Dialogue social et continuité du service public (Urgence)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (urgence déclarée).

Discussion générale

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. - (Applaudissements à droite et au centre) Des quais et des stations de bus surchargés, des usagers qui attendent un autobus ou un train qui ne viendra peut-être pas, je ne veux plus, vous ne voulez plus, nous ne voulons plus de cette situation ! (Marques d'ironie à gauche) D'où ce projet de loi instaurant un service minimum qui poursuit un triple objectif : éviter au maximum le recours à la grève, éviter au maximum la paralysie des transports en cas de grève et éviter l'absence d'information aux usagers.

Avec Dominique Bussereau, nous avons choisi d'élaborer une loi-cadre afin de préciser les modalités du service minimum de manière concrète, plus que certains ne l'imaginaient d'ailleurs. Pour moi, la politique, ce n'est pas rester dans l'abstraction, c'est traiter les questions dans leurs aspects les plus pratiques. Cela ne signifie pas que nous renvoyons le dossier aux partenaires sociaux en leur disant « débrouillez-vous ! ». Nous veillerons à ce que le service minimum soit une réalité en leur permettant de mettre à profit les cinq mois qui nous séparent du 1er janvier pour faire du « sur mesure ».

Ce texte est la traduction d'un engagement fort que le Président de la République avait pris durant la campagne présidentielle. Plus de 70 % des Français y sont favorables. Le service minimum, ce n'est ni une question de droite, ni une question de gauche, c'est une question de service public ! (Applaudissements à droite)

Le gouvernement a abordé le sujet sans idéologie. Il ne s'agit pas de prendre une revanche sur le passé, non plus que d'assurer la victoire de tel ou tel. Laissons ces querelles qui n'intéressent pas les Français. Notre seul objectif est d'améliorer la situation dans les services de transport. Ce texte ne vise nullement à remettre en cause le droit de grève, consacré par notre Constitution. Il s'agit de trouver un point d'équilibre entre ce droit et les autres droits tout aussi légitimes que sont la continuité d'accès aux services publics, la liberté d'aller et de venir, la liberté du commerce et de l'industrie et la liberté du travail. (On se gausse à gauche) En fait, le service minimum constitue un instrument de justice sociale. Il profitera d'abord aux Français et à leurs enfants qui n'ont pas d'autre choix que les transports en commun pour aller au travail ou se rendre au collège et au lycée.

Dans notre débat politique, la question a été régulièrement abordée : pas moins de quinze propositions de loi la concernant ont été déposées au Parlement ces vingt dernières années et de nombreux parlementaires s'y sont consacrés, dont MM. Huriet et Haenel au Sénat.

Je salue la constitution d'une commission spéciale pour examiner ce texte, avec M. Revet pour président et Mme Procaccia pour rapporteur. Ce travail collectif d'une grande qualité, auquel ont participé les membres de quatre commissions permanentes et de toutes les sensibilités politiques, permettra d'enrichir le texte proposé par le gouvernement.

Ce texte répond aux attentes quotidiennes des Français, qu'ils habitent Marseille, Beauvais ou Clermont-Ferrand. Car la question du service minimum ne se réduit pas à l'Île-de-France ou à la SNCF. L'alarme sociale, je la veux pour tous et partout !

M. Christian Cambon. - Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Pour que les choses changent rapidement dans le quotidien des Français, nous nous sommes concentrés sur les seuls transports terrestres, au grand dam de certains...

M. Philippe Nogrix. - En effet !

M. Xavier Bertrand, ministre. - ...qui voulaient étendre le service minimum à d'autres secteurs.

Guidé par l'ambition d'améliorer la continuité du service public, nous nous sommes appuyés sur les expériences menées dans notre pays et les travaux consacrés au sujet : l'accord d'alarme sociale conclu dès 1996 à la RATP qui a réduit de plus de 90 % le nombre des jours de grève en dix ans, les efforts de la SNCF (Mme Borvo Cohen-Seat ricane), le rapport Mandelkern de 2004 qui a précisé le futur cadre juridique du service minimum et, enfin, les démarches conduites par M. Perben en 2006 pour améliorer la prévisibilité.

En renforçant le dialogue social, les grèves pourront être en grande partie évitées. Si grève il y a, le texte fixe le cadre pour garantir un service réduit et prévisible, qui s'appliquera également en cas de fortes perturbations comme un plan travaux ou des intempéries.

Notre méthode est celle du dialogue et de la concertation : le Président de la République a reçu les partenaires sociaux le 25 mai, avec le Premier ministre, et j'ai moi-même pris le relai, en recevant notamment les acteurs pendant onze heures le 21 juin ! Ce dialogue nous a permis de mieux cerner les enjeux pratiques de la réforme.

La grève n'est pas une fatalité. C'est pourquoi le premier volet porte sur la prévention des conflits. Nous nous sommes inspirés de l'expérience des accords d'alarme sociale en leur donnant une base légale sur tout le territoire. Dans tous les services publics de transport terrestre, la négociation doit précéder l'action, et non plus l'inverse. Or, une véritable négociation a besoin de temps. Au-delà des cinq jours de préavis, qui restent le délai légal, il nous faut un temps supplémentaire, de huit jours maximum. Le projet de loi dispose que chaque entreprise doit parvenir, avant le 1er janvier prochain, à un accord de méthode prévoyant une négociation préalable à organiser avant le dépôt de tout préavis. Cet accord peut aussi intervenir au niveau de la branche -nous y reviendrons lors des amendements.

Le dialogue social doit être le principe d'action au sein de l'entreprise. En retour de ce temps supplémentaire, nous posons une obligation de résultat : faute d'accord au 1er janvier 2008, un décret en Conseil d'État réglera la situation des entreprises où la négociation collective aura échoué. Il n'est pas question de dire : « Nous avons essayé, nos efforts n'ont pas abouti, tant pis pour vous »... Non, les Français ne nous ont pas élus pour essayer ; ils nous ont élus poux réussir ! (Applaudissements sur les bancs UMP). Nous avons une obligation de résultat.

Dans un deuxième temps, le projet trace les grandes lignes de ce que devra être l'organisation du service en cas de grève ou de forte perturbation. Là encore, nous fixons l'objectif à atteindre, sans toutefois retenir une définition uniforme du service minimum. Il est en effet préférable de faire du sur-mesure : la réalité en Île-de-France n'est pas la même que dans une région à dominante rurale. Ce sera donc aux collectivités territoriales, autorités organisatrices de transport, qu'il reviendra de fixer les priorités de desserte, en fonction des déplacements quotidiens de la population, en définissant les besoins essentiels : lignes desservant les hôpitaux, permettant d'aller au travail, (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame), trajets scolaires, liaisons entre les principaux centres urbains, qui doivent être assurés au moins le matin et le soir, comme l'a obtenu le Conseil Régional d'Alsace dans le cadre de sa convention TER. Ce service « sur-mesure » sera assuré dans le cadre d'un plan de transport propre à chaque entreprise, mis au point dans la concertation et la transparence.

Afin que les entreprises puissent savoir précisément qui sera présent le jour de la grève, les salariés devront l'informer au plus tard quarante-huit heures avant le début de la grève, de leur intention ou non de se joindre au mouvement. Cette déclaration préalable d'intention, capitale dans l'équilibre du projet de loi, n'a évidemment rien d'idéologique ; nous en avons besoin pour pouvoir réaffecter les agents non grévistes sur les lignes prioritaires, dans le cadre d'un accord collectif de prévisibilité, en gardant à l'esprit l'exigence de sécurité. Ma logique est purement pratique, liée à l'organisation du service. Il y a des marges de progression importantes dans certaines entreprises pour améliorer le service les jours de grève : je préfère voir les rames à double étage circuler que rester au garage ! (« Très bien ! » et applaudissements à droite).

Si l'on veut organiser le service, informer les usagers vingt-quatre heures à l'avance de l'état du trafic, comprenez que nous avons besoin, quarante-huit heures avant le début du conflit, de savoir qui va travailler !

M. Dominique Braye. - Très bien !

Mme Nicole Bricq. - Mais bien sûr !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Je veux être exigeant, pour les usagers et comme les usagers. L'enjeu n'est pas seulement de savoir s'il y aura un train sur deux ou sur trois : je veux savoir précisément si le train de 6 h 44 partira ; je veux savoir que l'on peut partir mais aussi revenir; je veux savoir si le car de ramassage scolaire roulera ! (Applaudissements sur les bancs UMP, protestations à gauche).

M. Christian Cambon. - Excellent !

M. Alain Gournac. - Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Je ne veux plus que l'on attende sur un quai un train qui ne viendra peut-être jamais.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous ne prenez jamais le métro !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Seuls sont concernés les salariés dont la présence détermine directement l'offre de service, et toute entreprise qui utiliserait les informations contenues dans ces déclarations préalables à d'autres fins que l'organisation du service, ou pour faire pression sur les salariés, sera sanctionnée. (Mme Borvo Cohen-Seat s'esclaffe).

Dans le même esprit d'équilibre, une consultation indicative sera organisée au bout de huit jours de grève sur la poursuite du mouvement, à la demande des syndicats, de l'entreprise ou d'un médiateur, comme le propose votre commission.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous savez ce que c'est, de faire grève ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - Pour s'exercer en toute transparence, cette consultation doit avoir lieu à bulletins secrets ; et si elle intervient au bout de huit jours, c'est parce que je distingue la grève qui crée de la perturbation de la paralysie qui peut s'ensuivre. Là, au moins, nous connaîtrons l'état d'esprit des salariés.

Enfin, le projet de loi rappelle le principe du non-paiement des jours de grève. (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame). J'ai entendu certaines critiques s'élever à ce propos, au motif que cette règle serait déjà appliquée...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Qui a déjà fait grève ici ? C'est une honte ! (On renchérit à gauche).

M. Xavier Bertrand, ministre. - Si tel est le cas, pourquoi ne pas le préciser dans la loi ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Démagogie, populisme ! Laisser croire que les grévistes sont payés ! C'est une honte !

M. Guy Fischer. - Allez en parler aux grévistes !

M. Xavier Bertrand, ministre. - On ne travaille pas si l'on fait grève ; on n'est donc pas payé si l'on ne travaille pas. (Applaudissements à droite).

L'instauration d'un médiateur correspond à une demande des organisations syndicales : je suis ouvert à la concertation, et je le serai aux amendements des parlementaires, dont bon nombre ont reçu le soutien du gouvernement. (Mme Borvo Cohen-Seat ironise).

Le troisième volet de ce texte définit les droits des usagers en cas de grève, et crée un véritable droit à l'information : l'entreprise sera tenue de faire connaître le service assuré vingt-quatre heures avant la grève, par l'ensemble des moyens à sa disposition : affichage, internet, serveur vocal, SMS, courrier électronique. A défaut, la moindre des choses serait de rembourser les titres de transport, ou de prolonger les abonnements. (Applaudissements à droite).

Ces préoccupations sont importantes pour les usagers comme pour les agents. Je me réjouis à ce propos que la SNCF mette en oeuvre un plan « Qualité de service dans les trains de la vie quotidienne », notamment les TER, qui doivent constituer une priorité.

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Il y a aussi la nécessaire modernisation des voies et des rames, et je connais l'engagement de M. Bussereau sur ces questions.

Ma conviction profonde, c'est que la France de 2007 n'est pas une société bloquée. On nous avait dit que le service minimum était un serpent de mer, un sujet tabou... (Mme Borvo Cohen-Seat se gausse). Je crois qu'il n'y a plus de sujets tabous ! (« Très bien ! » et applaudissements à droite, tandis que Mme Borvo Cohen-Seat s'esclaffe). Oui, le dialogue est possible, des points de convergence sont apparus. Je suis persuadé que nous pourrons débattre sereinement, sans passion polémique.

M. Jean Desessard. - On verra !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Il y a une véritable attente, une véritable exigence nos concitoyens. Nous devons y répondre par une volonté : tenir nos engagements ; une méthode : le dialogue ; un résultat : mettre en place un service minimum de qualité. Ce projet est un texte ambitieux, pragmatique. C'est un texte au service des Français. (« Bravo ! » et applaudissements à droite et au centre)

Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale. - Ce texte était depuis longtemps attendu. Enfin, nous allons changer quelque chose à l'organisation du service public des transports, et surtout à la vie quotidienne de nos concitoyens, trop souvent victimes de difficultés dans leurs déplacements. Depuis des années, nous évoquons le service minimum, mais nous remettons toujours à plus tard, pour de bonnes mais aussi pour de mauvaises raisons, dont la plus souvent évoquée est l'inconstitutionnalité. N'existe-t-il pas, pourtant, un service minimum dans l'audiovisuel ? Est-il donc plus indispensable de regarder les informations télévisées sur les chaînes publiques que de prendre le train ou le bus pour satisfaire à ses obligations ? (Applaudissements à droite) J'avoue avoir du mal à comprendre cette échelle de valeurs. Au reste, les études récentes ont démontré la faisabilité constitutionnelle du projet.

Certes, le texte n'institue pas un service minimum au sens strict, mais les nombreuses auditions menées par la commission spéciale m'ont convaincue que seule une approche pragmatique pouvait conduire au succès.

Ce texte poursuit deux objectifs, d'égale importance : prévenir efficacement les conflits dans les transports terrestres et ferroviaires par le dialogue social ; garantir, en cas de grève, un service réduit, mais connu par avance de la population et répondant, monsieur le ministre l'a rappelé, à ses besoins prioritaires.

La vingtaine d'auditions que nous avons menées nous en a persuadés : ce texte répond aux attentes de nos concitoyens, qui dans leur large majorité -un sondage récent le confirme- souhaitent voir instaurer une forme de service minimum. Il répond aussi aux attentes des collectivités locales organisatrices de transport, qui doivent faire face aux exigences toujours plus grandes des usagers. Il répond à celles des employeurs du secteur, qui, soumis à une forte pression, doivent disposer des moyens nécessaires au maintien d'un service de qualité. Il répond à celles des salariés des entreprises de transport, dont les conditions de travail particulières exigent qu'ils puissent bénéficier, dans leur entreprise, d'un haut niveau de dialogue social. Il répond enfin aux attentes de l'ensemble des acteurs économiques de notre pays dont l'activité est fragilisée, directement ou indirectement, par les grèves. Au point que le transport est devenu facteur de discrimination, puisque certaines entreprises reculent à embaucher des personnes qui habitent sur des lignes où les incidents sont fréquents. (MM. Nogrix et Vallet le confirment)

Ces attentes demandant néanmoins à être conciliées, le texte tente de trouver un équilibre entre plusieurs principes constitutionnels : liberté du commerce et de l'industrie, liberté d'aller et de venir, liberté du travail, accès aux services publics et, naturellement, droit de grève. Il s'agit aussi de respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales, auquel nous sommes tous ici attachés, et d'assurer la continuité du service public, essentielle pour les déplacements quotidiens du domicile à l'école, au travail, ou l'accès aux hôpitaux et aux autres services publics.

Pour bien des raisons, au nombre desquelles le souci de préserver l'environnement, les collectivités locales ont favorisé, ces dernières années, le développement des transports collectifs. Il est dès lors impératif qu'en contrepartie, ces services atteignent un très haut niveau de qualité -sécurité, fiabilité, régularité, ponctualité.

Ce texte nécessaire repose sur l'idée, que je défends avec conviction, qu'en renforçant le dialogue social dans les entreprises de transport, les grèves pourront -j'allais dire devront- être, pour une large part, évitées. Comme le dit Mandelkern dans son rapport, « La bonne grève est celle qui n'a pas lieu parce que le dialogue l'a prévenue. »

Si, malgré tout, la grève intervenait, le texte fixe le cadre dans lequel doit être organisé un service de transport, réduit mais prévisible. Je préfère ce terme à celui de service minimum, dont il m'est apparu qu'il ne correspondait pas à la même réalité en région parisienne, dans les grandes villes ou en interurbain rural.

Reste qu'un grand nombre de nos partenaires européens ont déjà mis en place un service minimum : presque la moitié des États membres de l'Union européenne pour les services essentiels -Italie, Portugal, Espagne, Grèce- et pour l'autre moitié, soit un dialogue social efficace, comme en Allemagne et dans les pays du Nord, permet d'éviter le conflit, soit le droit de grève est très strictement encadré, comme c'est le cas au Royaume-Uni.

La singularité française tient à la combinaison de trois facteurs : un droit de grève large, une continuité du service public très partiellement garantie et un dialogue social limité. Les usagers en payent le prix.

C'est pourquoi notre commission spéciale a voulu aller plus loin que le gouvernement, pour placer leurs intérêts au centre du dispositif.

M. Nicolas About. - Très bien.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Je remercie mes collègues, toutes tendances confondues, originaires de quatre commissions, pour les échanges constructifs que nous avons eus. La complémentarité des compétences m'a été d'une aide précieuse sur un texte court, mais pas forcément facile.

Le gouvernement a choisi de limiter son champ d'application au secteur des transports terrestres réguliers de personnes, la priorité étant bien de répondre aux attentes quotidiennes des usagers. Il est vrai que certains sont parfois contraints d'utiliser, au quotidien, d'autres modes de transport pour aller travailler : ceux qui ont un bras de mer à traverser ou un avion à prendre plusieurs fois par semaine. Mais nous sommes plusieurs à considérer que ce texte n'est qu'un premier pas. S'il fait la preuve de son efficacité, son principe pourra être étendu, à brève échéance, à d'autres modes de transport, y compris au fret, qui est l'une des clefs de l'activité des entreprises et de leurs salariés. Il pourra aussi, dans un second temps, être transposé à d'autres services publics.

Le premier volet du texte vise à renforcer le dialogue social et à généraliser les pratiques d'alarme sociale en vigueur à la RATP et à la SNCF, qui ont permis de réduire significativement le nombre de jours de grève. Il encadre avec plus de rigueur le dépôt des préavis de grève. Notre commission, qui approuve ces dispositions, a souhaité préciser que la négociation préalable au dépôt d'un préavis de grève doit se tenir, non avec toutes les organisations syndicales, mais avec celles-là seules qui envisagent de déposer ce préavis, comme cela est actuellement la pratique. Il lui a également paru indispensable d'inciter les partenaires sociaux à conclure un accord de branche -seul susceptible de couvrir l'ensemble des entreprises du secteur, notamment les petites entreprises- dont nous souhaitons qu'il soit conclu avant le 1er janvier 2008. Pour les mêmes raisons, elle pense utile d'encourager la RATP et la SNCF à conclure rapidement un accord cadre conforme aux principes de ce texte et vous propose de leur enjoindre de le faire avant le 1er janvier 2009.

Le deuxième volet du projet concerne l'organisation de la continuité du service public de transport. Le texte prévoit que l'autorité organisatrice de transport (AOT) devra définir des priorités de desserte sur le fondement desquels l'entreprise devra élaborer un plan de transport adapté ainsi qu'un plan d'information des usagers. Il assure un équilibre entre, d'une part, la continuité du service public et la nécessité d'informer les usagers, d'autre part, les contraintes qui peuvent peser sur l'organisation de l'entreprise, tout en assurant le respect du droit de grève. Nous approuvons pleinement cette approche mais il nous a semblé utile de mieux garantir les droits des usagers. Nous proposons donc une nouvelle rédaction de l'article 4, qui recentre le dispositif sur les perturbations prévisibles du trafic. Le législateur se doit d'apporter une réponse à l'ensemble des perturbations prévisibles, y compris les incidents techniques ou les aléas climatiques ayant fait l'objet d'une alerte météorologique.

Nous proposons également de simplifier la notion de dessertes prioritaires et de la compléter en prévoyant que l'autorité organisatrice pourra déterminer des niveaux de service proportionnés à l'importance de la perturbation rencontrée, comme c'est déjà le cas en Alsace.

Nous proposons enfin de prévoir que les transports scolaires fassent partie des droits et libertés auxquels il convient de ne pas porter une atteinte disproportionnée. J'estime sur ce point nécessaire d'aller plus loin dans la définition du service minimal, en prévoyant que, les jours d'examens nationaux -le brevet et le baccalauréat, soit 20 à 25 journées par an-, le service doit être garanti. Il m'a semblé que cette atteinte au droit de grève, limitée et proportionnée aux exigences de l'intérêt général, est conforme à la Constitution.

Autre modification importante : nous souhaitons que le préfet soit informé de l'avancement du processus de définition des dessertes prioritaires et des niveaux de service et qu'il puisse se substituer rapidement à l'autorité organisatrice en cas de carence, pour arrêter les priorités de desserte et approuver les plans proposés par l'entreprise.

Sur l'article 5, qui doit permettre de limiter l'impact des perturbations pour les usagers, en mettant en place un accord de prévisibilité dans l'entreprise pour lui permettre de se réorganiser selon l'importance de la grève et d'informer les usagers 24 heures à l'avance, nous ne proposerons que des amendements de clarification rédactionnelle. En effet, après avoir longuement réfléchi sur l'opportunité d'instituer un délai 48 heures que devront respecter les salariés qui veulent participer au mouvement collectif, nous avons estimé que celui-ci permettra seul aux grandes entreprises de transport d'organiser le service et l'information sur le trafic 24 heures à l'avance et de prévoir les réaffectations du personnel non gréviste.

L'article 7, qui affirme un droit de l'usager à l'information précise et fiable sur le service assuré, 24 heures au plus tard avant le début de la perturbation prévisible du trafic, répond à une véritable attente des usagers. Nous avons voulu que l'autorité organisatrice soit elle aussi informée par l'entreprise de transport en cas de perturbation ou de risque de perturbation.

Enfin, nous estimons nécessaire de réécrire l'article 8 relatif à l'indemnisation des usagers, afin d'en organiser les modalités, sans passer par un décret en Conseil d'État.

Cette indemnisation sera donc obligatoire en cas d'inexécution par l'entreprise de ses obligations, sauf bien sûr en cas de force majeure, et ses modalités pratiques seront arrêtées dans le cadre d'une convention passée entre l'AOT et l'entreprise de transport pour tenir compte, en particulier, des différentes catégories d'usagers et des tarifs qui leur sont applicables. En outre, il est explicitement prévu que les pénalités financières perçues par les Autorités organisatrices pourront contribuer au financement de cette indemnisation.

Le texte prévoit, qu'au-delà de huit jours de grève, l'entreprise pourra organiser une consultation des salariés sur la poursuite du mouvement, consultation qui sera sans incidence sur le droit de chaque salarié à poursuivre la grève, puisque le droit de grève est un droit individuel. Nous proposons que les parties pourront d'un commun accord désigner un médiateur.qui aura pour mission de rechercher une solution amiable au conflit et pourra aussi décider d'organiser la consultation prévue, comme le chef d'entreprise ou un des syndicats représentatifs.

Le dernier article rappelle le principe selon lequel les périodes de grève ne sont pas rémunérées. Nous proposons de le compléter afin d'exclure expressément la pratique qui consiste à prévoir le paiement de tout ou partie des jours de grève dans un accord de fin de conflit. Cela lèvera toute ambiguïté dans l'esprit des usagers, qui eux perdent parfois une journée de travail et ce involontairement, et les syndicats qui cherchent la transparence ne peuvent s'offusquer de cette clarification.

Enfin, il nous a semblé indispensable de prévoir une évaluation de l'application de la loi, dès l'année prochaine. Ce bilan sera prospectif puisque l'efficacité des dispositions votées permettra au Gouvernement et au législateur de décider ou non de l'extension du double principe dialogue social-service réduit à d'autres services publics.

Après avoir entendu grand nombre des parties prenantes à l'organisation du service public des transports, il nous semble que l'économie générale de ce projet de loi est acceptable, dès lors que nous y apportons les modifications que je vous propose. Nous faisons, cet été 2007, un vrai premier pas que j'espère être de géant, (M.Desessard se gausse) dans l'intérêt de tous : usagers, entreprises et salariés des transports. Mais, comme pour tout texte législatif, seule sa correcte application permettra de vraiment changer la vie de nos concitoyens. J'en veux pour preuve la pratique courante des grèves dites « émotionnelles » ou des piquets de grève qui paralysent les transports publics alors que ce type de manifestation est illégal. Ce que nous allons voter doit être intégralement mis en oeuvre pour que les attentes de nos concitoyens soient réellement satisfaites. C'est une question de volonté politique. Nos concitoyens nous le demandent. Nous ne pouvons les décevoir ni surtout contribuer à entretenir l'idée d'une certaine forme d'impuissance publique. Je vous demande, donc, messieurs les ministres, qu'il soit rappelé aux préfets, tant dans les départements que dans les régions, que la loi de la République s'applique partout et à tous. (« Très bien ! » à droite)

Je vous remercie de m'avoir fait le grand honneur de porter ce texte emblématique. (Applaudissements à droite et au centre).

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - (Applaudissements à droite) Ce texte est avant tout la mise en oeuvre d'une promesse, d'ailleurs encore rappelée par le Président de la République dans un discours au Havre le 29 mai : « La pensée unique disait que le service minimum dans les transports c'était impossible. Il y aura un service minimum dans les transports. Je l'ai promis aux Français. Je le ferai. »

Cette volonté politique s'exprime dans ce projet de loi, l'un des quatre premiers textes de cette nouvelle législature. Il revêt de ce fait une importance particulière et, à en croire les sondages, il répond à une large attente de nos concitoyens.

Il y a donc une volonté certaine de changer les choses et je m'en félicite. Ce texte a pour premier mérite celui d'exister, car combien d'initiatives prises au cours des dernières années sont restées sans lendemain, combien de propositions de loi, de rapports, d'études ? Mais, à chaque fois, plutôt que de confier la question au législateur, comme il se doit, on a préféré s'en remettre aux partenaires sociaux... mais pour quel succès ?

Il est donc temps que le législateur exerce ses responsabilités, comme l'y invite d'ailleurs le préambule de la Constitution de 1946 qui proclame que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Il nous revient d'écrire ces lois, sachant que l'encadrement que nous pourrions apporter au droit de grève sera élaboré sous le regard vigilant du Conseil constitutionnel. Et, dans son contrôle, celui-ci doit notamment veiller à la conciliation entre le droit de grève et d'autres principes de même valeur, comme la continuité du service public, la liberté du travail ou la liberté d'aller et venir.

Ce texte ne saurait encourir le reproche d'inconstitutionnalité, comme l'a démontré Mme le Rapporteur, mais, si on devait décider, au cours des prochains mois, d'aller plus loin dans la voie d'un véritable service minimum, peut-être faudrait-il au préalable modifier notre Constitution ? (Rires sur les bancs socialistes où l'on rappelle que Jack Lang s'en occupe). Au moment où une réflexion sur nos institutions s'engage à l'initiative du Président de la République avec mise en place d'un Comité ad hoc qui conclura vraisemblablement à la nécessité d'une révision constitutionnelle, il paraît indispensable que le Parlement s'investisse lui-même dans cette réflexion et suggère les modifications qui lui paraîtront justifiées et, parmi celles-ci devront figurer des adaptations des droits constitutionnels car aujourd'hui, faute de précisions, ils ne font que se neutraliser. Ainsi, pour répondre à l'attente de nos concitoyens et aux engagements du chef de l'Etat, il nous faut inscrire dans la Constitution le droit aux services essentiels et son corollaire : pour être effectif, ce droit nécessite l'organisation d'un service minimum. Ce que je propose là n'est pas particulièrement innovant c'est la solution retenue par certains de nos voisins européens.

Je me suis longuement interrogé sur l'intérêt que ce projet de loi franchisse dès à présent l'étape du service minimum, je constate néanmoins qu'il comporte plusieurs points essentiels. D'abord, l'obligation de déclarer son intention de faire grève quarante-huit heures avant le début de celle-ci. Il ne s'agit absolument pas de limiter le droit de grève (M. Fischer le conteste) mais bien de formaliser des pratiques déjà existantes, indispensables pour assurer aux usagers un service qui ne soit pas seulement le minimum du minimum. De même, j'approuve la consultation des salariés à bulletin secret au-delà de huit jours de grève. L'article 6 indique de façon explicite qu'elle n'aura qu'un caractère consultatif et ne fera en aucun cas obstacle à l'exercice du droit de grève qui est un droit individuel dans notre pays. Pourquoi, dès lors, se priver d'un moyen qui peut mettre un terme à un conflit ?

Enfin, j'insiste sur la priorité absolue de l'information des usagers, exigence très forte de nos concitoyens qui n'admettent plus d'être bloqués sur un quai, sous un abribus ou dans un train, sans qu'aucune explication ne leur soit fournie ou, surtout, sans qu'aucune solution de rechange ne leur soit proposée.

Notre commission spéciale a choisi d'étendre le texte à l'ensemble des perturbations prévisibles de trafic et non seulement aux situations de grève qui sont loin d'être la seule cause de perturbation du trafic. (« Ah ! » à gauche). Dans le cadre de la commission des affaires économiques, j'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises déjà, avec mes collègues co-rapporteurs et en particulier Georges Gruillot, de déplorer l'absence de perspectives de financement des infrastructures de transport dans notre pays, ce qui apparaît clairement, notamment au travers de la situation de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF). Comme l'indiquait le dernier avis de cette commission, « dans le cadre actuel, le financement de l'AFITF n'est pas assuré au-delà de 2008 ».

Mme Nicole Bricq. - Eh oui !

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. J'ai déjà souligné le retard important, pris dans la remise à niveau du réseau ferré.

Mme Nicole Bricq. - Eh oui !

M. Charles Revet, président de la commission spéciale - Nous sommes en pointe et je m'en réjouis pour le T G V. Nous étions tous fiers lorsqu'a été établi le dernier record mondial mais le réseau secondaire inter-cités, à plus forte raison le réseau local avec développement du tram-train, est très souvent vieillissant, voire obsolète.

Mme Nicole Bricq. - Eh oui !

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - Il en va souvent de même des matériels et bien sûr cela crée des retards. Là aussi il faut une information régulière des usagers. Rester une demi-heure voire plus en arrêt en pleine voie ...

M. Jean Desessard. - Une nuit entière !

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - ...et ne s'entendre dire seulement qu'il ne faut pas descendre du train, c'est insuffisant. Je sais la volonté de Mme la Présidente de la SNCF de remédier à cette situation et il nous faut l'aider dans sa démarche volontariste de remise en ordre de notre transport ferroviaire.

Le président de la République et le nouveau Gouvernement se sont engagés à tenir un discours de vérité aux Français. Je salue cet engagement courageux. Le Sénat attend donc que le Gouvernement nous indique comment nous allons financer nos infrastructures de transport dans dix-huit mois car la qualité et la continuité du service public de transport passent aussi par un véritable engagement de l'Etat en faveur des transports collectifs.

En conclusion, j'insisterai sur le bilan que notre commission souhaite voir effectué d' ici un an.

Si celui-ci est bon, tant mieux ! Cela montrera que, grâce au cadre posé par le législateur et à la mobilisation des parties prenantes, le souci de mieux servir les usagers aura enfin été pris en compte.

Mais, si ce n'est pas le bilan attendu, la représentation nationale devra décider de rendre effectif le service minimum qu'attendent les usagers, un service élevé aux heures de pointe, un nombre minimum de dessertes quotidiennes et des transports de substitution.

Nous vous soutenons donc, monsieur le Ministre, mais en assortissant ce soutien d'une obligation de résultat, obligation de résultat pour les entreprises comme pour les salariés du secteur des transports. Nos concitoyens nous l'ont demandé. Nous serons les garants vigilants de leurs attentes. (Applaudissements à droite et au centre)

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

M. Philippe Arnaud. - Enfin ! La question de la continuité des services publics revient devant notre assemblée : depuis longtemps, nous l'attendions. Étant l'auteur de deux propositions de loi sur le sujet, je me sens particulièrement concerné, même si j'avais proposé de mettre en place un dispositif garantissant la continuité de tous les services publics, et pas seulement des services de transport.

Ce projet de loi nous est présenté comme la traduction d'une promesse de campagne du Président de la République, lequel s'était engagé à ce que « dès l'été, une loi crée un service minimum garanti en cas de grève dans les services publics ». Or ce texte est a minima par rapport à cette annonce.

Son prédécesseur, Jacques Chirac, s'était engagé à faire de même, le 4 décembre 1998, à la suite d'importants mouvements de grève. La proposition de loi que j'avais déposée le 11 juin 1998, bien avant l'intervention du Président de la République, et dont M. Huriet était le rapporteur, a été adoptée par le Sénat le 11 février 1999 mais n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, malgré les promesses du Président de la République. J'ai donc déposé une autre proposition de loi sur ce sujet en décembre 2003, mais en vain.

M. Jean-Pierre Raffarin. - Il fallait les étudier à fond !

M. Philippe Arnaud. - C'est pourquoi j'aborde nos débats avec un peu de circonspection. Ne feignons pas de découvrir ce problème, finissons de le résoudre.

L'adéquation du principe de continuité des services publics avec le droit de grève pose effectivement un vrai problème dans notre pays. Aborder cette question ne revient en aucun cas à remettre en cause le droit de grève. Bien au contraire.

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - Tout à fait !

M. Philippe Arnaud. - On ne peut traiter sérieusement de cette question sans réaffirmer solennellement la constitutionnalité de ce droit mais il doit être concilié avec les autres principes, comme la continuité du service public, le droit au travail, la liberté du commerce et de l'industrie ou encore la liberté d'aller et venir.

Il nous faut donc rappeler à quoi doit servir le droit de grève et examiner les conséquences de l'exercice de ce droit dans les services publics. Dans ces deux domaines, ce texte va dans le bon sens tout en manquant un peu d'ambition.

La grève dans le secteur public constitue un échec du dialogue social. Dans notre pays où le conflit est au coeur de la relation sociale, la grève, considérée comme le moyen ordinaire de gestion des conflits sociaux, s'est banalisée.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré l'urgence sur ce texte. Si, en tant que parlementaire, je n'approuve pas cette procédure, je reconnais en revanche qu'il y a urgence à ce que les usagers des services publics de transports, qu'il s'agisse de particuliers ou d'entreprises, cessent d'être constamment pris en otages par une petite minorité, sans motifs sérieux ou compréhensibles puisque, la plupart du temps, la grève, ne peut pas être justifiée par l'échec d'une négociation qui n'a pas eu lieu.

Injustifiée, injustifiable, la grève est devenue insupportable au citoyen qui en supporte les conséquences en tant qu'usager et le coût économique en tant que contribuable. L'incompréhension et l'exaspération de nos concitoyens sont accentuées car ils se sentent victimes de conflits catégoriels menés par des agents salariés qui bénéficient de garanties statutaires. Ils sont victimes de « privilégiés ».

M. Guy Fischer. - Et voila !

M. Philippe Arnaud. - C'est cela qui menace le droit de grève, et non la précision de son cadre juridique.

La conception française de la grève est absurde. La grève ne doit pas être le mode ordinaire de gestion des conflits mais l'arme ultime à utiliser après l'échec de toutes les procédures de négociation. Le cadre juridique actuellement en vigueur ne permet pas de faire suffisamment respecter le principe de continuité, ce qui est d'autant plus regrettable que, paradoxalement, les journées de grève sont, pour la plupart, le fait des personnels des transports, où le principe de continuité devrait être le mieux respecté. Les grèves surprises et les grèves tournantes sont certes interdites mais le préavis de cinq jours francs imposé par la loi du 31 juillet 1963 est régulièrement détourné. Ce préavis n'est considéré que comme une période imposée par la loi pendant laquelle chacun reste sur ses gardes dans l'attente de « l'épreuve de vérité » que constituera la grève.

Cette incompréhension du rôle du préavis a persisté, même après que les lois Auroux eurent clairement affirmé l'obligation pour les parties de négocier pendant la durée du préavis.

Autre détournement : certains syndicats adoptent parfois la tactique du « préavis glissant », consistant à déposer quotidiennement des préavis successifs afin de pouvoir déclencher des grèves inopinées. C'est un moyen bien commode de passer outre l'interdiction des grèves surprises.

M. Guy Fischer. - C'est exceptionnel !

M. Philippe Arnaud. - Je me réjouis donc que ce texte interdise ces pratiques tout en misant sur l'amélioration du dialogue social.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ne nous gênons pas !

M. Philippe Arnaud. - Il s'inscrit dans la lignée des avancées conventionnelles récemment réalisées dans des entreprises telles que la SNCF ou la RATP instituant des dispositifs « d'alarme sociale » qui constituent des progrès sensibles. Il impose aux partenaires sociaux de définir un accord-cadre relatif à la prévention des conflits avant le 1er janvier 2008 afin de généraliser les dispositifs « d'alarme sociale ». Pour y parvenir, le législateur entend responsabiliser les partenaires sociaux.

Concernant les conséquences de la grève, ce projet apporte également des réponses positives, même s'il manque d'ambition. Ce volet reprend les préconisations du groupe d'experts sur la continuité du service public en vertu desquelles les usagers doivent être mieux à même de pouvoir prévoir les conséquences de la grève. Le groupe demandait également que les autorités organisatrices de transports définissent les priorités de desserte en cas de grève, ce qui est prévu à l'article 4. Mais ce texte va au-delà, car il a pris en compte nos remarques faites en 2004. La commission des affaires économiques avait en effet estimé que la continuité des services publics ne pouvait être améliorée sans prise en compte de la prévisibilité du service les jours de grève, ce que permettra l'article 5.

Fort bien, mais le projet de loi ne crée pas de service minimum dans les transports. Par le biais des plans de transports que seront tenus d'élaborer les entreprises, ce texte créera peut-être les conditions de la mise en place d'un service minimum, mais il ne l'institue pas directement. En fait, le service minimum n'est pas l'objet de ce projet de loi où le terme n'est d'ailleurs jamais employé. Ce texte qui ne concrétise pas totalement l'engagement du président propose donc des avancées significatives mais en ne s'appliquant qu'au secteur des transports terrestres et en n'imposant aucune obligation précise de service minimum. Il faut le prendre pour ce qu'il est : un texte cadre qui permettra de relancer le dialogue social et d'éviter l'usage abusif du droit de grève. Espérons que le renouveau du dialogue social permettra l'émergence d'un service minimum conventionnel.

C'est défendre nos services publics que de les mettre à l'abri de l'incompréhension de nos concitoyens, quand 71 % d'entre eux souhaitent un minimum de service en cas de grève ! Nous leur devons ce minimum de respect et de considération ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Alain Gournac. - (Applaudissements à droite, exclamations à gauche)

M. Gérard Le Cam. - Attachez vos ceintures !

M. Alain Gournac. - Elle n'est pas obligatoire dans les trains ! (Sourires) Enfin une loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans le domaine des transports ! Enfin un texte qui, par son équilibre, va garantir la continuité du service public sans porter atteinte au droit de grève ! (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer. - Ce n'est pas vrai !

M. Alain Gournac. - Enfin, le gouvernement passe à l'action après que le temps de la réflexion et de la négociation a été largement respecté ! (Mêmes mouvements) Le rapport Mandelkern de 2004, témoigne que le sujet ne date pas d'aujourd'hui, et je me réjouis que le Sénat ait joué un rôle précurseur: dès février 1999, nous adoptions une proposition de loi visant à prévenir les conflits collectifs du travail et à garantir le principe de continuité dans les services publics. Nous y proposions un dispositif complet visant à prévenir les conflits collectifs et à assurer la continuité du service public.

Votre texte est adapté à la situation et à l'histoire des relations sociales de notre pays. Même si les grèves dans les services publics sont moins nombreuses qu'hier, elles sont de plus en plus mal ressenties par nos concitoyens. Je le lisais hier encore dans un grand journal : 71 % des Français sont favorables au service minimum ! (Vives exclamations à gauche).

M. Robert Bret. - Ils sont favorables à un service public de qualité !

M. Alain Gournac. - Ils sont des clients, et pas seulement des usagers, parce qu'ils paient leur place et sont en droit d'attendre un service !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Très bien !

M. Alain Gournac. - Ces clients, particuliers et entreprises, se sentent pris en otage à propos de revendications qu'ils ne comprennent pas, surtout quand les syndicats qui appellent à la grève, ne sont pas directement concernés par le conflit ! (Exclamations à gauche) La grève doit être l'ultime recours, quand toutes les autres voies ont été essayées et qu'elles ont échoué ! Hélas, dans notre pays, elle est trop souvent le moyen habituel de se faire entendre ! (Exclamations à gauche, marques d'approbation et applaudissements à droite)

M. Guy Fischer. - Ce n'est pas vrai !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - A vous écouter, les salariés font grève tous les jours dans les transports publics, par plaisir !

M. Alain Gournac. - L'immense majorité des Français se déclare favorable à l'instauration d'une garantie de service pendant la grève (Mêmes mouvements). Ca vous gêne, vous oubliez que les Français ont élu un président qui leur proposait le service minimum, c'est qu'ils le veulent !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est de l'illusionnisme !

M. Alain Gournac. - Contrairement à ce que certains veulent faire croire, ce texte ne restreint pas le droit de grève, qui reste un droit fondamental, garanti par la Constitution. Mais ce droit se conciliera désormais avec les principes constitutionnels de la liberté d'aller et venir, de l'accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement, de la liberté du travail, de la liberté du commerce et de l'industrie. Ce texte favorise le dialogue social au sein de l'entreprise, il assure l'organisation du service en cas de grève ou de perturbation prévisible du trafic. Il introduit des outils nouveaux : la signature, avant le 1er janvier 2008, d'un accord de prévention des conflits qui rend obligatoire l'enclenchement d'une négociation avant le dépôt de tout préavis de grève ; la possibilité de négociations par branche ; l'obligation pour les personnels de déclarer leur intention de suivre la grève quarante-huit heures, afin de permettre l'organisation du service ; le plan de transport local, pour tenir compte au mieux des besoins de nos concitoyens ; le vote à bulletin secret après huit jours de conflit pour savoir si le mouvement est suivi par une majorité de salariés ou non ! (Exclamations à gauche) Les usagers bénéficieront d'une information précise et fiable sur le service assuré et d'une indemnisation.

Accord de prévention des conflits, accord de prévisibilité, plan de transport adapté et plan d'information, voilà qui encouragera le dialogue social et qui améliorera la vie quotidienne des usagers en cas de perturbation. Parce qu'un service public, notamment dans les transports terrestres de voyageurs, est un service essentiel pour nos concitoyens, il est concevable que la grève y prenne un caractère particulier, sans préjudice pour les droits des salariés. Ce texte est équilibré, comme s'y est engagé le Président de la République : le groupe UMP lui apportera son entier soutien !

La nuit dernière, il a fallu douze heures aux TGV pour rejoindre la Bretagne à Paris (Vives exclamations à gauche)

M. Alain Gournac. - Un caténaire s'est brisé...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - La faute à la grève ?

M. Robert Bret. - Vous voulez que la loi interdise à la foudre de tomber ?

M. Alain Gournac. - Les clients n'ont pas du tout été informés, ce n'est pas normal ! Ils peuvent comprendre qu'un accident provoque un retard : encore faut-il qu'ils soient informés ! (Vifs applaudissements à droite et au centre)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. Gournac, directeur de la communication à la SNCF !

M. Aymeri de Montesquiou. - Le droit de grève est une expression pugnace de la liberté, il est inscrit dans la Constitution. Faire grève, c'est protester contre une absence de solidarité, considérer que les conditions de travail ou de salaire ne sont pas équitables. Il est normal pour les grévistes d'agir pour que ceux qui sont supposés être à l'origine de cette iniquité en subissent le contrecoup. Les responsables sont identifiés et les actions ciblées. Mais, dans le cadre des services publics et particulièrement dans les transports, ce droit de grève a souvent été dénaturé. Les usagers en subissent le préjudice, et beaucoup moins l'entreprise ; ils se retrouvent ainsi otages, acteurs involontaires de la fable « Le Loup et l'Agneau » que l'on pourrait paraphraser aussi : « Si ce n'est pas toi qui est la cause de ce conflit, c'est toi qui dois en subir les conséquences. » Les grévistes des transports publics expliquent toujours qu'ils regrettent les nuisances qu'ils font subir aux usagers. Ces derniers, ou bien soutiennent les grévistes, ou bien les vouent aux gémonies en considérant honteux d'être pénalisés alors qu'ils n'ont rien à voir avec le conflit social considéré. (M. Nogrix le confirme)

Ce texte veut concilier ces points de vue très différents, par la prévention des grèves d'abord, et en cas de grève inévitable, par l'organisation d'un service minimum de transport. S'y ajoute cet objectif fondamental, d'éviter de perdre des millions d'heures de travail pour notre économie et de préserver des secteurs déjà fragiles. Ce texte met en avant le dialogue : les grévistes pourront exposer les raisons objectives du mouvement social, l'entreprise s'organiser et les usagers prendre leurs dispositions. Les usagers ont-ils une alternative, dès lors qu'il y a un monopole ? La question se pose avec d'autant plus d'acuité dans les zones rurbaines, où il n'y a souvent pas de substitution possible. Prévenir la grève, ce n'est pas restreindre le droit de grève : les dispositifs de prévention ont pour objectif de résoudre les conflits par la discussion et le compromis avant d'avoir recours à la grève. En 1998, on en était arrivé à l'absurdité d'une grève préventive à la RATP au motif qu'il y aurait davantage de travail avec la Coupe du monde de football !

En Allemagne, en Autriche et ailleurs, le principe de prévention des grèves existe depuis longtemps, prescrivant la négociation préalable et un dialogue social permanent, en particulier sur les horaires de travail. La France, en comparaison, donne d'elle-même une image déplorable avec ses grèves imprévisibles ! Que les négociations interviennent toujours après et non avant, étonne à l'étranger...

Le service minimum est un compromis entre le droit de grève, la liberté du travail, du commerce et de l'industrie et le droit d'accès aux services publics. Pourquoi est-ce à l'Etat de fixer les règles d'organisation du droit de grève ? Parce qu'il ne peut laisser employés et employeur s'affronter aux dépens des usagers ; à cet égard, la création d'un poste de médiateur me paraît souhaitable afin d'éviter les ruptures de dialogue.

L'entreprise face à la grève pouvait jusqu'alors attendre et faire le dos rond ; aujourd'hui elle encourt des pénalités financières en cas de mauvaise gestion du conflit, elle est donc incitée à considérer les usagers comme des clients.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. - L'obligation des grévistes d'informer l'employeur deux jours avant le début du mouvement social et le vote à bulletin secret au bout de huit jours de grève sont deux points majeurs du projet ; ils prennent en prenant en compte la volonté des salariés. La déclaration de participation à une grève n'affecte pas la substance du droit de grève, la déclaration préalable deux jours auparavant assure la légitimité du mouvement. Ce délai est de dix jours en Italie ou en Espagne, un mois en Grande-Bretagne sous un gouvernement travailliste... Bref, on ne peut raisonnablement considérer qu'il y a là une « attaque sans précédent » du droit de grève. Cette déclaration de participation ne doit pas se faire individuellement mais sur une base commune, comme en Autriche, au Danemark ou en Allemagne. Dans ce pays, la grève n'a lieu qu'après l'Urabstimmung, le vote des adhérents aux syndicats et n'est déclenchée qu'à la majorité de 75 % des suffrages. La grève n'en est que plus légitime et n'est pas le fait d'une minorité d'activistes. Enfin, l'organisation de la grève est exclusivement gérée par la « direction de la grève » formée par le syndicat concerné.

L'autre disposition sensible est la consultation sur la poursuite de la grève au bout de huit jours. Le vote à bulletin secret garantit l'absence de toutes pressions et devrait rassurer les syndicats. Enfin, le non-paiement des jours de grève est une mesure d'équité vis-à-vis des non grévistes. Mon regret est que le texte ne s'applique pas aux transports aériens ou maritimes. Néanmoins, j'approuve ces mesures apaisantes et de bon sens. La majorité des sénateurs du RDSE votera ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Philippe Dominati. - Après des années de passion, de débats, de promesses, enfin le service minimum va être mis en oeuvre !

L'Ilede-France a un régime d'exception ; et depuis plus de cinquante ans, tous les gouvernements ont été animés par une obsession : la paix sociale dans les transports de la région, quels que soient le coût et l'efficacité de ces services pour l'usager. C'est le préfet de région, comme s'il n'était requis par d'autres tâches, qui avait la charge de présider le syndicat des transports parisiens, puis le STIF.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - On y revient !

M. Philippe Dominati. - Durant cette période, les Franciliens ont fait les frais des excès de la compétition entre SNCF et RATP, qui, par exemple, ne pouvant se mettre d'accord sur un projet, ont produit deux demi-réalisations, Eole et Météor. Quand la mairie de Paris a voulu réaliser un tramway, il a fallu attendre que les deux entreprises s'entendent pour avancer. Les entreprises et les syndicats sont particulièrement frileux : ailleurs, dans les transports aériens et maritimes, le changement de statut a été possible, voyez la CGM, la SNCM, Air France ou Aéroports de Paris...

Le gros morceau, c'est le ferroviaire. Il subsiste deux grandes sociétés d'Etat, la SNCF et la RATP, cette dernière, essentiellement régionale, assurant près de 80 % des transports en Ile-de-France. Ce monopole et ce statut d'exception n'existent pas dans les autres villes du pays ! Dés lors, c'est l'autorité organisatrice qui fixe les tarifs...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ils sont moins élevés qu'ailleurs.

M. Philippe Dominati. - L'Etat ne joue aucun rôle particulier en Ile-de-France et ce sont les usagers, les entreprises et les collectivités qui financent à parts égales le service. La RATP n'est pas une entreprise, elle connaît des problèmes récurrents de financements de ses investissements et des problèmes de patrimoine...sans compter le flou sur son avenir. Pourtant, la RATP appartient au paysage parisien, à notre culture. Mais tout ne va pas aussi bien qu'on le prétend dans cet établissement public. La région a investi dans le tramway ; le succès de ce dernier a imposé de porter la vitesse de seize à dix-huit kilomètres par heure : et voilà la grève ! Vous avez inauguré récemment la station de métro Les Olympiades, monsieur le ministre. Des moyens supplémentaires sont nécessaires : grève ! Le maire de Paris constate que le système d'autobus périclite et fait voter, quelques mois avant les élections municipales, un plan de relance de 7 millions d'euros. Il lui a fallu cinq ans pour s'apercevoir de la situation... De même que la région vient de découvrir qu'un souterrain d'interconnexion entre RATP et SNCF, mal conçu, bloque le trafic ; le problème sera résolu...en 2008. Et vous appelez cela un service public ? (Mme Borvo s'exclame). La moitié des stations de métro ne sont pas équipées d'escaliers mécaniques, la climatisation dans les transports collectifs apparaît comme une utopie, et pour la propreté, c'est « peut mieux faire... »

Le service minimum est une bien curieuse notion : offrons plutôt le service maximum ! Plusieurs d'entre nous proposons un autre système de transport en Ile-de-France pour les cinquante années à venir, avec un objectif, un coût, une amélioration de la qualité. Il faut changer le statut, créer une entreprise, casser le monopole ; si les réseaux de surface peuvent entrer dans le droit commun assez rapidement, plus de temps sera nécessaire pour le réseau souterrain. La région, l'autorité organisatrice, aura enfin la liberté de choisir, pour offrir le meilleur service aux usagers. Tel sera l'objet de notre proposition.

En début de mandat du nouveau président, la volonté a été d'avancer tout de suite sur le service minimum...il faudra ensuite passer au service maximum ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Formidable ! Chapeau !

M. Michel Billout. - Félicitations, monsieur le ministre. L'intitulé de votre projet de loi est astucieux et médiatique.

M. Xavier Bertrand, ministre. - ça commence bien...

M. Michel Billout. - Comment être en désaccord avec le souci d'améliorer le dialogue social et la continuité du service public des transports?

M. Xavier Bertrand, ministre. -  Ne vous arrêtez pas en si bon chemin !

M. Michel Billout. - Je crains malheureusement que ce projet n'améliore ni l'un ni l'autre, et se borne à tenter de réduire l'exercice du droit de grève... Vieux démon de la droite et du patronat. Du reste, le président de la commission spéciale l'a dit avec franchise en envisageant une révision de la Constitution.

Nous avons auditionné les représentants de syndicats, d'associations d'usagers, de collectivités territoriales, de sociétés de transport.

Chaque partie a eu droit à une audition individuelle... à l'exception des organisations syndicales.

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - Elles en ont été contentes.

M. Michel Billout. - Voilà qui augurait mal d'un texte sur le dialogue social. Notre nouveau président n'a de cesse de se présenter en démocrate accompli, respectueux de l'opposition, mais tous les projets de cette session chargée sont débattus en urgence et la commission mixte paritaire se réunira le 3 août, le dernier jour de la session. A cet égard, il n'y a aucune rupture pour sa majorité : l'Assemblée est une chambre d'enregistrement.

Votre objectif est surtout d'affaiblir les organisations syndicales avant la réforme des régimes spéciaux car les grèves de 1995, largement soutenues par l'opinion, avaient obligé le gouvernement de l'époque à battre en retraite.

M. Dominique Braye. - Et les usagers ?

M. Michel Billout. - Jacques Chirac avait dû renoncer à ses projets attentatoires au droit de grève. En 2004, M. de Villepin avait commandé au Conseil d'État un rapport dont vous vous inspirez pour ce texte dont nous ne pouvons que regretter le caractère polémique et anti-démocratique. Il ne règlera rien : acte unilatéral, il tourne le dos au dialogue social alors que des accords ont déjà été signés à la SNCF comme à la RATP.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Et ailleurs ?

M. Michel Billout. - Au lieu d'obliger les partenaires sociaux à signer de nouveaux accords à la SNCF et à la RATP, vous devriez, si vous voulez vraiment éviter des grèves, faire respecter la loi du 19 octobre 1982 qui oblige à négocier dès le dépôt du préavis, ce que les entreprises sont loin de faire. De surcroît, vous ne prévoyez de négociation qu'avec les syndicats ayant déposé un préavis de grève.

Les organisations syndicales, simplement consultées sur le plan de transports adapté et sur le plan d'information des usagers, ne pourront formuler de propositions alternatives. Quant à la prévisibilité, si la négociation prévue à l'article 5 n'aboutit pas avant le 1er janvier prochain, l'entreprise conclura l'accord unilatéralement, ce qui n'est pas de nature à favoriser le dialogue social. Or la prévisibilité repose surtout sur la confiance entre syndicats et entreprise, qui dépend elle-même du respect des organisations syndicales. La déclaration individuelle n'y contribuera pas mais elle favorisera la constitution d'un de ces fichiers dont s'inquiète la CNIL.

On a pourtant un besoin urgent de nouvelles dispositions pour la démocratie sociale qu'il s'agisse de la représentation syndicale, des accords majoritaires ou de la modernisation des droits des salariés. Les conflits résultent souvent de la non-prise en compte de leurs revendications, dont certaines ont un caractère national. Mme Idrac soulignait d'ailleurs que la moitié des jours de grève, l'an dernier, étaient imputables au CNE. Tout cela explique pourquoi cette loi contient en elle-même les causes de son échec.

M. Sarkozy s'appuie sur l'exaspération des usagers qui attendent des services publics efficaces. Un sondage a placé en avril dernier les transports au troisième rang des problèmes à résoudre en priorité. L'amendement de la commission spéciale élargissant le texte aux perturbations prévisibles 36 heures à l'avance ne règlerait aucun des principaux facteurs de discontinuité car la seule question digne d'intérêt est celle de la continuité du service public chaque jour.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Exactement !

M. Michel Billout. - Le service minimum, c'est tous les jours que les usagers le rencontrent. Une politique ambitieuse commencerait par renoncer au dogme de la libéralisation : les défaillances quotidiennes sont dues aux insuffisances des infrastructures et la dégradation du service public est le résultat mécanique de son asservissement aux règles du marché et du sous-investissement.

La précarité explose ; l'intérim a progressé de 15 % et la sous-traitance a augmenté de 56 %. Depuis 2002, 16 000 emplois ont été supprimés à la SNCF et 800 à la RATP. La réduction du budget des transports asphyxie ces sociétés. Voilà ce qui pousse les salariés à se mettre en grève. Ils ne le font pas pour sanctionner les usagers ou pour faire la fête mais pour défendre le service public et l'intérêt général qu'ils mettent en oeuvre.

M. Gournac, que j'approuve pour une fois, l'a bien dit lors d'une audition (Sourires), les agents des transports sont fiers du service rendu. Et c'est pour cela qu'ils le défendent quand il est menacé. On ne recourt jamais à la grève de gaîté de coeur car elle provoque une perte de salaire et de souffrances pour les familles. Or votre projet pousse la démagogie jusqu'à interdire le paiement des jours de grève.

M. Dominique Braye. - Cela va mieux en le disant.

M. Michel Billout. - Seulement 6,7 % des entreprises de transport ont connu des grèves en 2006 contre 22,8 % des entreprises de l'énergie. Les dysfonctionnements liés au sous-investissement représentent 98 % des incidents.

M. Guy Fischer. - Comme en Angleterre !

M. Michel Billout. - En 2006, sur 6 043 incidents, 140 sont imputables à des mouvements sociaux.

M. Guy Fischer. - Voilà la vérité !

M. Michel Billout. - Les usagers demandent la qualité et la fiabilité pour le service public. Cette loi inutile, qui traduit seulement la volonté d'affichage du Président de la République, se bornera à faire reposer sur les autorités organisatrices le remboursement des titres de transport.

Il y a quelque incohérence à prôner la libéralisation de l'économie et le dialogue social tandis que l'État intervient pour faire reculer les droits sociaux et réduire les libertés publiques. La puissance publique se désengage des transports en les transférant aux collectivités locales auxquelles il refuse les moyens d'une politique des transports -M. Dominati vient de le montrer pour l'Ile-de-France. Les régions seront chargées de la définition des modalités d'exercice du droit de grève. Ce transfert de responsabilité n'a rien d'anodin car les inégalités se renforceront, alors que le droit de grève, consacré par la Constitution, ne peut souffrir d'une telle balkanisation.

« Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » est-il écrit dans le Préambule de la Constitution de 1946. Autrement dit, c'est au Parlement, et non aux collectivités territoriales d'en fixer les modalités.

Par ailleurs, la notion de « services essentiels », retenue à l'article 5, nous laisse sceptiques. Pour le CRC, les services publics sont tous essentiels et, parce qu'ils relèvent de l'intérêt général, doivent être définis par le Parlement. Au lieu de cela, vous confiez la définition de ces « besoins essentiels » aux régions. Qui plus est, le préfet pourra leur suppléer en cas de besoin, ce qui est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Bref, ce projet de loi est néfaste. Pour garantir véritablement la continuité du service public dans les transports, il faudrait mettre fin à la politique de déréglementation menée dans ce secteur et moderniser le dialogue social. Mais de cela, il n'est pas question. Ce texte représente une nouvelle tentative de restreindre le droit de grève, nous ne l'approuverons pas ! (Applaudissements à gauche)