Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.

Campagne de vaccination contre la grippe A

M. Nicolas About .  - Je remercie M. le Premier ministre pour son propos sur le drame d'Haïti et les informations qu'il nous communique, nous savons que la France fera son devoir envers un peuple ami.

Je souhaite interroger Mme Bachelot-Narquin : madame la ministre, après l'affaire du sang contaminé, avec l'inscription - peut-être à tort- du principe de précaution dans notre Constitution, quelle peut être la marge de manoeuvre des pouvoirs publics face au risque sanitaire ? Soit ils n'agissent pas, et on les accablera de tous les maux, soit ils agissent, et on les accusera d'en faire trop. L'action face à la pandémie de grippe A relève certainement du second cas de figure. En effet, alors que trois millions de nos compatriotes ont été atteints et que la grippe a déjà fait 269 morts en France, le virus est apparu moins virulent que prévu, et la campagne de vaccination n'a pas eu le succès escompté. Nous ne vous en blâmons pas !

M. David Assouline.  - Si !

M. Nicolas About.  - Non ! Ce que nous voulons, c'est que l'action soit parfaitement transparente et que chacun sache quel a été le cheminement des décisions, quel a été le rôle de l'OMS et des comités d'experts, quelle est la situation actuelle avec 88 millions de vaccins inutilisés, des millions d'antiviraux et un milliard de masques. La gestion des ressources, ensuite, n'est pas apparue idéale : pourquoi tous les outils prévus n'ont-ils pas été mis en oeuvre ? Finalement, quel a été le coût total de la campagne ? Où en sont les accords avec les laboratoires pharmaceutiques ? Les relations avec les professionnels de santé n'ont-elles pas souffert ? Bref, quelles leçons tirez-vous de l'expérience ? (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports .  - A mon tour, j'exprime mon émotion devant le drame épouvantable qui frappe le peuple haïtien. Le ministère de la santé s'impliquera totalement dans l'aide que la France apportera, sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre.

Vous demandez toute la transparence et vous avez raison. C'est ce que j'ai fait depuis le début, en me rendant régulièrement et pour de longues séances devant les assemblées parlementaires, en répondant à toutes les questions qui m'ont été posées.

Dès la pandémie connue, nous avons décidé, avec d'autres pays, de lancer une large campagne de vaccination ouverte à tous ceux qui le souhaitaient, parce que cette pandémie était d'un nouveau type. Notre première raison était éthique : nous avons suivi l'avis 106 du Conseil national d'éthique, qui avait recommandé, au nom de l'égalité républicaine, de garantir l'accès de tous à la vaccination.

Techniquement, les autorités de santé, internationales et nationales, convenaient qu'il fallait deux doses pour que le vaccin soit efficace : c'est la raison pour laquelle, en tenant compte d'un taux d'attrition de 25 %, comme d'autres pays, nous avons commandé 94 millions de doses. Le 20 novembre dernier, les autorités internationales et européennes ont convenu qu'une seule dose était suffisante : c'est pourquoi j'ai alors résilié la commande de 50 millions de doses, devenues inutiles.

Restent 44 millions de doses : 5,5 millions ont déjà été utilisées, nous en avons offert 10 millions à l'OMS et, avec les pertes inéluctables, la réserve s'établit donc aujourd'hui à environ 25 millions de doses. (M. René-Pierre Signé daube)

La campagne de vaccination a débuté il y a deux mois, elle ne fait que commencer et elle doit se poursuivre jusqu'en septembre. Il faut indiquer que le risque pandémique est toujours là : la vaccination reste la meilleure protection ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. René-Pierre Signé.  - Et le coût ?

Soldats français en Afghanistan

M. Didier Boulaud .  - Le groupe socialiste s'associe aux propos qui viennent d'être tenus à propos de la douloureuse situation d'Haïti.

Trois soldats français viennent de perdre la vie en Afghanistan. Je voudrais tout d'abord adresser nos condoléances attristées à leurs familles et à leurs proches et rendre hommage aux 4 000 soldats français engagés en Afghanistan pour leur courage, leur dévouement et leur abnégation. En 2008, après le drame de la Kapisa, qui a fait dix morts dans les rangs de l'armée française, nos concitoyens ont compris que notre pays était vraiment engagé dans une guerre. Ce sont 39 soldats français qui ont trouvé la mort depuis 2001. L'année 2009 a été la plus meurtrière pour les forces de la coalition et la montée en puissance de l'insurrection talibane fait craindre que 2010 ne soit encore pire.

Pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur l'opération qui était menée lorsque les soldats français ont été tués, les entrefilets dans la presse n'informant en rien ?

Face à l'aggravation de la situation, certains pays envisagent de retirer leurs troupes. Le Canada l'a décidé pour 2011, les Pays-Bas s'interrogent, tandis que les Américains ont décidé d'envoyer 30 000 militaires supplémentaires et demandent à leurs alliés de faire aussi un effort. En 2007, le candidat Sarkozy déclarait péremptoirement que la présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du monde ne semblait pas décisive et qu'il s'engageait à poursuivre le rapatriement de nos forces entamé par Jacques Chirac. Depuis qu'il a été élu, nos effectifs n'ont cessé d'augmenter et il semble que nous ayons perdu notre liberté d'appréciation de la situation pour nous trouver en position supplétive depuis notre très hasardeux retour dans le commandement de l'Otan. Qu'en est-il de l'autonomie de nos états-majors ? Qui décide vraiment de l'engagement de nos militaires ? La position française paraît chaque jour plus floue. Que sera-t-elle à la conférence de Londres ?

Le gouvernement français qui s'est tant vanté, lors de sa présidence de l'Union, de son action en matière de défense européenne, a-t-il entrepris des démarches auprès de nos partenaires pour apporter une réponse commune à la demande américaine ? Le Parlement aura-t-il enfin son mot à dire si le Président de la République acceptait d'augmenter nos effectifs ? (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes .  - Je vous réponds à partir des informations que m'a confiées M. Morin.

La semaine dernière nos forces armées ont été endeuillées par la mort d'un officier et de deux sous-officiers, ce qui porte à 39 le nombre de nos tués depuis 2001. Nous n'avions certes pas eu de pertes depuis octobre dernier.

Ce lourd tribut est principalement imputable à des engins explosifs improvisés posés le long des routes. Nos militaires accomplissaient auprès des Afghans leur mission de formation, qui comporte deux volets, la formation initiale et l'application en unité opérationnelle, pour mettre en place une armée nationale capable d'assurer la stabilité et la sécurité du pays. Pour répondre à la menace de ces engins explosifs, nos forces doivent s'adapter en permanence et inventer des parades. Les moyens de détection et de protection individuelle ont été renforcés, pour un coût de 200 millions.

Les efforts coordonnés de la communauté internationale seront présentés à Londres le 28 janvier ; c'est là que nous comparerons les possibilités qui sont les nôtres. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. René-Pierre Signé.  - La majorité dort, elle n'applaudit plus très vigoureusement.

Chômeurs en fin de droits

Mme Isabelle Pasquet .  - Nous aussi voulons dire l'émotion que nous ressentons avec le drame que subit Haïti, déjà frappée par tant de catastrophes.

Pôle emploi a calculé qu'un million de chômeurs arriveront en fin de droits en 2010. Parmi eux, pas plus d'un sur quatre sera éligible à l'allocation de solidarité spécifique de 454 euros par mois ; les autres le seront peut-être au RSA. Beaucoup se retrouveront sans aucune ressources. Ces chômeurs en fin de droits sortiront des chiffres du chômage pour entrer dans ceux de la grande pauvreté. Il faut tout faire pour éviter qu'ils ne passent dans la spirale infernale de la fin de droits au RSA pour finir SDF.

Les emplois continuent de disparaître et les entreprises n'embauchent plus. Alors que « la crise internationale » que vous invoquez souvent a poussé votre Gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles en faveur des banques -lesquelles renouent d'ailleurs avec les bénéfices et les mauvaises habitudes- il est de votre devoir d'agir pour ces personnes, pour lesquelles il ne s'agit même plus de pouvoir d'achat, mais de capacité de survivre.

Nous vous demandons donc avec force ce que vous comptez faire face à cette situation urgente. (Applaudissements à gauche)

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie .  - Je vous prie d'excuser M. Wauquiez, en déplacement dans l'Ardèche.

Ce n'est pas nous qui « invoquons » la crise internationale ! Tous les pays en font le constat, et vous-mêmes à l'occasion. Nous avons donc dû faire face à cette crise. Nous avons pris des mesures exceptionnelles pour que personne ne reste sur le bord du chemin, et d'abord pour limiter le nombre de destructions d'emplois.

M. René-Pierre Signé.  - De ce point de vue, c'est raté !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Ensuite, nous avons mis en place plusieurs dispositifs pour aider au reclassement de ceux qui avaient perdu leur emploi à la suite d'un licenciement économique.

Malgré toutes ces actions, 850 000 chômeurs arrivent en fin de droits chaque année. Les chiffres vont encore augmenter en 2010 parce que la nouvelle convention d'assurance chômage s'ouvre aux salariés ayant cotisé entre quatre et six mois : il n'y a pas plus de chômeurs en fin de droits mais une modernisation...

M. Guy Fischer.  - Un durcissement !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Les personnes en fin de droits peuvent bénéficier du RSA ou de l'allocation de solidarité spécifique.

M. René-Pierre Signé.  - Ce n'est pas vous qui payez !

M. Christian Estrosi, ministre.   - Un groupe de travail comprenant représentants des syndicats et du patronat nous présentera prochainement ses conclusions. Le Gouvernement a pris toutes ses responsabilités (protestations à gauche) pour que l'ascenseur social reste l'honneur de notre modèle social. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Aucune réponse !

Haïti

Mme Fabienne Keller .  - Ma question, d'une actualité douloureuse, porte sur le puissant séisme que vient de subir Haïti. Je vous remercie des propos qui viennent d'être tenus. La France entretient en effet une amitié forte et particulière avec le pays le plus pauvre du monde, auquel rien n'est épargné. Je le connais bien en raison d'un jumelage de ma ville et l'on peut dire que vient d'être détruit tout ce qui ne l'avait pas été par les cyclones. Quelles mesures d'urgence allez-vous prendre et quelles actions à long terme aideront-elles à y reconstruire une société ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes .  - Après ce que le Premier ministre a dit, j'ajouterai quelques actions d'urgence : cinq avions, 130 sauveteurs, des équipes médicales, des gendarmes, des équipes spécialisées dans les recherches dans les décombres. Ce soir, un avion partira avec un hôpital mobile à installer sur le terrain de la résidence de l'ambassadeur. Mais on ne parlera de chiffres qu'après, on découvrira alors l'ampleur du désastre. Des gens se sont enfuis, qui reviendront. Ne croyons pas les chiffres actuels : j'espère que nous serons en-deçà.

Oui, il faut traiter l'eau et, bien sûr, il faut chercher les disparus et nous le faisons car des miracles sont possibles. Déjà, 91 familles, dont des blessés, sont arrivées à la Martinique et le deuxième A310 repartira avec d'autres blessés.

La reconstruction, c'est d'abord la coordination avec les États-Unis et l'Union européenne. Nous avons nommé un coordinateur de la reconstruction : il faut redonner espoir. Enfin, le centre de crise fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Promotion sociale par l'éducation

Mme Françoise Laborde .  - Au nom de mon groupe, je m'associe à l'émotion suscitée par le tremblement de terre qui a frappé Haïti. Nous partageons la douleur et la peine des familles touchées.

En l'absence du ministre de l'éducation, qui n'a pas fait sa rentrée au Sénat, ma question s'adresse au Premier ministre.

Il n'y a pas si longtemps, le système scolaire était conçu pour repérer les élèves appartenant aux milieux défavorisés et les accompagner, dès qu'ils en avaient les moyens, vers l'université, les grandes écoles et les concours les plus prestigieux. C'est de cette façon que l'ascenseur social a fonctionné depuis Jules Ferry mais il est en panne et les inégalités se sont accrues.

Les solutions envisagées, comme admettre à tout prix 30 % de boursiers dans les grandes écoles, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ce n'est pas ainsi que nous ferons repartir l'ascenseur social dans notre République malade. Toutefois cette proposition a suscité des réactions excessives, proches de l'indécence. Ce refus de s'ouvrir à la diversité apparaît comme la volonté de maintenir la reproduction sociale.

Il faut répondre aux exigences des principes républicains si chers au RDSE. L'égal accès aux responsabilités est fondé, dit la Déclaration de 1789, sur la vertu et le talent. Quelles mesures allez-vous prendre pour ne pas en rester aux palliatifs ? Avez-vous réfléchi à des solutions pour que l'école de la République atténue les inégalités dans l'accès au savoir et à la culture et pourquoi ne pas coupler davantage critères sociaux et résultats dans l'attribution des bourses ? (Applaudissements sur les bancs du RDSE et du groupe socialiste)

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville .  - (Exclamations amusées à gauche) Je vous prie d'excuser M. Chatel, qui est aujourd'hui à Londres.

En matière d'égalité des chances, il s'agit de tenir les promesses de la République et toute l'action du Gouvernement est orientée vers la justice sociale. Un enfant de milieu défavorisé a sept fois plus de probabilités de ne pas savoir lire.

Pour un élève de seconde issu d'un milieu défavorisé qui entre en classe préparatoire, six issus de milieux aisés y entrent. Le Gouvernement est conscient du problème depuis longtemps et s'en occupe. L'éducation prioritaire est dotée, en 2010, d'un milliard de plus que les autres secteurs éducatifs.

Nous avons pris le problème globalement depuis le départ. Les nouveaux programmes au primaire réservent deux heures de soutien aux élèves en difficulté. L'accompagnement éducatif est doté d'un million pour des stages de remise à niveau au CM1 et au CM2. Un nouveau dispositif éducatif a été mis en place pour les élèves qui souhaitent suivre des stages, d'anglais par exemple, pendant les vacances. L'enseignement professionnel, avec le bac pro en trois ans, est rendu plus accessible, dans une logique de progrès. La réforme du lycée, enfin, engagée par Luc Chatel, doit remettre les élèves sur la voie de la réussite grâce en particulier à une meilleure orientation.

La dynamique « espoir banlieues » engagée par Fadela Amara (protestations à gauche)...

M. David Assouline.  - Qui a dû largement faire appel aux collectivités locales !

M. Xavier Darcos, ministre.  - ...donne à 5 % des élèves des lycées la possibilité d'aller vers les classes préparatoires. Le Président de la République a demandé que soient mobilisées 20 000 places supplémentaires dans les internats d'excellence, dès l'an prochain.

Il s'agit donc d'un processus global. Cessons de nous accrocher à la question des quotas. C'est un travail de fond, au quotidien, qui est mené dans le milieu scolaire, dans les collectivités, avec la politique de la ville, et le Gouvernement n'a pas de leçons à recevoir en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Taxe carbone

Mme Nicole Bricq .  - Le Conseil constitutionnel a censuré, l'an dernier, la loi de finances pour 2010. Dès que cette décision a été connue, le Gouvernement s'est mobilisé et les ministres se sont précipités pour dire à l'opinion qu'il ne s'agissait là que d'une erreur technique, qui serait réparée dès le 20 janvier. Mais dans un deuxième temps, il a été question d'une nouvelle copie opérationnelle pour juillet avant que, dans un troisième temps, un ministre de la République accuse publiquement le Conseil constitutionnel de partialité, tandis que le Premier ministre lui-même se disait surpris... (On renchérit à gauche)

La décision du Conseil constitutionnel met surtout le doigt sur la méthode du Gouvernement, qui peut se résumer en trois mots : improvisation, précipitation, confusion. (Protestations sur les bancs UMP)

M. Didier Boulaud.  - Et paupérisation !

M. René-Pierre Signé.  - Amateurisme !

Mme Nicole Bricq.  - Fallait-il donc que le Président de la République arrivât au sommet de Copenhague en champion solitaire de la cause de l'écologie ? On a vu le résultat. Plus grave, en multipliant les exonérations en faveur des entreprises déjà fort bien servies avec la suppression de la taxe professionnelle, en instaurant une taxe supplémentaire sur les ménages sans prendre en compte leur niveau de revenu -alors qu'un rapport remis au Gouvernement relève que la précarité énergétique touche de 3 à 4 millions de foyers-, en s'accrochant à l'injustice fiscale, dont le bouclier fiscal constitue plus que jamais le symbole (marques d'impatience à droite), le Gouvernement ne rend pas service à la cause de l'écologie, assimilée par les citoyens à un privilège de riches.

Ma question s'adresse au Premier ministre, chef du Gouvernement : comment entendez-vous réparer ce qu'il faut bien considérer comme un gâchis ? (Applaudissements à gauche)

M. François Fillon, Premier ministre .  - Le Conseil constitutionnel a annulé les dispositions relatives à la taxe carbone considérant qu'elle créait une inégalité devant l'impôt, les grandes entreprises très émettrices de CO2 n'étant pas concernées. Mais elles le sont par le dispositif européen des quotas...

M. Jacques Mahéas.  - Pas jusqu'en 2013.

M. François Fillon, Premier ministre.  - ...gratuit en effet jusqu'en 2013 mais bien mis en place pour inciter les entreprises à changer leur comportement, comme la taxe carbone, qui sera remboursée intégralement aux ménages.

Le Gouvernement a pris acte de la décision du Conseil constitutionnel. Le ministre d'État, ministre de l'écologie, présentera au conseil des ministres du 20 janvier prochain un dispositif répondant aux critiques et mettant en oeuvre une taxation des entreprises grandes émettrices de CO2 avec un dispositif de compensation à décider pour que leur compétitivité n'ait pas à en souffrir brutalement au risque de voir disparaître des pans entiers de notre sidérurgie et de notre industrie du ciment. Nous aurons un débat avec les partenaires sociaux, les entreprises et le Parlement décidera, sachant que nous souhaitons que ce dispositif s'applique au 1er juillet prochain.

Il n'y a eu aucune précipitation, madame Bricq : la taxe carbone est un engagement du Président de la République...

M. Didier Boulaud.  - Comme tant d'autres...

M. François Fillon, Premier ministre.  - ...et a fait l'objet d'une mission confiée à Michel Rocard. (Protestations à gauche) Et puisque vous parlez d'improvisation, vous feriez bien de balayer devant votre porte. (Applaudissements à droite) Le parti socialiste n'a-t-il pas signé la charte de Nicolas Hulot, qui prévoit une taxe carbone ?

M. David Assouline.  - Pas cette taxe-là !

M. François Fillon, Premier ministre.  - N'a-t-il pas voté le Grenelle de l'environnement, dont un article prévoit expressément l'institution d'une taxe carbone ? J'ajoute que, dans le recours déposé par le PS devant le Conseil constitutionnel contre la loi de finances, il n'est aucunement fait mention d'une inconstitutionnalité de la taxe carbone. (Applaudissements à droite. M. Jean Arthuis applaudit aussi)

Conférence sur l'Afghanistan.

M. Josselin de Rohan .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Je m'associe à l'hommage rendu aux trois soldats tombés en Afghanistan. Je salue leur courage et leur mémoire et je partage la douleur de leurs proches.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, le 28 janvier prochain aura lieu une conférence sur l'Afghanistan. Je souhaiterais savoir ce que vous en attendez. Doit-il en ressortir un engagement ferme et sincère du Président Karzaï dans lutte contre la corruption ? Un soutien accru de la communauté internationale à une lutte contre la drogue impliquant les États riverains ? Une pression maintenue sur le Pakistan associée à une aide pour éradiquer Al-Qaïda et les talibans installés sur son sol ? Une augmentation sensible de l'aide internationale économique et sociale en Afghanistan et le rééquilibrage des crédits de la lutte armée ? Un accroissement des effectifs de la Fias pour répondre à l'appel des États-Unis ? Une meilleure coordination des activités des Nations unies, de l'Otan et des nations engagées sur le terrain ? Ne sera-ce là qu'une conférence de plus ou bien pensez-vous qu'elle puisse aboutir à un progrès décisif sur la voie du rétablissement de la paix et de la sécurité en Afghanistan ? (Applaudissements à droite)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes .  - Nous souhaitons tous ce que vous avez dit : que le Président Karzaï, réélu après les épisodes que vous connaissez, tienne ses engagements et qu'une nouvelle stratégie soit développée. J'espère comme vous que nous n'allons pas vers une conférence supplémentaire qui ne déciderait rien !

Je vous remercie pour l'hommage rendu à nos soldats, qui montrent actuellement l'exemple sur place en aidant chaque jour la population avec inventivité, notamment dans les vallées de Kapisa et de Surobi.

Lors de la conférence de Paris, nous avons évoqué l'afghanisation. L'expression est simple, pas la réalité ! Pour que les Afghans puissent prendre en charge leur développement, il faut qu'une force militaire assure leur sécurité. Il faut donc une armée afghane digne de ce nom, qui prenne en compte la réalité locale, pour ne pas dire tribale, et, tout à la fois, soit animée par un esprit de corps. Il faut également former des policiers, mais surtout s'acharner à convaincre la population civile que nous ne sommes pas présents pour l'éternité, car nous voulons partir au plus vite, après lui avoir transmis le fardeau de la direction et du développement.

La conférence de Londres doit aborder huit chapitres : perfectionner l'échange d'informations, domaine où nous avons encore beaucoup de progrès à accomplir ; élaborer un plan intégré de développement économique ; éliminer les obstacles à l'exécution des projets de développement ; améliorer l'efficacité de l'aide, dont il semble que seulement 10 % parvienne sur le terrain ; garantir l'État de droit et les droits de l'homme, la paix, la coopération et la sécurité, conformément à ce que le Président Karzaï a promis et à ce que nous aimerions le voir mettre en oeuvre. (Applaudissements à droite)

Lutte contre les délocalisations

M. Serge Dassault .  - Les délocalisations sont de plus en plus nombreuses, si bien que nos produits sont de plus en plus concurrencés par ceux fabriqués dans les pays où la main-d'oeuvre coûte moins cher et travaille plus.

M. Didier Boulaud.  - Ce n'est pas vrai !

M. Serge Dassault.  - Pour réduire leurs coûts, nos entreprises sont presque obligées de délocaliser leur production. Cela est vrai de plus en plus pour les voitures, sans doute bientôt pour les avions puisque les Chinois viennent de lancer un aéronef de 120 places qui concurrence directement l'Airbus A320, qu'ils construisent d'ailleurs sous licence. C'est dire le danger de fabriquer sous licence en Chine !

Mais ces délocalisations présentent le grave inconvénient d'augmenter le chômage en France. Il faut donc tout faire pour les éviter, donc réduire nos coûts de production.

Une première voie consiste à travailler plus (protestations à gauche), grâce aux 39 heures légales, en expliquant aux salariés que ne rien faire aggraverait le chômage. (Même mouvement)

La deuxième orientation consiste à changer l'assiette des charges sociales acquittées par les entreprises. On pourrait retenir le chiffre d'affaires diminué des salaires, ou instituer une TVA sociale. Tout cela permettrait d'augmenter plus facilement le pouvoir d'achat des salariés, tout en évitant à l'État de dépenser des milliards en allégements de charges devenus sans objet.

Travailler plus, changer l'assiette des charges sociales : monsieur le ministre, allez-vous rapidement étudier ces conditions fondamentales pour éviter les délocalisations, dans l'intérêt de tous ? (Applaudissements à droite)

M. Christian Estrosi, ministre de l'industrie .  - Vous avez raison : certaines de vos propositions méritent réflexion. Je regrette les quolibets que j'ai entendus. (Protestations à gauche) Qui peut se comparer à quelqu'un qui a tellement contribué à l'innovation et à la création d'emplois en France ! (Applaudissements à droite.)

La lutte contre les délocalisations est un combat quotidien pour le Gouvernement et sa majorité. Ainsi, la suppression de la taxe professionnelle réduira de 12 milliards d'euros les charges pesant cette année sur les entreprises. De même, le crédit d'impôt recherche conduit à rembourser aux entreprises 30 euros lorsqu'elles en consacrent 100 à la recherche. C'est le régime le plus attractif au monde ! Enfin, l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires a permis d'enregistrer 152 millions d'heures supplémentaires en 2009, après les 180 millions constatés en 2008.

M. Didier Boulaud.  - Comment cela peut-il contribuer à la création d'emplois ?

M. Christian Estrosi, ministre.  - Au lieu d'alourdir la fiscalité, le Gouvernement réduit la dépense publique pour faciliter la création de richesses et d'emplois.

J'ajoute que le Fonds stratégique d'investissement contribue à la recapitalisation des entreprises. Son action est accompagnée par le Fonds d'aide aux entreprises et par notre fonds souverain, le seul au monde destiné à recapitaliser les PME.

Nous enregistrons aujourd'hui toujours plus de relocalisations. (On en doute vivement sur les bancs socialistes) Dans votre département de l'Essonne, monsieur Dassault, une entreprise, 3S Photonics, a pris la relève d'Alcatel -dont le comportement n'a pas toujours été exemplaire. Elle a fait revenir 200 emplois en R&D de Taïwan, car la qualité de notre main-d'oeuvre et l'économie des coûts de transport diminuent la compétitivité de la délocalisation.

J'ajoute que le volontarisme politique joue un rôle : j'ai récemment reçu le directeur général de Renault et M. Carlos Ghosn verra samedi le Président de la République, car la production industrielle destinée au marché français doit être assurée en France. Voilà pourquoi nous ne laisserons pas délocaliser la Clio IV ! (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Je demande aux ministres de respecter leur temps de parole.

Prévention de la violence chez les jeunes

Mme Raymonde Le Texier .  - Au Kremlin-Bicêtre, dans un lycée, un jeune est mort poignardé, il avait juste 18 ans et son agresseur n'était pas plus âgé. A Cergy, quelques jours auparavant, dans un centre commercial, un jeune est mort poignardé, il avait 16 ans et son agresseur n'était pas plus âgé. Ces événements nous ont tous bouleversés et nos pensées vont d'abord vers leurs familles. L'émotion légitime, lors de tels drames, conduit chaque fois à s'interroger sur les moyens de se protéger contre une telle violence. A chaque fois, ce sont des histoires personnelles faites de ruptures, d'échecs, de rejets. Ces détresses ont-elles été entendues ? Deux jeunes gens sont morts, deux autres sont devenus des meurtriers. Quatre vies sont brisées. Notre société s'est-elle donné les moyens de prévenir ces drames ? Nous sommes tous d'accord pour chercher les moyens de préserver l'école de toute violence. Mais le lycée du Kremlin-Bicêtre n'était pas le plus mal loti en personnel ni en vidéosurveillance.

Prévenir, ce n'est pas refuser de sanctionner l'agresseur ni l'excuser de son crime. C'est vouloir agir en amont pour éviter le passage à l'acte, car c'est en amont que réside notre espoir de succès comme notre responsabilité collective. Or les services d'action éducative sont à découvert humainement, les juges des enfants sont surchargés, les structures d'aide à la parentalité débordées. Dans les établissements scolaires, les permanences de psychologues sont rares et l'on manque cruellement d'assistantes sociales, d'infirmières, de médecins scolaires. Que ceux qui veulent « sanctuariser » l'école prennent les mesures qui s'imposent...

Faute de moyens, l'enfance en danger n'est pas toujours repérée et les réponses sont trop lentes. Un an et demi d'attente pour un premier rendez-vous dans les centres médico-psycho-pédagogiques : impossible de changer la donne, d'insuffler l'espoir. Le Gouvernement est-il prêt à investir massivement dans l'accompagnement social des jeunes concernés pour éviter que la violence ne devienne leur façon d'être au monde ? (Applaudissements à gauche)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse .  - Je salue la manière dont vous avez évoqué cette grave question, madame Le Texier. Il faut en effet sanctionner, mais aussi s'interroger sur la prévention, comme vous l'avez fait dans le cadre de la mission d'information sur la jeunesse que vous avez présidée. Ensemble, nous avons testé des pistes concrètes et certaines commencent à porter leurs fruits. Une expérimentation a ainsi eu lieu dans des collèges très difficiles ; on a associé les parents au projet éducatif et l'on a constaté une nette amélioration de l'assiduité des élèves et une diminution du nombre de sanctions. Les résultats scolaires ont été meilleurs. Or associer les parents de cette façon coûte 1 500 euros par an et par collège. M. Chatel et moi-même sommes prêts à généraliser cette mesure.

M. Roger Romani.  - Très bien.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Autre piste pour réduire l'échec qui caractérise trop souvent l'adolescence : mettre en place un bilan de compétences qui explorerait tous les domaines afin de déterminer les aptitudes des jeunes concernés. Nous lançons l'appel à projet cette semaine.

Les écoles expérimentales de la deuxième chance n'ont, depuis quinze ans, reçu aucun financement de l'État. J'ai changé cela, si bien que le nombre de places passera de 4 000 à 10 000. Enfin, concernant plus largement la violence et le manque de respect, j'espère que le service civique né ici -je salue M. Collin- contribuera à changer les choses. (Applaudissements à droite)

Mesures de lutte contre la violence à l'école

M. Christian Cambon .  - Le 8 janvier dernier, le jeune Hakim perdait la vie dans la cour du lycée Darius Milhaud au Kremlin-Bicêtre, victime d'une querelle d'adolescents qui s'est terminée par un coup de couteau mortel. Nous avons partagé l'émotion suscitée par ce fait divers et nous nous inclinons devant la mémoire de ce jeune et devant la douleur de ses parents. La communauté éducative est très touchée par ce drame. Pourquoi tant de violences à l'école ? L'état de la société, la représentation qu'en donne la télévision n'expliquent pas tout. Les Français attendent des actes forts pour tenir les bandes à l'extérieur des établissements scolaires...

M. David Assouline.  - Il ne s'agissait pas de bandes !

M. Christian Cambon.  - ...et pour qu'aucun jeune n'ait plus envie d'aller à l'école muni d'une arme blanche, d'un couteau de cuisine. Respectant une minute de silence, les lycéens de France prendront la mesure de ce drame. Mais des mesures plus sévères, concrètes et réalistes, s'imposent.

M. René-Pierre Signé.  - La trique !

M. Christian Cambon.  - Il faut renforcer le rôle des chefs d'établissement, qui sont les garants de la discipline au sein des établissements et qui sont les mieux informés des querelles : ils connaissent les élèves perturbateurs et violents. Aujourd'hui, les directeurs ont le droit de contrôler le contenu des sacs de classe mais l'élève peut s'y opposer. Les agents de sécurité dans les aéroports ont plus de pouvoir ! L'élève ne devrait pas pouvoir se soustraire au contrôle.

Cette affaire a bouleversé le Val-de-Marne et la France entière. Alors, au nom de la société française qui refuse cette escalade de la violence à l'école...

M. Yannick Bodin.  - Démagogie !

M. Christian Cambon.  - ...comme au nom des parents -et des jeunes eux-mêmes, qui veulent étudier dans un climat serein-, je souhaite connaître les engagements et les décisions que vous comptez prendre pour que Hakim ne soit pas mort pour rien. Comment admettre qu'un jeune perde la vie à l'endroit même où il vient préparer son avenir ? (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer.  - Récupération !

M. Yannick Bodin.  - Cet amalgame est honteux !

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - Monsieur Cambon, vous avez rappelé la légitime émotion suscitée par le décès de Hakim, poignardé en raison d'un simple différend personnel. La vie ne doit pas s'arrêter à 18 ans ! Le jour même, M. Chatel et moi-même nous rendions sur place pour rencontrer la communauté éducative. Nous nous sommes également entretenus avec le père de la victime au chevet de son fils à l'hôpital. Je vous laisse imaginer quels étaient ses sentiments...

Des mesures ont déjà été prises pour empêcher les éléments extérieurs de pénétrer dans les établissements.

Voix sur les bancs socialistes.  - C'est l'initiative des régions !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Avec M. Chatel, nous avons instauré un partenariat « sécurité éducation » en mettant en place 1 058 référents sécurité, Tous les établissements du secondaire et quelques-uns du primaire sont donc couverts par ce dispositif. En outre, fin 2010, un diagnostic sécurité sera réalisé pour chacun des établissements. Enfin, certains chefs d'établissement ont décidé de se doter de la vidéoprotection qui, si elle ne résout pas tout, contribue à la sécurité.

Peut-on aller plus loin ? La fouille des cartables est déjà possible, mais avec l'accord de l'intéressé. Doit-elle être rendue systématique ? Je comprends votre position qui n'est pas démagogique, mais pragmatique. (Marques de scepticisme à gauche) Cela poserait un problème juridique, la fouille individuelle imposant la présence d'un officier de police judiciaire, et un problème pratique d'embouteillage à l'entrée de l'établissement, tous les élèves arrivant en même temps. L'utilisation d'un portique, auquel certains chefs d'établissement sont favorables, pourrait être une solution. En tout état de cause, nous ne devons négliger aucune piste car la sécurité de nos enfants n'est pas négociable ! (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

La séance, suspendue à 16 h 5, reprend à 16 h 20.