Agriculture, pêche, forêts et affaires rurales Compte spécial : développement agricole et rural

M. le président. - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêts et affaires rurales ».

Orateurs inscrits

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Les crédits demandés pour la mission « Agriculture » s'élèvent à 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,8 milliards en crédits de paiement, dont la moitié sont inscrits au titre 6, ce qui démontre à quel point le ministère de l'agriculture est avant tout un ministère d'intervention.

Monsieur le Ministre, vous avez déjà indiqué que vos priorités budgétaires pour 2008 concernaient la gestion des aléas, avec le développement de l'assurance récolte, l'encouragement de l'agriculture durable et la politique de soutien à la pêche. Un effort particulier est accompli pour la maîtrise des effectifs du ministère, avec un objectif de deux départs en retraite sur trois non remplacés, ainsi que pour la modernisation administrative, à l'instar du regroupement des offices agricoles.

La commission des finances souscrit à ces orientations, tout en s'interrogeant sur la portée de l'autorisation parlementaire. Quel sens y a-t-il à ouvrir 3 milliards d'euros de crédits pour 2008 alors que les reports de charges de la mission passeront, entre 2006 et 2007, de 678 millions à 1,17 milliard ? Ce décalage, qui ne résulte pas de votre gestion, doit être corrigé. Quel sens y a-t-il à ouvrir des enveloppes limitatives de crédits quand la Cour des comptes relève que le ministère de l'agriculture engage régulièrement des dépenses sans crédits ou en dépassement de crédits, et que certains de ses opérateurs sont contraints de recourir à l'emprunt pour compléter les dotations budgétaires ? Monsieur le ministre, la réforme de certains dispositifs d'intervention coûteux ne peut plus être différée et certaines pratiques budgétairement peu orthodoxes ou entraînant de lourdes sanctions communautaires doivent cesser.

J'en viens aux programmes. Le programme 154 « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural » correspond au second pilier de la PAC, c'est-à-dire aux actions pour le développement rural. Il comprend en particulier les mesures agro-environnementales, les aides à l'installation, à la modernisation des exploitations ou à la cessation d'activité, et les dispositifs concernant la pêche. A ce sujet, le Gouvernement peut-il nous donner des précisions sur le financement des mesures récemment annoncées par le chef de l'État en faveur de la filière et sur leur compatibilité avec le droit communautaire ? Les avances remboursables consenties au Fonds de prévention des aléas de la pêche, qualifiées de « subventions déguisées » par la Cour des comptes, constituent un précédent fâcheux, qui ne semble d'ailleurs toujours pas soldé...

En outre, certains dispositifs du programme fonctionnent selon une logique de guichet, ou des facteurs conjoncturels risquent d'augmenter fortement leur coût. Le Gouvernement vient ainsi de solliciter de nos collègues députés une augmentation de 5 millions d'euros des crédits pour les bonifications des prêts d'installation des jeunes agriculteurs en raison de l'augmentation des taux de crédit bancaire et du nombre élevé d'installations. Il faut assortir de tels dispositifs de conditions d'octroi plus rigoureuses et de dotations budgétaires mieux calibrées.

Les Haras nationaux, qui font l'objet de l'attention constante et bienveillante de votre commission des finances, voient leur subvention pour charges de service public baisser de 2,5 millions d'euros, ce qui semble les inciter à accroître les cessions immobilières. Cette orientation est conforme aux préconisations de mon rapport d'information de novembre 2006, et la commission a prévu une audition de suivi de leur mise en oeuvre au premier semestre 2008.

Le programme 227 « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés » constitue le pendant national des aides communautaires du premier pilier de la PAC, c'est-à-dire des aides de marché. Les crédits finançant les dépenses d'intervention des offices agricoles accusent une baisse de 67 millions d'euros par rapport à 2007 compensée par le produit, estimé à 50 millions d'euros, de la vente du siège de l'ancien Office national interprofessionnel des céréales (Onic), avenue Bosquet. Nous avons déjà débattu de ce sujet lors du vote de l'article d'équilibre. Le financement de dépenses récurrentes par des recettes ponctuelles doit demeurer exceptionnel. Les observations de la commission ont été entendues quant au portage de l'opération, qui pourrait être assumé par la Sovafim plutôt que par un commercialisateur privé.

Ce programme semble compter deux sous-budgétisations. La première concerne l'absence de dotation au Fonds national de garantie des calamités agricoles, alors que celle-ci, de 80 millions d'euros par an en moyenne, est obligatoire aux termes du code rural. J'y reviendrai avec l'amendement de la commission sur les crédits de la mission. La seconde résulte de l'absence de crédits pour les refus d'apurement communautaires, vraisemblablement compris entre 50 et 200 millions d'euros en 2008. Lorsque la Commission européenne refuse de payer la contrepartie communautaire des aides préfinancées par les États membres versées en infraction à la réglementation communautaire, celle-ci est supportée par le budget de l'État. Monsieur le ministre, vos services expliquent cette absence de budgétisation par la forte incertitude qui pèse sur les montants des refus d'apurement et par le « signal négatif » que l'inscription de tels crédits, sorte de « reconnaissance préalable de culpabilité », constituerait pour la Commission européenne. Je suis peu convaincu par cette argumentation et la commission des finances a demandé à la Cour des comptes d'enquêter sur ce sujet en 2008.

Le programme 149 « forêt » comprend essentiellement des subventions aux opérateurs, dont l'office national des forêts, ce qui laisse au responsable de programme peu de marges de manoeuvre. Au reste, notre politique forestière est à la croisée des chemins : compte tenu des enjeux environnementaux, nous devons modifier notre approche de la forêt et la considérer non plus comme un patrimoine, mais comme une ressource exploitable.

M. Gérard Delfau. - Très bien !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Monsieur le ministre, nous vous savons sensible à cette question. Vous pourrez compter sur notre soutien !

Le programme 214, qui regroupe les dépenses de personnels, traduit un effort réel de maîtrise des dépenses. Les moyens des directions départementales de l'agriculture et de la forêt lui ont été rattachés dans ce budget, ce qui facilitera la gestion des budgets, mais constituera une entrave à l'exercice de la fongibilité asymétrique des crédits.

J'en viens au compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ». Côté recettes, on n'a pas pris en compte le déplafonnement de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, dite taxe Adar, au 1er janvier 2008. Monsieur le ministre, est-ce le signe que l'on se prépare une nouvelle fois à plafonner la taxe ? Notre commission verrait d'un mauvais oeil que ce feuilleton fiscal, auquel j'ai consacré un rapport d'information, connaisse un nouvel rebondissement... Côté dépenses, les crédits doivent financer des actions de développement agricole plutôt que les chambres d'agriculture et instituts techniques.

Sous réserve de ces remarques et de l'amendement que je vous présenterai, je vous propose d'adopter les crédits de cette mission, le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » et les articles 41, 41 bis et 41 ter. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Comme l'an dernier, nous avons affaire à un budget de transition. En effet, le marché agricole mondial connaît des bouleversements profonds : le recul de l'offre de produits agricoles bruts conjugué à une forte croissance de la demande mondiale sous la poussée des pays émergents provoque la flambée des cours de nombreux produits qui pourrait se révéler durable. Par ailleurs, la réforme de la politique agricole commune est en cours. Monsieur le ministre, comment appréhendez-vous les pistes esquissées dernièrement par la Commission ? Enfin, notre vision de l'agriculture évolue, ce dont on a témoigné le Grenelle de l'environnement. Quel sera le calendrier d'adoption des mesures, pour certaines ambitieuses, qui ont été prises et comment s'articulera-t-il avec les assises de l'agriculture, lancées à l'automne ?

Dans ce contexte de transition, le budget de l'agriculture est fortement contraint, ce qui a conduit le ministère à diminuer son soutien à certaines actions. La baisse de 10 % des crédits destinés à la valorisation des produits, à l'orientation et à la régulation des marchés touchera d'abord les offices agricoles, dont les moyens devraient diminuer du fait de leur regroupement en trois pôles conformément à la dernière loi d'orientation. Plutôt que de rigueur, il faut parler d'incertitude concernant les dispositifs de gestion de crise. M. Emorine, président de notre commission, en dira davantage. Par ailleurs, les mécanismes d'appoint conjoncturels, tels les dispositifs Agridiff et FAC, subissent un recul inquiétant.

Pour autant, le budget du ministère représente moins d'un tiers de l'effort public en faveur de l'agriculture, qui représente plus de 16 milliards. Ensuite, la rigueur est l'occasion de procéder à des ajustements structurels qui participent de la réforme de l'État, telle la suppression de plusieurs centaines d'emplois pour une d'économie de 17 millions. Surtout, ces contraintes budgétaires n'empêchent pas le ministère de concentrer ses efforts sur les mesures agro-environnementales, lesquelles sont presque doublées en autorisations d'engagement, et le secteur de la pêche sur lequel M. Alain Gérad reviendra.

Monsieur le ministre, permettez-moi de profiter de la présentation de mon rapport pour vous interroger sur des points qui me touchent à coeur. Allez-vous faire un geste en faveur des retraites des agricultures qui réclament légitimement depuis de longues années une revalorisation de leurs très petites pensions ? Qu'en est-il du plan d'épargne pour la forêt ? Il faut développer des outils de financement adapté à la sylviculture française, car les mécanismes de défiscalisation sont insuffisants. Enfin, les crédits destinés à mieux faire connaître le monde agricole des scolaires seront-ils reconduits ? Je l'espère, car le mécanisme adopté lors de la loi sur le développement des territoires ruraux s'est révélé un succès avec 500 000 visiteurs !

Quelques mots sur la réforme de l'organisation commune de marché vitivinicole, à propos de laquelle nous avons récemment adopté à l'unanimité une résolution. Monsieur le ministre, quelle stratégie de négociation adopterez-vous concernant la libéralisation des droits à plantation et le régime de chaptalisation, principaux points de friction, lors du prochain Conseil consacré à l'agriculture le 17 décembre prochain ?

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - J'invite le Sénat à voter ce budget qui, dans un contexte de rigueur budgétaire, est cohérent et mis au service du monde agricole et rural ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. -  Très bien !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Je concentrerai mon intervention sur le développement rural. Nos territoires doivent s'ouvrir au monde extérieur et requièrent davantage de services malgré une démographie défavorable. Le point a fait polémique... Pour se développer, le monde rural a besoin d'une véritable péréquation de solidarité nationale...

M. Gérard Delfau. - Très bien !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - ...et d'une méthodologie et d'une gouvernance adaptées.

En matière de péréquation, je rappelle que ce budget de l'agriculture diminue de 16 % en autorisations d'engagements et de 8 % en crédits de paiement ainsi que je déplore les changements de périmètre dans la présentation des crédits, sources d'opacité.

J'en viens à la méthodologie. Les pôles d'excellence ruraux, très heureuse initiative, ont été créés par la loi sur le développement des territoires ruraux. Ils sont aujourd'hui 379 à recevoir des financements publics, sélectionnés parmi 700 dossiers, à hauteur de 300 000 euro à un million chacun. Toutefois, ces pôles font l'objet d'une gestion administrative bien trop complexe. On peut également déplorer la concurrence avec certaines politiques locales de développement territorial. Le fait qu'ils soient portés à 80 % par des intercommunalités alors qu'ils devaient être majoritairement soutenus par les groupements d'action locale, composés d'acteurs de terrain, illustre leur difficulté à fédérer les populations locales. Par ailleurs, la durée d'accompagnement de trois ans est trop courte. Si rien n'est fait, les collectivités seront obligées de prendre le relais. La ruralité a besoin d'une animation permanente.

J'observe qu'en attribuant 235 millions à 379 pôles, on est à la limite du saupoudrage. Enfin, nous avons beaucoup de mal à identifier les mécanismes de suivi et d'évaluation.

J'en viens à la gouvernance du monde rural.

En 2006, votre prédécesseur, M. Bussereau, m'avait invité à participer à une émission sur la ruralité. À cette occasion, un tour d'horizon avait été présenté, montrant l'utilisation faite par plusieurs pays européens des crédits communautaires. La France paraît être le plus mauvais élève en ce domaine, alors que l'Espagne et l'Autriche s'appuie sur la locomotive de la démocratie participative via un système coopératif associant les collectivités territoriales, les socioprofessionnels et des individus. La France a-t-elle pris le même chemin ?

Où en est la mission d'information sur l'élevage ovin confiée à MM. Gérard Bailly et François Fortassin ? Je souhaite également connaître vos projets en faveur de la vie rurale en zone de montagne.

Faute de temps, je n'aborde qu'une faible partie de la ruralité. Ainsi, je n'évoque même pas les services publics ou privés.

De nombreuses lignes de crédit subissent une baisse, nous ne voyons pas d'engagement fort du Gouvernement. À titre personnel, je regrette le manque d'ambition de sa politique rurale, mais je m'en rapporte à la sagesse de la commission, qui propose d'adopter ces crédits. (Applaudissements au banc des commissions)

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques  - A priori, les moyens consacrés à la forêt semblent échapper aux restrictions budgétaires, avec une hausse de 3,8 % en crédits de paiement, le programme forêt étant doté de 322 millions d'euros. Cependant, il baisse de 4,8 % après déduction de la dotation versée à l'Office national des forêts pour compenser l'augmentation des taux de cotisation des pensions civiles : c'est nécessaire, mais ne correspond à aucune action nouvelle.

Si le développement économique de la filière et la mise en oeuvre du régime forestier, objets des actions n°s1 et 2, sont en hausse formelle, l'amélioration de la gestion de la forêt et la prévention des risques, notamment d'incendies, reculent respectivement de 7,7 % et 4,3 %. Certes, il faut nuancer cette réduction qui intègre le moindre besoin de financement du plan « chablis », consécutif aux tempêtes de 1999 et qui s'achèvera en 2009. Elle suscite toutefois une interrogation puisque le ministère présente une meilleure mobilisation de la ressource bois comme une priorité motivée par des considérations environnementales.

J'en viens ainsi naturellement à la mobilisation de la ressource forestière, sujet parfaitement en phase avec les préoccupations environnementales. En effet, la forêt séquestre d'importantes quantités de gaz carbonique et participe ainsi à la lutte contre le réchauffement climatique.

Or, cette ressource est aujourd'hui sous-utilisée. Bien qu'elle recouvre 28 % du territoire, le prélèvement de bois n'excède pas 60 % de sa production biologique.

Le récent Grenelle de l'environnement a formulé des préconisations visant à valoriser le bois comme source d'énergie et matériau de construction. Vous semblez avoir bien pris conscience du formidable gisement d'emplois que recèle l'exploitation durable de cette ressource. Ainsi, les trois premiers volets du programme forestier national pour la période 2006-2015 sont entièrement orientés dans cette direction. Par ailleurs, les Assises de la forêt, que vous avez ouvertes il y a deux semaines, devraient traiter abondamment de la mobilisation de la ressource forestière, afin de « produire plus en préservant mieux ». À cette occasion, vous avez dit vouloir à moyen terme extraire de nos forêts 21 millions de mètres cubes supplémentaires. Comme vous l'avez indiqué, cela suppose que tous les acteurs procèdent « à un vrai changement d'échelle dans leurs réflexions, leurs actions et leurs investissements » et exige la révision des outils d'intervention. Pouvez-vous exposer les principales mesures envisagées pour accompagner ce mouvement et préciser quand vous comptez atteindre cet objectif ambitieux?

Plusieurs éléments de ce dispositif devraient figurer dans les projets de loi qui feront suite au Grenelle de l'environnement. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le calendrier et les mesures prévues ?

Comme je m'y étais engagé devant la commission, je rapporte fidèlement son avis favorable à l'adoption des crédits de la mission bien que je sois personnellement plus circonspect.

Je ne peux que vous encourager à poursuivre une politique volontariste en faveur de la valorisation de la ressource forestière. Les échéances à venir -avec les Assises de la forêt et les suites normatives au Grenelle de l'environnement- fournissent une excellente occasion. La filière et beaucoup de nos concitoyens nourrissent de fortes attentes à cet égard. J'espère que vous pourrez y donner suite. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)

M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économique.  - Mon intervention portera sur les crédits de la pêche pour 2008.

Avec 60,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédit de paiement, soit un million supplémentaire, les crédits de la pêche pour 2008 sont confirmés, ce qui nous paraît très satisfaisant puisqu'ils avaient été doublés l'an dernier. En outre, les contraintes s'exerçant sur le budget du ministère sont particulièrement fortes cette année.

Les deux tiers de ces crédits - soit 39 millions d'euros - sont affectés au développement durable de la filière halieutique et aquacole. Cette priorité est justifiée, puisque l'âge moyen des bateaux de pêche atteint 24 ans.

Un quart des crédits, soit 15 millions d'euros, sert à promouvoir une gestion responsable de la ressource, la France s'étant engagée à atteindre d'ici 2015 le rendement maximum durable de ressources halieutiques.

Il y a quelques jours, alors que la Commission européenne présentait son plan de quotas pour 2008, vous avez annoncé la présentation, dans les deux mois, d'un plan de pêche durable. Pouvez-vous nous communiquez quelques éléments sur ce plan et dire comment va se positionner la France, qui conteste les avis scientifiques sur les ressources et la volonté de la Commission de réduire les prises ?

Enfin, 5 d'euros sont destinés au contrôle des pêches à fin de mieux respecter la législation communautaire. Nous avons déjà été condamnés à de lourdes sanctions.

Après avoir dit l'essentiel de ce bon budget, j'en viens à la très médiatisée crise du monde la pêche.

Elle a largement été provoquée par l'augmentation du coût du carburant : depuis le début de l'année, le litre de gazole est passé de 30 à 50 centimes d'euros, si bien que la dépense en carburant, représente 27 % du chiffre d'affaires contre 15,7 % en 2003. Ainsi, un navire de pêche hauturière partant en mer pendant quinze jours avec 20 tonnes de gazole a déjà coûté 10 000 euros en carburant, malgré l'exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers.

Les conséquences sont brutales pour les comptes d'exploitation: la part du chiffre d'affaires dévolue au revenu d'un armateur de chalutier est tombée à 7 % contre 17 % il y a dix ans. Les exploitants de la moitié des navires de pêche ne parviennent plus à verser que des salaires non attractifs.

Face à cette crise d'une ampleur sans précédent pour le monde de la pêche, le Gouvernement a fait preuve de réactivité. Ainsi, fin octobre, vous avez annoncé un plan de soutien pour plus de 25 millions d'euros, l'essentiel étant destiné à financer les sorties de flotte de navires non compétitifs. Au Guilvinec, le Président de la République vous a demandé le 6 novembre quatre mesures d'urgence pour les marins pêcheurs. Dès le lendemain, vous avez annoncé la mise en place de deux groupes de travail consacrés respectivement à la modernisation de la flottille et à la garantie d'une rémunération mensuelle minimale.

Vous avez aussi instauré une exonération provisoire des charges patronales et salariales ainsi qu'une prise en charge du coût du gazole au-delà de 30 centimes d'euros par litre. Concrètement, une taxe serait perçue sur les consommateurs et le produit de cette « écocontribution » affecté aux pêcheurs, en proportion de leurs achats de gazole. Cette piste est-elle toujours privilégiée ? Est-elle bien « eurocompatible » ?

La hausse des crédits et la bonne prise en compte de la crise des pêcheurs ont conduit la commission des affaires économiques à donner un avis très favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.  - Dans un environnement en mutation, l'agriculture est au coeur des nouveaux défis de la société. La question agricole n'est pas la seule question que se posent les agriculteurs. Un grand journal du soir titrait récemment : « Le grand retour de l'agriculture ». Le défi alimentaire est considérable : l'Inra a calculé que pour nourrir 9 milliards de personnes en 2050, il faudrait doubler la production. Produire plus... et mieux, car les espaces naturels ne sont ni gratuits ni inépuisables. Les agriculteurs sont les premiers concernés, car les seuls dont le travail, au quotidien, est lié à l'air, à l'eau, à la terre. Ils s'en préoccupent !

Les marchés sont très volatils, les productions menacées de délocalisation. Nous sommes à la croisée des chemins comme l'a bien dit M. César. J'ai une ambition et un projet, bâtir une grande politique de l'alimentation, de la ruralité, de l'agriculture et de la pêche. L'année 2009 sera en partie neutralisée par les élections européennes et le renouvellement de la Commission. C'est pourquoi le Président de la République veut engager un grand débat sur la PAC dès 2008. (MM. Gouteyron et César approuvent) L'expérience des fonds de cohésion montre que le débat budgétaire ne doit pas précéder le débat politique.

M. Gérard César. - Très bien.

M. Michel Barnier, ministre. - Le débat s'ouvrira donc dès le début de la présidence française, en juillet prochain. Nous n'aurons pas une attitude défensive, nous cramponnant à la politique ancienne -qui a eu de très bons aspects. Nous souhaitons quitter la logique de guichet au profit d'une logique de projets.

La France n'est pas grande quand elle est arrogante, ni forte quand elle est solitaire. Je travaille, de façon besogneuse, à renforcer nos relations avec nos partenaires : je reviens de Pologne, je serai prochainement en Roumanie et en Bulgarie, et lorsque le débat s'engagera, j'aurai rencontré, chez eux, tous mes homologues.

La forte augmentation des prix des matières premières agricoles remet l'économie au coeur de la production agricole. Certes, les conséquences de cette hausse ne sont pas les mêmes pour tous. Les éleveurs, par exemple, voient leurs coûts de production augmenter, mais le contexte d'évolution des marchés offre de réelles possibilités.

Des négociations à l'OMC sont en cours. Même si leur conclusion semble s'éloigner, nous restons vigilants ; il n'est pas question que l'agriculture soit la variable d'ajustement : nous serons fermes pour que l'accord ne se fasse pas au seul bénéfice des pays émergents, au sacrifice de nos intérêts et de ceux des pays les plus pauvres.

Nous avons une méthode pour préparer notre projet agricole, alimentaire et territorial. Ce sont les assises de l'agriculture : un « parlement de l'agriculture » réunira responsables agricoles, ONG et consommateurs pour construire un projet qui prenne en compte les conclusions du Grenelle de l'environnement, prépare le bilan de santé de la PAC et le grand débat de la future politique agricole commune.

Notre objectif c'est de conclure le bilan de santé en décembre prochain et d'ouvrir, sous présidence française, lors d'un conseil des ministres informel les 21, 22 et 23 septembre à Annecy, le débat sur les perspectives de la PAC après 2013 .

C'est dans le même état d'esprit que j'aborde la négociation de la nouvelle OCM viti-vinicole. Cette négociation est très difficile, je ne suis pas certain que nous aboutirons rapidement ; j'entends pour ma part préserver notre modèle agricole et une production fondée sur une production de terroir, authentique, unique, identifiée.

Depuis cinquante ans, depuis le début de la construction européenne, deux conceptions s'affrontent : l'Europe doit selon la conception anglo-saxonne être une grande zone de libre-échange, où quelques règles et quelques fonds de solidarité sont tolérés, où règne la compétition, au sein de cet espace et avec le reste du monde ; notre conception, partagée par les six pays fondateurs, et d'autres aujourd'hui en Europe de l'Est, est aussi celle d'un grand marché, certes, mais avec plus de règles et des politiques intégrées. Je ne suis pas partisan, vous le savez, d'une libéralisation généralisée et je ne suis pas d'accord pour ouvrir toutes les portes et les fenêtres et laisser mettre à bas tout ce que nous avons construit. (MM. César et Gouteyron s'en réjouissent) Il ne s'agit pas d'un débat franco-français : dans la campagne présidentielle américaine, le bien-fondé de la libéralisation à tout crin est un grand sujet de discussion !

Pour des raisons écologiques, sanitaires, sociales, nous sommes en faveur d'une nouvelle préférence communautaire.

M. Gérard Delfau. - Bien !

M. Michel Barnier, ministre. - Dans ce budget pour 2008, les crédits de paiement sont en légère diminution. Les autorisations de programme, en revanche, progressent de 5,3 %.

Mais au-delà de ces dotations budgétaires, il ne faut pas oublier les 10 milliards attribués à la France par l'Europe, à rapporter au milliard de crédits d'intervention de ce budget. C'est dire que nos solutions sont principalement à rechercher en concertation avec nos partenaires de l'Union.

En construisant ce budget malgré les difficultés héritées du passé, que je ne justifie pas mais que j'assume, j'ai voulu préserver quelques priorités : les outils de gestion des aléas, le soutien au renouvellement des générations, l'agriculture durable, la modernisation de l'outil qu'est le ministère.

Nous sommes, vous et moi, confrontés depuis six mois à des crises graves liées à la volatilité des prix ou à des problèmes sanitaires de plus en plus fréquents -67 département sont aujourd'hui touchés par la maladie de la langue bleue, qu'éleveurs, services de l'État et vétérinaires affrontent avec responsabilité. Nous n'avons pas les outils nécessaires pour résister à une telle multiplication de crises économiques, sanitaires, climatiques, quand elles ne se conjuguent pas. Nous travaillons avec Mme Lagarde à la généralisation des mécanismes de gestion des risques à partir de l'expérience de l'assurance récolte. Stabiliser les marchés sera une des priorités du bilan de santé de la PAC, je l'ai dit à Bruxelles. Les propositions de la commission ne nous conviennent pas, c'est à l'intérieur du premier pilier qu'il faut financer le dispositif assurantiel. La PAC doit rester une politique économique.

Nous continuerons en attendant à prendre en charge 35 % de l'assurance récolte -25 % des surfaces de grande culture sont aujourd'hui couvertes. La progression des crédits 2008 permettra d'augmenter le taux de prise en charge dans l'arboriculture et le maraîchage. Je rejoins ici les propositions de M. Mortemousque. L'autre outil est le Fonds de garantie des calamités agricoles, qui sera abondé en cours d'année autant que de besoin. Nous avons besoin de véritables outils de gestion des risques et des crises au niveau communautaire ; ce sera une des priorités de la présidence française.

Le fonds d'allègement des charges permet de soutenir les secteurs en crise ; des restitutions ont été décidées pour celui du porc, ce qui n'était pas acquis, grâce à une bonne concertation avec nos partenaires et l'appui de l'Allemagne. Enfin une bonne nouvelle pour cette filière.

Ma deuxième priorité est le soutien au renouvellement des générations et au maintien de l'activité dans les territoires fragiles et les espaces littoraux. L'agriculture et l'agroalimentaire, qui emploient 1,6 million de personnes, sont les clés du dynamisme économique dans nos régions. Ce dynamisme doit être conforté, en veillant à préserver son ancrage territorial. Nous continuerons à soutenir les jeunes, qui sont 16 000 à s'installer chaque année, dont 10 000 de moins de 40 ans. L'augmentation des taux d'intérêt ayant renchéri le coût de la bonification des prêts, j'ai procédé à 29 millions de redéploiements en 2007 et une enveloppe de 20 millions a pu être dégagée en fin d'année.

La dotation jeune agriculteur sera dotée en 2008 de 60 millions d'euros et les prêts bonifiés de 68,4 millions. Ces mesures étant cofinancées, c'est plus du double qui sera disponible. Nous allons encore améliorer les mécanismes d'attribution des prêts, pour éviter des files d'attente comme celles que j'ai trouvées à mon arrivée au ministère, et nous travaillerons avec les dirigeants agricoles à une simplification des parcours d'installation.

S'agissant du maintien de l'activité dans les zones fragiles, le renouvellement des contrats de la prime herbagère coutera 457 millions ces cinq prochaines années ; l'indemnité compensatoire de handicaps naturels sera dotée de 232 millions, ce qui permettra de porter l'indemnité moyenne à 5 370 euros ; le plan d'amélioration des bâtiments d'élevage a été abondé de 23 millions supplémentaires à la fin de l'été. M. Emorine s'est inquiété de la baisse des crédits 2008, mais ceux-ci correspondent aux besoins identifiés dans le cadre des nouvelles règles négociées avec les professionnels ; le soutien du pastoralisme en zone de montagne restera possible.

Il faudra aussi réfléchir au soutien des productions valorisant l'herbe, le bilan de santé de la PAC en sera l'occasion. Nous agirons au sein du premier pilier en écrêtant les subventions les plus élevées (marques d'approbation) ; les agriculteurs doivent être rémunérés par les prix plutôt que par les subventions. (Mêmes mouvements) Les sommes dégagées seront redistribuées aux filières qui en ont le plus besoin, le lait, l'élevage ovin, l'agriculture biologique -si, bien sûr, la Commission l'autorise.

M. Gérard Delfau. - Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. - Je veux aussi rappeler l'importance des pôles d'excellence rurale ; nous soutenons 375 projets de développement, pour l'essentiel en zone de revitalisation rurale, à hauteur de 235 millions, dont 34 dans ce budget. Cette politique devra être évaluée. Le plan de développement rural hexagonal se poursuit avec l'approbation de Bruxelles.

La pêche et l'aquaculture sont aussi parmi mes priorités. Je crois en leur avenir, je l'ai encore rappelé dans des circonstances tragiques à Etaples dimanche dernier. Ces filières sont au coeur des défis alimentaires, je crois à leurs capacités de création de richesses, elles ont droit au respect et à la solidarité nationale, même si celle-ci a un coût. C'est la conviction du président de la République et du Gouvernement. La pêche est le secteur actif le plus dangereux, avec un mort pour mille marins et 10 % d'accidents du travail -deux fois plus que dans le bâtiment. Elle doit relever trois défis : la gestion des ressources, la viabilité économique et la réforme de la PAC-pêche. J'ai lancé deux missions, pêche et aquaculture.

Les moyens budgétaires consacrés à la pêche sont consolidés à hauteur de 60 millions, poursuivant ainsi l'effort entrepris en 2007 -les crédits avaient alors augmenté de 50 %. Il faut y ajouter 30 millions provenant du Fonds européen de la pêche. J'entends, en concertation avec M. Borloo, renforcer les moyens de la Direction des pêches et améliorer la sécurité individuelle des marins. En saluant les efforts déjà accomplis, je plaide pour une meilleure coordination des secours en mer au niveau européen.

Je saisis cette occasion pour donner un coup de chapeau aux sauveteurs venus des côtes anglaises et belges et à ceux de la Société nationale de sauvetage en mer qui prennent des risques considérables à bord de leurs bâtiments.

Je prépare un plan pour une pêche durable qui ne se réduit pas à une question de gazole mais devrait stabiliser la situation économique des entreprises de pêche, améliorer les conditions de travail et de sécurité et la situation sociale des marins pêcheurs -eux aussi ont droit à un salaire minimum !- tout en gérant mieux la ressource et en participant activement à la protection de l'environnement marin.

La réalisation de ces objectifs s'appuiera sur le budget que je vous demande d'approuver ainsi que sur les crédits du fonds européen pour la pêche et sur la création d'une contribution pour le renouveau de la pêche française, dans le prolongement des déclarations du Président de la République le 6 novembre 2007 au Guilvinec et des décisions prises avec les professionnels de la pêche réunis dans mon bureau le 7 novembre à Paris.

Troisième priorité : agir dans le sens d'un développement agricole et forestier durable. Le Grenelle de l'environnement, premier grand rendez-vous démocratique, ne s'est pas fait sans ou contre les agriculteurs. Il s'est fait avec eux. Ce résultat n'était pas gagné d'avance ; nous devons ce succès aux dirigeants agricoles, aux fonctionnaires concernés, aux parlementaires, dont certains sont présents et qui ont présidé certains groupes de travail. Il y a eu des rencontres inattendues, une écoute mutuelle. Nous voulons relever le défi du Grenelle et améliorer encore les pratiques durables et respectueuses de l'environnement. Les outils pour y parvenir sont consolidés dans ce budget : prime à la vache allaitante, prime herbagère et indemnités compensatoires de handicaps naturels.

Un premier outil pour le développement durable est celui des mesures agro-environnementales territorialisées, dont les crédits sont doublés à hauteur de 54 millions et qui sont simplifiées, dans le cadre du plan de développement rural hexagonal, dont 2008 sera la première année de pleine application. Elles seront ciblées pour répondre aux engagements pris dans le cadre du Grenelle de l'environnement pour soutenir le développement de l'agriculture biologique et satisfaire les objectifs de la directive-cadre sur l'eau et de la directive Natura 2000.

Un deuxième outil est le plan nitrates sur lequel j'ai beaucoup travaillé avec celles et ceux d'entre vous qui représentent la Bretagne. Je me suis attaché à recréer les conditions de la confiance sur le terrain et avec la Commission européenne. Ce plan est à la fois difficile et nécessaire. Nous y consacrerons, sur cinq ans, 86 millions, dans le cadre du programme d'intervention territoriale de l'État. Ce plan a été approuvé par la Commission européenne, qui a renoncé à la pénalité de 28 millions et aux 117 000 euros d'astreinte quotidienne. Il a pour objectif de ramener les eaux des bassins versants concernés à un taux de nitrates conforme à la norme.

Je me suis aussi engagé personnellement dans la mise en oeuvre de la réduction de moitié, en dix ans si possible, des produits phytosanitaires. C'est un plan que j'ai appelé « éco-phyto 2018 ».

Parmi les acquis du Grenelle de l'environnement, je veux souligner l'importance reconnue à la forêt, à sa biomasse, au bois, comme l'a rappelé Gérard Delfau dans son rapport. Notre massif forestier est le troisième d'Europe et la forêt gagne tous les dix ans la superficie d'un département. La croissance actuelle de la forêt permet la captation d'un volume de CO2, identique à l'effort de réduction des émissions demandé à nos industriels. Pour autant, la filière bois est caractérisée par une balance commerciale déficitaire de près de 5 milliards ; c'est notre troisième poste déficitaire après le pétrole et l'informatique. J'ai ouvert le 21 novembre les Assises de la forêt, qui ont pour but de rénover notre politique forestière et la filière bois afin de mieux la valoriser. Je pense que nous pouvons doubler en dix ans la récolte commercialisée.

Les crédits consacrés à la forêt s'établissent à 311 millions en autorisations d'engagement et à 321 millions en crédits de paiement, en hausse de plus de 3,5 %. Le programme « forêt » est marqué par le maintien du versement compensateur, conformément au contrat d'objectif, dans un contexte d'augmentation des cours du bois et d'une très nette amélioration des résultats de l'Office national des forêts. L'ONF constitue un levier puissant dans le développement d'une politique de croissance écologique et de gestion durable sur un vaste territoire.

Comme beaucoup d'entre vous, j'ai pu constater, sur le terrain, la qualité du travail accompli par ses agents ; j'ai mesuré leur capacité d'expertise, leur savoir-faire, en me rendant dans des sites récemment dévastés par des incendies ou en les sollicitant après le cyclone Dean en Martinique et en Guadeloupe. Nous avons pu mettre ces compétences au service de nos amis grecs dont la forêt a été durement atteinte par les incendies de cet été.

Le plan « chablis » sera lui aussi conduit à son terme, et nous y consacrerons 23 millions, cofinancés, à hauteur de 28 millions, par le Fonds européen agricole de développement rural. Nos aides à la restructuration de la filière et de modernisation des scieries seront amplifiées et dotées de 9,4 millions, auxquelles s'ajouteront les contreparties communautaires.

La mise en oeuvre de cette politique ambitieuse requiert une modernisation du ministère et je veux rendre hommage à l'ensemble de ses agents, qui accomplissent une tâche difficile. Ce grand ministère s'inscrit dans une longue tradition, avec une vraie culture et une expérience reconnue dans un grand nombre de métiers. Je souhaite qu'il vive avec son temps tout en gardant son âme, sa force et son identité. Il intervient bien au-delà de la seule gestion du domaine agricole : il est le partenaire de 1,6 million de personnes qui travaillent dans l'agriculture, dans l'agro-alimentaire et la pêche. La moitié de ses agents sont rattachés à l'enseignement agricole, dont les effectifs n'ont pas diminué. Les missions de ce ministère augmentent continuellement, que ce soit pour la sécurité sanitaire de l'alimentation, la préservation de l'environnement ou le développement rural.

Sa situation financière est difficile, comme l'a soulevé l'audit commandé par Mme Lagarde -audit dont je ne partage pas toutes les conclusions- mais j'ai déjà obtenu des avancées. Le décret d'avance, de 200 millions d'autorisations d'engagement et de 120 millions de crédits de paiement, qui vous a été soumis en octobre a permis de résorber certains reports de charges. Nous prenons notre part à l'effort de réduction des effectifs de la fonction publique en supprimant 198 emplois. Cela s'accompagne d'une évolution des politiques mises en oeuvre. Le ministère est en mouvement, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, et doit devenir le grand ministère de l'alimentation, des territoires ruraux, de l'agriculture et de la pêche.

Avec cet objectif en vue, nous préparons un regroupement des établissements publics, afin de les simplifier et d'en clarifier les missions, dans la continuité de la réforme mise en place par la loi d'orientation. Ainsi nous souhaitons la création d'une agence interministérielle de paiement des aides, sur la base d'un rapprochement du CNASEA et de l'agence unique de paiement, dans le respect des implantations de Montreuil et de Limoges. Nous voulons également poursuivre le regroupement des offices agricoles.

Malgré une diminution des crédits de 63 millions, la capacité d'intervention des offices agricoles sera maintenue grâce à la vente de l'ancien siège de l'Office national interprofessionnel des céréales. En 2009, la dotation de base des offices sera réévaluée à due concurrence. J'ai obtenu les assurances du ministre du budget.

Deuxième orientation, nous devrons constituer un niveau régional fort, assurant le pilotage de l'ensemble des politiques du ministère, y compris cette fonction essentielle qu'est la sécurité alimentaire. Ce renforcement sera obtenu en donnant des marges de manoeuvre aux structures déconcentrées, qui adapteront les politiques aux territoires.

Je souhaite rassembler toutes les compétences de contrôles de la sécurité sanitaire de l'alimentation autour des directions départementales des services vétérinaires. Nous allons poursuivre le rapprochement des directions départementales de l'agriculture et de la forêt avec les directions départementales de l'équipement, sans préjudice de la future organisation de l'administration territoriale de l'État.

Enfin, pour l'administration centrale, je proposerai le regroupement des services sur deux pôles immobiliers, au lieu de cinq, afin de décloisonner les services et de favoriser les échanges.

S'il fallait encore souligner l'importance de l'agriculture pour répondre aux défis de notre temps, je reprendrais à mon compte le rapport 2008 de la Banque mondiale qui, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, insiste sur le rôle de l'investissement en agriculture, le plus efficace pour lutter contre la pauvreté. C'est une illustration supplémentaire de ce « grand retour de l'agriculture » dont parlait un grand quotidien, même si la formule peut faire sourire les agriculteurs qui ne sont jamais partis. Il s'agit d'abord de nourrir les hommes en préservant l'équilibre des territoires, leurs productions de qualité, leur identité, Ensuite, il s'agit d'aider à réduire notre dépendance au pétrole à travers les agro et biocarburants et la chimie verte. L'agriculture, l'agro-alimentaire, la forêt doivent et peuvent contribuer à la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne, qui ne doit pas être réduite à sa seule dimension industrielle. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Odette Terrade. - La pêche a longtemps été l'enfant pauvre du budget agricole. L'an dernier, le Gouvernement s'est enfin résolu à aider cette filière sur la crise de laquelle nous avions attiré son attention ; cette année, l'effort est maintenu à crédits constants.

Pourtant, des problèmes persistent, à commencer par celui des ressources halieutiques. Les politiques européennes et internationales menacent certains secteurs. Quelles seront les priorités du futur conseil de prospectives et de stratégie des pêches maritimes ? Les crédits alloués aux contrôles des pêches maritimes passent de 2,7 à 5 millions, pour mieux répondre aux nouvelles exigences de Bruxelles. Si chacun reconnaît l'utilité des contrôles, une telle augmentation était loin d'être une priorité, vu les moyens dont dispose déjà la France en la matière, d'autant que la politique dictée par l'Union européenne manque de transparence, d'équité et de concertation. Les réductions de quotas, voire les interdictions de pêche se sont multipliées, au risque de condamner définitivement une flottille ou un port, et d'entraîner des reports préjudiciables sur d'autres espèces.

Les bateaux de pêche artisanale subissent la concurrence des navires-usines qui pêchent, trient, nettoient, conditionnent et congèlent le poisson pour la grande distribution. D'un côté, le coût de la modernisation des bateaux et l'augmentation du prix du gazole exigent de pêcher plus et plus loin pour tenter de rentrer dans ses frais. De l'autre, la diminution des ressources et la limitation du nombre de jours passés en mer se traduisent par une réduction des prises, avec des conséquences économiques et sociales douloureuses. Or les crédits consacrés à la restructuration et la modernisation de la flottille diminuent de 28,5 %. Il s'agit pourtant de la sécurité de nos marins, qui payent déjà un lourd tribut !

Nous déplorons la diminution des sommes allouées aux caisses de garantie chômage, intempéries et avaries. Le gazole représente aujourd'hui 30 % à 40 % du budget d'une campagne de pêche : si la facture énergétique augmente, les parts de l'équipage baissent d'autant. Aujourd'hui, les marins-pêcheurs peuvent gagner entre 600 et 1 000 euros mensuels, soit un niveau proche du seuil de pauvreté...

Pouvez-vous nous préciser le financement et le calendrier des mesures annoncées par le Président de la République ? Quid du plan de modernisation des moteurs, de la répercussion du prix du gazole sur le prix du poisson à l'étal ? Nous sommes sceptiques sur l'efficacité des exonérations de cotisations. Le secteur va trop mal pour se contenter de demi-mesures : il faut une réforme d'ampleur qui traite de la sécurité, des effectifs, du prix du poisson.

A l'issue du Grenelle de l'environnement, vous avez ouvert les Assises de la forêt qui visent à favoriser la production forestière durable. Mais une politique sans budget n'est guère efficace... Le document budgétaire prévoit que la politique forestière repose sur l'équilibre entre trois grandes fonctions -écologique, sociale et économique- dans une perspective de développement durable. Nous en sommes loin : 71 % des crédits représentent des dépenses de fonctionnement, en raison du versement compensatoire à l'Office National des forêts. Pour atteindre le niveau des années 1980, cette subvention devrait d'ailleurs être réévaluée de 70 millions...

Si l'on soustrait cette somme, les crédits du programme forêt sont en baisse. Les investissements de l'État restent trop timides, notamment pour la forêt privée. Il faut pourtant encourager la filière bois, afin d'exploiter au maximum ce merveilleux patrimoine, et évaluer véritablement la ressource forestière. La sous-exploitation et le mauvais entretien des forêts posent un problème environnemental : une forêt qui n'est pas exploitée et ne peut se régénérer est une forêt en péril. C'est pourquoi l'État doit s'engager plus fortement.

Une gestion forestière durable exige un personnel en adéquation avec l'importance des missions. Or, votre budget prévoit une diminution des effectifs de l'ONF, avec le non-remplacement des départs à la retraite. L'établissement continuerait à supprimer des postes en 2008, alors que le produit du domaine atteindra en 2007 son niveau le plus élevé depuis 1999 !

La forêt est un atout social, environnemental et économique. La reprise du cours du bois ne doit pas faire oublier la fragilité d'une filière qui reste peu rentable et faiblement intégrée. L'industrie papetière est étranglée par sa facture énergétique, la fermeture des gares de fret porte un coup très dur à la filière.

La pêche et la forêt jouent pourtant un rôle essentiel en matière d'aménagement du territoire, et aux plans social et économique. Les questions environnementales ne peuvent être exclues de l'approche politique. Cependant, les crédits alloués pour 2008, mal répartis, sont trop timides pour répondre honnêtement aux objectifs affichés. Nous ne pourrons voter ce budget. (Applaudissements à gauche)

M. Georges Mouly. - Je salue les efforts en faveur de l'agriculture, de la pêche, de la forêt et du développement rural, mis en lumière par les interventions du ministre et des rapporteurs. Après les interventions très denses du ministre et des rapporteurs, je me limiterai à souligner certains problèmes que rencontrent les départements ruraux et montagnards.

Je veux croire que le financement de la prime herbagère (PHAE) et de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) ne posera pas problème. L'enveloppe attribuée en 2007 à la PHAE sera-t-elle suffisante pour servir les hectares primables ? Les contraintes administratives ne pourraient-elles être allégées dès lors que les taux de chargement et de spécialisation sont respectés ? Pour honorer les nouvelles demandes dans mon département, il faudrait un plafonnement à 80 hectares au lieu de 100. Peut-on l'espérer ?

L'ICHN est indispensable à la pérennité de l'agriculture en montagne. Les engagements pris en 2003 pourront-ils être tenus ?

M. André Lejeune. - On attend.

M. Georges Mouly. - Le conjoint ne pourrait-il être reconnu par l'octroi d'une indemnité compensatoire de handicaps naturels ?

Le plan de soutien à la production ovine comprend une aide complémentaire pour les éleveurs dont le taux de spécialisation atteint 50 % avec un troupeau de 150 brebis allaitantes minimum.

En Corrèze, les éleveurs ovins sont rarement spécialisés à plus de 50 %. Toutefois, je me fais l'écho à cette tribune du sentiment des responsables des fédérations agricoles qui voient dans ces mesures le début d'une réelle prise en compte de la crise ovine.

Pour lutter contre la fièvre catarrhale, Bernard Murat et moi-même proposons de réaliser les tests par mélange sanguin de cinq animaux pour accélérer les procédures et en diminuer le coût. Les éleveurs ne pourraient-ils pas, par ailleurs, effectuer les vaccins eux-mêmes ?

Les crédits de modernisation seraient, dit-on, réduits à la portion congrue. En fait, parmi les nombreux axes d'intervention possibles, ceux qui peuvent bénéficier d'un effet de levier grâce aux financements communautaires ont été privilégiés, comme la modernisation des exploitations et la politique d'installation.

Fin août 2007, environ 160 dossiers de demandes de subventions pour les bâtiments d'élevage étaient en attente de financement alors que les crédits de paiement sont en augmentation. Les subventions allouées dorénavant obéissent-elles aux mêmes critères que précédemment ? Dans le cas contraire, les agriculteurs qui ont bâti leur plan de financement sur les bases connues seraient en difficulté, et cela handicaperait encore davantage les départements où les petites exploitations dominent.

Les prêts bonifiés destinés à aider l'installation des jeunes agriculteurs ont enfin été mis en place, grâce à l'action de M. Barnier. En revanche, les crédits Agridiff dispensés aux exploitations en difficulté sont en diminution. Je ne peux imaginer que vous laissiez sur la route les agriculteurs touchés même si la MSA a aussi un rôle à jouer.

Pour ce qui est des retraites, nous avons connu des avancées sensibles depuis 2003, avec pour référence 75 % du Smic. Ne faut-il pas demander la suppression des minorations sur les revalorisations des petites retraites ? Certaines situations sont très difficiles. Les perspectives tracées par le Président de la République me font espérer que cette question évolue au mieux lors du rendez-vous pour les retraites en 2008. De même, pour la FFIPSA, dont la situation est catastrophique, le Président de la République a pris l'engagement d'un financement pérenne. Je souhaite enfin dire ma satisfaction de la place tenue dans mon département par le pôle d'excellence rurale.

A l'heure de la mondialisation, les questions ponctuelles trouvent difficilement leur place : la demande alimentaire s'accroît, ainsi que la préoccupation environnementale. Vous trouverez cependant en Corrèze des interlocuteurs sensibles à ces problèmes. Le Livre blanc y a été présenté il y a peu. « Avec lui -je cite- les syndicalistes du Massif central se positionnent fortement dans le débat européen. » Ils y proposent un projet refondateur pour une PAC plus lisible, plus efficace et plus équitable. A leur côté, monsieur le ministre, ma volonté et ma confiance vous accompagnent à la tête de ce grand ministère. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Nogrix. - C'est au nom de Jean Boyer que je m'exprimerai sur certains sujets et, au nom de mon collègue, je voudrais tout d'abord saluer votre présence, monsieur le ministre, à la tête de cet important ministère qui concerne l'ensemble de notre territoire, qu'il s'agisse du littoral, de la plaine ou de la montagne. Le Savoyard que vous êtes aura à coeur de défendre les intérêts des zones de montagne. Dans le Cantal, proche de la Haute-Loire -département du sénateur Jean Boyer- vous avez même revendiqué le beau titre de « ministre des agricultures ».

C'est au nom de l'une d'entre elles que M. Jean Boyer veux s'exprimer, par la voix d'un élu breton... La montagne ne demande pas de privilèges, mais simplement la parité. Nous savons tous quelle est la place de l'agriculture dans notre pays, et les mutations successives auxquelles les agriculteurs doivent faire face. L'agriculture occupe, en France et dans le monde, une place majeure dans le défi alimentaire mondial : il faut nourrir sept milliards d'habitants aujourd'hui, neuf milliards en 2050. Le difficile contexte budgétaire actuel impose de fixer des priorités, mais vous avez su, monsieur le ministre, faire entendre la voix de l'agriculture de notre pays. En témoignent votre mobilisation permanente et l'information et que vous diffusez par courriel à nos permanences. Nous vous remercions pour cette attention.

Connaissant votre attachement aux problèmes de la montagne, je souhaite attirer votre attention sur cette agriculture spécifique qui mérite un soutien permanent. Elle souffre de problèmes de trésorerie et d'un manque de lisibilité de l'avenir, que ce soit pour la filière bovine ou ovine, sans oublier la filière porcine. Elle ne demande rien d'autre qu'une parité, de l'équité et une certaine égalité dans l'appréhension de ses difficultés et de ses handicaps, comme la collecte du lait en toute saison et par tout temps, les normes et la spécificité des bâtiments d'élevage, les mesures agro-environnementales particulières, la multiplication des contrôles... Et un impondérable vient aggraver la situation déjà fragile de nos exploitations : le prix du baril de pétrole, qui hypothèque tous les jours un peu plus le revenu de nos agriculteurs. Avons-nous véritablement la volonté de mettre en place une filière de biocarburants ? Cette option est à encourager même si on ne peut en attendre des miracles. L'un des blocages actuels ne serait-il pas la filière fiscale, qui se caractérise par une trop grande production normative et administrative ? Sommes-nous prêts -se demande Jean Boyer- à répondre rapidement à ce projet déterminant pour notre indépendance énergétique et de nature à renforcer le pouvoir d'achat de nos concitoyens ?

Je profite de l'occasion pour rappeler combien il est important de favoriser l'installation de nos jeunes agriculteurs, mais aussi de permettre à ceux qui ont oeuvré durement une longue partie de leur vie de bénéficier d'une retraite méritée. Chaque année, se pose la question des préretraites dans l'agriculture car les dotations sont trop faibles. Des avancées ont été obtenues avec la retraite complémentaire obligatoire, mais au moment où l'on souhaite favoriser l'installation, permettons à ceux qui le désirent de partir à l'âge qui leur convient. La revalorisation de l'indemnité compensatrice des handicaps naturels (ICHN) est une nécessité absolue pour nos zones de montagne. La revalorisation de 50 % pour les 25 premiers hectares, mesure annoncée à maintes reprises et actuellement limitée à 35 %, constitue un véritable sujet de préoccupation. Les plafonds européens n'étant pas atteints, cette mesure permettrait de pérenniser le soutien à l'agriculture de montagne.

Pour le plan de modernisation des bâtiments d'élevage, les efforts accomplis ont porté l'enveloppe de 23 à 120 millions d'euros, dont 42 % pour la montagne. De 19 000 euros en zone de plaine à 32 000 euros en zone de montagne, cette aide offre une véritable bouffée d'oxygène. Cependant, dans le même temps, le nombre de bâtiments à financer a été multiplié par trois. Le succès rencontré par ce plan est incontestable, mais il trouve ses limites avec près de 10 000 dossiers en attente, soit plus de trois ans. Si une enveloppe complémentaire de 23 millions d'euros a été débloquée, portant la participation française à 75 millions d'euros, il est indispensable, pour ne pas créer d'inégalités, de solder l'ensemble des dossiers en attente, et dans des conditions identiques à celles en vigueur lors de leur dépôt. Nos agriculteurs en zone de montagne connaissent des coûts de construction plus importants et les prêts spéciaux de modernisation ont disparu. Pour ne pas laisser l'économie de montagne sur le bord de la route, le plan de modernisation des bâtiments est fondamental.

Jean Boyer souhaite également aborder avec détermination la question de la simplification administrative.

Cette simplification devrait faciliter la distribution des aides. Qui n'a pas rencontré un agriculteur qui a dû remplir d'innombrables dossiers pour finalement percevoir une petite aide ?

M. Paul Girod. - Le cas n'est pas rare. Comme c'est curieux...

M. Philippe Nogrix. - Rien ne sert de créer de nouveaux mécanismes de soutien si les tracasseries administratives, les contrôles et les réglementations entravent chaque jour un peu plus l'agriculture de montagne.

« L'avenir ne se prévoit pas, il se prépare ». Monsieur le ministre, en matière d'agriculture, vous appliquez parfaitement cette recommandation du philosophe Maurice Blondel ! (Applaudissements à droite)

M. Bernard Piras. - Ce budget de l'agriculture reflète clairement la politique du Gouvernement qui est fondée sur les effets d'annonce et qui est pleine d'incohérences, voire de contradictions !

M. Jean-Marc Pastor. - Eh oui !

M. Bernard Piras. - Ce secteur d'activité, pourtant stratégique pour nos échanges commerciaux, selon notre Président de la République, accuse une baisse de 4 % en euros courants. L'agriculture paierait-elle les cadeaux fiscaux de cet été ? (Exclamations au banc de la commission) Je n'ose imaginer la réaction de la droite sénatoriale si un gouvernement de gauche avait osé présenter un tel budget...

M. Charles Revet. - Allons, allons...

M. Jean-Marc Pastor. - C'est une réalité.

M. Bernard Piras. - Depuis que je suis sénateur, jamais un budget n'a été autant dénoncé par les organisations représentatives agricoles, y compris celles qui sont peu enclines à critiquer la majorité.

Pour moi, un bon budget n'est pas forcément un budget en augmentation. Mais celui-ci n'assurera pas la pérennité de notre agriculture et son orientation vers un meilleur respect de l'environnement. La baisse de 7,65 % du soutien aux territoires et acteurs ruraux et la diminution des crédits destinés aux mesures agro-environnementales sont le signe d'une politique d'abandon des territoires, politique confirmée par les décisions prises, entre autres, en matière de carte judiciaire. Il en va de même de la diminution des crédits alloués au renouvellement des exploitations et de l'enveloppe insignifiante consacrée aux prêts bonifiés. Mal préparer l'avenir, c'est commettre une faute politique envers l'agriculture et toute la ruralité.

L'insuffisance du soutien au développement du bio, le manque d'effort financier pour accompagner la mise en oeuvre de l'assurance récolte, chère à M. César, ou encore pour faire la promotion internationale des produits et du modèle français illustrent l'incohérence de ce budget.

J'en viens à l'enseignement agricole et aux retraites, dont les crédits ne relèvent pas de cette mission mais qui sont essentiels pour la santé du monde agricole. Nul n'ignore la qualité de cet enseignement, dont le taux d'insertion professionnelle atteint 85 %. Pourtant, cette année encore, le nombre de postes est réduit, la baisse étant plus marquée pour le public que le privé -45 équivalents temps plein dans le public, 29 équivalents temps plein dans le privé. Vous supprimez 100 heures d'enseignement par an et par classe, ainsi que le stage d'insertion de six mois. Monsieur le ministre, dans la région Rhône-Alpes que vous connaissez bien, neuf classes et quatorze postes d'enseignant seront supprimés à la rentrée 2008.

Je déplore que cette majorité n'ait pas poursuivi l'effort d'amélioration sans précédent qui avait été consenti entre 1997 et 2002 par le gouvernement Jospin en faveur des retraites agricoles. La situation, en dépit de nos alertes, s'est gravement détériorée depuis 2004 et le déficit du Fipsa est désormais abyssal. Les promesses du Président de la République n'ont pas été traduites dans cette loi de finances.

M. Jean-Marc Pastor. - Il s'en faut de beaucoup !

M. Bernard Piras. - Ce budget incite au pessimisme, car il ne prépare pas notre agriculture aux différents défis qu'elle devra relever. Un équilibre doit être trouvé entre la nécessité de garantir l'approvisionnement d'une population mondiale croissante à un prix raisonnable et le respect de l'environnement et de nos territoires. Monsieur le Ministre, au sein de l'OMC, il faudra défendre nos agriculteurs afin qu'on ne leur oppose pas des mesures de protection dont ils ne bénéficieront pas eux-mêmes. De même, au sein de l'Union, il faudra tirer dresser le bilan de la PAC pour préparer la réforme de 2013. En France, le bilan à mi-parcours est mauvais. Outre la disparition de milliers d'exploitations et la dégradation de l'environnement et de la qualité des aliments, les droits à paiement unique, que nous avions critiqués dès l'origine, ont été sources de profondes injustices entre agriculteurs, entre productions et entre régions. La France doit prendre des initiatives, à moins d'en être réduite à formuler des contre-propositions dans quelques mois.

Parce que ce budget suscite trop de déceptions et comporte trop d'incertitudes, nous voterons contre ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Paul Girod. - Monsieur le ministre, compte tenu de la foi que vous professez dans le grand retour de l'agriculture, je voterai ce budget. Pour relancer l'agriculture, avez-vous dit, vous avez besoin d'un grand ministère. C'est d'abord de grands agriculteurs dont vous avez besoin, me semble-t-il ! Or se développe aujourd'hui dans le monde agricole un certain désarroi. Plusieurs raisons à cela : la révision de PAC -vous avez eu raison de dire à vos collègues hongrois et italien qu'il fallait fixer les objectifs de la PAC avant de parler de ses moyens- et le Grenelle de l'environnement. En fait, les agriculteurs ont l'impression d'avoir été piégés.

Premier exemple : les surfaces cultivables. La Commission a décidé de mettre fin en partie au système des jachères, et le Gouvernement a annoncé le maintien de 3 % de couverture écologique. Or, l'augmentation des contrôles, dénoncée par M. Nogrix, est très mal vécue dans le monde rural ; espérons que l'amendement de M. Biwer permettra de trouver une solution. Parce que la France dispose de la plus grande surface cultivable par habitant en Europe, comme elle assume ses responsabilités dans le domaine de la défense, elle doit assumer les siennes, qui sont particulières, dans le domaine agricole et il serait dommage de gâcher cet atout.

Deuxième exemple : la recherche. En matière d'OGM, la France est victime d'une véritable terreur alimentée par des irresponsables auxquels on prête une oreille trop attentive. Résultat : nous ne sommes pas capables de produire des variétés autorisés ailleurs en Europe,...

M. Paul Girod. - ... les chercheurs français s'expatrient en Inde et aux États-Unis. Est-ce vraiment la meilleure manière de bâtir une agriculture moderne et de préparer l'avenir ? S'agissant des pesticides, nous nous orientons vers une réduction du nombre de molécules et les dernières réglementations européennes conduiront bientôt à l'impasse technologique. Les agriculteurs le savent et le sentent !

Et maintenant produire, mais quels produits ? Les ressources sur lesquelles se fonde la production dans notre civilisation se composent de deux éléments, l'un minéral, exploité par les mines, et l'autre organique, qui est double : la ressource agricole, qui correspond au cycle du carbone et de la lumière, et la ressource souterraine. Cette ressource venant à manquer, avec l'épuisement des nappes, la ressource agricole devra immanquablement la remplacer !

C'est à elle que l'on fera appel pour fournir cette matière organique à finalité industrielle, qui va entrer dans des matériaux composites de plus en plus nombreux. Une certaine concurrence est alors inévitable avec les cultures alimentaires. Raison de plus pour ne pas réduire la surface cultivée.

Et il ne s'agit pas seulement des biocarburants ; d'autres cultures vont devoir apparaître. Il faut s'y préparer. Or, notre politique dans ce domaine est incohérente. Ce n'est pas la première fois que les agriculteurs reçoivent des signaux contradictoires, mais il ne faut pas multiplier les stop and go comme disent les Anglais. Les betteraviers ont été incités naguère à acheter des quotas sucriers qu'ils doivent aujourd'hui revendre. Or, il y a un à deux ans, il n'était question que de l'avenir des biocarburants, qui sont aujourd'hui accusés de contribuer à l'effet de serre alors qu'ils recyclent le carbone de l'air, ce que les énergies fossiles ne font pas. L'agence pour la défense de l'environnement et la maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'Institut français du pétrole vont bientôt faire justice de ce procès sans fondement, mais la diminution de la détaxation, décidée ici, est un signe négatif et paradoxal. Alors que les investissements exigés sont très lourds, le secteur a besoin de perspectives sûres. On fait le contraire lorsqu'on revient sur des promesses dès l'année suivante. Je tiens à souligner que le prix de l'éthanol, lui, n'a pas augmenté ces derniers temps puisqu'il est fixé par un organisme d'État au Brésil, pays autosuffisant. Quelle politique suit la France ? En posant cette question, j'exprime une inquiétude partagée par de nombreux agriculteurs.

Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur : monsieur le ministre, j'ai beaucoup d'estime pour votre personne et votre action, mais il fallait exprimer à cette tribune le réel malaise de notre agriculture. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Gérard Le Cam.  - Ce budget de l'agriculture n'est pas très enthousiasmant. D'ailleurs, vous avez dit à la commission de l'Assemblée nationale qu'il était en très légère baisse et présenté dans un contexte délicat. Je n'ose imaginer ce qu'on aurait entendu au Sénat si un gouvernement de gauche avait proposé un projet semblable !

Certes, il est aisé de se réfugier derrière la dominante communautaire concrétisée par 9 milliards d'euros contre 5 versés par la France, ou de s'appuyer sur les contributions des collectivités locales apportées aux secteurs vitaux de l'agriculture, de la pêche et de la forêt.

Aujourd'hui, le poids de la dette offre un prétexte utile pour justifier les serrages de ceinture imposés aux plus modestes et aux classes moyennes, mais comme la moitié de la dette, soit 450 milliards d'euros, correspond aux cadeaux faits au grand patronat depuis vingt ans -sans efficacité réelle si l'on en croit la Cour des comptes-, l'argument mérite d'être relativisé.

Pour clarifier les perspectives, vous mentionnez trois rendez-vous majeurs : le Grenelle de l'environnement, la PAC et les renégociations à l'OMC. Commençons par le Grenelle de l'environnement. L'agriculture, acteur environnemental essentiel, est restée au milieu du gué. Ainsi, l'annonce tonitruante de réduction de 50 % des pesticides en dix ans est-elle aussitôt atténuée par la nécessité de trouver des alternatives. Va-t-on diviser par deux le volume des pesticides ou réduire leur toxicité environnementale ? Va-t-on modifier les techniques culturales ? Quels moyens de recherche seront alloués à l'Inra ?

L'agriculture biologique devrait utiliser 6 % des terres cultivées, contre 2 % aujourd'hui, et fournir 20 % de la restauration collective. Actuellement, les fournitures d'un repas bio au restaurant scolaire de ma commune coûtent 15 % de plus que pour un repas conventionnel. Je crains que les collectivités locales ne deviennent les vaches à lait de cette réforme. Quant au passage de l'agriculture conventionnelle à l'agriculture biologique, il ne sera guère encouragé par le doublement du crédit d'impôt en 2008.

Sur les OGM, la plus grande hypocrisie est de mise : après le gel de l'utilisation du maïs transgénique MON 810, le seul cultivé pour des raisons commerciales en France, nos concitoyens risquent fort de se réveiller, au lendemain des municipales par exemple, avec des semis en plein champ avec comme seule condition une certaine distance entre les cultures. Les semences transgéniques sont notoirement prêtes ; Monsanto n'attend que le feu vert du Gouvernement. Ni obscurantistes ni apprentis sorciers, les communistes condamnent cette démarche inutile et dangereuse qui assurera le monopole des grands semenciers sur l'agriculture, dans un pays où produire soi-même sa semence de ferme est un délit. Où allons-nous ?

Il y a peu, les agro-carburants semblaient la panacée en matière de revenu et de diversification, c'est aujourd'hui le grand flop, et l'on passe à la case deuxième ou troisième génération. Le bilan énergétique réel de ces productions, une fiscalité peu incitative et un déficit mondial en céréales et en lait sont passés par là. Ce vaste débat autour des agro-carburants aura au moins recadré les objectifs de l'agriculture, en faisant une priorité de l'alimentation de la planète. Nous estimons urgent de mieux valoriser la biomasse et de développer la recherche sur les carburants de l'avenir, notamment l'hydrogène.

L'objectif gouvernemental de produire 21 millions de mètres cubes supplémentaires de bois par an n'est pas assez contraignant dans le temps. Le seul moyen d'accélérer la production est d'accroître les moyens de l'ONF et d'adresser un signal significatif aux trois millions de propriétaires de forêts privées pour qu'ils s'engagent dans une démarche positive.

Ces quelques points relatifs au Grenelle de l'environnement et à l'agriculture montrent qu'une bonne idée peut rester lettre morte si on ne lui accorde pas les moyens financiers de son développement. Je souhaite que ce Grenelle sans sou ne soit pas dissous (sourires) dans quelques mois en vagues promesses.

Venons-en au bilan de santé de la PAC. Au nom des producteurs bretons de porcs, je vous remercie, monsieur le ministre, pour le déblocage des restitutions, conforme à la question écrite que je vous ai adressée le 5 novembre. Comme vous, nous voulons évoluer vers une PAC « moins libérale », « plus équitable, plus durable et réactive face aux crises et aux aléas du marché ». Vous éprouvez « la nécessité de développer des outils de stabilisation et de gestion des marchés agricoles » et de porter attention « à l'équilibre des productions et des territoires ». Nous sommes d'accord, car la PAC actuelle est aux antipodes de nos souhaits. Tout cela appelle un vaste débat pour définir les contours d'une PAC durable, solidaire et équilibrée. Nous sommes disponibles pour combattre l'aberration du découplage, pour mieux répartir les aides et empêcher les importations abusives, pour combattre la réduction des droits de douane et instaurer un mécanisme bonus-malus envers la grande distribution selon sa préférence communautaire, sans oublier des prix décents envers les producteurs et les consommateurs.

Les négociations à l'OMC forment le troisième élément de la situation présente. Elles semblent repoussées au lendemain des élections américaines, puisque le Congrès a refusé le 30 juin de proroger la loi dite « Trade Promotion Authority » qui autorise le Président des États-Unis à renégocier des accords. Il y a lieu d'être inquiet si l'on s'en tient aux déclarations de M. Pascal Lamy, directeur général de l'OMC, à la mi-juin 2007 : « Trois éléments sont essentiels pour la réalisation de l'accord intérimaires : le montant des réductions de subventions agricoles qui favorisent les échanges, le montant des droits de douane agricole et celui des droits de douane industriels ». Et M. Lamy a précisé : « Concernant l'ouverture des marchés agricoles, les Européens et les Japonais devront améliorer leur offre ». L'OMC reste donc fidèle à sa volonté de détruire les protections douanières pour livrer le marché mondial au libéralisme débridé.

A ce titre, le mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture (Moma) propose de pondérer l'ultralibéralisme des échanges mondiaux. Pour ce mouvement, l'agriculture est trop stratégique pour être posée en préalable à l'OMC, car seuls 10 % de la production industrielle font l'objet d'un commerce mondial. L'objectif est d'organiser des échanges qui profitent au plus grand nombre. De même, le Moma regrette que l'OMC considère tous les secteurs d'activité sans aucune distinction, alors que l'agriculture est une activité très spécifique, avec notamment une forte incidence sur les prix des écarts, même faibles, entre l'offre et la demande. Les objectifs de l'OMC doivent donc être revus de fond en comble.

Je souhaite enfin revenir à un sujet plus local : les nitrates dans les bassins versants bretons, plus particulièrement en Côte d'Armor. Où en sommes-nous ? Aurons-nous un bilan des mesures acceptées par les producteurs et de leurs conséquences ? Les dispositions qui pourraient s'appliquer au phosphore, qui semble emboîter le pas aux nitrates, inquiètent de nombreux agriculteurs. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est ?

Hier matin, des retraités agricoles m'ont exprimé leurs doléances -fort justifiées- à propos des retraites agricoles, alors que les promesses du candidat Sarkozy tardent à se concrétiser. Ils demandent 75 % du Smic net immédiatement, puis 85 %, comme pour les salariés, ainsi que la suppression des minorations sur les revalorisations de petites retraites, la réversion gratuite sur les points, la suppression de l'effet date 1997, qui provoque des inégalités, la revalorisation du point de la retraite complémentaire obligatoire, la prise en compte des carrières tous régimes confondus et l'attribution plus équitable de la bonification pour enfants. Je vous fais grâce des promesses du Président de la République, pressé de servir d'abord les plus riches en leur accordant 14 millions d'euros pris dans la poche des plus modestes.

À force de crises, de courses à l'agrandissement, de bas prix, d'importations abusives, de coups portés par l'OMC, la PAC et la dernière loi d'orientation, l'agriculture échappe aux agriculteurs. Cette situation la fragilise et la rend vulnérable aux choix financiers des grands groupes bancaires et des fonds de pension. J'avais imaginé mieux pour cette profession dont je suis issu, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire ! (Applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin.  - Au-delà des intérêts locaux qui animent chacun d'entre nous, l'agriculture n'est pas seulement une préoccupation sectorielle. Avec 800 000 exploitants ou salariés, notre pays conserve une forte tradition rurale et il est le second exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires -notre balance commerciale a bien besoin de cet apport ! Face au défi alimentaire mondial, il est important que l'agriculture française conserve les moyens de défendre ses positions et réaliser ses ambitions.

Le projet de loi de finances pour 2008 va-t-il dans ce sens ? Les crédits ne me semblent pas à la hauteur des objectifs, le budget de l'agriculture est fortement perturbé par des reports de charge, des gels, des redéploiements de crédits. Il en résulte une bien faible visibilité à moyen terme -et un manque de sincérité à court terme. Nous nous prononçons sur un budget qui ne sera pas exécuté conformément à nos votes !

Il est vrai que certains dispositifs sont victimes de leur succès, absorbant toujours plus de moyens : voyez les files d'attente que suscitent le plan de modernisation des bâtiments d'élevage, les contrats d'agriculture durable, les contrats territoriaux d'exploitation. La diminution des crédits en 2008 ne va rien arranger... Les moyens des offices agricoles, par exemple, sont continuellement sacrifiés. De même, puisque le monde agricole est très impliqué dans le Grenelle de l'environnement, est-il bien raisonnable de ne pas promouvoir davantage les programmes de modernisation, de maîtrise des pollutions ou de retenues collinaires ?

Les crédits aux exploitants en difficulté et le fonds d'allégement des charges connaissent une forte diminution ; l'assurance-récolte, dans sa forme actuelle, n'est pas suffisamment incitative. Facultative, la couverture n'est pas généralisée, loin de là.

Enfin, les retraités ont contribué tout au long de leur vie professionnelle à l'amélioration considérable de la productivité agricole et à l'enrichissement commercial de notre pays. Ils mériteraient un geste significatif : les pensions devraient être portées à au moins à 75 % du Smic. En effet, si l'agriculture française se porte bien sur un plan macro-économique, nombre d'exploitations sont assaillies par les difficultés. Or le budget 2008 n'assume pas la solidarité ni ne prépare l'avenir. Je ne l'approuve donc pas. Certes, la politique agricole a un volet européen essentiel. Les agriculteurs seront très vigilants sur les suites du bilan de santé de la PAC. J'espère, monsieur le ministre, que vous serez un porte-parole déterminé et volontaire pour défendre les intérêts de l'agriculture française. La commissaire européenne Mariann Fisher Boel se concentre trop sur le développement rural et ne se préoccupe pas assez de la volatilité des marchés. Ses propos ont inquiété les syndicats agricoles. L'objectif de la PAC doit être clair. L'agriculture, ce sont des hommes et des femmes qui ne demandent qu'à vivre de leur travail, tout simplement. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Biwer.  - Les agriculteurs sont encore plus de 800 000 à travailler la terre et autant de personnes sont employées dans le secteur de l'agro-alimentaire. Le Grenelle de l'environnement vient de s'achever. En 2008 aura lieu la révision à mi-parcours ou encore le « bilan de santé » de la PAC. Les assises de l'agriculture seront réunies. Une nouvelle flambée des prix du pétrole pèse sur les coûts de production agricole, les prix de certaines productions flambent. Hélas, cette nouvelle donne ne change pas grand-chose pour nos agriculteurs qui ne parviennent toujours pas à vivre du fruit de leur travail et remplissent formulaire sur formulaire, subissent contrôle sur contrôle pour obtenir les aides financières européennes. Quand ces contrôles seront-ils allégés ?

Et quand mettra-t-on fin à la confusion entretenue dans l'esprit des consommateurs ? Ce ne sont pas les augmentations des prix des céréales ou du lait qui expliquent la flambée des prix de détail ! Allez voir du côté de la transformation et de la distribution, mais le blé, par exemple, entre pour 7 % dans la composition du prix du pain, il ne saurait donc être tenu pour responsable des hausses de prix de la baguette !

La Meuse est un département d'élevage et de forêt. La filière bois constitue une priorité pour le Gouvernement. Ouvrant les assises de la forêt, monsieur le ministre, vous avez affirmé à juste titre la nécessité de mieux mobiliser et valoriser cette matière première : où en est le plan de reconstitution de la forêt ? Tous les dossiers meusiens pourront-ils être pris en compte ?

La fièvre catarrhale ovine -et bovine- touche désormais 65 départements français et de nombreux pays européens. Vous avez débloqué 200 000 euros pour mon seul département dans le cadre du soutien aux éleveurs. Vous envisagez de lancer une campagne de vaccination. Mais ne faut-il pas aussi modifier le système d'indemnisation ? Aujourd'hui, un veau de huit jours et un gros bovin sont valorisés au même prix !

Ironie du sort, après avoir lutté pendant des décennies -avec succès mais non sans dégâts pour les éleveurs- contre la surproduction de produits laitiers, voici à présent la pénurie. Il a été envisagé de relever les quotas de production : qu'en est-il ?

Les responsables de l'enseignement technique agricole sont préoccupés : les évolutions budgétaires pourraient mettre en cause certaines filières professionnelles agricoles. Pourriez-vous les rassurer, monsieur le ministre ? Les maisons familiales rurales continueront-elles à bénéficier de l'exonération de charges patronales ? Quant au prêt à l'installation, les jeunes agriculteurs éligibles sont nombreux, mais les crédits, insuffisants. Quand résorbera-t-on les files d'attente ? A l'Assemblée nationale, vous ayez rajouté 5 millions d'euros : ils seront vraiment les bienvenus.

Enfin, je vous ai récemment interrogé sur le niveau de la retraite complémentaire obligatoire, la réversion à 54 % du montant des points gratuits, la suppression des minorations appliquées aux revalorisations des petites retraites agricoles, etc. Et j'espère que le niveau minimum de la retraite agricole atteindra un jour un minimum de 85 % du Smic.

Les retraités agricoles comptent sur vous.

J'espère que vos réponses me conforteront dans mon souhait de voter votre budget. (Applaudissements au centre et à droite)

M. André Lejeune. - L'agriculture est indispensable à la vie et à l'équilibre de nos territoires ; elle est aujourd'hui confrontée à des difficultés économiques, sanitaires, climatiques croissantes. Le Président de la République avait semblé en prendre la mesure dans son discours de Rennes, en affirmant son ambition pour l'agriculture. Hélas, ses belles paroles ne se traduisent pas dans un budget en baisse de 4 % en euros constants et qui ne contient aucun signe encourageant pour la profession.

La gestion des crises n'est pas prise en compte. Les crédits destinés au financement de l'assurance récolte, même revalorisés de 2 millions, ne suffiront pas ; avec 32 millions, ils sont loin des 260 millions mobilisés par l'État espagnol. Le dispositif d'aide aux agriculteurs en difficulté est sous-doté, très en deçà des besoins. La dotation pour les prêts bonifiés régresse de 75 %. Le Gouvernement a-t-il encore la volonté de soutenir les agriculteurs ?

L'agriculture doit être de plus en plus compétitive tout en préservant l'environnement ; les exploitations doivent être modernisées. Là encore, le financement n'est pas à la hauteur. Le plan de modernisation des bâtiments d'élevage a connu un vif succès, les files d'attente sont loin d'être résorbées. Le taux de subvention et le montant subventionnable baissent ; c'est regrettable. Quant au PMPOA, il diminue de 3 millions.

Les mesures d'accompagnement à l'installation sont elles aussi insuffisantes, qu'il s'agisse des prêts bonifiés ou de la DJA. Il a fallu de fortes pressions de la profession pour que vous acceptiez à l'Assemblée nationale d'abonder celle-ci de 5 millions supplémentaires -mais il en manquera encore.

Les moyens destinés à améliorer la compétitivité régressent de même. Les crédits pour l'adaptation des filières sont qualifiés par la FNSEA de fantomatiques. La vente de l'immeuble de l'Onic ne doit pas faire illusion. Les crédits de promotion internationale baissent de 10 millions.

La dotation de la prime herbagère permettra seulement de renouveler les contrats déjà souscrits, ce qui est peu compréhensible au regard des conclusions du Grenelle de l'environnement. L'ICHN est reconduite, mais pour combien de temps ? Sa revalorisation de 50 % pour les 25 premiers hectares n'est pas au rendez-vous, contrairement aux engagements pris. Au total, c'est l'élevage le plus fragile qui sera sacrifié, alors que c'est lui qui participe le plus à l'aménagement du territoire et au maintien de la vie dans les zones les plus difficiles. Les éleveurs sont inquiets, notamment dans mon département de la Creuse. Beaucoup sont aux portes du dépôt de bilan.

Nos territoires ruraux ont droit à la solidarité nationale. Les agriculteurs veulent vivre de leur travail. Mais de 50 % à 80 % de leur revenu provient des aides nationales ou européennes, aides injustes au demeurant puisque 80 % du total va à 20 % des agriculteurs, favorisant ainsi une agriculture intensive au détriment de l'élevage, particulièrement dans le Massif central. Vous avez indiqué tout à l'heure que vous reverriez la question, il faudrait aller vite.

Quelle position le Gouvernement défendra-t-il lorsqu'il s'agira de réformer la PAC ? Que compte-t-il faire pour permettre enfin à nos exploitants de vivre dignement de leur travail ? Vos orientations budgétaires ne nous rassurent pas, qui confirment l'abandon de l'agriculture au marché et un certain désintérêt pour les zones les plus fragiles. Nous ne voyons aucun signe allant à l'encontre de la politique libérale de Bruxelles, aucun message d'espoir pour la profession, comme si le Gouvernement avait décidé de sacrifier des pans entiers de notre agriculture. Nous ne voterons pas ce budget de renoncement. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Vasselle. - J'ai beaucoup de questions à vous poser, monsieur le ministre, et d'abord celle-ci, fondamentale : quel avenir le Gouvernement et l'Union européenne réservent-ils à notre agriculture ? Faut-il encore encourager les jeunes à s'installer ? Peuvent-ils espérer vivre de leurs productions ? Quels outils de stabilisation et de gestion des marchés développera-t-on ? Comment concilier une agriculture dynamique et la préservation de l'environnement ? Comment nos dirigeants peuvent-ils imaginer que les agriculteurs peuvent vivre de leur travail quand le prix des céréales est à 90 euros la tonne tandis que les prix du baril de pétrole et de l'acier explosent ? Comment les salariés agricoles et les agriculteurs, qui travaillent déjà au maximum, bien davantage que les autres catégories, peuvent-ils gagner plus en travaillant plus, pour utiliser une formule en vogue ?

Prise entre la baisse des prix de vente et la hausse des coûts de production, la profession est dangereusement fragilisée à chaque aléa climatique, à chaque crise, alors que les importations de pays qui n'appliquent pas les mêmes normes qu'elle envahissent le marché. Où en sont les négociations de l'OMC ? Quel prix l'agriculture française et européenne devra-t-elle payer pour que les pays émergents puissent commercialiser chez nous leurs produits agricoles en échange de l'ouverture de leur marché à nos produits industriels ?

Qu'attendre du Grenelle de l'environnement ? Une pluie de nouvelles taxes ? Que deviendront les coûts de revient ? Certains se sont inquiétés de la flambée des prix des céréales, mais le prix moyen payé par les coopératives est à peine de 200 euros la tonne, soit 12 % en dessous de ce qu'il était dans les années 1980. De combien le coût de la vie a-t-il augmenté depuis ?

Quel salarié, quel fonctionnaire, quel professionnel libéral accepterait de voir ses revenus baisser de 30 % à 50 % sans compensation publique ? Quand les prix du pétrole augmentent, les sociétés de services aux agriculteurs les répercutent ; les agriculteurs, eux, ne peuvent pas le faire.

Il faut donc, comme vous le confirmez dans votre lettre du 27 novembre dernier aux parlementaires, exiger le maintien d'une grande politique agricole qui soit d'abord économique, en permettant d'assurer l'indépendance alimentaire de l'Europe et le développement équilibré et durable de nos territoires.

De même, est-il indispensable de disposer d'outils de gestion des crises.

Vous avez répondu à une part des préoccupations des éleveurs avec un plan sanitaire de grande ampleur mais nous restons sur notre faim sur les mesures économiques que le Gouvernement a l'intention de prendre pour aider les éleveurs face à la baisse des cours de la viande, qui avoisine les 27-30 %. Vous avez facilité nos exportations vers l'Italie mais les cours peinent à se redresser.

Tenez compte du fait que, dans le cas, fréquent dans l'Oise comme dans l'Eure, où l'élevage ovin est une activité secondaire, celle-ci permet cependant à un salarié d'en vivre. Que l'activité soit principale ou secondaire, elle devrait retenir l'attention du Gouvernement de la même manière.

J'aimerais, enfin, connaître le résultat de vos réflexions sur le FFIPSA. Quelles recettes nouvelles envisagez-vous, qui s'inscrivent dans une dynamique comparable à celle des dépenses ? Le problème de l'équilibre de ce fonds reste posé.

Pensant vous avoir posé assez de questions pour nourrir votre intervention, je vous remercie, monsieur le ministre, de votre investissement pour défendre l'agriculture française. Et je conclurai en bon paysan : vigilant et cependant confiant. (Applaudissements à droite et au centre)

La séance est suspendue à midi cinquante.

présidence de M. Philippe Richert,vice-président

La séance reprend à 15 h 10.

M. Daniel Soulage. - Voilà longtemps que ce budget n'a pas été présenté dans un contexte aussi favorable. L'envolée spectaculaire des prix des céréales tire les prix vers le haut : ils avaient, en juillet, augmenté de 38 % par rapport à 2007. Septembre a vu la hausse des prix des fruits et légumes, de la viande, des oeufs... Il est vrai que cette embellie sur les prix pèse sur le pouvoir d'achat, mais on ne peut en imputer la responsabilité aux agriculteurs.

Il y a donc lieu de se réjouir pour l'agriculture, mais sans oublier la prudence. L'envolée du prix des céréales tient à la conjonction de plusieurs facteurs, économiques et climatiques, mais elle résulte aussi pour partie de la spéculation, et les choses peuvent donc s'inverser.

S'appuyant sur cette conjoncture favorable, la Commission européenne a engagé la révision, à mi-parcours, du bilan de la PAC, mais reste dans le même temps réticente à mettre en oeuvre des mécanismes de gestion des risques. La feuille de route présentée le 20 novembre par Mme Fischer Boel a ouvert un nouveau cycle de négociations qui doit conduire à une réforme annoncée pour fin 2008. On en connaît les principaux traits : quotas laitiers progressivement vidés d'effet, intervention limitée au blé tendre, jachère rayée de la carte, amplification de la conditionnalité des aides, plafonnement, modulation, accent sur le développement rural. Bref, on fait confiance au marché. Pourtant, des mécanismes de régulation sont nécessaires si l'on veut garder une agriculture productive. J'ai apprécié, monsieur le ministre, de vous entendre dire ce matin que l'agriculture ne peut se satisfaire du libéralisme absolu. J'espère que votre voix sera entendue.

L'agriculture est au coeur des défis de notre société : croissance, sécurité alimentaire, développement durable, indépendance énergétique. Mais sa fonction première est la satisfaction de nos besoins vitaux, qui doubleront d'ici à 2050. Elle justifie, plus que jamais, des outils de stabilisation des marchés adaptés et renouvelés.

La dernière réforme, avec le découplage des aides, a déjà produit des effets pervers. Je puis vous dire que si on l'appliquait à la lettre, il n'y aurait plus un seul prunier chez moi. Je me réjouis que le Gouvernement ait obtenu, pour les fruits transformés, et en particulier le pruneau, un dispositif transitoire qui permettra de passer de l'actuelle aide au kilo à une aide à l'hectare, à compter de 2008, s'accompagnant d'une exigence de présence et d'entretien des vergers. Au bout de la troisième année, un quart de l'aide sera découplé et donnera droit au versement de DPU.

Je salue votre engagement, monsieur le ministre, en faveur des cultures territoriales traditionnelles, qui font partie de notre patrimoine. Elles reposent sur un équilibre fragile que le découplage pourrait mettre en danger.

Le récent sommet de l'environnement, qui a indubitablement permis des avancées, ne doit cependant pas conduire à remettre en cause l'activité agricole conventionnelle. Certes, des progrès sont encore possibles dans l'utilisation des matières actives, mais la motivation des agriculteurs a déjà permis d'aller de l'avant. Reste que les intrants restent nécessaires à la productivité, sauf à choisir les OGM, mais c'est là un autre débat...

De même, je regrette que les crédits pour l'hydraulique soient aussi limités. Il ne peut y avoir d'agriculture sans eau et ces crédits sont, depuis des années, inférieurs aux besoins. En outre, ces aides entrent dans le cadre du programme de développement rural hexagonal et sont limitées aux retenues de substitution. Or, localement, des besoins existent pour l'adaptation au changement climatique ou pour le développement de nouvelles filières. C'est particulièrement vrai dans le Sud-ouest.

J'apprécie la hausse des crédits destinés à l'assurance récolte. Mais si l'on s'oriente -comme le préconise l'excellent rapport de Dominique Mortemousque- vers l'abandon du régime des calamités agricoles et vers une diffusion rapide de l'assurance récolte, de nombreuses questions restent en suspens. L'octroi d'une enveloppe limitée pose le problème de la capacité des assureurs à surmonter un événement de grande ampleur. Une réassurance demeure indispensable, de même qu'une meilleure couverture des productions les plus sensibles. Sans volontarisme, sans augmentation de l'assiette de primes de risques, il n'y aura pas d'essor de cette assurance en France. L'État espagnol a versé 260 millions au titre de l'assurance récolte en 2007. De même, l'articulation du Fonds des calamités avec l'assurance récolte mérite d'être repensée dans la perspective du prochain décret. C'est d'autant plus important que les enveloppes des dispositifs Agridiff et du Fonds d'allégement des charges sont diminuées.

De même pour les fruits et légumes. La dotation à Viniflhor a diminué de 40 % et devrait être en partie compensée par la vente du siège de l'Onic. Je partage complètement l'analyse du rapporteur spécial. Tout cela se traduit en région par une baisse importante, pour la filière fruits et légumes, de ses actions d'organisation économique, de recherche et de promotion. Les fruits et légumes ne bénéficient que de 3,7 % du financement communautaire agricole et leurs prix à la production n'ont pas connu de hausses similaires à celles des céréales et du lait. Pour ces fragiles productions qui ont besoin d'un soutien, les crédits ont été divisés par deux depuis cinq ans et il ne reste que 10 millions pour la communication collective. Au niveau national, votre ministère oeuvre pour la mise en place d'organisations de producteurs (OP) pour les productions importantes. J'insiste tout de même sur l'importance de l'échelon régional, le seul où l'on retrouve les responsables agricoles, l'interprofession au niveau national étant largement contrôlée par les différents représentants du commerce.

Je reviens sur la mission « Sécurité sanitaire ». Les éleveurs français d'ovins et de bovins sont confrontés à une épidémie de fièvre catarrhale durable et d'ampleur encore inégalée. Or le budget n'en tient pas compte et il ne comporte pas les crédits indispensables à la lutte contre cette maladie, ce qui fragilise encore davantage les finances de votre ministère.

Je salue l'excellent travail de notre collègue Joël Bourdin et de nos rapporteurs pour avis. Je souligne également, monsieur le ministre, la qualité de votre action, ainsi que votre engagement personnel sur des sujets qui nous passionnent et je salue votre initiative d'instaurer des Assises de l'agriculture pour préparer la position française sur le « bilan de santé » de la PAC en 2008. (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - Je souhaite la bienvenue à notre nouvelle collègue Jacqueline Dumas, qui remplace Philippe Goujon et participe pour la première fois à une de nos séances. C'est la soixantième sénatrice à siéger parmi nous et, même si ce n'est pas la parité, je salue cette avancée. (Applaudissements)

M. Paul Raoult.  - Nous sommes meilleurs que l'Assemblée nationale !

M. le président.  - Je lui souhaite la bienvenue dans cet hémicycle et au Sénat.

Mme Yolande Boyer.  - Je parlerai uniquement de la pêche. Ce débat intervient dans un contexte difficile dû à l'augmentation du coût du gasoil. Vous tentez, monsieur le ministre, après la visite du Président de la République au Guilvinec et ses engagements, de mettre en musique ce que le chef d'orchestre a proposé. (Sourires) Mais il faut compter avec les limites imposées par l'Union européenne et la fragilité de ce métier. Pour un marin pêcheur, rien n'est assuré : ni la météo, ni la ressource, ni le financement des bateaux, ni le prix du gasoil, ni la vente du poisson. Sans parler de la difficulté de recrutement. Combien de bateaux restent à terre, faute d'équipage ? Combien de chalutiers naviguent avec quatre hommes à bord au lieu des cinq règlementaires ? A cela s'ajoutent les difficultés de formation et la dangerosité du métier. Ce noir tableau correspond à la réalité et justifie une politique volontariste. Vous nous dites : le budget est stable, c'est un bon budget puisque, l'an passé, il avait doublé. Certes ! Mais il faut le comparer au budget de l'ensemble de la mission ainsi qu'aux fonds européens attribués à la France ! Il faut aussi analyser à quoi ont servi les fonds attribués l'an passé. Quel intérêt si l'essentiel sert à la casse des bateaux et qu'on constate, parallèlement, la baisse des sommes consacrées à la restructuration de la flottille ? Les crédits devaient faire vivre le plan d'avenir pour la pêche, présenté en juin 2006. Je constate qu'aujourd'hui peu d'actions sont en cours, en particulier sur la rentabilité des entreprises, qui est une urgence. Pouvez-vous, monsieur le ministre nous éclairer sur ce point ?

Le Fonds européen pour la pêche, mis en place pour la période 2007-2013, n'est toujours pas effectif. Or il est supposé soutenir les restructurations et faciliter la nouvelle politique commune des pêches. Dans le contexte actuel, nous sommes en droit de nous inquiéter. Qu'en est-il, monsieur le ministre ? Comment aujourd'hui, dans un contexte très libéral, permettre à une filière de vivre de façon pérenne ? Car il s'agit bien d'une filière : un emploi en mer en induit près de quatre à terre. Malgré une division par deux du nombre des bateaux de pêche en vingt ans, le volume capturé est resté stable, grâce aux gains de productivité. Si la France importe 80 % de son poisson, les 20 % restants de ce marché en expansion font vivre une filière sur tout notre littoral. Il faut maintenir le niveau d'activité de nos ports pour ne pas fragiliser les équipements et, par conséquent, notre pêche nationale. A cet égard, je salue l'esprit de responsabilité de mon département, le Finistère, et de la région Bretagne qui mènent une active politique d'accompagnement. Je note aussi que dans la crise récente, les collectivités locales et les chambres de commerce et d'industrie ont accepté de baisser les redevances portuaires. Dans ce domaine comme dans d'autres, l'État ne doit pas se désengager au profit des collectivités.

Il faut maintenir et moderniser la flottille, mener une politique de recherche et de développement afin de « pêcher autrement », ce qui permettrait de préserver la ressource et d'économiser sur les dépenses d'énergie. Un exemple : aujourd'hui, on compte, pour la pêche au chalut, deux litres de gasoil pour un kilo de poissons. Un chalutier qui navigue à dix noeuds utilise cent litres de gasoil, s'il navigue à 10,5 noeuds, il en utilisera 150 litres... Cela illustre bien la nécessité de naviguer autrement, la nécessité de prendre conscience, la nécessité de former pour pêcher autrement. Des mesures simples, de bon sens, s'imposent : par exemple l'installation d'économètres sur tous les bateaux, ou des contraintes concernant les chaluts. Mais cela prendra du temps et, en attendant, vous avez installé un groupe de travail qui étudie la possibilité d'une éco-contribution à répercuter sur le prix du poisson à l'étal. Une taxe de 1 à 2 % annonce-t-on. Mais jusqu'à quand le consommateur supportera-t-il ces hausses avec le pouvoir d'achat qui est le sien ? Le poisson va-t-il devenir un produit de luxe ? Cela n'est acceptable ni pour la santé des Français, ni pour le maintien de la filière. (M. André Lejeune le confirme) D'autre part, quelles marges de manoeuvre vous laisse l'Union européenne ? Le mécanisme proposé est-il compatible avec les règles communautaires ? Des évolutions structurelles sont indispensables ainsi que des techniques de pêche plus économes en énergie. Car pêcher autrement impose non seulement un nouveau regard sur la ressource mais aussi une valorisation de l'image du métier de pêcheur. Ce métier doit être attractif pour les jeunes. C'est un gisement d'emplois au service d'une filière orientée vers la qualité des poissons pêchés et la gestion durable de la ressource. L'État doit vouloir une véritable politique portuaire, qui s'inscrive aussi dans un véritable aménagement du territoire.

On ne peut se contenter d'annonces ponctuelles pour contrer la crise, alors que des mesures structurelles auraient dû être prises depuis longtemps.

Vous avez dit ce matin que le sujet était difficile, monsieur le ministre, mais que vous croyiez aussi en l'avenir de la pêche et de l'aquaculture, ce dont je me réjouis. Pourtant, même si ce budget comporte quelques mesures louables, certains retards nous font douter de la volonté réelle de constituer une filière pêche solide et durable. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Doublet.  - Les crédits de cette mission doivent répondre à l'enjeu majeur du défi alimentaire, défi pour la France, l'Europe et le reste de la planète. En effet, la population mondiale va continuer à s'accroître dans les prochaines années, augmentant les besoins agricoles. Ce défi est une immense chance pour notre pays dont le savoir-faire est partout reconnu.

Nous devons profiter de cette situation pour encourager le développement durable. Ce n'est qu'en favorisant la biodiversité que l'on répondra aux besoins de production et aux attentes de la société. Le Grenelle de l'environnement s'en est d'ailleurs largement fait l'écho et l'agriculture à été un thème majeur. Une des priorités est la biodiversité. Or, le programme « gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement durable » réduit certains crédits, comme ceux des mesures agri-environnementales (MAE). Des cultures en France et en Europe sont déficitaires, notamment le pois protéagineux et la luzerne, A l'heure actuelle, les crédits ne permettront pas de payer les contrats en cours. Qu'en sera-t-il des contrats arrivant à expiration ? En Charente-Maritime, 91 agriculteurs sont concernés. Cet outil doit être doté de moyens suffisants, d'autant que nous sommes à l'aube du bilan santé de la PAC.

Le PMPOA, dans le programme « gestion durable de l'agriculture », permet de limiter la pollution des eaux en accompagnant la mise aux normes des exploitations. Les engagements sont tenus mais les besoins restent importants, Certains agriculteurs ne peuvent bénéficier des soutiens nécessaires à la réalisation de travaux. Il faut donc les rassurer.

Transports et environnement vont devoir se réconcilier. La loi d'orientation agricole du 6 janvier 2006 a confirmé les objectifs du protocole de Kyoto. Nous devrons donc développer les bio et les agro-carburants de deuxième génération. Il convient donc de maintenir une fiscalité adaptée et d'encourager la préférence nationale. Il faut également augmenter le nombre de pompes d'éthanol. De plus, une évaluation rationnelle des performances est nécessaire, tant sur le plan énergétique qu'économique, Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le bilan environnemental que l'Ademe doit présenter au 1er janvier 2005, monsieur le ministre ?

A l'heure actuelle, le marché alimentaire connaît une situation très tendue en raison des aléas climatiques à répétition et de l'augmentation de la demande des pays en voie de développements Il ne faudrait pas que le recours sans contrôle aux agro-carburants provoque une catastrophe écologique majeure, d'autant que cette filière n'empêche pas aujourd'hui les exploitants de subir de plein fouet la flambée des cours du pétrole et de ses dérivés. Les agriculteurs pourront-ils bénéficier d'un remboursement de la TIPP de 5 centimes par litre, comme en 2005 ? Cela leur permettrait de rester compétitifs.

Les éleveurs ovins font face à une crise sans précédent. La baisse de leurs revenus est importante et leurs marges de manoeuvre réduites dans un secteur où la concurrence fait rage. En 2006, la région Poitou-Charentes aura perdu 20 000 brebis sur 600 000 et le revenu des éleveurs a été divisé par deux en trois ans. La capacité d'adaptation de la filière ne suffira pas à surmonter la crise. C'est donc son avenir qui est en péril. La situation des éleveurs bovins n'est guère plus enviable. Les cours poursuivent leur chute tandis que la concurrence étrangère fait rage et que la grande distribution casse les prix. Pour augmenter la consommation, il conviendrait de relever les cours, de réduire les prix de vente au détail et de soutenir sans faille la filière « viande française » en raison de ses efforts de qualité et de traçabilité. Ces deux filières d'élevage doivent sortir de la crise car il en va de la survie de nombre d'exploitations.

La hausse du prix du lait devrait se poursuivre. Toutefois, les professionnels estiment qu'il convient d'anticiper une baisse dans quelques années. Ils souhaiteraient que les provisions faites par les agriculteurs en prévision des mauvaises années ne soient pas soumises à l'impôt.

J'en viens à la viticulture, qui rencontre des difficultés. Le projet de réforme de l'organisation commune de marché (OCM), avec la libéralisation de l'étiquetage et la libéralisation des plantations, entrainera une surproduction, la chute des prix, une perte de valeur patrimoniale des terrains et la remise en cause des efforts qualitatifs. La permission d'utiliser du cépage serait catastrophique pour les vins de pays du Poitou-Charentes. Cette politique va à l'encontre de la viticulture française et européenne. La libéralisation des plantations est particulièrement risquée dans un contexte économique très tendu en raison de la surproduction mondiale de vins. L'arrachage définitif doit être encadré afin d'éviter la déprise de certaines zones géographiques. Il faut que le Gouvernement pèse de tout son poids dans les négociations pour que la mention « cépage » soit limitée aux vins à indication géographique.

Je me félicite que le Gouvernement ait maintenu l'aide aux jeunes agriculteurs et je me réjouis qu'il ait abondé les crédits. Il s'agit en effet d'un outil essentiel pour l'installation des jeunes. Cependant, je doute que ce soit suffisant. Compte tenu de l'annualité budgétaire, que se passera-t-il pour les jeunes agriculteurs qui s'installeront à partir de janvier ?

La réduction de la dotation globale horaire et les plafonnements d'effectifs entraînent une dégradation de l'enseignement technique agricole public alors que sa mission d'insertion professionnelle permet de développer les territoires ruraux et les diverses agricultures. Cette formation est indispensable pour les jeunes qui veulent s'installer ou reprendre une exploitation. Je sais, monsieur le ministre, que l'installation des jeunes est une de vos priorités. J'attire votre attention sur la conclusion des baux cessibles hors cadre familial, car peu de contrats ont été signés en raison des conditions exigées. Il faudrait améliorer les règles pour mieux répondre aux souhaits des exploitants. Quel est votre avis sur la demande de la Fédération nationale de la propriété privée rurale qui souhaite une modification de l'indice de fermages ?

Les petites retraites restent faibles : il faut augmenter le montant des prestations vieillesse pour les agriculteurs, et plus particulièrement pour les femmes et les veuves. Quels sont vos projets, monsieur le ministre, pour le rendez-vous de 2008 ? Les retraites pour carrières complètes pourront-elles atteindre 85 % du Smic ?

Bon nombre d'agriculteurs de mon département s'inquiètent des perspectives d'évolution de la PAC. Il faut la redéfinir afin de préserver notre indépendance alimentaire.

Sachant pouvoir compter sur nos agriculteurs pour relever les défis du XXIe siècle et ne doutant pas de la volonté du Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour les y aider, je voterai donc les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements à droite et au centre)

M. Paul Raoult.  - Pour la première fois depuis longtemps, on peut affirmer que l'agriculture et les agriculteurs vont mieux : l'augmentation du prix des matières premières a rendu le sourire à de nombreux exploitants.

Le renversement brutal des prix a surpris plus d'un expert et les responsables politiques français et européens. Depuis octobre 2006, les prix agricoles ont ainsi globalement augmenté de 15,9 %, mais les céréales bondissaient de 61 % tandis que les produits animaux se contentaient de 5,5 % Certains prix ont même continué à baisser comme les gros bovins, -1,5%, les pommes de terre, -16%, et la viande de porc a poursuivi sa dégringolade.

Ne nous laissons pas emporter par ces hausses et méfions-nous des lendemains qui déchantent. D'ailleurs, les paysans sont perplexes et ils craignent d'avoir affaire à un feu de paille. L'extension des surfaces agricoles et la suppression des jachères peuvent entraîner un retournement de la conjoncture. D'ailleurs, les prix agricoles amplifient l'état du marché : Il suffit d'une hausse ou d'une baisse mineure de la production pour que les prix flambent ou chutent. En fait, les prix agricoles sont, par nature, très volatils. L'évolution du prix du porc le démontre. La situation actuelle doit donc nous inciter à la prudence, d'autant que les fonds spéculatifs se sont emparés du marché : ils sont passés de 10 milliards en 2001 à 150 milliards cette année. Or ces fonds peuvent très rapidement se désengager si la conjoncture est moins favorable.

En second lieu, les coûts des intrants ont beaucoup augmenté : le fuel, bien sûr, mais aussi les engrais, le matériel agricole, les aliments pour bétail - on est passé de 135 à 240 euros à la tonne-, ce qui réduit les bénéfices d'autant. Ensuite, les hausses récentes des prix compensent à peine les chutes des années précédentes, sans compter les crises sanitaires successives qui ont touché les élevages. Aujourd'hui, l'extension géographique de la fièvre catarrhale est ainsi inexorable.

Elle a des conséquences financières désastreuses pour des élevages excellemment tenus ; 30 000 animaux ont été touchés dans l'Union européenne, d'où une hausse de la mortalité, une baisse de la production de lait, mais aussi des avortements et une moindre fertilité. Dans ma région d'Avesnois des agriculteurs sont dans une situation extrêmement difficile. Il importe de parvenir à une bonne maîtrise des mesures sanitaires : des dérogations éviteront la paralysie car il faut faciliter le recours aux abattoirs de proximité. Il convient aussi d'améliorer les trésoreries par des allégements de charge et de rembourser les sérologies. Surtout, il faut obtenir de Bruxelles la création d'un fonds d'intervention sanitaire. En attendant les vaccins au printemps 2008, il faut espérer que la providence nous amène une longue période de gel malgré le réchauffement climatique....

La collectivité nationale ne doit pas diminuer son effort pour l'agriculture ; il faut au contraire la conforter et trouver un meilleur équilibre en renonçant à la tendance à une intensivité qui se justifie de moins en moins. Gardons les outils de régulation, dont la suppression serait lourde de menaces. Dans le secteur de la betterave sucrière, par exemple, ne regretterons-nous pas la diminution des quotas et des fermetures d'usines ? La réflexion sur la suppression des quotas laitiers procède d'un libéralisme qui n'est pas acceptable car il débouchera sur la constitution d'énormes usines à lait et sur la disparition de petites et moyennes exploitations.

Assurer l'alimentation du pays constitue un objectif stratégique. Maîtriser le marché est impératif. Nous importons déjà 500 000 tonnes de viande et l'on parle du double... La chute du nombre d'agriculteurs ne saurait se poursuivre car le mouvement séculaire de concentration des exploitations est arrivé à un seuil critique : l'existence même de l'agriculture est en péril.

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Paul Raoult. - La France n'atteint même plus ses quotas laitiers, la collecte a régressé de 1,9 %, soit 600 000 tonnes de déficit. Il nous faut prendre en compte l'impact des évolutions...

M. le président. - Concluez.

M. Paul Raoult. - L'aide à l'installation est insuffisante. Mieux vaudrait accomplir un effort pour l'enseignement agricole. Même si je peux partager certaines de vos ambitions, je ne voterai donc pas ce budget. (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Barraux. - Je représente un territoire d'élevage. L'Allier est le deuxième département français pour l'élevage...

M. André Lejeune. - Après le mien !

M. Bernard Barraux. - et a le septième troupeau laitier. Aux portes de l'Europe cet été, la fièvre catarrhale touche désormais cinquante départements. Bien qu'elle n'affecte que les ruminants, elle inquiète les consommateurs et menace l'équilibre du secteur. Les conséquences sont dramatiques. Un grand nombre de broutards sont bloqués. Bien sûr, des autorisations ont été délivrées, mais il y a tellement de marchandise que les prix s'effondrent et que sur 100 000 broutards français attendant de partir pour l'Italie, l'Allier en compte 40 000.

Après l'ESB, la grippe ovine et la fièvre catarrhale : nous subissons les épizooties de plein fouet et la situation est très difficile. Le risque est accentué par l'augmentation des échanges à l'échelle de la planète car maintenant tout le monde va partout. Nos agriculteurs se posent des questions ou, plutôt, ils disent leur angoisse. Comment faire quand on ne peut répercuter la folle augmentation des matières premières ? La pérennité des exploitations est menacée. Pour être paysan, il faut avoir le caractère bien trempé et garder la foi. (Sourires et marques d'approbation)

On se sent un peu responsable et quand on se regarde dans la glace on s'interroge sur la politique agricole. Rappelez-vous cette époque où nous allions être emportés par un fleuve blanc. Trop de lait ? Il fallait se reconvertir ! On a juste oublié que cela ne se fait pas d'un coup de baguette magique - sauf Cendrillon mais elle s'était spécialisée dans la citrouille. (Sourires) Alors on a fait des céréales. Mais il y en trop. Mettons-nous plutôt aux jachères, et on va pouvoir rouler au biocarburant à base de céréales. (M. Revet approuve) Sauf que des céréales, il n'y en a plus, y compris pour le milliard d'êtres humains qui crèvent de faim et qui seraient bien contents de se mettre quelque chose sous la dent, même avec des OGM...

M. Charles Revet. - Et oui !

M. Bernard Barraux. - Car de ces discussions, là-bas, ils n'en ont rien à faire.

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, et sur la présidence française pour avancer sur toutes ces questions.

Au nom des anciens agriculteurs je veux exprimer toute ma reconnaissance à Jean-Pierre Raffarin. (Applaudissements à droite) Avec tous mes vieux copains, je veux vous dire, mon cher Premier ministre, un grand merci car avant vous, on s'était contenté de parler et c'est vous qui avez amélioré leur ordinaire.

M. Jean Desessard. - Maintenant, c'est la rupture !

M. Bernard Barraux. - Je remercie également le ministre de l'agriculture qui a prévu pour l'installation des jeunes 5 millions...

M. Jean-Marc Pastor. - Que c'est chiche !

M. Michel Barnier, ministre. - En plus !

M. Bernard Barraux. - Il y a dans mon propos un peu de vertu mais aussi de l'intérêt car s'il n'y a plus de jeunes, qui payera nos retraites ? (Applaudissements chaleureux à droite et au centre)

Mme Odette Herviaux.  - Malgré les discours du Gouvernement sur la nécessité de renforcer l'attractivité des territoires ruraux, les crédits destinés à les soutenir sont en baisse. Cette diminution, due en partie au transfert des crédits de personnel à un autre programme, n'en dessine pas moins une tendance inquiétante, au moment où les contrats de projets État-régions mettent en évidence la baisse drastique du volet territorial.

L'avenir des pôles d'excellence ruraux nous inquiète. Votre ministère ne prend en charge que 34 millions sur les 235 annoncés : cela risque d'entraîner un saupoudrage des crédits entre les 379 pôles labellisés, d'autant que les critères d'intervention sont très restrictifs, seuls les investissements matériels étant financés. Quid de la pérennité des subventions, quid de la solidarité et de la péréquation, garanties d'un aménagement équilibré du territoire ?

Notre priorité est de conserver dans nos campagnes un maximum d'exploitations et d'actifs agricoles. Or les crédits alloués à l'installation de nouveaux exploitants sont en baisse : moins 2,5 millions en crédits de paiement, moins 100 millions en autorisations d'engagement. Pourtant, les départs vont se multiplier, le nombre d'installations augmente dans certaines régions et les jeunes cherchant à s'installer sont plus nombreux que les cédants ! Dans son discours de Rennes, le Président de la République déclarait que la France a besoin de jeunes agriculteurs. Si je suis d'accord avec le ministre sur les objectifs, les moyens sont bien insuffisants... Comment éviter la concentration et la financiarisation à outrance des exploitations et encourager une agriculture dynamique, diversifiée, source d'emplois et respectueuse de l'environnement ? Dans ma région, 80 % des cessions vont à l'agrandissement tandis que de nombreux candidats, avec des projets souvent solides et innovants, se voient écartés faute de moyens.

Les jeunes agriculteurs peinent à obtenir des prêts bonifiés ; l'enveloppe 2008 sera insuffisante. Le Gouvernement s'est engagé devant les députés à amputer de 2 millions le programme « forêt », d'1 million le programme 215 et à redéployer 2 millions d'autorisations d'engagement au sein du programme 154 -preuve de la faiblesse du budget global. Se pose également la question cruciale de l'annualité budgétaire. Il faudrait assouplir le principe d'antériorité des autorisations de financement des DDAF, car tout retard dans les démarches risque d'entraîner des blocages et des reports. La dotation aux jeunes agriculteurs reste identique à celle de 2007. Enfin, je m'étonne que le cadrage du futur dispositif de simplification du parcours d'acquisition des capacités professionnelles ait déjà été annoncé, alors que l'expérimentation est encore en cours, notamment dans le Morbihan.

Je terminerai sur deux sujets qui fâchent : la découverte en Bretagne d'un champ de maïs génétiquement modifié, pourtant interdit en France (MDesessard renchérit) et l'indemnisation des éleveurs victimes de la dioxine. Dans ces deux cas, si l'on applique le principe du contrevenant responsable et du pollueur-payeur, les assurances privées, que vous prônez pour les aléas climatiques, permettraient sûrement d'éviter des dépenses supplémentaires à l'État. Encore faut-il pouvoir -et vouloir- trouver les véritables responsables.

Enfin, je vous remercie, monsieur le ministre, pour la rapidité de vos réponses et l'information constante et complète qui nous est transmise par vos services. (M. de Raincourt approuve) Nous ne voterons pas votre budget pour autant. (Exclamations à droite, applaudissements à gauche)

M. Charles Gautier.  - Et on craint le pire !

M. Gérard Bailly.  - Vous avez du faire des choix difficiles, monsieur le ministre, en donnant la priorité à l'enseignement et à la recherche, à la gestion des crises, à la sécurité alimentaire ou au développement d'une agriculture durable. Dans un contexte budgétaire contraint, nous apprécions d'autant plus l'effort supplémentaire de 5 millions consenti pour l'installation des jeunes agriculteurs.

Les aléas climatiques, le développement volontariste des biocarburants, l'évolution de la demande et des habitudes alimentaires dans certains pays ont fait flamber le cours des matières premières agricoles : c'est un renversement complet de tendance, avec une hausse spectaculaire du prix des céréales. A cet égard, la suppression des jachères est une bonne mesure.

La hausse du prix des aliments pour le bétail profite à certains agriculteurs mais pénalise les éleveurs, d'autant que le prix de vente des veaux s'est effondré. En tant que président du groupe d'études sur l'élevage, je serai particulièrement attentif au volet agricole de la réforme de la loi Galland. Les revenus des éleveurs vont être ponctionnés par le coût de l'alimentation complémentaire -notamment dans les zones de plateaux et de montagne- et de l'énergie. C'est pourquoi l'ICHN doit impérativement être relevée.

S'agissant de la modernisation des bâtiments d'élevage, je salue l'effort fait pour résorber les 8 000 dossiers en attente, ainsi que les 29 millions de crédits supplémentaires et les crédits communautaires débloqués. Il faut aussi prévoir les crédits de paiement nécessaires pour le PMPOA.

M. André Lejeune.  - Ils ont baissé !

M. Gérard Bailly.  - Les crises sanitaires se multiplient, avec de lourdes conséquences sur les revenus des éleveurs. Dernière en date, la fièvre catarrhale ovine touche également la filière bovine. Les pertes de production -lait, viande, avortement, infertilité-, difficilement évaluables, ne seront pas prises en charge. Les crédits prévus pour 2008 seront-ils suffisants pour financer les campagnes de vaccination, d'autant que cette maladie risque de toucher tout le pays et conduire à indemniser les éleveurs ?

La situation structurelle de la filière ovine est déjà très préoccupante. Chargés, avec M. Fortassin, d'une mission sur l'élevage ovin, nous avons pu prendre la mesure, lors de nos déplacements, de la grande détresse de ces éleveurs dont les revenus sont les plus faibles du secteur agricole. Les cheptels ovins sont passés de 12,8 millions de têtes en 1990 à 8,4 en 2006 : nous ne couvrons que 45 % de nos besoins.

M. Mortemousque nous signale qu'il ne reste plus que 54 000 brebis en Dordogne, contre 100 000 il y a dix ans. L'agneau du Périgord est en péril... La situation est plus dramatique encore en montagne, où il n'y d'autre palliatif que la friche.

Le Gouvernement a d'ailleurs pris des mesures d'urgence dans un contexte budgétaire difficile, notamment des reports sur les prises en charge de cotisations sociales. Mais celles-ci restent insuffisantes, la filière ovine a aussi besoin de mesures structurelles. Avec M. Fortassin, nous vous soumettrons dans quelques jours des propositions concrètes. Il faut notamment augmenter de manière significative les concours de la PAC à la filière, pour stopper cette véritable hémorragie -le mot n'est pas trop fort !-, sans compter que nos troupeaux subissent les attaques des grands prédateurs. D'où l'amendement que je présenterai visant à utiliser les 3 millions de crédits destinés initialement à financer la réintroduction des grands prédateurs pour soutenir le pastoralisme. Attention, la disparition de l'élevage ovin entraînerait des conséquences bien plus graves pour l'environnement que la disparition du loup ou de l'ours. Pour paraphraser le titre d'un rapport de M. Estrosi, entre prédateurs et pastoralisme, priorité à l'homme !

M. Charles Revet. - Juste !

M. Gérard Bailly. - Monsieur le ministre, vous avez répondu aux propositions que la Commission a faites pour aménager la PAC en déclarant que les aides devaient être réorientées non seulement en faveur des questions environnementales, mais aussi au profit d'une activité de production dynamique, dont le soutien à l'élevage ovin. J'approuve cette position, mais prenons garde à ne pas découpler aide et production, comme le souhaitent certains pays, d'autant que nos marchés sont porteurs !

Monsieur le ministre, je soutiens ce budget. Mais, une fois de plus, je veux rappeler moi aussi que les agriculteurs retraités attendent avec impatience la revalorisation de leurs retraites. Ce devra être une priorité dans les prochains budgets. Par ailleurs, sans une hausse de leurs revenus, nombre d'éleveurs se tourneront vers les grandes cultures dans les régions propices, cultures qui sont moins exigeantes en termes de présence ! (Applaudissements à droite)

M. Charles Revet et M. Jean-Pierre Raffarin.  - Bravo !

M. Jean Desessard.  - Mon collègue Jacques Muller, sénateur du Haut-Rhin, cloué au lit par une très forte fièvre, m'a demandé de le remplacer.

Le Grenelle de l'environnement a été l'occasion de constater les dangers d'une agriculture productiviste, que l'on a dopée à coups de crédits publics, pour s'engager résolument dans la voie d'une agriculture à haute valeur environnementale (HVE). En attendant, la réduction drastique des pesticides et le développement de l'agriculture biologique constituent d'excellents objectifs intermédiaires. Le budget doit traduire cette rupture attendue par nos concitoyens !

Il faudrait notamment faire de la « pollutaxe » sur les pesticides une taxe dissuasive selon le principe fondateur du développement soutenable, le principe pollueur-payeur. Cette méthode a fait ses preuves au Danemark où l'on est parvenu à réduire l'emploi des pesticides, dangereux pour l'homme et la nature.

S'agissant de l'agriculture biologique, les orientations définies dans le plan d'action ministérielle vont dans le bon sens. Mais quid des moyens ? L'objectif de 20 % de repas bio dans les cantines publiques est louable, mais l'enjeu est aujourd'hui de répondre à la demande croissante de produits biologiques. Avec des marges de manoeuvre réduites en raison des mauvais choix budgétaires de cet été en faveur des riches -8 milliards cette année, 15 l'an prochain !-, nous devons prioritairement concentrer notre action sur le soutien à la production biologique. Cela permettra de marquer des points sur plusieurs tableaux. Tout d'abord, la santé des utilisateurs de pesticides et des consommateurs -fruits et légumes comportent des taux de résidus de pesticides inquiétants- sera améliorée de même l'on respectera mieux l'environnement, et notamment les abeilles pollinisatrices La diffusion de techniques et de savoir-faire favorisera l'émergence d'une agriculture HVE, laquelle n'est pas biologique stricto sensu. Enfin, notre déficit commercial en produits biologiques sera diminué.

Hélas, en dépit des recommandations du conseil général de l'agriculture inspirées de l'expérience allemande et celles de la FAO, les mesures proposées restent timides. Une partie des 387 millions consacrés à l'adaptation des filières à l'évolution des marchés -on ne sait exactement laquelle- doit financer le développement de l'agriculture biologique. Mais l'objectif est de passer de 2,45 % à 2,55 % de la surface cultivée en agriculture biologique ! Cela en dit long sur l'ambition du Gouvernement ! Augmenter la part du biologique de 10 % en cent ans, c'est bien peu...

Les initiatives ne répondent pas aux enjeux en matière de production...

M. Jean Bizet. - C'est le marché qui fait la filière !

M. Jean Desessard. - ... pas plus qu'en termes de soutien financier. Le niveau du crédit d'impôt est insuffisant : nos voisins européens font deux à trois fois mieux. Au vrai, il faudrait financer, au-delà de la reconversion, le maintien. L'outil existe : ce sont les mesures agro-environnementales, mais les moyens qui leur sont consacrés en 2008 sont dérisoires.

La solution, dans un contexte budgétaire contraint, était de redéployer les 10 milliards de subventions européennes à l'agriculture que la France a décidé, sous la pression du lobby céréalier, de découpler et de lier aux droits à paiement unique. C'est le cas de 52 % des aides aux marchés et revenus agricoles. Ces aides sont calculées sur la base des primes compensatoires touchées par l'exploitant agricole entre 2000 et 2002. Ces primes, fortement élevées, -la prime à l'herbe s'élevait à 60 euros par hectare, la prime compensatoire pour le maïs irrigué à 490 euros par hectare- étaient censées compenser la baisse des prix garantis dans le cadre de la réforme de la PAC de 1993. En réalité, elles ont renforcé les plus grandes exploitations, les plus productivistes... Prime à l'hectare, prime au capital, donc prime à l'agrandissement des exploitations et à la destruction du monde paysan...

M. Alain Vasselle. - N'importe quoi !

M. Jean Desessard. - Avec pour résultat, la désertification de nos campagnes !

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Jean Desessard. - Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yann Gaillard. - 11 % des crédits de cette mission sont consacrés à la forêt, laquelle occupe pourtant 28 % du territoire. Ce rapprochement a une valeur toute relative... (Sourires) Quoique ! Il s'agit maintenant de donner des suites concrètes au Grenelle de l'environnement... Nous devons également tenir compte des dépenses fiscales en faveur de la forêt, de l'exemption de l'ISF sur les forêts privés et des fonds propres de l'ONF, soit en tout 321 millions. J'ai été quelque peu surpris que le rapporteur s'étonne des 144 millions de versement compensateur à l'ONF.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Je me suis mal exprimé.

M. Yann Gaillard.  - Monsieur le ministre, vous avez fait l'éloge du versement compensateur, qui finance le régime forestier dans les 11 000 forêts communales. Sans cette ressource, les frais de garderie payés à l'ONF dépasseraient les faibles moyens des communes, souvent très petites, et la forêt péricliterait alors que le pays en attend un matériau de construction et de l'énergie, la lutte contre l'effet de serre, la protection de la biodiversité, etc...

Serviteur de la sainte Lolf (sourires), je me réjouis que l'État ait, grâce à vous, respecté l'engagement pris à Épinal envers les communes forestières. Je ne reviens donc pas sur l'amendement de l'Assemblée nationale qui a supprimé en faveur des agriculteurs 2 millions d'euros initialement destinés aux investissements forestiers. De même, je me contenterai de propos allusifs sur la suggestion de retirer à la forêt 500 000 euros au profit des bâtiments d'élevage, en raison, nous dit-on, des échéanciers propres à ces bâtiments. Tout cela est second...

Dans ce débat fleuve sur l'agriculture, la forêt dispose de peu de temps. J'irai donc à l'essentiel. Avec M. Borloo, vous avez été un acteur majeur du Grenelle de l'environnement. Vous vous préparez à lancer des Assisses de la forêt, dont vous avez défini l'ambitieux programme la semaine dernière devant le Conseil supérieur des produits forestiers. Si l'on en croit M. Roman-Amat, notre forêt est menacée par le réchauffement climatique qui, d'ici un demi-siècle, aura modifié son implantation géographique, voire compromis la survie notamment du hêtre, du chêne pédonculé, de l'épicéa. Les contributions aux Assises s'élaborent déjà.

Se fondant sur l'accord quasiment historique entre les forestiers et les écologistes de France nature environnement, l'association France forêt vous a présenté trois jeux de fiches portant sur le climat et le développement économique, la biodiversité et l'adaptation de notre sylviculture. L'ambition affichée en faveur de la production forestière suppose une densité forestière accrue et une certification généralisée. Ayant fait vôtres ces orientations ambitieuses, vous avez constitué trois groupes de travail qui doivent vous remettre des propositions précises le 8 décembre.

Il va de soi que le présent document budgétaire est très en-deçà de ces perspectives. Votre communiqué du 21 novembre souligne le rôle essentiel de la forêt, qui « stocke chaque année autant de C02 que le volume que l'on demande à nos industriels de réduire dans leurs émission ». II faudra bien qu'une nouvelle étape s'ouvre dans l'action des pouvoirs publics : ne faudrait-il pas ressusciter l'ancien Fonds forestier national, qui fut un magnifique instrument au service de la forêt française ? Ne pourrait-il y avoir un programme européen, puisque le réchauffement climatique menace toutes les forêts d'Europe ? Vos fonctions antérieures et vos convictions européennes me font penser qu'une telle suggestion ne devrait pas vous laisser insensible. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Charles Revet.  - Ce budget ayant été excellemment analysé ce matin par les rapporteurs, je fais miennes leurs conclusions.

Je m'adresse d'abord au ministre de l'agriculture. La Seine-Maritime a été un très grand département sucrier. Aujourd'hui, cette culture est pratiquée sur 1 000 hectares, alors que le potentiel avoisine 60 000 hectares. Les betteraves relevant des quotas B, puis C ont longtemps été produites pour maintenir les entreprises en activité, malgré la modestie des prix. Cependant, la moindre production du Brésil notamment à fait remonter les cours mondiaux. Les agriculteurs sont prêts à produire plus, mais l'Europe s'y oppose !

M. Alain Vasselle.  - Des technocrates !

M. Charles Revet.  - Il faudrait revoir cette question, car un accroissement de la production serait également positif pour notre balance des paiements.

Ma deuxième question concerne la production laitière, car l'éventuelle remise en cause des quotas compromettrait la sécurité de ceux qui ont beaucoup investi. Dans quelle direction sommes-nous orientés ?

Maintenant, je parle au ministre de la pêche. Au cours des années 1978-1980, j'ai eu l'honneur de participer à la représentation française lors de la conférence internationale sur le droit de la mer organisée par l'ONU. J'ai appris que la France possédait la deuxième zone économique mondiale. (M. le ministre confirme) Notre potentiel est donc extraordinaire ! Or, les Français importent 75 % des produits de la mer qu'ils consomment. Il y a de quoi s'interroger...

Je vous remercie des décisions rapides que vous avez prises, avec le Président de la République, en faveur de la pêche côtière, victime du prix des carburants. Dans mon département, Fécamp est encore une grande ville de pêche côtière. Mais il faut aussi des mesures en faveur de la grande pêche.

Enfin, il faudra développer l'aquaculture, car la pêche ne peut satisfaire tous les besoins. Le potentiel est considérable. Je vous suggère d'organiser non pas un grand colloque -il y en a déjà beaucoup, qui font perdre trop de temps- mais une table-ronde afin de relancer la production. La situation actuelle est inacceptable !

Monsieur le ministre, nous sommes à vos côtés. C'est peut-être le moment de rebondir : comptant sur vous, nous voterons votre budget. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bernard Fournier.  - Présenté dans un contexte budgétaire contraint, ce budget préserve l'essentiel. Sans revenir sur les chiffres, fort bien commentés par les rapporteurs, je voudrais insister sur plusieurs points.

Tout d'abord, je me réjouis de la reconduction du remboursement partiel de TIPP et de taxe intérieure sur le gaz naturel au profit des exploitants agricoles, mesure très attendue par la profession. En revanche, les subventions du plan national « bâtiment » sont insuffisantes, et les prêts bonifiés ont quasiment disparu. La situation de certains jeunes agriculteurs est difficile, voire précaire. Vous avez pris en compte une partie de ces considérations, puisque nous avons appris, le 24 novembre, que vous aviez mobilisé des crédits complémentaires pour les prêts bonifiés et obtenu du Premier ministre une ouverture supplémentaire. Pouvez-vous confirmer que la région Rhône-Alpes recevra 1 850 000 euros et que vous travaillerez prochainement avec le Président des Jeunes agriculteurs à l'adaptation des prêts bonifiés en 2008 ?

M. Michel Barnier, ministre.  - Deux fois oui !

M. Bernard Fournier.  - Il en va de l'amélioration des outils et conditions de travail des exploitants, ainsi que de la difficile préparation de nos régions à la révision de la PAC, qui risque de fragiliser les agriculteurs. Par ailleurs, le projet réduit d'1 million d'euros le budget des préretraites et ampute de 50 % les sommes destinées aux agriculteurs en difficulté, alors qu'elles ne suffisent pas.

Deux points du budget social me semblent très importants. Le premier concerne la revalorisation des petites retraites, annoncée par le Président de la République pendant sa campagne, et très attendue. Je sais que le sujet vous tient à coeur, vous l'avez prouvez sous le gouvernement de M. Raffarin. Les efforts doivent être poursuivis.

Le déficit de la MSA atteindra 2,7 milliards en 2007, pour un cumul sur quatre ans de 8,5 milliards. Cette situation inquiète. On dit que les cotisations vont augmenter d'environ 2,4 %, alors que la compensation démographique régresse pour la quatrième année consécutive. La base de calcul doit être revue.

S'agissant de la gestion de l'eau, les crédits financent uniquement les retenues dites de substitution, alors que les professionnels souhaitent une relance de la politique de stockage. Les besoins sont très importants dans mon département et ma région, pour l'irrigation comme pour l'abreuvement du cheptel. Lors de la sécheresse de 2003, certains réseaux publics étaient en rupture. Une politique à long terme est indispensable, comme le soutien à tous les projets de retenue collinaires, qui sont écologiquement acceptables. Il importe avant tout de sécuriser les exploitations.

Je souhaite également relayer l'inquiétude des agriculteurs touchés par la crise porcine. La perte à l'animal atteint 33 euros, alors que Bruxelles refuse de remettre en place les aides à l'exportation.

M. Michel Barnier, ministre.  - La Commission vient de l'accepter !

M. Bernard Fournier. - Voilà qui me rassure.

Mon département est à 30 % couvert de forêt et compte 50 000 propriétaires forestiers. Je me réjouis de l'ouverture le 21 novembre des Assises de la forêt, dont l'objectif est de renforcer la production dans le cadre d'une gestion durable. Vous avez envisagé devant les députés un doublement en dix ans de la récolte commercialisée et insisté sur la nécessité d'une gestion soutenue. Je souscris à ces propos qui signent un choix économique, mais aussi écologique ; l'espace forestier est le plus grand réservoir de biodiversité du territoire, il préserve les sols, les ressources en eau, l'air, les paysages. Je regrette seulement que les normes européennes soient si contraignantes et pour cela difficiles à mettre en oeuvre. Le plan « chablis » continuera de bénéficier de cofinancements communautaires, c'est bien.

Vous avez tout notre soutien. Je vous remercie très chaleureusement de l'attention que vous portez au monde agricole et au développement de nos territoires ruraux. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Jacqueline Panis. - Je traiterai de la filière équestre, qui intéresse nombre de mes collègues et le groupe « cheval » du Sénat. Elle est doublement menacée au plan européen. La fin du monopole du PMU et l'ouverture maîtrisée des jeux en France inquiètent les professionnels d'une filière qui emploie directement 60 000 personnes. Est-il prévu qu'une partie des gains sur les paris lui soit reversée ? Ensuite, la Commission a mis en demeure les Pays-Bas et interrogé sept autres pays sur le passage du taux de TVA réduit au taux plein de la vente d'équidés non destinés à l'alimentation. Quelle est la position du Gouvernement sur un sujet lourd de conséquences pour la filière ?

Au plan national, pouvez-vous me confirmer l'application du bouclier fiscal à la filière et l'existence d'un crédit d'impôt pour l'acquisition et l'élevage de chevaux de sport de haut niveau ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Bizet. - Dans un contexte budgétaire contraint, vous avez dû vous contenter d'une enveloppe en baisse de 2,1 % en crédits de paiement. Je sais que vous avez opéré des choix stratégiques afin de privilégier les dispositifs les plus efficaces. La conjoncture est marquée par le prochain bilan de santé de la PAC et les Assises de l'agriculture auxquelles le Parlement sera associé. Ces rendez-vous permettront de répondre aux nombreuses préoccupations des agriculteurs : crises sanitaires à répétition, coût des céréales, hausse du prix du gazole, partage de la valeur ajoutée avec la grande distribution.

Bruxelles a émis le 20 novembre des recommandations pour la réforme de la PAC dont l'objectif affiché est de l'adapter à la flambée des cours mondiaux -celui du blé à Chicago s'est envolé de 58 % en un an et celui du maïs à Paris, de plus de 27%- en raison de l'explosion de la demande en Chine et en Inde. Le besoin de produire va durer au sein de l'Union, après des décennies de maîtrise : nos agriculteurs doivent se montrer réactifs.

L'approche de la Commission n'est cependant conforme ni aux traités, ni à l'esprit du modèle agricole européen. Une PAC fondée sur des aides totalement découplées ne saurait ni répondre aux attentes des citoyens, ni garantir la vocation exportatrice de l'agriculture européenne -l'excédent de notre balance commerciale est chaque année de 7 à 8 milliards d'euros. On ne peut transposer un modèle élaboré pour l'industrie ou certains services. La croissance démographique mondiale, le réchauffement climatique, la hausse des coûts de transport appellent une agriculture dynamique, pour répondre aux besoins des marchés européens et mondiaux. Je suis partisan d'une politique ambitieuse qui ciblerait davantage les aides directes, qui conforterait la vocation productive et exportatrice de l'agriculture.

S'il semble acquis que les revenus des agriculteurs seront demain davantage assurés par le marché, des garanties doivent être mises en place. Je me réjouis que l'assurance récolte soit dotée de 2 millions supplémentaires. L'excellent rapport de M. Mortemousque jugeait impossible la coexistence de deux systèmes concurrents, l'indemnisation publique et l'individualisation de la gestion des risque, et évoquait plusieurs scénarios reposant sur un engagement constant de l'État conjugué à une offre publique de réassurance. Le régime des calamités agricoles ne répond plus aux besoins des exploitants. La gestion des crises et des risques sera un thème majeur du bilan de santé de la PAC et de sa réforme au-delà de 2013. La France doit montrer le chemin, proposer une offre accessible à toutes les productions.

Je souhaite enfin que le soutien à la recherche et à l'innovation devienne une dimension essentielle de la PAC, favorisant l'émergence de nouvelles pratiques culturales, assurant à la fois une forte productivité et une gestion durable des ressources naturelles dans le respect de l'environnement.

Nous ne pouvons ignorer l'évolution technologique mondiale, au risque de créer une véritable distorsion de concurrence au détriment de nos agriculteurs. M. Fournier a souligné avant moi combien la crise porcine provoquée par le différentiel sur le prix du maïs, qui va du simple au double entre Europe et États-Unis, est en partie sous-tendu par le progrès des biotechnologies.

Vous savez quelle est, depuis plusieurs années déjà, ma position sur ce sujet. Il y a 50 ans, notre engagement dans la création d'hybrides nous a permis de multiplier les rendements de céréales par 10 ou 15. Je me réjouis de l'examen prochain par le Parlement d'un projet de loi sur les OGM et salue, monsieur le ministre, votre courage politique. J'avoue être plus sensible aux avis de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire ou de l'Afssa qu'à ceux du Commissaire européen. Au-delà du contentieux avec l'OMC, qui via le compte spécial a donné à l'Union européenne un sursis jusqu'en 2008, nous ne pouvons rester à l'écart.

Il est bon de prendre ne compte les données environnementales -le Grenelle en est une parfaite illustration- comme de poursuivre notre plaidoyer en faveur de la transformation du programme des Nations Unies pour l'environnement en une Organisation des Nations Unies pour l'environnement, pour en rationaliser la gouvernance et en renforcer l'autorité politique. Il est inacceptable que les pays avec lesquels nous commerçons s'exonèrent des exigences environnementales que nous nous sommes données. Je plaide, comme notre secrétaire d'État aux affaires européennes, pour une préférence communautaire qui serait synonyme de plus de réciprocité dans les échanges commerciaux internationaux.

Gardons-nous d'aborder l'échéance de 2008, comme le débat, déjà engagé, sur 2013, dans un esprit défensif, accroché aux schémas du passé. C'est animée d'un esprit ouvert, mais ambitieux, que la future présidence de l'Union européenne devra assurer la conduite de cette réforme délicate. Je sais, monsieur le ministre, votre expérience de la négociation et votre détermination.

J'insiste encore sur la nécessité de valoriser l'enseignement supérieur et la recherche agricoles, qui seuls assureront la compétitivité de notre production, et je salue l'augmentation de 2 %, dans un contexte contraint, des crédits qui leur sont consacrés.

Soyez assuré, monsieur le ministre, de mon entier soutien à ce budget et à la politique agricole du Gouvernement. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre.)

M. Jean-Paul Alduy. - Je me fais le relais des agriculteurs et des arboriculteurs de la méditerranée française, qui traversent une des crises les plus graves de leur histoire. Dans mon département, le revenu des viticulteurs a chuté de 40 % ; 10 % du vignoble, soit 2 500 hectares, sont voués à un arrachage définitif, mesure qui devait être qualitative, mais s'est transformée en mesure sociale. Nos paysages en sortiront meurtris, un patrimoine irremplaçable jeté à la décharge, l'équilibre écologique est compromis et les friches livrées à l'appétit des spéculateurs. C'est au développement durable, c'est à l'identité même de nos territoires que l'on s'attaque. L'arboriculture et l'agriculture maraîchère sont dans la même situation. Les producteurs sous serre sont dans la même situation, monsieur le ministre, que les pêcheurs : quand on sait qu'un hectare de serres consomme 20 tonnes de fuel par an, ce qui représente 30 % du coût de la tomate, on comprend qu'ils ont pris de plein fouet l'envolée du prix du fuel. Les maraîchers, soumis de surcroît à une concurrence internationale implacable, mériteraient autant que les pêcheurs de bénéficier de mesures de soutien.

Reste que nous allons de crise en crise, et de mesures conjoncturelles en mesures conjoncturelles. Or, à la veille de l'ouverture du marché méditerranéen, il nous faut des mesures structurelles pour faire baisser le prix de la main-d'oeuvre, moderniser les exploitations, soutenir les efforts collectifs de commercialisation, l'innovation et la recherche. Il faut remettre l'agriculture méditerranéenne au coeur du processus de Barcelone. Nous avons proposé la tenue d'un forum Euromed, pourquoi pas à Perpignan, pour ouvrir des pistes concrètes. Nos agriculteurs, nos arboriculteurs, nos viticulteurs ont besoin d'y voir clair. Ils attendent un courage sans faille du Gouvernement. Je sais, monsieur le ministre, qu'il peuvent compter sur vous. (Applaudissements à droite, sur plusieurs bancs au centre et au banc des commissions)

M. Raymond Couderc. - Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence, la semaine dernière, au salon international des techniques vitivinicoles. Vous y avez démontré votre soutien à l'agriculture languedocienne, votre attachement à promouvoir le plus grand vignoble de France. Vous y avez présenté les grandes orientations du plan de modernisation viticole dont le Président de la République vous a chargé. Vous avez également répondu aux inquiétudes plus immédiates sur les pré-retraites des viticulteurs, la question des arriérés de cotisations sociales pour certains ainsi que la pérennisation du dispositif de reconversion qualitative différée. Ils espèrent aussi des mesures d'exonération ou de report de la taxe sur le foncier non bâti, ainsi qu'une réponse au problème de la dotation DPU après arrachage.

La résolution de M. César sur la réforme de l'organisation commune du marché viticole, votée par le Sénat le 21 novembre, va dans le bon sens, les viticulteurs s'en réjouissent. Deux sujets, cependant, les inquiètent. Le premier est la mention du cépage et du millésime sur les vins sans indication géographique. Le Languedoc-Roussillon, première région européenne productrice de vins, a créé le vignoble français des vins de cépage autour du label « Vin de pays d'Oc », dont le succès commercial ne se dément pas. Cette dénomination, qui représente 90 % des vins de cépage français, privilégie la qualité et répond aux tendances internationales de consommation. Tandis que les vins du Nouveau Monde, et en particulier de Californie et d'Australie, adoptent une stratégie de montée en gamme via les indications géographiques, les vignerons du Languedoc-Roussillon déplorent que les propositions de réforme de l'OCM vitivinicole formulées par la Commission européenne rendent possible le cépage et le millésime sur les vins sans indication géographique. Il y a là un vrai danger de nivellement par le bas. Cette logique productiviste favorisera l'offensive des vins du Nouveau monde. Pourquoi porter atteinte à un segment de marché porteur de valeur ajoutée dans une région de monoculture viticole ? Le respect des pratiques traditionnelles qui y ont cours, comme la chaptalisation, recueille un appui unanime !

Je milite aux côtés de M. César pour la rédaction d'un cahier des charges très strict devant entourer l'élaboration de ces vins et demande au Gouvernement qu'il soit rédigé en étroite collaboration avec les professionnels des vins de pays d'Oc.

Le deuxième sujet d'inquiétude est la répartition de l'enveloppe nationale. L'équité doit prévaloir. Parmi les opérations finançables, l'action de restructuration des entreprises doit aussi concerner les 1 477 producteurs indépendants, dont les stratégies de production ne sont pas les mêmes que celles de nos 253 coopératives. Nous serons vigilants sur ce point. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.  - Une quinzaine d'entre vous ont évoqué des sujets sociaux. A cet égard, je veux rendre hommage à notre ancien Premier ministre, tout à l'heure présent dans l'hémicycle, Jean-Pierre Raffarin, sous le gouvernement duquel, en 2003, les retraites agricoles ont connu une grande avancée, si bien qu'aujourd'hui les revenus des retraités agricoles atteignent 75 % du Smic, avec l'institution de la retraite complémentaire obligatoire, le nombre d'annuité abaissé à vingt-deux ans et demi et la minoration pour année manquante à 4 %. Nous veillerons à ce que le sort des retraités agricoles les plus modestes, notamment des agricultrices, soit pris en compte lors du rendez-vous de 2008.

Cette année la dette de l'État vis-à-vis du Bapsa sera apurée en collectif. La loi de financement de la sécurité sociale permet désormais de financer la prise en charge partielle des cotisations d'agriculteurs en difficulté, sur le budget de la Mutualité sociale agricole.

Nombre d'entre vous se sont plaints du poids excessif des contrôles administratifs sur les agriculteurs. C'est la contrepartie des aides européennes, que d'assurer ainsi la sécurité sanitaire des produits et d'éviter les risques environnementaux. Les marges de manoeuvre sont donc réduites. Diverses mesures d'allègement sont cependant engagées et j'ai demandé à un ancien député, M. Simon, de me faire des propositions innovantes pour simplifier et mieux coordonner ces contrôles, tant pour l'agriculture que pour la pêche.

Ancien président du Conseil général de Savoie, je suis, plus que quiconque, convaincu de l'importance de l'agriculture de montagne, laquelle bénéficie d'un enveloppe importante. L'expérience de 2005 et 2006 montre que 42 % des crédits du Plan bâtiments bénéficient aux 28 % des dossiers issus des zones de montagnes. L'effort sera poursuivi en 2008 et l'aide à la mécanisation maintenue. Les prêts jeunes agriculteurs resteront bonifiés. Je veillerai à ce que la spécificité de la montagne soit prise en considération dans le bilan de santé de la PAC.

J'ai émis des réserves, monsieur Revet, sur la question des quotas telle qu'envisagée pour 2013. Il faut d'abord veiller à ce que cela ne conduise pas à un déménagement de notre économie laitière. D'où l'importance des quotas départementalisés.

L'ICHN est essentielle pour les zones défavorisées, notamment de montagne. Le budget est important et bénéficie à 100 000 exploitants. La majoration des 25 premiers hectares a été augmentée progressivement, ce qui a permis de doubler le montant unitaire par exploitation en dix ans.

Mme Herviaux a évoqué une baisse de 100 millions des autorisations d'engagement pour l'installation : c'est une erreur ; avant l'amendement de l'Assemblée nationale, la réduction était de 100 000 euros sur un total de 63,5 millions. Avec l'abondement du Sénat, nous dépasserons le niveau de 2007. L'installation des jeunes agriculteurs est une priorité : ils sont 16 000 moins de 40 ans à s'installer chaque année, ce qui prouve que la dynamique repart. En raclant les fonds de tiroir, j'ai pu trouver 20 millions, et je confirme à M. Fournier qu'il y aura bien 1,850 million pour la région Rhône-Alpes.

Sur le vin, je ne reviens pas sur ce que j'ai longuement expliqué lors du vote de la proposition de résolution de M. César. Je serai attentif à la dimension européenne du projet de partenariat euro-méditerranéen. Et c'est pourquoi je me déplace en Tunisie et en Lybie. Je veillerai aussi à ce que la question de l'étiquette et de la mention géographique ne pénalise pas les efforts des producteurs de vins de pays.

La réforme de l'OCM du sucre fera baisser de 14 % le quota de production d'ici 2010, ce qui entraînera une restructuration de notre industrie sucrière. Mieux vaut anticiper. Quelques fermetures d'usines sont prévues, qui seront accompagnées financièrement. Je veillerai à la pérennité de nos bassins betteraviers. M. Doublet a évoqué le rotationnelle, même si la souscription de nouveaux contrats est suspendue en 2008, le paiement des contrats en cours est évidemment assuré jusqu'à leur terme.

Il existe en France 12 000 producteurs d'agriculture biologique et nous voulons tripler les surfaces. C'est pourquoi j'ai engagé un ambitieux plan, proposé au Grenelle de l'environnement. Monsieur Desessard, entre le biologique et le productivisme, il y a l'agriculture durable ! Je m'occupe de la certification des exploitations et des budgets sont prévus pour la recherche, monsieur Bizet.

L'élevage ovin allaitant a besoin d'aides structurelles et d'un meilleur traitement de la part de la PAC. J'aborderai le sujet à l'occasion du bilan de santé.

En collectif, le Gouvernement propose de reconduire le remboursement de la TIPP. Nous souhaitons maintenir l'objectif de 7 % d'incorporation de biocarburant en 2010, en n'utilisant pour cela que 7 % de la surface agricole utile parce que la vocation première de l'agriculture est de nourrir. Je veux qu'on encourage davantage la recherche sur une deuxième génération de biocarburant qui permettrait de multiplier les rendements par cinq.

M. Le Cam et Mme Herviaux ont évoqué une affaire de culture d'OGM irrégulière en Bretagne. J'ai demandé à mes services de se mobiliser pour apporter leur expertise à la gendarmerie qui est d'ores et déjà saisie.

Concernant les OGM, les engagements pris lors du Grenelle de l'environnement sont respectés : la Haute autorité sera créée dans les prochains jours et le projet de loi relatif aux autorisations de mise sur le marché sera bientôt soumis à votre examen. En attendant, et conformément à la volonté du Président de la République, les cultures commerciales d'OGM sont suspendues.

M. Fournier m'a interrogé sur la crise porcine : j'y suis très attentif et j'ai saisi la Commission européenne qui a ouvert, en octobre, un régime d'aide au stockage privé à raison de 31,10 euros pour 100 kilos de carcasses et de 19,40 euros pour les poitrines de porc.

J'ai également débloqué 15 millions pour les ovins et 7,6 millions pour le veau de boucherie, monsieur Vasselle. M. Biwer a évoqué le montant des barèmes d'indemnisation pour les animaux morts à la suite de la fièvre catarrhale : ils se montent à 46 euros pour les ovins et à 228 euros pour les bovins. Pour 2008, je reverrai ces barèmes. M. Raoult a parlé avec beaucoup de sagesse de cette crise catarrhale : il s'agit effectivement d'un problème européen, puisque dix pays sont touchés, ce qui implique une réponse de l'Union. Dès juillet, j'ai demandé l'intervention de l'Europe et nous avons été le premier pays à lancer un appel d'offres pour un nouveau vaccin : nous aurons besoin, dans un premier temps, de 33 millions de doses.

Je ne reviendrai pas, messieurs Gaillard et Biwer, sur ce que j'ai dit concernant la forêt, mais je vous remercie d'avoir parlé des Assises de la forêt qui se sont tenues le 21 novembre et le financement des mesures retenues devrait être arrêté courant février. Un projet de loi viendra ensuite.

Je trouve, messieurs Piras, Lejeune et Le Cam, qu'en présentant ce budget, vous avez davantage justifié -difficilement- vos positions que procédé à une analyse réaliste.

Plusieurs sénateurs m'ont interrogé sur le plan « pêche » dont l'objectif est de redonner perspective et espoir à ces femmes et à ces hommes qui vivent dans des conditions extrêmement dangereuses.

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

M. Michel Barnier, ministre.  - Cette filière compte vingt morts par an, et je ne parle pas des blessés.

M. Charles Revet.  - Encore un mort la semaine dernière à Dieppe !

M. Michel Barnier, ministre.  - Ce plan concernera l'écologie, l'économie, le social et, bien sûr, la sécurité. J'ai rencontré dimanche les six marins pêcheurs rescapés du naufrage du « Mon Bijou » au cours duquel l'un de leur camarade est mort. Au court de notre entretien, ils m'ont donné une bonne idée : outre le vêtement de survie qui permet de flotter, il faudrait équiper tous les pêcheurs d'une balise, ce qui permettrait de localiser immédiatement un homme à la mer, même en pleine nuit.

M. Charles Revet.  - Très bonne idée !

M. Michel Barnier, ministre.  - S'agissant du Fonds européen pour la pêche, je précise à Mme Boyer que la Commission a approuvé notre programme opérationnel le 27 novembre. Il sera signé le 20 décembre, et donc applicable à cette date.

Mme Panis a évoqué une éventuelle ouverture des jeux en France et ses conséquences sur le PMU. Cette évolution ne peut être envisageable que dans le respect de certains principes car il est indispensable que le secteur des courses bénéficie d'une partie de ces recettes. Il faut, en particulier, préserver le retour financier à la filière équine, que nous soutenons avec le fonds Eperon. Concernant le régime de la TVA applicable aux équidés, la Commission a effectivement adressé une mise en demeure à la France. Je suis ce dossier de près, car toute remise en cause du taux réduit aurait des conséquences néfastes sur la filière.

Je vais utiliser le bilan de santé de la PAC pour proposer à mes collègues européens de définir des outils de régulation et de gestion des crises. Le marché viticole ne peut continuer à fonctionner dans de telles incertitudes.

En procédant à un redéploiement au sein du premier pilier, on pourrait traiter de façon plus équitable certaines filières de production comme le lait, les ovins, le bio et les fruits et légumes.

M. Adrien Gouteyron.  - Très bien !

M. Michel Barnier, ministre.  - A M. Vasselle qui a parlé de vigilance et de confiance, je répondrai, comme M. Bizet, que nous serons offensifs. Je vais travailler avec mon administration, à laquelle je rends hommage, pour que nous parvenions à une PAC durable, équitable et responsabilisante. Le Sénat sera associé à chaque étape, car j'ai besoin de vos conseils et de vos propositions. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bernard Piras.  - Et l'enseignement agricole ?

Examen des crédits

Article 33

M. le président.  - Amendement n°II-93, présenté par M. Emorine, au nom de la commission des affaires économiques.

Modifier comme suit les crédits des programmes (en euros) :

Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural

AE Majorer de 5 000 000

CP Majorer de 5 000 000

Forêt

AE Minorer de 2 500 000

CP Minorer de 2 500 000

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

AE Minorer de 2 500 000

CP Minorer de 2 500 000

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis.  - Avec M. César, nous souhaitons abonder le plan de soutien à la modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE) qui permet, depuis 2005, de mettre aux normes et de moderniser les bâtiments dans l'ensemble des filières animales afin d'accroître leur productivité et de mieux prendre en compte l'environnement.

Ce plan a été un vrai succès depuis son lancement, à tel point qu'une file d'attente est apparue : au 1er janvier, 5 800 dossiers attendaient d'être traités.

Le Gouvernement a donc abondé par deux fois la ligne de crédits prévue dans le projet de loi de finances pour 2007. Ces moyens ont permis de solder l'essentiel des dossiers en attente pour 2006 et 2007, mais les crédits prévus dans ce budget seront vraisemblablement insuffisants pour financer le reliquat des dossiers des années passées et ceux à venir. Il convient donc de majorer les crédits du PMBE.

Il est beaucoup question, ces dernières années, du bien-être animal. En modernisant les bâtiments, on améliorerait aussi le bien-être des éleveurs ! (Applaudissements à droite)

M. Charles Revet.  - Très juste !

M. Jean Desessard.  - Vous êtes contre le bien-être animal ?

M. le président.  - Amendement n°II-141, présenté par le Gouvernement.

Modifier comme suit les crédits des programmes (en euros) :

Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural

AE Majorer de 2 000 000

Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés

AE Réduire de 750 000

Forêt

AE Réduire de 750 000

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

AE Réduire de 500 000

M. Michel Barnier, ministre.  - Lorsque je suis arrivé en juin, j'ai trouvé sur mon bureau 9 000 dossiers en attente. Nous avons immédiatement débloqué 23 millions de crédits nationaux et autant de crédits européens. J'ai ensuite négocié un plan d'ajustement pour résorber cette liste.

Si je suis, comme vous, favorable à l'abondement des fonds destinés aux bâtiments d'élevage, je vous propose un schéma différent et qui a ma préférence.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Les deux amendements ont un objectif similaire mais celui du Gouvernement prend moins au programme « forêt » qui a déjà été écorné à l'Assemblée nationale. Je me permets donc d'inviter la commission des affaires économiques à s'y rallier.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.  - L'objectif de mon amendement reçoit un avis favorable du Gouvernement, aux arguments duquel j'ai été sensible. Je suis donc l'avis du rapporteur spécial.

L'amendement II-93 est retiré.

M. Jean-Marc Pastor.  - Améliorer les bâtiments d'élevage, cela fait l'unanimité. Mais pas si vous nous dites que pour cela, il faut retirer de l'argent à la forêt dont vous rappeliez ce matin qu'elle compense le gaz carbonique de l'industrie. Vous ajoutiez aussi qu'il y avait beaucoup à faire pour la biomasse. C'est pourquoi si nous sommes prêts à vous aider à chercher ces 5 millions ailleurs dans le budget, nous nous abstiendrons sur ces amendements pour laisser la majorité face à ses responsabilités.

M. Michel Barnier, ministre.  - Je pensais que vous auriez une attitude plus constructive. Ma proposition est raisonnable. Le budget de la forêt est de 300 millions et je ramène le prélèvement de 2 000 000 à 750 000 euros. J'ai recherché un compromis dynamique.

M. Charles Josselin.  - Ce matin, vous faisiez allusion à un article, « Agriculture is back ». Oui, le temps n'est plus où l'on remettait en cause la vocation exportatrice de la France au nom de la souveraineté alimentaire des autres pays -on sait aujourd'hui que ce n'est pas aussi simple que cela. On a commis une erreur majeure de prévision pour l'élevage et il manque un milliard de litres de lait à l'Europe et 100 000 vaches laitières à la France. Avec quels moyens relancer l'élevage ? Les amendements montrent votre inconfort et celui de votre majorité pour trouver des solutions dans ce budget. Regrettant cette pénurie budgétaire, nous nous abstiendrons.

L'amendement II-141 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-91 rectifié, présenté par MM. Mortemousque, César, Rispat et Darniche.

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement (en euros) :

Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural

AE Majorer de 2 000 000

CP Majorer de 2 000 000

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

AE Réduire de 2 000 000

CP Réduire de 2 000 000

M. Gérard César.  - La récente transcription d'une directive européenne oblige à déclarer les foyers d'influenza aviaire hautement et faiblement pathogènes. Les palmipèdes étant des porteurs sains, on détectera des foyers faiblement pathogènes. La filière s'inquiète des répercussions économiques, et notamment de la fermeture de certains marchés à l'export. Cet amendement contribuerait à la mise en oeuvre d'un plan de modernisation sanitaire et favoriserait les meilleures pratiques en démontrant notre volonté de respecter le principe de précaution. La précédente crise a coûté trop cher pour ne pas considérer ce plan dont la filière propose de prendre en charge 60 % et que les pouvoirs publics pourraient abonder de 2 millions l'an pendant trois ans. Il y a de nombreux investissements à financer grâce à cet amendement très important pour la filière, surtout à la veille des fêtes. Si nous n'agissons pas, pourra-t-on exporter du foie gras ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - L'objet de l'amendement ne fait aucun doute mais des crédits ne sont-ils pas inscrits au budget de l'office de l'élevage ?

M. Michel Barnier, ministre.  - L'objet est en effet tout à fait légitime. Un plan a été élaboré, dont le coût total est de 15 millions ; la filière attend que l'État apporte 6 millions sur trois ans. Ce plan est nécessaire et il doit être financé. Aussi l'est-il, peu--être pas à la hauteur de l'amendement, mais 1,5 million figure au budget de l'office de l'élevage au programme 227. Sous réserve de ces explications, je souhaite le retrait de l'amendement.

M. Gérard César.  - Il va manquer 500 000 euros mais c'est un début. Je souhaite que le budget 2009 nous permette de reprendre le dossier et de rattraper ce manque à gagner.

L'amendement II-91 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-37, présenté par M. Bourdin au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits des programmes (en euros) :

Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés

AE Majorer de 1 400 000

CP Majorer de 1 400 000

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

AE Réduire de 1 400 000

CP Réduire de 1 400 000

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Nous transférons une dotation symbolique au Fonds national de garantie des calamités agricoles, auquel il faut 80 millions par an, en prenant sur l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale.

Le projet de loi de finances ne prévoit aucune dotation de l'État -pourtant obligatoire- au profit du FNGCA. Cette non-budgétisation a de fâcheuses conséquences : en 2006, il a fallu abonder le fond de 98,5 millions, en puisant dans les crédits de la PMTVA, pour faire face aux conséquences de la sécheresse de 2005, conduisant l'Office de l'élevage à contracter un emprunt bancaire pour 78,23 millions. La PMTVA a également servi de variable d'ajustement en 2007, quand il a fallu abonder le fonds, par décret d'avance, de 82 millions.

La commission des finances fait cette mesure une question de principe. La suppression des crédits de l'Aficar ne devrait pas porter préjudice à l'accomplissement des missions essentielles du ministère de l'agriculture (M. César le conteste), cette agence ayant vocation à organiser des expositions itinérantes ou des colonies de vacances... Compte tenu de la relative disette budgétaire, le ministère devrait s'abstenir de saupoudrer des crédits au profit d'opérateurs dont l'utilité n'est pas évidente.

M. Michel Barnier, ministre.  - L'Aficar est une toute petite structure qui n'organise pas de colonies de vacances mais des opérations permettant aux jeunes enfants de découvrir les produits agricoles dans leur vie quotidienne, comme le jeu concours « teste ton agriculture » et le « train de la terre » qui a sillonné la France pour promouvoir une image dynamique de l'agriculture. Elle mobilise des crédits pour les opérations d'intérêt général de communication dont le monde agricole a besoin. Nous évaluerons ses initiatives de manière impartiale fin 2008.

Il faudra en effet remettre à plat le financement de la gestion de crise dans le cadre de la future PAC : j'ai reçu à ce sujet une commande précise du Président de la République, et nous travaillons, avec Mme Lagarde, à la généralisation de l'assurance récolte, pour doter notre pays des instruments de stabilisation et de protection nécessaires. Je ferai des propositions fortes, inspirées du Farm Bill américain, qui associe assurance privée et soutien des pouvoirs publics. Je me suis toujours beaucoup engagé sur la question des risques, que ce soit en tant que ministre de l'environnement ou que commissaire : comptez sur moi.

Je ne souhaite pas que l'Aficar soit sacrifiée : retrait ?

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.  - Je salue la rigueur budgétaire du président Arthuis et du rapporteur spécial : la commission des finances est dans son rôle. L'Aficar, créée par la loi développement des territoires ruraux, dont j'étais rapporteur, a eu beaucoup de mal à mobiliser les financements de l'État et de l'interprofession, et sa mise en place a été laborieuse. Elle est aujourd'hui présidée par M. Philippe Vasseur.

M. Charles Revet. - Très bien !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.  - Les responsables agricoles nationaux y tiennent. C'est pourquoi nous souhaitons le retrait de l'amendement.

L'assurance récolte existe déjà, avec 66 000 contrats au niveau national. Notre commission fera des propositions pour aller au-delà, vers une assurance aléas, prenant en compte les éleveurs. Cette assurance devra avoir une assiette très large et être rendue obligatoire ; elle supposera une participation financière du ministère ainsi que des fonds européens, dans le cadre de la réforme de la PAC.

Essayez d'aider l'Aficar !

M. Jean Arthuis, président de la commission  - Nos commissions sont comme toujours en parfaite synergie, mais nous sommes en discussion budgétaire : le développement durable prohibe le déficit public, car c'est sacrifier l'avenir au présent. (Sourires)

L'Aficar suscite quelque scepticisme, à l'image d'autres opérateurs de l'État. M. Bourdin avait ainsi mené une mission de contrôle des haras nationaux, dont les conclusions, diversement appréciées, ne semblent pas avoir été suivies d'effet. Il faudra sans doute redonner une couche...

La richesse de l'information mise à disposition du Parlement nous apprend que l'Aficar, mise en place en février 2006, a conduit en 2007 une première campagne dite « train de la terre », exposition itinérante sur l'ensemble du territoire, reconduite en 2008, ainsi que deux autres opérations en partenariat avec des centres de loisirs pour les enfants et adolescents ne partant pas en vacances. Bref, son action est assez diffuse... Nous retirons l'amendement, mais en vous appelant à une vigilance renforcée.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - D'accord pour le retrait, mais je demande au président de la commission des finances l'autorisation de mener un contrôle sur pièces et sur place à l'Aficar dès 2008.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - J'allais vous le demander.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial  - Non pas que je souhaite prendre le petit train itinérant... (Sourires)

M. Gérard César. - Quoique...

L'amendement n°II-37 est retiré.

Les crédits de la mission sont adoptés.

Le compte spécial est adopté.

Articles rattachés

Les articles 41, 41 bis et 41 ter sont adoptés.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°II-109, présenté par M. Biwer.

Après l'article 41 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur la simplification administrative et la réorganisation des contrôles dans le secteur agricole, dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi de finances.

M. Daniel Soulage.  - Il s'agit d'alléger les contraintes auxquelles les agriculteurs doivent se soumettre pour bénéficier des aides européennes.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Sagesse.

M. Michel Barnier, ministre.  - Favorable, le Gouvernement remettra ce rapport au Parlement.

L'amendement n°II-109 est adopté et devient article additionnel.

M. le président.  - Je remercie le ministre de son engagement pour l'agriculture, les rapporteurs ainsi que l'ensemble des orateurs.