Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Rappel au Règlement

M. Guy Fischer.  - Avant d'entamer cette deuxième semaine de débats, rétablissons la vérité. Monsieur le ministre, avec vos amis de l'UMP, vous avez prétendu, dès l'adoption de l'article 5, que le vote était définitif et que le débat était clos -dans le seul but de freiner la vague de mécontentement social- alors que le président de séance a précisé qu'un article n'était définitivement adopté qu'une fois le projet de loi adopté, sans parler de la possibilité d'une deuxième délibération.

Après les mensonges de M. Sarkozy, qui avait affirmé qu'il ne toucherait jamais à la retraite à 60 ans, la tromperie continue. Pratiques peu glorieuses...

Monsieur le président, je vous invite à rappeler au Gouvernement la lettre et l'esprit de notre Constitution.

Mme Isabelle Pasquet.  - Rappel au règlement !

M. le président.  - Sur quelle base ?

M. Guy Fischer.  - L'article 36 !

M. le président.  - Il faut l'utiliser avec modération ! Cela vaudra explication de vote sur le sous-amendement 1200... (Protestations sur les bancs CRC)

M. Guy Fischer.  - On ne peut pas commencer comme cela !

Mme Isabelle Pasquet.  - Nous nous sommes vu refuser un certain nombre de sous-amendements, qui visaient à financer les amendements du Gouvernement. Ce refus nous paraît infondé et peut entraîner une censure constitutionnelle, le droit d'amendement étant constitutionnel.

M. le président.  - C'est l'article 48 du Règlement. La Conférence des Présidents avait tranché.

Discussion des articles (Suite)

Article 6 (Appelé en priorité - Suite)

M. le président.  - Je vous informe que les amendements de rédaction globale de l'article 6 nos851, 836, 852, 856, 855, 857 et 17 sont tombés automatiquement du fait de l'adoption, dans la nuit de vendredi, de l'amendement n°1181 du Gouvernement.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'explication de vote sur le sous-amendement n°1200 de Mme Panis à l'amendement n°1182 du Gouvernement, appelé en priorité au sein de l'article 6.

Mme Michèle André.  - Mme Panis est aussi rapporteur de la Délégation aux droits des femmes. Son amendement maintient la retraite à taux plein à 65 ans pour les femmes ayant interrompu leur carrière pour élever un enfant ou soigner un parent malade ou dépendant.

Dire que les femmes travaillent presqu'autant de trimestres que les hommes est prématuré. Il faut des chiffres précis. Tant que les trois quarts des femmes ne touchent que le Smic, leur pension restera inférieure à celle des hommes.

Elle n'est en moyenne que de 1 020 euros contre 1 636 pour les hommes. Il est inadmissible de retarder encore leur départ. Toutes les mères doivent être prises en compte. Les mères françaises ont en moyenne 2,1 enfants et assurent le renouvellement des générations : il faut en tenir compte.

Nous voterons le sous-amendement de Mme Panis.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La commission a donné un avis de sagesse : j'espère que celle-ci l'emportera.

J'ai pu constater dans mon département que les manoeuvres de la majorité n'ont guère eu d'effet. Faire voter les articles 5 et 6 avant les manifestations prévues mardi a été très mal vécu : nos compatriotes y on vu une ficelle, ou plutôt un câble.

La concession faite à certaines mères de trois enfants ne concerne que très peu de personnes. La proposition de Mme Panis et de la Délégation, qui généralise cette mesure à l'ensemble des femmes ayant interrompu leur carrière pour élever un ou des enfants, serait perçue comme une mesure de justice. Obliger les femmes à travailler jusqu'à 67 ans, voilà qui passe très mal.

J'espère de tout coeur qu'au-delà de nos divergences, nous pourrons nous réunir autour de ce sous-amendement.

Mme Françoise Laborde.  - Le groupe RDSE votera le sous-amendement de Mme Panis, qui a parlé au nom de la Délégation aux droits des femmes.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Je voterai ce sous-amendement. Je suis née entre 1951 et 1955, j'ai eu trois enfants, dont une fille trisomique. Au fond de ma campagne, j'aurais pu croire, à entendre la publicité du Gouvernement, que je pourrais partir à 60 ans. Et bien non car je n'ai pas interrompu ma carrière !

Un texte sur les retraites n'est pas le lieu pour corriger les inégalités de la vie, dites-vous ? Ce n'est pas non plus le lieu pour toucher à la médecine du travail ! (Rires et applaudissements à gauche)

M. Jacky Le Menn.  - Culturellement, les femmes supportent les charges de la vie de famille. Elles sont en première ligne pour éduquer leurs enfants. Enfin, la population vieillit et 87 % des personnes âgées aspirent à rester chez elles. Ce poids sera supporté par les femmes, c'est un fait de société !

On va les pénaliser alors que les finances publiques y gagneront !

Les amendements du Gouvernement révèlent certes que vous avez un coeur mais surtout que vous savez calculer : il y aura « retour sur investissement », pour employer votre langage, si ces femmes s'occupent de leurs vieux parents !

Le report à 67 ans est un mauvais coup porté à nos compagnes, aux femmes de France !

Nous voterons le sous-amendement de Mme Panis.

Mme Christiane Demontès.  - L'amendement du Gouvernement impose aux mères de trois enfants d'avoir cotisé un certain nombre de trimestres avant et après l'arrêt : pourquoi ?

Mme Annie David.  - Nous voterons ce sous-amendement. Nous ne comprenons pas les restrictions à une « avancée » qui ne concernera que très peu de femmes et instaurera une discrimination entre elles !

Mme Catherine Tasca.  - L'annonce des amendements du Gouvernement a suscité un espoir réel mais fallacieux. Nous avons une responsabilité politique en matière de traitement des inégalités faites aux femmes, que nous avons collectivement laissé s'installer.

Le Gouvernement a entrouvert une porte très étroite, dans le cadre d'une aggravation de leur situation par rapport au droit existant. Nous devons saisir cette occasion pour prouver que nous avons l'intention d'améliorer la condition des femmes, non de l'aggraver !

Les très jeunes mères de trois enfants seront notamment exclues du bénéfice de cette mesure.

Les femmes sont le pilier de la solidarité au sein de la famille. Nous avons besoin d'elles, nous y avons intérêt !

Le sous-amendement de Mme Panis offre une sortie par le haut, dans l'honneur, pour notre assemblée. C'est un geste attendu par nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. René-Pierre Signé.  - L'amendement du Gouvernement est de la poudre aux yeux pour faire accepter l'inacceptable, le report à 67 ans.

Pourquoi trois enfants ? Le chiffre est arbitraire. Après 60 ans, beaucoup de femmes, épuisées par un travail exténuant, préfèrent partir en retraite, malgré la décote. Le « cadeau » n'en est pas un : une toute petite fenêtre, tout au mieux, pour certaines. N'est-il pas particulièrement cynique de miser sur le départ anticipé, avec une décote, pour financer le système ? Ce sont les enfants de ces femmes qui paieront les retraites des plus favorisés, qui n'ont jamais eu à interrompre leur activité professionnelle !

L'insertion des jeunes sur le marché du travail doit être une priorité ; il faut valider les droits à la retraite pour les stagiaires.

Votre projet est injuste : les plus défavorisés paieront pour les plus favorisés. (Marques d'impatience à droite)

M. Jean-Pierre Bel.  - Le sous-amendement de Mme Panis pose la question essentielle : pourquoi limiter cette mesure aux mères de trois enfants ? Devant la montée de la contestation, le Gouvernement a voulu donner le sentiment qu'il faisait une ouverture, mais cette ouverture est tellement timorée qu'elle ne rime à rien.

En fait, vous êtes liés par un impératif médiatique et un impératif financier. D'abord, vous êtes tenus par le calendrier imposé par l'Élysée : il fallait absolument voter les articles 5 et 6 avant le week-end. Ça n'a pas été possible. Vous auriez intérêt à ne pas rester les yeux rivés sur votre communication. Les sondages montrent combien les Français sont préoccupés : on ne déplace pas trois millions de manifestants s'il n'y a pas une préoccupation grave.

Entendez leur message. Montrez que vous pouvez faire preuve d'humanité.

Votre second impératif est financier. L'argent, on sait où le trouver : en remettant en cause le bouclier fiscal. Le Premier ministre a ouvert une brèche. Ajournez les décisions concernant les mères de famille en attendant une vraie remise à plat ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Guy Fischer.  - Le sous-amendement de Mme Panis est plein de bon sens ; il tient compte de l'évolution de notre société, et notamment du vieillissement de la population.

Les inégalités frappent d'abord les femmes dont on sait qu'elles jouent un rôle important face la dépendance. Votre projet conforte les inégalités : interruption de carrière, temps partiel subi, chômage, rémunérations inférieures à celles des hommes...

Mme Isabelle Debré.  - C'est là la vraie inégalité !

M. Guy Fischer.  - ...se répercutent sur le montant des pensions, ainsi que le mode de calcul du salaire de référence. Il faut voter ce sous-amendement, alors que le Gouvernement veut remettre en cause notre protection sociale !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'Observatoire de la parité -où il n'y a pas parité entre la majorité et l'opposition- reconnaît l'intérêt de ce sous-amendement.

Loin de désamorcer le mécontentement, votre mesurette, qui divise les femmes, risque d'avoir l'effet contraire. Au lieu de voir dans les enfants une richesse pour la Nation, le patronat considère les grossesses comme un handicap pour l'économie.

M. Christian Cambon.  - N'exagérez pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le patronat trouve légitime de payer les femmes moins que les hommes quand il ne les tient pas éloignées de l'emploi. Limiter votre mesure aux mères de trois enfants, c'est méconnaître la réalité.

Vous faites fi du droit à la retraite, de la situation des seniors, pour ne parler que de financement. Nos sous-amendements proposent des modes de financement, notamment en mettant à contribution les privilèges insensés de ceux qui ont des revenus autres que ceux du travail. Il faut au minimum étendre le champ de la mesure proposée par le Gouvernement.

Mme Claire-Lise Campion.  - Le Gouvernement cible uniquement les femmes nées entre juillet 1951 et fin 1955, qui ont eu trois enfants et validé un nombre de trimestres minimum, et restreint considérablement le bénéfice de la mesure. Prétendre que le nombre de trimestres validés par les femmes va dépasser celui des hommes est un argument fallacieux, qui ne tient pas compte du chômage. Faisons preuve de sagesse : adoptons le sous-amendement de Mme Panis. (Applaudissements à gauche)

Mme Odette Terrade.  - Laisser croire que la mesure du Gouvernement est une révolution, c'est tromper le monde. Il faut voter le sous-amendement qui émane de la Délégation aux droits des femmes, même si ce n'est qu'un amendement de repli !

M. Yves Dauge.  - Notre débat escamote la réflexion de fond sur la nature même du travail dans notre société. M. le ministre a répondu à Pierre Mauroy que le monde avait changé. Sans doute, mais en quoi ? Quantitativement, le chômage a explosé ; qualitativement, le travail s'est transformé.

Qui va s'occuper des personnes âgées ou handicapées ? Comment prendre en compte le temps de travail de ceux -et surtout de celles- qui s'y consacrent ?

Il faut aller plus loin que la prétendue ouverture faite par le Gouvernement. (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - Pourquoi trois enfants ? Parce que cela répond à la question posée de l'inégalité entre les hommes et les femmes : c'est au troisième enfant que le taux d'emploi décroche. C'est dans la génération 1951-1955 que le problème se pose le plus. Ce n'est pas un cadeau.

M. Guy Fischer.  - Vous n'en faites jamais !

M. Éric Woerth, ministre.  - On ne peut pas faire une réforme des retraites et considérer qu'il n'y a que des exceptions.

M. Guy Fischer.  - On en est loin !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Parlons financement !

M. Éric Woerth, ministre.  - Il faut prendre ses responsabilités. 30 milliards d'euros financent la solidarité dans les systèmes de retraite, soit exactement le montant du déficit global. La justice, c'est d'abord de financer effectivement les retraites.

Mme Panis a raison : il faut faire d'autres choix, notamment pour l'égalité salariale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Parlons-en !

M. Éric Woerth, ministre.  - C'est pourquoi ce projet de loi contient une sanction financière pour les entreprises. Il faut donner aux femmes une vraie liberté de choix entre travailler et élever les enfants. Cela passe par la création de places de crèches. (Exclamations sur les bancs CRC)

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - La commission a écouté Mme André. Mme Tasca a suggéré que les réformes les plus importantes devaient intervenir au moment où les inégalités subies par les femmes s'accumulent.

La société a changé, aussi en ce que la population vieillit. Il faut répondre au problème, ainsi qu'à la maladie, à la dépendance. La retraite ne peut répondre à toutes ces inégalités. Elle n'est qu'un reflet de toute la vie professionnelle.

Le sous-amendement serait très coûteux sans avoir d'effet significatif sur la vie des femmes. La commission des affaires sociales avait émis un avis défavorable. (Vives exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Nous sommes trahis !

Mme Annie David.  - C'était un avis de sagesse !

Mme Raymonde Le Texier.  - C'est scandaleux !

M. Guy Fischer.  - Que font les sénatrices UMP ?

Mme Raymonde Le Texier.  - Mme Panis est si étroitement contrôlée qu'elle n'a même pas expliqué son vote !

A la demande du groupe UMP, le sous-amendement n°1200 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l'adoption 158
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

(Exclamations sur les bancs CRC-SPG)

M. Guy Fischer.  - Ce vote va redorer l'image du Sénat !

Mme Isabelle Pasquet.  - Nous n'avons pu défendre nos sous-amendements financiers, qui s'inscrivaient dans une logique de désintoxication financière de l'économie.

Comme le note Alternatives économiques, rien n'a changé deux ans et demi après la crise, ce qui scandalise nos concitoyens. Les salariés de Valeo ont appris ainsi que leur patron avait reçu 3,2 millions de prime de départ, plus une retraite chapeau annuelle de 900 000 euros, alors qu'il laisse derrière lui 1 600 salariés sur le carreau et 20 millions de déficit. M. Sarkozy parlait d'un partage en trois tiers de la richesse ; on n'en parle plus et l'on donne tout aux patrons. Rien ne justifie ces parachutes dorés -alors que les salariés payent des cotisations sur leurs indemnités de licenciement ! C'est pourquoi, nous avons déposé le sous-amendement n°1184. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce qui caractérise ce projet de loi, c'est son injustice. Vous prélevez 90 % sur les salariés et 10 % seulement sur la rente et le capital. On nous dit que les bénéficiaires du bouclier fiscal seront mis à contribution. Oui, pour 500 à 700 euros...

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ...quand Mme Bettencourt a reçu 30 millions du fisc !

M. Josselin de Rohan.  - Combien a-t-elle payé d'impôts ?

M. Guy Fischer.  - Pas assez !

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est qu'elle a beaucoup de revenus. Sur ces 30 millions, elle donnera 700 euros pour les retraites. Comme dit M. Carrère, ce sont les bonnes oeuvres...

M. Jean-Louis Carrère.  - Je ne donne pas ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Dans notre sous-amendement n°1197, identique au n°1184, nous supprimons la restriction aux femmes nées entre juillet 1951 et décembre 1955. Si vous pensez que cette « concession » va faire baisser la contestation, vous vous trompez !

Mme Raymonde Le Texier.  - Je vais répéter ce que nous disons depuis une semaine. Les femmes nées entre 1951 et 1955 qui ont eu des enfants les ont souvent eus jeunes, avant même d'entrer dans la vie professionnelle. Autant dire que les conditions de l'amendement gouvernemental sont si restrictives que très peu de femmes seront touchées.

Les consignes élyséennes devaient être de « trouver un machin qui fasse du buzz et qui ne coûte pas cher »... J'entends M. Sarkozy user d'un tel vocabulaire pour exiger un amendement comme celui-là... (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Bel.  - Les réactions du ministre m'inquiètent, qui fait peu de cas de la majorité sénatoriale. Le président du Sénat avait fait une proposition plus proche de celle de Mme Panis que de celle du Gouvernement. Quant au rapporteur, il nous dit que la commission avait donné un avis défavorable à l'amendement de Mme Panis ; sur la liasse dont chacun dispose, il est écrit que le rapporteur s'en est remis à la sagesse du Sénat.

Mme Nicole Bricq.  - Le sujet est grave. Si j'étais d'humeur à plaisanter, je dirais que le ministre a un problème avec les femmes. (Exclamations à droite) Celles-ci ont apporté de génération en génération une contribution fondamentale à l'économie et à la croissance.

M. Nicolas About.  - Personne n'en doute.

Mme Nicole Bricq.  - Mais, au pied du mur, on ne pense plus à leur retraite. Tout en travaillant, les femmes d'après-guerre ont élevé leurs enfants, elles ont travaillé, elles s'occupent de leurs vieux parents en état de dépendance -et on leur vole leur retraite !

Les femmes nées entre 1954 et 1959 ne travaillent plus à 68 % quand elles ont eu trois enfants. Et ces chiffres restent vrais pour les femmes nées ensuite. Qu'est-ce qui justifie les bornes 1951-1955 ?

Vous avez remis 1,7 milliard à la Société générale. On peut trouver de l'argent : il faut faire une vraie réforme fiscale en même temps que la réforme des retraites.

Et puis les familles ont bon dos ! Quand il s'est agi du travail du dimanche, vous ne vous êtes pas beaucoup préoccupés d'elles ni des enfants -et vous sanctionnez celles qui ne les contrôlent pas suffisamment. (Applaudissements à gauche) Vous n'avez pas de leçons à nous donner !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Je confirme que la commission a bien donné un avis défavorable au sous-amendement n°1200. Je vous renvoie au compte rendu analytique de vendredi.

M. le président.  - Il y a donc une erreur quand on a parlé de « sagesse ».

M. Guy Fischer.  - Je reviens sur notre sous-amendement n°1184. L'amendement n°1182 vise à faire diversion. La retraite est la caisse de résonnance de toutes les inégalités subies par les femmes lors de leur vie active. Outre le niveau de leur pension, l'âge tardif de leur départ en retraite ajoute à leur inégalité. Alors que 5 % des hommes doivent attendre 65 ans pour liquider leur retraite à taux plein, c'est vrai de 30 % des femmes.

La droite détériore une situation déjà détériorée ; elle aggrave les inégalités ; elle oeuvre pour le recul social.

Mme Isabelle Debré.  - On croirait que la gauche seule détient le sort des femmes.

Mme Nicole Bricq.  - Qu'en serait-il de l'avortement sans la gauche ?

Mme Isabelle Debré.  - La gauche a voté contre la loi Boutin de 1971, comme elle a voté contre la loi Veil de 1994.

La véritable inégalité, c'est celle des salaires. Qui prend une initiative en la matière ? Nous ! Quoi améliore la place des femmes dans les conseils d'administration ? Encore nous ! (Applaudissements à droite)

Mme Michèle André.  - Nous l'avons demandé depuis bien longtemps, depuis la loi Roudy de 1982. Le Gouvernement n'avance pas dans le domaine de l'égalité professionnelle. Ce n'est pas l'article 31 de la loi de finances qui y changera grand-chose. La grande loi que j'ai appelée de mes voeux est toujours reportée à plus tard. Lorsque, dans la loi Nome, nous demandons qu'une place plus grande soit faite aux femmes dans les conseils d'administration, on nous dit non ; dans les établissements publics, c'est encore non. Et je ne parle pas des conseillers territoriaux.

Monsieur le ministre, vous êtes en charge de l'égalité. Pensez-y.

M. Éric Woerth, ministre.  - Les Français, hommes et femmes, ont droit d'abord à une retraite financée. Vous ne proposez pas de réforme des retraites ; vous ne parlez que de réforme fiscale. Votre vision est étroitement électoraliste. Mais il y a un déficit de 30 milliards ! (Exclamations à gauche) Qui va payer ?

Mme Nicole Bricq.  - Voyez le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires ! On peut en trouver, des sous !

M. Éric Woerth, ministre.  - C'est trop facile de découvrir d'un coup qu'il y a un problème pour les femmes. (Vives protestations à gauche)

La retraite à 60 ans a été faite pour les hommes. Où Mme Aubry s'est-elle posé la question de la retraite des femmes à 65 ans ? Avec 67 ans, l'inégalité n'est pas accrue. Nul n'a imposé au parti socialiste de ne rien faire pour les femmes. Pour lui, la justice sociale est un thème de discours (protestations à gauche) ; pour nous, une exigence de l'action.

Il est bien gentil de mettre aujourd'hui son coeur en bandoulière, il fallait agir. Quand les femmes nées dans les années 75 auront quinze trimestres de plus que les hommes, ce sera grâce à nous. Votre décote était de 10 %, ne l'oubliez pas ; et qui la payait ? Les femmes ! Cela ne vous a pas émus ! (Applaudissements à droite) Il fallait voter la réforme Fillon de 2003, qui la ramenait à 5 %. Vous n'avez pas non plus voté les carrières longues !

Qui paie ? Sur les 20 milliards de mesures d'âge, une partie est payée par les cotisations, la moitié en est payée par les entreprises.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est toujours sur le travail !

M. Éric Woerth, ministre.  - Sur les 30 milliards, 14 viennent des entreprises et des ménages aisés. On est dans un régime par répartition -pas par capitalisation- dans lequel il est normal que ce soient les actifs qui paient. Si vous préférez un régime par capitalisation, dites-le ! (Applaudissements à droite)

Les sous-amendements identiques nos1184 et 1197 ne sont pas adoptés.

Mme Annie David.  - L'amendement n°1182 renvoie son financement à la future loi de finances. L'ancien ministre du budget ne paraît guère intéressé ; c'est donc à M. Tron que je propose de nouveaux financements. Vous avez refusé nos amendements financiers... (M. Guy Fischer brandit une liasse d'amendements) dont l'un proposait un taux unique d'imposition des plus-values de cession d'actifs. Sur des dizaines de milliards d'euros d'assiette, chaque point supplémentaire de taxation rapporte plusieurs centaines de millions.

On nous objectera la concurrence fiscale internationale, en oubliant que les taux plus faibles pratiqués ailleurs le sont sur une assiette différente. A aucun moment vous n'acceptez que soient débattues des propositions financières autres que les vôtres. Il n'y a aucune raison que les salariés payent 85 % de la réforme.

M. Jean-Pierre Bel.  - Nous exprimer n'est pas l'indice d'une volonté hégémonique de notre part, madame Debré ! La réponse de M. Woerth n'est guère sérieuse. Si vous voulez que le débat avance, ne nous contraignez pas sans cesse à répondre à vos affirmations rapides et brutales selon lesquelles nous ne proposons rien. Nous avons déjà énoncé nos solutions alternatives ; ne faites pas comme si elles n'existaient pas.

Nous voulons une réforme globale, juste et durable, qui demande des efforts partagés ; les salariés ne doivent pas être les seuls à payer. Quand nous demandons un relèvement de la taxation des stock-options, nous retrouvons une proposition de la Cour des comptes. Nous proposons d'augmenter le forfait qui pèse sur l'intéressement et la participation, de soumettre à la CSG les revenus du capital aujourd'hui exonérés, de remettre en cause la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales. Nous demandons un relèvement modéré des cotisations patronales et salariales sur la période 2012-2021. Le FRR devrait sécuriser les jeunes actifs et récompenser leurs efforts ; depuis 2002, vous ne l'avez pas alimenté. Nous voulons aussi améliorer l'emploi des seniors, prendre en compte la pénibilité de certaines professions, mettre en place un système universel de libre choix.

Ne dites plus que votre réforme est la seule possible ! Nous sommes bien décidés à proposer notre projet aux Français, et peut-être à le mettre en oeuvre rapidement !

M. Jean-Louis Carrère.  - Oui, il y a un projet alternatif ! Votre réforme n'est pas financée : loin de le sauvegarder, elle portera un coup au système par répartition. Tel le torero, vous agitez votre petit chiffon rouge pour nous faire réagir...

Je partage l'inquiétude sur l'avenir. Plutôt que de multiplier les basses manoeuvres, indignes de notre démocratie, ramenez les syndicats à la table des négociations en revenant sur les mesures d'âge : on peut aussi penser à des mesures liées à la durée des cotisations.

Les Français qui manifestent ne sont pas irresponsables : c'est vous qui l'êtes parce que le Président de la République veut une victoire idéologique !

Qui croirait que M. Woerth détient la vérité ? Je pensais que vous pourriez débattre, projet contre projet, plutôt que de refuser toute discussion avec l'opposition !

Cette pantomime avec les centristes est déplorable. Parlons de la durée de cotisation, et la sérénité reviendra dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur.  - M. le ministre a déployé deux arguments. Vous nous dîtes qu'il est faux d'affirmer qu'il y a une si grande différence entre salariés et capital car il y a les cotisations des entreprises. Mais elles découlent du travail ! Elles sont payées à la fois par l'employeur et le salarié ! Pour 90 %, ce sont les revenus du travail ; le reste, c'est la rente et la spéculation. Vous ne pouvez dire que ce qui est payé par l'entreprise est payé par le capital. Quelle vision de l'entreprise !

Dans votre réforme, il y a bien une partie du financement qui ne vient pas des revenus du travail. Mais elle est insuffisante ! Dire que, dans un système par répartition, il ne faut solliciter que les revenus du travail, c'est un a priori. D'ailleurs, vous faites appel aux revenus du capital, même s'il faudrait le faire bien plus ! Nous somme pour la répartition...

Mme Isabelle Debré.  - Nous aussi !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Dire que nous sommes pour la capitalisation, c'est faux ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Mme Parisot s'est exprimée ce matin. Elle considère d'abord que les journées d'action nuisent à la réputation française. Elle explique ensuite que la réforme est le fruit d'une grande concertation et de compromis : oui, du compromis accepté par le Gouvernement puisque le Medef voulait la capitalisation, ce qu'il n'ose pas proposer pour l'instant ! (Applaudissements à gauche) Enfin, elle invoque, comme M. le ministre, la démographie.

Vous voulez faire payer aux salariés 85 à 90 % des retraites. Sur le capital, motus... Oui, le monde a changé depuis 1945 : l'argent pour l'argent a envahi le paysage économique. Les salariés payent déjà la crise financière ; vous leur demandez encore plus...

Discutons du financement de la retraite par répartition plutôt que de répéter ce que dit Mme Parisot.

M. Philippe Dallier.  - Oui, depuis 1945, le monde a changé. L'idéologie de Mme Borvo s'est effondrée...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Votre interprétation de 1945 est édifiante !

M. Philippe Dallier.  - Oui, sous l'égide du Général de Gaulle, beaucoup de choses ont été faites dans le domaine social.

Je constate que nous sommes tous d'accord pour faire une réforme. (On le reconnaît à gauche) Nous divergeons sur la méthode. Notre réforme est équilibrée à objectif 2018 ! (On le conteste vivement à gauche)

M. Guy Fischer.  - Il manque 4 milliards !

M. Philippe Dallier.  - Vous nous dites que l'on peut trouver les financements ailleurs. L'opinion publique n'en paraît pas convaincue. C'est là qu'il faudrait faire oeuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens ! (Exclamations à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - Il nous provoque ! (Sourires)

M. Éric Woerth, ministre.  - Il y aura débat en projet de loi de finances sur le financement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il faut le faire maintenant.

M. Éric Woerth, ministre.  - Mais il faut aussi augmenter l'âge légal de la retraite ! Juste un peu de courage !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - ...pour faire payer les plus modestes !

M. Éric Woerth, ministre.  - Je m'étonne d'entendre M. Sueur dire que les travailleurs et l'entreprise, c'est la même chose ! Belle évolution idéologique de la part de ceux qui diabolisent en permanence les entreprises...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et les retraites chapeau ?

Mme Annie David.  - Et les parachutes dorés ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Il est faux de dire que tout serait supporté par les salariés : beaucoup reposera sur les hauts revenus et sur le capital. (« C'est faux ! » sur les bancs CRC) La répartition, ce n'est pas la fiscalisation. (Applaudissements à droite)

Le sous-amendement n°1185 n'est pas adopté.

M. Guy Fischer.  - On nous interdit d'expliciter nos propositions financières, mais nous y reviendrons. Vous faites supporter cette réforme aux plus modestes.

La fiscalité a déjà été utilisée pour financer les régimes de retraite ; votre projet de budget contiendra d'ailleurs des augmentations d'impôts pour financer les retraites.

Le régime agricole est financé essentiellement par la fiscalité ! Il est même arrivé que l'on vote des budgets de l'agriculture où le Bapsa, devenu le Fipsa, était le premier poste de dépenses !

L'enjeu du financement pérenne des retraites s'accompagne du défi de court terme du déficit de trésorerie. Le chômage et les bas salaires nourrissent le capital. Nous y reviendrons quand la majorité proposera de supprimer l'ISF !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Libération a raison d'écrire, ce matin, que « les bobards faussent le débat ». N'en déplaise au ministre, nous sommes pour l'entreprise ! (Exclamations ironiques à droite) Nous voulons plus d'entreprises, au contraire, pour lutter contre la désindustrialisation. Assez de ces caricatures archaïques. Les cotisations de l'entreprise sont payées grâce aux richesses produites par les travailleurs. Nous voulons d'autres relations dans l'entreprise, nous voulons une autre politique industrielle, certes, mais nous sommes pour l'entreprise ! Cessez vos caricatures !

Le sous-amendement n°1186 n'est pas adopté.

Mme Nicole Bricq.  - Le sous-amendement n°1198 est un amendement de compromis : ne venez pas parler d'obstruction. (On s'esclaffe à droite) Si vous vouliez sauver le système par répartition, il eût fallu l'annoncer dans le programme du candidat et, dès l'élection, lancer une grande négociation que la loi serait venu sanctionner.

Pas de projet socialiste ? Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! Étudiez-le, critiquez-le... En Superman de la répartition, vous accusez la gauche de vouloir la capitalisation. Vous aurez du mal à en convaincre l'opinion ! Un des premiers gestes du gouvernement Jospin a été d'abroger la loi Thomas, qui créait des fonds de pension.

Non, monsieur le ministre, vous n'êtes pas le sauveur de la retraite par répartition.

Le sous-amendement n°1198 n'est pas adopté.

Mme Annie David.  - Ne nous en déplaise, notre proposition de loi contient plusieurs propositions de financement, dont la suppression des exonérations sociales qui coutent 30 milliards d'euros.

Entre chômage et délocalisation, la France manque de salariés pour financer notre protection sociale. Mais, pour satisfaire le Medef, le Gouvernement favorise les contrats précaires. D'où notre sous-amendement.

Nous souhaitons que les entreprises participent à la protection sociale à hauteur de ce qu'elles gagnent ! Sans entreprises, pas d'emplois ; mais sans salariés, pas de bénéfices !

La responsabilité sociale, chère à Xavier Bertrand, devait faire l'objet d'un texte. Connaissant l'évolution des conditions de travail, dont notre mission sur le mal-être nous a montré qu'elles pouvaient être dramatiques, j'espère qu'un accord sera trouvé sur le sujet.

Je regrette, une fois de plus, que vous n'écoutiez pas nos arguments et vous invite à litre notre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Le sous-amendement n°1187 n'est pas adopté.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - M. Longuet a déclaré qu'il ne voyait plus de marge de manoeuvre pour le Parlement. (Exclamations à gauche)

Mme Christiane Demontès.  - Circulez, il n'y a rien à voir !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - En attendant une éventuelle décision du Président de la République, vous ne servez donc à rien, chers collègues de l'UMP ! Pour notre part, nous continuons le débat.

La pratique des stock-options est un contournement de la législation sociale. Leur intégration dans les salaires rapporterait, selon la Cour des comptes, plusieurs milliards d'euros !

M. Jean-Louis Carrère.  - Pour les amis, c'est la défiscalisation !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Déconnectée de la réalité économique, cette pratique participe de la bulle financière. Elle nuit aux entreprises : leurs dirigeants sont ainsi incités à faire passer leur intérêt personnel à court terme avant l'intérêt à long terme de l'entreprise.

Qui défend l'entreprise ? Pas ceux qui détournent l'argent à leurs fins personnelles ! (Applaudissements à gauche)

Le sous-amendement n°1190 n'est pas adopté.

Mme Christiane Demontès.  - Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je rappelle que le sous-amendement n°1199 a reçu un avis de sagesse de la commission. C'est un sous-amendement de repli.

Vous conditionnez le maintien du taux plein à 65 ans pour les mères de famille à l'interruption de leur carrière pour élever leurs enfants. C'est exclure celles qui ne travaillaient pas avant leur grossesse, ou étaient au chômage. Celles qui ont été mères à 18 ou 20 ans seront exclues du dispositif. Deuxième condition, elles doivent avoir validé un nombre minimum de trimestres après s'être interrompues. Combien ? Je vous le demande solennellement.

M. Jacky Le Menn.  - Grand recul, suivi d'une toute petite avancée : votre logique nous échappe ! Une annonce qui paraît généreuse, mais en réalité minime et bien vague... Nous l'avons vu avec les handicapés et c'est maintenant le tour des femmes. Pour elles, votre mesure, c'est la misère puisqu'elles ne sont pas toutes visées mais uniquement les mères de trois enfants, nées entre 1951 et 1955...

Nous, nous sommes clairs. Supprimez un morceau de phrase pour clarifier un tant soit peu les choses ! L'avis de la commission prouve que nous ne sommes pas si sots. Au lieu de nous accuser de ne rien faire, répondez-nous, au moins sur ce nombre minimum !

Mme Nicole Bricq.  - Notre sous-amendement pose une question simple : qu'entendez-vous par minimum ? La commission a émis un avis de sagesse. Si vous renvoyez au décret la fixation du nombre de trimestres, dites-nous au moins quelles sont vos intentions ? Ce serait l'occasion de faire de la « coproduction » législative, chère à M. Copé. Les femmes ont droit à l'information.

M. Nicolas About.  - Une femme ayant eu un enfant de bonne heure n'aura pas accumulé les trimestres suffisants ; un nombre trop bas créerait une injustice envers celles qui ont préféré retravailler après l'interruption. Plutôt que de distinguer entre l'avant et l'après, je souhaite que le nombre de trimestres soit globalisé. Il n'y a pas lieu d'avantager celles qui n'auraient travaillé que quelques mois avant la naissance par rapport à celles qui ont ensuite repris leur activité en étant pénalisées tout au long de leur carrière. (Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Le Texier s'esclaffent) Cette façon de glousser est indigne d'un débat aussi sérieux que celui-ci.

M. Éric Woerth, ministre.  - La question est celle de l'interruption de l'activité, qui concerne essentiellement la génération que nous visons. C'est au troisième enfant qu'il y a décrochage.

Le premier critère est celui d'avoir travaillé avant : sinon, il n'y a pas d'interruption ! Ce sera trois ou quatre trimestres.

Mme Nicole Bricq.  - Comment cela sera-t-il décidé ? Soyez précis !

M. Éric Woerth, ministre.  - En la matière, il faut être précis.

Mme Nicole Bricq.  - C'est ce qu'on vous demande !

M. Éric Woerth, ministre.  - La reprise d'activité n'est pas un critère, monsieur About, car cela réduirait considérablement le nombre de femmes concernées. C'est clair : (protestations à gauche) il faut avoir travaillé un peu avant... (Protestations à gauche)

Mme Nicole Bricq.  - Combien de temps ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - « Un certain temps ! ».

Le sous-amendement n°1199 n'est pas adopté.

(On se scandalise à gauche)

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je souhaitais voter le sous-amendement n°1200 de Mme Panis, plus protecteur à l'égard des femmes, et non être décomptée comme n'ayant pas votée. (Applaudissements sur les bans socialistes)

M. le président.  - Je vous en donne acte.

Discussion des articles (Suite)

Article 6 (Appelé en priorité - Suite)

M. le président.  - Je vais mettre aux voix le sous-amendement n°1188.

Mme Isabelle Pasquet.  - Nous vous proposons un mode de financement : l'abrogation du bouclier fiscal. Plus de mille foyers fiscaux vont bénéficier d'un chèque conséquent grâce au bouclier fiscal. Tout ceci rappelle le cynique « Enrichissez-vous » de Guizot !

On est bien loin de la justice fiscale que nous appelons de nos voeux. Le bouclier fiscal est plus qu'une injustice : une indécence ! Il défend les intérêts de ceux qui ont tout. M. Fillon disait récemment envisager une réforme fiscale avec la suppression du bouclier fiscal... mais aussi de l'ISF ! Il faut que le Sénat examine sans plus attendre notre proposition de loi sur le financement des retraites.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Votre calme n'a d'égal que votre méconnaissance du réel et votre surdité devant les revendications. Cette déficience d'écoute peut être palliée par la répétition. La retraite n'est pas une récompense ! Les jeunes, les seniors ne fuient pas l'emploi, c'est l'emploi qui leur fait défaut. Enfin, et surtout, la réforme Fillon n'a jamais été suivie de négociations sérieuses sur la pénibilité.

Nous avons été choqués par le terme « nostalgie » que vous avez employé pour répondre à M. Mauroy. Non, le progrès social n'est pas une nostalgie ! En commettant cette indélicatesse, vous dévoilez vos véritables intentions : la régression et le recul ! (Applaudissements à gauche)

Le sous-amendement n°1188 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°1182.

Mme Annie David.  - Pour pouvoir bénéficier du maintien du droit actuel, il faudra que les femmes soient nées entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955, qu'elles aient au moins trois enfants et qu'elles aient interrompu leur carrière. C'est inacceptable !

Bon nombre de ces femmes ne remplissent pas ces trois conditions cumulatives. En outre, elles devront avoir travaillé « un certain nombre » de trimestres... Sur ce point, le flou est total. De surcroît, un décret en Conseil d'État est prévu ! Selon vos dires, 130 000 femmes sont concernées : c'est bien peu par rapport aux 30 millions de femmes pouvant faire valoir leurs droits à la retraite !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Comment le Gouvernement est-il parvenu au chiffre de 130 000 ? Comme nous sommes des parlementaires sérieux, nous aimerions savoir comment vous avez calculé, monsieur le ministre. Les projets de loi doivent être assortis d'études d'impact. Où sont-elles ?

Mme Christiane Demontès.  - Aujourd'hui, les assurés peuvent partir sans décote à 65 ans. Demain, ce sera 67 ans. De multiples conditions cumulatives seront nécessaires pour pouvoir partir à 65 ans. Date de naissance, trois enfants et interruptions de carrières. Or, de nombreuses femmes ont connu des carrières précaires. Je renvoie à une étude précise de l'Insee qui est parue dans un grand quotidien le 8 octobre. M. le ministre ne nous a pas répondu. M. About a demandé que l'on travaille, d'ici la CMP, sur une globalisation des trimestres : c'est quand même incroyable que les parlementaires soient obligés de travailler pour améliorer un amendement du Gouvernement ! Mais en fait, cet amendement atténue à la marge la brutalité du dispositif mais constitue un véritable recul. Nous nous abstenons donc ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Tasca.  - Depuis le début des débats, vous présentez l'opposition comme conservatrice, voire archaïque. C'est une profonde erreur. Votre conception de la place des femmes est datée, monsieur le ministre. Elles sont de plus en plus contraintes d'accepter des emplois précaires. Le recul à 67 ans est donc dramatique. Les femmes sont de plus en plus les piliers de la solidarité de la vie sociale. Très souvent, elles assument les enfants mais aussi ceux de leurs compagnons.

Les femmes qui poursuivent des études longues peuvent avoir des enfants avant la fin de leur cursus. Or, cet amendement pénalise celles qui n'auront pas eu d'emploi avant d'avoir un enfant. C'est donc vous qui êtes tourné vers le passé, monsieur le ministre.

Vous ne cessez de nous dire que nous voulons la fiscalisation et non la répartition. Changez de logiciel ! La place des salariés cède le pas à la rente et à la rémunération des capitaux. Or, vous faites peser un véritable prélèvement sur le travail des salariés. C'est bien parce que nous voulons un vrai régime de répartition que nous voulons que le capital participe au financement des retraites. (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Laborde.  - La majorité du RDSE s'abstiendra car nos sous-amendements n'ont pas été pris en compte. Cet amendement est trop restrictif car il ne devrait pas coûter trop cher : c'est bien dommage.

Mme Claire-Lise Campion.  - Face à la mobilisation de nos concitoyens, nous sommes appelés à voter cet amendement. Près de 130 000 femmes seraient concernées, nous dit le Gouvernement. Mais est-ce exact ?

En fait, il s'agit d'une annonce , nullement d'une avancée. La mesure est complexe, les Français -et les Françaises- vont-ils la comprendre ? Quant à celles qui seront nées juste avant -ou juste après- les dates butoirs fixées, quel sentiment d'injustice !

M. le président.  - Il faut conclure !

Mme Claire-Lise Campion.  - Combien de femmes seront-elles vraiment concernées par cet amendement ? Sans doute quelques milliers seulement. Nous nous abstiendrons.

Mme Odette Terrade.  - Cet amendement illustre bien l'art du Gouvernement de faire passer le moins pire pour une avancée progressiste ! C'est quoi, travailler « un peu », monsieur le ministre ? Une telle réponse est méprisante pour le Parlement ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit)

Vous refusez de prendre en compte le rôle social des femmes. Nous ne pourrons voter cet amendement. (M. Jean-Louis Carrère applaudit derechef)

M. Guy Fischer.  - Mes collègues ont démontré que cet amendement est un faux-semblant. Le Gouvernement est en train de nous enfumer ! (« Oh ! » à droite) Le chiffre de 130 000 femmes est à vérifier ; même s'il est vrai, quel recul par rapport à la situation actuelle !

Il faudrait que nous attendions le PLFSS et le projet de loi de finances pour obtenir les réponses aux questions que nous vous posons ? Pourquoi ne pas nous répondre dès maintenant ?

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Même si des avancées ont été obtenues, ce projet de loi va pénaliser nos concitoyennes. Certes, il fallait une réforme mais elle aurait dû faire l'objet d'aménagements bien plus importants. Les femmes seront les grandes perdantes. Je voterai cet amendement mais il reste très en deçà de ce que nous aurions pu faire. Il aurait fallu voter le sous-amendement de Mme Panis.

Mme Catherine Tasca.  - Ne votez pas la réforme alors !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Les femmes attendent que leurs problèmes soient pris en considération.

Mme Bariza Khiari.  - J'ai reçu ce matin un message simple d'une citoyenne qui m'écrit, avec des mots simples : « Qu'avez-vous fait pour nous condamner au travail à perpétuité, pour nous condamner à faire du chiffre, pour nous condamner à être rentables jusqu'à perdre notre âme ? » (On proteste à droite) « Mesdames et Messieurs les Sénateurs, écoutez le peuple français et sa souffrance. »  (Applaudissements à gauche)

Mme Jacqueline Panis.  - Vous avez parlé de l'égalité salariale ce matin, monsieur le ministre. Nous attendons une avancée sur ce dossier.

Un autre point reste sans réponse : quid des personnes qui aident leurs proches malades ?

A aucun moment, les orateurs n'ont fait référence aux travailleurs qui sont heureux de travailler et qui veulent continuer à travailler au-delà de la limite d'âge. (Exclamations à gauche) J'en connais, notamment des enseignants. Non, le travail n'est pas triste ! Je m'abstiendrai sur cet amendement. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - La manière dont a été conduit le débat, la manière dont est mis en scène cet amendement est un leurre extraordinaire : On nous présente le retour au statu quo comme une avancée ! On nous parle de 3,4 milliards : ce n'est pas sérieux !

Va-t-on se préoccuper du sort réservé aux femmes ou bien va-t-on continuer à jeter de la poudre aux yeux ? (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Bel.  - Cet amendement a pour objectif d'occulter l'article 6. Vous avez déclaré ce matin, au moment où beaucoup de collègues de la majorité vous ont posé des questions restées sans réponse, qu'on ne peut dire qu'il faut réformer les retraites et dire qu'il n'y a que des exceptions. Est-ce votre réponse à nos collègues de la majorité, monsieur le ministre ? Seraient-ils des irresponsables ?

Il y a interférence entre la communication du Gouvernement et la discussion de ce texte. M. Longuet a déclaré ce matin à Europe 1 qu'il n'y avait plus de marge de manoeuvre au Parlement, mais que le Sénat avait agi pour les chômeurs, les parents d'enfants handicapés et les mères de famille. Il n'a pas précisé pour combien !

Les sondages d'aujourd'hui montrent que les Français sont encore plus nombreux à soutenir la mobilisation sociale et à désapprouver ce texte. Une Ariégeoise m'a écrit ; née en 1953, mère de quatre enfants, divorcée, elle pense qu'elle ne tiendra jamais jusqu'à 67 ans et se demande si elle pourra finir sa vie dignement. (Applaudissements à gauche)

M. Paul Raoult.  - Au-delà de cet amendement restrictif, je veux vous mettre en garde contre les coups que vous portez à la politique familiale mise en place à la Libération.

M. Gérard Longuet.  - Elle a commencé avant !

M. Paul Raoult.  - Mettre en cause cette politique nataliste va provoquer la baisse de la natalité, qui aura des répercussions sur le rapport actifs/inactifs et donc sur le système de retraite par répartition. L'avenir démographique de notre pays est menacé. Le quotient familial est une niche fiscale, dites-vous. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Si vous en êtes là, la messe est dite : ce serait t porter un coup fatal à la démographie de notre pays. (On le confirme à gauche)

Certains affirment que le travail peut être joyeux ; croyez-vous qu'une femme qui va annoncer timidement son congé maternité à son employeur le fasse avec joie ?

Les femmes qui ont eu des enfants méritent mieux que ce que vous faites aujourd'hui ; nous savons tous qu'il est toujours difficile de concilier travail et éducation des enfants. Si vous voulez agir, améliorez les conditions de travail et les moyens de transport ! (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre.  - Le travail, c'est d'abord un épanouissement. (Exclamations à gauche) A vous entendre, le travail est un drame absolu, les conditions de travail n'ont pas changé depuis des décennies, la droite n'a rien fait... (Applaudissements à droite, exclamations à gauche) Si vous pouviez avoir une vision plus digne de notre pays, ce serait bien. (Protestations à gauche)

Le Gouvernement doit protéger le système par répartition : c'est sa responsabilité. (Mêmes mouvements)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous ne le protégez pas !

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous recevons tous des courriers ; vous n'en avez pas le monopole. Cette dame croit certainement être condamnée à travailler à perpétuité ; répondez-lui donc que personne n'a jamais été condamné à travailler à perpétuité. (Exclamations à gauche)

Voulez-vous condamner vos enfants à payer à perpétuité ? Voilà la bonne question ! Ne rien faire, comme le propose le PS, c'est condamner nos enfants à payer pour trois générations ! Vous trouvez ça juste ? (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

M. Marc Daunis.  - Vous allez l'avoir, la réponse des jeunes !

M. Éric Woerth, ministre.  - Certes, notre réforme n'est pas très électoraliste mais préférez-vous dire aux Français qu'il faut baisser les pensions ? (Exclamations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous fabriquez des chômeurs !

M. Éric Woerth, ministre.  - Pas un sénateur de gauche ne l'assumerait. La répartition entre travail et capital n'a pas changé depuis les années 50, madame Tasca.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est faux !

M. Éric Woerth, ministre.  - Prenez les rapports les plus récents ! J'ai précisé qu'il faudra avoir travaillé un peu, trois ou quatre trimestres ; le décret le précisera. Depuis la gauche, l'âge de la retraite est réglementaire -vous l'avez ramené à 60 ans par ordonnance. (Protestations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les ordonnances sont validées par le Parlement.

M. Guy Fischer.  - C'était un progrès social !

M. Éric Woerth, ministre.  - Enfin, comment pouvez-vous dire que nous remettons en cause la politique familiale ? N'importe quoi !

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous irez à Rome.

M. Éric Woerth, ministre.  - Au contraire, la politique familiale n'a jamais été aussi vigoureuse ! (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est indécent !

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°1182 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 208
Majorité absolue des suffrages exprimés 105
Pour l'adoption 184
Contre 24

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - A la suite de l'adoption des amendements nos1181 et 1182, 14 amendements tombent : nos838, 775, 121, 837, 891, 35, 36, 122, 243 rectifié bis, 549 rectifié bis, 246 rectifié, 287, 566 rectifié et 569 rectifié.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - L'amendement n°695 exclue des mesures de l'article 6 les salariés de l'industrie alimentaire. La société Fralib, qui appartient au groupe multinational Unilever, produit les infusions L'éléphant et les thés Lipton. L'entreprise a supprimé un site et plus de 100 emplois sur 286 salariés tandis que les rémunérations brutes ont stagné, alors même que les cotisations sociales augmentaient. De son côté, le patron d'Unilever touche 393 500 euros mensuels... Les cadences ont augmenté : même production avec 120 salariés de moins ! Autant dire que les gains de productivité n'ont pas été affectés aux salaires.

L'amendement n°695 n'est pas adopté.

Mme Annie David.  - Deux ans, ce n'est sûrement rien pour vous mais pour les salariés de l'industrie de la chaux, c'est beaucoup, d'autant que les salaires ne suivent guère. En 2009, les deux plus grands producteurs ont congédié des milliers de salariés, invoquant la crise de la sidérurgie -alors que leurs productions ont bien d'autres débouchés. Et vous demandez à ces salariés de faire encore des efforts, au lieu de mettre à contribution ces entreprises au comportement injuste et égoïste ! La convention collective ne prévoit rien concernant l'âge de la retraite, alors que de nombreux salariés ont connu des carrières longues. Le report à 62 ans réduira la durée de perception des pensions.

M. Jacques Gautier.  - Je voterai contre cet amendement et contre tous ceux qui vont suivre. Je comprends qu'on veuille ralentir les débats mais cette liste à la Prévert ne donne pas une bonne image de notre assemblée ! Les bancs désertés montrent que je ne suis pas seul à le penser ! (Applaudissements à droite)

L'amendement n°699 n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Danglot.  - J'espère que vous n'avez rien contre la maroquinerie...

M. Christian Cointat.  - Tout le monde ici veut un maroquin ! (Sourires)

M. Jean-Claude Danglot.  - Certains métiers sont plus pénibles que d'autres. Les femmes sont nombreuses dans ce secteur. Elles seront particulièrement pénalisées, après avoir enduré des conditions de travail extrêmement difficiles -cadences, contact avec colles et solvants, gestes répétitifs. Monsieur le ministre, rendez-vous donc dans ces ateliers pour rencontrer ces ouvrières : vous ne présenteriez pas un projet de loi si injuste et si idéologique.

Il y a un problème de financement ? Vous préférez faire payer les salariés plutôt que de porter atteinte aux privilèges de vos amis : le sort des femmes qui fabriquent les sacs à main des dames du Fouquet's leur importe guère ! (Exclamations à droite)

Les salariées de Samsonite, virées par un employeur magouilleur et condamné par la justice, usées à 40 ans, se voient aujourd'hui proposer des emplois de femmes de ménage ou d'aides à domicile ; nouvelles galères en perspective... Pour elles, ce projet de loi est un drame.

Je ne suis pas le porte-parole des milieux dorés mais de toutes celles et tous ceux qui souffrent au travail.

L'amendement n°700 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos702, 703 et 704.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Le métier de jardinier-gardien est difficile, leur carrière est rarement stable : ils seront donc particulièrement pénalisés par cette réforme. Station debout, gestes mécaniques altèrent leur santé.

M. le ministre invoque le transfert de dettes sur les générations futures si nous n'adoptions pas cet article 6 ; votre premier cadeau aux jeunes couples a pourtant été de supprimer l'avantage fiscal des nouveaux mariés.

Et vous repoussez la question de la dette sociale. Les jeunes qui se mobilisent l'ont bien compris. Voilà ce qui arrive quand la finance l'emporte sur l'humain.

L'amendement n°705 n'est pas adopté.

Mme Annie David.  - Nous ne cherchons pas à faire traîner les débats, cher collègue, mais votre réforme met à mal un acquis social majeur : la retraite à 60 ans. Nous voulions faire entendre ici la voix de ceux qui refusent cette injustice, cette réforme qui pèsera à 85 % sur eux pour résorber un déficit causé par votre politique libérale d'exonérations de cotisations patronales. Il vous faut entendre ceux qui, à 60 ans, n'en peuvent plus.

L'amendement n°706 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos707 et 708.

M. Jean-Claude Danglot.  - La meunerie n'est pas, à première vue, le secteur le plus défavorable pour les salariés mais ne doit pas être idéalisé. Travail de nuit, annualisation des horaires qui a élargi les plages de travail, horaires décalés : autant de raison de demander une exception meunière.

L'amendement n°709 n'est pas adopté.

Mme Éliane Assassi.  - Mme Panis trouve que nous ne parlons pas assez de ceux qui aiment leur travail. C'est faux : nous parlons des conséquences de votre réforme sur ces femmes et ces hommes qui aiment leur travail mais ne veulent pas, pour autant, être sacrifiés !

La convention collective des salariés du bâtiment d'Ile-de-France reprend la mesure « carrières longues » et sanctionne le licenciement des salariés âgés ; surtout, elle prend en compte la pénibilité, et notamment l'exposition aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Mais le secteur se développe sur les gains de productivité, les salariés étant soumis à des cadences infernales ; et la dangerosité des métiers ne s'est pas réduite, comme en témoigne le nombre encore élevé d'accidents mortels.

Il faut garder ces éléments à l'esprit. L'incapacité sera sans doute prise en compte, mais pour combien de salariés ?

L'amendement n°710 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°711.

Mme Annie David.  - Dans ma vallée, les papeteries qui fleurissaient encore il y a quelques années ont mis la clé sous la porte, jetant à la rue des milliers de salariés.

M. Fourcade justifiait l'article 5, la semaine dernière, en disant qu'une hausse de deux ans de l'âge légal suffirait à stabiliser le rapport entre dépenses de retraite et PIB pour les deux prochaines décennies, en invoquant une publication du FMI.

Voilà qui est bien éclairant ! La taille du gâteau ne change pas mais on y découpera davantage de parts... Bref, vous êtes prêts à diminuer de 20 % supplémentaires le pouvoir d'achat des retraités, déjà rogné par les réformes Balladur et Fillon.

Quant aux salariés de l'industrie papetière, leur espérance de vie est entamée par les produits chimiques qu'ils manipulent et inhalent ainsi que par le travail en 3 x 8, sept jours sur sept.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°713 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 152
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Guy Fischer.  - L'amendement n°714 jette un coup de projecteur sur le sort des salariés au sol dans les aéroports, sans qui aucun avion ne peut décoller. Porter à 67 ans leur départ ferait courir un risque de sécurité. Il faut reconnaître la pénibilité bien réelle de leur travail, due au manque d'effectifs, au travail posté, aux horaires atypiques, à l'environnement sonore, à l'exposition aux produits toxiques émis par les moteurs des avions. Les critères physiques justifient à eux seuls qu'on exonère ces salariés de cette mesure injuste.

L'amendement n°714 n'est pas adopté.

Mme Odette Terrade.  - Nous souhaitons exonérer le personnel de manutention et de nettoyage des aéroports. En mars, Aéroports de Paris a demandé l'expulsion des locaux syndicaux utilisés gratuitement depuis vingt cinq ans. Le recours croissant à la sous-traitance, la précarisation des travailleurs justifient pourtant plus que jamais la présence de structures syndicales interprofessionnelles. Votre réforme sera une régression supplémentaire pour les femmes qui forment le gros des troupes de ces entreprises.

Non, monsieur le ministre, les femmes n'ont pas autant de trimestres que les hommes ! Selon le COR, les écarts se réduisent lentement mais les inégalités restent criantes. Cette discrimination est inadmissible.

L'amendement n°715 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°716.

M. Jean-Claude Danglot.  - Notre amendement n°716 vise les salariés de l'industrie cimentière. Sa retraite, M. Antoine Zacharias, ex-PDG du groupe Vinci, ne l'a pas gagnée à la sueur de son front mais par la grâce d'un conseil d'administration et d'une assemblée générale des actionnaires particulièrement complaisants.

Ces brillants aréopages accordent des retraites chapeau à leurs dirigeants pour leur permettre de surmonter le traumatisme du départ. En effet, partir, c'est mourir un peu ! En outre, ces golden parachutes leurs permettent d'atténuer la diminution de leur rémunération. Antoine Zacharias est de ceux-là. Ayons une pensée émue pour lui quand des dizaines de milliers de salariés sous-payés perçoivent des pensions de misère.

Faisons un peu payer les Zacharias et les Proglio ! (Applaudissements à gauche, murmures à droite)

L'amendement n°719 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos721, 722, 723, 724, 725, 730 et 774.

M. le président.  - Nous en venons à l'amendement n°120.

Mme Christiane Demontès.  - Le maintien de la retraite à 60 ans est une garantie pour ceux qui ont suffisamment cotisé. Les salariés usés par le travail doivent conserver cette liberté de choix. A 60 ans, un ouvrier et un cadre ont sept ans de différence d'espérance de vie. Les salariés ayant commencé à travailler jeunes arrivent souvent à 60 ans en disposant de suffisamment de trimestres de cotisation. Passer à 62 ans pour tous serait une injustice : les ouvriers cotiseraient pour les cadres !

Il faut une retraite choisie, adaptée aux souhaits de chacun. Le temps de la retraite est un temps d'investissement au service des autres, particulièrement au sein des associations. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Louis Carrère.  - Il faut faire attention quand on communique ! Certains ont prétendu qu'après le vote de samedi matin, la cause était entendue. Si cet amendement est voté, il revient sur l'article 5.

Abordons le vrai problème, celui du financement. J'espère que le Gouvernement entendra notre appel.

M. Marc Daunis.  - Je passe sur l'intervention pathétique de M. le ministre, inutilement provocatrice, refusant de prendre en compte nos propositions.

Les différentes interventions de la majorité démontrent une erreur d'analyse. La répartition s'appuie sur une démarche collective, pas la capitalisation. Il faut donc regarder la richesse créée par les actifs et non le simple rapport entre actifs et inactifs. Que faites-vous de la mécanisation, de la productivité ?

Quant à la répartition entre le travail et le capital, le débat n'est pas tranché entre les économistes mais tous s'accordent à dire que le rapport est défavorable aux salariés depuis une vingtaine d'années. Que répondez-vous à cela, monsieur le ministre ?

M. Éric Woerth, ministre.  - J'ai déjà répondu plusieurs fois !

M. Marc Daunis.  - La Commission européenne elle-même, qu'on ne peut taxer de gauchiste, le reconnaît, qui parle de 174 milliards en Europe.

M. Guy Fischer.  - Et voilà la vérité !

M. Marc Daunis.  - Enfin, moi aussi, j'ai très mal vécu les déclarations du candidat Nicolas Sarkozy lorsqu'il a dit qu'il fallait remettre la France au travail. Comme si nous étions une Nation de feignants ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Tant que le coup de sifflet final ne sera pas donné, le débat continuera. La série d'amendements du groupe CRC avait l'intérêt de décliner par métier la souffrance au travail. Ainsi pour les cimentiers, la réforme, c'est respirer deux ans de plus la poussière de ciment.

Un jeune avec bac+5 aura d'immenses difficultés à intégrer le marché du travail, tandis que les seniors de 55 ans en sont exclus. Et vous voulez prolonger de deux ans leur activité ! Tant que la loi ne sera pas votée, tout pourra être remis en cause. Nous ne cesserons d'y revenir. (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline.  - M. le ministre ne se prive pas de répéter les mêmes arguments. Il justifie les injustices par le manque de ressources et s'appuie sur les rapports du COR. A vous entendre, la seule solution serait de porter les seuils à 62 et 67 ans. Mais comment allez-vous trouver les 45 milliards nécessaires ? Ces reports d'âge n'y suffiront pas : il faudrait huit ans de plus. M. Longuet lui-même en convient. Vous mentez donc aux Français puisqu'il manque 15 milliards. En fait, seul 2012 vous importe, et vous l'atteignez en pillant le FRR, que vous n'avez pas alimenté Et après cela, vous dites que les socialistes n'ont rien fait. Moi aussi, je suis têtu. Je vous ai demandé à de multiples reprises comment vous alliez combler ces déficits. Et vous ne m'avez pas répondu.

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. David Assouline.  - Vous leurrez l'ensemble du pays. Cette réforme est purement électoraliste ! (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer.  - Les patrons vivent leurs retraites dans l'insouciance, grâce aux actions gratuites qui leur sont attribuées. Fiscalement, c'est très intéressant ! Pourquoi ne pas soumettre à cotisations sociales ces actions gratuites ? Celles-ci sont une sorte de confiserie -à double effet : immédiat et différé ! Le patron de Danone bénéficie de revenus plus que confortables.

Un dividende est taxé à 18 % alors que le salaire aurait rapporté une imposition de 40 % après prélèvements sociaux. La rémunération des dirigeants d'entreprises par actions gratuites est une spoliation de la collectivité! (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - En 1981, la France produisait deux fois moins de richesses qu'aujourd'hui et le taux d''emploi féminin était de 50 %, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Cette réforme est donc dirigée contre les femmes. Mme Debré nous disait que la gauche n'avait pas le monopole de la défense des femmes. C'est un peu l'hommage du vice à la vertu, rendu par celle qui a imposé le travail du dimanche ! (Applaudissements à gauche)

Elle nous a aussi rappelé que la loi Boulin a accordé des droits aux femmes en 1971 mais vous venez de voter le plafonnement des pensions de réversion, qui ajoute à la peine du veuvage le rationnement des ressources ! Que chacun balaie donc devant sa porte ! C'est pourquoi nous sommes fermement opposés à ce projet de loi. (Applaudissements à gauche)

Mme Michelle Demessine.  - Le projet de loi est-il financé ? Nous en doutons, même s'il est prévu de taxer -symboliquement- le capital. Les plus-values représentent 18 milliards : un point de taxation, c'est 180 millions. Dans le même temps, les 3 millions de smicards de notre pays vont travailler deux ans de plus, soit un prélèvement de 5 milliard pour la part ouvrière.

Non, nous ne sommes pas opposés aux entreprises mais elles doivent répondre aux besoins de la société : leurs cotisation doivent augmenter.

Mme Catherine Tasca.  - Nous redisons fermement notre engagement en faveur des 60 ans, seule garantie possible pour les travailleurs fatigués et pour les femmes. Nous tenons à cet âge légal. Mais il faut que M. le ministre modifie son point de vue sur la société française. La durée de vie augmente, répétez-vous à l'envi. Mais pour qui ? Et dans quelles conditions ? Cette réforme ne doit pas être pensée pour les plus forts, pour ceux qui sont armés pour affronter les étapes de la vie mais pour les plus défavorisés. La borne des 60 ans est donc vitale. (Applaudissements à gauche)

M. Didier Guillaume.  - Cet amendement est cohérent. Il faut aller vers plus de justice sociale, d'équité.

Alors qu'une grande partie de nos concitoyens ne peuvent continuer à travailler au-delà de 55 ans, on va leur imposer de partir à 62 ans et d'attendre 67 ans pour avoir une pension complète ! On exonère ceux qui ont les moyens et on fait payer les plus faibles. Cet amendement permettrait de revenir à la retraite à 60 ans. Les Français savent qu'il faut réformer le système, mais pas comme vous le faites.

Il y a des Français qui souffrent, qui sont cassés. Si vous ne voulez pas les prendre en considération, c'est que vous ne connaissez pas la réalité de la France qui se lève tôt. Vous oubliez les femmes et les hommes épuisés par une vie de travail ou qui ne parviennent pas à avoir un emploi. Il faut que vous changiez de politique pour améliorer le marché de l'emploi. (Applaudissements à gauche)

M. Robert Navarro.  - Je vais voter cet amendement ! Les Français sont déterminés à préserver les 60 ans, cet acquis de notre histoire sociale. Dès après l'adoption de la loi de 1910, Jean Jaurès avait annoncé qu'il faudrait l'améliorer. Et elle l'a été. Les Français sont déterminés à défendre cet acquis. La situation du pays est catastrophique et vous ne songez qu'à servir les privilégiés du Fouquet's. (On s'indigne à droite) Pourquoi ne pas nous écouter ? Pourquoi ne pas imposer les richesses, le capital ? Certes, l'évolution démographique explique en partie les déficits. Mais il est d'autres moyens pour revenir à l'équilibre. La France est debout et elle est forte. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°120 n'est pas adopté.

M. le président.  - M. About nous a informés qu'il retirait ses amendements nos575 et 592 rectifié bis.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Je les reprends !

M. le président.  - Ce n'est pas possible.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Mais si !

M. le président.  - Effectivement, ils peuvent être repris.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Je les reprends donc. Depuis la semaine dernière, nous essayons de faire valoir une autre logique. Je constate l'obstination du Gouvernement. Pour autant, nous ne sommes pas dans le tout ou rien, nous sommes favorables à tout ce qui peut améliorer cette réforme que nous combattons. La preuve : vendredi, nous avons voté l'amendement du Gouvernement sur les parents ayant élevé un enfant handicapé et nous nous sommes abstenus sur l'autre amendement du Gouvernement.

Je ne comprends pas pourquoi M. About a retiré son amendement qui repousse l'échéance de 67 ans à 2029, comme l'ont fait les Allemands. Son argumentation était excellente : comment l'UMP peut-elle ne pas le voter ? (Applaudissements à gauche)

Mme Christiane Demontès.  - Lors de la discussion générale, je reprochais à ce projet de loi d'être brutal dans son application. Tous les autres pays ont prévu une mise en place sur une période plus longue. Cet amendement permettrait de laisser un peu de temps au temps.

M. Guy Fischer.  - Cet amendement, c'est la recherche du moindre mal.

M. Nicolas About.  - D'abord, ne pas nuire ! (Sourires)

M. Guy Fischer.  - Les modifications ne peuvent porter qu'à la marge. M. Longuet a dit ce matin que tout était bouclé. Cet amendement centriste permet de retarder quelque peu le passage de 65 à 67 ans. Avoir 60 ans en 2010, ce n'est pas la même chose qu'avoir cet âge en 2025 : la durée d'études supérieures n'est plus du tout la même ! La question du rachat d'études coûte très cher et touche très peu de personnes.

On pourrait imaginer une participation dans les droits d'inscription universitaires faisant de l'étudiant un travailleur en formation.

Nous ne pourrons voter cet amendement qui ne fait que mettre un peu de pommade sur la plaie.

M. David Assouline.  - Il faut mettre un terme à certains faux procès. Ainsi, le rapport du FMI n'est pas imputable à son directeur, et quand on cite un rapport, il faut le citer jusqu'au bout !

Pourquoi une application aussi brutale, sans négociation, dans la précipitation ? Je suis têtu : le ministre ne m'a toujours pas à quoi correspondent les 15 milliards de la « contribution de l'État ». C'est que vous cachez quelque chose aux Français. (Applaudissements à gauche)

M. Nicolas About.  - Le président Fischer m'a mis à nu. (Sourires) Mon premier réflexe, sans doute médical, est d'abord de ne pas nuire. (Nouveaux sourires) Le Gouvernement a accepté notre amendement sur les enfants handicapés majeurs. La mesure visée ici n'entre en vigueur qu'en 2017 ; si d'ici là apparaissent des distorsions, nous pourrons y revenir. (Exclamations à gauche)

Ayant obtenu satisfaction, nous avons retiré ces amendements de repli. Je ne les voterai pas. (Applaudissements à droite et au centre ; exclamations à gauche)

M. Yves Daudigny.  - Le Gouvernement va au bout du rouleau de l'injustice. Les bons petits soldats de la réduction des déficits, les Français les plus modestes, apporteront 20 milliards. Les plus fortunés, 230 millions !

Comment accepter que 85 % des efforts pour combler un déficit largement dû à la crise soient supportés par les salariés ? Vous divisez les Français, une fois de plus. Cette réforme, c'est la Rolex à 50 ans, la retraite à 62 ans, le couperet à 67 ans ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

L'amendement n°575 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°592 rectifié ter.

Mme Michelle Demessine.  - Les travailleurs handicapés devront avoir cotisé au moins 26 ans pour bénéficier de leur retraite. L'allongement de deux ans sera particulièrement cruel pour ces salariés qui n'ont pas voulu peser sur la société. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°37 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n° 38.

Mme Odette Terrade.  - Les aidants familiaux, estimés à 300 000, viennent en aide aux personnes âgées ou handicapées. Ce sont souvent des femmes qui ont interrompu leur carrière pour s'occuper d'un proche. Elles doivent bénéficier d'une sécurisation sociale adaptée.

Cet amendement nous paraît suffisamment important pour justifier un vote par scrutin public.

Mme Christiane Demontès.  - Nous voterons cet amendement, qui vise essentiellement les femmes, qui sont le pilier de la solidarité dans notre pays. Elles font des enfants...

M. Christian Cointat.  - Pas toutes seules ! (Rires à droite)

Mme Christiane Demontès.  - ...et les élèvent, elles s'occupent de leurs vieux parents et elles s'occupent aussi de ceux de leur conjoint. (Exclamations à droite) Pour elles, comme pour les quelques hommes concernés, il faut voter cet amendement.

M. Gilbert Barbier.  - Notre amendement n°248 rectifié vise également les aidants familiaux pour lesquels la décote pose problème. Je souhaite le transformer en sous-amendement à l'amendement n°38 pour renvoyer les modalités d'application à un décret en Conseil d'État.

M. Guy Fischer.  - Nous anticipons la future loi sur la dépendance. Le secteur de l'aide à la personne est un gisement d'emplois majeur : il faut y penser. Les associations sont de plus en plus asphyxiées !

M. Nicolas About.  - Cet amendement, modifié par M. Barbier, correspond à notre position sur les parents d'enfants handicapés. Il faut reconnaître l'implication des membres de la famille. Je voterai l'amendement sous-amendé.

M. le président.  - Quelle est la position de la commission sur ce sous-amendement n°1201, qui se lit ainsi :

Sous-amendement n°1201 à l'amendement n° 38 de M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG, présenté par M. Barbier.

Alinéa 3 de l'amendement n°38

Compléter cet alinéa par les mots

dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Je maintiens la sagesse.

M. Éric Woerth, ministre.  - Je n'ai pas d'éléments chiffrés. Le sujet relève plutôt de la dépendance ; néanmoins, sagesse.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Je plaide pour l'amendement n°38, éventuellement sous-amendé. Le Gouvernement nous a tant vendu le vieillissement de la population qu'il faut en tirer les conséquences ! Il y a des institutions privées -dans ma région, on place les aînés en Belgique !- mais elles ne sont pas à la portée de toutes les bourses.

Aux accompagnants, on demande de l'empathie, des compétences sanitaires, qui touchent à l'intime. Leur tâche est ingrate, pénible. Cet amendement est tout à fait fondé. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Le sous-amendement n°1201 est adopté.

M. le président.  - Je me réjouis de cette unanimité.

L'amendement n°38, sous-amendé, est adopté.

(Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°285.

M. Jacky Le Menn.  - Pourquoi renvoyer au décret ? Nous connaissons ces handicapés qui cherchent du travail et dont la carrière est en dentelle. Ils souffrent de discrimination et doivent être protégés. Pour ces personnes, c'est la galère ! Nous ne sommes pas ici dans le compassionnel ! Les élus de base connaissent ces problèmes : c'est sûrement le cas du maire de Neuilly-sur-Seine et de celui de Chantilly... En effet, comme les personnes handicapées sont moins rentables, les entreprises préfèrent de pas les embaucher.

Leurs revenus ne sont pas ceux des conseillers ministériels ! Et on leur demanderait de travailler jusqu'à 67 ans ? C'est inhumain ! Pourquoi renvoyer encore au décret ?

M. Nicolas About.  - Il y a toujours un décret.

M. Jacky Le Menn.  - Il faut que les travailleurs aient une retraite sans décote à 65 ans ! (Applaudissements à gauche)

Après un vote à main levée déclarée douteux, l'amendement n°285, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

(Applaudissements à gauche)

L'amendement n°307 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos766 et 818.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'article 6, sur lequel je suis saisi d'une demande de scrutin public par le groupe CRC-SPG.

M. Guy Fischer.  - Cet article porte la retraite sans décote de 65 à 67 ans, mais les autres paramètres restent inchangés. C'est un pas de plus vers l'érosion des droits sociaux. Les idées libérales sont votre totem, dans votre vie politique comme dans votre carrière privée. Avec vous, les riches sont plus riches, les pauvres plus pauvres. Le président actuel restera dans l'histoire comme celui des riches, votre gouvernement comme celui d'une politique de classe, sécuritaire et xénophobe.

Selon vous, nous serions pour l'immobilisme car nous défendons les travailleurs. Nous souhaitons simplement que les travailleurs puissent profiter un peu, eux aussi, des gains de productivité !

Nous ne sommes pas pour l'immobilisme mais nous avons une autre vision de la vie : l'argent n'est pas le but de la vie ; le travail est un moyen de gagner sa vie. Les Français aspirent à vivre dignement. Il n'y a pas de honte à vouloir se reposer après quarante ans de travail ! Travailler plus pour gagner plus ? C'est une promesse doublement trahie ! Le travail devient une machine à broyer les salariés, le chômage est systémique. Pourquoi ? Pour les profits boursiers !

Les salaires sont trop bas, bloqués depuis des années pour que le capitalisme engrange encore plus de profits ! Taxer le travail plutôt que le capital, c'est votre seule réponse. Attention à la casse sociale ! Pensez-vous que les entreprises vont soudain se mettre à embaucher seniors et jeunes ? Non !

Nous voterons contre cet article. (Applaudissements à gauche)

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

Mme Christiane Demontès.  - La droite remet en cause, sans le dire, le modèle social français : un peu de franchise médicale par ci, un peu de travail le dimanche par là, coupes budgétaires et maintenant, la réforme des retraites... qui ne corrigera rien ! L'article 6 atteint des sommets dans l'injustice. Les sacrifices sont acceptables quand ils sont équitables !

Vous allez pénaliser les plus faibles, qui ont eu des carrières hachées. Les seniors sont de plus en plus nombreux et leur taux de chômage augmente, n'en déplaise à M. Wauquiez ! Les femmes sont singulièrement touchées : elles sont plus nombreuses à devoir attendre 65 ans et à toucher une pension inférieure à 900 euros par mois.

L'insertion professionnelle des jeunes est de plus en plus difficile, y compris pour les jeunes diplômés. Ils restent de plus en plus longtemps au chômage. Les générations nées dans les années 70 commencent à cotiser à 21 ans en moyenne : ils seront mécaniquement plus nombreux à devoir attendre 67 ans. Nous ne pouvons cautionner cette injustice. (Applaudissements à gauche)

Mme Raymonde Le Texier.  - Repousser l'âge du taux plein à 67 ans, c'est s'attaquer aux plus faibles, aux plus pauvres. Dans quel monde vivons-nous ? Jack Ralite et Pierre Mauroy nous ont parlé de ce monde ouvrier, de ces gens qui n'ont pas ménagé leur peine et qui ne pouvaient plus « arquer » au terme d'une vie de travail. Ce sont nos parents, nos grands-parents ! Pour eux, la retraite en bonne santé est un luxe. Quelle est l'espérance de vie de ceux qui ont dû lutter chaque jour pour ne pas sombrer ?

Les femmes seront les premières victimes de cette réforme, une injustice de plus... Ces hommes et ces femmes vivent de leur travail, pas de leurs rentes !

Quant aux jeunes, je doute qu'ils soient rassurés par cet article, qui érige l'injustice en mode de gouvernement. (Applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Pasquet.  - En 2006, la majorité, multipliant les manoeuvres procédurales (exclamations à droite), avait adopté ; au terme d'un marathon législatif ininterrompu ; le CPE. On sait ce qu'il en advînt.

L'adoption de ces articles 5 et 6 ne suffit pas pour avoir partie gagnée. Il reste 900 amendements à examiner ; croyez bien que nous irons au fond des choses. Le mouvement social gagne en ampleur, qui trouve sa source dans l'unité syndicale et la détermination des salariés. (L'oratrice, prise d'une quinte de toux, doit s'interrompre)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'épilogue n'est pas écrit. Nous voterons sans hésitation contre cet article. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Christine Blandin.  - Il faut une réforme juste, efficace, durable. Ce n'est pas la vôtre, qui oublie tant de Français et pénalise tout particulièrement les femmes.

Non contents d'avoir fragilisé l'emploi, d'avoir protégé ceux qui s'enrichissent sans travailler, vous prétendez aujourd'hui défendre la répartition avec un montage financier qui épargne le capital. Aux autres, les miettes. On pourrait penser que ce gouvernement de droite est au moins un bon gestionnaire. Au contraire, il pille le FRR, laisse les collectivités locales face à des situations insolubles. Votre réforme est construite sur les hypothèses fausses, une croissance surévaluée.

Le détricotage des acquis sociaux va de pair avec la floraison des assurances privées. Vous auriez pu prendre de la hauteur, vous interroger sur la réalité du travail, trouver les ressources dans le fruit du travail, dont sont spoliés les salariés. Mais vous ne pouviez décevoir vos amis : les autres, les petits, les défavorisés, paieront.

Nous voterons contre l'article 6, avec toute l'indignation des écologistes. (Applaudissements à gauche)

Mme Claire-Lise Campion.  - La corrélation entre le report de l'âge légal et l'âge de la retraite sans décote ne va pas de soi. La situation de nos concitoyens n'est pas la même, la possibilité de trouver du travail n'est pas la même à 63 ou à 67 ans !

Les femmes, qui sont déjà victimes d'inégalités criantes, seront gravement pénalisées. Votre projet va affecter tous ceux qui ont dû interrompre leur activité pour s'occuper d'enfants ou de parents âgés. Ces choix sont le plus souvent subis. Vous refusez de voir la réalité. Votre projet est injuste. Ce ne sont pas les amendements de dernière minute du Gouvernement qui tromperont les Français ! Supprimons cet article néfaste ! (Applaudissements à gauche)

Mme Samia Ghali.  - A Marseille, les conflits sociaux se multiplient : un tiers de la population y vit sous le seuil de pauvreté. Dans nos permanences, nous voyons des gens qui souffrent.

Vous faites souffrir la France, monsieur le ministre ! Il faut que cela cesse. Tout le monde a droit au bonheur, au plaisir de s'occuper de ses petits-enfants, d'aider ses enfants.

En ôtant tout espoir aux jeunes, vous les renvoyez dans l'économie parallèle. C'est un danger. Quand le Président de la République rassurera-t-il les Français ? Ils ont besoin de preuves d'amour.

Nous voterons contre cet article, pour ceux qui manifesteront demain comme pour ceux qui ne peuvent se permettre de faire grève, mais qui soutiennent notre combat.

Monsieur Woerth, la France d'en bas souffre : écoutez-là ! (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Angels.  - Ce texte lèse davantage ceux qui n'ont pas cumulé assez de trimestres. Les plus fragiles sont les plus exposés aux aléas de la vie. Avec cet article, vous aggravez leur sort.

Vous n'avez qu'un but : ne pas augmenter les dépenses sans prendre en compte la réalité humaine. Notre projet garantit le niveau des pensions pour permettre à chacun de vivre dignement ; pour cela, il recourt à de nouvelles recettes : une hausse des cotisations et un élargissement de l'assiette pour faire participer le capital. Cela procurerait 35 milliards, seul moyen d'éviter la régression sociale à laquelle conduit cette réforme.

M. Jean-Pierre Bel.  - Cet article est le coeur de ce projet de loi. Mais une autre réforme était possible.

Des parlementaires de la majorité estiment que les 62 ans se justifient mais non les 67 ans. Mais vous êtes jusqu'au-boutistes. Votre seule concession, c'était un amendement rideau de fumée. Mais les Français ont bien compris ce que vous faites : regardez les sondages, ils refusent votre réforme et sont de plus en plus nombreux à vous le dire.

Il aurait pourtant été possible de réformer les retraites autrement. Regardez ce qu'a fait la Finlande où le taux d'emploi des seniors a été augmenté de 15 % en quinze ans. Ce n'est pas vraiment ce qui se passe en France ! Nous proposons d'accompagner les seniors, dès 45 ans, de généraliser le tutorat, d'organiser les départs progressifs.

Il y a quelques jours, vous avez dit à Pierre Mauroy qu'il était un homme du passé. C'est vous qui êtes des hommes du passif, comme aurait dit François Mitterrand ! (Applaudissements à gauche)

M. Didier Guillaume.  - Demain, il y aura beaucoup de monde dans les rues, une fois de plus. Il y aura bien sûr des batailles de chiffres, dérisoires. A partir du moment où vous refusez d'entendre les organisations syndicales, où vous boudez le dialogue social, les Français vont aller dans la rue pour vous dire que vous favorisez toujours les plus aisés au détriment des autres.

Cette réforme est injuste et elle n'est pas financée. C'est un trompe-l'oeil pour rassurer une toute petite partie des Français en ponctionnant tous les autres. Nous avons trop de chômeurs pauvres, vous voulez en faire des retraités pauvres. Au lieu de leur proposer emploi ou formation, vous les montrez du doigt !

Notre projet est cohérent : il porte sur les salaires mais aussi sur le capital. L'effort doit être réparti justement. Si nous insistons tant, c'est que nous vivons auprès des salariés.

M. Adrien Gouteyron.  - Pas nous ?

M. Didier Guillaume.  - Votre réforme montre que vous ne les connaissez pas. A moins que vous ne pensiez qu'il n'aurait pas fallu toucher aux 65 ans mais que vous n'osiez pas le dire !

C'est votre choix, mais c'est une posture idéologique. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Daudigny.  - Cet article serait une conséquence logique de l'article 5. Plus deux égale plus deux...

L'étude d'impact consacrée à l'article 6 est frappante. Outre l'économie attendue, le report de deux ans inciterait les entreprises à garder leurs seniors. Rien n'est moins sûr ! 57 % des personnes qui liquident leur pension à 65 ans sont sans emploi et ce sont notamment des femmes. Et vous leur imposeriez deux ans de plus ? Après toutes ces années de chômage ?

Il est inadmissible de prétendre que les carrières des femmes s'améliorent. Ce sont celles des hommes qui empirent ! La réduction de quatre trimestres à laquelle vous avez procédé l'an dernier n'a rien arrangé ! (M. le ministre le conteste)

Cette réforme conduira enfin à un report de 440 à 530 millions de l'assurance vieillesse vers l'assurance chômage, sans compter les reports vers l'assurance maladie ou les conseils généraux. Nous voterons contre cet article, contre ce projet ! (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Laborde.  - La majorité des membres du RDSE votera contre cet article. Nous regrettons ce report d'âge. Nous regrettons qu'un plan de lutte contre le chômage des seniors ne nous ait pas été présenté. Les femmes seront les grandes perdantes de cette mesure, et ce n'est pas l'amendement du Gouvernement qui y changera grand-chose, tant les conditions posées seront difficiles à réunir.

Cet article 6 crée une grande injustice à l'égard des ouvriers, des salariés ayant eu des carrières longues ou incomplètes, des précaires, des femmes. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Chastan.  - Cet article est sans doute le plus injuste. On sait qui seront les plus touchés : ceux qui ont eu des carrières hachées, qui ont enchaîné des petits boulots, les femmes. Les chiffres sont connus mais le Gouvernement et la majorité ne les entendent pas. Les inégalités subies par les femmes ne sont pas, ne sont plus supportables. Renoncez donc à cet article !

Les jeunes aussi seront touchés par cette mesure, puisqu'ils entrent dans la vie active de plus en plus tard, ou accumulent stages, petits boulots ou CDD. Que message leur envoyez-vous ? Et à ceux qui ont des métiers pénibles, vous les laissez partir à 60 ans... s'ils sont déjà invalides.

Ce sont les retraites les plus faibles, les plus précaires qui sont visées. Nous n'avons décidément pas la même définition des mots justice et solidarité. Je ne voterai pas cet article. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Ceux qui n'auront pas suffisamment de trimestres devront attendre 67 ans pour éviter la décote. Quelle régression ! Quel cynisme ! Nombre de nos concitoyens seront morts avant de toucher la moindre retraite ! Vous êtes avant tout un comptable et un trésorier, monsieur le ministre ; les chiffres, vous connaissez !

Deux années au-delà de 65 ans, c'est énorme ; l'espérance de vie en bonne santé ne s'allonge plus. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat le confirme) Le droit à la retraite est un droit fondamental, les hommes ne sont pas sur terre que pour travailler. Les richesses produites dans notre pays sont suffisantes pour payer les retraites, tout est affaire de répartition. Vous proposez une législation de classe : exclusion, paupérisation des classes moyennes... mais tout pour les marchés et les plus riches. Les victimes seront légion -nombre d'entre elles seront mortes à 67 ans. Parmi les personnes qui liquident leur pension à 65 ans, 87 % le font parce qu'elles sont obligées d'aller jusque-là. Je ne voterai pas cet article. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Marc Daunis.  - L'article 6 cristallise le pire de votre réforme. Vous avez choisi la stratégie du blocage. Nous aurions presque des élans compassionnels pour le groupe de l'Union centriste ! Pourquoi, malgré vos mesurettes, cette réforme suscite-t-elle un tel rejet populaire ? Près des deux tiers de nos concitoyens souhaitent une radicalisation du mouvement. C'est très grave, et vous en portez la responsabilité.

La brutalité, l'inefficacité de cette réforme ne sont plus à démontrer. Vous nous avez dit que nous n'avions pas de projet. C'est faux et vous le savez bien, les Français le savent aussi, ils ont vu clair dans votre jeu. Ils sont prêts à faire des efforts, mais justement partagés.

En refusant, à longueur de débat, de mettre à contribution les revenus du capital, vous avez pris le risque de l'injustice. Dans une économie mondialisée, la frénésie du profit est devenue la règle. (Exclamations à droite où l'on s'impatiente) Si nous défaisons notre tissu social, nous ne sortirons pas de la crise avec un pays en bonne santé mais avec un pays affaibli. (Applaudissements à gauche)

M. François Patriat.  - Cette réforme est injuste et inégalitaire, on l'a dit. Le Gouvernement se pare de la vertu du courage. Or, le courage c'est de dire la vérité, non d'apporter des réponses idéologiques sans se soucier de leurs conséquences. Est-ce courageux de sauver les banques avec l'argent des contribuables ? De fermer le marché du travail en subventionnant les heures supplémentaires ? D'étendre le travail du dimanche, d'étrangler les collectivités ? De faire une révolution fiscale à rebours en favorisant la rente d'un côté et en supprimant de l'autre la demi-part des parents isolés ? D'aggraver les inégalités là où il aurait fallu rassurer les Français et leur offrir des perspectives pour leurs retraites ? D'autres réforme sont à venir, plus injustes encore, n'en doutons pas.

C'est pourquoi les Français, les jeunes se mobilisent contre cette réforme idéologique qui n'est pas placée sous le signe du courage mais sous ceux de l'injustice et du mensonge. (Applaudissements à gauche)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Comment concilier recul de l'âge de la retraite et emploi des seniors ? Comment accepter une réforme des retraites sans politique de l'emploi ? De plus en plus de salariés ont une carrière hachée ; vous voulez les faire travailler jusqu'à 67 ans. « La vie, la santé, l'avenir sont précaires : pourquoi l'emploi devrait y échapper ? » a dit Mme Parisot. Et maintenant, ce serait le tour des retraites ? « Entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » ; or votre loi va développer la précarité chez nos anciens. Les financements existent, qui permettent une réforme sans repousser l'âge de départ à la retraite. (Applaudissements à gauche)

M. Robert Navarro.  - Je voterai contre cet article. J'ai la prétention de penser que cela va me grandir aux yeux de mes concitoyens. Monsieur le ministre, est-ce par calcul, par idéologie, les deux peut-être, que vous refusez d'entendre ce que dit le peuple ? Avez-vous mesuré la désespérance de nos concitoyens, le risque que vous faites prendre à la République et au pays ? J'espère que la sagesse de notre peuple vous éclairera.

Quand on vous écoute, monsieur le ministre, on a l'impression que la vie de salarié, c'est le paradis. C'est peut être vrai pour certains de vos administrés de Chantilly (exclamations à droite) mais c'est faux au regard de l'explosion du nombre de maladies professionnelles ou des suicides qui se multiplient au travail.

Le débat et l'expression des élus vous gênent. Écoutez ce que les Français ont à vous dire, qui sont las des injustices, qui refusent de ramper jusqu'à la vieillesse. La limite des 65 ans doit être maintenue. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Odette Terrade.  - Pour justifier ces allongements, vous invoquez les exemples étrangers, mais vos comparaisons sont biaisées. La Belgique, le Canada et le Japon ont fixé la retraite à 60 ans ; l'Allemagne et les États-Unis demandent trente cinq années de cotisations. Votre réforme est la plus dure de celles présentées en Europe. Les Suédois ont étalé leur réforme sur quatorze ans. Nous en sommes loin, la réforme du Gouvernement cumule allongement de la durée de cotisation, recul de l'âge et diminution des pensions. Le niveau des pensions en France est inférieur à la moyenne des pays de l'OCDE.

M. Éric Woerth, ministre.  - Ce que vous dites est inexact !

Mme Odette Terrade.  - Les femmes seront les grandes perdantes de votre réforme. Dans cette affaire, seuls les salariés devront faire des efforts alors que le capital s'en sortira indemne. Vous faites payer la crise par le peuple. C'est une honte. !

Nous vivons mieux et plus longtemps. Vous transformez cette bonne nouvelle en regret... Vous voulez que nos concitoyens travaillent plus, toujours plus. Il faudrait à tout prix consacrer au travail l'allongement de la durée de vie ! Le débat n'est pas clos, loin de là. Nous voterons contre cet article ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nos concitoyens veulent une réforme juste. C'est pour cela qu'ils manifestent et qu'ils sont en colère. Vous avez montré le cas que vous faisiez de la justice en matière de financement : les salariés paieront. Vous faites fi de la situation vécue par nos concitoyens. Vous parlez à l'envi de déficit, de crise, de démographie mais jamais des vrais gens, comme on dit, ceux qui se lèvent tôt, qui ont des métiers pénibles, ceux qu'on rejettent du marché du travail bien avant 60 ans, les femmes qui subissent le temps partiel, les précaires.

M. Didier Guillaume.  - C'est la réalité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Mais vous vous faites les défenseurs zélés de l'ultralibéralisme et du programme du Medef. Mme Parisot vous a d'ailleurs félicités. Mais lui avez-vous demandé pourquoi le patronat n'embauche plus les salariés au-delà de 50 ans ? Pourquoi ils licencient les seniors ?

Vous n'écoutez pas le peuple ; les aménagements que vous avez proposés au Sénat, ce n'était pas grand-chose...

Autre question : avec mon groupe, j'ai déposé un amendement, rejeté par la commission des finances, sur le versement de la pension de réversion pour les couples pacsés. M. Sarkozy avait dit qu'il était favorable à l'union civile homosexuelle, ajoutant même que celle-ci devait entraîner une égalité fiscale, sociale et patrimoniale totale avec les couples mariés -jusqu'au droit à la pension de réversion. (On s'impatiente à droite)

Mme la présidente.  - Il faut conclure !

Qu'en est-il, monsieur le ministre ? (Applaudissements à gauche)

Mme Jacqueline Gourault.  - Depuis que cette réforme est engagée, le centre, indépendant, libre de voter les bonnes réformes et de refuser celles qui sont injustes, a attiré l'attention sur trois points : les 67 ans, la pénibilité, la retraite par points. Nous avons voté à l'unanimité le passage de 60 à 62 ans, mais les retraites ne seront pas financées au niveau actuel : il faudra y revenir.

Je regrette le changement de calendrier incessant, les demandes de priorité, qui empêchent la discussion de fond. Nous étions plusieurs à vouloir cette discussion sur les 67 ans ; elle n'a pas eu lieu. Le Gouvernement a fait des concessions, mais sans jamais évaluer le coût d'un maintien à 65 ans.

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Il fallait assister au débat !

Mme Jacqueline Gourault.  - Comment pouvez-vous ignorer les parlementaires, les syndicats, la CFDT, qui vous offraient un boulevard il y a huit jours ? On aime beaucoup le centre, en France -le Gouvernement n'est sans doute pas étranger à la multiplication des centres ; il doit donc parler avec tous les centres ! (Applaudissements sur quelques bancs socialistes)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - La commission devait se réunir une heure à 19 heures 30 : nous n'en aurons manifestement pas le temps. Nous nous réunirons deux heures demain soir. Il y aura des sandwiches !

Mme la présidente.  - Il est 20 heures, il reste sept intervenants. Je vous propose d'en terminer avec l'article 6 avant de suspendre la séance. Qu'en pensent les présidents de groupes ?

M. Gérard Longuet.  - Le groupe UMP y est favorable.

M. Hervé Maurey.  - Le groupe UC également. (Mme Françoise Laborde signifie que le groupe RDSE également)

M. Jean-Pierre Bel.  - Une suspension aurait permis de reprendre les débats avec plus de sérénité...

M. Éric Woerth, ministre.  - Ce sont des explications de vote !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pourquoi tant de fébrilité ? Je suis pour une suspension.

Mme la présidente.  - Nous pourrions conclure autour de 21 heures.

Mme Gisèle Printz.  - Je ne voterai pas cet article 6. Les femmes en seront les premières victimes. Monsieur le ministre, avez-vous peur des femmes ? (Rires à droite) De quoi voulez-vous les punir ? Elles sont pourtant essentielles et irremplaçables ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gérard Longuet.  - C'est vrai !

M. Jean-Louis Carrère.  - La droite est décomplexée. Tout ce qui vous résiste, vous dérange, vous le massacrez : l'éducation, la justice, la gendarmerie ; vous répondez mal aux catastrophes naturelles ; vous avez mis à mal les collectivités locales. Maintenant, les retraites, le pilier essentiel du pacte social. A quand le tour de la sécurité sociale ? Vous laissez filer les déficits. Pourquoi ? Ne songerait-on pas à la privatisation ?

M. Guy Fischer.  - Mais oui !

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous auriez pu débattre avec nous mais vous voulez passer en force. Pour vous, il n'y a qu'une seule réforme, celle des variables d'âges. Et vous vous dites adeptes de la répartition ! Il aurait fallu que votre réforme soit financée ! Les propositions du parti socialiste -dont je vais vous remettre un exemplaire- sont claires : taxation du capital, augmentation étalée dans le temps de cotisations patronales et salariales, réforme des structures, notamment l'emploi des seniors. Vous n'avez pas voulu nous entendre. Vous obéissez à votre chef qui veut une victoire idéologique, mais à quel prix !

Je pense aux millions de Français qui attendent autre chose qu'une vengeance, qu'une régression. Je pense à mes enfants, à mes petits-enfants, et je suis déterminé plus que jamais à m'opposer à ce texte scélérat ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Il y a deux conceptions de la société : le clivage est le même qu'en 1936 sur les congés payés et sur les 40 heures ! Mme Parisot s'impatiente... (M. Dominique Leclerc, rapporteur, s'exclame) Il ne fera pas bon être peu qualifié et entrer sur le marché du travail à 16 ou 17 ans, ou avoir un parcours chaotique : tous ceux-là seront les victimes de votre projet.

L'article premier A du projet de loi invoque la répartition : pur affichage ! Pourtant, notre République avait les moyens d'imaginer une solution qui préserve les acquis du CNR. Vous avez voulu expédier le débat, sur les injonctions de M. Sarkozy et de Mme Parisot. Vous n'avez guère rassuré les Français. Tant que nous pourrons nous exprimer, nous combattrons ce projet inique, qui va à contre-courant de l'Histoire et qui ne garantit pas l'avenir. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Paul Virapoullé.  - L'opposition veut culpabiliser la majorité : je vous ai écouté religieusement depuis ce matin. Nous ne plaidons pas coupables mais responsables !

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous êtes décomplexé !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Responsables de rétablir l'équilibre financier du système, responsables aussi de vouloir réduire les inégalités salariales entre hommes et femmes, de faire verser la pension dès le 1er du mois. Les coupables, ce sont ceux qui poussent les lycéens à manifester ! (Applaudissements à droite) Deux jeunes lycéennes ont été grièvement brûlées...

M. Jean-Louis Carrère.  - Surtout, n'allez pas manifester !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Je suis un ancien syndicaliste agricole.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous l'oubliez !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Ces deux jeunes filles, qui vont porter ces traces dans leur chair...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Récupération !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Elles verront que les gouvernements de gauche ne toucheront pas à cette loi, comme nous n'avons pas touché à la CSG.

Réforme scélérate ? Le député communiste Guy Ducoloné qualifiait, en 1991, la CSG de « décadente et répugnante » ! Tout ce qui est excessif est insignifiant ! (Exclamations à gauche)

Nous avons, nous, le courage de faire cette réforme auquel aucun gouvernement ne touchera ! (Applaudissements prolongés à droite)

Mme Michèle André.  - Je parle au nom de la Délégation aux droits des femmes, qui a adopté neuf recommandations. La troisième demande des études d'impact. Mme Zimmermann, mon homologue à l'Assemblée nationale, avait demandé que le projet de loi fasse une place à part aux femmes.

Mme Grésy, du COR, lui a répondu que rien n'obligeait d'aligner recul de l'âge légal et recul de l'âge de la retraite à taux plein et proposait de rester à 65 ans pour tous ceux qui sont éligibles au minimum contributif.

Je ne comprends pas par quel calcul vous arrivez à l'estimation de 3,5 milliards, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Bariza Khiari.  - Monsieur Virapoullé, vous n'avez pas le droit de nous accuser de pousser les jeunes à manifester. Vous craignez la jonction entre la jeunesse et le mouvement social.

M. Marc Daunis.  - C'est exact.

Mme Bariza Khiari.  - Est-ce nous qui proposons une réforme si impopulaire ?

Retirez votre projet et il n'y aura pas de manifestations ! (Exclamations amusées à droite) Vous y viendrez par choix ou par nécessité !

La droite est décomplexée, elle brise les tabous : vous supprimez un acquis social majeur, sans mesurer les galères que cela implique pour nos concitoyens. Vous démantelez notre vivre-ensemble.

Les femmes sont déjà pénalisées et devraient patienter jusqu'à 67 ans ? Quelle injustice ! Vous découvrez l'inégalité salariale et voulez faire une loi, encore une, mais cela ne suffira pas. Vous rajoutez de l'injustice à l'injustice. Nous voterons contre cet article, contre la vie de galère que vous proposez aux Français, dominés par les lois du grand casino mondial. Vous avez accusé Pierre Mauroy d'être nostalgique.

M. Éric Woerth, ministre.  - Mais non ! J'ai dit qu'on ne gouvernait pas avec la nostalgie !

Mme Bariza Khiari.  - Il voulait changer la vie, celle des ouvriers d'abord, pour leur donner un espoir de vie. Nous sommes ses héritiers et nous ne renonçons pas à changer la vie. Alors votre réforme, c'est non, dix mille fois non ! (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je ne comprends pas que vous ne compreniez pas à quel point cette mesure est profondément rejetée. Mme Panis disait à France Inter qu'elle était déçue. C'est évident ! Il y a quelques mois, je ne pensais pas que vous proposeriez 67 ans. Je vois bien que vous êtes gênés ! (Exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - Arrêtez !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cette réforme est injuste. Les bénéficiaires du bouclier fiscal contribueront à hauteur de 500 à 700 euros par an : c'est dérisoire. Si on doublait ou triplait cette contribution, ce qui ne les gênerait nullement, il ne serait plus besoin de passer à 67 ans ! D'autres choix existent, chacun le sait !

Il y a des métiers pénibles ; cela doit ouvrir des droits. Il est impossible de rester jusqu'à 67 ans dans certains emplois. Dans le Pas-de-Calais, où je suis né, dans le Nord, où j'ai vécu, dans le Loiret, où je suis élu, ils sont nombreux à le refuser. Je ne vais pas faire de la récupération, comme M. Virapoullé (protestations à droite), mais dire ce qui se passe. Vos manoeuvres procédurales n'auront pas suffi à vous permettre d'annoncer le vote des 67 ans durant le journal de 20 heures ; votre cynisme est intolérable ! Vous vouliez décourager les manifestants. Ceux qui iront manifester demain ne tolèrent pas ce mépris ! (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline.  - M. Virapoullé théâtralise. Si nous mettons autant de conviction dans ce débat, c'est que les choses sont sérieuses. Nous voulons réformer notre système. La retraite, c'est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas. Nous voulions croire qu'il peut y avoir un débat ici, au Sénat, comme il y aurait dû en avoir à l'Assemblée nationale, comme avec les syndicats, qui ne demandaient qu'à négocier ! Il manque 45 milliards ; nous étions prêts à chercher ensemble, sans a priori, des solutions justes. Votre système repose sur les salariés ; aujourd'hui, le capital ne cesse de grossir au détriment des salaires.

C'est ce capital que nous voulons toucher, pas les PME, pas les titulaires d'un livret A, mais les stock-options, les retraites chapeau, les salaires différés. Mais vous ne voulez pas toucher à ceux qui financent votre parti ! (Exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - Que racontez-vous ? N'importe quoi !

M. David Assouline.  - Vous n'avez trouvé que 20 milliards : il en manque 25 ! Vous mettez le système en danger. Avec notre projet, les 45 milliards sont là !

M. Christian Cambon.  - Qui veut gagner des millions ?

M. David Assouline.  - Vous n'avez fait que de la communication ! Pourquoi examiner les articles 5 et 6 avant l'article premier, sinon pour manipuler les manifestants ? Nous serons là, jour et nuit, pour lutter contre ces manoeuvres ! (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - On connaît les inégalités chroniques dont sont victimes les femmes, qui affectent leur retraite. Cet article risque de fragiliser encore leur situation. Si j'approuve le passage à 62 ans, je regrette que le maintien des 65 ans pour certaines femmes soit aussi restreint.

Je m'abstiendrai donc sur cet article.

M. Hervé Maurey.  - La majorité de l'Union centriste votera cet article 6, non de gaité de coeur mais parce qu'il n'y a pas d'autre choix. Nous avons obtenu des avancées : meilleure prise en compte des parents ayant élevé des enfants handicapés, des mères de trois enfants. Certains amendements ont été adoptés à l'unanimité. Les centristes ont joué leur rôle ! J'espère qu'ils seront entendus aussi sur la suppression du bouclier fiscal et de l'ISF ! (Applaudissements sur certains bancs UMP)

Il faut être responsable, comme l'ont été la plupart des pays européens.

Nous souhaitons que soit mieux prise en compte la pénibilité, qui n'est pas l'invalidité ; nous voulons que l'on s'oriente vers une retraite par point, plus équitable et souple.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Bonjour les dégâts !

M. Hervé Maurey.  - Je regrette que l'opposition ait fait preuve d'une telle démagogie. (Applaudissements à droite) J'ai été effaré d'entendre des responsables socialistes assurer qu'ils reviendraient à la retraite à 60 ans : c'est se moquer de nos concitoyens ! (Protestations à gauche tandis qu'on applaudit à droite) La seule chose qu'ils ont su faire, c'est un Livre blanc ; agir, c'est mieux !

Si ce n'est pas de l'obstruction ! En une semaine, nous avons voté deux articles ! (Applaudissements à droite)

Nous voterons l'article 6.

M. Jean Desessard.  - Je n'aurai pas mon brio habituel, je suis accablé. Nous aussi, monsieur Maurey, nous sommes contre le bouclier fiscal, mais vous l'avez voté ! (Applaudissements à gauche) Pas nous ! J'espère que demain, vous ne regretterez pas d'avoir voté cette réforme ; nous, c'est ce soir que nous ne la voterons pas.

Monsieur Virapoullé, entendez-vous, à La Réunion, la souffrance des gens qui en ont marre ? Croyez-vous qu'ils vont accepter de subir, subir encore quand les banques font des profits, que les patrons s'enrichissent ?

S'il y a des débordements, ce sera d'abord la faute de la précarité, mais ce sera aussi la vôtre ! (On le conteste à droite)

Pourquoi avoir refusé le référendum ? (Exclamations sur les mêmes bancs) Vous parlez d'obstruction mais vous avez recouru au scrutin public pour repousser l'amendement de Mme Panis, de l'UMP. C'est impensable de verrouiller à ce point le débat !

M. Alain Gournac.  - Ce n'est pas vrai !

M. Jean Desessard. - Le Parlement ne joue pas son rôle quand tout est bloqué par l'Élysée !

On a l'impression que c'est la droite qui défend les acquis sociaux ! (Exclamations à gauche) Alors que c'est la gauche et la mobilisation populaire qui les ont arrachées toujours. Au XXIe siècle, on en est encore là : il faut faire la grève pour obtenir quelque chose !

On nous dit que les jeunes payent les retraites des aînés. Qu'on nous dise aussi qu'on va leur permettre de travailler, eux qui pourraient ainsi payer des cotisations !

Je remercie le groupe CRC-SPG de nous avoir parlé des professions qui allaient être pénalisées, qui souffrent, qui ne peuvent tenir jusqu'à 67 ans !

Les articles 5 et 6 sont anti-sociaux, anti-écologiques, anti-démocratiques. Les sénateurs Verts voteront contre. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Quelle société êtes-vous en train de construire au nom du bon sens et de l'arithmétique ?

Depuis la Libération, la productivité du travail a explosé, ce qui a permis de réduire le temps de travail.

Votre politique économique organise le sous-emploi. Vous incitez à travailler plus longtemps, tout en laissant exploser le chômage. Mais vous voulez donner des gages au marché car c'est lui qui finance notre économie, depuis vos réformes néolibérales ! On sait que la réforme ne règlera rien mais qu'importe : on continue à emprunter !

M. Alain Gournac.  - Intéressant : vous n'étiez même pas là pendant le débat !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Vous dites que nous sommes des nostalgiques du passé. Mais quel avenir proposez-vous ? Les socialistes ne changent rien ?

M. Alain Gournac.  - Jamais !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Nous n'avons pas changé beaucoup, mais peut-être faut-il rompre avec certaines habitudes. Votre camarade (exclamations prolongées à droite), votre collègue Maurey, a dit que les centristes allaient voter ce texte la mort dans l'âme. Cela m'a rappelé le mot d'un gaulliste historique, le général de Larminat, dont j'aime bien les Chroniques irrévérencieuses : « la mort dans l'âme, c'est encore là que la mort fait le moins mal »! (Rires et applaudissements à gauche)

Mme Annie David.  - Nous sommes en colère : les femmes, les précaires, les seniors seront les premières victimes : toujours les mêmes !

Nous sommes en colère devant votre surdité. Vous n'entendez pas les millions de manifestants. Nous n'avons pas besoin de pousser les jeunes à manifester, monsieur Virapoullé : ils savent bien que ce sont eux qui feront les frais de cette réforme.

Nous sommes en colère devant la casse d'un acquis social majeur, devant votre refus de discuter de l'aspect financier de cette réforme qui n'est pas financée. Mais vous refusez d'ouvrir le débat.

Nous sommes en colère devant l'absence de dialogue social avec les partenaires sociaux. Le poids du Medef est bien trop important dans notre pays.

Mais nous savons bien que pour vous, l'essentiel, ce sont les 230 milliards de l'or gris qui échappent à toute financiarisation : vos amis aimeraient mettre la main sur ce pactole.

Nous ne voterons pas l'article 6.

Mme Jacqueline Panis.  - Les Français attendent notre vote. J'ai salué les avancées réalisées mais je suis déçue qu'elles ne soient pas plus importantes. Je m'abstiendrai donc. (Applaudissements sur quelques bancs socialistes)

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est respectable.

Mme Françoise Cartron.  - Je ne sais si ce vote est attendu mais il est redouté par tous les salariés qui vont devoir travailler plus pour profiter moins.

Je pense aussi à toutes ces femmes qui seront pénalisées par cette réforme. Est-ce acceptable ? Leur faut-il subir une double peine ? Ne faudrait-il pas plus de justice pour toutes celles qui ont souffert durant leur vie professionnelle ?

Demain, une majorité de Français vous diront leur colère dans la rue, colère de n'avoir pas été entendus, alors qu'il y a tant d'argent indécent dans ce pays. Je ne voterai donc pas cet article. (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre.  - Il n'y a pas eu de débat ? Qu'avons-nous donc fait depuis 10 heures, et depuis le mois d'avril ? La position du Gouvernement a évolué sans cesse. (On le conteste à gauche) Dans la vie politique, on n'est pas là pour faire des choses faciles. C'est d'ailleurs pour cela que certains ne font rien ! (Exclamations à gauche) C'est compliqué de demander des efforts ! (Exclamations à gauche) Il y a deux personnes qui sont à la hauteur de ce débat : M. Strauss-Kahn (exclamations à gauche) et M. Rocard. (Nouvelles exclamations à gauche, rires à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - Il ne vous envoie pas ses amitiés !

M. David Assouline.  - La ficelle est grosse !

M. Christian Cambon.  - Et oui, c'est ennuyeux !

M. Éric Woerth, ministre.  - Chez les autres, c'est toujours mieux, à vous entendre. La Finlande, parlons-en ! Regardez ce qui s'est fait. Voyez aussi l'exemple allemand. Vos amis suédois seraient-ils toujours vos amis s'ils appliquaient en France leur réforme ? J'en doute !

M. David Assouline.  - Et les 15 milliards ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Le passage à 67 ans, c'est compliqué, ce n'est pas électoraliste mais il faut le faire.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est le pape qui le dit.

M. Éric Woerth, ministre.  - La population française vieillit : il est naturel qu'il y ait cinq ans d'écart entre l'âge de la retraite et le taux plein ! C'est d'ailleurs la gauche qui avait prévu ces cinq ans d'écart. (Exclamations à gauche, applaudissements à droite)

Vos propositions ? Elles sont fondées sur du sable et sur du vent. (On le conteste à gauche) Les 3 milliards sur l'intéressement et la participation ? Vous multipliez par cinq les prélèvements.

M. Alain Gournac.  - C'est une honte !

M. Éric Woerth, ministre.  - Vous proposez d'augmenter d'un point les cotisations ? Mais que faites-vous du pouvoir d'achat ?

Vous espérez 2 milliards des stock-options... sur une assiette de 2,7 milliards ! Et qui a allégé la fiscalité sur les stock-options, sinon M. Fabius ? (Exclamations à gauche) Quant aux 3 milliards sur les banques, vous les ponctionnez lourdement ; voulez-vous augmenter le taux des emprunts des entreprises et des ménages ? (Nouvelles exclamations à gauche)

Vous proposez de supprimer la niche Copé ; tous les pays, sauf la Grèce, sont revenus sur la fiscalisation des plus values de cession de titres... pour éviter l'évasion de la matière fiscale ! (Les exclamations ne cessent de fuser à gauche, couvrant parfois la voix du ministre)

Cerise sur le gâteau, la hausse de l'emploi des seniors rapporterait 6 milliards. Par quel coup de baguette magique ?

Vos recettes sont fantaisistes, comme votre projet. (Applaudissements à droite) Mme Aubry a dit que les socialistes reviendraient à la retraite à 60 ans. Mais le taux plein ne sera pas assuré. Dites le aux Français ! (Applaudissements à droite) En fait, vous ne reviendrez jamais sur cette réforme, comme vous n'êtes jamais revenus sur aucune réforme des retraites faite par la droite. (Exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - Où sont les 15 milliards qui manquent ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Votre posture est idéologique. Vous estimez que les pensions sont inférieures à celles versées dans les autres pays. En France, le revenu des plus de 65 ans est le plus élevé de tous les pays de l'OCDE ! Notre système de retraite est très performant.

Enfin, pour le chômage, nous prenons les hypothèses du COR, mais celles que vous retenez dans le pseudo-projet socialiste sont beaucoup plus optimistes ! (Exclamations à gauche) On ne peut pas dire « je veux 62 et je ne veux pas 65 ». Il faut un écart entre les deux seuils. A un âge donné, la décote doit prendre fin. Il y a trente ans, vous avez fixé cet âge à 65 ans ; cet âge prend deux ans de plus. Aves toutes les mesures prises en faveur des femmes, des carrières longues et de la pénibilité, le Gouvernement a véritablement une vision juste et responsable. (Applaudissements nourris à droite)

A la demande des groupes CRC-SPG et UMP, l'article 6 modifié est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 333
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l'adoption 174
Contre 159

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à droite ; huées à gauche)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Nous avons réunion de commission demain à 9 heures 30 et après la suspension du soir.

Mme la présidente.  - Je vous propose de ne pas reprendre ce soir. (Assentiment)

M. Jean-Louis Carrère.  - Et demain, à la manif !

Prochaine séance demain, mardi 12 octobre 2010, à 14 h 30.

La séance est levée à 21 h 30.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 12 octobre 2010

Séance publique

A 14 HEURES 30

1. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n°713, 2009-2010).

Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°733, 2009-2010).

Texte de la commission (n°734, 2009-2010).

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n°727, 2009-2010).

Rapport d'information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (n°721, 2009-2010).

DE 17 HEURES A 17 HEURES 45

2. Questions cribles thématiques : « L'accès au logement ».

A 18 HEURES, LE SOIR ET LA NUIT

3. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n°713, 2009-2010).