Mercredi 18 mars 2015

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Audition de M. Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

La réunion est ouverte à 9 h 02.

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède tout d'abord à une audition de M. Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement.

Mme Michèle André, présidente. - Poursuivant la pratique bien établie au sein de notre commission depuis 2010 et l'instauration du premier programme d'investissements d'avenir (PIA), nous recevons Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement.

Cette audition est l'occasion de vous entretenir sur la mise en oeuvre des investissements d'avenir, dont le financement est assuré par des crédits extrabudgétaires pour près de 47 milliards d'euros, avec 33,6 milliards d'euros engagés et plus de 10 milliards d'euros décaissés à la fin de l'année 2014.

Cette audition est organisée à un bon moment puisqu'au niveau européen, le plan Juncker se met en place et qu'en France, le Président de la République a annoncé la semaine dernière le lancement d'ici à 2017 d'un troisième PIA, que vous appeliez vous-mêmes de vos voeux.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce troisième PIA ? Êtes-vous en mesure de nous préciser les modalités de ce nouveau programme, ou à tout le moins celles qui vous paraitraient opportunes, en particulier quant à la nature du financement à privilégier entre les subventions, les avances remboursables, les dotations non consommables, les prêts ou encore les dotations en fonds propres ou en fonds de garantie. Ces choix ne sont, en effet, pas anodins, notamment au regard de leur impact sur la dette et surtout le déficit maastrichtien.

Ce rendez-vous coutumier permet également de vous interroger sur la procédure d'évaluation des investissements publics, dans le cadre de laquelle le Commissariat général à l'investissement est amené à réaliser des contre-expertises pour les plus importants d'entre eux et de rendre un avis. Ces documents étant transmis au Parlement, nous avons d'ailleurs pu constater que vous ne manquiez pas de formuler des recommandations et des réserves, voire de vous déclarer défavorable à certains projets.

Votre propos liminaire pourrait également être l'occasion de présenter globalement l'activité du Commissariat général à l'investissement, étant donné que c'est la première fois que nous vous recevons depuis le dernier renouvellement sénatorial et que certains de nos collègues nous ont rejoints à la commission des finances à cette occasion.

M. Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement. - Je vais effectivement vous proposer un bref exposé liminaire, en commençant par rappeler que quatre sénateurs figurent parmi les membres du comité de surveillance du PIA et suivent donc nos travaux de près. Tout le monde se souvient du « grand emprunt », lancé en 2009 par Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, qui a confié la réflexion de sa mise en oeuvre à une commission présidée par Alain Juppé et Michel Rocard, tous deux anciens Premiers ministres. Ces derniers président désormais le comité de surveillance du PIA qui se réunit à intervalles réguliers et devant lequel je présente de façon détaillée l'activité du Commissariat général à l'investissement.

La création du PIA est partie du constat selon lequel en période de crise, comme c'était le cas en 2009, on a tendance à sacrifier l'investissement dans les budgets. Il est donc apparu nécessaire de sanctuariser les investissements pour l'avenir afin que le potentiel de croissance de la France ne soit pas compromis.

Le PIA a pour objectif de financer les projets d'excellence, tant dans le domaine de la recherche universitaire ou appliquée, que dans celui de l'industrie ou de l'énergie. Il n'intervient pas, en revanche, dans le secteur des grandes infrastructures.

Le PIA tend également à inciter au rapprochement entre différents acteurs, notamment dans le domaine universitaire par le biais des centres d'excellence, et à favoriser les collaborations entre les milieux universitaire et industriel en matière de recherche, lesquelles s'avèrent moins développées ici que dans d'autres pays, ainsi que le travail en commun de filières industrielles qui s'étaient parfois bien organisées, comme dans le domaine aéronautique, et parfois moins, par exemple s'agissant du secteur automobile.

La procédure repose sur le commissariat général à l'investissement, structure légère composée de 34 membres et qui s'appuie sur des opérateurs - des grands organismes publics - pour instruire et suivre les projets.

Toutes les décisions du Commissariat général à l'investissement sont prises sur le fondement du travail d'experts, qui peuvent être réunis au sein de jurys, et reposent sur une procédure interministérielle.

Les enveloppes financières s'élèvent à 35 milliards d'euros en 2010, pour le premier PIA, et à 12 milliards d'euros en 2013 pour le second PIA.

Le fait que les deux présidents de la commission chargée de déterminer les priorités d'avenir financées par l'emprunt soient issus de deux sensibilités différentes a permis au PIA de traverser les alternances sans être modifié.

Les crédits du PIA, ouverts en loi de finances, ne pèsent pas tous, selon leur nature, sur le déficit maastrichtien. Les subventions et les avances remboursables représentent environ 20 milliards d'euros et pèsent entièrement sur le déficit maastrichtien. Au contraire, les dotations non consommables, correspondant à environ 18 milliards d'euros, ont pour caractéristique de ne pas pouvoir être dépensées par leurs bénéficiaires, lesquels perçoivent en revanche des intérêts sur ces dotations chaque année. Le taux est fixé à 3,5 % pour les dotations du premier PIA et 2,5 % pour le second PIA. Ce système original s'inspire de celui des universités américaines qui disposent généralement d'un fonds de dotation qui produit des revenus constituant leurs ressources au même titre que les droits d'inscription des étudiants. Avec les dotations non consommables, les universités disposent également de recettes affectées au financement de leurs laboratoires de recherche. Seuls les intérêts pèsent alors sur le déficit maastrichtien.

Dans le cas des dotations sur fonds propres et les prêts, l'État agit en « investisseur avisé », ces sommes n'ont pas d'impact sur le déficit.

Aux côtés du financement par le PIA, les cofinancements du secteur privé ou des collectivités territoriales représentent plus de 25 milliards d'euros.

Au 31 décembre 2014, 33,6 milliards d'euros ont été engagés, c'est-à-dire que ces sommes ont fait l'objet d'une promesse d'affectation à un objet et un destinataire particuliers. 28 milliards d'euros ont d'ores et déjà été contractualisés entre l'opérateur et le bénéficiaire du financement. Compte tenu du montant des cofinancements, il apparaît qu'un euro investi par l'État correspond environ à la même somme pour les autres investisseurs, sachant que certaines actions ne permettent pas le cofinancement, à l'instar de celles consacrées au développement du secteur universitaire.

Par ailleurs, 10,4 milliards d'euros ont été décaissés. Cette somme bien plus basse que celles annoncées précédemment s'explique à la fois par le fait que les dotations non consommables ne sont par nature pas décaissés et ne génèrent une dépense que s'agissant du versement des intérêts, et que les versements sont faits en fonction de l'avancement des projets.

L'année 2014 a connu une importante activité, après une année 2013 plus calme :

- 437 projets nouveaux ont été financés en 2014, contre 178 en 2013 ;

- près de 5 milliards d'euros ont été engagés en 2014, contre moins de 700 millions d'euros en 2013 ;

- 4 milliards d'euros ont été contractualisés en 2014, hors dotations non consommables, contre 2,4 milliards d'euros en 2013 ;

- 4,3 milliards d'euros ont été décaissés en 2014, contre 2 milliards d'euros en 2013.

Quels sont les enjeux pour l'avenir ? Le PIA repose sur une bonne idée de départ et une procédure efficace qui n'ont rien perdu de leur force.

Nous sommes chargés par la loi d'évaluer les investissements publics de plus de 100 millions d'euros et de recenser ceux de plus de 20 millions d'euros ; mais nous devons également évaluer notre propre activité. D'ailleurs, une partie des crédits que nous allouons à un projet est consacrée à la mesure de son efficacité. L'évaluation est donc constante.

Nos procédures sont-elles parfaites ? Non, elles sont souvent trop lentes et trop complexes ; nous nous efforçons de les simplifier et de réduire à moins de trois mois le délai entre le dépôt d'un projet et la contractualisation. Lorsque nous contractualisons avec des entreprises, un délai de dix, douze, quinze mois, pose des problèmes de trésorerie et, dans certains cas, l'innovation peut avoir perdu de sa nouveauté.

N'y a-t-il pas eu quelques fois des affectations de PIA qui ne correspondaient pas à « l'esprit » du PIA ? Oui, il y en a eu, nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler.

Faut-il réfléchir aux modalités d'articulation entre le « plan Juncker » et le PIA ? Oui, à l'évidence ; d'ailleurs, le Gouvernement a désigné comme coordinateur français du « plan Juncker » le commissaire général adjoint, Thierry Francq. Autrement dit, le Commissariat général à l'investissement a en charge la représentation pour la France des projets pour le plan Juncker : l'articulation entre ces deux programmes est bien assurée.

Enfin, un PIA 3 est-il nécessaire ? Le Président de la République a, tout récemment, pris une position de principe en faveur d'un troisième plan d'investissements d'avenir. Au rythme où nous sommes, les PIA 1 et 2 seront engagés en quasi-totalité à la mi-2017. Par ailleurs, il faut entre six et douze mois entre le vote du Parlement sur un PIA et l'engagement effectif des actions. Donc si l'on veut éviter une rupture entre l'action des PIA 1 et 2 et celle du PIA 3, il faut, en 2016, voter un PIA 3.

Je pense qu'en 2017 et 2018, nous ne serons pas sortis de l'austérité budgétaire. Aussi, le problème de départ, à savoir sauvegarder l'investissement d'avenir, ce qui crée le potentiel de croissance, sera aussi actuel qu'il l'était en 2009 ou en 2013. Étant observé que le PIA 3, s'il était voté, ne pèserait pas du tout sur l'exécution de l'année 2016 et peu sur celle de 2017 car la montée en régime d'un PIA est très progressive. Le PIA n'a pas d'effet immédiat et significatif sur le déficit.

Avant de proposer un PIA 3, il faut bien sûr évaluer les PIA 1 et 2 - même si, cela étant dit, je suis convaincu de la nécessité de la continuité de l'action de l'État en matière d'investissements d'avenir. L'évaluation complète des PIA 1 et 2 ne pourra pas se faire avant 2020 ou 2025 car ce n'est qu'à cet horizon qu'il sera possible d'estimer si notre système universitaire s'est regroupé comme on le souhaitait ou si la coopération entre la recherche universitaire et la recherche industrielle s'est développée. Toutefois, on peut dès à présent regarder si ce que nous finançons sont de bons projets, si les institutions créées fonctionnent effectivement, si des projets communs entre la recherche universitaire et industrielle voient le jour ou encore si le soutien apporté à la transition énergétique produit des résultats. Il y a toute une série d'éléments que nous pouvons évaluer sans attendre : l'année 2015 et le début de l'année 2016 seront donc consacrés à une évaluation complète, en faisant bien sûr appel à des experts extérieurs, pour valider l'appréciation des PIA 1 et 2.

Se pose ensuite la question des orientations du PIA 3. Je précise d'emblée que rien n'a été décidé à ce stade. Il ne nous a pas paru nécessaire de réunir un nouveau comité, qui partirait de zéro. En revanche, le rapport de messieurs Juppé et Rocard, co-présidents du comité de surveillance, datant de 2009, il serait nécessaire de l'actualiser pour un PIA démarrant en 2017. La science et les circonstances ont changé, des progrès ont été accomplis dans certains domaines et l'évaluation conduira certainement à des évolutions.

En parallèle à la réflexion sur l'évaluation, nous allons en engager une autre, là encore interministérielle, sur ce que pourrait être le PIA 3. J'évoquerai ici quelques orientations.

Premièrement, il convient d'assurer la meilleure complémentarité possible entre le PIA et les initiatives européennes, et notamment le « plan Juncker ».

Deuxièmement, il faut réfléchir à associer plus étroitement au PIA 3 les nouvelles régions, dont le rôle économique a été renforcé, selon des formes qui devront être discutées le moment venu avec leurs nouveaux responsables. Le PIA n'a pas vocation à faire de l'aménagement du territoire, mais il ne saurait être question d'ignorer le rôle majeur des nouvelles régions.

Troisièmement, certains secteurs n'ont pas du tout ou significativement été traités dans le cadre du PIA 1 et du PIA 2. Un exemple évident est celui des industries agroalimentaires, domaine d'excellence de la France mais qui pourtant n'est pas « en flèche » par rapport à d'autres pays. Il faut réfléchir à une nouvelle répartition des crédits.

Quatrièmement, devons-nous créer de nouvelles institutions, ou au contraire simplifier les mécanismes et institutions actuels qui interviennent dans la recherche ? Ma tentation naturelle est plutôt d'aller vers la simplification que vers la création de nouvelles institutions, mais là aussi il faut pousser la réflexion.

Cinquièmement, nous voudrions, dans le cadre du PIA 3, essayer d'accroître la part des crédits qui ne pèsent pas sur le déficit maastrichtien, pour d'évidentes raisons de contrainte budgétaire. Je ne sais si nous y parviendrons entièrement, mais c'est notre volonté.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce sujet, bien suivi par le Parlement, pose un certain nombre de questions, notamment pour l'avenir. Ma première question porte sur le risque identifié de débudgétisation. Les PIA montent en puissance, et l'on parle déjà de PIA 3 : si le dispositif devient de fait permanent, n'y a-t-il pas un risque de créer une sorte de budget parallèle au budget de l'État, qui prendrait en charge de plus en plus de dépenses d'investissement ? Je pense à plusieurs domaines : les avances industrielles, la défense, avec aussi les « sociétés de projet » prévues à l'article 50 A du projet de loi pour la croissance et l'activité, ou encore la recherche. Le PIA risque-t-il d'assurer des missions qui relèvent normalement des crédits budgétaires de l'État ou, pour reprendre vos propres termes devant l'Assemblée nationale, d'être utilisé « à des fins qui ne sont pas les siennes » ?

Ma deuxième question porte sur l'articulation avec le « plan Juncker ». Vous souligniez à l'instant la nécessité d'une bonne articulation entre le PIA et le plan d'investissement pour l'Europe. Toutefois, les représentants de la Banque européenne d'investissement (BEI) ont insisté, lors de l'audition du mercredi 11 mars 2015 organisée par la commission des finances, sur le fait que les candidatures pour le plan Juncker seraient des candidatures directes, c'est-à-dire sans filtre national. Tout le monde pourra concourir, en déposant directement sa candidature sur une plate-forme Internet, qui sera examinée par un comité de six experts indépendants. Dès lors que le « plan Juncker » prévoit un accès direct et que le PIA est très largement national, comment articuler ces dispositifs, comment éviter les redondances, les chevauchements, voire les concurrences ? Le « plan Juncker » est conçu comme très indépendant, et les représentants de la BEI ont expliqué qu'il était envisagé de constituer des équipes en France assez conséquentes. Cette indépendance ne manquera pas de poser des problèmes d'articulation avec les actions de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et d'autres dispositifs.

Ma troisième question porte sur le PIA 3 : avez-vous des propositions très concrètes pour améliorer le processus ?

Enfin, s'agissant de l'évaluation des grands investissements publics, que deviennent vos critiques et vos réserves ? Plus de vingt avis ont été rendus dont certains défavorables. N'arrivent-ils pas trop tard ?

M. Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement. - Il existe un risque réel que l'on impute sur les crédits du PIA - qui rappelons-le sont ouverts en loi de finances initiale et sont intégrés dans le calcul du déficit budgétaire - des investissements qui ne sont pas dans « l'esprit » du PIA. Il y a effectivement des exemples.

En premier lieu, certaines dotations initiales du PIA portent sur des investissements justifiés sur le fond mais auraient pu être financés par des crédits ordinaires du budget de l'État. Il y a, par exemple, des crédits d'avances remboursables à Airbus : il s'agit d'un mécanisme qui existe depuis longtemps, qui a fait la preuve de son efficacité, mais qui aurait très bien pu être imputé sur les crédits du budget de l'État. Autre exemple, les PIA ont porté des crédits de recherche civile et militaire du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), qui étaient auparavant des crédits du budget de l'État. Sur les 47 milliards d'euros des crédits du PIA, environ 5 milliards d'euros relèvent donc de cette catégorie - étant précisé que ces ouvertures ont été votées par le Parlement.

En second lieu, il est arrivé que, dans le cadre du PIA, soient effectués certains redéploiements internes - là encore sous le contrôle du Parlement, auquel est soumis tout redéploiement, soit pour accord préalable dans le cas de montants importants, soit pour information préalable dans le cas de montants plus faibles. Nous effectuons ces redéploiements internes pour des raisons d'efficacité, et ils demeurent dans l'esprit du PIA. Ces redéploiements, pris à l'initiative du Commissariat général à l'investissement, sont de l'ordre de 4 milliards d'euros sur les 47 milliards d'euros.

Il arrive aussi que nous subissions des redéploiements, imputés en cours d'exécution, qui ne sont pas dans l'esprit du PIA. Ils s'élèvent à environ 2 milliards d'euros, notamment au bénéfice du ministère de la défense. Ces redéploiements ont démarré dès 2011, dès la mise en place du PIA. Quelles conclusions en tirer ? Bien sûr, lorsqu'un redéploiement est contraire à l'esprit du PIA, nous plaidons contre. Mais lorsque la décision est prise, nous ne pouvons que nous incliner.

Dans le cadre du PIA 3, nous serons sans doute amenés à préciser la doctrine d'investissement - ce qui certes ne garantira rien, mais aura le mérite de la clarté quant à ce qui a - ou n'a pas - sa place dans le PIA. À ce stade, il s'agit d'une idée, pas d'une décision.

En ce qui concerne l'articulation du PIA avec le « plan Juncker » : tout d'abord, on ne peut que se réjouir de cette initiative. J'ai d'ailleurs eu le plaisir de recevoir Pierre Moscovici qui, à l'époque où il était parlementaire en mission, plaidait pour un « PIA européen ». Si le « plan Juncker » n'est pas un enfant du programme d'investissements d'avenir, il partage le même esprit.

Il y a néanmoins des différences de fond. Le « plan Juncker » intervient notamment en matière de grandes infrastructures de transport, contrairement au PIA. Ensuite, le « plan Juncker » ne contient en principe aucune subvention, et ne participe que s'il existe une perspective de retour financier. C'est une grande différence avec le PIA qui, avec les dotations non-consommables en faveur des universités et les subventions, soit au total près de la moitié des montants, intervient dans des domaines « interdits » au « plan Juncker ».

Enfin, vous avez souligné à juste titre qu'il n'existe pas de « filtre national » dans le cadre du « plan Juncker ». Dans les faits, je ne doute pas que certains essaieront d'obtenir des financements à la fois au titre du PIA et du plan Juncker, mais je crois que les mécanismes qui permettent d'éviter cela sont assurés, puisque les partenaires français du « plan Juncker » sont les opérateurs du PIA. Notre idée est la suivante : le PIA n'interviendra pas là où nous pensons que le « plan Juncker » le fera. Mais si de bons projets venaient à ne pas obtenir de financement européen, il ne faudrait pas les sacrifier. Par ailleurs, le PIA pourrait s'avérer plus rapide ou plus efficace dans un certain nombre de cas. L'Union européenne exige notamment des projets d'un volume plus important que celui que nous demandons : les projets des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) devraient donc trouver plus facilement une réponse au niveau national.

Ensuite, nous faisons effectivement des évaluations : indépendamment de la gestion des PIA eux-mêmes, le Commissariat général à l'investissement a été chargé par le Parlement et le Gouvernement de mener des contre-expertises des grands projets, qui sont effectuées par des experts indépendants, et dont les résultats sont transmis au Parlement et au Gouvernement et rendus disponibles à l'occasion des enquêtes publiques. L'expérience montre qu'un avis négatif du Commissariat général à l'investissement conduit à améliorer le projet, et qu'il peut ensuite être levé au profit de quelques réserves. L'expérience montre aussi que les réserves et recommandations émises par le Commissariat général à l'investissement sont utiles à ceux qui mènent les projets - ils sont d'abord mécontents, puis admettent qu'il y a quelque profit à en tirer. Nous veillons à ce que notre contre-expertise, qui dure en général trois mois, se fasse le plus souvent possible en « temps masqué » afin de ne pas retarder des projets utiles.

Sur les propositions relatives au contenu du PIA 3, je ne me sens pas encore en mesure de vous répondre - y compris sur mes propres propositions, et sans même parler de la décision du Gouvernement puis de celle du Parlement. Je le répète : le Président de la République a pris la semaine dernière une orientation de principe en faveur d'un PIA 3, avec pour échéance le dépôt d'un projet de loi de finances rectificative courant 2016, ce qui nous laisse dix-huit mois pour réfléchir et travailler à tout cela.

M. François Patriat, rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi ». - Je vous remercie d'avoir cité le rôle que pourraient jouer les régions dans le cadre du PIA 3, mais aussi d'avoir souligné l'importance de s'intéresser aux industries agroalimentaires.

Le PIA 2 comporte une action « formations partenariales » dotée de 150 millions d'euros au sein du programme 412 « Formations et mutations économiques » de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2014.

Cette action vise, selon la convention passée entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations, à « accompagner les mutations économiques en encourageant le développement de solutions locales s'appuyant sur un engagement conjoint notamment des acteurs économiques et des acteurs de formation et de l'enseignement » afin de « favoriser la création de synergies entre actions pédagogiques et gestion des ressources humaines permettant ainsi aux entreprises d'anticiper sur les évolutions économiques et aux salariés d'être acteurs de leur évolution professionnelle ». 

L'appel à projets a été ouvert le 1er décembre 2014. Aussi, pourriez-vous nous indiquer si des candidatures ont déjà été déposées dans ce cadre ? Quels en sont les éventuels porteurs ? Quelles actions concrètes seront financées dans le cadre de ces projets et quels en seront les bénéficiaires ?

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Afin d'accompagner la transition énergétique, 800 millions d'euros ont été prévus dans le cadre du second PIA pour le développement de démonstrateurs de recherche en énergies renouvelables. L'appel à manifestation d'intérêt visant à sélectionner les projets est en cours. De quel retour d'expérience dispose le Commissariat général à l'investissement s'agissant du financement et de la mise en place de tels démonstrateurs dans le cadre du PIA 1 ? Le calendrier a-t-il été respecté ? Les démonstrateurs sont-ils déjà en activité ?

Quelle pourrait être la place accordée aux investissements en matière d'énergies renouvelables et de transition énergétique au sein du troisième PIA annoncé par le Président de la République ?

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la mission « Égalité des territoires et logement ». - Le fonds d'aide à la rénovation thermique (FART), qui finance le versement de l'aide de solidarité écologique, dispose désormais de 455 millions d'euros issus des investissements d'avenir (contre 365 millions d'euros auparavant) en raison du redéploiement de crédits non utilisés du fonds de soutien à la rénovation énergétique de l'habitation (FSREH).

Parallèlement, les primes de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) au titre de l'aide de solidarité écologique ont été réduites à compter du 1er janvier 2015, passant notamment de 3 000 euros à 2 000 euros entre 2014 et 2015 pour les propriétaires occupants aux ressources très modestes.

Selon vous, le FART devrait-il être en mesure de couvrir les demandes à venir ou risque-t-on de connaître un tarissement du fonds ?

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Lancé en 2010, le programme d'investissement d'avenir a notamment financé la création de sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT) par le biais du fonds national de valorisation (FNV) doté à ce titre de 856 millions d'euros.

À la suite de l'évaluation par l'Agence nationale de recherche (ANR) des cinq premières SATT, l'État a annoncé qu'il souhaitait renouveler son soutien financier à hauteur de 104 millions d'euros, tout en rappelant toutefois que les SATT devraient « se mettre progressivement sur une trajectoire d'autofinancement ».

Les résultats obtenus permettent-ils de considérer favorablement cette perspective ? Est-elle réalisable et dans quel délai selon vous ?

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial de la mission « Économie ». - Le plan « France Très haut débit » vise à déployer un réseau de fibre optique sur l'intégralité du territoire à horizon 2022, avec un objectif intermédiaire de 50 % des foyers en 2017. Ce plan représente plus de 20 milliards d'euros d'investissements, répartis entre, d'une part, 6 à 7 milliards d'euros investis par les opérateurs privés et, d'autre part, 13 à 14 milliards d'euros investis dans le cadre des « réseaux d'initiative publique » (RIP), cofinancés par les opérateurs, l'Union européenne, les collectivités territoriales et l'État. Ce dernier participera à hauteur de 3 milliards d'euros, versés d'ici 2022 sous la forme de subventions, dont 900 millions d'euros en PIA 1 issus de l'action « développement des réseaux THD » et 1 412 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale pour 2015.

D'une manière générale, cette architecture financière vous paraît-elle suffisante compte tenu de l'ambition affichée, qui suppose un débit de 30 mégaoctets par seconde offert à l'ensemble des citoyens ? En effet, les obstacles sont nombreux : insensibilité des acteurs territoriaux à la mutualisation, mauvais entretien du réseau cuivre par Orange, lenteur des procédures pour les RIP etc. Par ailleurs, cet objectif est-il financièrement viable à long terme alors que la rentabilité de la fibre dépend de la densité de population ?

Par ailleurs, outre les subventions aux collectivités, le PIA prévoit un dispositif de prêts bonifiés de longue maturité à hauteur de 800 millions d'euros, destinés aux « exploitants de réseaux », c'est-à-dire aux opérateurs. Or il semble que les opérateurs n'y aient pas eu recours, et que ces 800 millions d'euros restent, à ce jour, inemployés. Comment expliquer cette situation ? Les opérateurs ont-il recours seulement à l'autofinancement ? Empruntent-ils dans de meilleures conditions sur les marchés ? Quel est, dès lors, l'intérêt de ce dispositif ?

M. Michel Berson, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - En France, l'articulation entre les universités, les grandes écoles et les centres de recherche peuvent poser problème ; les PIA ont-ils permis d'améliorer la situation dans ce domaine ?

L'Agence nationale de recherche (ANR) est aujourd'hui le principal opérateur des crédits du PIA en matière de recherche : quelle pourrait être sa place dans le troisième PIA ?

Les crédits issus du PIA ont permis de financer de grandes infrastructures et des équipements d'excellence ; si la pertinence de ces investissements ne peut être contestée, se pose en revanche la question de la prise en charge des frais de fonctionnement, souvent importants, associés à ces matériels, et qui ne sont pas comptabilisés dans le PIA. Quelle articulation entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement ?

La participation de la communauté française de recherche et d'innovation aux appels à projets européens a significativement décru. Cette moindre obtention de financement s'explique par un taux de réponse aux appels plus faible que les autres partenaires européens. On peut s'interroger sur l'articulation entre les dossiers de candidature PIA et les modalités de candidature européenne. Est-il envisagé de les rapprocher ?

M. Claude Raynal, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - Le second PIA finance des actions innovantes en faveur de la jeunesse, pour un montant de 84 millions d'euros. En théorie, ces actions devaient se différencier des actions déjà menées par le fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ) sur crédits du budget général par leur ampleur et l'objectif de permettre à des acteurs de « changer d'échelle ». Cependant, je constate à la lecture de la convention signée en 2014 que certains des crédits du PIA seront en pratique délégués au FEJ. Dans quelle mesure les actions menées seront-elles différentes de celles qui le sont par le FEJ sur crédits budgétaires ? Concrètement, quels projets seront financés par le PIA qui ne l'auraient pas été par des crédits budgétaires ?

M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la mission « Santé ». - Les établissements de santé peuvent être concernés par la procédure d'évaluation des investissements publics réalisée par le Commissariat général à l'investissement. Estimez-vous que le comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins (COPERMO), déjà chargé de réaliser une contre-expertise indépendante pour les projets d'un montant supérieur à 50 millions d'euros, joue un rôle de filtre suffisant par rapport au Commissariat général à l'investissement ? Pour les plus gros projets, n'y a-t-il pas un risque de doublon entre le COPERMO et le Commissariat général à l'investissement, susceptible d'entrainer des retards ?

Le Commissariat général à l'investissement a rendu un avis négatif au projet de reconstruction du centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre. À la lumière d'un nouveau rapport de contre-expertise, cet avis a été transformé en un avis favorable avec réserves. Quelle perte de temps ! Comment travaillent ces experts ? Quelles évolutions ont conduit le Commissariat général à l'investissement à réviser son jugement ?

M. Philippe Dominati. - Vous avez justifié l'existence d'un troisième PIA par une situation de crise qui perdurera sur le long terme en France. C'est une bonne entrée en matière car on peut se demander si le PIA 3 n'est pas une manière d'institutionnaliser un mécanisme extrabudgétaire, mis en place exceptionnellement, dans une période de crise économique.

Vous indiquez qu'à un euro d'investissement public correspond un euro d'investissement privé. Pourtant, vous avez parlé de 18 milliards d'euros de cofinancement sur 47 milliards d'euros affectés en PIA, donc le rapport est plutôt de 2 euros d'investissement public pour un euro d'investissement privé car vous excluez les investissements dans les universités. Je souhaiterais que vous nous indiquiez le bon ratio.

Enfin, je souhaiterais savoir quelle part de ces 47 milliards d'euros entre dans le calcul de la dette maastrichienne ?

M. Jacques Chiron. - En tant que nouveau membre du comité de surveillance des investissements d'avenir, j'ai assisté à ma première réunion et j'ai été particulièrement sensible aux informations qui y ont été données.

S'agissant du troisième PIA, beaucoup de projets devront être soumis à la réflexion, et je tiens en particulier à souligner les sujets liés à l'éducation et à la formation. Dans le cadre de l'informatisation d'une école, j'ai eu l'occasion de constater les écarts importants de maitrise des outils informatiques en fonction de l'origine sociale des élèves. Les enseignants, notamment les « anciens », ne proposent pas toujours des utilisations pertinentes des outils informatiques et je pense que le développement des programmes pédagogiques et la formation des enseignants, notamment au sein des Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), devraient être prioritaires. C'est l'avenir de nos enfants qui est en jeu.

Vous l'avez évoqué, il convient également de soutenir les régions dans leurs projets relatifs à la formation initiale et continue et à l'apprentissage. Notre système bénéficie de moyens excessivement importants sans que les résultats ne soient formellement étudiés.

Enfin, il me semble indispensable d'être attentif à ce que les fonds européens sur les jeunes soient intégrés dans l'ensemble des dispositifs existants.

Mme Fabienne Keller. - En tant que membre du comité de surveillance des investissements d'avenir, je tiens à saluer la qualité des équipes du Commissariat général à l'investissement, alors même que les sujets traités sont très variés, comme le montre l'extrême diversité des interventions ce matin.

S'agissant des pistes de réflexion que vous avez esquissées pour le PIA 3, quel processus de sélection des projets envisagez-vous, afin de ne pas perdre le cap de l'investissement essentiel pour la France à long terme ?

M. André Gattolin. - Il y a une porosité - rappelée par notre rapporteur général - entre ce qui relève du budget de l'État et ce qui relève des investissements d'avenir. Lors des deux dernières lois de finances rectificatives, nous avons constaté un transfert de plus de 200 millions d'euros de crédits alloués à l'écologie et au développement durable vers la défense. Au sein de ces derniers, des sommes étaient destinées à des projets gérés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Le Gouvernement a justifié ces transferts par l'absence de maturité des projets en matière d'écologie - je pense notamment au projet Ulcos II à Florange, sur lequel les plus grandes réserves avaient déjà été émises, en particulier par l'Union européenne, et à propos de l'engagement de Mittal. Comment ces projets ont-ils pu être présentés et finalement retirés au dernier moment ? Cette situation m'inquiète. Est-ce lié à un dysfonctionnement de la procédure ou à une trop grande instabilité ministérielle ?

M. Marc Laménie. - Ma question porte sur les partenariats publics privés. Des projets d'envergure ayant recours à cette formule voient le jour, par exemple un projet de reconstruction de barrages concernant quatre départements, dont les Ardennes, pour un montant de plus 300 millions d'euros. Serait-il envisageable que les PIA financent de tels projets, notamment ferroviaires, sous la forme de partenariats publics privés ?

M. Dominique de Legge. - Il y a aujourd'hui un débat à propos de l'article 50 A du projet de loi pour la croissance et l'activité, dit projet de loi « Macron », qui permet la constitution de sociétés de projet. Bercy estime que ces sociétés présentent trop de risques et préconiserait de financer l'acquisition d'équipements pour les armées à partir du PIA. Qu'en pensez-vous ? Est-ce dans l'esprit que vous vous faites du futur PIA 3 ?

M. Michel Canevet. - Je me réjouis que vous ayez identifié l'industrie agroalimentaire parmi les secteurs devant bénéficier davantage des PIA. Effectivement, il s'agit d'un domaine d'activité qui nécessite des capitaux importants.

Le « plan Juncker » s'appuie sur un effet de levier pour dynamiser l'économie européenne. Ne faudrait-il pas modifier le PIA français en s'inspirant de ce modèle, reposant sur des prêts ou des garanties, afin de bénéficier du même effet de levier sans affecter le déficit déjà considérable de notre pays ?

M. Louis Schweitzer. - Je ne peux espérer répondre de façon aussi détaillée qu'il le faudrait à toutes les questions. Je vous adresserai donc des réponses écrites à toutes les questions auxquelles je n'aurai pas répondu oralement de façon suffisamment complète.

Concernant les actions pédagogiques en matière de formation professionnelle et d'emploi, un appel à projets a été ouvert le 1er décembre dernier, comme l'a rappelé François Patriat. En principe, celui-ci est ouvert jusqu'en 2017. Mais je pense qu'il sera clos avant cette date car nous avons déjà reçu des projets de très bonne qualité. Nos actions dans ce domaine se concentrent sur quelques axes importants : premièrement, préparer aux métiers d'avenir ; deuxièmement, assurer des techniques de formation au meilleur niveau et troisièmement, garantir des conditions de vie attractives pour les personnes formées. Nous sommes convaincus que nous dépenserons intelligemment et efficacement les fonds dans ce domaine.

S'agissant des projets de démonstrateurs de recherche dans le domaine des énergies renouvelables et la transition énergétique évoqués par Jean-François Husson, nous avons financé, pour des montants élevés, des projets d'hydroliennes et d'éoliennes flottantes. Ces projets sont avancés mais la question de leur diffusion demeure entière. On pourrait envisager dans ce cas une articulation avec le « plan Juncker ». La logique est la suivante : nous finançons avec le PIA des projets exploratoires et, si ces derniers sont concluants, les entreprises pourront bénéficier du « plan Juncker » pour leur généralisation.

Philippe Dallier a évoqué le fonds d'aide à la rénovation thermique. Effectivement, cette action a connu un démarrage lent mais il s'agit d'une aide très importante en faveur des ménages modestes. Pour l'année 2015, les crédits de ce fonds seront suffisants pour faire face à la demande mais un complément sera peut-être nécessaire en 2016.

Philippe Adnot l'a rappelé, les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) ont pour objet d'aider à la maturation de projets de recherche afin d'en faire des projets favorisant la croissance économique. L'ambition est que les SATT s'autofinancent à terme et qu'elles couvrent l'ensemble du territoire - aujourd'hui, seule la Normandie n'est pas couverte. Mais les SATT sont plus ou moins avancées ; toutes n'auront pas atteint l'autofinancement en 2020. Nous essaierons d'avoir une approche différenciée, en fonction de leur dynamisme, avec un calendrier tenant compte de la réalité de chaque société. Elles tiennent des conventions annuelles qui permettent d'échanger sur les avancées de chacune.

Bernard Lalande a évoqué le plan « France Très haut débit ». Nous avions en effet prévu une enveloppe de prêts bonifiés à destination des opérateurs. Cette enveloppe ne sera pas utilisée par ces derniers dans la mesure où les taux d'intérêt actuels sont très faibles. Mais au fond, ce n'est pas le sujet, car l'objet des PIA est de financer la partie commercialement non rentable de ces investissements. Il s'agit ici d'un exemple intéressant qui est en quelque sorte symétrique aux redéploiements : nous avons conservé la procédure PIA, qui fonctionne très bien, y compris pour les financements hors PIA ouverts en loi de finances initiale pour 2015. Les avances, qui permettent de compléter la couverture du territoire national, sont donc des crédits adossés à des recettes de l'État. À ce titre, c'est une sorte d'abondement indirect du PIA.

Michel Berson est intervenu sur le lien entre les grandes écoles et les universités. Il y a eu de réels progrès en la matière grâce aux PIA, en particulier avec le plateau de Saclay ou Paris Sciences et Lettres. Nous ne sommes bien sûr pas au bout de ces progrès. Par exemple, l'école polytechnique française a aujourd'hui une puissance internationale inférieure à l'école polytechnique fédérale de Lausanne. En favorisant les interactions entre grandes écoles et universités, Saclay devrait nous permettre d'améliorer la situation.

S'agissant de l'ANR, nous n'envisageons absolument pas de modifier nos liens avec cet opérateur efficace et avec lequel nous avons de bonnes relations.

Je souhaiterais clarifier un point : nous finançons des investissements d'avenir mais ceux-ci ne sont pas nécessairement des investissements au sens budgétaire du terme, c'est-à-dire des dépenses d'équipement. Lorsque nous finançons des laboratoires universitaires, nous finançons de la recherche qui, juridiquement, n'est pas un investissement. Lorsque nous finançons les projets d'excellents chercheurs, il s'agit, du point de vue du budget de l'État, de dépenses de fonctionnement même si, dans l'esprit commun, c'est un investissement pour l'avenir. Cela dit, il est vrai que nous versons aux établissements d'enseignement supérieur un préciput, auparavant fixé à 4 % et relevé à 8 %, destiné à couvrir leurs frais généraux pour les projets de recherche. Un certain nombre d'universités voudrait qu'il soit encore augmenté mais plus nous augmenterons ce préciput, moins il y aura de financements pour les laboratoires. Ce débat n'est pas clos.

Concernant l'articulation avec les projets européens de recherche, les laboratoires nous indiquent que le fait de recevoir des financements du PIA est un atout ; cela leur donne davantage de visibilité vis-à-vis des autorités européennes. Il s'agit donc d'un effet additif plutôt que d'un effet substitutif.

En ce qui concerne les investissements dans le domaine du sport, de la jeunesse et de la vie associative auxquels s'intéresse Claude Raynal, je préfère vous répondre par écrit. C'est un domaine où l'on constate en effet que la frontière n'est pas rigide entre les crédits du PIA et le budget de l'État. Ceci dit, à mes yeux, ignorer ce secteur lorsque l'on finance des investissements d'avenir serait une faute lourde.

Au sujet du cumul des expertises sur les projets des établissements publics de santé évoqué par Francis Delattre, je précise que le COPERMO réalise une contre-expertise pour les projets dont le montant est compris entre 50 et 100 millions d'euros et le Commissariat général à l'investissement met en place une contre-expertise pour les projets au-delà de 100 millions d'euros. Il y a donc, en principe, une bonne articulation entre le COPERMO et le Commissariat général à l'investissement. Nous nous attachons à éviter des délais supplémentaires. Il faut avoir conscience que, dans les projets hospitaliers, la dépense la plus importante n'est pas l'investissement mais la dépense de fonctionnement qui en résulte sur dix, quinze ou vingt ans. Il est donc essentiel de calibrer l'investissement au plus juste. Dans le cas du CHU de Pointe-à-Pitre - qui, je le rappelle, connaît de réelles difficultés financières - il nous a paru que le projet initial pénaliserait, en fonctionnement, l'avenir financier de cet hôpital. Je pense que le projet revu sera plus satisfaisant.

Philippe Dominati a demandé si, avec le PIA 3, on actait l'installation de la France dans la crise. Je n'ai pas dit que la crise se prolongerait jusqu'en 2017 mais que la rigueur budgétaire perdurerait certainement jusqu'en 2017 et au-delà. Je pense que le risque de sacrifier l'investissement au profit du fonctionnement, dans le budget de l'État et les budgets des collectivités territoriales, est réel. Une certaine pérennité du PIA n'a donc pas que des inconvénients.

Sur l'effet de levier, je voudrais clarifier un point. Les cofinancements de 25,8 milliards d'euros, dont 18 milliards d'euros du secteur privé, ne doivent pas être comparés aux 47 milliards d'euros de dotations du PIA mais aux 28 milliards d'euros qui ont été contractualisés. C'est au moment de la contractualisation avec les partenaires que l'on mesure le cofinancement. Sur ce qui est contractualisé, il y a également des dotations qui, par nature, ne donnent pas lieu à un cofinancement privé : il s'agit notamment des contractualisations avec les instituts universitaires d'excellence. Ces dotations non consommables représentent quasiment 13 milliards d'euros. Si l'on tient compte des contractualisations hors dotations non consommables, ce qui correspond à environ 15 milliards d'euros, on constate que les fonds du secteur privé représentent plus de 50 % des investissements - avec des variations selon les secteurs.

L'impact des PIA sur la dette publique correspond aux décaissements ; ces derniers s'élèvent à 10,5 milliards d'euros à fin 2014. En revanche, les dotations non consommables n'ont pas d'impact sur la dette pour leur montant ; seuls les intérêts versés chaque année au taux des obligations assimilables du Trésor ont un impact.

Jacques Chiron a évoqué l'enseignement du numérique à l'école. Le PIA 3 pourrait en effet intervenir dans ce domaine, même si les modalités précises doivent être définies.

Fabienne Keller s'est interrogée sur les procédures de sélection. Il y a deux étapes : tout d'abord, quel est le contenu du PIA 3 ? Il s'agira, pendant cette première phase, d'associer des partenaires extérieurs - le Comité économique, social et environnemental, France stratégie etc. - à la définition du nouveau PIA. Puis, après le vote, il y aura des procédures d'expertise et de sélection, qui, dans mon esprit, seront dans la ligne exacte de celles du PIA 1 et du PIA 2 car elles ont fait la preuve de leur efficacité.

En ce qui concerne les projets de l'ADEME évoqués par André Gattolin, je vous adresserai une réponse écrite. Par rapport aux crédits ouverts, nous avons été moins sollicités que prévu. Il s'agit d'une priorité pour le PIA 3 et nous devrons identifier les raisons pour lesquelles il y a eu moins de projets qu'espéré. Les délais d'instruction dans les procédures de l'ADEME sont particulièrement longs. Avec les dirigeants de l'ADEME, nous cherchons donc à les réduire et à simplifier les procédures, j'espère que vous verrez des améliorations sur ce point.

Le Commissariat général à l'investissement n'intervient pas dans le champ des infrastructures ferroviaires, d'autres mécanismes étant en effet plus adaptés et compte tenu des sommes conséquentes devant être investies.

Nous voulons effectivement développer l'agroalimentaire.

Michel Canevet s'est demandé si le PIA pourrait octroyer davantage de prêts et de garanties. Sur ce sujet, nous travaillons étroitement avec la Banque publique d'investissement (BPI) qui, en tant qu'opérateur, intervient de façon active et nous faisons en sorte d'éviter les redondances entre son action propre et le PIA.

Mme Michèle André, présidente. - Merci pour tous ces éléments.

Désignation d'un rapporteur

La commission nomme M. Antoine Lefèvre rapporteur sur la proposition de loi n° 269 (2014-2015) visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques.

Organisme extraparlementaire - Désignations

Puis la commission propose au Président du Sénat la candidature de M. Jean-François Husson comme membre titulaire et de M. Éric Bocquet comme membre suppléant pour siéger au sein de l'Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz.

Groupe de travail institué par la commission du développement durable consacré au suivi des négociations internationales sur le climat - Nomination d'un représentant

Enfin, la commission désigne M. Jean-François Husson comme représentant au groupe de travail institué par la commission du développement durable et consacré au suivi des négociations internationales sur le climat.

La réunion est levée à 10 h 33.

Plan d'investissement pour l'Europe - Examen du rapport et du texte de la commission

La réunion est ouverte à 10 h 34.

Au cours d'une seconde réunion tenue dans la matinée, la commission procède à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier et à l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de résolution n° 298 (2014-2015) de MM. Jean-Paul Emorine et Didier Marie, au nom de la commission des affaires européennes, sur le plan d'investissement pour l'Europe.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Notre commission a été saisie d'une proposition de résolution européenne adoptée, à l'initiative de nos collègues Jean-Paul Emorine et Didier Marie, par la commission des affaires européennes.

Cette proposition porte sur le plan d'investissement pour l'Europe, communément appelé « plan Juncker ». Dans ce cadre, la Commission européenne a publié, en novembre dernier, une communication précisant les principaux aspects du plan d'investissement et a déposé, le 13 janvier 2015, une proposition de règlement sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques.

Le plan d'investissement pour l'Europe intervient dans un contexte marqué par la faiblesse de l'activité économique et, en particulier, de l'investissement. En effet, les données disponibles à ce jour montrent que la formation brute de capital fixe totale a reculé de près de 320 milliards d'euros entre 2008 et 2013, ce qui correspond à une diminution de 10,9 % en valeur. Les causes de ce phénomène sont multiples. À côté de l'éclatement des bulles immobilières, qui a tout particulièrement touché des pays comme le Royaume-Uni, l'Irlande, ou encore l'Espagne, peuvent être également mentionnés les ajustements budgétaires menés dans l'Union et, plus particulièrement dans la zone euro. De même, l'importance du taux de chômage, qui atteignait encore 11,5 % en moyenne dans l'Union à la fin de l'année 2014 selon Eurostat, ainsi que l'affaiblissement de la confiance des consommateurs et des entreprises, participent à la faiblesse des investissements.

Il ne s'agit pas uniquement d'un problème européen. L'insuffisance de l'investissement constitue désormais une préoccupation mondiale ; ceci ressort clairement des récentes publications du Fonds monétaire international (FMI) et du plan d'action défini lors de la réunion du G20 de Brisbane en Australie en novembre 2014, qui appellent à l'engagement de programmes d'investissement en infrastructures.

Dans ce cadre, il existe un véritable contraste entre la situation européenne et celle des États-Unis. En effet, dans ce pays, la formation brute de capital fixe a retrouvé son niveau de 2007 dès l'année 2012, ce qui n'est toujours pas le cas dans l'Union européenne, ni même dans la zone euro.

Ce « décrochage » de l'Europe en matière d'investissements est d'autant plus inquiétant qu'il vient menacer les perspectives de croissance à moyen et long termes dans les différents États européens. En effet, le manque d'investissement réduit le niveau de capital consacré aux activités productives ; il accroît l'obsolescence des infrastructures et des équipements, ce qui dégrade la productivité des facteurs de production. Enfin, une telle situation nuit aux dépenses de recherche et développement (R&D), qui sont porteuses de progrès techniques à long terme.

Dans ces conditions, il paraissait nécessaire d'activer l'ensemble des leviers susceptibles de permettre une relance de l'investissement dans l'Union européenne.

C'est pourquoi la proposition de résolution européenne qui nous est soumise vise à exposer les orientations que le Sénat souhaite voir défendues par le Gouvernement au cours des négociations qui continueront à se dérouler jusqu'à ce que le plan d'investissement pour l'Europe soit pleinement opérationnel. La proposition de règlement sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques est, en effet, encore en cours d'examen par le Parlement européen ; son adoption définitive par le Parlement et le Conseil de l'Union européenne est prévue pour le mois de juin prochain, en dépit de la complexité des négociations en cours.

La proposition de résolution européenne s'organise autour des trois « volets » qui composent le « plan Juncker ».

Le premier « volet » consiste en la création d'un Fonds européen pour les investissements stratégiques devant permettre la mobilisation d'au moins 315 milliards d'euros d'investissements supplémentaires au cours des trois prochaines années.

Ce Fonds doit être créé auprès de la Banque européenne d'investissement, sur la base d'un accord entre cette dernière et la Commission européenne. Le Fonds devrait disposer d'un apport initial de 21 milliards d'euros, comprenant une garantie de 16 milliards d'euros issue du budget général de l'Union européenne et d'une contribution de 5 milliards d'euros de la Banque européenne d'investissement.

Cet apport de 21 milliards d'euros devrait permettre au Fonds de lever des financements d'un montant trois fois supérieurs, qui seraient réinvestis sous la forme, notamment, de fonds propres et de dette subordonnée, ce qui doit permettre d'attirer des investissements privés représentant quatre fois le montant des financements apportés.

Au total, l'effet de levier attendu du Fonds s'élève à 15. Si un tel effet multiplicateur pose souvent question, en raison de son caractère prétendument élevé, nous avons eu l'occasion de constater, lors de notre audition de la semaine dernière, qu'il s'agissait d'une hypothèse plutôt « conservatrice ». En effet, l'augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement intervenue en 2012 a eu un effet de levier de 18 - l'augmentation de capital de 10 milliards d'euros étant en passe d'avoir permis 180 milliards d'euros d'investissements supplémentaires. De même, au cours de l'audition, Philippe de Fontaine Vive, vice-président honoraire de la Banque européenne d'investissement, a précisé que les effets de levier observés dans le cadre des différents programmes de la Banque européenne d'investissement étaient généralement compris entre 18 et 28.

En réalité, plus que dans l'estimation de l'effet multiplicateur, la question paraît résider dans le surcroît « net » d'investissements permis par la création du Fonds. En effet, les crédits apportés au sein du Fonds proviennent de programmes eux-mêmes susceptibles d'être à l'origine d'un effet multiplicateur significatif - notamment le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) et le programme-cadre pour la recherche et l'innovation « Horizon 2020 ». À ce titre, je relève que certains députés européens souhaitent amender la proposition de règlement sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques pour exclure le financement de celui-ci par le MIE et le programme « Horizon 2020 ».

Sur ce point important, je vous proposerai de compléter la proposition de résolution européenne et de souligner la nécessité que les crédits du budget général de l'Union européenne réalloués dans le cadre de la mise en oeuvre du plan d'investissement soient ceux présentant le plus faible effet multiplicateur.

Par ailleurs, l'effet de levier du Fonds européen pour les investissements stratégiques dépendra étroitement des modalités de sélection des projets financés. En particulier, comme le souligne la proposition de résolution européenne, il conviendra de veiller à ce que les projets retenus n'eussent pu bénéficier de financements en l'absence du plan d'investissement, conformément au principe d'additionnalité. En outre, cette proposition de résolution relève que les projets sélectionnés devraient avoir un impact à court terme, de manière à ce que le « plan Juncker » contribue pleinement à la reprise de l'activité économique en Europe ; elle insiste également sur la nécessité que les collectivités territoriales puissent bénéficier du plan d'investissement pour l'Europe - la Banque européenne d'investissement nous a rassurés sur ce dernier point. Enfin, elle rappelle qu'un compromis doit être trouvé entre l'exigence d'éviter un « saupoudrage » des crédits et celle d'aboutir à une couverture équilibrée du territoire européen.

S'agissant de la gouvernance du Fonds, celle-ci devrait reposer sur un comité de pilotage qui devra décider « de son orientation stratégique, de la répartition stratégique de ses actifs et de ses politiques et procédures opérationnelles » et d'un comité d'investissement, dont la fonction sera de procéder à une sélection des projets d'investissement proposés par les services de la Banque européenne d'investissement.

À ce stade, la position de négociation adoptée par le Conseil de l'Union européenne le 10 mars 2015 exclut du comité de pilotage tout autre membre que la Commission européenne et la Banque européenne d'investissement, écartant donc la représentation des États membres ou encore des tiers. C'est la raison pour laquelle je proposerai de supprimer les développements de la proposition de résolution demandant à ce que « soient apportées des précisions sur la possibilité pour des investisseurs non ressortissants d'États membres de l'Union européenne de contribuer au FEIS et donc sur les conditions de leur participation au comité de pilotage ». De même, la proposition de résolution souhaitait préciser que les experts indépendants du comité d'investissement devaient aussi disposer « d'une solide expérience des collectivités territoriales et des politiques sociales » ; je propose également de supprimer cette précision qui ne me paraît pas nécessaire.

Pour finir, la proposition de résolution européenne insiste sur la nécessité que le Fonds européen pour les investissements stratégiques soit responsable démocratiquement, devant le Parlement européen et les parlements nationaux.

Le deuxième « volet » du plan d'investissement pour l'Europe vise à prendre des initiatives ciblées de sorte que le financement supplémentaire des investissements ainsi généré réponde aux besoins de l'économie réelle.

À cette fin, il est tout d'abord prévu la mise en place d'une réserve de projets à l'échelle de l'Union européenne. Il s'agit d'établir, sur la base d'une analyse indépendante réalisée sous l'égide de la Commission européenne et de la Banque européenne d'investissement, une liste des projets viables existant en Europe pour en renforcer la visibilité auprès des investisseurs. La logique retenue est donc celle d'une « labélisation » des investissements dans le cadre de la réserve de projets.

Je précise que cette réserve de projets est distincte de la liste de 2 000 projets, correspondant à des investissements de 1 300 milliards d'euros, identifiés par la task force composée de la Commission, de la Banque européenne d'investissement et des États membres à la fin de l'année 2014, dont nous avons parlé la semaine passée.

Ensuite, il est proposé de créer une « plateforme de conseil en investissement » au sein de la Banque européenne d'investissement, qui aura vocation à apporter une aide technique aux promoteurs de projets, aux investisseurs ou encore aux autorités publiques, dans le recensement, la préparation et le développement des projets d'investissement. Cette plateforme ferait ainsi office de guichet unique pour le conseil technique au financement de projets dans l'Union.

La proposition de résolution européenne demande des informations complémentaires sur le fonctionnement de cette plateforme, « en particulier sur son articulation avec les guichets uniques existants et sur son rôle envers les collectivités territoriales », ainsi que sur les relations à venir entre la Banque européenne d'investissement et les banques nationales de développement.

Le troisième et dernier « volet » du plan d'investissement consiste à créer un environnement plus propice à l'investissement dans l'Union européenne. Ce « volet », nécessairement de plus longue haleine dans sa mise en oeuvre que les deux précédents, doit se déployer à plusieurs niveaux. Au niveau communautaire, le Parlement européen et le Conseil sont invités, en tant que législateurs de l'Union européenne, à adopter des mesures tendant à améliorer le cadre réglementaire relatif à l'investissement. Au niveau national, chaque État membre est évidemment incité, notamment dans le cadre du semestre européen, à adopter des mesures allant en ce sens.

Dans sa communication du 26 novembre 2014, la Commission a identifié trois axes d'amélioration de l'environnement de l'investissement.

Premièrement, la simplification de la réglementation et le renforcement de sa prévisibilité, en particulier afin de réduire une incertitude qui affecte l'investissement, ainsi que les charges administratives des entreprises.

Deuxièmement, le développement de nouvelles sources de financement à long terme, alternatives au financement bancaire qui demeure prégnant dans l'Union européenne, ce qui passe notamment par la création d'une union des marchés de capitaux intégrant l'ensemble des États membres. À cet égard, je vous rappelle qu'Alain Papiasse, directeur général adjoint de BNP Paribas, a considéré, lors de son audition par notre commission le 18 février dernier, que la mobilisation de 315 milliards d'euros par le « plan Juncker » serait particulièrement difficile « sans l'union des marchés de capitaux et sans activités de tenue de marchés dans les grandes banques européennes ».

Troisièmement, la suppression des freins à l'investissement dans le marché unique. Ceci suppose, selon la Commission européenne, d'accélérer la réforme de l'union européenne de l'énergie, de supprimer les obstacles à l'investissement dans les infrastructures et les systèmes de transport, ou encore d'instituer d'un marché unique numérique.

Sur le long terme, ce troisième « volet » devrait constituer le plus important du plan d'investissement pour l'Europe. Aussi, très logiquement, la proposition de résolution européenne « insiste sur la nécessité de parvenir à un environnement plus favorable aux investissements grâce à un allégement et à une harmonisation des règlementations européennes et nationales et souhaite à ce titre que le « volet » règlementaire du plan d'investissement soit mieux documenté, en particulier pour ce qui concerne la contribution de l'union de l'énergie et du marché unique du numérique à la levée des obstacles réglementaires à l'investissement dans l'Union européenne dans le respect des normes sociales et environnementales ».

Eu égard à l'importance du plan d'investissement pour l'Europe tant pour la reprise de l'activité que pour la croissance à long terme, il me semble que la proposition européenne qui nous est soumise doit recueillir notre soutien. Toutefois, dans la mesure où elle a vocation à orienter la conduite des négociations menées par le gouvernement français, il m'a semblé opportun de vous soumettre six amendements tendant à préciser la proposition de résolution européenne, sur lesquels nous reviendrons plus en détails dans quelques instants.

M. Jean-Paul Emorine, auteur de la proposition de résolution européenne. - Ce plan d'investissement est, en fait, une idée assez ancienne portée par la Banque européenne d'investissement (BEI), à laquelle je souscris pleinement. Le fonds devrait disposer initialement de 21 milliards d'euros, dont 16 milliards d'euros sous forme de garantie à partir du budget général de l'Union européenne et 5 milliards d'euros apportés par la BEI. Ceci permettrait d'atteindre 315 milliards d'euros d'investissements, grâce à un effet de levier très important.

Le fonctionnement du Fonds est complexe. Pour rédiger cette proposition de résolution européenne (PPRE), mon collègue Didier Marie et moi-même avons rencontré des représentants de la BEI, de la Banque publique d'investissement (BPI), de Bercy ou encore les commissaires européens concernés.

Au total, 2 000 projets ont été identifiés par le task force à la fin de l'année 2014, mais il est possible qu'aucun d'entre eux ne soit finalement retenu par le FEIS. Un point positif est que ce Fonds est destiné à un public assez large. Toutes les entreprises de moins de 3 000 salariés sont concernées, si bien qu'il devrait véritablement permettre d'aider les entreprises qui ont besoin dans la recherche et le développement (R&D).

Le Fonds doit servir à financer des projets qui n'auraient pas pu trouver de financement autrement. Je pense qu'il pourrait notamment être utilisé pour les investissements dans le haut débit. Ces projets peuvent être opérationnels très rapidement. En revanche, les investissements dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) n'auraient pas d'effet avant un certain temps. Or l'objectif est d'« injecter » plus de 300 milliards d'euros en trois ans. Il faut être pragmatique dans la sélection des projets.

Pour répondre à Albéric de Montgolfier, les États membres sont exclus du comité de pilotage car ils ont tous refusé d'y investir, dans la mesure où l'on ne sait pas encore quels projets seront financés.

Je relève, en outre, que la BEI a mis en place une plateforme qui pourra aider les collectivités à solliciter des financements, ce qui comble une lacune que nous avions constatée avec la BPI.

M. François Marc. - Je suis favorable à ce texte, d'autant plus que j'ai voté en sa faveur en tant que membre de la commission des affaires européennes. Je pense que les modifications proposées par le rapporteur général vont dans le bon sens.

Le « plan Juncker » est tout à fait légitime. Il y a une épargne abondante en Europe et c'est donc le rôle de la puissance publique de la mettre au service de l'investissement de long terme, en ces temps où l'on privilégie une vision à court terme.

Les investissements concernés seront ceux pour lesquels il y a une « perspective raisonnable de bonne viabilité économique ». Il s'agit donc d'investissements relativement risqués, ce qui pose la question de la sélection des projets. Je pense que c'est une bonne chose que cette tâche ne soit pas confiée aux États, qui pourraient avoir tendance à privilégier leurs propres priorités. Je pense, par exemple, à l'Allemagne et à la modernisation de ses infrastructures.

Je m'interroge en revanche sur le comité d'experts indépendants. La notion même d'indépendance des experts me laisse sceptique : on est toujours influencé par son parcours, ses relations, etc. Philippe de Fontaine Vive nous expliquait la semaine passée qu'ils avaient recruté plusieurs centaines d'ingénieurs et qu'ils seraient donc capables d'évaluer les projets. Ne devrait-on pas s'appuyer sur cette expertise interne à la BEI ? En France, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a également une vraie compétence et devrait être un interlocuteur essentiel.

M. Francis Delattre. - J'ai quelques inquiétudes sur l'atteinte de l'objectif de 315 milliards d'euros. Le FEIS est en fait un fonds de garantie, puisqu'il repose essentiellement sur un effet de levier. Mais est-ce que les investisseurs privés seront vraiment au rendez-vous ? Les banques que nous avons rencontrées n'étaient pas enthousiastes...

La Banque centrale européenne (BCE) a lancé un vaste programme d'assouplissement quantitatif, à travers lequel elle va injecter chaque mois 60 milliards d'euros dans l'économie, en rachetant aux banques des emprunts d'État, notamment. Mais à quoi bon acheter des obligations assimilables du Trésor (OAT) qui ne produisent rien ! Il vaudrait mieux injecter cet argent dans l'économie réelle, en finançant directement la BEI. Ce serait un signal très positif adressé aux citoyens européens.

M. Bernard Lalande. - Je note que l'exposé des motifs indique que le Fonds pourrait servir à financer « le développement d'infrastructures, en particulier dans le domaine des transports, de l'énergie et du numérique ». Mais il est aussi écrit que le « plan Juncker » présenterait peu d'intérêt pour développer le haut débit en France. N'y a-t-il pas là une contradiction ?

M. Albéric de Montgolfier. - Il s'agit uniquement de l'exposé des motifs de la proposition de résolution européenne.

M. André Gattolin. - Je soutiens globalement les propositions du rapporteur général, à l'exception du premier amendement. Il me semble, en effet, nécessaire de rappeler que l'insuffisance des crédits du « plan Juncker » résulte directement de la faiblesse du budget européen.

Par ailleurs, une interrogation demeure sur le « plan Juncker » concernant l'effet multiplicateur. Si la Banque européenne d'investissement a pu obtenir des effets de levier supérieurs, il s'agissait de projets présentant une très forte rentabilité. Or, le plan d'investissement doit aussi financer des projets sociaux et éducatifs, pour lesquels les investissements privés seront nécessairement plus faibles.

Enfin, je n'ai pas particulièrement confiance dans les capacités d'expertise de la Banque européenne d'investissement. Il faut rappeler la nécessité d'une expertise contradictoire dans tous les domaines.

M. Marc Laménie. - Je m'interroge sur l'impossibilité d'allouer des subventions pour des projets qui sont portés par les collectivités territoriales. Par ailleurs, l'articulation du comité d'expert et du comité d'investissement semble particulièrement complexe.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La logique du « plan Juncker » ne consiste pas à mobiliser des crédits budgétaires ou à accroître la masse monétaire. Ma véritable interrogation ne concerne pas l'effet de levier mais la capacité de mobiliser ces fonds en trois ans, compte tenu de la nature des investissements qui peuvent être soumis et des procédures applicables sur ces domaines. Je suis particulièrement sceptique sur ce point, sauf à recycler des projets existants.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Dans cette logique, l'amendement n° 1 propose de supprimer l'alinéa dénonçant la modestie du budget de l'Union européenne. Il s'agit d'un sujet déconnecté du « plan Juncker », dont l'objectif est précisément de mobiliser des investissements privés à partir d'un montant limité de crédits publics, compte tenu de la situation budgétaire des États.

M. François Marc. - Je suis plutôt favorable à la philosophie du « plan Juncker ». En effet, ce plan et l'action de la Banque centrale européenne sont complémentaires, même si les deux acteurs sont indépendants. L'assouplissement quantitatif vise à libérer des liquidités afin de permettre aux établissements financiers d'investir. Ces investissements seront facilités par les garanties apportées dans le cadre du « plan Juncker », qui devraient permettre de réduire le risque associé à certains projets.

M. Francis Delattre. - Ce que vient de dire François Marc est totalement complémentaire avec mes propos. Les banques françaises vont disposer de liquidités nouvelles grâce à l'action de la Banque centrale européenne. Il faudrait profiter de cette possibilité pour demander au système bancaire de s'associer véritablement au « plan Juncker » en affectant la moitié des 60 milliards au financement de la Banque européenne d'investissement.

M. Jean Germain. - Le financement des entreprises européennes est trop dépendant des banques, en comparaison avec la situation américaine. Or, les banques européennes refusent désormais de prendre des risques, ce qui conduit à un excès de liquidité et à une baisse de la rentabilité du capital.

L'amendement n° 1 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement n° 2 précise que les dotations du budget de l'Union européenne reversées au fonds de garantie étaient elles-mêmes susceptibles d'être à l'origine d'un effet de levier significatif, ce qui doit conduire à s'interroger sur la capacité du plan d'investissement à susciter le surcroît d'investissements annoncé.

M. François Marc. - Il ne me semble pas opportun de porter un jugement de valeur sur l'effet de levier. La formulation du rapporteur général est néanmoins meilleure que celle du texte initial.

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement n° 3 apporte une précision concernant l'effet de levier en soulignant la nécessité que les crédits du budget général de l'Union européenne réalloués dans le cadre de la mise en oeuvre du plan d'investissement soient ceux présentant le plus faible effet multiplicateur.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement n° 4 vise à exprimer le souhait qu'un projet nécessitant des subventions puisse être sélectionné par le Fonds européen pour les investissements stratégiques.

L'amendement n° 4 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement n° 5 supprime la mention précisant que les experts du comité d'investissement doivent disposer d'une expérience des collectivités territoriales et des politiques sociales.

L'amendement n° 5 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'amendement n° 6 supprime l'alinéa 29, car la position de négociation arrêtée dans le cadre du Conseil de l'Union européenne du 10 mars dernier exclut du comité de pilotage tout autre membre que la Commission européenne et la Banque européenne d'investissement.

L'amendement n° 6 est adopté.

L'ensemble de la proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La réunion est levée à 11 h 28.