commission

Puis la commission examine le rapport de M. Nicolas Alfonsi et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 412 (2013-2014), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive.

EXAMEN DU RAPPORT

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - La proposition de loi sur la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive a été déposée à la suite des travaux de la mission d'information sur la révision des condamnations pénales de la commission des lois de l'Assemblée nationale conduite par MM. Alain Tourret et Georges Fenech. Les députés ont entendu tous les professionnels concernés et accompli un travail remarquable. L'Assemblée nationale l'a votée à l'unanimité. Néanmoins ce texte soulève quelques difficultés.

Une décision de justice est revêtue de l'autorité de la chose jugée lorsque toutes les voies de recours ont été utilisées. Dès lors, elle ne peut plus, en principe, être remise en cause. C'est une exigence de sécurité juridique et de paix sociale, sinon les procès n'auraient pas de fin. Toutefois, il arrive que, postérieurement à une décision passée en autorité de chose jugée, une erreur de fait soit découverte, qui a eu pour effet la condamnation d'un innocent. Cette erreur judiciaire constitue une injustice qui frappe et scandalise. Dès lors, il est indispensable qu'une procédure exceptionnelle permette de réviser une condamnation en cas de présomptions très fortes qu'elle résulte d'une erreur de fait. Cette procédure doit cependant être étroitement encadrée pour éviter les excès.

En France, l'ordonnance criminelle du 26 août 1670 permettait d'obtenir de Conseil du roi des lettres de révision. Supprimée à la Révolution, cette procédure fut rétablie, dans des hypothèses extrêmement limitées, en 1793, puis rénovée à l'occasion de la rédaction du code d'instruction criminelle de 1808. Les cas d'ouverture de la révision étaient très précisément définis et figurent encore aujourd'hui dans le code de procédure pénale : la condamnation de deux personnes pour un même crime par deux jugements différents ne pouvant se concilier ; la condamnation pour l'homicide d'une personne qui se révèle ensuite vivante ; enfin la condamnation ultérieure d'un témoin à charge pour faux témoignage. En 1867, la révision est étendue aux délits et non plus aux seuls crimes. Ce n'est qu'en 1895 que le législateur se décide à créer un quatrième cas d'ouverture, plus large que les trois précédents : c'est le fameux « fait nouveau ou élément inconnu au jour du procès » de nature à établir l'innocence du condamné. Il constitue désormais le cas de révision de loin le plus utilisé, il contient en réalité les trois autres.

L'affaire Mis et Thiennot a conduit Robert Badinter à proposer, en 1983, un projet de loi qui n'a pas abouti, puis Michel Sapin à déposer en 1989 une proposition de loi qui a débouché sur la loi du 23 juin 1989 relative à la révision des condamnations pénales. Les apports de cette loi sont nombreux et importants : substitution du doute sur la culpabilité à la certitude de l'innocence, juridictionnalisation complète de la procédure, possibilité pour le condamné, et non plus pour le seul ministre de la justice, de demander la révision. Enfin, en 2000, l'affaire Hakkar conduit le Parlement à envisager, sur un amendement de Jack Lang, l'introduction d'un nouveau cas de révision à la suite d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Le Gouvernement a toutefois préféré créer une procédure distincte : le réexamen d'une décision pénale définitive.

Cette proposition de loi se fonde essentiellement sur le constat que la loi du 23 juin 1989 n'a pas abouti à une augmentation significative du taux de succès des recours en révision. Faut-il intervenir pour autant ? La question est ouverte... Contrairement à la procédure de réexamen d'une décision pénale définitive au bénéfice d'une personne reconnue coupable en violation d'un droit ou d'une liberté fondamentale dûment constatée par la CEDH, la procédure de révision reste en effet très strictement encadrée et n'aboutit que rarement. Ainsi, depuis 1989, seulement 2,65 % des demandes ont franchi le filtre de la commission de révision composée de cinq magistrats de la Cour de cassation. Finalement, sur un total de 3358 demandes adressées à la commission de révision, 84 seulement ont été transmises à la Cour de révision. Celle-ci a annulé 52 condamnations pénales, dont neuf criminelles et 43 correctionnelles. Ainsi, il arrive fréquemment que la Cour de révision ne fasse pas droit aux pourvois transmis par la commission d'instruction, qu'elle estime que l'élément présenté comme nouveau ne l'est pas réellement ou qu'elle pense que le doute suscité ne justifie pas l'annulation de la condamnation.

L'impartialité de la Cour est parfois mise en cause car le code de procédure pénale ne fixe pas sa composition et la procédure suivie n'est pas non plus définie de manière précise par les textes. C'est pourquoi la proposition de loi réforme en profondeur la juridiction et la procédure de révision. Je vous proposerai d'approuver les grands axes de cette réforme, tout en apportant quelques modifications importantes. Je ne suggère pas de modifier les deux premiers articles relatifs à l'amélioration des moyens matériels susceptibles d'être utilisés dans le cadre de l'examen d'une demande de révision. L'allongement à cinq ans renouvelables, au lieu de six mois, de la durée de conservation des scellés criminels, à la demande du condamné, aura un coût, car il faudra des surfaces supplémentaires pour conserver les scellés. Toutefois, la ministre de la justice s'est engagée devant l'Assemblée nationale à accorder les crédits nécessaires. La proposition de loi prévoit aussi l'enregistrement sonore systématique des débats des cours d'assises, pour apprécier plus facilement le caractère réellement nouveau du fait ou de l'élément présenté à l'appui d'une requête en révision.

L'article 3 constitue le coeur de la loi. Je propose de revoir son architecture. Tout d'abord, dans un souci de simplification, il fusionne les instances de révision et de réexamen. Toutefois, la révision porte essentiellement sur des questions de fait alors que le réexamen porte sur une question de droit, l'éventuelle violation des garanties apportées par la convention européenne des droits de l'homme. En outre, alors que la révision ne peut pas conduire à l'aggravation de la peine du condamné, il n'en est pas de même du réexamen, ce qui explique d'ailleurs en partie le faible nombre de recours en réexamen. Au total, les arguments en faveur et en défaveur de la fusion de la Cour de révision et de la commission de réexamen s'équilibrent. Toutefois, est-il nécessaire que les demandes en réexamen soient instruites par l'ensemble de la commission d'instruction puisqu'il s'agit seulement de constater l'existence d'un arrêt de la CEDH et le respect du délai d'un an ? Je vous suggèrerai ainsi d'autoriser son président à statuer par ordonnance pour rejeter ces demandes en réexamen ou les renvoyer immédiatement à la Cour de révision et de réexamen.

La Cour sera désormais composée de 18 magistrats nommés pour trois ans, à raison de trois pour chaque chambre de la Cour de cassation, le président de la chambre criminelle présidant la formation de jugement. Cinq de ces dix-huit magistrats seront désignés pour constituer la commission d'instruction.

Dans un premier temps, réduire à trois magistrats sur dix-huit la représentation de la chambre criminelle m'était apparu incongru. Toutefois, j'ai évolué à l'issue des auditions que j'ai menées. Comme la composition de la Cour sera désormais fixée par la loi, les soupçons sur l'impartialité de la formation retenue disparaîtront. En outre, le texte assure une plus grande diversité de vues. Les questions abordées par la Cour de révision ne supposent pas de grandes connaissances en droit pénal. Quand bien même il ne s'agirait pas surtout de bon sens, les magistrats de la Cour de cassation possèdent, du fait de leur parcours antérieur, les compétences nécessaires. Aussi je vous propose d'approuver cette modification.

La troisième modification proposée par le texte transfère entièrement à la formation de jugement l'appréciation du doute que fait naître le fait nouveau ou l'élément nouveau sur la culpabilité du condamné, alors qu'actuellement la commission de révision examine également cet aspect. Il s'agit ainsi de mieux distinguer les rôles des deux instances, afin d'éviter que l'opinion y voie une contradiction de la Cour avec elle-même lorsque la commission accepte la requête et que la Cour la rejette.

Certes, on pourrait objecter que la commission d'instruction devra forcément apprécier si le fait nouveau a un lien réel avec l'affaire, et donc s'il peut faire naître un doute. Toutefois, l'ancienne présidente de la commission de révision Mme Anzani nous a bien indiqué que celle-ci se bornait, de plus en plus, à établir la réalité du fait nouveau, laissant à la Cour l'appréciation du doute.

La notion de « moindre » doute me paraît quant à elle des plus contestables, l'adjectif constituant comme le disait le doyen Carbonnier l'acné du droit. S'il est vrai que la chambre criminelle s'est plusieurs fois fondée sur la notion de doute sérieux, c'était justement pour assouplir l'examen de la requête à une époque où seule la conviction de l'innocence du condamné justifiait la révision. Ensuite, l'appréciation de la cour de révision a toujours varié selon que de nouveaux débats devant une autre juridiction sont possibles - l'appréciation étant alors plus indulgente - ou non.

N'essayons pas de qualifier le doute. Notre regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt avait déposé un amendement adopté par le Sénat, supprimant l'adjectif « sérieux » qui qualifiait le doute dans le texte initial de la proposition de loi ayant abouti à la réforme de 1989. Il ne serait pas plus raisonnable d'introduire le « moindre » doute. Il est préférable de laisser les magistrats décider dans leur âme et conscience s'ils ont un doute ou s'ils n'en ont pas. Par ailleurs, la proposition de loi réintroduit la mention de l'innocence du condamné à côté du doute sur sa culpabilité. Il s'agit de mieux fonder en droit une décision d'annulation sans renvoi lorsqu'aucune incrimination ne subsiste à la charge du condamné, ce qui me paraît utile.

En quatrième lieu, comme la proposition de loi conserve les quatre cas d'ouverture déjà existants en plaçant simplement le plus utilisé - le fait ou élément nouveau - en premier, je vous proposerai de simplifier radicalement le texte en supprimant les trois derniers cas d'ouverture, qui cas sont tous contenus dans le premier et n'ont pas de raison d'être juridique. Les magistrats et praticiens que j'ai entendus ont d'ailleurs été unanimes sur ce point.

La proposition de loi ajoute à la liste actuelle des personnes autorisées à présenter un recours le procureur général près la Cour de cassation et les procureurs généraux près les cours d'appel. Le recours serait également élargi, en cas de décès du condamné, à la personne liée à lui par un Pacs. Je ne vous proposerai pas de modification sur ces différents points.

Le texte précise les pouvoirs d'investigation de la commission d'instruction et de la formation de jugement. Actuellement, la plupart des actes d'investigation effectués lors de la phase d'instruction sont des demandes d'expertises et des auditions de témoins. Un débat existe toutefois sur la possibilité de prendre des mesures coercitives telles qu'une garde à vue à l'encontre de tiers soupçonnés d'avoir un lien avec l'affaire. Le texte de la proposition de loi n'est pas suffisamment clair pour trancher. Après audition du président de la commission de révision et de son prédécesseur, il me semble que ces actes ne relèvent pas de la compétence de la cour de révision. En revanche, la proposition de loi prévoit justement la possibilité de demander à un procureur de la République d'ouvrir une information dans les cas où de tels actes sont nécessaires.

Dès lors, je vous proposerai d'indiquer que les mesures d'investigations qui peuvent être effectuées sont toutes celles correspondant aux prérogatives du juge d'instruction, à l'exclusion de « l'audition d'une personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction », ce qui exclut la mise en examen, la garde à vue et l'audition libre. Parallèlement, je précise les conséquences de la saisine du procureur de la République par la commission d'instruction lorsqu'il apparaît qu'un tiers pourrait être impliqué dans la commission des faits.

La proposition de loi comporte également des dispositions de procédure codifiant des règles jusqu'alors prétoriennes sur lesquelles je ne vous soumettrai que des modifications de précision ou d'amélioration rédactionnelle.

Le texte reprend en outre en les précisant les dispositions actuelles relatives à la suspension éventuelle de l'exécution de la condamnation par la commission d'instruction ou la formation de jugement. La commission des lois de l'Assemblée nationale a toutefois considéré que la possibilité de suspendre la condamnation était une prérogative exorbitante pour la commission d'instruction. Pensons au précédent malheureux de l'affaire Leprince, où Danny Leprince avait été libéré par la commission de révision puis réincarcéré lorsque la cour de révision avait rejeté sa demande en révision. Les députés souhaitent instaurer une possibilité pour le parquet de faire appel de la décision de la commission d'instruction et, symétriquement, une voie de recours pour le condamné. Ce dispositif m'a semblé complexe et peu satisfaisant, puisqu'il laisse à la commission d'instruction ce pouvoir au moment où l'on réduit son rôle. Je vous propose donc de prévoir que toute demande de suspension, qu'elle émane du condamné, de la commission d'instruction ou de la formation de jugement, soit examinée par une tierce instance, la chambre criminelle, ce qui supprime la nécessité d'un recours contre la suspension ou le refus de suspension.

La proposition de loi reprend également sans les modifier les dispositions relatives à la réparation morale et pécuniaire à raison d'une condamnation annulée à la suite d'une décision en révision ou en réexamen.

Enfin, je vous indique que j'ai réorganisé l'ensemble de la proposition de loi, dont le plan manquait de clarté. Certains de mes amendements sont donc de pure coordination ; je vous l'indiquerai au fil de leur examen.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Chacun a pu mesurer la précision de votre rapport.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 3

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - L'amendement n° 1 supprime l'adjectif « moindre » accolé au mot « doute », ainsi que les trois causes historiques d'ouverture de la révision pour ne garder que le fait ou élément nouveaux qui les couvre. Comme un avocat me l'a dit, j'ai le plus grand doute sur le « moindre doute »... Le doute en effet ne se divise pas.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je soutiens tout particulièrement cet amendement. Certes, ceux qui aiment la langue française ne font pas de discrimination entre ses mots et aiment ses adjectifs autant que ses noms, mais celui-ci est injustifié, bizarre et fallacieux : ou bien il y a un doute, ou bien il n'y en a pas.

M. René Vandierendonck. - Le rapporteur, qui a eu raison de citer le doyen Carbonnier, a accompli un travail remarquable. L'Assemblée nationale a voulu remettre en selle la notion de « moindre doute » par crainte d'une pratique trop restrictive de la chambre criminelle, qui doit avoir un doute sur la culpabilité, et non une certitude de l'innocence. Dans l'article 84 du statut de la Cour pénale internationale, la référence au doute laisse place à un fait nouveau qui, « s'il avait été établi lors du procès, aurait vraisemblablement entraîné un verdict différent. » Je voulais vous indiquer pourquoi nos collègues de l'Assemblée nationale avaient introduit cet adjectif. J'approuve cependant la logique de confiance dans les magistrats de votre rédaction.

M. François Zocchetto. - Je salue également le travail essentiel du Parlement et de notre rapporteur en particulier sur un sujet de la première importance ; s'il ne concerne heureusement que peu de gens, il touche aux fondements de notre vie sociale. Il était temps de revoir le dispositif. Nous voterons ce texte et toutes les modifications judicieuses de notre rapporteur. Quant au « moindre doute », j'ai la certitude absolue qu'il faut faire disparaître du code de procédure pénale les adjectifs et les adverbes. Cela m'inquiète d'apprendre que les députés l'ont introduit volontairement et non par inadvertance.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je remercie François Zocchetto pour son plaidoyer en faveur de l'existence du Sénat !

M. Pierre-Yves Collombat. - Votre travail constitue un bon équilibre entre l'autorité de la chose jugée et la correction de la chose pas trop bien jugée. Je n'étais pas favorable à ce qu'on revienne sur le cas où la chose jugée était favorable à celui qui avait été jugé. L'ajout d'un adjectif n'est pas anodin. Clémenceau réclamait à ses rédacteurs des phrases composées d'un sujet, d'un verbe et d'un complément : « pour les adjectifs, venez me voir », disait-il. L'intention de l'Assemblée nationale était de communiquer.

M. Jacques Mézard. - Si nos groupes de l'Assemblée et du Sénat sont favorables à ces initiatives, ce n'est pas pour fragiliser, mais bien pour conforter la justice, ce que les magistrats ont bien compris, si l'on en croit leurs réactions positives. Quant au « moindre doute », je souscris aux propositions de Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - Le texte d'avant 1989 ne prévoyait de révision qu'en cas d'innocence avérée, et c'est la chambre criminelle, alors en avance et non en retard, qui a introduit la notion de doute sur la culpabilité. A l'initiative de notre ancien collègue Dreyfus-Schmidt, le mot «sérieux » avait été supprimé par le Parlement ; supprimons le mot « moindre ».

L'amendement n° 1 est adopté.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - L'amendement n° 2 participe à la reconstruction du texte.

L'amendement n° 2 est adopté, ainsi que les amendements de coordination nos 3 et 4.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - L'amendement n° 5 participe à la reconstruction et précise que la formation de jugement est présidée par le président de la chambre criminelle, ce qui était bien l'intention des auteurs de la proposition de loi mais n'apparaissait pas dans le texte.

L'amendement n° 5 est adopté.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - L'amendement n° 6 précise les pouvoirs d'investigation de la commission d'instruction, qui ne doit pas se transformer en juridiction de droit commun. Aussi renvoyons-nous au procureur de la République en précisant qu'il doit réaliser des investigations avant de décider d'ouvrir ou non une information judiciaire.

L'amendement n° 6 est adopté.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - L'amendement n° 7 simplifie la procédure, car la recevabilité examinée est d'ordre matériel : il s'agit de vérifier qu'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme a été prise et que la requête a été déposée dans un délai d'un an.

L'amendement n° 7 est adopté.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - L'amendement n° 8 précise les conséquences de la saisine du procureur de la République.

L'amendement n° 8 est adopté.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - L'amendement n° 9 confie l'audition de toute personne à la formation de jugement toute entière et non au seul président.

L'amendement n° 9 est adopté.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - L'amendement n° 10 se justifie par le souci, commun à bien des personnes auditionnées, que le recours soit cadré pour un examen ordonné : il prévoit la représentation et non plus seulement l'assistance d'un avocat.

L'amendement n° 10 est adopté, ainsi que l'amendement de coordination n° 11.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - L'amendement n° 12 rectifié supprime les mots « à leurs frais ». Cela n'est plus le reflet de la réalité puisque la première copie numérique du dossier est gratuite.

L'amendement n° 12 rectifié est adopté.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - L'amendement n° 13 rectifié supprime les notions de démence et d'excusabilité qui ont disparu du code pénal.

L'amendement n° 13 rectifié est adopté.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - Il était difficile après l'affaire Leprince de conserver à la commission d'instruction la faculté de suspendre la condamnation, alors même que l'on réduit son rôle. L'amendement n° 14 confie cette faculté à une tierce formation, la chambre criminelle, afin qu'une éventuelle décision contraire ne soit pas interprétée comme une contradiction.

L'amendement n° 14 est adopté.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur. - L'amendement n° 15 porte à deux mois le délai pendant lequel le procureur de la République doit répondre à des demandes d'actes préalables pouvant apporter la preuve d'un fait nouveau. C'est plus raisonnable qu'un mois.

L'amendement n° 15 est adopté, ainsi que les amendements de coordination nos 16 et 17.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 3
Instauration d'une cour unique de révision et de réexamen

M. ALFONSI, rapporteur

1

Suppression de « moindre »
et des trois derniers cas de révision

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

2

Coordination

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

3

Fusion des demandeurs
de la révision et du réexamen

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

4

Coordination

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

5

Précision

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

6

Précision des pouvoirs d'investigation

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

7

Procédure simplifiée pour l'instruction des demandes en réexamen

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

8

Compétence du procureur de la République saisi par la commission d'instruction

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

9

Précision

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

10

Précision

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

11

Coordination

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

12 rect.

Suppression de « à leurs frais »
s'agissant de la copie du dossier

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

13 rect.

Rédactionnel

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

14

Pouvoir de la chambre criminelle pour la suspension de l'exécution de la condamnation

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

15

Allongement à deux mois
du délai de réponse du procureur

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

16

Coordination

Adopté

M. ALFONSI, rapporteur

17

Coordination

Adopté

Limitation de l'usage des techniques biométriques - Examen du rapport et du texte de la commission

Puis la commission examine le rapport de M. François Pillet et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 361 (2013-2014) présentée par M. Gaëtan Gorce et plusieurs de ses collègues visant à limiter l'usage des techniques biométriques.

EXAMEN DU RAPPORT

M. François Pillet, rapporteur. - La biométrie embrasse l'ensemble des procédés qui identifient un individu à partir de la mesure de l'une ou de plusieurs de ses caractéristiques physiques, physiologiques, voire comportementales : empreintes digitales, ADN, reconnaissance vocale ou iris de l'oeil, mais aussi démarche, odeur, dynamique de la signature ou de la frappe sur un clavier. Produite par le corps, la donnée biométrique le désigne ou le représente de façon immuable.

Les catégories pour classer ces techniques évoluent : la distinction entre données « à trace » ou « sans trace » est ainsi bousculée par les progrès réalisés dans le traitement des images et la multiplication des engins vidéo, qui placent désormais la reconnaissance faciale dans les techniques « traçantes ». Ces évolutions peuvent être inquiétantes. Gaëtan Gorce et le groupe socialiste nous invitent à une réflexion particulièrement opportune : il est important que le Sénat se donne une doctrine sur l'usage et la conservation des données biométriques dans la perspective de l'examen prochain du projet de loi sur les libertés numériques.

À l'initiative de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), le législateur a soumis, par la loi du 6 août 2004, le traitement des données biométriques à un régime d'autorisation préalable. Pour faciliter le travail de la CNIL, l'article 25 prévoit que les traitements identiques peuvent être autorisés par une décision unique : cela concerne par exemple la reconnaissance par le contour de la main pour l'accès au restaurant scolaire. La France s'est ainsi dotée de l'un des régimes les plus protecteurs en la matière, mais sans que le législateur se soit prononcé sur la pertinence des différents usages des techniques biométriques, laissant à la CNIL toute latitude pour élaborer une doctrine.

Or cette dernière est en cours d'évolution. Comme pour toute autre autorisation, l'examen par la CNIL consiste en l'analyse de la proportionnalité eu égard à la finalité envisagée. De 2005 à 2012, la CNIL a distingué les techniques biométriques « à trace », susceptibles d'être capturées à l'insu de la personne, des techniques « sans trace » : contour de la main, reconnaissance vocale, réseau veineux du doigt, iris. À partir de 2013, elle a pris conscience de la faiblesse de cette classification et engagé une réflexion envisageant trois cas : la biométrie de sécurité, indispensable pour répondre à une contrainte de sécurité physique ou logique d'un organisme, imposée à des utilisateurs qui doivent cependant être informés des conditions d'utilisation du dispositif - on peut penser à des exemples comme celui de l'Île Longue ; la biométrie de service ou de confort, reposant sur le libre consentement de l'usager auquel doit être proposé sans contrainte ni surcoût un dispositif alternatif ; les expérimentations, c'est-à-dire les travaux de recherche fondamentale menés par des laboratoires ou le test de dispositifs avant leur implémentation éventuelle. Adaptant ses exigences aux finalités de chaque traitement, la CNIL ne s'autorise pas à juger de leur pertinence.

L'utilisation de la biométrie se banalise et se répand dans tous les domaines de la vie quotidienne, par exemple pour sécuriser les transactions financières. La proposition de loi peur faire office de première pierre pour construire la réflexion du Sénat. Gaëtan Gorce considère que certains usages, comme dans les cantines scolaires, ne devraient pas être autorisés. Sécurisante par son ergonomie, la biométrie de confort n'est guère rassurante quant à la valeur du consentement des usagers : les parents ont-ils vraiment le choix ?

L'exposé des motifs invite à penser un statut spécifique pour les données biométriques qui ne peuvent bénéficier de la protection de l'article 16-1 du code civil. Le dispositif de la proposition de loi complète l'article 25 de la loi du 6 janvier 1978 qui soumet à autorisation de la CNIL les traitements non étatiques. Les traitements mis en oeuvre pour le compte de l'État seraient ainsi exclus du champ de la proposition de loi, qui n'encadrerait que le pouvoir de la CNIL, et non le pouvoir réglementaire. A ce propos, j'attire votre attention sur les nouvelles cartes d'identité, le Conseil constitutionnel n'ayant pas interdit, par sa censure partielle de la loi de 2012, l'usage de la biométrie, mais seulement certains fichiers.

La proposition de loi ne définit pas un statut de la donnée biométrique, elle conditionne l'autorisation de son traitement par la CNIL à une « stricte nécessité de sécurité ». Cette formule pose problème, nous y reviendrons.

Ne sont pas incluses dans le champ de la proposition les activités exclusivement personnelles, comme l'ouverture de sessions sur les nouveaux iPhones, par reconnaissance digitale ou du visage. Cela mérite pourtant que l'on s'interroge.

Quant aux effets de la proposition sur les dispositifs existants, la CNIL estime que toutes les autorisations délivrées jusqu'à présent ne seraient pas reconduites, et que sa nouvelle doctrine ne pourrait être conservée. Enfin, la proposition n'autorise qu'implicitement les expérimentations.

Le problème fondamental est le rôle que nous voulons jouer : le législateur n'a pas saisi en 2004 l'occasion de se prononcer sur les usages légitimes de la biométrie ; j'estime que ce rôle lui revient et qu'il ne peut le laisser à un organisme comme la CNIL, si sérieux soit-il. Or le Gouvernement devrait déposer un projet de loi sur les libertés numériques. Le Conseil de l'Europe s'apprête à réviser la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, dite « convention 108 » : son article 6 inviterait le législateur à encadrer le traitement des données biométriques.

Je partage l'objectif de promouvoir un usage raisonné des techniques biométriques, mais avec quelques réserves. Cela peut-il s'articuler avec le règlement européen à venir sur la protection des données à caractère personnel, qui sera d'application directe ? Toute contrainte a priori serait supprimée au bénéfice d'un contrôle a posteriori renforcé. La résolution législative du Parlement européen du 12 mars 2014 interdit le traitement des données biométriques, en prévoyant des exceptions, en particulier si la personne y a consenti, à moins qu'une disposition nationale y fasse obstacle.

La notion de stricte nécessité de sécurité a semblé insuffisamment précise à de nombreuses personnes entendues lors des auditions. Je souhaiterais qu'elle soit précisée et entendue de façon ni trop large ni trop étroite, ce qui pourrait être contre-productif en incitant les acteurs à acheter des services à l'étranger échappant à la loi française. La notion d'intérêt excédant l'intérêt propre de l'organisme, introduite par une communication de la CNIL de 2007, pourrait y aider. Enfin, pour éviter que certaines dispositions se trouvent hors la loi un dispositif transitoire est nécessaire.

Cette proposition de loi ouvre un débat utile ; j'ai ainsi appris que chaque être humain est unique : ce patrimoine humain doit être protégé. Le Sénat devrait se forger une opinion sur la question et affirmer que l'on ne peut faire n'importe quel usage des données biométriques, même pour des raisons de confort.

M. Gaëtan Gorce. - Merci pour ce rapport exhaustif ; je m'y retrouve, y compris dans les amendements. L'objectif était d'inciter le Parlement à se saisir de ce sujet. Le texte ne concerne que l'accès à des locaux ou des services, alors que l'usage des données biométriques va se développer dans les relations contractuelles : le sujet devrait être examiné en soi. Mon point de vue rejoint celui de François Pillet : tout va bien lorsque l'humain reste maître de la technologie, mais il faut s'interroger et réagir lorsqu'il en devient un rouage.

M. Yves Détraigne. - Je remercie notre rapporteur et l'auteur de cette proposition de loi qui présentent à notre examen une question de plus en plus importante et qui peut menacer la vie privée des individus. Des pays se sont-ils déjà dotés d'une législation dans ce domaine ?

Mme Virginie Klès. - Merci d'attirer notre attention sur ce sujet, et notamment sur la transformation de données « non traçantes » en données « traçantes » par la seule invasion des techniques recourant à la biométrie.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - J'avais bien compris la rédaction de la proposition de loi, je comprends moins bien la syntaxe proustienne de votre amendement principal : qu'est-ce donc que l'« accès logique » ?

M. Jean-Jacques Hyest. - Cette proposition de loi se situe dans la continuité des travaux du Sénat sur la carte d'identité, où Virginie Klès et François Pillet s'étaient illustrés. La France a perdu l'avance qu'elle avait en 1978. Il est utile de définir la stricte nécessité de sécurité, même si le président a raison de vouloir une loi bien écrite.

M. François Pillet, rapporteur. - Pour répondre à M. Détraigne : seule la France a commencé à encadrer la biométrie, avec peut-être la Grèce. On remarque d'ailleurs l'influence de notre pays dans la rédaction des textes européens sur le sujet.

M. Yves Détraigne. - Très bien !

M. François Pillet, rapporteur. - Mon amendement, j'en ai bien conscience, reste perfectible - il est loin, en termes de rédaction, de l'article 1382 du code civil... Cependant, si nous en restons à la rédaction actuelle, nous interdisons aussi bien l'accès aux cantines ou aux dojos que, par exemple, l'utilisation de la biométrie pour les transactions financières, qui apporte pourtant de la sécurité aux consommateurs. Les conséquences seraient en outre importantes pour les industries de pointe. Je suis cependant ouvert à toute avancée ; mais ne laissons pas la CNIL seule pour juger de la pertinence d'un système.

Quant à l'objectif « logique », par opposition à l'accès physique, c'est l'accès à des applications informatiques.

M. Jean-Jacques Hyest. - Votre rédaction confond les deux en parlant d'accès physique ou logique à des locaux, équipements, applications ou services.

M. Gaëtan Gorce. - J'avais choisi une rédaction succincte en m'inspirant de la distinction opérée précédemment par la CNIL entre biométries de confort et de sécurité, et de son examen de la proportionnalité : le contrôle de l'accès ne pourrait ainsi utiliser la biométrie que si la sécurité des informations ou des biens le justifie.

Mme Virginie Klès. - Je défends la rédaction du rapporteur : l'accès à une application peut être logique ou physique, comme lorsque l'on touche au disque dur.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article unique

L'amendement n° 1 est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement est le fruit d'un effort conceptuel qui mérite d'être poursuivi.

Article additionnel après l'article unique

M. François Pillet, rapporteur. - L'amendement n° 2 crée un dispositif transitoire.

L'amendement n° 2 est adopté et devient un article additionnel.

La commission des lois adopte la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. PILLET, rapporteur

1

Précision - Finalités autorisées
pour les traitements de données biométriques

Adopté

Article additionnel après l'Article unique

M. PILLET, rapporteur

2

Institution d'un dispositif transitoire

Adopté

Open data et protection de la vie privée - Examen du rapport d'information

La commission procède enfin à l'examen du rapport d'information de MM. Gaëtan Gorce et François Pillet sur l'open data et la protection de la vie privée.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - À présent, MM. Gorce et Pillet nous présentent le rapport d'information qu'ils ont réalisé sur l'open data et la protection de la vie privée.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - L'anglicisme open data désigne la mise à disposition d'un maximum de données détenues par les administrations dans des conditions techniques, juridiques et financières favorables à leur réutilisation par des tiers. Techniques : en les rendant accessibles dans des formats non propriétaires. Juridiques : en limitant les obstacles à leur réutilisation. Financières : en ne soumettant pas leur réutilisation au paiement d'une redevance. Tels sont les principes retenus par la plupart des gouvernements. Cette nouvelle notion est intéressante, mais pose un certain nombre de problèmes.

D'abord, l'objectif de l'open data est encore incertain. Pourquoi diffuser largement des données servant au bon fonctionnement des services publics ? Dans les années 1990, la demande de libération des données émanait essentiellement d'universitaires soucieux de ne pas réserver le produit de leurs recherches à leurs seuls commanditaires ; d'aucuns y ont ensuite vu, aux États-Unis, une source de richesse ; depuis quelques années, l'open data est défendu au nom de principes politiques et démocratiques, et justifié par l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Les textes existants, comme la circulaire Fillon ou le décret de février 2011 instituant Etalab reposent sur ces principes de transparence et de contrôle, ainsi que sur une exigence renouvelée de modernisation de l'action publique. Tous ces fondements, relativement confus, gagneraient à être priorisés. Au nom du débat public, le portail établi par Etalab accueille ainsi des données privées, sans que cela soit clairement mentionné ni qu'ait été préalablement définie la responsabilité de l'hébergeur...

Cette politique souffre ensuite d'une certaine complexité juridique. La principale base juridique à l'accès élargi aux données publiques est fournie par la loi du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs. Or nous sommes passés d'une logique de la demande à une logique de l'offre. La loi distingue désormais les documents que l'administration a l'obligation de communiquer, de ceux qu'elle a la faculté de mettre à disposition des usagers. En 2005, le droit de réutilisation de ces données a été précisé par ordonnance, sous réserve des dispositions de la loi « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978. Cette sédimentation rend l'ensemble peu cohérent et suscite des difficultés d'interprétation.

Enfin, la mise en place de la politique d'open data a été quelque peu improvisée. Le militantisme l'a emporté à toute force. L'approche défendue par Lionel Jospin dans son discours d'Hourtin de 1997 a été poursuivie par tous les gouvernements successifs, mais sans doctrine ni moyens. Un outil a été créé, l'Agence du patrimoine immatériel de l'État, puis Etalab. Celui-ci emploie sept personnes, mais le cadre juridique de son action n'est toujours pas clair. Il publie des vade-mecum sur la libération des données, mais n'assure aucune veille. Il participe à la politique de mise en ligne des données des administrations, mais ses pouvoirs ne sont pas précisément définis. Bref, stabilisons le pilotage de l'open data.

De manière plus préoccupante, le risque pesant sur la protection des données personnelles apparaît largement sous-évalué par les administrations. Ces préoccupations ne sont pas suffisamment rappelées aux différents acteurs. Une grande partie de nos interlocuteurs nous ont même assuré que la question ne se posait pas dès lors que la loi de 1978 excluait la publication de données personnelles non anonymisées ou en l'absence du consentement de la personne à laquelle elles se rapportent. La sous-estimation de ce risque est militante. Elle vise à ne pas contraindre par des principes le développement naturel des techniques. Cette situation n'est pas tenable : une consultation organisée par la CNIL a montré que 50 % des répondants, responsables open data, ont rencontré des problèmes liés aux données personnelles.

En la matière, les techniques ne sont pas infaillibles. La plus efficace combine cryptage et hachage des données. Mais tous les techniciens nous ont assuré qu'il n'existait aucun système absolument sûr. Toutes les données peuvent faire l'objet de recoupements, de croisements, pour remonter jusqu'à l'identité des personnes. La démonstration nous en a été faite... AOL avait par exemple rendu publiques les recherches effectuées par ses clients sur Internet : l'utilisation de pseudonymes n'a pas empêché de retrouver l'identité de certains d'entre eux à partir des informations qu'on déduisait de leurs recherches. Si la chose est possible dans une entreprise privée, elle l'est aussi dans l'administration.

Le rapport de Pierre-Louis Bras et André Loth sur les données de santé montre que 89 % des entrées à l'hôpital peuvent être analysées pour découvrir l'identité de la personne concernée, par simple recoupement avec d'autres informations - date et durée du séjour, date de naissance, code postal. Dans le cas d'une seconde hospitalisation dans le même établissement, la probabilité d'identification grimpe à 100 %... Il faut intervenir.

M. François Pillet, rapporteur. - À certaines personnes entendues lors des auditions, notre mission a paru chercher des prétextes pour freiner l'ouverture des données personnelles. C'est tout le contraire : nous préconisons de poursuivre le développement de l'open data, mais en garantissant solidement la protection des données personnelles.

C'est le premier axe de nos préconisations. Posons le principe que l'administration est tenue de mettre en ligne, en les anonymisant si nécessaire, toutes les bases de données qu'elle détient, déjà diffusées sur un autre support, ou susceptibles d'être communiquées à un citoyen qui en ferait la demande. Cette recommandation risque de recueillir la plus large publicité ; elle est pourtant indissociable des suivantes... L'administration devrait en outre indiquer ce qui fera l'objet d'une mise en ligne, ce qu'elle ne compte pas publier, et en exposer les raisons.

Dix de nos vingt recommandations concernent la mise en oeuvre d'une doctrine de la protection des données personnelles. Nous préconisons d'abord de prévoir dès la conception de la base les modalités de son anonymisation éventuelle, et le marquage des jeux de données afin d'en suivre les réutilisations éventuelles et dénoncer les mésusages qui pourraient en être faits. Ensuite, en cas de risque avéré, impossible à éliminer par des procédés d'anonymisation, l'administration devra refuser l'ouverture des données ou, si le bénéfice social de cette ouverture est très important, procéder à une ouverture restreinte. Nous recommandons en outre d'assurer une veille sur la diffusion et les réutilisations des données publiques, en facilitant les procédures par lesquelles un réutilisateur peut alerter l'administration compétente. Enfin, il serait opportun que l'administration définisse une stratégie de rapatriement ou de suppression des jeux de données compromis par l'inclusion d'informations personnelles.

Renforcer la protection offerte par la licence de réutilisation est un autre chantier majeur. Les données personnelles devraient être explicitement exclues du champ de la réutilisation par la « Licence ouverte » à laquelle est soumise la majeure partie des données publiques mises en ligne par les administrations ; une clause de suspension légitime du droit de réutilisation, de suppression ou de rapatriement des jeux de données compromis lorsqu'un risque de ré-identification est apparu, devrait être intégrée au contrat de licence.

Dernier axe de proposition : adapter la gouvernance de l'open data aux exigences de la protection des données personnelles. Les administrations ne doivent plus être laissées seules face à leurs responsabilités. Nous préconisons de mettre en place auprès d'Etalab une structure dédiée et chargée d'assister les administrations dans l'élaboration de l'étude d'impact préalable, dans l'anonymisation de la base et dans la mise en place d'un mode d'accès restreint. Il conviendrait en outre de recenser les bonnes pratiques.

Les correspondants informatique et libertés (CIL), de même que les personnes responsables de l'accès aux documents administratifs devraient en outre être dotés d'attributions de coordination et de veille en matière de protection des données personnelles. Cela irait de pair avec le renforcement du statut du CIL, proposition déjà formulée par Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne dans leur rapport de mai 2009 sur la protection de la vie privée à l'heure du numérique.

Adapter la gouvernance de l'open data impose également de garantir le financement des mesures d'anonymisation. Une redevance n'est pas nécessairement quelque chose de diabolique. Le financement privé ne doit pas être exclu, non plus que le financement coopératif. Enfin, il conviendrait de clarifier le droit applicable aux données publiques lorsque des données personnelles sont mises en ligne en vertu de la loi : cette publication se limiterait à la stricte mesure nécessaire au respect de l'objet visé par la loi.

M. Jean-Jacques Hyest. - La mission commune d'information relative à l'accès aux documents administratifs, que je préside et dont la création a été demandée par le groupe écologiste, touche à tous ces sujets. Les documents administratifs, ce n'est plus seulement du papier... Nous abordons également la jurisprudence de la CADA - dont vous n'avez pas parlé, mais je ne doute pas que le rapport écrit s'y intéresse. Vous auriez pu insister encore plus sur les risques pesant sur les données personnelles dans le secteur de la santé. La semaine dernière encore, le Monde a consacré une double page aux risques de réutilisation des données de connexion à des fins commerciales... En outre, Etalab, compte tenu de sa structure, ne me semble pas en mesure de jouer un rôle de régulateur. Lui confier des missions plus vastes ne me paraît pas s'imposer.

M. Yves Détraigne. - Je félicite nos deux rapporteurs pour leur remarquable travail, et peux attester que celui de la mission commune d'information présidée par Jean-Jacques Hyest, dont j'ai suivi quelques auditions, l'est tout autant.

La France a joué un rôle pionnier en matière d'accès aux documents administratifs avec la loi CADA. Conservons notre avance dans ce domaine. Nous savons que les enjeux économiques et financiers de l'open data sont énormes, en termes de développement d'applications et de créations d'entreprises. Nous sous-estimons même sans doute leur ampleur. Je salue le travail du Sénat pour éviter que le nécessaire développement de la circulation des données - nécessaire, car nous sommes dans un monde ouvert - ne porte atteinte aux données privées.

Il reste beaucoup à faire. De nouveaux champs seront sans doute investis. Je suis un peu inquiet sur l'avenir du libre-arbitre, dans une société où tout ce qui touche à chacun d'entre nous sera accessible à tous sur la toile.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Vaste question. Nous y reviendrons lorsque la mission commune d'information présidée par Jean-Jacques Hyest aura remis son rapport.

M. François Pillet, rapporteur. - Monsieur Hyest, nous proposons de créer une structure auprès d'Etalab dédiée à la protection des données à caractère personnel et chargée d'assister les administrations. Etalab manque d'agents pour le faire.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Il ne faut pas s'en remettre uniquement à la technique, toujours incertaine et dont les progrès poussent à l'ouverture croissante, mais plutôt prendre conscience des problèmes. C'est d'une nouvelle culture, sinon d'une nouvelle sagesse, qu'il s'agit. Chacun, à son niveau, doit prendre les précautions qui s'imposent.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - La qualité de ce rapport illustre la pertinence des binômes majorité-opposition.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

La séance est levée à 12 h 50