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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Modification au sujet d'un vote

Questions prioritaires de constitutionnalité

Décisions du Conseil constitutionnel

Questions orales

Déductions fiscales des cotisations à des associations d'anciens combattants

Classement des meublés de tourisme

Droits de mutation

Programmes des sciences humaines, économiques et sociales

Regroupement pédagogique rural

Unités de visite familiales

Ordre infirmier

Mortalité maternelle en couches

Désertification médicale

Pénurie de gynécologues médicaux

Personnel contractuel du Conservatoire du littoral

Démantèlement des centrales nucléaires

Code de l'environnement à la Réunion

Contournement routier de Vichy

Révision des PLU

Campagnols

Tempête Klaus

Zones de revitalisation rurale

Débat sur « la loi Hôpital, patients, santé et territoires, un an après » (Salle Médicis)

Rappels au Règlement

Interventions de la commission

Orateurs des groupes

Contraception et IVG (Question orale avec débat)

Question prioritaire de constitutionnalité

Débat préalable au Conseil européen




SÉANCE

du mardi 15 juin 2010

114e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

Secrétaires : Mme Sylvie Desmarescaux, M. Jean-Pierre Godefroy.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Modification au sujet d'un vote

M. Michel Doublet.  - M. Nègre a été porté votant contre le projet de loi sur les réseaux consulaires, alors qu'il voulait voter pour.

Questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président.  - M. le Président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat le 11 juin 2010 que le Conseil d'État lui a adressé deux décisions de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité et le 14 juin 2010, que la Cour de cassation lui a adressé une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité en application de l'article 61-1 de la Constitution.

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

M. le Président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 11 juin 2010, deux décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité.

Acte est donné de ces communications.

Décisions du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 11 juin 2010, le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Acte est donné de cette communication.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions orales.

Déductions fiscales des cotisations à des associations d'anciens combattants

M. Jacques Berthou.  - Les associations d'anciens combattants, qui ne sont pas considérées comme d'intérêt général, mènent pourtant une action collective importante en termes de devoir de mémoire, de défense de la paix, de promotion des valeurs patriotiques, démocratiques et républicaines.

Il serait donc normal que les cotisations qui leur sont versées bénéficient de déductions fiscales.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - La condition d'intérêt général qui justifie les déductions fiscales suppose que l'association ne fonctionne pas au bénéfice d'un cercle restreint de personnes. Or, les associations d'anciens combattants agissent principalement pour leurs membres. Le Gouvernement n'entend pas changer les règles de déductions fiscales en la matière.

M. Jacques Berthou.  - Elles ont aujourd'hui une action plus large, comme lorsqu'elles interviennent dans les écoles pour évoquer le devoir de mémoire : cela relève bien de l'intérêt général.

Classement des meublés de tourisme

M. Jean-Paul Amoudry.  - La loi du 22 juillet 2009 a modifié la procédure de classement des hébergements touristiques. Le décret du 23 décembre, pris pour son application, a pour effet d'exclure les organismes associatifs et collectivités publiques, dont l'action, en Haute-Savoie en particulier, est très importante.

Je souhaite donc que le décret soit modifié de manière à ce que ne soit retenue qu'une action de qualité.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Je salue votre engagement pour l'action touristique. Votre demande a été entendue.

La réforme du classement des meublés touristiques visait à améliorer la qualité de ceux-ci, afin que la France, la première destination mondiale en termes de visiteurs le devienne aussi en termes de recettes, alors qu'elle est aujourd'hui à la troisième place : c'est en partie l'enjeu de la qualité. Les meublés représentent 14 % de l'offre de lits de l'hébergement marchand.

Votre alerte a été entendue : M. Novelli rédige un nouveau décret qui exemptera les organismes associatifs et collectivités locales de l'obligation d'adhérer à un réseau national de contrôle ayant passé une convention avec le ministère et de ce fait renouvellera leur agrément.

M. Jean-Paul Amoudry.  - Je vous remercie.

Droits de mutation

M. Jacques Berthou, en remplacement de M. Rachel Mazuir.  - M. Mazuir, bloqué dans un TGV, m'a demandé de le suppléer.

L'article 78 de la loi de finances pour 2010 a institué un fonds départemental de péréquation sur les droits de mutation. Ce prélèvement n'est opéré qu'en fin d'exercice. Nous voudrions connaître la date d'entrée en application de ce dispositif afin de savoir ce qui pourra revenir dans les budgets locaux en cours de préparation.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Ce fonds est un des éléments de la réforme de feue la taxe professionnelle. Le prélèvement sera opéré sur l'augmentation constatée du produit des droits d'enregistrement. La loi n'a pas prévu de date, ce qui laisse penser que ce dispositif devrait entrer en vigueur en 2010, avec évaluation de 2009 et paiement en 2011. La crise de 2009 a eu pour effet des écarts anormaux dont la prise en compte ferait problème pour de nombreuses collectivités.

Le Gouvernement se propose d'apporter des correctifs lors de la prochaine loi de finances, afin de fixer à 2012 la première année des prélèvements et versements.

M. Jacques Berthou.  - Le directeur général des collectivités locales au ministère de l'intérieur avait parlé du 1er janvier 2010...

Programmes des sciences humaines, économiques et sociales

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Les enseignants s'inquiètent des nouveaux programmes des sciences humaines, économiques et sociales, élaborés par des experts qui ignorent tout de la réalité quotidienne des lycées. On parle même de supprimer l'enseignement de l'histoire en terminale S !

Ces programmes sont à la fois trop lourds par rapport aux horaires et bien loin des préoccupations des élèves.

L'Association des professeurs spécialisés dans cette discipline, les parents et les élèves souhaitent que vous les écoutiez !

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - M. Chatel veut qu'en classe de seconde tous les élèves bénéficient d'une initiation à l'économie. La crise actuelle a convaincu les Français que l'économie, apparemment réservée aux initiés, devait être mise à la portée de tous.

L'élaboration des programmes a été confiée à des experts : inspecteurs, universitaires, professeurs de lycée. Le programme des sciences économiques est fondé sur un rapport d'un professeur au Collège de France.

Les professeurs peuvent, jusqu'à demain, transmettre leurs observations à la commission.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Ces programmes sont liés à une stratégie de suppression drastique des postes. Tout le corps enseignant est maltraité ; les enfants en pâtiront.

Les propositions du groupe d'experts sont très éloignées des voeux des enseignants. Aucun parlementaire de ma sensibilité n'a été associé à la réflexion sur les rythmes scolaires...

Regroupement pédagogique rural

Mme Françoise Cartron.  - Le syndicat intercommunal de regroupement pédagogique des communes de Cazalis, Lucmau et Préchac devrait perdre l'an prochain un poste à l'école maternelle de Lucmau. Cette décision de l'éducation nationale est fondée sur une règle comptable condamnée par la cour administrative d'appel de Bordeaux. Elle est en outre contraire tant à l'intérêt des familles -dans une région qui compte peu de crèches- que de la communauté de communes qui a investi 450 000 euros pour l'accueil des petits de deux ans.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - M. Chatel tient beaucoup à l'école maternelle. Il a observé, avec Alexandre Jardin, président de l'association Lire et faire lire, l'intérêt du travail pédagogique qui y est mené, en particulier pour transmettre le goût de la lecture et a demandé aux inspecteurs de veiller à l'apprentissage et à la maîtrise de la langue.

Toutefois, le rapport de 2005 sur l'avenir de l'école insistait à juste titre sur le caractère pré-obligatoire de l'école maternelle. Ses moyens doivent être consacrés prioritairement aux zones « à l'environnement social défavorable », notamment en matière de maîtrise de la langue. Les ZRR ne sont pas celles qui ont le plus grand besoin en ce domaine. Le syndicat intercommunal que vous évoquez est menacé d'une baisse démographique dans les années à venir. Le blocage de poste auquel il a été procédé est une mesure technique. L'inspecteur d'académie sera attentif à l'évolution des effectifs à la rentrée, en particulier pour les moins de trois ans. La secrétaire d'État à la famille réfléchit à l'accueil des tout petits dans les territoires où les crèches ne sont pas en nombre suffisant et où les maternelles existent.

Mme Françoise Cartron.  - Oui, l'école maternelle est très importante, y compris en milieu rural, où l'environnement social n'est peut-être pas difficile mais où nous manquons d'équipements.

Unités de visite familiales

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, en remplacement de Mme Marie-Thérèse Hermange.  - La préservation des liens familiaux est une des meilleures garanties de la réinsertion des détenus. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 consacre le droit fondamental des détenus au maintien de ces liens. C'est dans cet esprit que l'administration pénitentiaire a ouvert des unités de visite familiales destinées aux condamnés de longue peine ne bénéficiant pas de permissions de visites.

Il y a actuellement 31 UVF dans onze établissements. Quel est le calendrier prévisionnel d'ouverture des prochaines ?

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Mme Alliot-Marie m'a demandé de vous répondre que, d'ici fin 2013, 70 UVF seront réalisées. Les nouveaux établissements en compteront systématiquement et, dans les établissements actuels, des aménagements sont prévus.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je vous remercie, au nom de Mme Hermange.

Ordre infirmier

M. Thierry Repentin.  - L'article 63 de la loi Hôpital, patients, santé et territoires a rendu obligatoire l'inscription des infirmiers au tableau de l'Ordre. Les syndicats majoritaires se sont toujours opposés à ce caractère obligatoire. L'abstention massive aux élections de l'Ordre montre que les infirmiers ne considèrent celui-ci ni comme représentatif ni comme souhaitable.

En pratique, il s'agit là d'un nouveau prélèvement obligatoire, auquel les infirmiers salariés souhaitent qu'il soit mis fin.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - Mme Bachelot-Narquin, jugeant que la cotisation de 75 euros est trop élevée, a souhaité que l'Ordre la fixe à un niveau symbolique, pas au-delà de 20 euros. Mais l'Ordre s'est refusé à suivre ce conseil de bon sens. Malgré les efforts des parlementaires, malgré les appels à la raison des syndicats et des infirmiers salariés, l'Ordre est resté sourd. Va-t-il imposer un rappel des cotisations non perçues ? Ce serait inimaginable.

C'est pourquoi Mme Bachelot-Narquin s'est déclarée favorable à la proposition de loi Bur limitant l'affiliation obligatoire aux infirmiers libéraux. D'ici son adoption, l'Ordre saura-t-il- entendre cette demande pressante ?

M. Thierry Repentin.  - Il est surprenant que l'Ordre créé par la loi refuse d'entendre la volonté des parlementaires, du Gouvernement et des syndicats. Il faudrait donc une deuxième loi... Mais cet Ordre est-il vraiment utile ?

Suspendue à 10 heures 20, la séance reprend à 10 heures 30.

Mortalité maternelle en couches

Mme Anne-Marie Payet.  - Au début des années 1980, la mortalité en couches était encore importante en France. La situation s'est améliorée mais nous regrettons encore treize décès pour 100 000 naissances, ce qui nous situe au seizième rang européen.

La moitié des décès serait évitable. La mortalité augmente avec l'âge de la mère. La qualité des soins et la formation des praticiens sont en jeu : on pourrait éviter bien des hémorragies et limiter le recours à la pratique des césariennes. On constate aussi que cette mortalité touche particulièrement les femmes d'origine sub-saharienne. L'inégalité est aussi régionale. Des études plus précises sont nécessaires pour mieux connaître les risques et adapter les politiques de prévention.

Monsieur le ministre, puisque la France se targue d'avoir un des meilleurs systèmes de santé, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour mieux protéger la santé de la mère en couches ?

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - La mortalité maternelle a diminué de 16 % entre 2001-2003 et 2004-2006, ce qui nous situe dans la moyenne européenne. Cependant, la mort de 70 à 75 femmes chaque année est inacceptable, surtout que la moitié des décès sont évitables : un quart d'entre eux sont causés par des hémorragies. Le Comité national d'experts souligne qu'il faut pouvoir mobiliser rapidement des équipes médicales complètes. Vient ensuite une organisation des maternités en réseau.

L'égalité d'accès aux soins doit être aussi celle de l'accès à la qualité. Elle passe en particulier par une bonne formation du personnel soignant et par un seuil d'activité minimum, sur le modèle suédois.

Mme Anne-Marie Payet.  - Il faut des études plus ciblées, les experts soulignent des lacunes dans le système d'information. Mayotte, qui a la plus grande maternité de France, n'a pas été incluse dans la précédente enquête : il faudra en tenir compte la prochaine fois.

Désertification médicale

M. Robert Tropeano.  - L'OMS donne la France au premier rang mondial de la qualité des soins, mais nous déplorons encore les inégalités dans l'accès aux soins et la désertification médicale en milieu rural et dans les villes défavorisées. La pénurie de médecins s'aggrave, ceux qui exercent vieillissent : 60 ans en moyenne dans l'Hérault.

Les maisons de santé regroupant médecins et paramédicaux peuvent être une solution, si ces personnels sont attirés dans les territoires par des services publics de qualité. Or, l'État ne s'engage pas assez, l'enjeu démographique n'est pas traité. Les restructurations ne doivent pas servir qu'à confier les missions de service public à des établissements privés.

Monsieur le ministre, quelles mesures pour l'accès aux soins dans le monde rural envisagez-vous de prendre ?

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - L'observatoire national de la démographie des professions de santé constate un recul du nombre de médecins en milieu rural, c'est préoccupant. Le Gouvernement, avec les états généraux de la santé en 2008, travaille à inverser la tendance. Nous avons relevé le numerus clausus à plus de 7 000 et fait de la médecine générale une spécialité.

Pour la première fois, nous avons corrélé les besoins de la population à la formation, en fonction de la diversité de l'offre. Nous avons aussi multiplié les mesures incitatives pour les zones délaissées.

Les maisons de santé pluridisciplinaires vont dans le même sens, d'une offre de qualité.

Les schémas régionaux de soins soutiennent les projets visant à mieux répondre aux besoins de santé. Les missions des établissements publics de santé sont garanties.

La loi HPST donne aux agences régionales de santé les outils pour mieux répartir l'offre de soins, organiser les coopérations autour de projets médicaux de territoire. Les communautés hospitalières de territoires comme les groupements de coopération entre acteurs privés et publics participeront à cette politique ambitieuse pour améliorer la démographie médicale en France.

M. Robert Tropeano.  - La population vieillit et s'inquiète de l'accès aux soins. Il faut inciter davantage les généralistes à venir à la campagne.

Pénurie de gynécologues médicaux

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je regrette l'absence de Mme Bachelot car il fut un temps où nous militions ensemble pour la défense de la gynécologie médicale. Le 15 juin 1999 déjà, j'interrogeais le ministre de la santé d'alors sur le manque de gynécologues médicaux : la situation n'a fait qu'empirer depuis. Le Gouvernement a pensé trouver la parade avec le transfert de tâches et le morcellement du suivi des femmes entre différents professionnels de santé, ce qui n'est pas sans risque. La loi HPST va plus loin, en réorganisant l'offre de soins. Or, nous devons notre faible taux de cancers féminins à l'existence des gynécologues médicaux, qui permettent une prévention et un dépistage de qualité.

Il faut maintenir le nombre de gynécologues médicaux, alors beaucoup de spécialistes installés vont partir à la retraite : que compte faire le Gouvernement ?

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - Désolé de n'avoir pas milité avec vous en 1999 comme Mme Bachelot... (Sourires)

Toutes les femmes doivent avoir un suivi gynécologique de qualité. Plusieurs catégories de professionnels de santé y participent ; depuis la loi HPST, les sages-femmes sont notamment autorisées à prescrire des contraceptifs et à assurer le suivi gynécologique.

La France compte douze gynécologues et obstétriciens pour 100 000 habitants, ce qui la met dans la moyenne de l'OCDE. Ces spécialistes se positionnent en second recours -les généralistes se situant en premier recours- et reçoivent pour cela une formation complémentaire.

L'organisation graduée des soins doit mieux répondre aux besoins. Le nombre d'internes formés est supérieur de 20 % aux besoins estimés dans cette spécialité. La loi HPST permet d'ajuster le nombre de professionnels formés aux besoins des territoires.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les divisions et querelles entre spécialistes datent de longtemps. Cependant, plutôt que de diviser pour mieux réorganiser, il faudrait organiser la complémentarité entre des professionnels en nombre suffisant.

Entendez, recevez le comité de défense de la gynécologie médicale.

La séance, suspendue à 10 heures 55, reprend à 11 heures.

Personnel contractuel du Conservatoire du littoral

M. Simon Sutour.  - Le Conservatoire du littoral emploi 150 agents dont la moitié des équivalents temps plein, soit 57 agents, sont des contractuels. Le règlement intérieur datant de 1976, c'est un décret de 1986 qui régit le statut de ces derniers. Cette fragilité statutaire entraîne des difficultés de gestion qu'a soulignées la Cour des comptes.

Le statut des personnels des agences de l'eau doit s'appliquer ; le ministère de l'environnement s'y est engagé, mais ne cesse de repousser l'échéance. Des problèmes se posent pour les agents des catégories B et C : où en sont les réflexions ? L'extension du statut des agences de l'eau, aujourd'hui envisagé pour les agents de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) et à ceux de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), doit concerner aussi ceux du Conservatoire.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - Le Conservatoire du littoral accomplit un travail remarquable. Le décret de 2007 applicable aux contractuels des agences de l'eau sera étendu à ceux de l'Onema et de l'ONCFS, établissements qui recrutent eux aussi directement leurs contractuels en CDI. Les agences de l'eau, l'Onema et l'ONCFS coopèrent, leurs services se rapprochent pour l'exercice de leur pouvoir de police. Au second semestre 2010, nous lancerons une nouvelle réflexion pour rénover les règles applicables aux personnels contractuels du Conservatoire, mais aussi à ceux des parcs nationaux.

M. Simon Sutour.  - Cette réponse me désespère : vos services répètent mot pour mot ce que vos représentants nous disent en conseil d'administration du Conservatoire du littoral où je représente le Sénat. On félicite les agents pour leur « travail remarquable » mais on ne trouve aucune solution pour les 57 contractuels concernés : le conseil d'administration du Conservatoire est pourtant unanime pour demander une solution rapide !

Démantèlement des centrales nucléaires

Mme Maryvonne Blondin.  - Le démantèlement du site nucléaire de Brennilis a commencé depuis longtemps ; mais dès 2007 diverses sources ont fait état de taux de contamination anormalement élevés, datant d'il y a vingt ans. Le Conseil d'État a annulé la procédure pour manque de transparence et d'information et la commission d'enquête publique, en mars de cette année, s'est déclarée défavorable au démantèlement complet tant qu'un inventaire radiologique et chimique n'était pas achevé. Un centre d'entreposage des déchets dans l'Ain, à plus de 1 000 kilomètres de Brennilis, ne sera opérationnel qu'en 2013.

Cet exemple breton vaut pour les 58 centrales à démanteler : le coût du démantèlement est évalué de 20 à 40 milliards d'euros, mais les moyens prévus pour y faire face sont très insuffisants ; l'information manque. Un débat public national s'impose, mais le Gouvernement n'y semble pas disposé.

Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement pour la centrale de Brennilis, qui risque de créer un précédent ? Quel cadre réglementaire, quel coût ? Envisagez-vous un débat national ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - Une trentaine d'installations nucléaires sont aujourd'hui en arrêt définitif. Celle de Brennilis devait être maintenue dans un état intermédiaire de surveillance pendant plusieurs dizaines d'années. Toutefois, craignant que cela ne fasse courir plus de risques que cela n'avait d'avantages, l'exploitant a demandé qu'elle soit démantelée complètement. La commission d'enquête a émis un avis défavorable en mars dernier, tout en recommandant que certaines opérations de remise en état du site soient réalisées à bref délai. Le Gouvernement a préparé un décret pour obliger EDF à se conformer à ces recommandations. Une nouvelle enquête publique sera organisée.

L'Autorité de sûreté nucléaire a de son côté publié une note de doctrine qui sera soumise au Haut comité pour la transparence et l'information sur la sûreté nucléaire.

Mme Maryvonne Blondin.  - Ce démantèlement est très important, toutes les garanties qui devaient être apportées sur la qualité de l'air ou de l'eau ne l'ont pas été. La loi prévoyait la création d'une Commission nationale d'évaluation et de financement des charges de démantèlement, qui devait fournir un rapport en 2008 ; à la place de ce rapport, nous avons eu un décret... Les inquiétudes sur le financement et les impacts sur l'environnement demeurent.

Code de l'environnement à la Réunion

Mme Gélita Hoarau.  - La liste des poissons migrateurs fixée par le code de l'environnement ne comporte aucun poisson de la Réunion, ce qui prive ce département d'un plan de gestion de la ressource et menace sa biodiversité. Or, la vingtaine d'espèces de poissons de la Réunion sont migrateurs.

La création de l'Onema devait s'accompagner de la création de services départementaux et de pôles d'études et de recherches : rien n'est venu pour les DOM. Au regard de ses spécificités, la Réunion mérite de telles structures. L'UICN a inscrit cinq de nos espèces parmi les espèces menacées. Que compte faire le Gouvernement pour protéger notre biodiversité ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - Les espèces migratrices spécifiques à la Réunion participent de la biodiversité. La stratégie nationale de gestion prendra en compte les caractéristiques propres à l'outre-mer et plus spécialement à la Réunion.

S'agissant de l'Onema, deux agents assurent aujourd'hui dans votre département la police de l'environnement ; ils coopèrent avec ceux de l'ONCFS et du parc national au sein de la brigade « nature » de l'océan indien. La direction de l'Office est attentive aux spécificités de l'outre-mer.

Mme Gélita Hoarau.  - Le comité départemental des pêches n'a pas ces informations, je les lui transmettrai.

Contournement routier de Vichy

Mme Mireille Schurch.  - Le contournement de l'agglomération vichyssoise, inscrite au contrat de plan, a été confirmé juillet 2004 par M. Sarkozy, alors ministre de l'économie, dans le cadre du contrat de reconversion de Giat industries.

Le conseil général de l'Allier, la communauté d'agglomération et la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône ont engagé des travaux sur divers tronçons ; restent la desserte nord et le tronçon nord-ouest, de sept kilomètres chacun, qui sont de la responsabilité de l'État : aucun crédit n'est prévu au programme de modernisation des itinéraires routiers (PDMI). Nous ne pouvons attendre 2014 pour que l'État respecte ses engagements.

De nombreuses études ont été faites, aucun problème environnemental ne justifie que le calendrier soit repoussé. Ces deux tronçons sont indispensables à la cohérence du projet de contournement. L'économie du bassin de Vichy est liée à la qualité de la desserte. Les élus sont fortement mobilisés, toutes tendances confondues : quels moyens l'État compte-t-il mobiliser ? Le grand emprunt pourrait-il fournir les 15 millions manquants ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - Le projet en est au stade préalable à la déclaration d'utilité publique. Son impact sur l'environnement doit être évalué, notamment du fait de sa proximité avec une zone Natura 2000. L'état d'avancement des études ne permettait pas d'engager les travaux dans le cadre du PDMI.

Mme Mireille Schurch.  - C'est mot pour mot ce qui a été dit en 2008 puis en 2009 ! Les études ont été réalisées ! Il n'y a aucun problème environnemental !

La sécurité routière appelle cette amélioration, utile aussi tant pour des raisons économiques que pour la qualité de la vie urbaine. Il nous faut enfin une réponse sérieuse et actualisée !

Révision des PLU

M. Michel Doublet.  - Le Conseil d'État a jugé que le PLU de Châteauneuf-sur-Rhône était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, pour ce qui concerne la possibilité de créer des micro-zones constructibles à l'intérieur de zones naturelles ou forestières. Un tel micro-zonage rural est pourtant très utile à de nombreuses communes rurales pour éviter la dégradation et l'abandon de bâtiments déjà construits en zone agricole ou forestière.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - L'arrêt du Conseil d'État conduit à de vraies difficultés. Il est vrai qu'il faut éviter tout mitage des terres agricoles, mais cela ne doit pas conduire à interdire toute construction dans ces zones ! Un amendement a été adopté par l'Assemblée nationale, qui devrait vous donner satisfaction ; il sera examiné demain par la CMP. Il va de soi que la délimitation par les PLU de ces micro-zones devra être strictement encadrée, ainsi que les caractéristiques des bâtiments qui pourront être autorisés.

M. Michel Doublet.  - J'espère que la CMP retiendra cet amendement !

Campagnols

M. Gérard Bailly.  - Les campagnols terrestres causent des dégâts importants dans les prairies herbagées et les massifs, y compris sans doute dans les monts du Lyonnais.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.  - Il y a des rats partout...

M. Gérard Bailly.  - La situation ne s'améliore pas, malgré l'engagement de sommes considérables depuis des années, ce que les agriculteurs ne comprennent pas. Où en sont les études et la recherche ? Puisque les traitements chimiques sont prohibés, il est question de méthodes alternatives à développer dans le cadre d'une coordination européenne. Qu'en est-il ?

Les dégâts causés par ces animaux ne peuvent-ils être pris en compte dans les assurances récoltes ? Le campagnol est le vecteur d'une fièvre hémorragique qui connaît une certaine recrudescence...

Il faudrait que les surfaces replantées en avoine pour du fourrage de substitution soient toujours considérées en prairies au regard des aides PAC.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.  - M. Le Maire est retenu à l'Assemblée nationale pour l'examen de la loi de modernisation de l'agriculture.

Je connais aussi le problème : les campagnols nuisent aussi là où je vis. Leur pullulation peut justifier le caractère obligatoire de la lutte contre ce nuisible. Un suivi spécifique sera organisé dans les régions concernées, dont les conclusions figureront dans les publications agricoles. On peut agir par piégeage mais aussi en renforçant la protection des prédateurs.

La priorité reste de poursuivre les programmes de recherches. Il pourrait être envisagé, dans le cadre de la LMA, de rendre éligibles les pertes économiques subies du fait des campagnols à certaines indemnisations. Il est également envisagé d'accroître la coordination avec d'autres pays.

M. Gérard Bailly.  - J'espère que la perte de fourrage due aux campagnols sera prise en compte dans la LMA. J'aimerais bien ne pas être contraint d'interroger à nouveau la ministre de la santé : des cas de personnes contaminées par le virus que transmettent ces animaux sont de plus en plus nombreux.

Piéger 1 200 campagnols à l'hectare ? Ce n'est pas sérieux !

Si l'on sème de l'avoine, la PAC considèrera que ce n'est plus de la prairie.

Cela fait 30 ans que le conseil général vote des crédits contre les campagnols et tout le monde s'inquiète de voir le problème revenir régulièrement.

Tempête Klaus

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Les sylviculteurs ne sont pas encore indemnisés un an après les dommages causés par la tempête Klaus. Les critères d'octroi des aides n'ont pas été respectés. Ils toucheront 2 750 euros à l'hectare pour le nettoyage et le reboisement -il en faudrait 1 000 de plus- et n'auront que le droit d'attendre 35 ans pour percevoir des revenus !

Puisque le fonds de solidarité de l'Union européenne va rembourser 58 millions, les sylviculteurs devraient en bénéficier, comme de la réaffectation de prêts bonifiés non utilisés. Que proposez-vous ?

Le Gouvernement a voulu recentrer l'épargne assurance sans considérer la plantation et la replantation comme un investissement. S'engage-t-il dans une politique forestière durable ?

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.  - Échelonné sur huit ans, le plan de solidarité nationale a bénéficié d'un soutien important de l'État : 220 millions de subventions la première année, dont la moitié a été décaissée ; 236 millions de prêts bonifiés ont été accordés dont les banques en ont décaissé 140. Les résultats sont déjà tangibles. Les bois de tempête ont été évacués. Il faut maintenant replanter ; 415 millions y seront consacrés. D'ici l'été, les opérations de nettoyage seront achevées pour 40 000 hectares et les propriétaires payés. Nous allons évaluer les moyens de développer l'assurance forêt, qui ne concerne que 5 % des massifs forestiers.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je n'ai pas les mêmes chiffres que vous ! Les sylviculteurs sont très hostiles à la prétendue assurance votée par le Sénat dans le cadre de la LMA. Ce qu'il faut, c'est un compte d'épargne et d'investissement !

Zones de revitalisation rurale

M. Jacques Blanc.  - Monsieur le ministre, votre nomination, s'ajoutant aux engagements du Président de la République et au Ciadt de mai dernier, a conforté notre espérance pour l'avenir des territoires ruraux. Il est à craindre hélas que certains des dispositifs applicables en ZRR ne soient menacés, au prétexte que l'on évalue mal leur effet sur l'emploi. Preuve a pourtant été apportée de l'efficacité de ces mesures, notamment de l'exonération de cotisations patronales pour les établissements médico-sociaux. Venez voir en Lozère !

Les engagements pris par l'État seront-ils tenus ? A défaut, quelles mesures de compensation prendra-t-on ? Que fera-t-on pour préserver les activités pour lesquelles les financements de l'État et de l'assurance maladie ne suffiraient pas ? S'il devait y avoir refonte de ces dispositifs, le Parlement devrait en être saisi.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.  - Les ZRR sont effectivement une réussite, comme l'ont constaté l'Igas, l'IGA, l'IGF. Plus de 10 000 communes sont concernées, la Lozère a bénéficié de 18 millions d'exonérations au seul titre des organismes d'intérêt général.

Plusieurs dispositions ont été actées lors du Ciadt de mai dernier, relatives notamment à la création et à la transmission d'entreprises, qui seront proposées au Parlement dans le cadre de la prochaine loi de finances. Nous devrions aussi d'ici la fin de l'année revoir les critères de zonage des ZRR en fonction du récent recensement ; je mènerai ce travail en liaison avec les associations d'élus.

M. Jacques Blanc.  - Oui, c'est une réussite, qu'il faut donc préserver. Mais vous n'avez pas répondu sur les exonérations des organismes d'intérêt général, dont nous voyons la grande utilité. Ne cassez pas ce qui marche ! Si vous reveniez sur les exonérations acquises, vous devrez mettre en place des compensations. Les besoins sont pressants. Plutôt que les technocrates qui vous diront que cela ne sert à rien, écoutez les parlementaires ! Nous sommes très inquiets, en particulier nous qui représentons les territoires de montagne.

La séance est suspendue à midi cinq.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 heures 35.

Débat sur « la loi Hôpital, patients, santé et territoires, un an après » (Salle Médicis)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur « La loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires, un an après » (Salle Médicis) (demande de la commission des affaires sociales).

Rappels au Règlement

M. Guy Fischer.  - La Conférence des Présidents a décidé, à la majorité, que ce débat se ferait non dans l'hémicycle, mais ici. Pourquoi ? Nous nous y étions opposés et voulons le faire savoir une nouvelle fois, même si cela ne sert à rien. Rien ne justifie de conduire un débat dans cet hémicycle, surtout quand le premier est vide, sauf à conclure que certains sujets n'intéressent qu'un « petit hémicycle ».

Pourtant, l'avenir de l'hôpital et l'accès des femmes à l'IVG n'est pas un petit sujet. Nous vivons douloureusement cette forme de relégation, qui s'apparente à un affaiblissement de la démocratie parlementaire.

M. le président.  - Ce n'est pas un « petit hémicycle », mais la « Salle Médicis ». Je vous renvoie au compte rendu intégral de la Conférence des Présidents du 27 avril et de celle du 19 mai : il ne mentionne pas de vote. Il y a eu un accord pour tenir, à titre expérimental, une séance plénière salle Médicis, avec tout le protocole attaché à la séance publique. Votre déclaration aurait davantage sa place en Conférence des Présidents.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Permettez à des parlementaires non membres de la Conférence des Présidents de vous poser la question : pourquoi tenir ici une réunion qui aurait pu se tenir dans l'hémicycle ?  Y a-t-il deux statuts pour la séance publique ?

M. le président.  - Vous n'appartenez pas à la Conférence des Présidents, mais vous appartenez au groupe de travail ; lorsqu'il a abordé le sujet, vous n'avez pas fait part de ces interrogations. L'idée était de rendre nos travaux plus interactifs.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela ne me dit pas quelle raison justifie que nous ne siégions pas dans l'hémicycle.

Interventions de la commission

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - La loi HPST est importante en raison des sujets abordés, en raison du rôle joué par le Sénat, mais aussi du travail accompli par la commission des affaires sociales qui a mis en oeuvre, pour la première fois, les nouvelles procédures issues de la révision constitutionnelle. C'est pourquoi nous avons souhaité faire, un an après, un premier bilan de ce texte emblématique.

M. Alain Milon, rapporteur pour la loi HPST.  - Nous avons adopté définitivement la loi HPST le 24 janvier 2009 ; nous sommes plus près du temps des questions que des bilans. Cette loi a mobilisé tous les acteurs de la santé, la concertation s'est poursuivie sur les projets de décrets. Je regrette d'ailleurs que ceux-ci ne nous soient pas connus avant leur publication.

La loi HPST rénove la coopération entre pouvoirs administratif et médical. La gouvernance par pôles, la délégation des moyens, engendrent de nouveaux rapports entre les deux directeurs de pôle au sein des établissements. Le conseil de surveillance jouera tout son rôle, avec les élus et les personnalités qualifiées. Le Parlement souhaitait renforcer ce conseil, le Gouvernement ne nous a pas suivis ; nous espérons cependant que ce conseil prendra toute sa place.

S'agissant de la coopération entre établissements, où en est la mise en place des groupements d'établissements ?

Le Gouvernement avait laissé quelque flou sur la nature juridique de l'établissement de coopération.

L'adéquation de l'offre aux besoins était un enjeu essentiel : nous attendons beaucoup de la procédure d'appel à projet, en particulier pour l'innovation. Cette procédure inquiète les établissements publics, pour les délais et la mobilisation des ressources... On redoute des cahiers des charges trop administratifs ; une concertation préalable serait bienvenue : qu'en pensez-vous ?

Nous espérons que la procédure garantira l'accès de tous, donc la diversité de l'offre de soins.

Les médecins généralistes sont en voie de disparition, la loi n'a pas ignoré cette réalité en envoyant les signaux nécessaires sur la fonction et l'incitation à l'installation.

Or il est plus tard encore que nous ne le pensions : les disparités se creusent, il n'y a que 10 % des diplômés à choisir la spécialité de médecin généraliste. Les mesures incitatives manquent leur but : en Picardie, des médecins sont repartis ailleurs.

Ne peut-on faire davantage appel à la médecine générale ?

En un mois, entre la loi HPST et l'apparition de la grippe, la médecine de premier recours est ainsi devenue celle de dernier recours. Voila qui en dit plus long que la plus longue des lois ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. François Autain.  - Très bien !

M. Alain Vasselle, rapporteur général pour la commission des affaires sociales.  - Les ARS sont installées, les décrets d'application sont pris dans leur majorité. Il serait utile de communiquer ces décrets plus en amont sans formalisme : nous légiférerions en meilleure connaissance de cause.

J'ai bien noté, monsieur le Président, que vous vouliez évaluer la réforme constitutionnelle. En fait, rien de mieux qu'un contrôle sur pièces et sur place.

M. Alain Gournac.  - Tout à fait.

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Le bilan que nous faisons aujourd'hui ne saurait avoir le même poids que ce que nous dirions après un contrôle sur pièces.

Je salue le travail accompli par notre collègue Fourcade, chargé de piloter le comité de suivi de la loi pour sa partie hôpital.

Pour 2009, le dépassement de la part d'Ondam consacrée à l'hôpital s'établit à 620 millions ; la tendance est la même pour 2010. Vous envisagez de limiter à 250 millions le dépassement potentiel des crédits destinés aux établissements de santé, en particulier à travers les tarifs. Ces mesures sont nécessaires, mais les fédérations demandent plus de stabilité des tarifs : prêtons y attention.

D'où viennent les dépassements ? Du dépassement du nombre de séjours ou d'une optimisation de l'utilisation de la T2A ?

La comptabilité analytique fait encore défaut, alors qu'elle seule permettrait de comparer la gestion des coûts. La Cour des comptes en a fait une priorité pour expliquer des écarts de coûts allant de  1 à 10 entre établissements.

Qui doit exercer l'autorité sur la répartition des moyens entre établissements ? Ce sera désormais l'ARS.

Le préfet Ritter, président de l'ANAP, a constaté un problème de compétence et déploré un manque de volonté en faveur de la performance. Des efforts sont nécessaires partout, y compris au sein des établissements. Une bonne organisation est nécessaire, l'expérimentation doit être utilisée dans tous les secteurs : une meilleure facturation, par exemple, peut avoir une incidence de 10 % sur les recettes.

Prenons pour modèle la gestion d'un établissement comme celui que j'ai eu l'occasion de visiter à Lille, au cours d'un stage de deux jours pleins, tant sur le plan de l'organisation que de la coopération avec la médecine de ville.

Madame le ministre, quelle est votre feuille de route ? Ne faut-il pas une pause dans les changements de tarification ?

La chirurgie ambulatoire a fait de vifs progrès, notamment grâce à vous, mais nous sommes encore à un taux de pénétration de 50 %, alors que 85 % des malades pourraient être pris en charge par ce mode, comme c'est le cas en Belgique et en Italie.

La coordination des soins à la sortie de l'hôpital est encore une forme d'économies.

Convergence, transparence, concurrence : vous connaissez mon attachement à ce triptyque. C'est grâce à lui qu'on parviendra au meilleur soin au meilleur coût.

La mise en place des ARS nécessitait de clarifier les responsabilités, nous l'avons tenté : où en sont les négociations ? Quand les ARS seront-elles pleinement efficaces ?

Je souhaite que les résultats soient au rendez-vous, grâce à la réforme des ARS. (Applaudissements au centre et à droite)

Orateurs des groupes

M. François Autain.  - Une fois n'est pas coutume, je vous féliciterai, madame le ministre, pour avoir publié le 20 mai le décret sur les établissements de santé privés collectifs, reconnaissant le rôle de ces établissements dans notre système de santé. A mon sens, ils devraient même servir de modèle.

Pour le reste, nos craintes d'il y a un an sont confirmées : la logique comptable règne. L'AP-HP supprimera plus de 600 postes et 25 sites.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - N'importe quoi !

M. François Autain.  - Jean Rostand, Paul Brousse, Saint-Vincent-de-Paul, ont fermé ; Fernand Vidal, Beaujon, sont menacés ! Les fermetures de services sont trop nombreuses pour être citées.

Le Gouvernement ferme d'autant plus de services qu'il dispose avec les ARS de véritables superpréfets de la santé. Les hôpitaux à but lucratif, de leur côté, se taillent la part du lion dans les services publics. L'APHP, elle, se contentera des urgences...

L'autorité de tutelle devra veiller à la coordination des services pour assurer le service public : ce rappel du Conseil constitutionnel, madame la ministre, n'est pas inutile dans l'architecture de votre réforme.

Les entreprises de santé ne sont pas philanthropes : elles ouvrent des établissements non pour répondre à des besoins sociaux, mais pour capter des publics qui leur échappent encore.

L'Uniopss demande l'abrogation de trois dispositions de l'ordonnance liée à la loi HPST ; deux d'entre elles ont trait aux centres de santé. Nous partageons pleinement son analyse.

Nous sommes inquiets sur le maintien de la procédure d'autorisation des centres de santé, que vous voudriez remplacer par une procédure déclarative, moins contrôlée en particulier sur le plan de l'accessibilité aux soins.

De plus, comme si concéder des pans entiers de service public au privé ne vous suffisait pas, vous avez fait le choix d'instiller dans le public des pratiques spécifiques au privé et que nous réprouvons. Ainsi, vous voulez nommer des non-fonctionnaires à la direction d'établissements publics. Le Conseil constitutionnel a validé cette disposition mais avec des réserves importantes, notamment en posant un maximum de 10 % du nombre de postes concernés en encadrant de garanties ces nominations. Vous développez le recours aux contractuels, ce sera source de conflits : 85 % des salariés y sont opposés.

Vous restreignez le caractère démocratique du système hospitalier : les conseils d'administration, devenus conseils de surveillance, sont devenus de simples organes consultatifs, le pouvoir décisionnel étant transféré au directoire.

Cette réforme va détériorer l'accueil des plus pauvres de nos concitoyens, de même que les conditions de travail à l'hôpital. Et vous n'apportez pas de solution financière à l'hôpital, non plus qu'à la disparition des médecins généralistes.

Vous avez manqué l'occasion de réformer notre système de santé, nous le regrettons ! (Applaudissements à gauche)

M. Jacky Le Menn.  - Le Président de la République a fixé l'objectif d'équilibre financier en 2012 pour tous les établissements hospitaliers. Madame la ministre, la nouvelle gouvernance permet-elle plus d'efficience économique sans dégrader les soins aux malades, ni les conditions de travail à l'hôpital ? Les mouvements sociaux à l'hôpital se multiplient, à Paris comme en province ; des équipes hospitalières démissionnent en bloc.

M. Guy Fischer.  - C'est très vrai !

M. Jacky Le Menn.  - L'hôpital est-il plus performant ?

Voix à gauche.  - Non !

M. Jacky Le Menn.  - Quid du dialogue social, gage d'un climat favorable aux malades ?

Le décret prévoit une délégation de signature du directeur aux autres membres du directoire, mais cela ne vaut pas délégation de pouvoir : n'est-ce pas s'en méfier ? Que se passe-t-il en cas d'intérim ?

La concertation doit se dérouler selon les modalités définies par le président du directoire : ce n'est pas comme cela qu'on lèvera les réticences sur la nouvelle gouvernance. Quel en sera le déroulement ?

Comment les ARS vont-elles réguler l'Ondam, qu'on annonce en dessous de 3 % ?

La loi HPST doit permettre de maîtriser les dépenses, c'est ce que les Français ont compris : où placez-vous les limites aux économies ?

Quelles suites entend donner le Gouvernement aux propositions de la mission Briet ? Les services d'urgence risquent d'en subir les conséquences.

Les fédérations hospitalières s'inquiètent : l'exercice des missions de service public devra-t-il être gelé en attendant un hypothétique dégel budgétaire ?

Les échos sur les fusions entre hôpitaux ne sont guère rassurants pour l'offre de soins. La défiance domine ; les créations de communautés hospitalières de territoire semblent se réaliser au bénéfice des établissements les plus importants: les populations se tournent vers les élus, qui n'y peuvent rien et dont le rôle, à cause de la loi HPST, relève plus de la démocratie contemplative que de la démocratie participative. (Sourires)

Les établissements privés, quant à eux, attendent plus un retour sur investissement qu'un bon aménagement du territoire et qu'une offre de soins accessible aux plus pauvres.

Ce ne sont pas les vifs échanges médiatiques entre les représentants de l'hospitalisation publique et ceux de l'hospitalisation privée (la FHP vient du reste d'adhérer au Medef, ce qui en est déjà toute une philosophie...) qui vont améliorer le climat et le rendre propice à un développement confiant des GCS entre hôpitaux publics et cliniques privées à but lucratif, ce qui pour nous n'est pas une surprise ! (Applaudissements à gauche)

M. Gilbert Barbier.  - La France est le pays du monde qui a le plus grand nombre d'établissements de santé, au regard de la population. Ce maillage dense favorise-t-il vraiment la qualité des soins ? J'ai observé que les patients informés préfèrent se faire soigner dans les hôpitaux plus grands, quitte à ce qu'ils soient plus éloignés. Les hôpitaux de proximité servent surtout aux plus démunis. Cette chirurgie à deux vitesses n'est pas acceptable. Les résultats opératoires s'améliorent au fur et à mesure de l'expérience des chirurgiens.

J'approuve donc la loi HPST et la réforme qu'elle met en oeuvre. Où en est son application ? La rivalité entre villes voisines peut-elle être dépassée grâce à des pôles hospitaliers ?

Je regrette que la convergence entre public et privé ait été reportée par la LFSS. Les écarts peuvent atteindre un rapport de 1 à 10 en pneumologie...

Dans certaines spécialités, dans le secteur public, le taux de vacance est important, car nombre de praticiens rejoignent le secteur privé, plus rémunérateur. Une génération de praticiens part en retraite ; les nouvelles générations n'ont pas les mêmes conceptions. Plus jeunes, plus féminisées, elles préfèrent des équipes plus nombreuses avec pour chacun des charges moins lourdes. Le départ d'un praticien vers le secteur privé est souvent le résultat d'incidents.

La modernisation requiert une adhésion profonde du personnel concerné. L'avancement doit être lié à la qualité. Il faut que les praticiens souhaitent rester dans le secteur public. Que comptez-vous faire ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Louis Masson.  - Je ne sais pas qui a eu l'idée saugrenue de nous faire siéger ici. Nous ne sommes pas une sous-commission ! (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - En janvier, M. Sueur admettait devant le groupe de travail que les séances pouvaient se tenir dans un autre lieu que l'hémicycle. (Applaudissements à droite)

M. Jean Louis Masson.  - Je ne suis pas engagé par les propos de M. Sueur. Je persiste à ne pas comprendre.

M. François Autain.  - C'est pour faire des économies...

M. Jean Louis Masson.  - Nous avons un gros problème de démographie médicale. Il faut plusieurs mois d'attente pour rencontrer un ophtalmologue ! Ce n'est pas parce qu'on réduit le nombre des médecins que les gens sont moins malades !

Quand on a créé les CHR, il y a quelques décennies, c'était dans l'idée de les transformer en CHU. De récessions en numerus clausus, on garde cette catégorie croupion qui ne comprend que trois établissements. Pourrait-on enfin régler ce problème et transformer ces CHR en CHU ?

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Nous remercions la présidente Dini d'avoir pris l'initiative de ce débat. Une tendance inquiétante pourrait se faire jour : la recentralisation. Je l'ai vu à Arras, où le conseil de surveillance a été marginalisé dans la nomination du directeur de l'ARS. Ce n'est pas conforme à l'esprit même de cette réforme que nous avons approuvée.

Certains maires ont d'ores et déjà annoncé qu'ils se désintéresseraient de leurs hôpitaux... Tout peut se jouer dans les relations entre hôpitaux et administrations. La notion de « bonne pratique » sera déterminante.

La médecine ambulatoire est le parent pauvre de la réforme : si rien ne change nous n'aurons bientôt plus que 600 médecins généralistes dans mon département, contre 1 400. La profession se féminise ; très bien, mais une jeune mère de famille n'est pas toujours disponible.

Financement de maisons de santé, contrats d'engagement de service public : une politique active de lutte contre la désertification se met en place. Très bien, il y a urgence et il faut recruter des médecins généralistes.

Le patient n'est-il pas le grand absent de la réforme ? C'est à l'aune de ce ressenti qu'il nous appartiendra de juger cette loi. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Gérard Dériot.  - Depuis son adoption, en juin dernier, où en est l'application de la loi ?

La volonté de modernisation répond à un souci d'efficacité dans l'intérêt de nos concitoyens. La loi favorise les accords entre les acteurs privés et publics pour améliorer le service rendu au public. Les conditions de fonctionnement des GCS manquent toutefois de clarté ; pouvez-vous nous éclairer ? Président du conseil d'administration d'un hôpital, je vois les effets de cette absence de clarté...

La loi favorise aussi la collaboration entre personnel médical et administratif des hôpitaux, afin d'améliorer la gouvernance de ceux-ci.

La création des ARS, disposition phare de la loi, doit en améliorer l'efficacité et en assurer la pérennité. Où en est leur mise en place ?

La publication d'indicateurs de performance et la qualité des soins doivent améliorer la transparence. Sans doute, mais quels critères sont possibles en la matière ?

Les esprits chagrins jugent l'application de la loi insatisfaisante.

M. Guy Fischer.  - C'est vrai ! (Sourires)

M. Gérard Dériot.  - Le comité d'évaluation, mis en place en janvier sous la présidence de M. Fourcade, répond à nos préoccupations communes. L'essentiel reste à faire : réussir la mise en oeuvre de cette loi ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Jacques Jégou.  - Lors du débat « L'hôpital en question », beaucoup nous était promis pour cette loi HPST. Un an après, il est trop tôt pour faire un bilan complet -que le comité présidé par M. Fourcade devrait pouvoir tirer- mais ce débat n'en est pas moins utile.

Des chantiers importants nous attendent encore : le déficit de l'assurance maladie devrait atteindre 13 milliards, contre 4,4 en 2008. La T2A a sans doute eu des effets positifs mais elle peut aussi inciter à « faire de l'activité ». Des marges de progrès existent ; je voudrais être assuré que les enveloppes Igac ne serviront pas à certains établissements à surmonter l'étape T2A...

Le report de six ans de la convergence public-privé est regrettable ; j'espère que ce n'est pas la fin de la convergence.

L'investissement hospitalier a été relancé par le plan Hôpital de 2007, mais ces mesures ont surtout été financées par l'endettement et la Cour des comptes notait que tous les investissements n'avaient pas une viabilité assurée

Il faudra continuer à favoriser la chirurgie ambulatoire. Où en est la DMP ? Le déploiement d'une première version est-il toujours prévu pour la fin de l'année ? L'information est ainsi une donnée importante de la modernité de l'hôpital. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Yves Daudigny.  - Où tiendrons-nous désormais nos séances publiques ?

Quoi de nouveau depuis un an ? L'acronyme ARS se décline encore en RAS... (Sourires) Par le temps que nous y avons consacré, cette loi aura marqué la vie parlementaire, et je ne parle pas des nombreux amendements de dernière minute imposés par le Gouvernement. Le texte a vu le nombre de ses articles multiplié par cinq ; il faudra plus de 150 textes d'application avec des dizaines d'ordonnances.

Un an avant, l'ensemble des dispositions de la loi HPST devaient être en place début 2010 ; c'était du temps où vous disiez vouloir sauver l'hôpital public. Un an après, c'est l'incertitude de l'hôpital. Le service public hospitalier a désormais disparu du code de la santé publique. Quid des missions de service public et de la participation des établissements commerciaux ? Un décret d'application n'a pas été jugé conforme à la loi : y en aura-t-il un autre ?

La clinique qui ne pouvait ou ne voulait prendre en charge un patient devait en janvier garantir « l'admission » ailleurs ; il n'est plus question que « d'orientation ». Merci de tendre le bras !

Votre loi a été reçue cinq sur cinq par les fonds de pension : les cliniques privées se regroupent...

Sur les soins ambulatoires, incertitudes toujours : vous n'avez pas voulu intervenir sur les dépassements d'honoraires, vous avez refusé le testing ...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - J'ai été battue !

M. Yves Daudigny.  - Les structurations transversales des nouvelles agences de soins ? Incertitude là encore. Comment s'articulent les compétences respectives des ARS et des départements ? Le schéma régional est centré sur les équipements et services, alors que les schémas départementaux doivent être multidirectionnels et prendre en compte aussi la prévention ainsi que le médico-social. Nous attendons toujours les décrets relatifs aux établissements médico-sociaux. Comme l'a déclaré le directeur général d'une grande ARS, l'insertion du médico-social devrait être la source de difficultés ; nous le croyons, comptez sur notre vigilance. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Louis Lorrain.  - On peut évoquer la nécessaire harmonie entre l'ARS et les autres services de l'État. Il peut arriver que les liens avec les collectivités locales se distendent du fait d'une approche autoritaire... Les GCS pourraient s'élargir vers la santé mentale. Ce n'est pas vers le toujours moins qu'il faut aller mais vers le plus juste : il faut tenir compte des efforts menés par les établissements en termes de qualité. J'ose espérer que la spécificité de la psychiatrie sera prise en compte dans une loi future.

Il faut aussi encourager les efforts d'analyse des coûts faits par certains établissements.

C'est la personne qu'il faut prendre en compte, avant les soins, ce qui suppose que l'on s'engage dans la transversalité. L'articulation entre DMP et dossier médical d'urgence est un monstre, difficile à mettre en place.

Les agences d'évaluation des politiques de santé et d'appui à la performance qui inspireront l'ARS devront faire en sorte que le lien soit conservé avec les établissements, les patients et les élus locaux. Nous serons très attentifs aux bonnes pratiques, face à la tutelle bureaucratique. Une politique à long terme -faire autant tout en faisant mieux- ne peut être balayée par le court terme. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Renée Nicoux.  - L'an dernier, nous dénoncions la logique de rentabilité de cette loi, qui participe à la désertification des territoires ruraux au profit des grands centres de soins. J'ai ainsi appris la décision de l'ARS, sans concertation préalable, de fermer le centre de radiologie cancéreuse de Guéret. C'est ne pas prendre en compte les spécificités d'un département rural comme la Creuse, qui est aussi le plus âgé de France. Le besoin primordial, chez nous, c'est la proximité de soins adaptés !

Peu importent la qualité des soins prodigués et les besoins de la population : seules vous intéressent les économies d'échelle ! La sécurité à Guéret est assurée

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Ce n'est pas vrai !

Mme Renée Nicoux.  - Le service a été entièrement rénové en 2007 ; les délais de prise en charge y sont très bons, tout comme la qualité des soins. Il n'y a donc aucune raison plausible à la fermeture de ce site. Est-il raisonnable d'imposer à 300 patients déjà traités un tel déplacement ? Aucun service nouveau en la matière n'est prévu à Limoges... Nombre de patients ne seront plus soignés.

La loi hôpital visait à rationaliser les dépenses de santé, prétendiez-vous alors ...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Jamais.

Mme Renée Nicoux.  - La modernisation du centre de Guéret a coûté 3 millions, le fermer serait un gâchis. On veut mettre des moyens de transport et des hôtels à la disposition des patients ...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre, rapporteur.  - Tout à fait !

Mme Renée Nicoux.  - ...payés par la sécurité sociale ! Quelle est la logique de cela ? Une désorganisation, une destruction de l'offre de soins. Tous semblent perdants à une telle décision. La prise en charge des cancéreux va se dégrader.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Mais non !

Mme Renée Nicoux.  - Renforcer la territorialisation, dites-vous. Comment alors expliquer une telle décision, sinon par une logique de marchandisation qui apparente les patients à des clients ?

Nombre de collègues pourraient vous donner des cas comparables à celui de Guéret.

Après la casse de La Poste et des hôpitaux, que reste-t-il aux citoyens qui n'habitent pas dans les grandes villes ? Rien. Les inégalités sont profondes et choquantes dans de nombreuses régions. Elles suscitent inquiétude et sentiment d'abandon et ne répondent pas au problème de la désertification. (Applaudissements à gauche)

M. Bruno Gilles.  - La majeure partie des textes réglementaires de la loi HPST n'ont pas encore été publiés. Il est vrai que cette loi est un monument...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Funéraire ! (Sourires à gauche)

M. Bruno Gilles.  - S'agissant de la gouvernance, je vous rapporterai ce que disent les acteurs de terrain, qui craignent la disparition de toute marge de manoeuvre -je pense notamment à la politique de recrutement des effectifs médicaux. Un médecin qui serait président d'université ne pourrait siéger au conseil de surveillance d'un CHU : c'est injuste. De même, il faudrait prévoir que deux, voire trois CHT puissent être créées à l'APHM, les territoires de santé de Martigues et d'Aubagne-La Ciotat ne coopérant pas entre eux.

Comment envisager une gouvernance harmonieuse sans la confiance des médecins ? Nous avons cherché à atténuer la méfiance qui s'était installée. Mais certaines dispositions du décret sur les CME sont dangereuses. A Marseille, la concertation est sereine, mais des risques de débords existent : le dialogue social existe au sein des établissements, il faut aussi un dialogue médical. Les médecins libéraux ne sont pas en reste, notamment sur la formation, sur la gouvernance. Madame le ministre, vous avez plaidé pour la collégialité et contre l'excès de formalisme ; je ne doute pas que vous tiendrez compte de ces remarques. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jacques Blanc.  - A grande première, atmosphère particulière... (Sourires) En mai 2009, je rendais hommage au travail du Sénat : nous vous avons aidée, madame le ministre, à sortir d'une situation où les médecins se sentaient à l'écart. Nous avons équilibré les relations avec les directeurs d'établissement et le corps médical. On ne peut faire de médecine ni de prévention sans les médecins.

Nous demandions que les ARS servent la cohérence, le partenariat avec le secteur privé et les médecins libéraux. Elles sont installées depuis le 1er avril, je m'en réjouis. Comme président de l'association des maires de la Lozère, j'organise en juillet une réunion avec la directrice de l'ARS du Languedoc-Roussillon : il faut que les élus soient informés des évolutions en cours et à venir 8et que les ARS soient à leur écoute.

Il faut éviter deux écueils, la concentration dans les CHU et la dispersion. Comme médecin et député, j'ai accepté la fermeture de la maternité de Marvejols parce qu'il n'y avait pas assez de naissances, et aussi parce qu'il y avait à Mende un service de réanimation néonatale. Mais je me bats aussi pour la proximité : nous avons construit un établissement mutualiste à Marvejols. Madame le ministre, il faut nous aider à trouver le bon équilibre : quand on refuse à de jeunes chirurgiens de l'hôpital public un mi-temps dans le privé, on contredit l'esprit de la loi. Il faut faire cesser ces combats d'arrière-garde.

On ne forme pas assez de médecins. A Mende, il faut dix-neuf médecins pour un service d'urgence : pourquoi avoir diminué le nombre de places d'étudiants en médecine à Montpellier et à Nîmes, tandis qu'en Lozère nous manquons de médecins ? Ce n'est pas parce qu'on augmente le nombre de médecins, qu'on accroîtra les dépenses ! En Lozère, nous manquons de médecins, n'écoutez pas votre technocratie, mais les élus !

Je défends la médecine générale, mais ne supprimons pas les postes d'agrégés en spécialité. Nous vous avons soutenue, madame le ministre, nous ne le regrettons pas. (On en doute à gauche) Mais il faut nous écouter : il faut former plus de médecins. (Applaudissements à droite ; bravos à gauche)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - Je me réjouis de cette salle agréable, lumineuse et confortable - les fauteuils le sont davantage que dans l'hémicycle. Je me souviens des conditions précaires dans lesquelles l'examen de ce texte a commencé pour moi en commission...

Sur un texte aussi important, qui se mettra complètement en place sur des années, voire une décennie, nous devons nous donner des rendez-vous réguliers.

Un an après, les grandes mesures de la loi HPST sont en place. C'est une oeuvre d'envergure, avec quelque 200 décrets attachés et de nombreux arrêtés. Jamais une telle réforme n'aura été autant concertée : plus de 200 auditions par la commission Larcher, puis deux ans de concertation, et les travaux se poursuivent au sein de la commission de suivi présidée par M. Fourcade. Près de 140 textes, dont huit ordonnances, ont été pris ; tous les autres sont rédigés et sont soit en cours de publication, soit au Conseil d'État -qui a apporté une exceptionnelle contribution. Vous m'aviez donné jusqu'en juillet pour l'installation des ARS, j'ai anticipé.

La loi, qui n'est pas de financement mais d'organisation, est une boîte à outils au service de la transformation de notre système de santé ; parmi ces outils, l'Agence nationale d'appui à la performance (Anap) qui mène depuis plusieurs mois déjà un travail de formation et d'accompagnement des projets. La comptabilité analytique, monsieur Vasselle, est une priorité.

Le déficit global des hôpitaux est passé de 570 millions en 2008 à 512 millions en 2009, et j'espère encore une amélioration cette année. Sur 31 CHU, sept sont à l'équilibre.

M. Barbier a raison, la proximité ne peut être l'assignation à résidence.

Mme Nicoux a évoqué un sujet grave. Quand j'ai pris mes fonctions, la radiothérapie connaissait de très graves dysfonctionnements. Je vous emmènerai à Épinal...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Et à Toulouse !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - A Toulouse aussi. Je vous ferai rencontrer les associations de patients irradiés, les familles de malades morts du fait de ces dysfonctionnements. J'ai fait inspecter tous les équipements de France avec l'Institut national du cancer et l'Autorité de sûreté nucléaire, nous avons fixé des normes de sécurité pour garantir la qualité des soins. Ces normes ne sont pas observées à Guéret. L'INC a fixé à 600 malades, à deux appareils et deux radiothérapeutes le seuil d'une unité, il faut aussi des radiophysiciens. On est passé entre les gouttes à Guéret, mais je ne peux accepter de courir plus longtemps de tels risques. Déjà, à Guéret, ceux qui savent vont ailleurs ! Nous payons les transports, l'hôtel, pour garantir la qualité des soins ! Vous avez pris le plus mauvais exemple, madame Nicoux. Je ne fais pas d'économies ! Nous investissons des millions à Guéret en gériatrie.

Les appréhensions de conflits entre présidents de CME et directeurs ne sont pas avérées, je veux rassurer M. Le Menn : leur objectif commun est que l'hôpital réponde au mieux aux besoins des patients.

Rarement un texte n'a été tant concerté : six mois avec les intersyndicales, monsieur Gilles, c'est très rare ! La réforme responsabilise les chefs de pôle, via des contrats négociés avec les directoires. Le décret relatif aux pôles paraît aujourd'hui. La délégation de signature est possible, monsieur Le Menn.

Le conseil de surveillance jouera un rôle essentiel, il est ouvert aux élus et à la société civile.

Je ne doute pas que de nombreux maires seront élus et que tous continueront à s'impliquer, avec toute l'efficacité que chacun leur connaît.

Je réponds à M. Gilles : quand un président d'université est un médecin, il y a risque que l'équilibre entre les trois collèges soit rompu. Le président-médecin sera cependant l'invité permanent du conseil de surveillance.

Les coopérations entre établissements de santé sont essentielles, a rappelé M. Dériot ; l'objectif des CHT est de permettre aux établissements publics de taille moyenne de développer des stratégies territoriales communes avec d'autres autour de projets partagés. Les échos sont très favorables sur les CHT ; le décret concernant leurs instances sera publié en juillet. Les GCS sont le mode privilégié de coopération : le décret clarifie les responsabilités, y compris en psychiatrie, monsieur Lorrain.

Il n'y a pas à s'inquiéter que tous les GCS se transforment en établissements publics de santé s'ils sont titulaires d'une autorisation d'activité de soins : ce sont des organes de mutualisation, la transformation ne pourra pas être imposée aux acteurs.

Le décret sur les cliniciens hospitaliers paraîtra dans quelques jours.

L'inscription dans la loi des missions de service public est importante. Mon intention n'a jamais été de tout remettre à plat, mais seulement, en situation de carence, de permettre à tous les établissements d'exercer ces missions dans l'intérêt des populations. Un décret d'application n'est pas nécessaire.

Des crédits Migac sont mis en réserve, mais non gelés ; ils ne touchent pas les missions d'intérêt général elles-mêmes.

Transformer des CHR en CHU ? Il y a plutôt trop de CHU en France, quoique je résiste mordicus à tous ceux qui veulent en diminuer le nombre. De grâce, ne m'en faites pas ajouter !

La procédure de nomination des directeurs est claire et transparente ; ils seront nommés après appel à candidature, comité de sélection et désignation, selon les cas, par l'ARS ou le centre national de gestion.

Oui, monsieur Dériot, la réforme gagnera à être mieux connue : un vadémécum sera distribué en juillet au personnel hospitalier puis aux médecins libéraux et au secteur médicosocial.

Les ARS sont la clé de voûte de la réforme et je n'hésite pas à dater le début de celle-ci à leur mise en place, au 1er avril dernier. Tout le monde convient que notre système actuel était en tuyaux d'orgue, trop cloisonné et pas assez territorialisé.

Les 26 directeurs ont été nommés en conseil des ministres. Les conseils de surveillance et les conférences régionales se réuniront en juillet, les conférences de territoire à l'automne. Élaborer le projet régional de santé, développer la prévention, accompagner la réorganisation de la médecine de ville, piloter la performance des hôpitaux, adapter le médico-social aux besoins : les directeurs d'ARS devront rendre des comptes. J'attends des résultats rapides sur la performance des soins.

La procédure simplifiée des centres de santé facilitera leur mise en place, mais le tarif sera opposable, monsieur Autain, l'ARS y veillera strictement.

La démographie médicale de Lozère, hélas, ne tient pas qu'au numerus clausus de l'Université de Montpelliers : je crains que bien des jeunes médecins ne restent sur la côte, tant est puissant le tropisme maritime...

J'ai augmenté le nombre de places offertes aux étudiants en médecine, c'est une constante de ma politique.

Garantir l'accès aux soins est un des piliers de notre pacte solidaire de santé, c'est le socle de ma politique pour les deux années à venir. Le décret sur la permanence des soins est signé. Tous les leviers de la permanence des soins se trouvent désormais entre les mêmes mains, ce sera un critère de l'évaluation des directeurs d'ARS dès cette année.

Les unions régionales seront les partenaires naturels des ARS, pour associer les libéraux à l'élaboration des politiques de santé : c'est une condition de réussite de la réforme. Les élections professionnelles seront organisées le 29 septembre pour les médecins libéraux et avant la fin de l'année pour les autres professionnels.

Le nombre d'internes dans chaque région et chaque discipline sera fixé en fonction des besoins de la population ; 400 contrats d'engagement de service public seront proposés chaque année aux étudiants. Je vous garantis, monsieur Blanc, qu'il y en aura pour la Lozère ! (Marques d'envie sur divers bancs)

Des protocoles de coopération assureront une articulation du travail médical sur les territoires, au service de l'offre de soins. Les ARS seront l'interlocuteur unique des médecins pour l'accompagnement et le financement de leurs projets. Elles ont prêtes à financer 250 maisons de santé avant la fin du mandat du Président de la République, comme celui-ci s'y est engagé. Les volets ambulatoires des Sros seront concertés avec les élus locaux et les médecins libéraux.

Je m'étais engagée à ce que 2010 soit l'année du lancement du DMP : le pari sera tenu !

Tout est donc mis en oeuvre pour une répartition plus juste de l'offre de soins. Je veux protéger l'offre de proximité. Si j'ai choisi de confier la vaccination contre la grippe A à des centres de vaccination plutôt qu'aux médecins de ville, c'est que je savais que le pic de vaccination interviendrait quand ils seraient surchargés.

La loi renforce le rôle de prévention, de suivi et de coordination des pharmaciens. Les premiers textes d'application de la réforme de la biologie médicale sont parus et portent leurs premiers fruits.

La santé publique est également en jeu avec la généralisation de l'interdiction de vente d'alcool et de tabac aux mineurs. C'est un aspect très important de la loi, dont je m'étonne que nul n'ait parlé.

Le patient est au coeur de sa propre prise en charge, grâce à l'éducation à la santé.

Je suis fière du chemin parcouru ensemble, pour préserver les valeurs solidaires de notre système de santé. J'ai tenu les engagements pris devant vous et les Français, je suis au rendez-vous de la mise en oeuvre : cette loi, je ne l'ai faite que pour nos concitoyens ! (Applaudissements au centre et à droite)

La séance, suspendue à 17 heures 25, reprend à 17 heures 30.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

Contraception et IVG (Question orale avec débat)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de Mme André, relative à la politique de contraception et d'interruption volontaire de grossesse.

Mme Michèle André, présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, auteur de la question.  - Nous partageons, madame le ministre, la conviction que le droit à disposer de son corps est constitutif d'une société égalitaire. Le rapport de l'Igas nous est parvenu 35 ans après la loi Veil.

Même si beaucoup reste à faire, les avancées sont considérables. Grâces soient rendues à tous ceux qui ont mené bataille contre les préjugés et les conservatismes ; mais encore aujourd'hui, il y a des groupuscules anti-IVG et certains médecins sont réticents à accomplir des IVG. Je rends également hommage aux réseaux du Planning familial et aux associations qui oeuvrent pour informer les femmes en la matière.

Pourtant, les crédits affectés aux associations d'information ont été réduits. Faudra-t-il se mobiliser chaque année pour conserver simplement les moyens de leur fonctionnement ?

La prévention des grossesses non désirées a porté ses fruits ; le grand nombre d'IVG qui subsiste s'explique sans doute par une inadaptation des méthodes contraceptives à la variété des situations.

Les démarches du réseau doivent être encouragées. Certains départements comme l'Hérault ou le Bas-Rhin se sont engagés dans cette voie.

Des carences importantes subsistent dans l'information des jeunes à l'école et plus encore pour celles qui ne sont plus scolarisées. L'accès à la contraception reste trop inégal. Si les jeunes peuvent recourir de façon anonyme et gratuite à l'IVG, et à la contraception d'urgence, elles ne le peuvent pas pour la contraception régulière.

La diffusion massive de la contraception n'a pas fait diminuer le nombre d'IVG qui restent de l'ordre de 200 000 par an. L'allongement des délais n'a pas produit les dérives redoutées. Les délais d'accès à l'IVG se sont dans l'ensemble améliorés, mais ces progrès demeurent fragiles et des goulets d'étranglement subsistent dans certaines régions et à certaines époques.

La pratique de l'IVG est peu gratifiante pour les personnels de santé ; le recours à la clause de conscience est devenu plus fréquent avec l'allongement des délais. Des centres d'IVG ferment, si bien que nombre de femmes sont confrontées à des refus par manque de places. Les délais dépassent quinze jours, voire trois semaines en Ile-de-France, au détriment des plus fragiles.

Alors que le choix des femmes devrait être respecté, le recours médical dans certains établissements ne respecte pas leur voeu. Qu'allez-vous faire pour éviter la fermeture de nouveaux centres d'IVG ? (Applaudissements sur de nombreux bancs)

Mme Patricia Schillinger.  - Trente-cinq ans après la loi Veil, le nombre d'IVG n'a pas diminué, alors que 95 % des Françaises utilisent la contraception. Cette situation est préoccupante. L'IVG est une opération lourde, dont on analyse mal le retentissement psychique. Un manque d'informations sur les bons usages de la contraception est peut-être à incriminer. Les médecins privilégient certains modes de contraception, sans tenir compte des innovations qui simplifieraient pourtant la vie des femmes.

Les femmes de 30 à 35 ans oublient plus fréquemment que d'autres de prendre la pilule. Il serait donc souhaitable de les inciter à utiliser d'autres moyens.

Les pilules du lendemain ne sont pas prises en charge par l'assurance maladie, non plus que le patch. Pourtant, les médicaments pour la prostate sont tous remboursés ! (Rires)

Informer doit être une priorité, combinée à une bonne explication.

En Alsace, les jeunes ont bénéficié d'une information anonyme et gratuite ; ce qui permet de conserver une totale autonomie en la matière par rapport aux parents. Cet exemple devrait pouvoir être étendu à tout le territoire.

Nombre d'établissements renoncent à pratiquer des IVG pour des raisons économiques. Un meilleur maillage du territoire aiderait à limiter le nombre d'IVG. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard.  - Il est important qu'un homme au moins s'exprime dans ce débat, et je remercie mon groupe d'y avoir consenti ! J'étais dans les tribunes du Sénat il y a 35 ans, quand le sénateur Jean Mézard rapportait le projet de loi Veil. C'était alors, et c'est encore, le combat de la liberté et de la dignité, celui de la souffrance et de la faiblesse des plus démunies.

Contraception et IVG n'ont pas entraîné la baisse de natalité annoncée. Quoique la contraception soit très utilisée en France, le nombre d'IVG reste stable. Et 72 % des femmes y recourant déclarent utiliser une contraception...

Il faut donc à la fois une information efficace sur les moyens de contraception, et un accès aisé aux produits contraceptifs. Comment parler de « confort » à propos d'un tel problème de santé publique ? Nous nous réjouissons que la mobilisation de 2009 ait permis le maintien de l'engagement de l'État auprès des associations. Où parlera-t-on de la contraception si de telles structures disparaissent ? Puissiez-vous, madame le ministre, nous confirmer que la contraception reste pour vous une priorité.

L'Igas fait apparaître une diminution importante du nombre d'établissements pratiquant des IVG. Il y a des goulets d'étranglement. Moins de centres, moins de moyens, ce sera davantage de situations douloureuses.

Les dates retenues devraient tenir compte des besoins des femmes, et pas du confort des établissements.

La faible attractivité de l'orthogénie doit être compensée, de manière à ce que l'égalité des prises en charge soit assurée sur tout le territoire. Il faut que le nombre de médecins pratiquant l'IVG soit préservé.

Nous comptons sur vous, madame le ministre, pour que l'action de votre illustre prédécesseure (sourires) soit poursuivie dans l'intérêt des femmes donc de l'humain. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Mon point de vue n'est pas partagé par la majorité d'entre nous. Ce n'est pas conservatisme de penser que la vie humaine, avec sa promesse d'éternité, commence dès la conception.

Le recours à l'IVG s'est accentué à mesure que la contraception s'est améliorée. En 2006, une mineure sur 100 a recouru à l'IVG. La majeure partie des Français jugent que l'avortement est une épreuve lourde, et qu'on y recourt trop dans notre pays.

Je remercie donc Mme André d'avoir voulu ce débat, qui aurait dû intéresser aussi nos collègues hommes.

Le Centre international de recherche sur le cancer a classé la pilule contraceptive comme un produit cancérogène sur le rein, le foie, le sang. D'autres études livrent d'autres résultats. Madame le ministre, entendez-vous faire étudier davantage cette question, pour y voir plus clair ? On fait de la trisomie 21 un cas normal d'IMG. N'y a-t-il pas un risque d'eugénisme dans une société où tout ce qui sort de la norme doit faire l'objet d'un équarrissage ? (Exclamations à gauche)

Mme Raymonde Le Texier.  - « La maternité heureuse » !

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Fonder le droit de vivre sur le fait que toute vie nouvelle est désirée, n'est-ce pas admettre a contrario la possibilité de supprimer la vie qui n'est pas désirée ? Répondre oui à cette question, c'est instituer un principe effrayant, celui de l'élimination des indésirables, en l'occurrence, des trisomiques. Madame la ministre, avez-vous l'intention de remédier à cette tendance? (Exclamations à gauche)

Parmi les femmes qui ont accepté l'avortement, un certain nombre auraient, mieux informées, gardé leur enfant. Des décisions hâtives d'IVG peuvent être dues à un désarroi momentané. Or, l'entretien préalable à IVG est devenu facultatif !

Madame la ministre, peut-on espérer, administrativement, que la décision de ne pas recourir à une IMG, qui est entre les mains de la femme enceinte, soit considérée comme une décision de « poursuivre la grossesse », plutôt qu'un « refus d'IMG » ? On culpabilise les parents qui perdent beaucoup d'énergie à faire entendre leur choix, pourtant douloureux. L'accompagnement psychique nécessaire n'est proposé qu'après la naissance ; il faudrait qu'un espace d'accompagnement soit ouvert dès la décision prise.

« Quand le temps est compté, chaque minute compte » ; une fois la décision prise, l'irrémédiable peut être vécu comme une souffrance, lourde et complexe. Raymond Aron disait que l'Europe était en train de se suicider par dénatalité...

L'article L.2214-3 du code de la santé publique dispose que chaque année le ministre de la santé doit présenter un rapport sur les conséquences socio-économiques de l'avortement. Puisse celui-ci être l'occasion d'un débat.

Pardon si j'ai choqué certaines d'entre vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

Mme Bernadette Dupont.  - Très bien !

Mme Odette Terrade.  - Je félicite Mme André d'avoir posé cette question. L'enjeu méritait un autre hémicycle, mais comme il ne s'agissait que de femmes, la Salle Médicis a été jugée suffisante ! (Exclamations à droite)

Des évolutions législatives et réglementaires ont permis de nets progrès. Toutefois, le maillage territorial est loin d'être assuré.

L'Ile-de-France est particulièrement touchée, avec 56 255 IVG en 2006, avec une diminution du nombre d'établissements pratiquant des IVG, de 176 à 124. La situation est catastrophique dans certains endroits : ainsi, un tiers des habitantes du Val-de-Marne ont dû aller dans des départements voisins, faute de places disponibles. Il n'y a que trois établissements publics et cinq établissements privés pratiquant l'IVG dans mon département !

Madame la ministre, quand allez vous cesser de fermer les yeux sur les menaces très graves qui pèsent sur l'accès à l'avortement et à la contraception ?

Mme Veil s'est dite inquiète de la situation actuelle ; la réforme de l'AP-HP et la loi HPST ont eu des effets désastreux sur l'accès à l'IVG. On recourt ainsi à des IVG médicamenteuses sans accompagnement médical suffisant. Les femmes du XXe siècle arrondissement sont dirigées vers l'hôpital Saint-Antoine, dans le XIIe, dont le centre d'IVG est condamné à fermer à court terme.

Trop souvent, on fait attendre ces femmes dans des salles tapissées de photos de bébés et de conseils aux futures mères !

Fragile, soumis aux pressions économiques des établissements, et des actions anti-IVG, l'interruption volontaire de grossesse demeure encore et toujours, 40 ans après sa légalisation, un parcours d'obstacle et l'application de son droit est loin d'être garanti à toutes les femmes qui le souhaiteraient. Les victimes en sont d'abord les plus précaires, et les plus jeunes d'entre elles. Le pourcentage de mineurs avortant ne cesse d'augmenter. Certains anesthésistes refusent d'intervenir sans l'accord parental. Ces jeunes filles sont pourtant en souffrance, face à une décision complexe.

Le droit à la contraception n'est pas un libre choix possible, quand la méthode la plus adaptée est aussi la plus chère et la moins remboursée. La liberté de disposer de son corps ne doit pas bénéficier aux seuls laboratoires pharmaceutiques. Combien de jeunes, filles ou garçons, sont mal informés ! Qu'allons-nous faire pour améliorer cette situation ?

Depuis les lois Neuwirth et Veil, contraception et IVG sont reconnues comme des droits des femmes. Encore faut-il que ces droits soient reconnus dans les faits. Quelles actions allez-vous mener en ce sens ? (Applaudissements à gauche)

Mme Gisèle Printz.  - L'accès à la contraception et à l'avortement sont des avancées majeures du XXe siècle, une vraie libération, un vrai progrès. Depuis l'adoption des lois Neuwirth en 1967 et Veil en 1975, l'IVG et la contraception ont été marquées par une évolution permanente.

Alors que la France a le taux de prescription de la contraception le plus élevé au monde, le nombre d'IVG reste excessivement élevé. Il faut donc améliorer l'information des jeunes, dans les établissements scolaires et auprès des plus défavorisés.

Or il a fallu une mobilisation de la Délégation aux droits des femmes pour que le Gouvernement renonce à sa décision de restreinte les crédits affectés au Planning familial.

Puisque 72 % des femmes demandant une IVG sont sous contraception, c'est que l'information sur les moyens de l'appliquer est défectueuse.

Les lobbies anti-IVG ne pratiquent plus l'enchaînement dans les centres d'orthogénie, mais ils essaient de modifier la loi elle-même. La loi HPST a pour conséquence une fermeture de nombreux centres d'IVG. On ne fera ainsi que créer de nouveaux goulets d'étranglement.

L'IVG doit être considérée comme une obligation de santé publique. Que compte faire le Gouvernement pour assurer aux femmes un vrai choix de vie ? (Applaudissements à gauche)

Mme Maryvonne Blondin.  - Des inquiétudes pèsent encore aujourd'hui sur l'accès à l'IVG, des inégalités territoriales se creusent, des délais s'allongent : de 729 en 2000, le nombre d'établissements qui pratiquent l'IVG est passé à 63 en 2006. Les médecins qui ont vu des femmes mourir pour avoir avorté dans la clandestinité ont pris leur retraite ; les mentalités évoluent ; l'État se désengage alors que la loi lui fait obligation d'organiser l'IVG.

L'Igas rappelle que 72% des IVG sont pratiquées sur des femmes qui ont pris un moyen de contraception, c'est que la politique de contraception est inadaptée au mode de vie moderne. Les pilules les plus récentes sont moins remboursées parce que les laboratoires n'ont pas déposé la demande de remboursement pour pouvoir fixer des prix élevés.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - C'est vrai !

Mme Maryvonne Blondin.  - Le Planning familial a demandé le remboursement intégral de toutes les pilules et un meilleur accès à tous les contraceptifs.

L'école a un rôle majeur d'éducation sexuelle -des filles et des garçons- dès lors que 4 500 jeunes filles de moins de 18 ans mettent chaque année un enfant au monde. Trois heures d'éducation sexuelle par an, c'est trop peu.

Je me réjouis du Pass contraception mis en place en Poitou-Charentes, et bientôt en Ile-de-France. Mais combien de temps les territoires pourront-ils suppléer les défaillances de l'État ? Retrouver la « parenthèse enchantée » chère à Françoise Giroud, pour garantir l'accès à la contraception qui permettra aux femmes de disposer de leur corps : voilà ce que nous vous demandons d'atteindre grâce à une politique ambitieuse ! (Applaudissements à gauche)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - Mesdames et Messieurs les sénateurs -puisque deux hommes, tout de même, sont présents dans cette salle.

M. le président.  - Ne m'oubliez pas ! (Sourires)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Très tôt, je me suis engagée dans la défense de la cause des femmes : nous avons mené de nombreux combats pour que les femmes disposent de leur corps, accèdent à la contraception et à l'IVG. Dans ce combat difficile nous avons remporté de belles victoires, comme la loi de 1975, que l'on doit à la figure lumineuse de Mme Veil. Je salue aussi le combat un peu isolé de Jean Mézard. La violence des débats d'alors nous étonne. Heureusement, les choses ont évolué.

L'IVG est présentée comme un mal nécessaire. Je ne m'associe pas à cette présentation négative. La loi de 2001 a adapté l'IVG mais il reste à s'assurer de son application. Le rapport de l'Igas, rédigé à ma demande, indique que la France est au premier rang mondial pour la couverture contraceptive. L'IVG reste stable et notre taux de fécondité est parmi les plus hauts en Europe : nous n'avons pas donc de culpabilité à avoir. Je préfère d'ailleurs, en souvenir de nos combats, conserver le mot « avortement », plutôt que cet « IVG » de bon ton.

En 1975, une grossesse sur deux n'était pas désirée, nous sommes à une sur trois ; 40 % des conceptions non désirées donnaient lieu à un avortement, nous en serions à 60 %...

Nous devons lutter contre l'échec de la contraception. Il faut renforcer la formation des médecins pour qu'ils puissent offrir à chacune une solution individualisée. Des négociations sont en cours pour rembourser le patch et l'anneau. Cinq pilules de dernière génération sont remboursées. Certaines de ces pilules répondent du reste surtout à une démarche commerciale, y compris le non-remboursement.

L'Igas a proposé une co-prescription de la contraception d'urgence avec la contraception habituelle, j'ai fait mettre à l'étude cette proposition.

Nous avons relancé les campagnes sur la contraception, avec l'Inpes qui fait un travail remarquable ; un site internet dédié aide les femmes à bien choisir leur méthode contraceptive. Je travaille en direction de l'école, avec M. Chatel. Les Maisons des adolescents seront des lieux d'information et de dialogue.

Nous prenons des mesures spécifiques en direction de l'outre-mer. Les crédits allant à l'éducation sexuelle et à la prévention sont reconduits : je salue les centres du Planning familial, leur implication est exemplaire pour assurer la gratuité et la confidentialité de la contraception. J'ai demandé à l'Igas de me faire des propositions pour les conforter. Les crédits qui sont attribués aux associations travaillant en ce domaine ne seront pas réduits.

Pour améliorer l'accès à l'IVG j'ai fait relever le forfait au niveau du coût, ce qui représente en moyenne un doublement.

Loin de moi, madame Hermange, de ne pas respecter le parcours des parents qui poursuivent la grossesse d'un enfant dont est avéré le handicap ou la mort prochaine. Mais la grossesse non désirée est une souffrance, l'avortement est un moyen de diminuer cette souffrance.

Je souhaite la mise en place d'un cahier des charges pour l'IVG médicamenteuse.

La mission parlementaire sur la bioéthique comme le Comité consultatif national d'éthique sont favorables à la recherche de la trisomie 21 dans le cadre du diagnostic préimplantatoire,

Compte tenu de la fréquence de la maladie, les cas d'avortement seront très rares du fait de ce diagnostic. Je n'imagine pas que l'on procède autrement.

Mme Bernadette Dupont.  - Je ne puis en entendre davantage ! (Mme Bernardette Dupont manifeste son désaccord en quittant la salle de séance)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - L'accès aux IVG sera un critère d'évaluation des ARS. Nous sommes passés de 170 000 à 110 000 IVG instrumentales, la tendance à la baisse se poursuivra avec le développement des IVG médicamenteuses, qui représentent déjà la moitié des IVG.

Nous comptons 625 centres d'orthogénie en France, dont 118 en Ile-de-France et 23 à Paris. Ils réalisent en moyenne une IVG par jour ; les écarts sont très importants, de zéro à plus de 2 000 par an selon les centres.

En Ile-de-France, aucune fermeture de maternité, pour raisons de sécurité, ne menace l'accès à la contraception et à l'IVG grâce à l'existence de centres de peri-natalité proches, intégrant des centres d'orthogénie. Le projet stratégique de l'AP-HP pour l'est parisien concerne Trousseau, Tenon et Saint-Antoine, avec l'ouverture d'un GCS Trousseau-les Bleuets, au centre d'orthogénie duquel le centre de Tenon sera rattaché tandis que le site de Saint-Antoine poursuivra à moyens constants, pour faire 750 à 800 avortements par an, et que celui de la Pitié-Salpêtrière passera, à compter de septembre 2011, d'une capacité de 250 à 1 300 IVG par an, dont 900 chirurgicales.

Notre combat est un combat pour la santé des femmes, pour leur liberté. Dans le système de santé que vous m'aidez à organiser, je veux que les femmes aient toute la place qui leur revient ! (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs à droite)

Le débat est clos.

La séance est suspendue à 19 heures.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Question prioritaire de constitutionnalité

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 15 juin 2010, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi de la question prioritaire de constitutionalité 2010-24. Le texte en est disponible au bureau de la distribution.

Débat préalable au Conseil européen

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat préalable au Conseil européen des 17 et 18 juin 2010.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.  - La construction européenne traverse une passe difficile. La solidarité entre les États membres est en question. L'axe franco-allemand prend dès lors une importance singulière. Une fois de plus les deux pays ont des responsabilités particulières. On entend beaucoup de commentaires inquiétants sur leur relation, le simple report d'un dîner fait dire que leur amitié n'est plus que de façade. Un peu de recul ne nuirait pas. Je faisais partie d'une délégation qui s'est rendue à Berlin le mois passé. J'ai constaté que le couple franco-allemand est soudé, même si des divergences existent. Lorsque nous parvenons à une position unique, elle a un effet d'entraînement indéniable.

Lorsque nous entrerons dans le cadre financier de l'Union, s'il n'y a pas une approche commune franco-allemande, nous irons dans les pires difficultés. Nous ne sommes plus au temps de la guerre froide : l'Allemagne a retrouvé son unité et sa pleine indépendance ; elle est aujourd'hui au coeur de l'Union. Ses efforts passés expliquent ses réticences lors de la crise grecque. Reste que la France doit être un partenaire crédible et pour cela restaurer, elle aussi, sa compétitivité et mettre de l'ordre dans ses finances publiques.

Si nous parvenons à une approche commune pour sortir de la crise tout en assainissant nos comptes publics, l'effet d'entraînement sera considérable -nos deux pays représentent presque la moitié du PIB européen. Je me refuse à désespérer du couple franco-allemand car ce serait désespérer de l'Union. Cet après-midi, les commissions des affaires européennes des deux chambres -une première- ont entendu votre homologue, monsieur le ministre, et vous-même ; nous avons constaté que la volonté de s'entendre était bien là. La PAC a toujours été un point de désaccord entre nos deux pays ; mais les positions se rapprochent.

La question de la gouvernance économique européenne sera au centre du Conseil européen, sujet sur lequel un rapprochement est difficile ; l'Allemagne est allée au bout des réformes, notamment pour les retraites, et elle n'a pas envie de payer deux fois et avoir à soutenir les États qui n'ont pas fait les mêmes efforts qu'elle. Nous devons poursuivre nos réformes et les mener à bien. Il n'y a pas d'obstacles insurmontables à une communauté de vues. Le bon échelon de la gouvernance économique est-il l'Europe à 27 ou la seule zone euro ? Ne nous laissons pas enfermer dans un débat un peu artificiel : il faut la renforcer aux deux niveaux. Si l'on organise mieux la zone euro, presque tous les États pourront la rejoindre comme le prévoient les traités.

J'ai confiance dans le couple franco-allemand, dans la capacité de la France à se réformer, dans celle de l'Union à définir une discipline intelligente qui ne compromette pas la reprise. L'histoire n'a pas toujours donné raison aux pessimistes, sinon nous ne serions pas là pour débattre de l'Europe. (Applaudissements à droite)

M. François Marc.  - Dans deux jours, un Conseil européen se tiendra à Bruxelles. L'ordre du jour est chargé. Il s'agira une nouvelle fois d'un Conseil de crise. La question de la gouvernance économique est loin d'être réglée. S'agissant de la régulation financière, j'ai déjà formulé avec mon groupe de nombreuses propositions. Nous voulons une régulation accrue, l'encadrement de la spéculation, tant dans notre pays qu'au niveau international, une taxe bancaire, la taxation des transactions financières. Mais elles ont jusqu'ici été accueillies avec scepticisme par le Gouvernement. Certes, le discours de celui-ci a changé, mais dans les faits, rien, ou si peu, n'a changé depuis le discours de Toulon du Président de la République sur la moralisation du capitalisme...

De nombreux chantiers restent en suspens. Or, il faut agir sans délai pour mieux contrôler le système financier. Le 29 octobre, notre proposition de résolution européenne a été rejetée par le Sénat.

Nous ne devons pas laisser les marchés retourner à leurs mauvaises habitudes. Les ventes à découvert à nu ont été interdites par l'Allemagne, la France s'est ralliée à cette initiative après s'y être refusée. Cela va dans le bon sens. Mais Bruxelles ne décidera pas d'une telle interdiction au niveau européen ; cet arbitrage laisse perplexe...

La taxation des banques n'a toujours pas vu le jour. En privilégiant à Pusan la consolidation budgétaire, les États et les banquiers centraux ont vidé l'ordre du jour du prochain G20 ! Et légitimé par avance les plans de rigueur. On cherche vainement la réforme du capitalisme mondial ! Quant à la réforme du Pacte de stabilité et de croissance, elle oublie... la croissance, que la rigueur risque de tuer dans l'oeuf.

La gouvernance institutionnelle européenne en situation de crise reste à créer. L'Europe est à la peine et affronte la crise en ordre dispersé. La coordination intergouvernementale ne suffit plus, les marchés l'ont montré. La France s'est alignée hier sur la position allemande : il n'y aura pas de gouvernement économique de la zone euro mais une gouvernance économique à 27.

La surveillance des finances publiques doit prendre en considération davantage de critères : les déficits structurels, la compétitivité, l'emploi, les politiques salariales, la pauvreté, l'éducation, les investissements dans la recherche.

Une agence publique de type Cour des comptes européenne pourrait évaluer l'efficacité de la dépense fiscale, tandis qu'une agence européenne de la dette pourrait intervenir pour soulager le service de la dette des États. L'évaluation des budgets nationaux lors du semestre européen devra fonder sa légitimité sur l'association des parlements nationaux.

Le sommet européen de jeudi devra faire la lumière sur la réforme de la gouvernance. La légitimité démocratique est indispensable à toute forme de gouvernement économique européen, celui-ci devra être responsable devant les citoyens européens. Les moyens d'actions de l'Europe sont trop modestes. Le budget européen reste un nain : il n'est que de l'ordre de grandeur du déficit national français. L'Union ne s'est toujours pas dotée d'un système de supervision économique et financière, de garde-fous contre les dérives du capitalisme. Une intégration plus poussée permettrait d'agir plus vite et plus efficacement. Il est temps que des instruments d'ensemble soient conçus afin de construire la véritable union que nous appelons de nos voeux. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Pierre Fauchon applaudit aussi)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le Monde de ce soir prête à François Mitterrand cette maxime : « On ne dit pas non au chancelier de l'Allemagne ». Je ne lui ai jamais entendu dire ces mots. C'est l'intérêt de la France qui doit guider nos dirigeants, un intérêt inséparable de l'intérêt européen, avec le souci du compromis -notamment avec notre grand voisin allemand. Or hier à Berlin, M. Sarkozy a fait deux concessions majeures : la suspension du droit de vote aux pays considérés comme laxistes, en contradiction avec les traités, et une coordination économique et budgétaire qui se fera à 27 et non à 16 -mais les pays hors zone euro peuvent procéder aux ajustements monétaires qu'ils souhaitent.

Qu'il est loin le temps où le général de Gaulle disait que la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille. La pression des marchés financiers est là ! Quel échec ! L'erreur initiale de la monnaie unique a été de faire comme si les nations, les différences entre elles n'existaient pas. La souveraineté monétaire a été transférée à une instance déconnectée du suffrage universel, sans qu'ait été mis en place un gouvernement économique de la zone euro. La notion de gouvernement économique semble aujourd'hui acceptée, mais quel en sera le contenu ?

Le Fonds européen de stabilité financière ne remédiera pas à la crise de l'euro. Le refus de la solidarité financière est une grave erreur. Le mécanisme sera inévitablement déstabilisateur.

En outre, l'Allemagne a lancé un plan de rigueur de 80 milliards d'euros sur quatre ans. Or, c'était sans doute le seul pays qui pouvait en faire l'économie ! Ajouté aux autres plans européens, il rendra la sortie de crise plus difficile. Seule la croissance permettra d'en sortir. Or les différentiels de croissance sont tels entre l'Europe et les pays émergents que les délocalisations vont s'accélérer puisque les entreprises iront là où est la croissance. Les mesures envisagées au Conseil des 17 et 18 juin n'apportent aucune perspective, sinon la lancinante incitation à une réforme structurelle du marché du travail -en d?autre termes, toujours plus de précarité.

Sous la pression des marchés financiers, le Président de la République veut introduire dans la Constitution une clause pour interdire les déficits budgétaires. Cette clause ressemble à un couteau sans manche auquel manquerait la lame (Sourires).

Il faut donner des gages aux Allemands, a dit M. Copé ; c'est chose faite depuis hier... Le retrait du droit de vote des pays laxistes est contraire à la démocratie et aux traités. Le Président de la République agite un sabre de bois !

En interdisant aux parlements de se prononcer en premier sur le budget, on prive les représentations nationales de leur rôle. Certes, M. van Rompuy est revenu un peu sur cette disposition, mais c'est encore trop. La coordination indispensable doit-elle se faire dans la zone euro ou dans l'Europe des 27 ? Bien évidemment, c'est la première solution. Or, c'est la deuxième qui a été retenue hier ! La répression ne peut être confondue avec la prévention, tous les ministres de l'intérieur vous le diront... (Sourires)

Quant au pacte de stabilité, il a montré ses limites avec le cas de l'Espagne, qui satisfaisait à tous les critères de Maastricht. Le Conseil européen devrait approuver un cadre macroéconomique, et les parlements nationaux délibéreraient sur la programmation budgétaire.

La question est de savoir si l'Allemagne infléchira sa politique. En 2000, le Chancelier Schroeder a fait en sorte que les travailleurs allemands acceptent de travailler plus longtemps pour le même salaire. La cohérence franco-allemande est nécessaire, mais elle ne peut se résumer à l'alignement d'un pays sur l'autre. L'Europe a besoin de l'Allemagne mais elle doit aussi la protéger. Un grand patron allemand a dit que l'Allemagne devait prendre les Français comme ils sont et réciproquement -ce qu'il n'a pas dit, c'est que l'excédent commercial allemand se faisait à 60 % avec la zone euro.

L'Allemagne défend ses intérêts, comme il est normal. La baisse de l'euro contribuera à sa compétitivité à elle aussi. L'euro n'est pas seulement la monnaie de l'Allemagne, mais aussi de quinze autres pays, qui profitent ensemble de ses avantages. Un remodelage de la zone euro, comme notre voisin semble le souhaiter, en en excluant les pays du sud est inacceptable pour la France comme pour l'Europe.

L'Europe doit être une grande ambition partagée ; j'ai confiance dans le dialogue entre les peuples. Les règles de jeu de la monnaie unique doivent être revues et l'ouvrir non pas au fédéralisme, mais à une meilleure coordination entre les nations, qui restent le lieu irremplaçable de la souveraineté populaire. Le réalisme servira mieux l'amitié franco-allemande et l'Europe. La purge ne fait pas une stratégie. La France et l'Europe ont besoin d'un projet mobilisateur. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, de la commission et sur quelques bancs socialistes)

M. Michel Billout.  - Dans cet hémicycle clairsemé...

Mme Annie David.  - Comme d'habitude !

M. Michel Billout.  - ...nous sommes amenés à débattre. Le prochain conseil entérinera de nouvelles décisions censées faire face à la crise actuelle. L'Union traverse une zone de turbulences, de confusion et de cacophonie où chacun se replie sur ses intérêts économiques.

M. Barnier estime que l'industrie financière imagine des produits financiers dérivés tellement sophistiqués qu'elle ne s'y retrouve plus elle-même ; et que 80 % des 600 000 milliards de dollars échappent à toute transparence et à tout contrôle. Le Président de la République a bien du mal à faire entendre la voix de la France dans une Union si peu solidaire. Nos relations avec l'Allemagne se sont distendues. Et ce n'est pas le dîner d'hier soir qui changera notre sentiment. Nicolas Sarkozy a dû renoncer à institutionnaliser le rendez-vous des seize chefs de gouvernement de la zone euro.

Il a été question de priver certains États « laxistes » de leur droit de vote. Drôle de lecture du traité de Lisbonne ! Le Président de la République souhaite que le G20 instaure une taxe sur les transactions financières et sur les banques. Mais il n'en sera rien car les États ne souhaitent pas aller contre les exigences des marchés financiers.

La semaine dernière, plusieurs réunions à 16 et à 27 des ministres de l'économie ont eu lieu. Des plans de rigueur ont été annoncés. La palme va à la France, qui a prévu de réduire en trois ans son déficit de 100 milliards et de supprimer 100 000 postes de fonctionnaires -l'Allemagne n'en supprime que 15 000. Pour contrer la contagion grecque, les ministres des finances ont créé le Fonds européen de stabilité financière pour venir en aide aux pays qui en ont besoin. Le pacte de stabilité et de croissance a également été renforcé. Mais tout ceci sera contreproductif. Les plans d'austérité budgétaire risquent d'asphyxier les économies européennes.

Nombre d'économistes vous alertent : ils estiment que l'austérité nous fait courir à la catastrophe. La révision constitutionnelle voulue par le Président de la République lierait les mains des gouvernements futurs est-ce vraiment un progrès démocratique ?

Les projets de budgets nationaux pourront être présentés à la Commission européenne avant même d'être débattus par les parlements nationaux. Ce serait contraire à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'Homme !

Enfin, ce qu'il est convenu d'appeler la modération salariale est à l'honneur ! Notre groupe estime que le futur gouvernement économique européen serait contraire aux intérêts des peuples européens. A l'inverse de la concurrence effrénée il faut définir une véritable politique industrielle et de recherche. La BCE devrait aider directement les États, plutôt que d'être au service du système bancaire. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG et du RDSE)

M. Pierre Fauchon.  - Avec Maastricht, nous avions le sentiment d'avoir passé un cap avec la monnaie unique, avec Schengen et le PSCE, cela fait trois piliers : un véritable temple ! (Sourires) Nous n'avons pas su trouver la formule pour régler les relations entre les États de la zone euro et les autres. Nous le payons aujourd'hui au prix fort.

Quelques pays ont avancé -voir Schengen- et ils ont été rejoints par d'autres. On comprend qu'en matière de politique extérieure et de défense, l'évolution soit lente. Mais il est inacceptable que les choses trainent en matière de sécurité et de liberté. Comment s'étonner de l'abstention aux européennes ?

On peine à se retrouver dans le traité de Lisbonne comme dans un dédale où il n'y aurait pas de Minotaure. Et voici que le Minotaure arrive : c'est la crise. Ou bien nous avons le courage de Thésée et nous allons plus loin dans l'intégration, ou bien l'Europe se dissoudra. Notre fil d'Ariane, ce doit être l'acceptation d'un certain degré de différenciation.

L'Eurogroupe devra avoir plus de pouvoirs. On ne va pas remettre en chantier les traités, mais il faut en venir à des pratiques nouvelles. Nous ne devons pas craindre que la Commission analyse les budgets nationaux. Cette phase préparatoire doit être le fait d'un organisme technique indépendant des États.

Ou bien nous résistons ensemble à la crise, ou bien nous n'en sortirons pas. Si nous en sortons, ce sera grâce à une intégration -appelons les choses par leur nom- de type fédéral ou confédéral, car il n'est évidemment pas question d'abolir les nations.

Des mécanismes plus simples que ceux prévus dans le traité de Lisbonne devront être élaborés. Le couple franco-allemand a été marqué par tant de malentendus qu'il faut le refonder. Finissons-en avec les petits arrangements, les hésitations, les malentendus. Ne restons pas suspendus à l'agenda gastronomique de Mme Merkel et de M. Sarkozy. Faisons de l'Europe un bateau de haute mer. Un traité particulier devra être signé entre les plus volontaires. N'oublions pas qu'il existe une pierre d'attente, celle posée il y a quelques lustres par nos amis allemands Lammers et Schauble ; nous n'avons pas su construire sur elle.

Lors du prochain Conseil européen, la France devra aborder de façon constructive les futures réformes. Avec la crise, le Minotaure est là, il frappe à notre porte. Nous ne le chasserons pas avec des livres verts ou des agendas 2020 ou 2040 ! Il faut nous mettre en ordre de bataille. Si nous le faisons, nous retrouverons notre crédibilité. Sinon, l'Europe sortira de l'histoire et deviendra un musée d'une civilisation qui aura cessé d'être vivante. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Pierre Bernard-Reymond.  - Le prochain conseil devra étudier un nouveau programme destiné à prendre la suite du processus de Barcelone, qui a été un échec. La réussite ne viendra pas de la pertinence d'un tel programme dont le contenu ne devrait pas soulever beaucoup d'objections. Le fond du problème n'est pas là, mais dans l'absence de gouvernement économique. Qui gouverne l'Europe ? Qui parle pour elle ? Qui la symbolise ? La confusion n'est pas que formelle ; elle traduit une hésitation fondamentale qui est là depuis les premiers élargissements, entre une Europe intergouvernementale fondée sur le libre échange et une Europe intégrée. On s'est laissé aller vers l'intergouvernemental, et voici qu'avec la crise, la notion de gouvernement commun reparaît dans la bouche de ceux qui ne l'avaient guère défendue.

Cette crise montre qu'avec l'euro, certains pays ont choisi la voix de l'intégration, sans toutefois en tirer toutes les conséquences. L'euro désormais est là, et moins d'Europe serait plus dangereux que plus d'Europe. Il faut donc progresser vers l'intégration.

Tous n'y sont pas prêts ? Avançons avec ceux qui y sont disposés, à 27 si possible, en observant en tout cas les réactions. Le couple franco-allemand apparaît derechef comme le moteur de l'Union. Il faut trouver sans se lasser les voies du rapprochement entre nos deux peuples. Je suis heureux de la réunion que nous avons eue tout à l'heure, avec vous, monsieur le ministre et avec votre homologue allemand.

Les efforts sont partagés. L'Europe tout entière a participé à la réunification de l'Allemagne qui exporte principalement à l'intérieur de la zone euro.

Celle-ci doit renforcer sa cohésion et aller vers un futur gouvernement économique. La BCE ne doit pas être acculée à sortir de son orthodoxie. Il est utopique d'espérer que les objectifs de 2020 puissent être atteints avec les méthodes actuelles.

Ou bien la dissolution vers des États ou bien une Europe puissante ! Hier, le Président de la République et la Chancelière n'ont pas trouvé d'accord. Ce n'est pas grave, si ce n'est pas une divergence de fond sur ce que doit être l'Europe.

Le programme annoncé pour le G20 montre l'écart des situations entre les différentes parties du monde. Les questions de déficit budgétaire ne semblent pas y occuper partout une grande place. Le conseil des ministres devrait prendre en compte la situation actuelle pour avancer pragmatiquement mais sans perdre de vue l'objectif : bâtir une puissance mondiale au service des idéaux de paix, de liberté et de démocratie.

Ou bien être une puissance mondiale, ou bien n'être plus qu'une poussière d'États insignifiants sans croissance, sans pouvoirs et sans avenir. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - Je remercie les six orateurs qui viennent d'illustrer toute la gamme des sensibilités que connaît notre pays face à l'Europe. Peut-être serait-il préférable de commencer par une brève déclaration du Gouvernement puis de répondre aux orateurs, que de procéder au « débat interactif » qui est prévu.

M. le président.  - Je ferai part de votre observation à la Conférence des Présidents. Tous les débats se déroulent ainsi...

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Ce n'était en aucun cas une remontrance, juste une suggestion.

L'agenda de jeudi est particulièrement chargé, à la veille du G20 de Toronto, et sous les yeux des marchés, c'est-à-dire de ceux qui spéculent et des fonds de pension.

Je veux croire que ce Conseil marquera un vrai retour de l'Europe. Ce qui a été fait il y a un mois était un plan d'ampleur historique ; il sera question jeudi de le compléter.

Le Conseil traitera aussi du climat et de la taxe carbone routière, de l'Islande, de l'Iran, de la perspective d'entrée dans l'euro de l'Estonie, de convoquer une commission intergouvernementale pour désigner dix-huit membres supplémentaires au Parlement européen, dont deux Français.

J'insiste à mon tour sur l'importance stratégique du couple franco-allemand, d'une exceptionnelle qualité, d'une grande difficulté aussi puisqu'il s'agit de transcender nos différences pour formuler une politique commune.

C'est entre le Président de la République et la Chancelière qu'a été conçu le plan du 7 mai pour sauver l'euro, sur la base de l'article 122-2. Le second volet de ce plan consistait à créer une faculté de soutien, avec des concours, votés par les parlements. La moitié des crédits en jeu sont allemands et français. Il faut y ajouter les 250 milliards du FMI ; enfin, la BCE a décidé d'acheter de la dette souveraine sur le marché secondaire.

Autre exemple de l'importance de notre relation : l'accord d'hier soir.

Soixante-dix ans après le 15 juin 1940, un ministre allemand et un ministre français étaient ici avec vous. Nous avons visité l'Agence spatiale européenne qui, elle aussi, est principalement franco-allemande.

Le nécessaire retour à l'équilibre des finances publiques n'est pas une « purge » mais nous devons rester crédibles sur la scène mondiale. Nous maintenons les investissements du grand emprunt mais le déficit ne peut rester à son niveau de sortie de crise sans devenir une menace pour le futur. La situation de l'an dernier imposait des plans de soutien ; il faut maintenant envisager la sortie de crise, mais en prenant garde à nos dépenses et en faisant des économies.

Ces sujets doivent être mieux gérés, avec sens des responsabilités. Il n'est pas question de continuer à donner des statistiques fausses et de laisser filer les déficits en espérant que d'autres paieront, en comptant sur une carte bancaire magique...

Le Président de la République a évoqué l'idée d'inscrire une règle dans la Constitution afin de fixer un cadre. M. Chevènement à comparé cela à un couteau sans lame auquel manque le manche. En fait, nous nous contentons de tracer une ligne jaune continue sur une route. Si vous enlevez la ligne jaune, cela devient du stock-car ! Je résisterai à la tentation de refaire le débat sur Maastricht, monsieur Chevènement.

La France sera au rendez-vous de ses obligations européennes, qui lui imposent de ramener le déficit à 6 % du PIB en 2011, 4,6 % en 2012 et 3 % en 2013. Le Gouvernement refuse de tuer le malade pour le guérir ; il n'augmentera donc par les impôts ; il se contentera de maîtriser les dépenses et de réduire les niches fiscales. Avec une remontée des recettes, nous espérons atteindre l'objectif de 100 milliards en 2013. La Commission a considéré que nos efforts allaient dans le bon sens. Il est vrai, comme l'a dit M. Marc, qu'une accumulation de plus de rigueur sans coordination serait très dangereuse pour la croissance. Nous avons un pilotage très fin à opérer.

La notion même de gouvernement économique était totalement refusée il y a quelques mois. Le principe en est aujourd'hui admis par l'Allemagne.

A seize ou à vingt-sept ? L'eurogroupe en tant que tel n'existe pas dans les traités, qui ne connaissent que les vingt-sept. Cependant, rien n'interdit qu'on se réunisse à seize quand nécessaire.

Je doute fort que nos partenaires extérieurs à la zone euro puissent être tentés de laisser filer leur monnaie. Leur intérêt est au contraire d'en rester proches.

Faut-il des sanctions ? Ajouter une pénalité financière à quelqu'un qui est en faillite n'a pas grand sens... Il faut ouvrir le débat sur les sanctions politiques. Certains mettent des garanties sur la table ; c'est pour qu'elles ne soient pas utilisées ! Quand on donne sa caution, on demande à l'autre de se conduire de façon responsable.

Surveiller les niveaux d'endettement et les budgets nationaux ? M. Billout et M. Bernard-Reymond ont adopté les deux positions extrêmes. Fidèles lecteurs de Molière, nous cherchons le juste milieu. Nous disons que les orientations budgétaires sont élaborées par les États et adoptés par les parlements nationaux, mais il faut bien une coopération. Cela reviendrait, sinon, à dire que les coffres sont grand ouverts !

Que voulons-nous faire, nous Français et Allemands ? Reconnaître la contribution aux stratégies européennes de toutes les politiques connues, y compris la PAC. Nous voulons en plus que cet agenda 20-20 stimule la croissance. D'où notre visite ce matin à l'Agence spatiale européenne. Ce combat n'est pas encore gagné ! On en reste pour l'instant aux déclarations générales, « Apple pie and motherhood », comme disent les Américains... Qui peut être contre ? »

Il faut aussi que la stratégie 20-20 s'intéresse au reste du monde. Ce n'est pas le cas, même à l'OMC ! Que la Commission cesse de considérer que la concurrence doit être seulement interne : On doit se mettre à construire des champions européens ! Même les plus libéraux en viennent à admettre la nécessité d'une politique industrielle européenne.

La France et l'Allemagne portent ensemble toute une série de mesures de contrôle des marchés financiers. Lors de la dernière réunion des ministres des finances du G20, nous nous sommes heurtés à d'autres pays comme le Brésil ou le Canada, mais France et Allemagne sont sur la même ligne.

La politique du climat ? L'objectif de 20 % de réduction de l'effet de serre ne passe pas à 30 %. Bonne nouvelle : après des mois d'efforts, la Commission a reconnu que l'idée d'une taxe carbone aux frontières n'était pas absurde. Que voulons-nous ? Cesser d'exporter des emplois et d'importer du carbone ! J'ai demandé à l'Agence de l'environnement européenne de faire l'expertise nécessaire secteur par secteur. M. Lamy ne s'est pas déclaré hostile à une telle taxe, au nom de l'OMC.

L'Islande a un contentieux avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas ; son système financier est corrompu. L'assainissement est mené en profondeur. La négociation va pouvoir commencer.

Il était convenu en décembre que le Conseil européen demanderait des mesures accompagnant la résolution 1929 du Conseil de sécurité à propos de l'Iran. Le Conseil des affaires étrangères du 14 juin a fait part de son soutien à cette résolution. Nous restons fidèles à la double approche : dialogue et fermeté.

Le 16 septembre, le prochain Conseil, convoqué par M. Von Rompuy, sera consacré aux relations avec la Chine et l'Inde. Celui d'octobre évoquera la recherche et l'innovation. Début 2011, une réunion informelle sera consacrée à la politique énergétique. Bref, le navire à 27 va dans la bonne direction.

Je remercie tous ceux qui y concourent. Nous sortons par le haut de l'épreuve de ces derniers mois ; depuis hier soir, je regarde l'avenir avec beaucoup d'espoir. Nous bâtissons un ensemble institutionnel démocratique, transparent et concerté ; ce n'est pas parfait, mais comment le serait-ce à 27 ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Nous allons maintenant ouvrir le débat interactif et spontané prévu par la Conférence des Présidents.

M. Jacques Blanc.  - Dans le projet Europe 2020, la PAC est inscrite, mais pas la cohésion territoriale. La France va-t-elle se mobiliser en ce sens, qui est un acquis du traité de Lisbonne ? Quid de l'Union méditerranéenne ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - La cohésion territoriale fait partie des missions mentionnées. Pour 2007-2013, cela représente 330 millions. L'Union pour la Méditerranée a été l'otage de l'affaire de Gaza depuis deux ans. J'ai négocié à Barcelone la question de l'eau ; nous n'avançons pas à cause du blocage entre Israël et les pays arabes.

Cette maison commune entre les deux rives de la Méditerranée est irréversible. Elle a été retardée mais elle se fera.

M. Richard Yung.  - Je reviens sur l'agenda 2020. Dans ce texte mal ficelé, je discerne en filigrane une politique de l'énergie, de la recherche et de la mobilité. Mais rien n'est prévu pour le financement, à un moment où la majorité des États pratique une politique déflationniste. Je crains que cela ne déteigne sur la politique commune, et que l'agenda 2020 n'ait ainsi un sort encore plus fâcheux que la stratégie de Barcelone, ce qui serait désastreux.

Quelle est la position du Gouvernement sur la proposition Lamassoure sur l'articulation entre budgets nationaux et budget communautaire ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Vous mettez le doigt sur un problème essentiel : quel doit être le budget de l'Europe pour 2013 ? Faut-il rester à 1 % du PIB, ou faut-il aller au-delà ? Les Français veulent continuer à parler agriculture, sur une planète de 9 milliards d'hommes, et face à des États-Unis qui subventionnent leur agriculture ; mais une demi-douzaine d'États membres ne veulent pas en entendre parler et ne souhaitent plus donner un sou pour la PAC... Et si l'on veut une politique de recherche ou une défense commune,  il faut payer !

Nous avons beaucoup de mal à financer les programmes de recherche. Si nous perdons l'Iter, cela aura des conséquences catastrophiques.

Or, la commission a beaucoup de mal à gérer des programmes de cette ampleur. Heureusement, pour l'espace, il y a l'ESA. Il faut confier la conduite des grands programmes aux professionnels.

J'ai voulu que les parlementaires rencontrent M. Lamassoure : il est temps que nous décidions, nous Français, combien nous voulons mettre sur la table. Mais M. Lamassoure veut instaurer un impôt européen. Le débat ne pourra pas être tranché ce soir, mais il mérite qu'on y réfléchisse.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - On a l'impression que l'Europe fait l'impasse sur les grands continents émergents dans son agenda. Le seul pays extérieur dont il soit fait mention, c'est l'Islande ! Rien sur la Chine, l'Inde, l'Amérique du Sud, ni sur la Russie ou les pays d'Asie centrale. La stratégie 20-20 me semble bien mal partie.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Le 16 septembre, un Conseil unique sera dédié aux relations avec les grands partenaires. Quant à l'Islande, ce n'est pas anecdotique. Elle ouvre une porte sur l'Arctique qui est stratégique. Dans le sud de la Norvège, nous allons développer l'exploitation du champ de Stockman avec les Norvégiens et les Russes.

Avec la Russie, l'Ukraine, la Biélorussie et les trois pays du Caucase, le système des partenariats privilégiés ne fonctionne pas si mal. Nous travaillons avec les Allemands et les Anglais en Ukraine et ça avance.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Je parlais de l'Europe !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Mais il s'agit de l'Europe. Et je pense aussi à l'enclave de Kaliningrad, qui est au coeur de l'Europe. La Russie est un pays ami, nous travaillons avec elle dans de nombreux domaines. Nous sommes prêts à aller très loin, même dans le domaine militaire. Il est question d'une force euro-russe en Transnistrie.

Nous ne sommes pas aveugles, sur ces sujets, monsieur le sénateur. Nous sommes pilotes de cette politique envers la Russie avec les Allemands.

Mme Annie David.  - J'ai bien conscience que la stratégie 20-20 est importante. Mais vous n'avez pas parlé du point 3, la stratégie du millénaire pour le développement. Le conseil des affaires étrangères est en deçà des préconisations de la Commission européenne.

Le Président de la République a prévu d'augmenter l'aide publique au développement. Comptez-vous consacrer 0,7 % du PIB au développement ? Allez-vous nous proposer une loi sur ce sujet ? Soutiendrez-vous l'évaluation de l'aide au développement voulue par la Commission ?

Si les stratégies industrielles impliquent plus de flexibilité et de pression sur les salaires, nous ne pouvons l'accepter. Nous voulons une Europe sociale.

Enfin, je regrette que nous n'ayons pas parlé de l'évaluation du pacte européen sur l'immigration et l'asile.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - J'aurais moi-même aussi aimé que nous parlions d'immigration mais ce n'est pas de ma responsabilité ministérielle.

Comment préserver notre modèle social ? Malgré la dépression démographique que l'Europe traverse, il nous faut réagir car nous ne faisons plus la course en tête au plan économique.

M. Chevènement refaisant le débat de Maastricht a dit tout à l'heure que la monnaie unique était une erreur. Mais si les Islandais veulent se rattacher à l'euro, ce n'est pas par hasard. La Norvège a beau être riche à millions de ses gisements pétroliers, les Norvégiens savent que leur sort est lié à la zone euro, comme les Anglais d'ailleurs.

Si 320 000 Français, contre 100 000 il y a dix ans, vont travailler en Suisse et au Luxembourg, c'est qu'ils sont payés 1,5 point de plus. Cherchez l'erreur ! Fiscalité et coûts salariaux ! Nous devons harmoniser nos politiques sociales et salariales, mais cela ne veut pas dire à la baisse !

L'Europe, 30 % du PIB mondial, c'est 56 % de l'aide mondiale. Certes, la France n'en est pas encore à 0,7 % de PIB, mais nous ne sommes pas les plus mauvais. L'argent de l'aide au développement est aujourd'hui communautarisé. L'Europe doit avoir la force de frappe de l'aide au développement ,comme en Palestine mais il faut que cette aide ait un sens politique, converge avec sa politique extérieure.

Il faut donc savoir pour quoi faire et qui dépense l'argent.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je suis surpris d'entendre M. le ministre dire que je voudrais revenir à la monnaie nationale. Je n'ai jamais dit cela ! L'euro est un fait ; il souffre d'un vice de conception : l'hétérogénéité des économies. La zone euro est fragile et il faut envisager toutes les hypothèses. Il faudrait regarder avec humilité votre bilan, au lieu de jouer les donneurs de leçons.

J'ai été surpris d'entendre parler d'augmentation du budget européen au moment où l'on comprime les budgets nationaux. Pour faire quoi et à quel prix ? Vous avez parlé de lancement d'un bouclier antimissiles. Est-ce de la compétence de l'Union ? L'Otan y pousse, certes

La dissuasion remplit son office, on ne peut tout faire à la fois. Ce bouclier coûterait cher, serait contrôlé par les États-Unis et serait, de plus, très aléatoire.

M. le président.  - Veuillez conclure. Je suis contraint de lever la séance avant minuit.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Je peux vous avoir mal compris. Donc, vous êtes favorable à la monnaie unique. Celui qui a négocié Maastricht s'appelait Bérégovoy. En toute humilité je reprends cet héritage d'un gouvernement de gauche qui plaidait alors pour un gouvernement économique...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Ce n'est pas dans le traité.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Non mais relisez le texte des négociations.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je les connais aussi bien que vous...

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - ...mieux même sans doute. Nous avons dû affronter une crise sans précédent depuis 1929 et nous ne nous en sortons pas si mal. Nous faisons maintenant des efforts pour réduire les déficits.

Sur la compétitivité, il faut reconnaître que l'Allemagne a fait beaucoup d'efforts pour comprimer les coûts du travail tandis qu'avec M. Jospin nous avions les 35 heures.

Mme Annie David.  - Parlez du reste ! Il y a aussi les gains de productivité.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Si demain l'Europe veut avoir une politique commune de défense, il faudra que nous le décidions. Je ne me suis pas prononcé sur l'opportunité de faire, ou de ne pas faire, de bouclier anti missiles.

M. Jacques Blanc.  - Très bien !

M. Jean Bizet, président de la commission.  - J'avais une question mais que je ne poserai pas pour ne pas dépasser l'heure qui nous est impartie. Je me réjouis de ce débat et je vous remercie d'y avoir participé, monsieur le ministre. S'il avait eu lieu plus tôt, nous aurions été plus nombreux et nous aurions eu le temps de mener le débat à son terme.

Cette journée sera marquée d'une pierre blanche, avec votre visite, et celle de votre homologue allemand que nous avons rencontré à l'Assemblée nationale.

Prochaine séance demain, mercredi 16 juin 2010, à 14 heures 30.

La séance est levée à 23 heures 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 16 juin 2010

Séance publique

A 14 HEURES 30,

1. Débat sur les retraites.

A 21 HEURES 30

2. Débat sur les conséquences de la tempête Xynthia.

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ERRATUM

A la séance du 10 juin 2010 : page 31, deuxième colonne, cinquième alinéa, bien lire :

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°117, mis aux voix par assis et levés, est adopté.