La Poste (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales.

Rappels au Règlement

Mme Isabelle Pasquet.  - Mon rappel au règlement a trait à l'organisation de nos travaux. Hier soir, dans le feu du débat, notre collègue Gérard Longuet, président du groupe UMP, nous a affirmé qu'une grande société anonyme, la SNCF, assumait depuis plus de soixante-dix ans un grand service public. Il voulait nous démontrer que la nature juridique de l'entité assumant le service public ne préjugeait absolument pas de sa capacité à répondre à ses obligations. Cette affirmation a suscité quelque émotion. Reportez-vous à l'article 18 de la loi d'orientation sur les transports intérieurs : « Il est créé, à compter du 1er janvier 1983, un établissement public industriel et commercial qui prend le nom de « Société nationale des chemins de fer français ». Cet établissement a pour objet d'exploiter, selon les principes du service public, les services de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national ; d'exploiter d'autres services de transport ferroviaire, y compris internationaux ; d'assurer, selon les principes du service public, les missions de gestion de l'infrastructure prévues à l'article premier de la loi du 13 février 1997 portant création de l'établissement public « Réseau ferré de France ». Cet établissement est habilité à exercer toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à cette mission. Il peut créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes ayant un objet connexe ou complémentaire. La gestion de ces filiales est autonome au plan financier dans le cadre des objectifs du groupe ; elles ne peuvent notamment pas recevoir les concours financiers de l'État prévus au paragraphe Il de l'article 24 de la présente loi. Les modalités de gestion des autres réseaux ferroviaires ouverts au public sont fixées par des textes particuliers ».

Qu'une telle erreur ait été commise par un parlementaire qui fut, un temps, ministre de l'industrie, est assez regrettable.

En outre, l'article 19 de la même loi d'orientation précisait : « Les biens immobiliers dépendant du domaine public ou privé antérieurement concédés à la société anonyme d'économie mixte créée le 31 août 1937 sont remis en dotation à l'établissement public. Les biens immobiliers des autres réseaux de chemins de fer appartenant à l'État peuvent être remis en dotation à l'établissement public par décret en Conseil d'État, sans préjudice des droits d'exploitation qui auraient pu être accordés antérieurement. Les biens mobiliers antérieurement concédés à la société anonyme sont attribués en toute propriété et à titre gratuit à l'établissement public. Les biens mobiliers des autres réseaux de chemins de fer appartenant à l'État peuvent être attribués en toute propriété et à titre gratuit à l'établissement public par décret en Conseil d'État, sans préjudice des droits d'exploitation qui auraient pu être accordés antérieurement ».

La SNCF n'est donc pas une société anonyme mais un établissement public à caractère industriel et commercial qui s'est édifié sur la dissolution et la transformation d'une société anonyme. Il était juste de transformer la SNCF en Épic mais ce qui ne l'est pas, aujourd'hui, c'est d'accomplir le chemin inverse avec La Poste, que vous voulez transformer en proie future des spéculateurs financiers en réduisant le plus possible le capital de cette future société anonyme ! (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Je vous donne acte de votre rappel au Règlement.

M. Michel Teston. - Notre interlocuteur a changé : hier, nous avions affaire à M. Estrosi, qui a été peu agréable avec un certain nombre d'entre nous. (Exclamations à droite)

Il a annoncé qu'il allait si bien verrouiller le statut de la SA qu'il ne serait pas possible de la privatiser par la suite. Après ce qu'a annoncé M. Guaino, M. Estrosi aurait-il été désavoué par le chef de l'État ?

M. Roland Courteau.  - C'est certain !

M. Michel Teston.  - La présence de M. Mercier nous assure-t-elle que nous allons enfin avoir un interlocuteur avec lequel nous allons pouvoir dialoguer ? Nous connaissons la rondeur de M. le ministre et sa façon d'aborder les problèmes. Notre interprétation est-elle la bonne ? Il y a une telle cacophonie dans l'exécutif que l'on peut légitimement s'interroger sur ce qui se passe.

M. Daniel Raoul.  - Tout en espérant que la tonalité des réponses va changer, je tiens à faire quelques remarques sur ce qui s'est passé hier. Mes excellents collègues du groupe socialiste ont fait un travail remarquable, en particulier le chef de file M. Teston, mais je n'ai pas du tout apprécié certaines remarques et jugements de M. Estrosi

M. Alain Gournac.  - Il n'est pas là !

M. Daniel Raoul.  - C'est bien regrettable car je le lui aurais dit en face. Il a qualifié certains amendements d'inutiles. De quel droit le ministre se permet-il de porter un tel jugement ? Il est simplement invité à écouter notre assemblée. Qu'il laisse le Parlement faire son travail et se prononcer sur la valeur ajoutée des différents amendements.

En outre, un ministre doit garder une certaine dignité et neutralité vis-à-vis des parlementaires. Lorsque j'ai entendu M. Estrosi dire à un collègue qu'il n'était pas un homme d'honneur, j'ai été révulsé car ce sont des propos tout à fait déplacés.

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie.  - Il n'a pas dit ça !

M. Daniel Raoul.  - Mais si, il faut écouter, monsieur le rapporteur, cela a été dit en séance de nuit ! Je souhaite que ces propos soient en partie effacés par votre présence, monsieur Mercier, dont on a déjà loué la rondeur. Je suis persuadé que vous serez plus élégant et courtois que votre collègue. (Applaudissements socialistes)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Vous jouez la montre !

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.  - Je ne me vexe pas que vous me disiez que je suis un peu rond. Je suis là très temporairement, puisque M. Estrosi répond aux questions à l'Assemblée nationale.

M. Daniel Raoul.  - S'il le fait sur le même ton qu'ici !

M. Michel Mercier, ministre.  - Je reviendrai demain pour présenter les articles relatifs à l'aménagement du territoire. Ce projet de loi est porté par tout le Gouvernement et M. Estrosi en est plus particulièrement chargé, en tant que ministre chargé de l'industrie.

M. Daniel Raoul.  - Et pas M. Guaino ?

M. Michel Mercier, ministre.  - Ne soyez pas pire que ce que vous avez reproché au ministre, sinon tous vos arguments s'effondreront par votre faute. Je ne peux que vous inviter à la sérénité, au travail et à l'étude du texte ! (Applaudissements au centre et à droite)

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels avant l'article premier (Suite)

Mme la présidente.  - Amendement n°10, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France demande la renégociation des directives européennes de libéralisation du secteur postal.

Mme Évelyne Didier.  - Nous souhaitons que la France renégocie les directives européennes qui prévoient la libéralisation du secteur postal.

M. Josselin de Rohan.  - Jospin a mal négocié !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il s'est passé tellement de choses depuis.

Mme Évelyne Didier.  - Depuis l'adoption de ces directives, la crise est survenue et même certains de vos amis, monsieur de Rohan, ont compris que la libéralisation à tous crins n'était pas une bonne idée.

La Commission européenne a imposé une ouverture à la concurrence du secteur postal, contre l'avis de la France en 1997 et contre le Parlement européen qui, en 1997 et 2000, a tenté de freiner ce processus. En 2007, onze pays ont exigé un sursis, au moins jusqu'en 2013. Pour respecter l'avis des représentants des citoyens, nous demandons que soient renégociées la directive européenne de 1997 dite « directive postale cadre », qui définit un service universel minimum et introduit le principe d'une ouverture progressive du marché, celle de 2002, qui pose les étapes de la libéralisation du secteur, et celle de 2008 sur l'achèvement du marché intérieur des services postaux de la communauté, qui fixe au 31 décembre 2010 l'échéance pour la libéralisation totale.

Cette libéralisation a des effets désastreux et l'expérience des pays ayant ouvert ce secteur à la concurrence est probante. En Allemagne, les points de contact postaux sont passés de 30 000 à 13 000, et il est envisagé de les réduire à 5 000. En Suède, le taux d'accessibilité au service postal est un des plus mauvais en Europe. En Espagne, le service postal direct n'est plus assuré dans les zones rurales non rentables.

La Commission européenne et le gouvernement français tiennent un discours idéologique, au mépris des conséquences dramatiques de l'ouverture à la concurrence du secteur postal. Cette libéralisation est incompatible avec la réalisation de missions de service public comme l'application d'un tarif unique et égalitaire ou l'acheminement du courrier sur tout le territoire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nos collègues le savent dans leur village.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - S'il est un sujet sur lequel le Sénat s'est penché depuis quelques années, c'est bien celui-là. Il a émis un voeu, puis la France a obtenu, il y a un peu plus de deux ans, que l'ouverture totale à la concurrence ait lieu en 2011 et non en 2009. Votre demande n'est pas réaliste, d'autant que le traité de Lisbonne est ratifié depuis hier par tous les États membres. (Applaudissements à droite)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Nous n'allons pas remettre en cause ce qui peut être qualifié, pour reprendre l'expression de Guy Fischer, comme un joyau de la coproduction et de la cohabitation. Avis défavorable.

M. Michel Mercier, ministre.  - J'aimerais vous faire plaisir mais vous souhaitez renégocier toutes les directives depuis 1997. On ne peut tout refaire en un après-midi et, en vertu de la séparation des pouvoirs, le Parlement ne peut donner d'instructions au Gouvernement. (Applaudissements à droite)

M. Daniel Raoul.  - Et réciproquement !

M. Michel Mercier, ministre.  - Il revient à l'exécutif seul de conduire les négociations. Je suis obligé de donner un avis défavorable à votre amendement.

M. Michel Teston.  - Le financement du service universel postal est largement assuré grâce au secteur réservé, qui consiste en un monopole résiduel pour les plis de moins de 50 grammes. Pierre Hérisson et Michel Mercier ont évoqué la directive de 1997 : elle crée ce service universel, que le gouvernement de l'époque a sauvé car en juin 1997, après la dissolution, rien n'était garanti. Le gouvernement Jospin n'est pas responsable de la situation. (M. Roland Courteau approuve) Et le processus a été beaucoup accéléré en 2002.

Il n'est pas anormal de demander à revenir sur la suppression du service réservé. Face à la crise, de nombreux pays européens préféreraient maintenir ce système, qui est mieux adapté et plus sûr que celui proposé par ce texte. Vous le savez parfaitement : ainsi le rapporteur a qualifié d'usine à gaz le fonds de compensation qui s'applique déjà pour les opérateurs de téléphone fixe.

Nous soutenons la demande du groupe CRC. (Applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Pasquet.  - Les dispositions imposant l'ouverture des services postaux à la concurrence d'ici 2011 ont été entérinées d'une manière très contestable, sans véritable consensus et au mépris de la volonté des États et des peuples. En refusant de renégocier ces directives, le Gouvernement se rallie à la volonté de la Commission européenne et refuse de reconnaître les conséquences de l'ouverture à la concurrence sur la qualité des services fournis.

Quand le statut de France Télécom a été changé, il n'était pas question d'une privatisation. Treize ans après, l'État ne dispose même plus d'une minorité de blocage. La politique de la société est dictée par les impératifs du marché et les actionnaires. Les suicides des salariés harcelés et précarisés sont révélateurs des conditions de travail du personnel. (M. Roland Courteau approuve)

Le refus de renégocier les dispositions européennes et la volonté du Gouvernement de privatiser La Poste révèlent un projet politique et idéologique, pour la France et pour l'Europe, qui se construit par et pour le marché, l'entreprise et le profit, en ignorant l'impact du dogme libéral sur les conditions de travail des salariés et la qualité des services. Ces directives n'imposent aucun statut particulier aux entreprises. Hypocritement, le Gouvernement prétend le contraire. Si les besoins de financement de La Poste sont estimés à 3 milliards d'euros, c'est dérisoire au regard des sommes débloquées par l'État pour les banques : il les aide, elles qui sont à l'origine de la crise, et sacrifie les services publics... alors que les activités bancaires de La Poste sont, contrairement à celles des autres banques, soumises à des règles garantissant des missions de service public.

M. Daniel Raoul.  - Comme l'a relevé Michel Teston, la question du secteur réservé est fondamentale. Le Parlement n'a pas de consignes à donner au Gouvernement mais ce dernier doit quelquefois suivre l'avis du Parlement. Sinon, que signifie la coproduction dont il est tant question ?

Dans ma ville, le secteur réservé est déjà mis en concurrence par des entreprises qui distribuent des plis de moins de 50 grammes. C'est inadmissible. Demandez à Christian Estrosi de vérifier si ce secteur est bien réservé car sa survie est en cause. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°359, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement négocie au niveau européen une directive-cadre relative aux services d'intérêt général avant l'entrée en vigueur des dispositions portant transposition de la directive 2008/6/CE du 20 février 2008.

Mme Bernadette Bourzai.  - Nous tenons à rappeler que Lionel Jospin a exigé, lors du Conseil européen de Barcelone de mars 2002, que l'adoption d'une directive cadre sur les services d'intérêt général soit une condition sine qua non de leur ouverture à la concurrence.

Mais les gouvernements successifs depuis 2002 ne se sont pas sentis tenus par cet engagement. Pour relancer le débat, notre groupe avait déposé, il y a un an, une proposition de résolution européenne, débattue par le Sénat le 30 avril dernier. Celle-ci traçait les grandes lignes d'une directive cadre sur les services publics, dont l'existence aurait permis de maintenir le secteur réservé qui, s'il représente seulement 30 % de l'activité, n'en finance pas moins le service universel. J'ajoute que le groupe socialiste du Parlement européen avait, de son côté, élaboré un projet de directive qui n'a pas été, hélas !, débattu.

Pour rattraper ce temps perdu, proposons la création d'un poste de commissaire européen aux services publics -vous me rétorquerez que l'on ne commande pas à M. Barroso, c'est bien dommage !-...

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Bernadette Bourzai.  - ...et demandons à M. Barnier, s'il est effectivement nommé au poste important de commissaire au marché intérieur, de mettre prioritairement en oeuvre l'article 14 du nouveau traité et, donc, de travailler à l'élaboration d'une directive cadre sur les services publics que les socialistes, les syndicalistes et les citoyens européens... (Marques d'impatience aux bancs de la commission et du Gouvernement)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Et le respect du Règlement, qu'en faites-vous ?

Mme Bernadette Bourzai.  - ...appellent de leur voeux depuis de longues années.

Mme la présidente.  - Madame Bourzai, vous avez fait un large usage de votre temps de parole.

M. David Assouline.  - C'est pour compenser le temps que M. Hérisson n'utilise pas !

Mme Bernadette Bourzai.  - Cette directive cadre est, pour nous, un préalable absolu à l'ouverture à la concurrence et, en l'espèce, à la transposition de la directive 2008/6/CE. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Les auteurs de l'amendement font allusion à la proposition de résolution de Mme Tasca dont j'ai été le rapporteur en avril dernier. Le Sénat a alors considéré que la Commission européenne devait prendre des initiatives en vue de conforter les services d'intérêt général, mais qui ne devaient pas nécessairement prendre la forme d'une directive cadre. Avis défavorable, d'autant plus que les délais sont manifestement irréalistes avant l'ouverture à la concurrence.

M. Michel Mercier, ministre.  - Madame Bourzai, je vous donnerai une réponse identique à celle que je viens de faire à votre collègue il y a quelques instants.

M. David Assouline.  - Vous n'avez rien à dire !

M. Michel Mercier, ministre.  - Monsieur Assouline, ne commencez pas à interrompre dès votre arrivée ! (« Bravo ! » à droite)

Je ne peux pas accepter cet amendement qui relève de l'injonction au Gouvernement. Je vous ai entendus et je transmettrai au Premier ministre, mais puis-je vous rappeler que la transposition des directives européennes est une obligation constitutionnelle ? Le Conseil d'État l'a rappelé vendredi dernier en rendant une décision dans l'affaire « Perreux » sur les actions individuelles fondée sur une directive non transcrite en droit interne. Avis défavorable.

M. Martial Bourquin.  - Quel manque d'ambition ! (Sourires)

M. Robert Navarro.  - J'invite le Sénat à voter cet amendement pour combler le vide cruel qui existe dans la législation communautaire concernant les services publics. La présidence française aurait pu avancer sur ce sujet-clé...

M. Roland Courteau.  - Juste !

M. Robert Navarro.  - ...mais elle n'a rien fait. Monsieur le ministre, espérons que vous transmettrez notre message de façon efficace car l'élaboration d'un cadre juridique, pour laquelle nous militons depuis des années, est plus que jamais indispensable. Les règles du marché intérieur ne peuvent pas s'appliquer aux services publics. Les collectivités locales, les associations, les mutuelles et les syndicats en ont assez du flou juridique qui entoure leur activité et ce n'est pas à la Cour de justice des communautés européenne de le dissiper. Que le Gouvernement prenne ses responsabilités !

M. Jean Desessard.  - Je voterai pour l'amendement mais je n'ai pas très bien compris la position de notre rapporteur... Il nous a dit : « j'étais rapporteur de la proposition de Mme Tasca » et « aujourd'hui, c'est trop tard ». Donc, si je comprends bien, la proposition arrivait au bon moment. Monsieur Hérisson, qu'avez-vous fait après la discussion de la proposition de résolution...

M. David Assouline.  - Rien !

M. Jean Desessard.  - ...qui nous aurait dissuadés de déposer aujourd'hui un amendement ?

L'amendement n°359 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°263, présenté par MM. Desessard, Muller, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 1er janvier 2010, il est instauré une commission indépendante d'évaluation, composée de façon paritaire par des représentants de l'État, des salariés de La Poste, des associations d'usagers et de membres du parlement.

Cette commission est chargée de procéder à l'évaluation objective et contradictoire pour La Poste du coût précis du service postal universel et des obligations qu'il comporte ainsi que le montant de la perte de recettes qu'implique la suppression du secteur réservé.

Cette commission présente au Parlement les résultats de son évaluation avant le 1er janvier 2011.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Nous proposons une évaluation objective et contradictoire du coût du service universel et du montant de la perte de recettes qu'entraîne la suppression du secteur réservé par une commission indépendante et paritaire. Par cet amendement, nous voulons montrer que votre prétendue modernisation de La Poste procède, en réalité, du démantèlement en vous obligeant à sortir du flou et à préciser quel sera le coût du service universel lorsqu'il ne sera plus financé par le secteur réservé. Sur ce point, la directive européenne ne dit presque rien, le rapport Ailleret est quasi muet, le rapporteur mentionne pour l'opérateur un surcoût net de 1 milliard par an. Si les régions avaient été aussi peu exigeantes en matière de comptabilité avec la SNCF lors de l'évaluation du coût du transfert des TER...

M. Jean Desessard.  - Très bien !

Mme Marie-Christine Blandin.  - ...elles auraient été accusées de brader l'argent du contribuable. Je n'imagine pas que l'État soit moins vigilant que le sénateur Haenel qui avait été mandaté par l'ARF dans les années 1990, à moins que tout cela ne cache la liquidation volontaire. La perspective du fonds de compensation n'est guère rassurante quand France Télécom expérimente, pour y être adossé, la contestation permanente des coûts et les marchandages. Ensuite vient la tentation de céder aux nouveaux entrants pour les attirer... Nous refusons la spirale qui consiste à transformer l'usager en consommateur et le consommateur en seul consommateur ayant les moyens de s'offrir le service ainsi que les salariés en victimes...

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Marie-Christine Blandin.  - D'ailleurs, le Conseil économique et social, dans son avis, a clairement estimé que le financement durable du service universel n'était pas garanti dans ce texte. Monsieur le ministre, nous attendons des comptes sérieux et, donc, une commission indépendante d'évaluation ! (Applaudissements à gauche)

M. Didier Guillaume.  - C'est indispensable !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Vous trouverez les réponses à vos interrogations dans le rapport Ailleret.

M. Jean Desessard.  - (L'orateur brandit ledit rapport) Faux ! Il n'y a rien !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - L'article L. 2-2 du code des postes et des communications électroniques prévoit que le fonds de compensation est alimenté par des contributions dont le montant est déterminé par l'Arcep. Ce mécanisme, précisé à l'article 16 du texte, permettra à La Poste de financer le service universel. Avis défavorable.

M. Michel Mercier, ministre.  - Oui, nous avons besoin de connaître le coût réel du service universel pour déterminer le montant des contributions.

M. Michel Teston.  - En effet !

M. Michel Mercier, ministre.  - Nous tiendrons compte des orientations données dans l'annexe 1 de la troisième directive postale pour calculer le coût du service universel dans un décret.

Et c'est l'Arcep, autorité indépendante, qui est chargée d'évaluer ce coût. Le projet de loi le prévoit dans son article 14. Retrait sinon rejet.

Mme la présidente.  - Je vous rappelle que l'auteur d'un amendement dispose de trois minutes pour l'exposer et que chacun ensuite a cinq minutes pour expliquer son vote. Je vous demande de respecter ces délais sinon, par souci d'équité, je vous couperai la parole. (Applaudissements à droite)

M. Jean Desessard.  - Monsieur le ministre, vous auriez pu remercier Mme Blandin d'avoir déposé un amendement positif, qui n'a rien d'une obstruction mais qui s'intéresse aux finances publiques et au sérieux de l'État. Moi je le fais : merci madame Blandin ! (Rires et applaudissements à gauche)

Et que lui répondez-vous ? Que la directive a admis un mode de calcul. Mais quel est le résultat de ce calcul ?

Quant au rapporteur, il nous dit que le rapport Ailleret a donné un chiffre. Mais lequel ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Il a dit que le service universel était bénéficiaire.

M. Jean Desessard.  - Le seul chiffre dont nous disposions, c'est celui de La Poste. Alors, quoi de plus normal que de le vérifier ? Mais non, vous faites confiance à La Poste !

Tout cela n'est pas sérieux. Il faut une commission indépendante de La Poste, composée paritairement, pour chiffrer le coût de ce service universel. Il serait incompréhensible de le refuser. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Didier Guillaume.  - Je vais utiliser la minute et demie inutilisée par M Desessard pour faire remarquer que, depuis deux jours, à chaque fois que nous prenons la parole ou présentons un amendement, vous dites que nous faisons de l'obstruction. (M. Daniel Laurent le confirme) Hier soir, si nous avons perdu du temps, c'est que, comme vous étiez minoritaires, vous avez multiplié les scrutins publics. (Applaudissements sur les bancs socialistes).

Ici, nous faisons une proposition, bien que le ministre, ce matin, ait dit qu'un facteur à vélo irait toujours plus vite qu'un parti socialiste à l'arrêt. Nous faisons une vraie proposition sur laquelle nous pourrions tous être d'accord. Car où est le problème : une commission indépendante ne met personne en cause !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Et l'Arcep ?

M. Didier Guillaume.  - Il n'y a pas de représentant du Sénat à l'Arcep !

M. Jean-Paul Emorine.  - Et l'indépendance ?

M. Didier Guillaume.  - Ah bon ? Les sénateurs ne sont pas indépendants ? Voilà qui est nouveau... Chacun de nos amendements est retoqué.

M. Gérard Cornu.  - Normal, ils ne sont pas bons !

M. Didier Guillaume.  - Faut-il en conclure que le Parlement ne sert plus à rien et que, comme l'a dit M. Longuet, nous avons systématiquement tort parce que nous sommes minoritaires ? Cet amendement est constructif et chaque sénateur doit partager notre intérêt pour La Poste. Il n'y a rien dans le rapport Ailleret... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. David Assouline.  - D'une façon générale, on veut faire croire à l'opinion que nos entreprises nationales sont déficitaires et qu'il leur faut absolument chercher des revenus dans un système concurrentiel. Un seul exemple, que je cite comme membre de la commission de la culture : on veut changer le statut de l'AFP. Pour la moderniser ? Ce serait acceptable. Mais non, c'est parce qu'elle serait en déficit structurel. Or, depuis 2002, elle a toujours été bénéficiaire. Le problème n'est donc pas financier

Ici, nous demandons seulement une visibilité. Le rapporteur a dit que le service universel était « bénéficiaire ». Alors, répétez-le donc à l'opinion ! Et si vous voulez qu'on injecte de l'argent dans le capital de La Poste, c'est pour autre chose. Si c'est pour en faire une entreprise commerciale, nous n'en avons rien à faire. Nous, nous voulons que les citoyens français aient les services publics qu'ils méritent !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La majorité ne cesse de dire que le Parlement a une mission d'évaluation. Nous avons besoin d'un organisme évaluateur : vous qui êtes friands d'autorités indépendantes, vous devez voter cet amendement.

M. Patrice Gélard.  - Le mode de fonctionnement du Sénat a changé depuis la révision constitutionnelle mais certains ne s'en sont pas rendu compte. Le texte issu des travaux de la commission est le texte de la majorité. Dès lors, il est normal qu'avec le rapporteur, elle refuse tous les amendements extérieurs. (Applaudissements à droite ; protestations à gauche)

M. David Assouline.  - C'est un aveu : plus besoin de la séance !

M. Martial Bourquin.  - Monsieur le doyen, à chaque fois que vous intervenez, vous faites de la politique. Mais de grâce, ne vous cachez pas derrière le droit pour faire de la politique !

Un débat d'idées devrait pouvoir aboutir de temps à autre à un consensus sur une question essentielle et d'intérêt général. Quand votre opposition vous parle, vous devriez au moins l'écouter pour voir si on peut arriver à un consensus constructif.

M. Patrice Gélard.  - La commission est faite pour ça !

M. Martial Bourquin.  - Vous venez de dire tout haut ce que beaucoup d'entre vous pensent tout bas. M. Estrosi avait promis de prendre en compte chaque amendement intéressant.

M. Daniel Laurent.  - Il n'y en a pas !

M. Martial Bourquin.  - Mais non, c'est « Circulez, il n'y a rien à voir ». Il y a le groupe UMP, ses satellites, et rien d'autre. Réfléchissez donc un peu ! (Protestations à droite) Une opposition sert à quelque chose, il lui arrive de soulever de vrais problèmes. Mais si tout ce que nous proposons est nul et non avenu, votre conception du débat est d'un archaïsme épouvantable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Daniel Raoul.  - Je suis heureux de l'intervention du doyen Gélard : elle traduit clairement l'état d'esprit de la majorité face à l'opposition. J'avais cru comprendre qu'il y aurait coproduction législative en commission... Or, voilà que le doyen Gélard nous annonce « C'est un texte de la majorité » ! A quoi sert l'opposition ?

Je mettrai un bémol quant aux pratiques de la commission des affaires économique où, par exemple, sur le Grenelle I, des propositions de l'opposition ont été prises en compte.

Si le doyen Gélard a exprimé le fond de la pensée de la majorité...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est très grave !

M. Daniel Raoul.  - ...cela pose un problème sur le fonctionnement du Parlement : à quoi peut bien servir l'opposition dans cet hémicycle si le texte de la commission devient la pensée unique de la majorité ?

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le doyen a l'art de ranimer une assistance en voie d'apaisement.

Il est doyen ; d'autres sénateurs sont parés de divers titres universitaires, sans dévoyer pour autant le rôle de notre assemblée. Aujourd'hui, vous avez parlé plus en Saint-Jean Bouche d'Or qu'en doyen.

Si vos propos reflètent l'opinion majoritaire quant aux rôles de l'opposition et du Sénat, c'est grave ! Cette approche trouve au moins ses limites lorsque, comme cette nuit, la majorité est introuvable en raison de la désaffection des élus UMP. (Protestations à droite) Nous n'accepterons jamais que le Sénat devienne la métairie du Gouvernement !

Mme Marie-Christine Blandin.  - A en croire M. Gélard, l'immobilisme de la majorité sur le texte discuté serait justifié par le fait que le débat aurait déjà eu lieu en commission.

Ainsi, seuls les membres de la commission saisie au fond pourraient légitimement participer à la rédaction du texte final. Dans ce cas, allez jusqu'au bout du raisonnement et fermez l'hémicycle aux parlementaires non membres de la commission ! (On approuve à gauche)

Si j'en avais eu le temps, j'aurais expliqué à M. Desessard la pertinence de l'amendement pour qu'il le défende en commission, mais entre l'Office parlementaire et le rapport sur la grippe, je n'ai pu le faire. J'essaie donc de mobiliser en toute transparence mes collègues présents dans l'hémicycle, avec la légitimité conférée par la présidence de la première région à avoir accepté la gestion décentralisée des trains express régionaux (TER). Grâce à M. Haenel, nous avons commandé un audit très complet, pour nous apercevoir que ce service public à la française ignorait ses coûts, des conducteurs aux gares, en passant par les cartes de réduction et les contributions régionales en faveur des étudiants.

M. Daniel Laurent.  - Revenons-en au sujet !

Mme Marie-Christine Blandin.  - Un travail semblable sur le service postal pourrait nous éclairer sur le coût d'une lettre envoyée dans un village à l'autre bout de la France, acheminée à vélo, en camionnette ou par tout autre moyen. Mais vous ne voulez pas le savoir car vous allouez une somme insuffisante, ce que vous refusez de dire aux Français : lorsqu'on ne donne pas assez de moyens au service public, on le tue ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-France Beaufils.  - Je suis surprise par M. Gélard car notre organisation du travail ouvre la discussion à tous les parlementaires, même lorsqu'ils ne sont pas membres d'une commission saisie.

Chacun de nous a sa propre connaissance du terrain. Comme Mme Blandin, nous éprouvons des difficultés à connaître les coûts des services publics. Je participe au groupe d'études sur La Poste. Aucune personne auditionnée, notamment M. Ailleret, n'a pu fournir sur le coût du service universel de précisions aussi rigoureuses que celles évoquées par Mme Blandin.

Dire aujourd'hui « Circulez, il n'y a rien à voir après le travail de la commission » est un manque de respect envers les élus que nous sommes et qui ne siègent pas dans cette commission.

Consacrant une semaine à ce sujet important pour la présence postale sur l'ensemble du territoire, nous sommes suffisamment nombreux pour que vous renonciez à l'autisme qui vous a gagnés depuis lundi. Écoutez nos arguments : contrairement à ceux que vous avez utilisés ce matin, ils ne sont pas politiciens !

M. Jacques Mézard.  - M. Gélard n'a pas le monopole du droit ! (On apprécie à gauche) Il prétend qu'aucun amendement n'est recevable puisque le texte de la commission convient à la majorité. Dans ce cas, des amendements présentés par le groupe UMP ou par des sénateurs non inscrits devraient subir le même sort. Ce ne serait pas une bonne chose.

N'ayant été élu que récemment dans cette assemblée, je m'exprime avec humilité mais la quasi obligation du vote conforme à propos du travail dominical n'est pas un bon exemple de démocratie. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

Mme Catherine Tasca.  - Je reviens au mode de fonctionnement évoqué par M. Gélard. La révision constitutionnelle et la réforme de notre Règlement étaient censées renforcer le rôle du Parlement et rééquilibrer les pouvoirs.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On le voit tous les jours !

Mme Catherine Tasca.  - Lorsque nous avons modifié le Règlement, on nous a répété que le droit d'amendement ne subirait aucune atteinte.

N'oublions pas que chaque parlementaire engage sa responsabilité personnelle lorsqu'un texte de loi est discuté. Or, vous refusez l'exercice du droit d'amendement.

M. Patrice Gélard.  - Non !

Mme Catherine Tasca.  - Seuls sont dignes d'intérêt, à vos yeux, les amendements adoptés par la commission. C'est inacceptable !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est offensant !

Mme Catherine Tasca.  - Nous nous sommes accordés un an pour évaluer la nouvelle pratique de notre assemblée. Si la majorité tentait d'utiliser le Règlement pour limiter le droit d'amendement dont dispose l'opposition, nous reprendrions notre liberté envers les nouvelles règles.

Tous les membres du Sénat devraient y réfléchir et respecter l'esprit de la réforme du Règlement, qui n'a pas encore prouvé qu'elle accroissait le rôle du Parlement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

L'amendement n°263 est mis aux voix par scrutin public à la demande du groupe socialiste.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 152
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°366, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le service public postal assure aux citoyens des tarifs péréqués et abordables sur l'ensemble du territoire.

M. Roland Courteau.  - Les activités de La Poste ont toujours un intérêt stratégique et social. Les Français ont témoigné leur attachement à La Poste : ils ont été 2 millions à voter. Pourquoi refusez-vous de les entendre ? Il est curieux qu'un parti politique se défie des électeurs...

Devant l'attitude du Gouvernement, nous tenons, pour notre part, à rappeler certains principes car il est de l'essence même du service public que les tarifs soient modérés et permettent une péréquation : distribuer une lettre dans l'Aude ou dans l'Hérault coûte plus cher que dans Paris. Si la République est une et indivisible, comme l'affirme la Constitution, alors les tarifs doivent être les mêmes sur tout son territoire. Il importe d'affirmer d'emblée ce principe fondamental. Puisque le Gouvernement soumet La Poste aux exigences de la rentabilité, il faut poser des garde-fous ; le coût du service doit rester abordable car La Poste est l'affaire de tous et il faut qu'elle le reste. Nous voulons protéger les usagers et les consommateurs afin que les Français ne soient pas les grands perdants dans cette affaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Votre amendement est satisfait par les textes existants, ainsi que par celui qu'a adopté la commission. Les tarifs du service universel sont conformes à cet objectif et l'article 13 prévoit que les tarifs, applicables à l'ensemble du territoire, doivent rester abordables. Retrait ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - Même avis.

M. Roland Courteau.  - Exceptionnellement, nous avons été convaincus par les arguments du rapporteur -mais non par ceux, très brefs, du ministre.

L'amendement n°366 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°368, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le service public postal fournit ses services en répondant aux exigences d'aménagement du territoire.

Mme Jacqueline Alquier.  - La première directive postale considérait déjà l'aménagement du territoire comme une exigence essentielle. Cet objectif est considéré comme une raison générale de nature économique pouvant imposer des conditions particulières à l'exécution du service public. On verra si le Gouvernement partage cette exigence. Faut-il rappeler à M. Hérisson qu'il n'y a pas si longtemps, il expliquait que le service public réduit les inégalités dans les faits, qu'il permet d'accéder à des soins ou d'élever ses enfants ? Des services publics efficaces nous protègent, mes fonctions à l'Observatoire de la présence postale m'y rendent particulièrement sensible.

La Confédération européenne des syndicats, qui représente plus d'un million de salariés des postes européennes, a regretté un déficit d'analyse sur l'impact économique et social de la directive ; elle a déploré qu'on ne prenne pas en compte la cohésion sociale et territoriale. Personne ne peut accepter que celle-ci fasse les frais de la troisième directive. Puisque vous dites être réellement attachés à la promotion du service public, vous devez apporter des garanties à cet égard et encourager les États membres à se saisir de cette exigence alors que le traité de Lisbonne va peut-être entrer en vigueur. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - On ne peut qu'approuver une telle disposition. L'aménagement du territoire figure déjà parmi les missions de La Poste qu'affirme le texte adopté par la commission. Il n'y a pas besoin de le répéter et M. Mercier pourra vous répondre. Retrait ?

M. Daniel Raoul.  - Quel article ?

M. Michel Mercier, ministre  - L'article 2. Le Gouvernement a le même avis. Avec le service universel postal, la loi inclut l'aménagement du territoire et l'accessibilité. De plus, nous avons accepté en commission qu'on mentionne les 17 000 points de contact postal. L'amendement est satisfait. Je comprends que vous l'ayez déposé et défendu, mais vous pouvez le retirer.

M. Michel Teston.  - Pour une fois qu'une directive européenne comporte un élément positif...

M. Michel Charasse.  - Une erreur !

M. Michel Teston.  - Si une exigence essentielle peut être prise en compte dans l'organisation d'un service public, pourquoi diable ne pas la mettre en chapeau à ce projet ? Quel problème cela vous pose-t-il de l'inscrire dans le texte ?

M. Jean Desessard.  - L'idée générale, c'est que nous sommes tous pour l'aménagement du territoire. C'est quand il faut payer que cela se complique.

M. Michel Mercier, ministre.  - Je vais vous répondre !

M. Jean Desessard.  - Il faut en effet assurer le service public, même quand ce n'est pas rentable, si l'on veut lutter contre la désertification. Alors, bien sûr, nous sommes satisfaits mais, au risque d'être exigeant, je vais vous demander de me donner une plus grande satisfaction.

M. Michel Charasse.  - Satisfait ou remboursé ?

M. Jean Desessard.  - Dites-nous quels moyens vous allez mettre. Je ne vous demande pas de les détailler bureau par bureau -on n'aurait pas fini dimanche- mais de nous assurer que nous aurons des bureaux remplissant les dix-sept fonctions de La Poste et non pas deux ou trois, comme dans les points commerciaux. Ne pouvez-vous, même grossièrement, nous donner quelques informations ?

M. Michel Mercier, ministre.  - Pour vous être agréable, je préciserai que les obligations d'aménagement du territoire spécifiques à La Poste figurent dans la loi du 12 juillet 1990. Nous les reprenons aujourd'hui mais elles sont déjà dans la loi, c'est pour cela que votre amendement est satisfait.

M. René-Pierre Signé.  - L'aménagement du territoire est important et La Poste joue un rôle prépondérant en la matière. Je connais des gens qui s'abonnent à un journal uniquement pour voir le facteur tous les jours car ils souffrent de l'isolement, pire encore que la solitude.

Je suggère un élargissement des fonctions de La Poste. Il y a déjà la Banque postale, cette banque des pauvres, celle à laquelle s'adressent ceux qui n'iraient pas dans une autre banque ; pourquoi le facteur n'apporterait-il pas des services supplémentaires ?

M. Michel Mercier, ministre.  - C'est l'objet de l'article 2.

M. Marc Laménie.  - L'aménagement du territoire est réellement au coeur de nos préoccupations. Nous sommes tous ici convaincus de sa nécessité, d'autant que beaucoup d'entre nous sont élus de petites communes. M. Mercier nous a rassurés : les critères d'aménagement du territoire sont réellement pris en compte. Notre époque travaille beaucoup dans le virtuel, les postiers méritent qu'on prenne en compte le réel.

M. Gérard Le Cam.  - Nous soutenons l'amendement n°368. Nous sommes particulièrement attachés à l'aménagement du territoire. Les 20 % de ruraux que nous sommes souffrent chaque fois que les beaux messieurs de La Poste viennent nous expliquer qu'il faut fermer un bureau le mardi matin ou le mercredi après-midi. Et les commissions départementales n'y peuvent mais. Sur l'aménagement du territoire, il y a bien lieu à référendum -on pourrait regrouper les deux questions !

Le Gouvernement s'apprête à dynamiter nos communes et nos départements. C'est faire sauter l'héritage de 1789. Je veux rappeler l'action d'un député des Côtes-du-Nord, Alexandre Glais-Bizoin, qui, entre 1839 et 1847, s'est battu pour le tarif postal unique, qui n'a été adopté qu'en 1848. Quand il est mort, sous la IIIe République, Alexandre Glais-Bizoin était encore conseiller municipal de Saint-Brieuc. Évoquer son souvenir, c'est vous dire combien nous sommes attachés à l'égalité de tous nos concitoyens.

On voit bien à quoi ressemble La Poste dont vous rêvez pour demain : une énorme boîte à lettres au bout de la rue, des tarifs encore plus différenciés qu'aujourd'hui, les personnes éloignées devant payer encore plus cher.

Bref, votre prétendue modernité est un recul de société. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Daniel Raoul.  - Je suis navré mais la loi de 1990 ne fait aucune allusion à l'aménagement du territoire. Nous souhaitons que cette notion soit inscrite en préambule de cette loi -dont l'article 2 ne dit rien non plus de l'aménagement du territoire sinon pour préciser que La Poste « contribue par son réseau à l'aménagement du territoire ».

Inscrire les précisions que nous souhaitons en préambule de la loi, cela ne mange pas de pain !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - On peut effectivement aller chercher des références par numéro d'article... Je me contenterai de vous rappeler que l'article 6 de la loi de 1990 dispose bien que « La Poste contribue à l'aménagement du territoire ».

Nous sommes ici avant l'article premier. Un certain nombre des points que vous évoquez en préambule vont être satisfaits au fur et à mesure de l'examen des articles. Faites-moi confiance en cela et nous pourrons, à la fin des débats, enrichir la loi avec certaines de vos propositions. (Marques d'intérêt sur les bancs CRC)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ah ! Cela commence à devenir sérieux.

M. Simon Sutour.  - Je prends à témoin l'ensemble de nos collègues : on nous dit que l'aménagement du territoire est déjà dans la loi, peut-être, je n'y suis pas allé voir, mais nous constatons tous que des bureaux de poste ferment une demi-journée par ci, une autre par là. C'est un lent équarrissage.

Qui peut le plus peut le moins : si nous sommes d'accord sur le fond, acceptez notre amendement. Ou alors dites avec M. Gélard « vous pouvez chanter, le débat continue ».

Un peu d'ouverture nous ferait progresser plus vite. Chacun prendra ses responsabilités et les assumera devant nos concitoyens. (Applaudissements à gauche)

Mme Jacqueline Alquier.  - J'ai bien entendu M. le rapporteur, qui parle de confiance. Mais nous restons vigilants et maintenons notre amendement.

L'amendement n°368 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°354, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un moratoire est instauré sur l'entrée en vigueur de la directive 2008/6/CE du 20 février 2008

M. Michel Teston.  - L'article 7 de la troisième directive postale interdit désormais aux États membres d'accorder ou de maintenir des droits exclusifs ou spéciaux dans le secteur postal. Or l'arrêt « Corbeau » de la Cour de justice des Communautés européennes, en date du 19 mai 1993, a admis que l'article 90 du traité permettait aux États membres de conférer à l'entreprise qu'ils chargent de la gestion d'un service d'intérêt économique général des droits exclusifs, droits qui peuvent faire obstacle à l'application des règles du traité sur la concurrence dans la mesure où des restrictions à la concurrence sont nécessaires pour assurer l'accomplissement de la mission particulière confiée à l'entreprise titulaire des droits. Les arrêts « commune d'Almelo », du 27 avril 1994, et « International mail Spain », du 15 novembre 2007, vont dans le même sens.

Cette jurisprudence constante n'a pas empêché l'adoption des directives soumettant les services d'intérêt économique général à la loi du marché, ni leur interprétation libérale par Bruxelles. Dans le cas qui nous occupe, aucune étude préalable n'a été menée sur la portée d'une jurisprudence qui fait juridiquement de la nécessité économique et sociale du maintien d'un secteur postal réservé une option aux mains des États.

Un moratoire est donc indispensable, le temps de s'assurer que les droits exclusifs et spéciaux ne peuvent être invoqués. Nous souhaitons que le Gouvernement se rapproche de ses homologues européens pour l'obtenir. Il devrait trouver des alliés dans un contexte marqué par une profonde crise économique, financière et sociale.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - La France a déjà obtenu le report de deux ans de l'entrée en vigueur de la directive, nous y avons tous deux contribué, monsieur Teston.

M. Michel Charasse.  - Encore une minute, monsieur le bourreau...

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Le processus a été lancé il y a plus de dix ans. Je le redis : les questions liées à la transposition de la directive sont traitées au titre II, lors de l'examen duquel des compromis pourront sans doute être trouvés. Je souhaite le retrait.

M. Christian Estrosi, ministre.  - L'amendement n'est pas inintéressant, mais il aurait en effet mieux sa place au titre II. Dois-je rappeler que le processus a été engagé par la première directive du 18 décembre 1997 ? C'est grâce à la France que l'entrée en vigueur de celle de février 2008 a été reportée de deux ans. Je souhaite moi aussi le retrait.

M. Michel Charasse.  - Je crains que l'amendement ne réponde pas à l'objectif qu'il poursuit. M. Teston a clairement démontré que les directives doivent s'appliquer conformément à la jurisprudence de la Cour de justice ; or ce n'est pas le cas de leur contenu. Je suggère donc de sous-amender l'amendement n°354 pour écrire : « les directives postales de 1997, 2002 et 2008 s'appliquent sous réserve des décisions contraires de la Cour de justice des Communautés. » En d'autres termes, les parties de la directive qui contreviennent à ces décisions ne sont pas opposables à la France. Cela vaut beaucoup mieux qu'un moratoire. Je souhaite que le Gouvernement nous dise avec précision quels articles du texte sont potentiellement concernés.

M. Michel Teston.  - La proposition de M. Charasse donnerait à la France la possibilité de ne pas appliquer seule la directive. Ce ne me semble pas la meilleure façon de procéder. Mieux vaut se retrancher derrière les décisions de la Cour de justice pour demander l'ouverture d'une négociation. Il ne serait pas anormal de maintenir le secteur réservé pour ce qui ne représente après tout que 30 % de l'activité courrier et colis.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Je souhaite à nouveau que cette discussion ait lieu au titre II. Nous solliciterons alors le Gouvernement. Reste que la France ne pourrait décider seule de suspendre l'application d'un accord communautaire.

M. Michel Charasse.  - Sur l'ordre de discussion, le rapporteur a raison : je reviendrai au titre II pour dire que les décisions de la Cour, qui sont favorables à nos thèses, doivent d'une façon ou d'une autre être prises en compte dans la loi.

Mme Marie-France Beaufils.  - Le maintien d'un secteur réservé doit aussi être apprécié au regard de la situation de crise que nous connaissons. La démonstration est faite chez certains de nos voisins que les attentes des citoyens ont changé et qu'on y doute plus qu'auparavant des bienfaits de la mise en concurrence. En Grande-Bretagne, un débat est en cours et les postiers se mobilisent. La question soulevée par M. Teston doit être débattue.

Certains pays européens ont regretté que la France n'ait pas sollicité une nouvelle prolongation.

Les articles auxquels nous renvoie le rapporteur n'apportent pas de réponses à nos questions. Enfin, cet amendement complète celui dans lequel nous demandions la renégociation de ces directives européennes.

M. Michel Teston.  - J'ai bien entendu les propositions du rapporteur et du ministre. Est-il possible de transférer cet amendement au titre II ? Si tel est le cas, je le retirerai provisoirement.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Il vous appartient de rectifier votre amendement.

M. Michel Teston, rapporteur.  - On ne nous reprochera pas un dépôt tardif ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Quoi qu'il arrive, nous l'examinerons.

M. Michel Charasse.  - Il suffit de modifier la numérotation de l'article auquel il se rattache.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Le Gouvernement est favorable au réexamen de cet amendement rectifié ainsi qu'au sous-amendement de M. Charasse. Ce dernier a, tout à l'heure, fait référence à des arrêts qui ont été pris avant la troisième directive postale.

M. Michel Charasse.  - Il s'agit quand même de l'application du traité.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Certes, mais ce sont des arrêts pris avant la troisième directive.

Nous réexaminerons donc cet amendement et ce sous-amendement avant l'article 13.

M. Michel Teston.  - Les choses sont donc claires.

L'amendement 354 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°369, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les réseaux postaux ont une dimension territoriale et sociale importante qui permet l'accès universel à des services locaux essentiels.

M. Jean-Claude Frécon.  - La troisième directive postale, dont ce projet de loi transpose certaines dispositions, a le mérite de rappeler, dans son exposé des motifs, que « les réseaux postaux ont une dimension territoriale et sociale importante qui permet l'accès universel à des services locaux essentiels ». Toutes les grandes associations françaises d'élus locaux avaient estimé nécessaire de rappeler, en juin 2007, à la veille de la première lecture de la troisième directive au Parlement européen que « les services postaux, de par leur maillage territorial en France, constituent un service public essentiel pour la vitalité des territoires et un véritable vecteur de cohésion sociale ». Les élus locaux ont également insisté sur le caractère impératif du maintien de ce service public « sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les zones rurales éloignées et les quartiers urbains sensibles » et ils ont ajouté que le « rôle crucial des services postaux justifie de prendre le temps de mieux considérer les conséquences et les moyens de l'ouverture totale à la concurrence ».

Selon le rapport de Markus Ferber, adopté par la commission des transports et du tourisme du Parlement européen le 18 juin 2007, il faut garantir que l'accès aux services postaux ne se détériore pas dans les régions rurales et périphériques afin que la libéralisation ne mette pas en péril la cohésion territoriale.

Or, l'ouverture totale à la concurrence du service postal menace la cohésion sociale et territoriale, même si elle est garantie par le traité. D'ailleurs, notre collègue Hubert Haenel, dans un rapport du 26 septembre 1996 sur les services d'intérêt général en Europe, redoutait que les forces du marché mettent en danger la cohésion : « ces mécanismes présentent parfois leurs limites et peuvent risquer d'exclure une partie de la population des bénéfices qui peuvent en être retirés et de ne pas permettre la promotion de la cohésion sociale et territoriale. L'autorité publique doit alors veiller à la prise en compte de l'intérêt général ».

Sur tous les bancs, nous sommes favorables à la dimension territoriale et sociale du service postal. Ne pensez-vous pas qu'il conviendrait d'inscrire ce principe en chapeau de ce projet de loi ? (Applaudissements socialistes)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Cet amendement reprend des principes qui figurent déjà aux articles 2 et 6 de la loi de juillet 1990, modifiée en 2005, et à l'article L. 1 du code des postes et communications électroniques. Enfin et surtout, ces principes sont rappelés dans les articles 2 et 2 bis de ce projet de loi. Nous aurons donc l'occasion de parler de ces questions lorsque nous les examinerons. Je propose à M. Frécon, qui a présidé la commission des communes rurales de l'AMF pendant de nombreuses années et qui est membre de la Commission supérieure du service public des postes et télécoms, de retirer son amendement.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Même avis. Les quatre grandes missions de service public figurent à l'article 2 du projet de loi. Vous souhaitez que l'on ajoute une phrase strictement identique à celle qui se trouve à l'article L. 1 du code des postes. Nous pourrons en reparler à l'article 2 mais pas maintenant.

M. Jean-Claude Frécon.  - Je ne vais pas vous apprendre la différence entre un code, qui est une affaire interne à la France, et la loi qui, tout en étant une affaire interne, peut également permettre de faire pression sur l'Europe. Puisque M. Mercier nous incitait tout à l'heure à nous rassembler, j'invite mes collègues de la majorité à voter cet amendement. Je le maintiens, à moins que vous ne me demandiez de le reporter à l'article 2.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Je vous ai dit que ces amendements additionnels auraient plus leur place dans le corps du projet de loi. Je préfèrerais donc que nous réexaminions cet amendement lorsque nous en arriverons à l'article 2.

M. Jean-Claude Frécon.  - Comme le propose le rapporteur, je retire cet amendement pour le redéposer à l'article 2, mais une question de procédure se pose : quand un amendement est retiré et redéposé plus tard, il faut en modifier le texte. Or cet amendement ne sera pas modifié puisqu'il reprend un texte qui existe déjà.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Ne retirez pas l'amendement, rectifiez-le.

Mme la présidente.  - Amendement n°424, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout changement de statut de La Poste doit faire l'objet d'un référendum.

M. Didier Guillaume.  - Nos craintes sont toujours les mêmes. Nous n'avons jamais dit que ce texte était une loi de privatisation mais que ce changement de statut ouvre grand la porte à la privatisation. Nous voulons tous défendre le service public : un changement de statut de La Poste doit être validé par le peuple souverain.

Nous n'avons jamais remis en cause le fait que tous les sénateurs, sur tous les bancs, souhaitent le maintien du statut public de La Poste.

M. Hervé Maurey.  - Vous évoluez bien !

M. Didier Guillaume.  - Pourquoi, alors, ne pas conserver le statut d'Épic qui garantit la non-privatisation ? Michel Teston nous a expliqué hier soir que le statut actuel n'interdisait pas des aides au fonctionnement. (M. Adrien Gouteyron le conteste) D'ailleurs, une amélioration de son fonctionnement permettrait peut-être de dégager les fonds propres nécessaires pour investir.

La consultation du peuple aiderait la majorité et l'opposition car les Français sont, dans l'ensemble, favorables au maintien du service public de La Poste : nous serions tous gagnants. A moins que vous n'ayez une arrière-pensée car après la transformation de l'Épic en société anonyme, l'État pourrait céder 50 % des actions, puis davantage, et demain une loi pourrait privatiser La Poste.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Soit j'étais absent ce matin, soit je n'ai rien compris ! Vous avez eu tout le temps nécessaire pour traiter ce sujet, et notre débat a été suivi d'un vote de rejet. Il est urgent de moderniser La Poste, et le recours au référendum retarderait le processus en l'absence d'autre solution que la transformation en société anonyme. Nous n'allons pas rouvrir la discussion : avis défavorable, pour une question de logique, de bon sens et de respect pour notre institution. (Applaudissements à droite)

M. Christian Estrosi, ministre.  - On nous a demandé hier, lors de rappels au Règlement, que nous ne débattions du fond qu'après la motion référendaire. Le président de la Haute assemblée et les présidents de groupe ont pris toutes les dispositions idoines. Nous venons d'examiner des amendements qui ont donné lieu à des échanges entre les sénateurs, le rapporteur et le Gouvernement, mais celui-ci confirme les soupçons que j'ai exprimés ce matin. Vous montrez ainsi clairement votre volonté de faire de l'obstruction. (Protestations à gauche) La France et les postiers doivent être éclairés sur ce fait ! Certains membres de cette assemblée présentent des amendements sur un sujet qui a déjà été tranché par le Sénat de manière sommaire ! (On le conteste bruyamment à gauche ; applaudissements à droite ; M. Hervé Maurey applaudit aussi)

M. David Assouline.  - La manoeuvre est un peu voyante ! (« Oui ! » à droite) Avec Christian Estrosi, nous savons où nous allons. Il annonce une nouvelle étape du débat, de nouvelles méthodes pour brider le Parlement. Vous ne pouvez pas jouer sur tous les tableaux. Pour rejeter la motion référendaire, on a prétexté que nous allions débattre longuement sur le fond, et on nous a même remerciés d'avoir déposé des centaines d'amendements... Maintenant, on nous demande d'arrêter, on prend l'opinion publique à témoin...

Nous allons voir ce que le Gouvernement et la commission ont décidé de faire pour la suite. Ce débat approfondi est très apprécié par ceux qui le suivent et nous ne nous laisserons pas faire au cours de la nouvelle étape que semble initier le ministre. Nous aussi, nous savons parler à l'opinion publique !

Mme Marie-France Beaufils.  - Vous comprenez difficilement l'attente forte qui s'est exprimée dans le pays. La consultation sur La Poste a eu lieu dans des communes de toutes tendances. Ainsi, à Roquefort-des-Corbières, commune de 736 électeurs proche de Narbonne, 208 personnes se sont prononcées le 3 octobre -ils étaient 336 votants pour les élections européennes. 45 Roquefortais ont voté pour la privatisation, 162 contre le changement de statut. Le maire, Christian Théron, est conseiller général UMP du canton de Sigean. (M. Roland Courteau le confirme)

Gimont, dans le Gers (marques d'impatience à droite), compte plus de 2 800 habitants. Le maire, Pierre Duffaut, de sensibilité divers droite, n'a rien trouvé à redire contre l'organisation d'une votation qui a mobilisé 570 habitants. En outre, le conseiller du canton est Aymeri de Montesquiou...

Vous ne devez pas avoir peur du référendum. L'existence de ce service public a de grandes implications dans notre vie quotidienne. Dans certaines communes, il est des habitants qui ne voient passer que le facteur, une ou deux fois par semaine, car c'est la dernière activité de La Poste qui ne soit pas mise en concurrence. Cet amendement est fondé, il faut en débattre.

M. Didier Guillaume.  - Je respecte le Gouvernement mais ce n'est pas le rôle du ministre que de choisir les amendements déposés. En outre, ils l'ont été bien avant le débat sur la motion référendaire. Ce n'est pas parce que celle-ci a été rejetée ce matin que nous ne pouvons plus évoquer ce sujet.

J'ai défendu cet amendement parce qu'il existe un risque, parce qu'un petit voyant clignote indiquant une privatisation de La Poste qui ne dit pas son nom et que nous avons le droit de dire, avec tous les Français, que nous sommes contre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est la démocratie parlementaire !

M. Didier Guillaume.  - Quelle drôle d'idée du Parlement de penser que déposer un amendement, c'est faire de l'obstruction ! Vous avez des convictions, nous avons les nôtres. Nous voulons pouvoir nous regarder dans la glace dans quelques années (exclamations ironiques au banc de la commission) en étant sûrs d'avoir obtenu toutes les garanties nécessaires au maintien de La Poste dans le service public ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Bel.  - Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à une rencontre avec le président du Sénat, mais celle-ci portait uniquement sur l'organisation des débats portant sur la motion référendaire. Nous n'avons, à aucun moment, donné un quelconque accord quant au contenu de la discussion qui s'ensuivrait. Il existe une petite différence entre l'Assemblée nationale et le Sénat (marques d'impatience au banc de la commission) : chez nous, le droit d'amendement est imprescriptible !

M. Christian Estrosi, ministre. - Quelle erreur !

M. Jean-Pierre Bel.  - Vous devez en tenir compte car la question est d'importance pour l'atmosphère de la discussion parlementaire dans les prochains jours. Vous nous faites le faux procès de l'obstruction...

M. Jean Desessard.  - ...depuis le début de l'examen du texte...

M. Jean-Pierre Bel.  - ...comme si vouliez conditionner l'opinion publique à l'idée que ces débats sont inutiles. (Marques d'approbation sur les bancs CRC) Nous ne faisons pas de l'obstruction, nous voulons parler d'un problème qui nous concerne au premier chef en tant qu'élu. Laissez-nous discuter de La Poste et de ce texte ; faites confiance au Parlement et au débat parlementaire ! (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Je suis saisie d'une demande de scrutin public par la commission. (Protestations à gauche)

L'amendement n°424 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 152
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°425, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aucun changement de statut de La Poste ne peut se traduire par une remise en cause du service public procuré aux citoyens.

Mme Gisèle Printz.  - A mon tour, ne vous en déplaise, d'évoquer le référendum... Bien que de nombreux Français aient exprimé leurs inquiétudes lors de la votation citoyenne du 3 octobre (exclamations à droite), le Gouvernement leur a dénié le droit au référendum et s'est entêté à présenter ce projet de loi flou. Malgré les assurances du Gouvernement sur le caractère public à 100 % du capital censé protéger le groupe des vicissitudes du secteur concurrentiel, comment La Poste pourra-t-elle maintenir un service public de qualité ? Depuis dix ans, le groupe mène une politique sociale marquée par la réduction des effectifs et des bureaux de postes. Quand le statut d'Épic n'a pu empêcher cette évolution, celui de société anonyme le fera encore moins. L'ouverture à la concurrence, dans la plupart des pays européens, s'est faite aux dépens de la qualité du service rendu -l'exemple de la Belgique est, à cet égard, tristement éclairant. D'où cet amendement qui semble une évidence -mais celle-ci a, hélas !, aujourd'hui besoin d'être répétée- : la concurrence n'est pas la fin de l'histoire et le service public, cette composante de notre identité nationale, doit rester la pierre angulaire de la réflexion sur La Poste. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Les missions de service public de La Poste sont garanties à l'article 2 de ce texte dont la rédaction est extrêmement claire et précise. En conséquence, la précision paraît inutile. Avis défavorable.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Même avis.

Mme la présidente.  - Je suis saisie d'une demande de scrutin public par la commission... (Vives protestations à gauche)

M. Roland Courteau.  - Monsieur le ministre, ils sont en train de vous pourrir la semaine !

L'amendement n°425 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 154
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°426, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les spécificités du service universel postal nécessitent le maintien et le développement d'un établissement public industriel et commercial.

M. Roland Courteau.  - Certains collègues de la majorité présidentielle affirment que le changement de La Poste, c'est « la faute à l'Europe ». Il est vrai que certaines aides d'État sont incompatibles avec le droit communautaire -entre parenthèses, on a vu combien les autorités européennes avaient fait preuve de souplesse avec le renflouement des banques en faillite. C'est notamment le cas de la garantie illimitée. En sa qualité d'établissement public, La Poste n'est pas assujettie aux règles applicables aux sociétés en cas de faillite et d'insolvabilité ; par ailleurs, elle peut obtenir des prêts à des taux concurrentiels. Cette garantie illimitée de l'État est dans la ligne de mire de la Commission. Parallèlement, le droit communautaire autorise certaines aides de l'État quand le bénéficiaire de ces aides est chargé d'une mission d'intérêt général, afin d'en compenser les surcoûts.

Voilà qu'on nous invite à donner des gages à la Commission. Rien dans le droit communautaire ne nous oblige à renoncer au statut de l'Épic ; rien, même pas la procédure concernant la garantie illimitée.

La transformation du statut d'EDF, qui était un Épic, en société anonyme détenue majoritairement par l'État est un précédent instructif. Les arguments mis en avant par votre gouvernement étaient de satisfaire aux exigences de Bruxelles, arguant que la garantie illimitée serait liée au statut. Mais, selon les termes mêmes du commissaire européen chargé de la concurrence, M. Monti, l'octroi d'une garantie de l'État ne posait pas de problèmes de principe puisque seul était en cause son caractère illimité et que le statut public ou privé d'une entreprise relève de la compétence du législateur national. M. Monti, à l'occasion de la réunion de la délégation pour l'Union européenne, en juin 2004, a précisé aux sénateurs que la transformation du statut d'EDF, telle que prévue par le projet de loi, allait au-delà des exigences de la Commission et qu'elle dépendait du libre choix du gouvernement français.

En laissant entendre que la transformation de La Poste en société anonyme était une exigence de la Commission, certains collègues sont, au minimum, en pleine confusion. Il semble donc utile de rappeler que les missions de service public confiées à La Poste justifient son statut d'Épic.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Nous avons déjà longuement discuté depuis trois jours sur les moyens de permettre à La Poste de continuer à assurer les missions du service universel. Le projet de loi en traite à l'article 2. Avis défavorable.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Même avis.

M. Jean Desessard.  - Monsieur le rapporteur, hier, vous avez avancé que M. Bailly lui-même était favorable au passage à la société anonyme. Je suis allé voir dans le détail. Il se trouve que la rémunération actuelle (« Aïe, aïe, aïe » sur les bancs socialistes) du directeur de l'établissement public est de 477 000 euros bruts par an. Or, celle de M. Werner, ancien subordonné de M. Bailly mais actuel président du directoire de la Banque postale, est de 700 000 euros, tandis que celle du président de France Télécom est de 1,6 million, hors stock-options, soit plus de trois fois celle du PDG de La Poste... Le fait de multiplier sa rémunération par deux ou par trois peut inciter à défendre le passage à la société anonyme...

Mon intervention est destinée à faire avancer la réflexion. (Rires et applaudissements à gauche)

A la demande de la commission, l'amendement n°426 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 153
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tout comme cette nuit, la commission demande des scrutins publics par crainte que la majorité ne soit pas suffisamment représentée. (Protestations énergiques à droite) Quelle qu'en soit la raison, cela nous fait perdre beaucoup de temps.

Le président du groupe UMP n'est pas là. Au lieu de donner des leçons de trotskisme (rires à gauche), il ferait mieux d'assurer la présence des membres de son groupe. (Rires et applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Amendement n°427, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public industriel et commercial chargé de services d'intérêt économique général.

M. Jean-Luc Fichet.  - Plutôt que de s'orienter vers une privatisation, il vaudrait mieux concevoir une nouvelle catégorie d'établissement public industriel et commercial (Épic) respectant les exigences de la commission européenne.

La Poste pourrait ainsi préserver son autonomie financière. Le capital d'un Épic étant inaliénable, elle serait à l'abri des pressions exercées par des actionnaires privés.

Si vous voulez garantir le statut public de La Poste, comme vous le répétez inlassablement dans les médias, vous n'avez aucune raison de refuser cette piste de réflexion, qui évitera peut-être le changement de statut envisagé.

Enfin, dans un contexte marqué par l'hyper-présidentialisation du régime, cette initiative parlementaire peut être approuvée par l'ensemble de la représentation nationale. Certains membres de la majorité se sont déjà élevés contre la dangereuse dérive de l'exécutif. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Cet amendement de caractère général peut sans doute intéresser les juristes mais je ne vois pas le lien spécifique avec La Poste. Bien que cette proposition intéressante mérite un débat, elle ne relève pas de cette loi. La commission est donc défavorable.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Même avis.

Mme la présidente.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public.

M. Jean-Pierre Bel.  - Par qui ?

Mme la présidente.  - La commission.

L'amendement n°427 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°428, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est instauré un moratoire sur les suppressions de postes prévues à La Poste.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Une réduction brutale des effectifs est observée depuis plusieurs années à La Poste, où un seul contractuel est embauché pour remplacer deux départs à la retraite. Après les 10 000 suppressions d'emplois constatées en 2007, il y en a eu 7 000 en 2008. Et le Gouvernement accentue le processus puisque le président de La Poste a reconnu, le 29 juin dans les médias, qu'en 2009, le taux de remplacement tomberait à un sur trois. Il l'a répété le 5 octobre devant la commission.

L'option pour le statut de société anonyme conduirait La Poste à suivre la voie tracée dans les autres pays européens. Ainsi, après la fin du monopole postal décidée en 1993, la poste suédoise a vu ses effectifs fondre de 72 000 agents à 38 000, dont un tiers à temps partiel. Lorsqu'elle a été privatisée en 2000, la Deutsche Post avait 26 000 bureaux ; il n'en reste que 13 000, en majorité simples points postaux concédés dans les supermarchés ou les épiceries... Entre 1992 et 2006, ses effectifs sont passés de 306 151 personnes à 150 548, sur fond de développement de la sous-traitance et de cession des services financiers. Quasiment en faillite il y a sept ans, la poste anglaise à perdu 30 000 emplois à l'issue d'une restructuration qui aura coûté 3 millions d'euros.

M. Roland Courteau.  - Et voila !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - En 2007, quelque 250 bureaux ont été fermés, cependant que la faillite du fonds de pension mettait à mal les retraites des postiers. Enfin, certains pays comme le Japon reviennent sur la privatisation de leur poste.

Dans notre contexte de chômage et de précarité, les entreprises publiques, mobilisés pour le plan de relance, doivent jouer un rôle d'amortisseurs pour l'emploi. Il faut prendre ses responsabilités car on ne peut laisser la société se déliter à ce point en supprimant tous les garde-fous !

Faut-il se résoudre à voir La Poste supprimer des emplois pour les remplacer par des contrats d'insertion ? La qualité du service postal ne doit pas souffrir de cette politique !

M. Roland Courteau.  - Belle démonstration.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - La nouvelle société anonyme entièrement publique ne devrait-elle pas donner l'exemple ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - La Poste est le premier employeur après l'État, avec 299 000 salariés en 2007 dont 245 000 dans la maison mère. Est-ce à la loi de déterminer la politique d'emploi d'une entreprise, fût-elle publique, qui compte 162 000 fonctionnaires et 137 000 salariés ? Nous ne pouvons être favorables à cet amendement.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Défavorable.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - La loi ne peut empiéter sur le domaine réglementaire mais elle doit garantir l'égal accès au service public. Si on accélère la destruction d'emplois, on ne pourra l'assurer dans les zones les moins accessibles. On l'a vu chez nos voisins qui doivent passer entre les boîtes de conserve pour aller chercher un pli dans une épicerie. Ce n'est pas notre conception du service public.

A la demande de la commission, l'amendement n°428 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 151
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Article premier

Après l'article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom, il est inséré un article 1-2 ainsi rédigé :

« Art. 1-2. - I. - La personne morale de droit public La Poste est transformée à compter du 1er janvier 2010 en une société anonyme dénommée La Poste. Le capital de la société est détenu par l'État et par d'autres personnes morales de droit public, à l'exception de la part du capital pouvant être détenue au titre de l'actionnariat des personnels dans les conditions prévues par la présente loi.

« A la date de publication de ses statuts initiaux, le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l'État.

« Cette transformation n'emporte pas création d'une personne juridique nouvelle. L'ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de la personne morale de droit public La Poste, en France et hors de France, sont de plein droit et sans formalité ceux de la société anonyme La Poste à compter de la date de la transformation. Celle-ci n'a aucune incidence sur ces biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations et n'entraîne, en particulier, pas de modification des contrats et des conventions en cours conclus par La Poste ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce, ni leur résiliation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l'objet. La transformation en société anonyme n'affecte pas les actes administratifs pris par La Poste. L'ensemble des opérations résultant de la transformation de La Poste en société est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d'aucun impôt, rémunération, salaire ou honoraire au profit de l'État, de ses agents ou de toute autre personne publique.

« II. - La Poste est soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la présente loi.

« Les premier et quatrième alinéas de l'article L. 225-24 du code de commerce s'appliquent en cas de vacance de postes d'administrateurs désignés par l'assemblée générale.

« Le premier alinéa de l'article L. 228-39 du même code ne s'applique pas à la société La Poste.

« L'article L. 225-40 du même code ne s'applique pas aux conventions conclues entre l'État et La Poste en application des articles 6 et 9 de la présente loi. »

Mme la présidente.  - Je demande instamment aux orateurs de respecter leur temps de parole.

Mme Odette Terrade.  - Nous entrons donc dans le vif du sujet avec la transformation de l'établissement public en société anonyme. Cela soumettra les activités et le personnel aux contraintes de la gestion privée. Rien dans les textes européens n'impose ce changement. Quant à l'argument selon lequel son statut serait un frein au développement de La Poste, les opérations réalisées démontrent le contraire : certaines atteignent 430 millions d'euros. Avec ses 102 filiales, l'entreprise a réalisé plusieurs grosses acquisitions, noué des partenariats et est présente en Espagne, en Grèce, en Turquie, en Afrique du sud, en Inde.... Rachats, partenariats ou échanges capitalistiques, elle est présente en Europe, en Océanie, aux États-Unis, en Amérique du sud, en Afrique.

Pour justifier cette privatisation rampante, on nous explique encore que ses capacités d'autofinancement sont trop faibles. A qui la faute ? La Poste a dû verser 2 milliards et emprunter 1,8 milliard de compensation pour les retraites ; elle a aussi versé un dividende de 141 millions en 2007 et le coût des missions de service public pèse pour 1 milliard sur ses comptes. M. Bailly, il est vrai, rêvait de lever 3 milliards sur le marché financier... Cette solution a reçu du plomb dans l'aile avec la crise, alors vous voulez que des entreprises publiques entrent à son capital -mais la Caisse des dépôts n'est jamais nommée. On sait que de telles opérations se soldent toujours par une privatisation, comme si l'État pouvait se désengager du financement des missions de service public puis en tirer argument pour assener le coup de grâce !

S'agissant des axes de développement prônés par M. Ailleret, il suffit de regarder vers l'Allemagne après la privatisation catastrophique de La Poste : les 850 bureaux les plus importants sont devenus des agences bancaires et les opérations postales se font dans des supermarchés. En Suède, où il faut payer pour recevoir son courrier à domicile, on parle de la réforme « moins un tiers », moins un tiers d'emplois, moins un tiers de bureaux. Si l'article premier était adopté, il en serait de La Poste comme de l'énergie, des transports, des télécommunications et de la santé qu'un secteur privé avide a transformés en champs de profits. Le groupe CRC-SPG défend l'attachement des Français au service public pour protéger l'intérêt général. (Applaudissements à gauche)

Mme Mireille Schurch.  - Le rapporteur explique que la privatisation consiste dans l'intervention de personnes morales de droit privé au sein du capital. Or cette possibilité était offerte par le texte initial de ce projet de loi, dont l'article premier permettait à « des personnes morales appartenant au secteur public » de participer au capital de La Poste. Cela pourrait donc s'appliquer à des personnes morales de droit privé. Cela en dit long sur les arrière-pensées du Gouvernement !

Le projet de loi donne également la possibilité de faire entrer l'actionnariat salarié dans le capital à hauteur de 49,99 %. Selon vous, cela ne constituerait pas une privatisation, nous n'avons pas la même lecture. Pour nous, cet article prend acte du désengagement de l'État de ses missions de service public, il renforce la politique de fermeture des bureaux de poste de plein exercice et de recours massif aux contractuels. Si le texte est adopté, le statut de La Poste relèvera du droit commun des sociétés. Aucun régime spécifique de cession des actions n'est prévu. Là encore, on tombe dans le droit commun et la composition du conseil d'administration va déroger à la loi relative à la démocratisation du secteur public. L'actionnariat des salariés, en plus de ses effets pervers sur leurs revenus en ces temps de crise, est bien une privatisation du capital de La Poste. C'est pourquoi nous ne pouvons croire le ministre lorsqu'il nous explique la main sur le coeur que la poste est « imprivatisable ».

Un service public national, cela se caractérise, cela ne se décrète pas. Or, vous dépecez l'entreprise de ses missions de service public, lui ôtant ce qui fait d'elle un service public national. Nous sommes dans le double discours. Il y a bien quelques reliquats de droit public, quand c'est au détriment des salariés : le président du conseil d'administration est nommé par décret et les contractuels sont soumis à l'article 31 de la loi de 1990.

Nous saluons votre prudence, monsieur le rapporteur, puisque vous avez souhaité, malgré les promesses de l'ensemble du Gouvernement, apporter des garanties afin que le caractère 100 % public du capital de La Poste, hors actionnariat salarié, soit mieux inscrit dans la loi. Nous partageons votre analyse quand vous jugez la rédaction de l'alinéa 2 ambiguë : avec la conjonction « ou », elle laissait la porte ouverte à un désengagement de l'État, le capital de La Poste pouvant appartenir exclusivement à des personnes morales du secteur public autres que l'État. Hélas, le remède proposé nous semble inefficace. Rien n'interdit que l'État détienne 0,1 % du capital, ce qui revient à peu près à la même situation que celle que vous souhaitez éviter. Le désengagement de l'État a commencé, avec la non-compensation des charges de service public.

Le rapporteur a eu raison de préciser que « seule une personne morale de droit public peut entrer au capital de La Poste », mais cela ne règle pas la question de la libre cession des actions.

Les opposants au changement de statut ne seraient pas en mesure de proposer une autre forme juridique que la société anonyme pour que La Poste puisse lever des capitaux sans recourir à l'endettement ? Nous vous renvoyons à nos propositions : maintenir l'Épic et créer un pôle public financier. Après les 30 milliards d'exonérations de cotisations sociales, les 360 milliards pour faire face à la crise, les 26 milliards du plan de relance, l'État ne serait pas en capacité de trouver les moyens juridiques et financiers d'assurer le service public postal ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Claude Biwer.  - Je serai un peu moins pessimiste : je ne crains pas une privatisation rampante, je fais confiance au Gouvernement.

En 1991, La Poste, qui avait encore le statut d'administration, a été transformée en Épic et a reçu l'équivalent de 3 milliards de fonds propres de l'État. Depuis lors, elle s'est développée avec sa propre capacité de financement et en empruntant. Son endettement s'élève à l'heure actuelle à 6 milliards, ce qui représente 1,7 fois ses fonds propres. Il est certain que, dans la perspective de l'ouverture totale du marché, La Poste ne peut plus compter que sur elle-même pour assurer son développement. En devenant une société anonyme à capitaux publics, elle bénéficiera d'un capital qui lui sera apporté par ses actionnaires, à savoir l'État et la Caisse des dépôts et consignations. Cet argent lui permettra de réaliser les investissements indispensables à sa modernisation, notamment dans le domaine du courrier ? dont le bilan se dégrade d'année en année.

C'est donc avec une certaine dose de mauvaise foi qu'une campagne a été orchestrée visant à faire croire que le Gouvernement s'apprêterait à privatiser La Poste. Ses auteurs, dont j'ai la faiblesse de penser qu'ils sont intelligents, savaient pertinemment qu'il n'en est rien !

Conscients, néanmoins, des inquiétudes suscitées par ce changement de statut, nous sommes un certain nombre au groupe UC à souhaiter que la part de l'État dans le capital de La Poste ne puisse être inférieure à 51 %. La solution retenue par notre commission me convient parfaitement. Je suis persuadé que ces modifications seront de nature à rassurer le personnel de l'entreprise ainsi que les collectivités territoriales rurales.

M. François Rebsamen.  - Nos amendements visent à supprimer cet article premier qui transforme La Poste en société anonyme. La préservation du statut d'exploitant public est essentielle pour respecter les quatre principes fondamentaux du service public : la continuité, l'égalité de traitement, l'adaptabilité et l'universalité. Le statut d'Épic est parfaitement adapté et la Commission européenne n'en exige pas le changement. Nous l'avons dit et ne cesserons de le répéter, repetitio mater studiorum !

Avec la société anonyme, la privatisation deviendra possible. Comme vient de le dire un conseiller du Président de la République : ce qu'une loi garantit, une autre loi peut le supprimer. Vos amendements « imprivatisables » ne pourront rien contre cette évidence assénée par M. Guaino.

Nombre de communes ont adopté des délibérations hostiles à cette privatisation. J'ai reçu celle de Montbard, celle de Lacanche, commune célèbre pour les cuisinières qui y sont fabriquées. On y ferme le bureau de poste alors les entreprises locales y paient 100 000 euros de frais d'expédition de leurs colis !

Les nombreuses réformes des services publics n'ont abouti qu'à leur détérioration. La Poste n'a d'ailleurs plus qu'une notation de AA.

Vous voulez transférer une propriété collective de la nation en une société anonyme dont le capital sera fractionné entre différents détenteurs. Nous voulons conserver son statut d'Épic à ce bien de la nation. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Teston.  - Cet article premier est central.

Cet article a deux volets, le changement de statut à compter du 1er janvier 2010 et la détention du capital par l'État et d'autres personnes morales de droit public.

Nous ne le répéterons jamais assez : nous rejetons la transformation de La Poste en SA, que n'imposent ni la directive ni la volonté de voir l'entreprise se développer. Le statut d'Épic n'a pas compromis son développement international : La Poste a noué de nombreux partenariats avec des opérateurs étrangers. Elle a créé 102 filiales et sa croissance externe a fortement progressé. Elle n'a jamais fait autant de bénéfices que ces dernières années, sans se limiter au courrier. Le premier semestre 2009 confirme le bien-fondé de cette stratégie multi-métiers avec la hausse des résultats de la Banque postale et le maintien de la rentabilité du secteur du colis et de l'express. Le groupe a consacré 3,5 milliards d'euros à la modernisation de son réseau sans accroître son endettement, il est vrai à un niveau élevé.

C'est dire que La Poste est une entreprise solide, qui a montré ce qu'elle était capable de faire -je rappelle que les envois de plus de 50 grammes sont déjà soumis à la concurrence. Sa dette est bien notée, ce qui lui permet d'acquitter des intérêts modestes. Reste qu'elle doit renforcer ses fonds propres et se désendetter ; il faut que l'État assume enfin ses obligations pour la présence postale comme pour le transport et la distribution de la presse.

Le second volet de l'article premier est relatif à la détention du capital. J'ai déjà dit que rien ne garantit que les actionnaires autres que l'État seront des personnes morales dont le capital sera 100 % public ; je n'y reviens pas. Le capital de La Poste doit rester entièrement public ; elle doit rester un Épic, ce statut étant un juste compromis entre l'assurance du maintien du service public et les nécessités de son développement dans un marché concurrentiel. (Applaudissements à gauche)

Mme Bariza Khiari.  - Quelques contre-vérités justifient aujourd'hui l'évolution d'une entreprise à laquelle les Français sont attachés, comme l'a montré la votation citoyenne. Ils savent que le changement de statut ne sera pas sans conséquence, ils savent que c'est l'antichambre de la privatisation. Ce n'est pas la même chose de dire « je vais te tuer » que « je te tue » ; mais la menace est là.

M. Nicolas About.  - Argument inconvenant.

Mme Bariza Khiari.  - L'ouverture totale du marché n'impose pas la transformation en SA.

M. Alain Gournac.  - Si !

Mme Bariza Khiari.  - Les trois directives laissent une certaine latitude aux États. M. Bailly soutient qu'il a besoin de 3 milliards d'euros pour investir à l'international, somme que le niveau de sa dette lui interdit de lever sur le marché. Le raisonnement est curieux : la SNCF, autre Épic, emprunte ; la RATP, autre Épic, fait de même avec ses 5 milliards d'euros de dettes et ses 2 milliards de fonds propres. Pourquoi La Poste n'a-t-elle pas la comptabilité qui lui permettrait de les imiter ? La réalité, c'est que le plan de développement à l'international de M. Bailly ne convainc pas les investisseurs... Si le Gouvernement n'avait pas commis le péché originel du bouclier fiscal, du boulet fiscal plutôt, il aurait des marges de manoeuvre financières pour aider La Poste. Nous ne voterons pas l'article premier parce que le changement de statut n'est en rien justifié. (Applaudissements à gauche)

M. Didier Guillaume.  - Le coeur de ce texte, c'est son article premier. Si le débat nous passionne, si nous sommes si nombreux à intervenir qu'on nous accuse de faire de l'obstruction (on se récrie à droite), c'est que nous savons que le changement de statut ne sert à rien. M. Teston l'a démontré, le statut d'Épic, qui est aussi celui de la SNCF, permet parfaitement à La Poste de travailler sur un marché concurrentiel. La privatisation de la SNCF serait inutile.

Face à ces arguments, il y a au mieux une incompréhension, au pire anguille sous roche. Nous aurions pu nous retrouver mais la majorité, malgré quelques voix dissonantes, est priée, après recadrage par le Président de la République et le Premier ministre, de suivre le Gouvernement. Nous avons vécu cette situation, nous la vivrons sans doute encore à sa place... J'ai cru comprendre qu'un conseiller élyséen comptait autant sinon, malheureusement, davantage que les ministres mais au moins, par ses propos sur le provisoire des choses, a-t-il fait preuve de « bravitude », parce que là est la réalité! (Exclamations amusées) Oui, la porte est bien ouverte à la privatisation. Avec l'Épic, on s'en prémunit.

Les Français sont attachés au service public, ceux des quartiers comme ceux des zones rurales.

M. Alain Gournac.  - Nous aussi !

M. Didier Guillaume.  - Le facteur est souvent le seul représentant du service public que rencontrent les personnes isolées ou âgées ; c'est lui qui parfois apporte les médicaments. Certains s'abonnent pour pouvoir rencontrer quelqu'un. C'est cela que nous voulons préserver, cela qui disparaîtra si, par malheur, La Poste est privatisée. Il en sera fini de l'égalité d'accès, de la non-discrimination, de la péréquation tarifaire. Car qui dit privatisation dit actionnariat, qui dit actionnariat dit rentabilité...

Mme Jacqueline Panis.  - Responsabilité !

M. Didier Guillaume.  - Et qui dit rentabilité dit fin du service public. Nous rejetons l'article premier qui fait entrer le ver dans le fruit. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - L'article premier est le noyau dur de ce texte. Le Gouvernement a sans ambiguïté annoncé la couleur : s'il est adopté, La Poste ne sera plus une entreprise publique. Pire : malgré toutes les assurances qu'on veut bien nous donner, l'État pourra se retirer du capital ; ce qu'a fait une loi, une autre peut le défaire. La Poste serait « imprivatisable » ?

Malgré l'ampleur de la crise qui secoue notre société, le Gouvernement continue à administrer sa potion libérale sans mesurer les risques qu'il fait prendre aux plus fragiles de nos concitoyens et qui ont besoin de s'appuyer sur les services publics.

Personne ne saurait nier les difficultés rencontrées par La Poste mais elles trouvent leur origine dans le désengagement de l'État qui devrait mieux abonder les crédits destinés à l'acheminement de la presse et à la présence postale. Avec cet article, le Gouvernement enfonce le clou et prend le risque de brûler ses propres vaisseaux. D'ailleurs, comment pourrait-il en être autrement alors que l'exécutif a fait de la réduction des coûts des services publics l'alpha et l'oméga de sa gestion tout en laissant paradoxalement exploser la dette publique, en prenant des mesures plus que contestables. Ainsi en est-il de l'aide colossale apportée au secteur bancaire sans droit de regard, du pacte automobile dont peu de sous-traitants ont bénéficié, de la baisse de la TVA dans la restauration qui a coûté des milliards, enfin, des niches fiscales et du bouclier fiscal maintenus contre vents et marées.

Votre devise est la suivante : on sélectionne strictement les bénéficiaires des aides et on mutualise la dette. Malgré vos dénégations, vous risquez de céder à la tentation de vendre une partie des actifs de l'État : transformée en SA, La Poste serait une candidate idéale.

Comme nous n'accordons aucun crédit à vos promesses, nous ne voterons bien évidemment pas cet article. (Applaudissements à gauche)

M. Martial Bourquin.  - Nous aimons tous La Poste mais il faut lui donner une vraie preuve d'amour (on s'amuse à droite) : renoncez donc au changement de statut !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Oh !

M. Alain Gournac.  - C'est ça !

M. Martial Bourquin.  - Si vous lui donnez cette preuve-là, nous sommes prêts à travailler avec vous pour moderniser cette grande entreprise publique. Nous avons besoin d'un débat serein pour qu'efficacité économique dans un monde en concurrence puisse rimer avec maintien du service public de La Poste et aménagement du territoire.

A chaque fois que nous parlons de l'Épic, la droite et le rapporteur se hérissent. (Mouvements divers) L'Épic est un statut moderne : l'arrêt « Corbeau » de 1993 de la Cour de justice européenne permet aux États d'encadrer la concurrence afin que des entreprises publiques puissent évoluer dans un monde en pleine mutation.

Cette crispation sur le changement de statut de La Poste démontre que l'on n'a pas tiré tous les enseignements de la crise financière. J'ai peur qu'avec ce changement de statut, l'accélération soit considérable dans les mois qui viennent. Nous avons encore le temps d'y renoncer. D'ailleurs, la SNCF, qui est soumise à la concurrence, est un Épic. Pourquoi en irait-il différemment pour La Poste ? Ne basculons pas vers une SA qui entraînera, à terme, une gestion privée de ce service public.

Dans ce projet de loi, il n'est nullement question de recapitalisation. Le changement de statut ne permettra pas de faire apparaître, comme par miracle, des milliards ! Pourtant, La Poste a besoin de connaître dès aujourd'hui les moyens dont elle disposera pour mener à bien sa modernisation.

Contrairement à vos affirmations, monsieur le ministre, l'opposition, et notamment M. Teston, ont fait de nombreuses propositions pour aider financièrement La Poste : que l'État prenne en charge ce qui lui revient, notamment pour la livraison de la presse et le service universel. Si vous nous suiviez, il serait possible d'éviter une ouverture du capital dans les années à venir. Un ancien ministre des finances a dit qu'il aimait beaucoup EDF. Il s'agissait d'une grande entreprise de service public. Or, on nous dit aujourd'hui qu'on pourrait manquer d'électricité cet hiver. Des cadres d'EDF estiment que les centrales n'ont pas été suffisamment entretenues, car cette entreprise est plus préoccupée par le marché que par le service public.

Il est encore temps d'abandonner cette privatisation de La Poste. (Applaudissements socialistes)

Mme Jacqueline Alquier.  - Ce projet de loi répond à une double logique qui met en danger le service universel postal. Il avalise l'ouverture totale à la concurrence, prévue par la troisième directive postale, et il procède à sa transposition en ne retenant que les dispositions les plus libérales.

Procédant directement de cette double logique, ce texte met fin au secteur réservé qui faisait la force du service universel postal et transforme La Poste en société anonyme. C'est bien à une libéralisation du secteur postal que nous assistons.

Ainsi, le financement du service universel risque de ne plus être assuré, d'autant moins que l'assiette de contribution des opérateurs est bien trop étroite. Peu de contraintes pèseront sur les concurrents de La Poste alors qu'elle seule assumera les missions de service public sur tout le territoire. Ses concurrents pourront ainsi mettre la main sur la collecte et le tri, laissant aux facteurs de La Poste le soin de distribuer le courrier.

L'Arcep, qui a toujours privilégié la concurrence au détriment du service public et des opérateurs historiques, voit ses prérogatives augmenter.

La première partie du texte décline l'article premier, transformant l'Épic La Poste en société anonyme. Autant dire que la suppression de cet article annulerait la première partie de ce texte. Chacun devra donc prendre ses responsabilités.

On nous explique que la transformation en SA serait incontournable, qu'il n'y aurait pas d'autres solutions, que l'actuel statut d'Épic serait un obstacle au développement de La Poste. Elle aurait besoin de capitaux pour moderniser son outil industriel et son réseau, pour développer ses activités de colis, voire de logistique dans un environnement concurrentiel et marqué par la baisse du courrier. On nous affirme que ce changement de statut n'aurait aucune conséquence sur les missions de service public et sur l'entreprise elle-même dont le capital demeurera 100 % public. Or, La Poste a déjà consacré 3,5 milliards à moderniser son réseau alors que des milliers de bureaux de poste ont été supprimés au profit d'agences postales communales et de relais-poste. Elle a également modernisé ses centres de tri en en faisant de véritables plates-formes industrielles de grande capacité de traitement. Les capitaux dont elle aurait besoin ne seraient donc destinés qu'à permettre à La Poste de se développer à l'international, comme le rappelait un de ses récents communiqués : « En dépit du bilan très positif de ces dernières années, La Poste ne dispose que d'une enveloppe très limitée de croissance externe qui ne lui donne pas les moyens d'assurer la politique de développement ambitieuse et nécessaire de ses métiers et de saisir les opportunités ». Ainsi, 2,7 milliards de fonds publics seraient mis au service de la stratégie d'internationalisation et de croissance externe de La Poste. Dans le même temps, ne va-t-on pas assister à la suppression de milliers d'emplois sans débat public préalable ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Roland Courteau.  - Les faux remparts que vous érigez ne sont que des digues de papier. Ils ne rassureront pas les Français alertés par la dérive vers la privatisation. Certains ministres ont lancé des salves de justifications, qui se sont parfois contredites. C'était abracadabrantesque... Mais un proche conseiller de l'Élysée a vendu la mèche, ce qui a permis à un journaliste d'écrire : « Pendant qu'Estrosi fait le pompier, Guaino souffle sur les braises. » Il n'y aurait donc rien d'éternel pour ce qui est du statut d'entreprise publique. Pan sur le bec ! Cela nous rappelle les promesses non tenues sur GDF en 2006.

Le ministre voudrait rendre La Poste « imprivatisable ». Chiche ! Mettez vos actes en phase avec vos discours. Yves Pozzo di Borgo a déposé un amendement, retiré depuis, visant à permettre à l'État de privatiser à terme La Poste sans qu'une nouvelle loi soit nécessaire. Cela augure bien d'une privatisation ultérieure ! Le sort de l'entreprise est décidé et ficelé depuis longtemps.

Nous voulons défendre La Poste : le statut actuel est une garantie indispensable. Nous persistons à penser qu'il est adapté à la modernisation et au développement de l'entreprise. Nous vous affronterons lors de la discussion des articles afin de sauvegarder un établissement public d'une grande utilité sociale et économique, qui symbolise le service public à la française. Jean-Jacques Mirassou a exposé les contre-exemples donnés par les pays pionniers de la libéralisation et de la privatisation. Ils devraient en faire réfléchir plus d'un ! D'ailleurs, le Japon fait marche arrière dans ce domaine.

Les Français vous observent, cher collègues. Ils n'accepteront jamais les services publics au rabais que vous leur proposez. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yannick Botrel.  - Le Gouvernement prend prétexte de la directive européenne de 2008 pour changer le statut de La Poste. Nous avons pourtant démontré que l'ouverture à la concurrence du secteur postal n'implique nullement la transformation en société anonyme. Il faut chercher l'explication ailleurs. Ce changement de statut n'est-il pas le premier pas vers une privatisation qui ne dit pas encore son nom ? Les changements proposés doivent être compris à la lumière du pur dogmatisme libéral.

La mission de cohésion et de service à nos territoires devrait à elle seule motiver l'engagement des pouvoirs publics. Aucune entreprise privée n'acceptera d'acheminer le courrier et d'être présente sur l'ensemble des territoires ruraux, mission à faible valeur ajoutée. Est-ce bien là le modèle que nous voulons pour La Poste ? Le statut de société anonyme est une menace pour son avenir car ses concurrents se positionneront sur les secteurs d'activité les plus rentables. Sa mission de service public est le dernier rempart contre ces dérives, mais pour combien de temps ? L'État aura-t-il autant d'exigences pour ses concurrents que pour La Poste elle-même ?

Ne cherchez pas à nous faire croire que ce changement de statut ne s'accompagnera pas de réorganisations avec des fermetures de bureaux, voire des réductions d'effectifs. 100 % du capital seront détenus par l'État et autres personnes morales de droit public, mais cela n'offre aucune garantie durable, la fusion GDF-Suez en témoigne. Le Gouvernement devrait apporter des garanties suffisantes et crédibles pour s'assurer que la Poste restera dans le domaine public. Pour cela, existe-t-il une meilleure solution que le maintien du statut actuel ?

La votation de ces dernières semaines a été un vaste mouvement citoyen dont l'ampleur a surpris les observateurs. Elle a rappelé l'attachement de nos concitoyens à La Poste et au service public postal. On ne peut nier, caricaturer ou ridiculiser la volonté populaire.

M. Alain Gournac.  - Le vote, c'est ici.

M. Yannick Botrel.  - Si on en doute, il faut poser la question au peuple. La majorité sénatoriale l'a refusé. Il reste au Sénat une dernière possibilité sur la voie de la rédemption démocratique : il faut écouter les Français, maintenir le statut actuel, supprimer le premier article de ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Chastan.  - L'hémicycle n'est pas assez vaste pour exprimer notre mobilisation contre ce projet de loi et montrer au plus haut niveau de l'État les actions menées depuis plusieurs mois par nos concitoyens. Nous défendons La Poste et l'ensemble des services publics qui ont permis à notre pays de devenir une puissance industrielle et commerciale reconnue.

Selon le Premier ministre, « La Poste restera un grand service public stratégique ». « La Poste restera à 100 % publique », a renchéri le ministre de l'industrie. Mais les Français n'ignorent rien de vos intentions futures. Nous avons la désagréable sensation de revivre le débat qui a précédé la privatisation de GDF. Plus de 2 millions de Français se seraient-ils déplacés pour réaffirmer leur attachement à La Poste publique si l'enjeu n'était pas si important ? Votre seule réponse, monsieur le ministre, c'est de remettre en cause la légitimité et la crédibilité de cette votation citoyenne et de refuser la tenue d'un référendum.

La Poste n'est pas une entreprise comme une autre. La conception du service public postal que vous proposez, fondée sur la rentabilité, ne correspond pas aux attentes de nos concitoyens. La Poste est un service de proximité qui rythme leurs journées, particulièrement dans les milieux ruraux. Ils tiennent viscéralement à La Poste et à ses services. En introduisant une logique purement économique au sein du marché postal, vous romprez l'équilibre entre le milieu rural et le milieu urbain au détriment des campagnes.

La Poste est un Épic et doit le rester. Sa transformation en société anonyme devrait permettre à l'entreprise de gagner en compétitivité. Mais doit-on craindre la concurrence imposée à ce service public dès lors qu'elle est déjà effective, hormis pour les envois de moins de 50 grammes ? La Poste résiste avec efficacité malgré la baisse de ses effectifs.

Votre argumentation circule en boucle depuis plusieurs mois dans les médias : La Poste doit se moderniser. Qui est contre ? En quoi le statut d'Épic handicaperait-il son développement ? Si vous lui en donniez les moyens, ce service public modernisé serait un exemple pour tous les pays industrialisés, avec un service de proximité et unifié pour une tarification identique. Ce qui se profile, c'est qu'une grande partie des 17 000 points de contact seront remplacés par des points poste qui n'assureront qu'une partie des services fournis par un bureau. II faudra récupérer son colis entre les rayons d'un magasin. Cette vaste entreprise de dématérialisation du service a déjà commencé dans le XVIlle arrondissement parisien, où les recommandés peuvent être retirés dans une station de métro.

Ce changement de statut n'augure rien de bon pour les salariés de l'entreprise. Le passage en société anonyme va profondément modifier le régime de retraite complémentaire des contractuels, qui relève aujourd'hui d'un gestionnaire public, l'Ircantec. Demain, avec l'Agirc-Arrco, leurs cotisations seront plus élevées tandis que leurs pensions baisseront. Monsieur le ministre, réfléchissez aux conséquences néfastes que subiront les Français et le personnel de La Poste, à l'exemple des employés de France Télécom.

Nous nous opposons fermement à ce changement de statut. « On a tous à y gagner », tel était le slogan de La Poste à l'orée du XXle siècle. « On a tous à y perdre » serait plus adapté aujourd'hui. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Cet article contient un solide verrou anti-privatisation. C'est dommage car La Poste pourrait, à terme, se trouver renforcée par des échanges d'actions, des achats d'entreprises, de franchises ou des investissements que seule l'ouverture du capital à des investisseurs privés permettrait de financer. Il s'agit de ne pas reproduire l'erreur faite par France Télécom. Cette entreprise a procédé à environ 100 milliards d'euros d'achats entre 1999 et 2001, dont 80 % ont été payés comptant. Cela a très gravement affecté son économie pendant plusieurs années : c'était le groupe de télécommunications le plus endetté du monde en 2002, avec une décote de sa valeur du fait de ratios financiers préoccupants. Il a fallu augmenter le capital en faisant baisser la participation de l'État !

A l'inverse, on peut tirer un enseignement intéressant de ce qui s'est passé entre les postes danoise et suédoise.

Le 24 juin dernier, la poste suédoise et la poste danoise ont fusionné. Le Danemark avait anticipé en ouvrant 22 % du capital de sa poste nationale à CVC-Capital-Partners, un fonds européen, facilitant ainsi la fusion. La poste suédoise, elle, était possédée à 100 % par l'État mais, à l'inverse de ce qu'on fait ici, la loi suédoise n'avait pas interdit l'entrée de fonds privés dans son capital, si bien que la fusion a été possible juridiquement. Le nouvel opérateur né de ce mariage, Norden Posten, atteignant une taille critique, a pu reprendre une place de quasi-exclusivité sur le marché scandinave, au moment où des opérateurs privés taillaient des croupières aux deux opérateurs séparés. Inutile de dire que ses 50 000 salariés sont assurés d'un futur plus radieux et que ses capacités d'investissement lui permettent de garder sa place de pionnier du service postal en Europe. Voilà le paradigme économique que l'on ne pourra pas réaliser en verrouillant, comme le projet de loi le fait, le capital de La Poste.

Ma deuxième grande incompréhension concerne mes collègues de l'opposition : depuis quand l'exécution d'une mission de service public est-elle l'apanage de la seule personne publique ? Il faut cesser de défendre cette contre-vérité. Il existe heureusement bon nombre d'entreprises privées ou à capitaux publics et privés qui délivrent des prestations de service public de qualité.

M. Didier Guillaume.  - On le sait !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Comme ce projet de loi interdit l'ouverture du capital, j'avais déposé un amendement permettant, à terme, la privatisation, auquel j'ai finalement renoncé...

M. Roland Courteau.  - Encore heureux !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Plaît-il ? J'y ai renoncé parce que j'appartiens à une majorité, qu'un arbitrage a eu lieu et que je le respecte. Je maintiens cependant que, à terme, verrouiller toute ouverture de capital porterait préjudice à La Poste, et surtout à ses salariés, et je regrette que la gauche nous cantonne dans un débat d'un autre temps. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Didier Guillaume.  - Ils applaudissent la privatisation !

M. Claude Jeannerot.  - Je tiendrai un discours d'une toute autre tonalité. Je ne suis pas membre de la commission de l'économie mais je me sens le porte-parole des 594 maires de mon département qui, voyant chaque jour reculer les services publics dans leur territoire, ont des raisons de douter que cette transformation sera bénéfique. A leurs voix, j'ajoute celle de l'Association des maires ruraux de France qui, tenant son congrès dans mon département il y a quelques jours, s'est inquiétée du risque de voir, à terme, l'entrée de fonds privés dans le capital de La Poste et, ensuite, sa privatisation. Ces maires ruraux ont demandé le maintien du caractère public de l'entreprise et la consolidation du Fonds de péréquation territoriale. Ils sont inquiets car ils sont bien convaincus que ce changement de statut n'est qu'une première étape vers la privatisation et parce qu'ils sont attachés à ce patrimoine national commun qu'est le service public. C'est notre richesse commune, c'est la garantie de l'égalité républicaine. Ne bradons pas ces valeurs !

La principale richesse de La Poste, ce sont ses personnels. Pour eux aussi, monsieur le ministre, je vous exhorte à ne pas changer le statut de La Poste. Je pense, en cet instant, à mon père, simple facteur, dont l'exemple m'a appris l'engagement quotidien pour le service public, sa grandeur et ses exigences. Il était fier d'appartenir à un service de proximité et de première nécessité. La Poste est un immense patrimoine humain. Il appartient à la Nation. Ne le bradons pas ! (Applaudissements à gauche)

M. Claude Bérit-Débat.  - On nous jure, la main sur le coeur, que La Poste ne sera pas privatisée et qu'elle serait, selon le terme désormais consacré, « imprivatisable ». M. Pozzo di Borgo, emporté par un libéralisme débridé, regrette, lui, ce qu'il appelle un verrouillage. Pourtant, où sont les garanties que La Poste ne sera pas privatisée, ni aujourd'hui, ni demain, ni même après-demain ? Nous attendons toujours qu'elles apparaissent clairement dans le texte. Elles sont d'autant plus indispensables que le changement de statut risque surtout d'aggraver les problèmes et les dysfonctionnements déjà existants de La Poste.

J'illustrerai ces problèmes par ceux de mon département, la Dordogne. Il y a d'abord le véritable marché de dupes offert par la direction de La Poste aux maires des petites communes : soit ils acceptent de passer en agence postale, voire en point poste, en prenant donc en charge financièrement la gestion du service postal ; soit ils voient leur bureau de poste diminuer ses horaires d'ouverture. Il y a ensuite ces communes plus importantes qui perdent, elles aussi, des heures d'ouverture : c'est même le cas de Périgueux, malgré sa croissance démographique... Plus grave encore est le cas des quartiers sensibles faisant l'objet d'un contrat urbain de cohésion sociale, où les bureaux de poste sont désormais fermés le samedi matin. Il y a aussi cette petite ville où le bureau de poste est fermé le mercredi après-midi et où on a tenté de le fermer aux heures de sortie des écoles, malgré une très forte affluence.

Concrètement, ce dont les citoyens ont besoin, c'est de plus de service public. Ils en veulent plus et mieux. Et ils ont raison. Cela étant, je ne suis pas sûr que l'essentiel soit de changer le statut de La Poste. En revanche, je suis certain que ce n'est pas en la transformant en société anonyme que nous résoudrons ses problèmes. Etre moderne, ce n'est pas se plier à la logique de la concurrence. Etre moderne, c'est au contraire mettre en oeuvre tous les moyens disponibles pour permettre à La Poste de remplir ses missions de service public. Cela suppose d'apporter toutes les garanties assurant qu'elle ne sera ni privatisée ni soumise à une logique libérale, inconciliable avec le service public auquel les Français aspirent. (Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à 19 h 15.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 21 h 35.