SÉANCE

du mardi 16 février 2010

72e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Roger Romani,vice-président

Secrétaires : M. Jean-Noël Guérini, M. Daniel Raoul.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.

Mission Grand Nord-Est

M. Yves Daudigny.  - L'annonce, en juillet 2008, du redéploiement d'unités militaires et de la fermeture de certaines bases, dont celle du premier régiment d'artillerie de marine de Laon-Couvron, a provoqué dans l'Aisne de très vives réactions. Ce bouleversement de la carte militaire touche durement le nord-est de la France, déjà affecté par le plan Armées 2000, qui a notamment entraîné la disparition des sites militaires de Laon, Soissons et La Fère. En 2011, plus de 1 000 militaires quitteront l'Aisne avec leur famille, perturbant gravement la vie économique, sociale et culturelle du département.

L'État a promis 10 millions d'euros pour financer le contrat de redynamisation du site de Couvron, somme que les acteurs et élus locaux ont immédiatement jugée insuffisante. C'est pourquoi l'installation, le 16 septembre 2008, de la mission Grand Nord-Est confiée au préfet Hubert Blanc a suscité de fortes attentes. Lors de sa venue dans l'Aisne, en novembre 2008, M. Blanc a laissé espérer des mesures bénéficiant à l'ensemble du département, comme la modernisation de la route nationale 2, son épine dorsale. Mais depuis, plus rien. D'après sa lettre de mission, le préfet devait rendre son rapport au plus tard fin février 2009. Nous sommes le 16 février 2010 : aucun rapport n'a encore été rendu public, aucune suite n'a été donnée à sa visite.

L'enjeu est vital. Après la révision de la carte judiciaire et de la carte hospitalière, la restructuration du ministère de la défense ne doit pas se solder par un nouveau désengagement de l'État. L'Aisne ne peut être une terre de souffrances en temps de guerre et une terre sacrifiée en temps de paix ! Je formulerai donc un souhait et une question. Un souhait : que l'on sorte de la communication théâtralisée et que l'on réponde par des actes concrets aux préoccupations de nos concitoyens. Une question : quelles sont les conclusions de cette mission Grand Nord-Est, annoncée à grand renfort de publicité et tombée bien vite dans l'oubli ? En plus des 10 millions d'euros alloués au site de Couvron, quels engagements financiers l'État consentira-t-il pour aider ce territoire durement affecté par la crise économique et sociale ?

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.  - Suite à l'annonce, en juillet 2008, du plan de réforme du stationnement des armées, des mesures d'accompagnement ont été annoncées pour les sites les plus touchés. En Picardie ont été conclus deux contrats de redynamisation de site de défense (CRSD) pour Noyon et Laon-Couvron et un plan local de redynamisation (PLR) pour le département de l'Oise. Le CRSD de Laon-Couvron est l'un de ceux qui recevront le plus d'argent -10 millions d'euros-, ce qui est bien justifié.

Compte tenu des difficultés particulières du nord-est, le Gouvernement a voulu lancer une réflexion sur des projets de dimension interrégionale. L'important travail du préfet Hubert Blanc a permis d'identifier dans toutes les régions du Grand Nord-Est de nombreux projets porteurs de développement économique. Plutôt que de mettre en place un dispositif permanent de financement et de suivi qui serait bientôt apparu comme un échelon administratif supplémentaire lourd et complexe, le Gouvernement a préféré porter une attention particulière à chacun de ces projets et leur donner des retombées concrètes : je pense par exemple au canal Seine-Nord, à la deuxième phase de la ligne à grande vitesse Est, à la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, ou encore à la liaison Roissy-Picardie. D'autres projets seront prochainement examinés dans le cadre des pôles de compétitivité, des grappes d'entreprises et des pôles d'excellence rurale.

M. Yves Daudigny.  - Je veux percevoir dans vos propos une lueur d'espoir. L'Aisne est un couloir d'invasion depuis Jules César et Napoléon, une terre d'héroïsme et de sacrifice, qui ne cédera ni au désespoir, ni à la fatalité, ni à l'assistanat. Elle réclame simplement sa part de la solidarité nationale. Vous l'avez rappelé : ses faibles infrastructures routières, ferroviaires, fluviales et aéroportuaires la handicapent. Aujourd'hui, elle subit de plein fouet les effets de la restructuration des services de l'État et de la crise économique. L'absence de grands ensembles urbains empêche le développement d'activités tertiaires, alors même que la désindustrialisation se poursuit : comme le disait avec tristesse le président du tribunal de commerce de Saint-Quentin, « après la fin du textile, de la chaudronnerie, des fonderies et des sous-traitants automobiles, que restera-t-il dans notre département ? » A cela s'ajoute la crise agricole, qui touche la plupart des secteurs de production et d'élevage, à l'exception peut-être de la betterave. L'Aisne est le deuxième département métropolitain le plus affecté par le chômage, qui touche 13 % de la population active.

Nous sommes déterminés à exiger de la solidarité nationale une juste contribution à la lutte contre la désertification de notre territoire. L'Aisne, terre d'histoire, est résolument tournée vers l'avenir.

Lycée français de Conakry

Mme Claudine Lepage.  - Je souhaitais attirer l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation des enseignants du lycée français Albert Camus de Conakry en Guinée, qui n'a pas rouvert depuis la manifestation du 28 septembre 2009 et a été déclaré provisoirement fermé le 18 octobre. Les enseignants, encouragés à quitter le pays, sont partis avec chacun deux valises, contraints d'abandonner le reste de leurs affaires. Les deux allers-retours qui leur sont proposés pour rapatrier leurs biens ne suffiront pas : il faudra donc compenser ce préjudice.

Pour les enseignants recrutés localement, la situation est financièrement difficile. Même s'ils relèvent du droit local et non du droit français, notre administration se doit de les aider. Ils n'avaient reçu aucune lettre de licenciement au moment du dépôt de cette question ; le gestionnaire de l'établissement parti, ils sont laissés sans recours.

Tous les employés résidents ont besoin d'une aide pour conserver leur logement en Guinée, afin d'être prêts à reprendre leurs fonctions au lycée si celui-ci rouvre en 2010 et de garder en sécurité leurs biens restés sur place.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour aider ces différentes catégories de personnel ? L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (Aefe) ne pourrait-elle pas, comme elle l'a déjà fait par le passé, apporter un concours financier à l'association des parents d'élèves afin de compenser les préjudices subis et de permettre au lycée de rouvrir dans les meilleures conditions ?

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - Toutes les questions relatives au lycée Albert Camus de Conakry ont été traitées par une cellule de suivi au sein de l'Aefe, en liaison avec le poste diplomatique et le comité de gestion de l'établissement. Une solution a été trouvée pour chacun des 800 élèves de l'établissement : 640 sont scolarisés dans des établissements du réseau, 160 dans des établissements homologués du pays. Ils bénéficient d'un accompagnement Cned financé par I'Aefe pour l'année scolaire 2009-2010.

Quant aux employés titulaires, la direction des ressources humaines de l'Aefe traite leur cas individuellement. La directrice leur a écrit dès la fermeture de l'établissement pour faire le point sur leur situation. Les enseignants expatriés ont été placés en appel spécial. Certains cadres ont été affectés à d'autres postes au sein du réseau : le gestionnaire comptable à Sofia, la directrice du primaire à La Haye, une conseillère principale d'éducation à Belgrade. Après une période de mise à disposition au siège de l'agence, le chef d'établissement est retourné à Conakry pour veiller à la mise en place des enseignements du Cned, seconder le président du comité de gestion dans l'application du protocole entre l'Aefe et l'établissement conventionné et accueillir les employés revenus en Guinée. Après une première mission à Sofia, le gestionnaire comptable est lui aussi retourné à Conakry pour procéder aux opérations financières liées notamment aux rémunérations. Les employés résidents ont tous été accueillis dans leur académie d'origine à partir du 1er janvier ; leurs traitements leur ont été versés jusqu'au 31 décembre 2009. Les résidents à recrutement différé, qui n'ont pas pu exercer à compter du 1er décembre 2009, ont également été rémunérés au mois de décembre et réintégrés à la même date que leurs collègues. Les postes de cadres expatriés sont maintenus et les postes d'enseignants seront pourvus, en fonction du niveau de la structure après réouverture. Tous les titulaires ont été informés de la possibilité de retourner sur place pour régler les problèmes d'ordre personnel ; le coût du voyage sera pris en charge selon des modalités fixées.

Des indemnités pour licenciement ont été versées aux recrutés locaux, dans le cadre d'un protocole d'accord entre l'Aefe et l'établissement.

Enfin, ce protocole d'accord a prévu des mesures d'accompagnement financier pour le maintien d'un secrétariat, un service de sécurité et le paiement des indemnités de licenciement.

Mme Claudine Lepage.  - Je vous remercie pour ces informations. Les recrutés locaux ont certes reçu des indemnités de licenciement, supérieures à celles que prévoit la loi guinéenne. Les deux tiers des personnels sont français, certains sont restés en Guinée, d'autres sont revenus en France. Comme leur employeur ne cotisait pas, ils ne touchent aucune indemnité de chômage et ils se sont inscrits, faute de mieux, à la CMU et au RSA. Quant à ceux qui sont restés en Guinée, certains ont retrouvé un emploi, mais payé 80 % de moins que dans leur ancien poste.

Avenir de la sécurité sociale des mineurs

Mme Gisèle Printz.  - La caisse régionale de la sécurité sociale dans les mines de l'est, la Carmi, vient d'annoncer un nouveau plan de recomposition de son offre de soins, plan qui inquiète vivement les élus lorrains. Il se traduit par la fermeture de plus de la moitié des centres de santé dans le département de la Moselle : 19 dans le bassin ferrifère et 22 dans le bassin houiller, soit 41 sur 70.

Une telle décision remet en cause le régime minier, un acquis social lié à l'histoire de la Lorraine. Aujourd'hui, les mines ont fermé mais les mineurs qui ont contribué à la croissance d'après-guerre sont toujours là, avec leurs maladies professionnelles.

Ces centres de soins garantissent la continuité, la proximité, la gratuité et la qualité des soins. Supprimez leur proximité, et vous touchez à la qualité même des soins ! Malheureusement ce sont les plus vulnérables qui seront le plus touchés par cette décision purement comptable, les anciens mineurs mais aussi et surtout leurs veuves, dont je connais bien la situation précaire.

Je m'inquiète également des conséquences du décret du 31 décembre 2009, entré en vigueur le 1er janvier 2010, qui supprimera la gratuité de certaines prestations, comme des frais de cure ou encore le transport pour se rendre au centre de soins. C'est particulièrement malvenu, sachant que les personnes concernées sont âgées et souvent de mobilité réduite.

Monsieur le ministre, le régime des mineurs va s'éteindre inéluctablement, avec la disparition des mineurs eux-mêmes et de leurs veuves. Pourquoi, pour les quelques années qui restent, ne pas maintenir le principe de la gratuité des soins ? Quels moyens l'État est-il prêt à mobiliser ? Comptez-vous maintenir le décret du 31 décembre 2009 ?

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - Je vous prie de bien vouloir excuser Mme Bachelot-Narquin, qui se trouve à Vancouver pour les Jeux Olympiques d'hiver.

Conformément à la convention d'objectifs et de gestion conclue par l'État et le régime minier, la caisse régionale de sécurité sociale dans les mines de l'est réorganise ses structures d'offre de soins, ouvertes depuis 2005 à l'ensemble de la population. La caisse régionale veut adapter et optimiser ses équipements, pour en faciliter l'ouverture aux affiliés d'autres régimes. Elle veut également garantir à l'ensemble des usagers une prise en charge coordonnée et globale de santé, en adéquation avec la réalité du territoire et les contraintes économiques.

Dans un contexte de diminution naturelle de ses ressortissants et de pénurie des effectifs médicaux, la nouvelle configuration du réseau de soins proposera aux patients une offre de soins plus lisible. Les plages de consultation seront augmentées et une équipe soignante sera présente en continu dans un même centre de santé.

Cette nouvelle configuration permettra également aux professionnels de santé du régime minier de recentrer leur activité sur un site et de développer le travail en équipe, propice à la dispense de soins de qualité et à la venue de jeunes diplômés. Enfin, elle réduira un important déficit cumulé.

A ce jour, seuls ont fermé des points de consultation dits secondaires, dont la plage d'ouverture était réduite, parfois limitée à deux heures par semaine. Dans le bassin ferrifère, les décisions de fermeture concernent au total dix-neuf points de ce type, dont dix sont déjà intervenues, et neuf autres fermeront avant la mi-2010.

L'accès aux soins des personnes les plus dépendantes reste parfaitement garanti par des visites à domicile, qui continueront d'être assurées, ou encore par la prise en charge du transport des assurés du régime minier qui se rendent à une consultation médicale ou à une séance de soins.

Mme Gisèle Printz.  - Votre réponse ne me rassure guère pour l'avenir de cette caisse régionale. Les veuves continueront à être les premières victimes de ces réorganisations, alors que leur retraite est déjà des plus minimes. La Nation devrait être plus respectueuse de ses mineurs et de leurs familles, qui ont si durement travaillé pour la grandeur de la France !

Bilan du réacteur nucléaire Phénix

M. Jacques Mézard.  - Le 14 juillet 1974, le réacteur nucléaire Phénix était mis en service à Marcoule, dans le Gard, avec la particularité de « brûler » une partie de ses propres déchets et de produire au moins autant de combustible qu'il n'en consommait. D'où son qualificatif de « surgénérateur ». Alimentant le réseau avec une production de 250 mégawatts, ce prototype était censé démontrer la viabilité d'une nouvelle filière industrielle où le CEA et EDF, ses deux exploitants, auraient pris une place maîtresse.

Madame le ministre, en 35 ans de service Phénix a produit 28 milliards de kilowattheures, sa disponibilité moyenne a atteint 80 %. Le « surgénérateur » a été arrêté à l'automne 2009, son démantèlement devrait commencer l'an prochain et s'étaler sur quinze ans. Quel bilan en faites-vous, et quels enseignements en tirez-vous pour la filière nucléaire dans son ensemble ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Le réacteur nucléaire de recherche Phénix, installé à Marcoule, dans le Gard, a été découplé du réseau électrique le 6 mars 2009, première étape vers son arrêt définitif.

Phénix, mis en service en juillet 1974, est un réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium qui a été conçu et exploité conjointement par le CEA et EDF. Durant son fonctionnement de nombreuses données ont été recueillies. Elles apportent un retour d'expérience précieux pour le développement des réacteurs de quatrième génération.

A la fin 2009, les opérations de déchargement et d'évacuation des assemblages combustibles ont commencé. Le démantèlement proprement dit débutera fin 2011 et s'échelonnera sur une période de quinze ans.

Phénix était raccordé au réseau électrique et produisait 140 mégawatts électriques, à comparer aux 1 450 mégawatts électriques des réacteurs nucléaires actuels les plus puissants. Son taux de disponibilité, ces dernières années, a été de plus de 80 %, un niveau de performance comparable à celui des installations industrielles actuellement en fonctionnement dans le monde.

Les 35 années pendant lesquelles Phénix a fonctionné ont montré la viabilité industrielle des réacteurs à neutrons rapides. Le refroidissement par le sodium a été testé sur une très longue durée ; les grandes options de sûreté ont été vérifiées. L'analyse des difficultés rencontrées a permis d'identifier les axes d'amélioration pour les futurs réacteurs à neutrons rapides. En outre, des expériences ont été conduites sur la transmutation des actinides mineurs, envisageable dans les installations à venir.

Enfin, Phénix a fait progresser les connaissances utiles pour les réacteurs d'aujourd'hui, notamment grâce aux expériences sur la tenue des matériaux sous irradiation.

L'intérêt des réacteurs à neutrons rapides est reconnu au plan international, car ils peuvent exploiter tout le potentiel énergétique de l'uranium, ce que ne font pas les centrales actuelles. En outre, la transmutation des actinides mineurs, une sorte d'incinération des déchets à demi-vie longue, réduirait considérablement la radio-toxicité des déchets stockés.

L'arrêt de Phénix ne présage nullement la fin des recherches sur la quatrième génération de réacteurs, car le CEA travaille activement dans cette perspective et doit remettre fin 2012 le dossier d'orientation sur la suite du programme et le lancement d'un prototype.

M. Jacques Mézard.  - Je souhaite que nous ne perdions pas l'avance technologique acquise dans cette voie prometteuse.

Parc naturel marin de la Gironde

M. Philippe Madrelle.  - Ma question porte sur la mission d'étude qui devrait préparer la création d'un parc naturel marin sur l'estuaire de la Gironde et les pertuis charentais. Nous savons qu'elle s'inscrit dans un vaste projet conduisant à créer huit parcs naturels marins dans les eaux métropolitaines d'ici 2012 pour préserver la biodiversité marine dans des espaces où aucune gestion concertée n'existe aujourd'hui.

A ce jour, deux gestionnaires interviennent dans l'estuaire de la Gironde. D'une part, le Grand port maritime de Bordeaux maintient une profondeur de dix mètres dans le chenal de navigation. Ainsi, les navires industriels et les navires de croisière peuvent rejoindre l'agglomération bordelaise, cependant que les barges transportant des éléments de l'Airbus A380 peuvent rejoindre Langon, sur la Garonne. D'autre part, le Syndicat mixte pour le développement durable de l'estuaire de la Gironde (Smiddest) conduit des actions de prévention des inondations, de gestion de ressources en eau et des zones humides, conformément à l'article L. 213-12 du code de l'environnement. Partageant avec M. Belot la présidence de cet établissement public territorial de bassin, je peux dire que nous avons avancé dans la conception du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (Sage) de l'estuaire, qui doit être présenté à l'administration en juillet, avant l'organisation d'une enquête publique.

Ce schéma contient de nombreuses dispositions destinées à préserver durablement l'estuaire, notamment l'hydrologie, la ressource halieutique, la lutte contre les inondations et la préservation de la qualité des eaux. Conformément à la loi du 30 décembre 2006, le Sage comporte un plan d'aménagement et de gestion durable. Tous les acteurs ayant participé à son élaboration souhaitent sa mise en oeuvre rapide.

D'où l'inquiétude suscitée par l'éventuelle mise en place d'une structure supplémentaire, précisément au moment où le schéma deviendra opérationnel. Nous nous interrogeons sur la pertinence de cette superstructure onéreuse et techniquement redondante, car la bonne gestion d'un estuaire doit nécessairement intégrer ses bassins versants immédiats, alors qu'un parc naturel marin n'intervient que sur la masse d'eau.

Ne vaut-il pas mieux renforcer les structures existantes qui ont fait la preuve de leur efficacité ? L'estuaire de la Gironde appelle une mutualisation des financements, des énergies et des compétences. La préservation d'un espace aussi fabuleux en vaut la peine !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Un arrêté ministériel du 20 juin 2008 a lancé une mission d'étude pour la création d'un parc marin en vue de préserver la richesse exceptionnelle des écosystèmes et des espèces emblématiques de l'estuaire de la Gironde et des pertuis charentais. Un parc naturel marin aborde globalement les enjeux de l'économie et de la biodiversité.

Selon leur nature juridique, les espaces portuaires, fluviaux et maritimes sont actuellement gérés par différentes structures : le Grand port de Bordeaux, mais aussi les services de l'État, le Conservatoire du littoral, des services départementaux ou communaux, voire des syndicats mixtes comme le Smiddest.

Lorsqu'il crée un parc naturel marin, l'État lui transfère « la connaissance du patrimoine marin, la protection et le développement durable du milieu marin », conformément à l'article L. 334-3 du code de l'environnement. La gouvernance de cette structure est adaptée aux orientations retenues. Ainsi, le conseil de gestion du parc naturel assure la représentation de toutes les parties prenantes. Disposant d'un pouvoir de proposition, ce conseil n'empiétera pas sur les attributions du Grand port maritime de Bordeaux.

On peut en outre prévoir que l'action que le Smiddest conduira dans l'estuaire de la Gironde apparaîtra essentielle pour les écosystèmes situés à l'ouvert de l'estuaire et dans les pertuis. Les orientations du parc devront donc intégrer ces actions et les compléter. Pour les mêmes raisons, le Smiddest devra siéger au conseil de gestion.

Ainsi, Smiddest et parc naturel marin constitueront des outils complémentaires protégeant la biodiversité de la zone, ce que la mission d'étude mettra en évidence dans ses recommandations, qui devront éviter toute redondance.

M. Philippe Madrelle.  - Tout en regrettant que le Smiddest n'ait pas été un interlocuteur privilégié jusqu'à présent, je souhaite que la complémentarité devienne réalité.

Tracé de la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse

M. Jean-Michel Baylet.  - Le principe d'une ligne à grande vitesse reliant Bordeaux à Toulouse est acquis depuis le débat public de 2005. Les habitants du Tarn-et-Garonne adhèrent à ce projet majeur pour le sud-ouest, où l'on mesure le potentiel économique de ce projet ferroviaire, qui ne devrait -hélas !- être opérationnel qu'en 2020.

Les collectivités territoriales financent la moitié du coût de cette ligne, ce qui est inédit. Ainsi, le conseil général du Tarn-et-Garonne doit verser 25 millions d'euros, valeur 2006, sur une enveloppe totale de 12 milliards. La communauté d'agglomération de Montauban apportera 11 millions d'euros, si bien que les contribuables du Tarn-et-Garonne verseront au total 36 millions d'euros.

Ces sommes colossales justifient que des riverains légitimement inquiets sollicitent les élus. Assurément, nous devons éviter qu'un tracé mal préparé ne déçoive les habitants.

Or, les propositions de Réseau ferré de France (RFF) suscitent de vives oppositions. M. Borloo le sait, puisque je l'en ai entretenu de vive voix au ministère. Je répète ici que le choix de RFF est dévastateur pour de nombreuses communes. La mobilisation est forte de toute part, notamment dans la circonscription législative de Mme Sylvia Pinel, que la ligne à grande vitesse traverserait de part en part dans toute sa longueur. C'est pourquoi le comité de pilotage du 11 janvier a octroyé un délai supplémentaire d'étude.

Je souhaite que le sujet soit réglé par le dialogue et la concertation, en mettant les priorités humaines au-dessus de toute autre considération. Dans le cas contraire, nous serions malheureusement conduits à revoir nos engagements financiers.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - A l'issue du débat public organisé en 2005 sur ce projet de ligne ferroviaire, RFF a recherché la meilleure intégration de l'ouvrage dans les territoires à traverser. En effet, il faut respecter l'environnement et les activités économiques, notamment agricoles et sylvicoles. Tous les acteurs des territoires concernés participent à une concertation continue, préalable à toute décision.

Réuni le 11 janvier, le comité de pilotage associant l'État, RFF et les conseils régionaux d'Aquitaine et de Midi-Pyrénées a retenu un fuseau d'environ 1 000 mètres sur la plus grande partie du projet, à l'exception de la limite entre le Tarn-et-Garonne et la Haute-Garonne.

Dans ce secteur, les fuseaux possibles feront l'objet d'études et d'une concertation complémentaires, dont les résultats seront examinés lors d'un prochain comité de pilotage en mai. MM. Borloo et Bussereau, qui doivent valider les propositions du comité de pilotage, tiendront particulièrement compte de l'impact du projet sur les territoires concernés. Enfin, ces études complémentaires, je vous le confirme, ne remettent pas en cause l'objectif d'un lancement de l'enquête publique pour les lignes Bordeaux-Espagne et Bordeaux-Toulouse à la fin de 2011. Soyez assuré, monsieur le sénateur, de l'attention que portent MM. Borloo et Bussereau à vos préoccupations.

M. Jean-Michel Baylet.  - Merci. Je suis à votre disposition pour créer les conditions du dialogue. La colère est grande, tant RFF, qui le reconnaît aujourd'hui, a mal conduit ce dossier au départ, et la période est difficile, si bien que les élus peinent aujourd'hui à défendre le projet. Enfin, il serait dommage de ne pas prolonger la ligne jusqu'à Narbonne, et, par là, vers l'Espagne !

Dépôts de carburants de Villeneuve-le-Roi et de Vitry-sur-Seine

Mme Odette Terrade.  - L'éclat avec lequel s'est engagé le Gouvernement dans la prévention contre les risques technologiques risque d'être terni par le projet de transfert des dépôts de carburants de grande capacité de Villeneuve-le-Roi et de Vitry-sur-Seine, classés Seveso II, indispensables à l'approvisionnement de l'Ile-de-France, vers une immense plate-forme de stockage qui serait installée sur des terrains de l'aéroport d'Orly, à cheval sur les communes d'Athis-Mons dans l'Essonne, d'Ablon-sur-Seine et de Villeneuve-le-Roi dans le Val-de-Marne. Dès décembre 2009, le député maire de Villeneuve-le-Roi, M. Gonzales, a souligné, dans une question au Gouvernement, « que cette solution ne réduit pas le nombre de personnes concernées par le risque ». Cette solution serait validée si elle était acceptée par toutes les collectivités concernées et les exploitants du dépôt. Or, à ce jour, aucune concertation n'a eu lieu ; seul un accusé de réception, suite au courrier du maire d'Ablon-sur-Seine, a été envoyé pour toute information. C'est un peu court ! La loi du 30 juillet 2003 prescrit la réalisation de plans de prévention des risques technologiques. De fait, l'implantation d'un tel dépôt pétrolier représenterait une grave menace pour la population : pour Ablon-sur-Seine, un quart de la population serait touché, sans compter la nuisance routière occasionnée par la multiplication des allers-retours de camions-citernes, qui s'ajoutera aux nuisances aériennes. La solution viable demeure le transfert de ces activités loin de toute zone urbanisée, comme le proposait le préfet de région dans un rapport de juillet 2006 au Premier ministre. Pouvez-vous, madame Létard, me confirmer qu'aucun regroupement de ces dépôts de carburants n'interviendra sans concertation des élus et des populations concernées ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Les plans de prévention des risques technologiques dont font l'objet, conformément à la loi du 30 juillet 2003, les dépôts de Vitry-sur-Seine et Villeneuve-le-Roi permettent de travailler sur l'interaction de ces sites Seveso avec leur voisinage. En décembre dernier, le Gouvernement a précisé son approche : étudier les risques que présentent ces dépôts pour les populations riveraines avant d'évaluer l'intérêt des deux solutions, qui sont ou réduire les risques sur place ou déménager les dépôts dans un lieu plus sûr. Si les collectivités et les exploitants des dépôts trouvent un accord en faveur d'un déménagement à proximité, le Gouvernement y sera favorable, sous réserve que la capacité de stockage des dépôts en Ile-de-France ne soit pas amoindrie. Dans le cas contraire, les dépôts resteront à leur emplacement actuel et seront cherchées des solutions de réduction du risque. Madame Terrade, la concertation avec les élus et les populations est naturellement une nécessité pour des projets d'une telle nature.

Mme Odette Terrade.  - Merci. Je note la volonté du Gouvernement de réduire les risques et d'engager une concertation avec les deux départements, les communes et les exploitants des dépôts. Je souhaite qu'elle soit lancée rapidement !

Participation des communes aux frais de raccordement électrique

M. Didier Guillaume.  - Depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté de 17 juillet 2008 le 1er janvier 2009, les communes doivent financer 60 % des frais de raccordement électrique dès lors qu'une extension ou un renforcement du réseau est nécessaire pour accepter un projet de construction, même de logement individuel. Contrairement aux zones nouvelles à urbaniser, il n'existe pas pour nos centres-bourgs et centres-villes d'outil de financement adapté tel que la participation aux voiries et réseaux, la PVR, car le projet urbain partenarial nécessite un conventionnement. Les petites communes peinent, dès lors, à financer ces travaux d'extension ou de raccordement de réseau, dont le montant est fixé au coup par coup par EDF. Pour exemple, 2 000 euros pour une maison individuelle, 3 000 pour un petit immeuble collectif et presque 4 000 pour un petit lotissement. Ne faudrait-il pas modifier l'arrêté sans attendre le bilan prévu à la fin de l'année ? A court terme, le Gouvernement envisage-t-il de mieux encadrer la notion d'extension ou de renforcement du réseau, qui entraîne une charge financière pour les communes ? Enfin, ne pourrait-on pas envisager une participation du demandeur aux frais de raccordement, à l'image de celle pour le raccordement à l'égout ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Pour financer le réseau électrique, d'autres mécanismes de financement que la participation pour voirie et réseaux existent : la taxe locale d'équipement, dont la commune peut moduler le taux selon neuf catégories de constructions, et les deux dispositifs issus de la loi « Engagement national pour le logement » de 2006 que sont la majoration des valeurs locatives cadastrales servant à l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe forfaitaire sur les cessions onéreuses. Enfin, le réseau électrique peut être partiellement financé par le produit des taxes sur l'électricité et les subventions du fonds d'amortissement des charges d'électrification auquel les petites communes rurales sont éligibles.

A la demande des collectivités locales, la frontière entre travaux d'extension liés à une opération d'urbanisme et travaux de renforcement vient d'être clarifiée. Le barème simplifié a été étendu aux raccordements individuels d'une longueur inférieure à 250 mètres du poste de distribution et d'une puissance inférieure ou égale à 12 kilovoltampères en monophasé et à 250 kilovoltampères en triphasé. Ce barème exclut la facturation des opérations de remplacement d'ouvrages existants au même niveau de tension, qui seront dorénavant pris en charge financièrement par le distributeur. Ce nouveau barème, approuvé par la commission de régulation de l'énergie le 7 janvier dernier, entrera en vigueur le 7 avril. Dans l'attente de l'adoption définitive de l'amendement proposé par le Sénat sur ce thème lors des débats sur la loi portant engagement national pour l'environnement, il répond aux critiques formulées par les collectivités quant au financement des extensions.

Un bilan global des dispositifs est envisagé fin 2010. Des ajustements seront alors possibles mais les textes ne seront pas modifiés auparavant.

M. Didier Guillaume.  - Ma grand-mère m'avait appris tout petit qu'il fallait apprendre quelque chose tous les jours. (Sourires) Je viens d'apprendre quelque chose qu'il faut regarder de près pour bien comprendre. Cependant, je veux souligner que la PVR ne s'applique qu'aux secteurs nouveaux alors que les villes moyennes recherchent souvent à densifier leur centre : quels moyens auront-elles pour supprimer les « dents creuses » ? Certaines refusent déjà des projets parce qu'elles ne peuvent pas financer les extensions de réseaux.

Police d'agglomération lyonnaise

Mme Christiane Demontès.  - La sécurité, dans ses dimensions de prévention et de répression, est un droit fondamental ; il est du devoir de l'exécutif de dégager des moyens suffisants et de les répartir équitablement. Le 18 janvier, le directeur national de la police nationale est venu à Lyon évoquer la réforme des territoires de police et la création de polices d'agglomération. Le 24 janvier, le préfet de région a exposé les principes d'une réforme qui suscite une levée de boucliers : les brigades de gendarmerie de Feyzin et Chassieux sont appelées à disparaître ; celles de Rillieux-la-Pape et Écully sont encore sur la sellette.

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

Mme Christiane Demontès.  - Démarquer une architecture inspirée par la structure spécifique de la région parisienne, alors que le Rhône, avec neuf fois moins d'habitants, présente des caractéristiques très différentes, est sujet à caution. De plus, cette démarche s'inscrit dans la RGPP et le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux.

Les gendarmes, qui donnent entièrement satisfaction, ont acquis une connaissance approfondie des territoires et de la population : présents 24 heures sur 24, ils sont les interlocuteurs directs des citoyens, lesquels saluent la qualité de leur service et se mobilisent pour leur maintien.

Toute réforme doit entraîner une amélioration ; à défaut, mieux vaut conserver l'existant. Les personnels de la police nationale ne bénéficieront pas de la connaissance du terrain engrangée par les gendarmes, et les commissariats de rattachement sont en dehors des communes touchés, d'où des délais d'intervention plus longs. On va donc contraindre les municipalités à accroître les moyens des polices municipales, qui n'ont pas les mêmes missions.

Cette remise en cause d'un service public de qualité et apprécié est incompréhensible. Quelles mesures allez-vous prendre très rapidement pour maintenir les moyens humains et matériels dédiés à la sécurité dans ces territoires ? (M. Guy Fischer applaudit)

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Le ministre de l'intérieur a le souci constant d'assurer la sécurité pour tous dans l'ensemble du territoire. Il s'attache à améliorer l'efficacité de la police en l'adaptant aux bassins de vie, ainsi avec des polices d'agglomération. Conformément au souhait du Président de la République, celle-ci a été mise en place dès septembre 2009 à Paris et dans la petite couronne. Cette unification des interventions dans un bassin de vie a permis de mieux lutter contre les trafics et les violences urbaines ainsi que de mieux traiter les événements sportifs et festifs. Ce dispositif s'appliquera en 2010 à Lille, Lyon et Marseille.

Le projet de police d'agglomération dans le département du Rhône s'inscrit dans le cadre de l'évolution des zones de responsabilité de la police et de la gendarmerie. La police disposera de périmètres adaptés aux bassins de délinquance : il s'agit de définir des zones homogènes et cohérentes.

La réflexion initiée sur les quatre communes de Chassieu, Rillieux-la-Pape, Feyzin et Écully s'appuie sur une étude statistique très fine et un dialogue avec les élus locaux : le préfet va engager une vaste concertation. En attendant, l'intégration de ces communes en zone de police nationale n'est qu'une hypothèse de travail ; aucune décision définitive n'a été prise.

Mme Christiane Demontès.  - Je ne peux vous en vouloir, madame, de ne pas connaître tous les éléments de ce dossier. Tous les élus craignent que rationalisation rime avec réduction, car qui dit gendarmerie, dit moyens humains : de quels moyens supplémentaires la police disposera-t-elle quand elle la remplacera ? On peut entendre ce que vous dites sur la police d'agglomération et la nécessaire cohérence, mais l'on sait que la police nationale ne peut pas faire avec les effectifs actuels.

La concertation avec les maires ne doit pas se limiter à ceux dont la brigade de gendarmerie serait supprimée. Tous ceux qui sont concernés ont leur mot à dire et le maire de Saint-Fons que je suis plaide pour que son collègue de Vénissieux soit associé et puisse demander avec nous des moyens supplémentaires.

Personnel des CAF mis à disposition des centres sociaux

M. Guy Fischer.  - La convention d'objectifs et de gestion des allocations familiales pour 2009-2012 prévoit leur désengagement des services de tutelle en gestion directe au motif qu'il ne serait pas de leur vocation d'assurer la gestion des centres sociaux. Il semblerait que cette situation soit une particularité lyonnaise.

Les caisses d'allocations familiales ont joué un rôle majeur dans le développement des centres sociaux. Elles en assurent la gestion directe depuis 1963, avec un comité d'animation, dont le rôle est consultatif ; en 1975, le transfert de la gestion à des personnels mis à disposition par les caisses s'est accompagné de la participation au financement de la Fédération des centres sociaux et d'une diversification des apports financiers. Il s'agissait à l'origine de donner une impulsion forte aux politiques sociales des quartiers grâce à un personnel qualifié.

Le désengagement de la caisse lyonnaise concerne 130 emplois ; il obligera des centres à licencier ou à fermer. Les centres sociaux tissent pourtant le lien social dans les quartiers ; ils améliorent le cadre de vie par leurs activités et favorisent la rencontre des générations et des cultures, soutenant la vie associative et les initiatives. Les discours que l'on entend ici sont bien loin des réalités dans les quartiers où les centres constituent des lieux de vie précieux. Quelles mesures allez-vous prendre pour qu'ils continuent à bénéficier de moyens à la hauteur des besoins ?

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.  - M. Darcos m'a prié de vous répondre que la convention d'objectifs et de gestion 2009-2012 permet des transferts à des partenaires d'équipements en gestion directe ne relevant pas directement de la vocation des caisses d'allocations familiales.

Il y a donc une continuité par rapport à la convention antérieure. En cas de transfert à une association ou une collectivité, le fonctionnement reste du ressort de la CAF concernée. Et la mise à disposition de personnel fait l'objet d'une décision du conseil d'administration de cette caisse. En 2008, des CAF ont contribué activement au fonctionnement des centres sociaux, à hauteur de 279 millions d'euros, en augmentation de 3 % ; la convention prévoit une hausse de 7 % par an entre 2009 et 2012 et la nouvelle convention poursuivra ce soutien aux structures de proximité. Des conventions multi-partenariales sont élaborées afin de garantir la pérennité des ressources. Et l'État s'est engagé, dans une convention conclue en 2006 avec la Fédération des centres sociaux et socioculturels, à contribuer au développement des centres sur l'ensemble des territoires pertinents. Les crédits Fongep sont maintenus. L'État entend en effet continuer à soutenir ces centres importants pour le lien social.

M. Guy Fischer.  - La CAF de Lyon affirme qu'elle ne procédera à aucun licenciement des directeurs de centres et qu'elle ne leur imposera aucune mobilité forcée. Or, deux directeurs, ceux des CAF de Lyon-Croix-Rousse et Rillieux-La-Pape, ont déjà été remplacés par des salariés associatifs. Et les 130 salariés des centres sociaux ne réintégreront pas la CAF de Lyon, puisque, dans la convention d'objectifs et de gestion, RGPP oblige, il est question de réduire le coût en personnel.

Ces directeurs partiront à la retraite et ne seront pas remplacés par des salariés des CAF. Rien ne dit que la convention de 2013 ou le changement de direction à la CAF de Lyon ne déboucheront pas sur le licenciement des directeurs. Les centres sociaux reçoivent aujourd'hui une aide des communes, mais, après la suppression de la taxe professionnelle et la réforme des collectivités territoriales, les compensations financières seront-elles à la hauteur des attentes ? Les communes, déjà inquiètes pour leurs finances publiques, risquent de réduire leur contribution aux associations. Aux Minguettes, l'un des centres sociaux a été fermé, l'autre est géré directement par la CAF.

En outre, le risque juridique n'est pas à négliger. Pourquoi ne pas modifier les conventions existantes pour prendre en compte juridiquement la fonction de directeur ? Le devenir des centres sociaux est une préoccupation dans les grands quartiers populaires. Conseiller général des Minguettes pendant trente ans, je sais le rôle essentiel que jouent ces centres sociaux dans la vie sociale. En attendant, la décision a été prise par le conseil d'administration... de la Cnaf !

Transaction immobilière entre l'État et la ville d'Arras

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Le Gouvernement a annoncé le 20 juillet 2008 un plan national de restructuration des sites de la défense. La communauté urbaine d'Arras est concernée, puisque le 601e régiment de circulation est parti, libérant 72 hectares de terrains. La loi de finances prévoit que ces emprises seront cédées pour un euro symbolique aux collectivités territoriales. Lors de la préparation des actes de cession avec les Domaines, ceux-ci ont indiqué que l'acte devait être rédigé par un notaire et que les frais notariés, évalués à 300 000 euros, étaient à la charge de la collectivité. Pourquoi cet acte doit-il être rédigé par un notaire alors que les services des Domaines sont parfaitement en mesure de le faire ? Si cet acte est obligatoire, l'État peut-il prendre à sa charge cette dépense non prévue par la collectivité ? Nous l'ignorions totalement lorsque nous avons signé le contrat de site avec l'État.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.  - Le Gouvernement a fait un geste très fort en faveur des communes touchées par les fermetures d'unités militaires. La cession à l'euro symbolique est exceptionnelle et réservée à 90 communes en métropole, dont la liste a été fixée par un décret en Conseil d'État. Arras en bénéficie. Pour que l'acte soit conclu dans des conditions professionnelles irréprochables et comme pour tous les actes signés par l'État, il sera établi par un notaire, dans les conditions de droit commun. Le service des Domaines a en effet été recentré sur deux missions : la conduite stratégique de la politique immobilière de l'État et les évaluations, notamment pour les collectivités locales. Il appartient, comme dans toute transaction immobilière, à l'acquéreur de payer les frais de notaire. Dépense très accessoire, au regard de l'avantage patrimonial pour la ville !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Nous ignorions totalement qu'il nous faudrait acquitter ces frais lorsque nous avons signé le contrat. Celui-ci prévoit un partage des plus-values éventuelles en cas de revente : j'ose espérer que nous pourrons en défalquer cette somme...

Filière porcine

M. Yves Détraigne.  - La filière porcine connaît une situation catastrophique et 15 à 20 % des éleveurs ont aujourd'hui un taux d'endettement supérieur à 100 %. Déjà fragilisés par la crise économique et le doublement des coûts de production en 2008, les producteurs de porcs sont confrontés à un effondrement des cours et vendent en dessous de leur coût de production : la perte est de 10 euros en moyenne sur un porc de 90 kilos ! Pourtant, ils souhaitent vivre de leur métier et ne demandent pas une aide exceptionnelle, mais une petite augmentation du prix de vente au kilo, pour couvrir leurs coûts de production. Cette augmentation modeste pourrait être absorbée par les circuits de transformation et de distribution, sans affecter le prix de vente final.

Le projet de loi de modernisation de l'agriculture vise à « renforcer la compétitivité de l'agriculture française » et mettre en place une couverture contre les aléas économique. Que comptez-vous faire pour mettre un terme au désarroi des éleveurs de porcs français qui se sentent abandonnés par l'État ?

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.  - La crise des coûts de production fin 2007 et 2008 et la faiblesse des cours ont plongé le secteur porcin dans un endettement significatif, situation aggravée en 2009 par la crise économique et financière. Pour faire face à la dégradation rapide des trésoreries, un plan de soutien à la filière a été mis en place en 2008, 16 millions d'euros, suivi par un autre, en avril 2009, de 6 millions d'euros. Depuis le 9 novembre 2009, les éleveurs de porcs peuvent également bénéficier du plan exceptionnel de soutien à l'agriculture, qui prévoit 1 milliard d'euros de prêts bancaires et un soutien de l'État de 650 millions. Sur ce montant, 60 millions d'euros servent à prendre en charge une partie des intérêts des prêts de reconstitution des fonds de roulement ou des prêts de consolidation. Le taux d'intérêt réel sera ainsi réduit à 1,5 % sur cinq ans ; 200 millions d'euros seront mobilisés pour prendre en charge une partie des intérêts de 2010 et accompagner les agriculteurs les plus en difficulté. Enfin, 50 millions d'euros permettront une prise en charge des cotisations à la mutualité sociale agricole.

Le dispositif de prêts de crise n'ayant pas été mis en oeuvre pour des raisons techniques, le plan de soutien exceptionnel comprend un volet spécifique aux éleveurs de porcs. Pour 2008-2010, le plafond d'aide a été doublé et s'élève à 15 000 euros. L'accord a été obtenu à Bruxelles à la suite d'une demande de la France. Les éleveurs peuvent également bénéficier, au cas par cas, d'une prise en charge de la taxe sur le foncier non bâti, du remboursement de la TIPP. Ils ont aussi droit à l'exonération de charges patronales applicable aux travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi. A cela s'ajoute le complément d'assurance-crédit export, déployé, en octobre dernier, pour soutenir les entreprises exportatrices devant le retrait des assureurs. Enfin, à de nombreuses reprises, le ministre de l'agriculture a demandé à la Commission européenne de réactiver les restitutions à l'exportation pour dégager le marché communautaire de la viande porcine excédentaire. La Commission s'y refuse en raison de la diminution des prix de l'aliment et du transport, ainsi que de la baisse de la production communautaire ; selon elle, le réajustement de l'offre à la demande devrait se faire progressivement. Néanmoins, le Gouvernement maintient sa demande.

M. Yves Détraigne.  - Votre réponse dresse un tableau encore plus catastrophique que celui que j'avais exposé. Vous avez rappelé les décisions du Gouvernement depuis deux ans mais il ne s'agit que de mesures conjoncturelles.

Le ministre de l'agriculture souhaite à juste titre que Bruxelles modifie les règles : c'est effectivement la seule solution. Si l'on attend un éventuel retournement du marché pour régler la situation de la filière porcine, elle aura disparu d'ici là.

Difficultés rencontrées par la filière aquacole

M. André Trillard.  - La filière piscicole française vit aujourd'hui un véritable paradoxe : malgré le développement de nombreuses espèces aquacoles, malgré une consommation de poissons croissante, malgré la volonté politique de renforcer la filière pour réduire la dépendance alimentaire de la France vis-à-vis des pays tiers, malgré des structures solides, des professionnels reconnus et des jeunes bien formés, elle dépérit, moins à cause de la crise mondiale que du fait des importations et de l'empilement de contraintes franco-françaises.

Ces dernières années, des signes encourageants avaient pourtant été donnés avec la mise en place du plan d'avenir pour la pêche et l'aquaculture, suivi de la mission Tanguy. Mais une accumulation de contraintes risque d'asphyxier cette filière pourtant saine. Ainsi en est-il des surcoûts liés à la libéralisation du service public de l'équarrissage, de l'insuffisance du repeuplement lié à la priorité donnée par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) à la préservation de l'environnement plutôt qu'à la gestion de la ressource, du caractère anecdotique des solutions préconisées par le ministère de l'écologie pour parer aux déprédations des cormorans : de 4 000 en 1970, le nombre de ces oiseaux est passé à 130 000 en 2007. En outre, seul pays en Europe à l'avoir fait, la France a interdit la production et la commercialisation des carpes Amour, espèce pourtant la plus produite à travers le monde. Enfin, nous sommes confrontés à des distorsions de concurrence du fait de nouvelles réglementations en santé animale et en sécurité alimentaire, si bien que des poissons décongelés d'origine étrangère sont vendus sur les étals.

Certes, un plan d'aide à l'agriculture a été mis en place et nombre de pisciculteurs vont y faire appel. Mais il est essentiel de traiter les causes du mal : les diverses contraintes que je viens d'évoquer sont d'origines si différentes que seule une volonté politique permettra de coordonner les décisions indispensables à la survie de cette filière. C'est pourquoi j'ai posé cette question au Premier ministre, certain qu'il partagera mon point de vue selon lequel nous n'avons pas les moyens, dans le contexte actuel, de nous priver des performances économiques d'une filière saine et dynamique. Je compte sur vous, madame la ministre, pour vous faire auprès de lui l'interprète de l'inquiétude et des attentes de toute une profession.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.  - Vous avez raison : le secteur piscicole stagne en France alors que la demande des consommateurs augmente régulièrement. La balance commerciale en produits de la pêche et de l'aquaculture est en effet déficitaire de 640 000 tonnes, ce qui a représenté une perte de 2,56 milliards en 2008. C'est pourquoi la France a rédigé, en juin 2008, un mémorandum pour le développement de l'aquaculture européenne : il a été signé par la France et 17 autres États membres. Depuis, la Commission européenne a présenté, en avril 2009, une nouvelle stratégie pour le développement de l'aquaculture durable en Europe. En juin 2009, le Conseil a adopté à l'unanimité des conclusions en faveur du développement d'une aquaculture durable. Dans ce cadre communautaire, le ministre de l'agriculture veut promouvoir le développement de cette filière. En effet, la France ne peut accepter de continuer à importer des produits aquatiques pour répondre à la demande de nos concitoyens. Le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui sera prochainement examiné par le Parlement, permettra de développer le secteur aquacole en France : il prévoit l'élaboration de schémas régionaux de l'aquaculture marine pour identifier les sites propices à cette activité. La vente des produits d'importation décongelés au rayon frais entraîne de réelles distorsions de concurrence inacceptables pour la filière. C'est pourquoi des consignes ont été données aux agents de contrôle afin de vérifier, dans les points de distribution, le respect de l'étiquetage des produits décongelés et l'origine des produits. Le consommateur doit en effet disposer d'une information claire et précise. Pour orienter ses choix vers les produits frais et originaires de nos régions, le Comité interprofessionnel pour la promotion des produits d'aquaculture lancera prochainement une campagne nationale de promotion.

D'autre part, le ministère de l'agriculture a rédigé, en collaboration avec le ministère de l'écologie qui met en place les Sdage, un guide de bonnes pratiques pour lancer des opérations de repeuplement de certains cours d'eau.

En ce qui concerne la pisciculture extensive en étang, de nouvelles mesures aqua-environnementales ont été mises en place dans le cadre du Fonds européen pour la pêche (FEP) afin de maintenir la biodiversité dans les zones traditionnelles d'étangs. De plus, les ministères de l'agriculture et de l'écologie participent à la mise en place d'un plan de régulation du cormoran au niveau communautaire afin de limiter les pertes liées à ces oiseaux piscivores.

M. André Trillard.  - Une bonne partie des problèmes viennent de nos réglementations qui se contredisent. Pourquoi ne pas créer une commission interministérielle pour identifier et lever les obstacles plutôt que de s'en remettre à l'Europe ? Il est ainsi inacceptable que nous soyons amenés à consommer des produits décongelés sans le savoir.

Restauration des monuments historiques

Mme Françoise Férat.  - Les services franciliens de maîtrise d'ouvrage dépendants du ministère de la culture et de la communication sont en pleine réorganisation, ce qui entraîne pour certaines entreprises du bâtiment, notamment celles de restauration des monuments historiques, de graves difficultés. En effet, deux structures qui assurent la maîtrise déléguée pour le compte de l'État et de plusieurs de ses établissements publics, comme le centre des monuments nationaux (CMN), le musée d'Orsay ou le château de Versailles, doivent fusionner au sein d'une seule et même structure. L'une d'elle est l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (Emoc), établissement national à caractère administratif créé en 1998 et qui a pour mission d'assurer pour le compte de l'État tout ou partie de la maîtrise d'ouvrage des opérations de construction, d'aménagement, de restauration ou encore de réhabilitation d'immeubles appartenant à l'État et présentant un intérêt culturel, éducatif ou universitaire. La seconde structure est le service national des travaux (SNT), créé par décret en 1990, qui est chargé de la maîtrise d'ouvrage sur les immeubles bâtis et non bâtis de l'État.

Du fait de la disparition annoncée du SNT, situé à Versailles, et de l'installation de l'ensemble de la nouvelle structure unique à Paris, nombre d'agents ont déjà quitté le SNT. Cette diminution des effectifs rend problématique, pour ne pas dire impossible, la poursuite ou l'engagement de certains chantiers importants. Ainsi, le SNT n'est plus en mesure, faute d'effectifs, de transférer les marchés en cours d'exécution au CMN qui, désormais, assure la maîtrise d'ouvrage des travaux réalisés dans son périmètre. Plus grave encore, des ordres de services sont adressés aux entreprises pour arrêter des chantiers en cours. Le blocage est donc total.

Qu'en est-il de la continuité du service public ? Avez-vous conscience de la situation dans laquelle se trouvent les entreprises concernées ? Quelles sont les mesures envisagées pour débloquer cette situation si la fusion de I'Emoc et du SNT ne peut intervenir d'ici la fin du mois ?

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.  - Une nouvelle organisation de la maîtrise d'ouvrage des travaux réalisés sur les monuments historiques a été décidée ces dernières années pour gagner en efficacité et en qualité. M. le ministre de la culture est très attentif à la mise en oeuvre de ce nouveau dispositif. A la suite de plusieurs rapports concernant la gestion du patrimoine, notamment celui du sénateur Gaillard de juin 2002, l'ordonnance du 8 septembre 2005 modifiant le code du patrimoine a prévu que le maître d'ouvrage des travaux de conservation d'un monument historique serait désormais son propriétaire ou, pour les monuments appartenant à l'État, l'affectataire domanial. C'est pourquoi, depuis le 1er janvier 2007, le CMN a la responsabilité de la maîtrise d'ouvrage des monuments qui lui ont été remis. Cependant, dans un premier temps et pour des raisons pratiques liées au délai nécessaire pour la mise en place de la nouvelle organisation de cet établissement, les services de l'État, directions régionales des affaires culturelles en régions et SNT en Ile-de-France ont continué à intervenir pour le compte du CMN dans le cadre de conventions de mandat. Le SNT a ainsi assuré pour le compte du CMN, de façon temporaire jusqu'à la fin de l'année 2009, la maîtrise d'ouvrage de 29 opérations d'investissements sur des monuments nationaux d'Ile-de-France. En accord avec le ministère de la culture, il a fait savoir au CMN qu'il ne pourrait continuer d'assurer la maîtrise d'ouvrage des opérations devant se prolonger au-delà du premier trimestre 2010, ni lancer les opérations pour lesquelles les travaux n'étaient pas engagés.

Les difficultés que vous évoquez ne concernent, en fait, que trois chantiers, dont deux opérations sur le bas-parc du domaine de Saint-Cloud, pour lesquelles les marchés correspondants n'ont pas été notifiés, les appels d'offres n'ayant pas été fructueux pour tous les lots. Les travaux n'ont donc pas démarré et de nouveaux marchés devront être repassés en 2010. L'autre chantier concerne l'hôtel de Béthune-Sully, pour lequel des évolutions de programme ont modifié le calendrier des travaux qui devaient se conclure fin 2009. Le SNT a alors demandé au CMN de reprendre les marchés notifiés pour la suite des travaux et a temporairement adressé aux entreprises une notification d'arrêt de chantier. La situation devrait être réglée dans les meilleurs délais, la majeure partie de l'équipe du service de maîtrise d'ouvrage du CMN étant déjà en place et les services du ministère de la culture étant mobilisés pour faciliter les derniers recrutements.

Mme Françoise Férat.  - Ma question portait sur les chantiers bloqués, non sur ceux qui n'ont pas débuté. Il serait regrettable de ne pas profiter du plan de relance pour réactiver les projets en cours. Vous nous invitez à la patience mais, madame la ministre, vous connaissez le terrain et les conséquences d'une telle situation. Je compte sur vous pour faire part de notre inquiétude au ministre de la culture.

Restructuration de Sanofi-Aventis

M. Robert Navarro.  - Lorsque j'ai interrogé Christian Estrosi sur la restructuration du groupe Sanofi-Aventis, sa réponse s'était voulue apaisante. Aujourd'hui, pourtant, tout semble confirmer nos craintes. Le groupe envisage de supprimer des emplois alors qu'il a réalisé plus de 8 milliards d'euros de profits en 2009 et doublé le montant des dividendes versés aux actionnaires. La fabrication du vaccin contre le virus de la grippe A a, avec l'aide de votre Gouvernement, contribué à l'augmentation de profits déjà importants. Cette entreprise n'est donc pas en difficulté, mais 1 300 emplois sont menacés pour l'activité recherche et développement. Au total, 3 000 postes seront supprimés en un an et plusieurs sites risquent d'être fermés.

Le sort du site de Montpellier m'inquiète particulièrement. 230 postes devraient disparaître et le département d'oncologie sera fermé à la fin l'année. Ses activités seront transférées à Cambridge (États-Unis) : nous pouvons parler d'une délocalisation semblable à celle de Renault avec la Clio. Cette restructuration aura de graves conséquences sur l'emploi dans l'agglomération montpelliéraine et les activités de recherche et développement de ce site.

Le groupe cherche à ouvrir ses activités à des partenaires extérieurs et diminue ses dépenses internes. Comment pourra-t-il alors s'engager dans des projets prometteurs et ambitieux ? II semble leur préférer les filons rentables et peu risqués, mais la recherche pharmaceutique devrait obéir à d'autres impératifs. L'avenir de notre système de santé est en jeu. On parle d'aides publiques dans le cadre de l'emprunt, l'entreprise bénéficie du crédit impôt-recherche et notre système de sécurité sociale lui assure sa pérennité. Est-ce compatible avec la restructuration en cours ?

Les salariés du groupe sont mobilisés depuis plusieurs semaines. M. le ministre de l'industrie peut-il interpeller la direction de Sanofi-Aventis pour préserver le développement et les emplois de la recherche pharmaceutique ? Le secteur de la santé doit être prioritaire pour le rééquilibrage du pouvoir entre l'entreprise et les parties prenantes -employés, citoyens, collectivités territoriales ou État.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.  - Christian Estrosi, ministre de l'industrie, m'a chargée de vous répondre à sa place. Le site de Montpellier est un des plus importants centres de recherche et développement du groupe Sanofi-Aventis. Le projet de réorganisation présenté le 30 juin 2009 s'accompagne d'un plan d'adaptation faisant appel au seul volontariat et qui pourrait concerner 170 personnes. Il est également prévu de regrouper les équipes de recherche en oncologie à Vitry-sur-Seine.

La direction de la recherche et du développement s'est engagée à maintenir à Montpellier les salariés qui ne pourraient se rendre en région parisienne. Le site n'est aucunement menacé : il comptera à terme plus de 1 100 salariés et demeurera un important centre de recherche et développement. Entre 2008 et 2010, le groupe y aura investi 217 millions d'euros, dont 150 millions déjà engagés. Sur les trois dernières années, les dépenses de recherche et développement de Sanofi-Aventis demeurent stables et le budget prévisionnel de cette activité pour la France s'élève à 1,715 milliard d'euros pour 2010 -près de 35 % de la recherche pharmaceutique dans notre pays. Le Gouvernement veille bien au développement de la recherche pharmaceutique en France.

M. Robert Navarro.  - Je vous remercie pour votre réponse, mais demeure vigilant. Je ne comprends pas qu'en période de crise et de chômage, ce groupe prévoie des licenciements alors qu'il réalise d'importants profits.

La séance, suspendue à 11 h 25, reprend à 11 h 30.

Passation des marchés publics selon la procédure négociée

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Je souhaitais attirer l'attention de Mme la ministre de l'économie sur les modalités de passation des marchés négociés par les entités adjudicatrices. Le code des marchés publics ne précise que partiellement le rôle de la commission d'appel d'offres dans l'hypothèse d'une procédure négociée dans laquelle l'entité adjudicatrice a décidé de limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre. Si l'article 166 du code prévoit expressément que l'attribution du marché relève de la commission d'appel d'offres, tel n'est pas le cas de la sélection préalable des candidatures pour laquelle aucun organe compétent n'est désigné par l'article 165, ce dernier renvoyant à l'article 65 du code applicable aux pouvoirs adjudicateurs, lequel ne précise pas l'organe compétent.

La problématique peut être élargie aux appels d'offres restreints lancés par des entités adjudicatrices. En effet, alors que l'article 61 du code des marchés publics, applicable aux pouvoirs adjudicateurs, prévoit expressément que les commissions d'appel d'offres des collectivités territoriales sont compétentes pour arrêter la liste des candidats autorisés à présenter une offre, cette compétence n'est pas prévue pour les appels d'offres restreints lancés par les entités adjudicatrices, l'article 162 du code des marchés publics renvoyant uniquement à l'article 60 et non à l'article 61.

Quelles sont donc les règles de sélection des candidatures dans le cadre d'une procédure négociée ?

Doit-on considérer par analogie que la commission d'appel d'offres est compétente pour établir la liste des candidats invités à négocier dans le cadre d'un appel d'offres restreint lancé par les pouvoirs adjudicateurs ou, à l'inverse, que le silence de l'article 65 l'exclut ? Dans cette hypothèse, la compétence revient-elle alors à l'exécutif ou à l'organe collégial de la collectivité ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - Le code des marchés publics indique dans quels cas la commission d'appel d'offres intervient. L'article 65 du code des marchés publics ne mentionne pas l'autorité compétente pour fixer la liste des candidats admis à négocier mais il appartient au pouvoir adjudicateur de déterminer, compte tenu de son organisation interne et des règles applicables, quelle est la personne compétente. Pour les marchés publics des collectivités locales, il revient donc à l'exécutif local de désigner la personne compétente, conformément aux règles du code général des collectivités territoriales. II en va ainsi des marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs comme par les entités adjudicatrices.

Pour les marchés des collectivités territoriales passés selon une procédure d'appel d'offres restreint, l'article 61 du code des marchés publics prévoit que la liste des candidats autorisés à présenter une offre est établie par la commission d'appel d'offres. L'article 142 du même code rend ces dispositions applicables aux marchés passés par les entités adjudicatrices. La commission d'appel d'offres est donc compétente dans le cas d'une procédure d'appel d'offres restreint lancée par une collectivité territoriale agissant en tant qu'entité adjudicatrice.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Merci de ces éclaircissements.

Ressources fiscales des collectivités territoriales

M. Jean Boyer.  - De quelles ressources fiscales les collectivités territoriales, et en particulier les communes, disposeront-elles dans les années à venir ? 2010 sera une année charnière pour les finances locales avec la mise en place de compensations relais liées à perception de certaines ressources, dont la part départementale de la taxe d'habitation ou les parts départementale et régionale de la taxe sur le foncier non bâti. Année charnière, oui, année aux recettes bloquées, non ! Les communes s'inquiètent de voir leurs ressources gelées, ce qui découragerait leur développement. Reconnaissons que l'interprétation que le ministère de l'économie fait de la loi sur son site internet est pour le moins inquiétante ! Quelle sera exactement la mission du Fonds national de garantie individuelle de ressources ? Les communes recevront-elles, dans les années à venir, la totalité de la taxe d'habitation attachée à leur territoire ? Pour qu'une commune reste une commune, il faut qu'elle ait les ressources nécessaires à son développement mais aussi que tout projet de développement lui fournisse des recettes supplémentaires ! C'est le seul moyen pour elle de conserver sa raison d'être et son aspiration au développement.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - J'apprécie toujours nos discussions, monsieur Boyer, car je partage vos convictions et votre ardeur à défendre les collectivités locales. Je vous réponds aujourd'hui en tant que membre du Gouvernement, mais je suis aussi un élu local, convaincu de la nécessité de ne pas briser le lien entre les collectivités et les entreprises implantées sur leur territoire.

La suppression de la taxe professionnelle, effective depuis le 1er janvier, est destinée à faciliter l'investissement et à rendre vie au tissu économique local. Pour les collectivités territoriales et les EPCI, cette mesure s'inscrit dans le cadre d'une réforme globale. Le nouveau schéma de financement, applicable à partir de 2011, respecte le principe d'autonomie financière des collectivités, comme l'a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 2009. Le Gouvernement est très attaché à ce principe. Le bloc communal se verra affecter la taxe sur les surfaces commerciales et l'essentiel du produit des impôts directs locaux, y compris la cotisation foncière des entreprises (CFE), avec le pouvoir d'en fixer le taux. Il bénéficiera en outre d'une fraction de la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux destinée à compenser les nuisances liées à certaines installations : communes et EPCI disposeront ainsi de nouveaux leviers pour influer sur l'aménagement de leur territoire.

Toutes les communes et intercommunalités verront leurs ressources garanties. En 2010, elles percevront une « compensation relais » qui ne pourra être inférieure au produit de taxe professionnelle perçu en 2009 ; certaines ont d'ailleurs déjà voté leur budget de 2010. Un mécanisme pérenne de garantie individuelle des ressources sera mis en place.

Cela n'empêchera pas les recettes fiscales des collectivités et EPCI de rester dynamiques. La compensation étant calculée en fonction de l'année de référence 2010, la hausse du produit de certains impôts au cours des années suivantes alimentera leurs ressources. La réforme favorise ainsi le développement économique tout en assurant la péréquation. Dans le cas où, selon les calculs, une commune devrait toucher une compensation supérieure à celle de 2010, elle participera au financement des communes moins bien loties, qui devraient toucher moins qu'en 2010. Mais il n'est pas question de priver les communes qui investissent pour être plus compétitives du fruit de leurs initiatives !

Les communes qui investissent pour offrir aux entreprises un environnement dynamique, se verront récompensées, davantage que celles qui, en leur âme et conscience, auront préféré embellir leurs ronds-points avec des fleurs !

La réforme garantit également la péréquation, pour gommer les irrégularités des bases économiques, et vous pouvez être assuré que la situation des zones rurales, comme celle des zones de montagne, sera pleinement prise en compte. Le fonds de péréquation de la TP sera maintenu cette année à son niveau de l'an passé, et le nouveau système, en vigueur l'an prochain, garantira le maintien de ce niveau de péréquation. La mission parlementaire, du reste, examinera ces questions dans leur détail, vous serez donc pleinement associés.

Personne ne sera pénalisé et la réforme encouragera le dynamisme, tout en garantissant l'autonomie et la péréquation. La TP progressait de 3,3 % sur les trois dernières années, elle pénalisait l'investissement productif, ce qui est particulièrement malvenu à l'heure où nous luttons pied à pied contre les délocalisations, qui ne sont dans l'intérêt d'aucune collectivité ; nous supprimons ce prélèvement de 12 milliards sur les investissements, nous le remplaçons par une taxe qui visera désormais la seule valeur ajoutée, cela va dans le sens de la dynamique économique et les collectivités y trouveront même des ressources supplémentaires, puisque cette taxe a progressé de 4,6 % sur les trois dernières années ! Nous privilégions l'investissement et l'emploi, mais aussi le lien entre les collectivités et les entreprises, auquel vous êtes attachés !

M. Jean Boyer.  - La richesse de votre propos confirme l'intérêt que vous portez aux 36 000 communes de France ! Cependant, et ne le prenez pas comme une critique, on aurait pu faire plus simple. Pour une commune de 200 habitants, par exemple, qui va compter une dizaine d'habitations en plus dans quelques années, pourquoi en passer par la péréquation plutôt que de lui laisser son autonomie actuelle ? Peut-on être assuré que la taxe d'habitation supplémentaire assise sur la dizaine d'habitations nouvelles abondera bien le budget communal ?

Financement de la recherche par les fonds publics

Mme Josette Durrieu.  - En venant récemment à Tarbes, monsieur le ministre, vous avez pu constater combien le département des Hautes-Pyrénées, sur les décombres des 3 200 emplois perdus de Giat, savait redessiner sa carte industrielle avec ses pôles d'excellence que sont le pôle céramique à Tarbes-Bazet, la recherche et développement chez Alstom, le pôle aéronautique de Daher-Socata et la plate-forme aéroportuaire de Tarbes Lourdes Pyrénées. Le pôle tarbais est le premier centre industriel français du pôle de compétitivité européen de céramique, ce dont nous nous félicitons.

Cependant, nous déplorons la fermeture récente de l'usine ESK, qui employait 97 salariés, et la menace qui pèse actuellement sur la société SCT, qui a préféré verser du dividende à ses actionnaires plutôt qu'investir sur le site. Il semble ainsi que les pôles de compétitivité soient vidés de leur contenu.

Monsieur le ministre, nous pensions que le pôle de compétitivité avait une vertu protectrice. N'est-il pas possible, puisque les fonds publics ont aidé les entreprises de ces pôles, d'exercer un certain contrôle, à tout le moins un suivi de leur gestion ? Peut-on envisager de constituer un fonds lié à l'exploitation des brevets, pour aider à la reprise de ces entreprises ? Comment préserver les brevets et les savoir-faire acquis ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - La société ESK a fermé fin 2009, une vingtaine de ses salariés pourraient être embauchés par l'entreprise Végéplast, spécialisée dans l'extrusion de produits végétaux. Quant à la société SCT, elle a perdu l'an passé un contrat qui représentait 60 % de son activité, mais une amélioration est attendue cette année, grâce à de nouvelles commandes sur le marché des micro-capteurs de neurostimulation implantables.

Les salariés peuvent-ils engager une procédure de mise sous tutelle ou de nomination d'un administrateur judiciaire ? En cas d'impayés de salaires, ils peuvent déclencher une procédure de règlement judiciaire, ou bien le comité d'entreprise peut demander au juge des référés la nomination d'un administrateur judiciaire si des carences graves constituaient un péril imminent pour l'entreprise.

Quant à la création d'une fondation territoriale qui aurait pour but de financer le développement technologique du territoire et dont une partie des revenus pourrait provenir des royalties attachés aux brevets, rien n'interdit sa mise en place. Les conseils régionaux et les conseils généraux soutiennent déjà le développement technologique de leur territoire.

L'État a confié à certaines régions la gestion des ressources européennes du programme du Feder 2007-2013, notamment pour abonder des fonds régionaux utilisés à la recherche et à l'innovation.

Rien n'empêche, sur le principe, qu'un financeur d'un projet de recherche et développement soit intéressé à la réussite de ce projet par le biais de royalties sur la propriété industrielle en découlant, à condition que cela soit prévu dans la convention de financement et l'éventuel accord de consortium.

Le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a mis en place, dans le cadre des appels à projets des pôles de compétitivité, des accords de consortium qui permettent d'assurer que l'ensemble des partenaires disposent des éléments nécessaires à la rédaction de termes équitables autour du partage de la propriété industrielle. Des modèles de contrat ont été mis en ligne sur le site internet du ministère de l'industrie.

Je partage donc pleinement vos préoccupations, c'est le sens du grand débat que j'ai conduit sur les pôles de compétitivité.

Près de 800 propositions émanent des partenaires sociaux et des élus. Parmi les mesures qui seront retenues fin février ou début mars par le Président de la République dans le cadre de la nouvelle stratégie pour notre pays, certaines porteront sur les pôles de compétitivité, ces structures qui doivent non pas constituer une addition de sites de production mais décloisonner universités et laboratoires publics ou privés, grandes entreprises et PME, voire de très petites entreprises tournées vers l'innovation, afin que les compétences et les savoirs soient mis en commun.

Plus le pôle de financement unique du Gouvernement soutient des projets innovants, plus cette intervention est complétée par les régions.

Nous devrons décloisonner encore plus pour la nouvelle génération de pôles qui verra le jour en région Midi-Pyrénées dans les domaines de l'aéronautique, du nucléaire, de la santé ou de la céramique.

Parallèlement, nous devrons mieux protéger la propriété industrielle, car nos procédures sont plus longues et plus coûteuses qu'aux États-Unis, où l'on enregistre très vite un brevet, que l'on peut déposer en 24 heures pour un coût modique. Les états généraux de l'industrie ont formulé des propositions en ce sens, dont certaines seront retenues.

Mme Josette Durrieu.  - Nous perdons beaucoup de savoir-faire dans notre région, notamment avec le rachat de Péchiney par Alcan, une société ultérieurement rachetée par Rio Tinto. Cette évolution ne peut qu'inquiéter.

C'est l'intransigeance dont a fait preuve l'actionnaire de SCT qui a fait perdre le marché avec General Electric, car il veut gagner de l'argent, pas développer la production industrielle. J'espère que les accords dont vous vous êtes fait l'écho existent bien. Si la clause de garantie avait existé, nous l'aurions appliquée... Nous sommes lancés dans une course-poursuite qui va capoter très rapidement, puisque SCT doit fermer fin 2010, sauf intervention de l'État. L'actionnaire veut que la préfecture des Hautes-Pyrénées lui rembourse un million d'euros au titre du crédit d'impôt, alors que l'État ne veut pas qu'une pareille somme abonde en pure perte et sans contrepartie un tonneau des Danaïdes. Sollicitées, les collectivités territoriales sont disposées à soutenir des projets nouveaux, pas à recapitaliser une entreprise en difficulté. Tout se jouera dans les jours à venir ! Là encore, l'enjeu porte sur une centaine d'emplois. L'actionnaire dispose d'un million d'euros, l'État aussi. Comment jouer sans perdre à nouveau de l'argent public ?

La séance est suspendue à midi cinq.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

La séance reprend à 14 h 35.