Conseillers territoriaux (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, fixant le nombre de conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région.

Discussion générale

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - (Applaudissements à droite) La loi du 16 décembre 2010 a institué le conseiller territorial, qui remplacera les conseillers généraux et régionaux. Mais le Conseil constitutionnel a considéré que le tableau de répartition des conseillers territoriaux inclus dans la loi du 17 novembre 2010 ne respectait pas le principe d'égalité devant le suffrage, en raison d'un écart supérieur à 20 % par rapport à la moyenne régionale dans six départements : la Meuse, le Cantal, la Haute-Garonne, l'Aude, la Mayenne et la Savoie.

Ce projet de loi modifie la répartition des conseillers dans les régions visées par le conseil, ainsi qu'en Guadeloupe, pour mieux tenir compte des réalités démographiques de l'archipel.

Dans les régions dont les effectifs ont été invalidés, le projet de loi se limite à une correction au plus juste, d'un seul siège quand c'était possible, pour ne pas pénaliser les territoires concernés. Ces ajustements, validés par le Conseil d'État, adoptés par l'Assemblée nationale et votre commission des lois, respectent les exigences constitutionnelles. Aucun département ne présente un écart de plus de 20 % par rapport à la moyenne régionale, à l'exception de quatre d'entre eux qui comptent quinze conseillers, le seuil minimum fixé par le législateur.

M. Jacques Blanc.  - Heureusement !

M. Philippe Richert, ministre.  - L'abstention lors des dernières élections régionales montre l'opportunité de la création des conseillers territoriaux, des élus de terrains qui redonneront confiance dans la démocratie locale. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Ce projet de loi, c'est tout ce que réclame le Conseil constitutionnel, et rien que cela. Le reste, nous n'y touchons pas aujourd'hui. (Applaudissements à droite, exclamations à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le reste, nous y toucherons demain !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois.  - Nous sommes amenés à revenir sur la répartition des conseillers territoriaux, à la suite de la censure du 9 décembre 2010. Le Conseil constitutionnel a reconnu que le mandat de conseiller territorial et le mode de scrutin uninominal à deux tours étaient conformes à la Constitution, ainsi que le plancher de quinze conseillers par département. Mais il a considéré que l'écart de représentation par rapport à la moyenne régionale était manifestement excessif dans six régions.

Les modifications envisagées par le Gouvernement concernent dix départements. Elles sont marginales et visent seulement à tenir compte de la décision du Conseil. Aucun écart de plus de 20 % ne subsiste hormis pour les départements dotés d'un plancher de quinze conseillers. Ce texte est conforme à la jurisprudence constitutionnelle et c'est pourquoi la commission des lois l'a adopté sans modification.

La réforme territoriale comporte bien d'autres enjeux : on le constate au nombre des amendements déposés ! Il n'est pas question, pour la commission des lois, de recommencer la discussion sur l'ensemble de la réforme : ainsi, les amendements relatifs à la carte communale constituent des cavaliers. Pour autant, notre Haute assemblée doit rester un lieu de débat et assurer le suivi de la réforme.

Quelles sont les intentions du Gouvernement quant au seuil de passage au scrutin de liste lors des élections municipales ? Le seuil de 500 habitants n'est-il pas trop bas ?

M. Jacques Blanc.  - Il faut 2 000 !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Je pencherais pour 1 500...

Quel sera le sort du bureau des établissements publics de coopération intercommunale formés, avant 2014, par une fusion entre plusieurs EPCI préexistants ? Ne pourrait-on pas envisager que le bureau du nouvel EPCI soit la simple réunion des bureaux antérieurs ?

Enfin, il ne me semble pas légitime que des fusions d'EPCI puissent avoir lieu lorsque les organes délibérants de tous les EPCI concernés expriment leur opposition à ce projet. Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager à ce que des directives claires soient données aux préfets afin que, dans un tel cas, il ne soit pas procédé à des fusions forcées ?

Il convient que le Gouvernement prenne la mesure des inquiétudes et des incertitudes qui ont pu apparaître dans les territoires, et notamment dans nos communes, et qui doivent désormais être apaisées. (Applaudissements à droite)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Dans un ouvrage à paraître, Pierre Joxe écrit qu'il s'est souvent trouvé minoritaire,...

Voix à droite.  - Heureusement !

M. Pierre-Yves Collombat.  - ... voire solitaire, durant ses neuf années au Conseil constitutionnel. Dans une vingtaine de cas, des questions politiques ont reçu une réponse politique revêtue d'un habillage juridique. Comme dans Matthieu 23 : 24, la jurisprudence constitutionnelle filtre le moustique et avale le chameau ! (Sourires) Or en l'occurrence, deux gros chameaux ont réussi à passer le chas. (Nouveaux sourires)

Premier « chameau » : l'infraction au principe de l'absence de tutelle d'une collectivité sur une autre. Selon l'un des théoriciens de la réforme, Hervé Fabre-Aubrespy, « L'assemblée régionale est formée finalement de la réunion des conseils généraux ». Cela signifie que les conseillers généraux du Bas-Rhin seront automatiquement majoritaires au Conseil régional d'Alsace, ceux du Nord au Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais ou ceux de Seine-Maritime au Conseil régional de Haute-Normandie.

Second « chameau » : le minimum de quinze conseillers par département, contraire au principe d'égalité devant le suffrage. Pour sauver les apparences et éloigner les soupçons d'arbitraire, le Conseil constitutionnel a taillé sur mesure le costume juridique destiné à habiller la décision sous la forme d'une règle générale. Il a donc dû fixer des critères hétéroclites : un minimum de quinze conseillers par département, un maximum national, une limite de 20 % dans chaque département par rapport à la moyenne régionale...

Ces critères sont d'ailleurs parfaitement arbitraires. Et cerise sur le gateau, le tableau proposé par le Gouvernement ne respecte pas le « tunnel » de 20 %, car un écart supérieur est toléré si le seuil de quinze conseillers par département l'impose. Les quelques régions visées par le Conseil sont les moucherons nécessaires pour faire croire à son indépendance...

Cette réforme est un immense gâchis. Les élus de proximité seront plus rares dans les campagnes, où ils sont le plus nécessaires et plus nombreux dans les villes, où ils ne seront pas plus proches des citoyens. Que l'on ne me dise pas que des territoires ruraux seront mieux représentés au niveau régional : c'est l'échelon départemental qui importe le plus pour eux. D'ailleurs, les conseils régionaux seront pléthoriques et certains conseils généraux verront même leurs effectifs augmenter.

Le Gouvernement prétend faire des économies ; mais selon l'étude d'impact, l'économie se limite à 0,6 pour mille -je dis bien pour mille !- des dépenses de fonctionnement des départements et régions ; d'ailleurs, l'étude d'impact ignore les frais de déplacement et de réaménagement des locaux : il en coûtera un milliard d'euros, bonne nouvelle pour le BTP !

Cher collègues de la majorité, vous êtes aujourd'hui conviés à boire la lie du calice, au motif que depuis décembre 2010, la messe étant dite, il est urgent de passer à autre chose. C'est vrai mais seulement provisoirement car la prétendue « réforme » de collectivités territoriales -qu'il conviendrait d'appeler « déforme » si le mot existait- va poser de tels problèmes d'application qu'il faudra nécessairement y revenir.

Aujourd'hui pas plus qu'hier nous ne cautionnerons cette mise en pièces de nos institutions territoriales. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Adnot.  - J'ai trois minutes pour vous expliquer pourquoi je vais voter contre ce texte : c'est parce que je vous veux du bien, monsieur le ministre, (sourires) et parce que je ne veux pas que mon nom soit associé à une réforme dont la première conséquence sera la multiplication du nombre des conseillers régionaux -de 49 à 138 dans ma région !- à l'heure même où l'on cherche à maîtrise la dépense publique. (Applaudissements à gauche et au centre)

Si encore la réforme remplissait ses objectifs ! Mais l'économie attendue sera annulée par les frais de transport et de construction. Cette réforme réduira aussi la place des femmes dans les conseils régionaux et donc la parité. (Applaudissements à gauche) Une meilleure coordination ? Dans ces assemblées pléthoriques, ce sera la foire d'empoigne ! Un meilleur partage des responsabilités ? Ce sera le contraire ! En fait, cette réforme a été conçue pour détruire l'oeuvre de la décentralisation, avec la fin de la clause de compétence générale. Ma région ne pourra plus, par exemple, participer à la construction d'un campus.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Si !

M. Philippe Adnot.  - Nous avons un devoir d'assistance à organisation territoriale en danger. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Michel Baylet.  - La majorité a accouché dans la douleur de cette réforme territoriale mal née et non viable en dépit de nombreuses tentatives de réanimation ; il faut aujourd'hui y revenir.

Les radicaux de gauche, comme tous les opposants à cette funeste réforme, n'ont eu de cesse de s'opposer à la création du conseiller territorial, cet élu hybride et hors-sol qui ne répond à aucune exigence démocratique. Le Gouvernement est passé en force et à la CMP, on a arraché le vote de certains sénateurs dans des conditions ubuesques. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, s'émeut)

Le Gouvernement a introduit subrepticement la répartition des conseillers territoriaux dans les départements et les régions par un amendement déposé nuitamment à l'Assemblée nationale, sans que la commission des lois ait pu l'examiner.

Tout au long de cette réforme mal conçue dès l'origine, car dogmatique et partisane, le Parlement a été mis devant le fait accompli, pour ne pas dire le fait du prince.

S'il est pourtant un sujet qui nécessite la concertation, c'est bien celui des collectivités territoriales, qui oeuvrent chaque jour en faveur de nos concitoyens. Nous étions disposés au compromis mais le Gouvernement s'est entêté coûte que coûte à créer le conseiller territorial.

On nous dira que le Conseil constitutionnel a validé l'essentiel de la réforme, sauf la répartition des conseillers. Il y aurait beaucoup à dire sur la composition du Conseil. Il ne s'est préoccupé ni de l'égalité de représentation des citoyens, ni de la parité, ni des conditions de travail des conseils régionaux pléthoriques et des conseils généraux, parfois réduits à peau de chagrin. Les territoires ruraux sont les grands perdants. (Applaudissements à gauche)

On attend 60 millions d'économies de la baisse du nombre d'élus locaux, mais la reconstruction des hémicycles coûtera un milliard ! Quant aux transferts de compétences non compensés, leur coût s'élève à 22 milliards d'euros ! (Applaudissements à gauche)

Les départements sont dans l'impasse budgétaire.

Voilà pourquoi les radicaux de gauche voteront contre ce texte. (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

Mme Marie-France Beaufils.  - (Applaudissements sur les bancs CRC) Le Gouvernement se serait sans doute bien passé de ce nouveau projet de loi. Il se souvient qu'au Sénat il n'y avait pas de majorité pour supprimer les conseillers généraux et régionaux. Avec ce texte, les départements disparaîtront ainsi sans révision constitutionnelle : ils deviendront les exécutants des politiques nationales et régionales. Les conseillers territoriaux, siégeant à la fois dans les départements et les régions, n'auront plus le temps de prendre en compte les problèmes locaux.

Les régions ne s'en trouveront pas renforcées : au lieu de conseillers régionaux élus sur des programmes régionaux, nous aurons des élus de cantons.

Ce conseiller territorial est une machine de guerre contre la décentralisation.

S'y ajoutent la spécialisation des départements et la fin de la clause de compétence générale. Cette recentralisation autoritaire amoindrira la démocratie locale.

La suppression de la proportionnelle au niveau régional réduira la représentation de diverses opinions politiques, limitera la représentation des femmes, tout cela pour servir les intérêts du parti présidentiel.

Le Gouvernement annonce 60 millions d'économies de fonctionnement, mais le doublement des effectifs des assemblées nationales entraînera des frais de fonctionnement très élevés. La preuve est faite que l'objectif n'était pas de réduire les dépenses, mais de mettre à mal la décentralisation et la démocratie locale.

En rejetant le texte, le Sénat rendrait possible une autre solution. Si demain, en 2012, une autre majorité se rassemble à gauche, nous agirons pour l'abrogation pure et simple de l'ensemble de cette réforme destructrice de nos institutions locales et le conseiller territorial disparaîtra avant même d'avoir vécu. (Applaudissements à gauche)

Mme Jacqueline Gourault.  - Je me suis toujours opposée au mode de scrutin prévu pour l'élection des conseillers territoriaux, qui provoquera leur inflation, réduira la parité et fera disparaître l'idée même de région.

C'est la raison fondamentale de mon opposition à la loi sur la réforme territoriale. J'ai un très mauvais souvenir des discussions de marchand de tapis qui ont eu lieu alors pour ne pas y revenir. Je regrette qu'il n'y ait pas eu plus de voix contre cette loi, qui aurait dû disjoindre la création du conseiller territorial de la question de l'intercommunalité. C'est hélas trop tard aujourd'hui...

Mme Nicole Bricq.  - Il n'est jamais trop tard pour bien faire !

Mme Jacqueline Gourault.  - On n'a guère d'information sur le découpage des circonscriptions d'élection des conseillers territoriaux. Il serait logique qu'on tienne compte de l'intercommunalité qu'on met en place...

M. Jean-Michel Baylet.  - Bien sur !

Mme Jacqueline Gourault.  - ... et que les bassins de vie, dont on nous parle tant, soient respectés.

M. Pierre-Yves Collombat.  - On nous a annoncé le contraire !

Mme Jacqueline Gourault.  - Quid du projet de loi 61 et de la limite pour le panachage ? Quid de la question des délégués communautaires et des vice-présidents dans les intercommunalités créées d'ici 2014 ? Je n'avais pas vu le problème ; il est vrai que M. Braye, lui, a été lucide...

Quand discutera-t-on de la loi 61?

M. Didier Guillaume.  - Après la présidentielle !

Mme Jacqueline Gourault.  - Dans le cadre de la proposition de loi Saugey ? Nous avons besoin d'informations précises, avant le 31 juillet. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et socialiste ; M. Dominique Braye applaudit aussi)

M. François-Noël Buffet.  - Nous revenons sur un point seulement du texte adopté cet automne. La création du conseiller territorial est une des grandes innovations de la réforme, que nous avons voulue et soutenue, du 16 décembre 2010.

Le Conseil constitutionnel a rejeté tous les griefs contre l'existence même du conseiller territorial. Cette réforme est conforme à la libre administration des collectivités et n'induit aucune tutelle de l'une sur les autres. (Vives dénégations à gauche). Elle ne contrevient pas à la liberté de vote...

M. Jean-Louis Carrère.  - Les élections vous le diront !

M. François-Noël Buffet.  - Le Conseil constitutionnel a jugé que le mode d'élection ne portait pas atteinte à la parité et renforçait la légitimité de l'élu sur un territoire. (Protestations à gauche)

M. Dominique Braye.  - Très bien !

M. Didier Guillaume.  - Écoutez les élus locaux !

M. François-Noël Buffet.  - Toutefois, le Conseil a jugé disproportionnés les écarts de représentation des départements des six régions.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est de la petite cuisine.

M. François-Noël Buffet.  - D'une cuisine, on attend qu'elle soit bonne.

M. Jean-Louis Carrère.  - Elle manque de piment d'Espelette ! (Sourires)

M. François-Noël Buffet.  - Afin de respecter au mieux l'égalité des citoyens devant les suffrages, il fallait une marge de plus ou moins 20°%. Le Gouvernement a fait en sorte que les rapprochements démographiques fonctionnent afin que le conseiller général, l'élu le plus respecté après le maire, puisse gérer aussi la région.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous les tuez, les conseillers généraux !

M. François-Noël Buffet.  - Dans les seize régions qui n'ont fait l'objet d'aucune censure, le texte adopté n'est pas remis en cause. Le conseiller territorial a beau être raillé et contesté...

M. Didier Guillaume.  - Il y a de quoi !

M. François-Noël Buffet.  - ... le conseiller régional est méconnu des citoyens, comme l'ont montré les dernières élections.

M. Bernard Piras.  - Nous les avons gagnées !

M. François-Noël Buffet.  - L'élection d'un candidat connu des électeurs, selon un mandat direct, ne peut qu'être un progrès, pas une régression !

M. Jean-Louis Carrère.  - Et la parité !

M. François-Noël Buffet.  - L'UMP votera très largement ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Claude Bérit-Débat.  - Chacun sait que la création du conseiller territorial est un non-sens. Un argument justifiait à lui seul le refus de cette réforme : la forte augmentation des effectifs des conseils régionaux, avec l'écart entre la représentation des départements.

L'utilité du conseiller territorial, cet élu hybride, n'est toujours pas avérée. Comment le représentant des deux collectivités tranchera-t-il entre elles ?

Va-t-on vers une supercantonalisation ? On ne sait pas. On crée, sans réflexion approfondie, un élu hors-sol.

Les Français ont soif de proximité, avec des élus proches d'eux. Mais le Gouvernement ne songe qu'à éloigner d'eux les centres de décision, avec le dogme de la RGPP. On l'a déjà vu avec les ARS et la régionalisation des réseaux consulaires. Ce qui faisait la force des collectivités risque fort d'affaiblir régions et départements. On tourne le dos à 30 ans de décentralisation.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est l'objectif.

M. Claude Bérit-Débat.  - Quant à l'argument des économies... En Aquitaine, on va passer de 85 à 211 conseillers régionaux ! On poussera les murs...

M. Jean-Louis Carrère.  - Du palais Rohan.

M. Claude Bérit-Débat.  - Avec le conseiller territorial, on fait régresser l'égalité entre hommes et femmes, alors que le mode d'élection des conseillers régionaux avait été un moyen très efficace d'accroître la représentation des femmes, celle des jeunes, celle des minorités.

Erreur ontologique : cette réforme territoriale n'est pas celle que les élus locaux demandaient et souhaitaient. Elle les stigmatise et complexifie notre organisation territoriale.

Votre contre-réforme territoriale est un puissant appel à un acte III de la décentralisation que nous, socialistes, ne manquerons pas de mener à bien ! (« Bravo ! » et applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Il aura fallu cette décision du Conseil constitutionnel pour qu'on révise enfin ce tableau de répartition, en procédure accélérée, par un texte soumis à l'Assemblée nationale avant le Sénat, représentant les collectivités territoriales.

Nous avons été nombreux à nous émouvoir des conditions dans lesquelles ce projet de loi est sorti de la navette. Dans nos départements, nous nous échinons à l'expliquer aux élus. Le président Larcher a vu l'inquiétude des élus aveyronnais. La création des métropoles, loin de réduire le mille-feuille, alourdit les risques qui pèsent sur les petites communes. Comment celles-ci pourront-elles se faire entendre face à Toulouse ?

Face à ce gouvernement autiste, il faut aux élus beaucoup de force pour tenter simplement de se faire entendre.

Les obstacles sont nombreux et le chemin difficile à gravir pour mettre en place la réforme des collectivités. Quel conseiller général se préoccupe de l'intérêt général avant celui de son canton ? On réduit le nombre des élus ruraux au profit des urbains. La sacro-sainte proximité devient aléatoire. Les élus locaux ne seront plus que des ordinateurs pour remplir les multiples formulaires qu'on leur soumet chaque jour.

Face à la détermination du Gouvernement qui use des préfets pour ne pas tenir compte de l'avis des gens de terrain, comment accepter les dispositions qu'on nous présente ? On nous a expliqué la sécurité d'un nombre impair de conseillers, et en voici quatre avec un nombre pair. Avec la disposition léonine que représente le seuil d'accès au deuxième tour, on prive les petits groupes d'élus. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE) Et l'on prive la gente féminine d'une représentation qu'elle a montré savoir exercer aussi bien que la gent masculine. (Mêmes mouvements)

Je reprends à mon compte les questions de Mme Gourault. Comme l'a dit M. Baylet, ce projet de loi ramène l'exercice des responsabilités locales à la mise en oeuvre d'une fiscalité injuste, dont on ne mesure pas les futures incidences. C'est une invention diabolique, un fouillis médiéval : tous nos amendements ont été balayés en commission comme autant de cavaliers, comme si le Gouvernement s'en était privé ! Nous espérons que nos sages observations seront entendues.

En attendant, nous persistons à voter contre ce texte. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Jean Louis Masson.  - L'objet de la réforme est pertinent, tout comme le mode de scrutin pour les conseillers territoriaux. Mais je voterai contre ce projet de loi qui s'inscrit dans la logique des magouilles épouvantables dans le découpage des circonscriptions électorales. Des députés UMP sont consultés sur leurs souhaits.

M. Dominique Braye.  - Scandaleux, en effet.

M. Jean Louis Masson.  - Sachant que certains élus UMP sont entendus et d'autres non !

Mon département, où les magouilles sont manifestes aux yeux de tous, est cité avec le Tarn par le Conseil constitutionnel et comme l'un de ceux où les bornes sont dépassées.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est l'Union pour la Magouille Populaire !

M. Jean Louis Masson.  - Le jésuite Marleix a fait patte de velours mais il a été odieux et il a persisté : la Moselle est le seul département à avoir été sous-représenté de 40 %, par rapport à la Meuse.

A ce compte-là, j'espère un coup de balai en 2012. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Du balai !

M. Dominique Braye.  - Pour la magouille, notre ami parle en expert !

M. Bernard Vera.  - La censure du Conseil constitutionnel nous offre la nouvelle lecture qui nous avait été refusée par le Gouvernement, conscient qu'il n'avait pas de majorité ici. Il avait fait adopter par le Sénat un amendement centriste, un amendement de dupes puisqu'il le fit supprimer par l'Assemblée nationale.

Le Sénat peut reprendre la main. Six mois après, nous pouvons voir comment la loi s'applique dans les départements. Ici, les préfets se sont contentés de s'intéresser aux communes orphelines ; ailleurs, ils se sont montrés plus « volontaristes ».

Je ne suis pas sûr que cette marche forcée corresponde aux attentes de ceux qui ont voté la loi. Il faut bien que les inquiétudes qui s'expriment dans les départements trouvent ici un écho. Pas de mariage forcé, pas de fusion pour la fusion, disent-ils, mais des projets cohérents avec les expériences engagées.

Nos amendements proposent de revenir là-dessus. Les préfets ont trop souvent dessiné leurs schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) sans tenir compte des réalités existantes dans les bassins de vie.

Qu'en ira-t-il des limites cantonales ? C'est ici un tabou. La majorité actuelle fera ce qui lui convient. Il serait choquant que les futurs cantons ne correspondent pas aux futures intercommunalités. Légiférer sur le nombre de conseillers généraux revient à empiéter sur les compétences des conseils généraux.

A tous ceux qui doutent de ce texte, l'occasion est offerte de marquer leur désaccord, sans pour autant bloquer une réforme qui pourra être développée avec le projet de loi 61. Le rejet de ce texte serait une manière d'imposer au Gouvernement de revoir sa copie, dans un esprit de modération et d'apaisement. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Léonard.  - Je suis favorable à cette réforme sur le fond mais je ne peux accepter ce nouveau tableau, qui diminue la représentation de mon département de la Meuse et conserve certaines incohérences.

La représentation de la Meuse avait été divisée par deux par rapport à la répartition actuelle et le Conseil constitutionnel a jugé qu'elle était encore excessive, réduisant de dix-neuf à quinze le nombre de nos conseillers territoriaux !

Je regrette que le Parlement n'ait pas pris en compte aussi un critère de surface : avec 26 % du territoire de la Lorraine, la Meuse n'élira que 11 % des conseillers territoriaux. Des départements de population inférieure à la nôtre auront davantage de conseillers : le Lot, la Creuse, le Gers !

Ce projet de loi souffre d'un vice rédhibitoire, la régionalisation du mode d'élection des conseillers territoriaux. En fait, nous examinons non un projet de loi mais 23, un par région. La République, fondée sur l'égalité il y a deux siècles, devient une fédération de régions. Et certains seront, comme disait l'humoriste, « plus égaux que d'autres ».

Si mon amendement n'est pas retenu, je ne voterai pas ce projet de loi.

M. Pierre Jarlier.  - Le conseiller territorial devait faire l'objet d'un projet de loi séparé. Cette question a pollué un débat qui aurait pu faire consensus.

L'achèvement de la carte territoriale devait plutôt être un préalable à la création de ces nouveaux élus, qui auraient pu représenter des territoires de projet.

Les territoires ruraux vont perdre un grand nombre de conseillers généraux, tandis que les conseils régionaux vont connaître une inflation des élus, avec ce que cela va signifier de dépenses supplémentaires.

Comment organisera-t-on la concertation pour le découpage des cantons ? Je regrette que cette réforme n'ait pas donné l'occasion de clarifier les relations dans le bloc région-département. Il aurait été bon de s'inspirer davantage des propositions de la mission Belot.

Comme plusieurs membres du groupe de l'Union centriste, je ne pourrai voter ce texte. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs à gauche)

M. Michel Teston.  - Contraint de revoir sa copie, le Gouvernement s'est refusé à bouleverser son tableau. Son principal critère est fondé sur le poids démographique relatif des départements dans la région. Cela pose problème dans des régions comprenant des départements très inégalement peuplés.

On crée ainsi de très fortes disparités d'une région à l'autre. Il y aura le même nombre de conseillers territoriaux dans des départements comptant 500 000 et 250 000 habitants : où est l'équité ?

M. François Marc.  - Il n'y en a pas.

M. Michel Teston.  - L'Ardèche a 33 conseillers régionaux et dix conseillers régionaux. Elle n'aura plus que dix-neuf conseillers territoriaux, soit de quatre à dix de moins que certains départements de population comparable. Faut-il encore dire merci ? Je m'arrête là parce que la moutarde me monte au nez... (Sourires)

Lors de son discours à Saint-Dizier le 20 octobre 2009, le président de la République parlait de complémentarité entre l'action régionale du conseiller territorial et son action départementale. On croit rêver ! La meilleure manière d'assurer la complémentarité, c'est ce que proposait la mission Belot : une meilleure définition des compétences...

Lors du même discours, le président de la République invoquait la nécessaire participation des collectivités locales à la réduction de la dépense publique ; les collectivités créeraient trop d'emplois publics... Mais l'État ne cesse de leur transférer de nouvelles compétences, sans compenser intégralement les charges qui en résultent. On attend de la diminution du nombre d'élus une baisse des coûts. Quid des frais de réaménagement des locaux, de transport, d'indemnisation des remplaçants ?

En fait de préparer le mandat unique qu'invoquait le président de la République, cette réforme revient à institutionnaliser le cumul de deux mandats. Sans compter l'atteinte fatale à la parité.

Tous ces arguments sont inopérants. Le groupe socialiste avait proposé de commencer par clarifier les compétences de chaque niveau de collectivité et d'organiser leur coopération. En vain !

Je suis opposé à ce texte, comme à l'article 6 du précédent. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Braye.  - La réforme territoriale est en marche. Au centre de cette réforme, la promotion de l'intercommunalité : en parachever la carte, amplifier l'intégration au sein du pôle commune-communauté, démocratiser le fonctionnement de l'instance intercommunale. L'intercommunalité n'est plus optionnelle : une obligation pour une meilleure organisation communale du territoire.

La mobilisation lors de l'élaboration du SDCI témoigne de la prise de conscience des élus. Monsieur le ministre, vous avez entendu les inquiétudes des élus : la carte intercommunale sera proposée par le préfet, mais les élus décideront. Les esprits sont désormais plus ouverts aux évolutions de la carte intercommunale.

J'appelle cependant votre attention sur un point. Les règles de plafonnement de la taille de l'assemblée intercommunale et du nombre de vice-présidents, d'application immédiate, sont un frein à la fusion d'EPCI : il faut y remédier. J'avais déposé un amendement en ce sens, pour que la composition de l'organe délibérant et du bureau perdure jusqu'à la fin du mandat en cours. J'y suis revenu en deuxième lecture en ciblant les cas de fusion. Hélas, mes amendements, cosignés par des collègues qui vivent l'intercommunalité sur le terrain, n'ont pas été adoptés. Que serait une prolongation de dix-huit mois au regard de la rationalisation bien comprise des périmètres ?

Certes, le présent projet de loi ne concerne pas directement l'intercommunalité mais je voulais vous alerter une nouvelle fois : il faut aménager la loi pour que les nouvelles règles n'entrent en vigueur qu'en 2014. On me dit que le projet de loi 61 serait le véhicule adéquat ; mais quand viendra-t-il ? Tous les élus doivent se prononcer cet été sur les SDCI !

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Dominique Braye.  - C'est ma dernière intervention en séance publique ! (Protestations affectueuses) Il y va de la rationalisation de notre carte territoriale. Vous-même avez déclaré, monsieur le ministre, citant Kipling, qu'il fallait savoir prendre le maximum de risques avec le maximum de précautions. J'espère vous avoir convaincu. (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - Je dois suspendre dans cinq minutes pour les questions cribles.

M. Philippe Richert, ministre.  - Je me contenterai pour le moment de quelques remarques générales. Beaucoup d'entre vous ont critiqué le principe de la création du conseiller territorial, même si ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui. M. Adnot a déploré la hausse des effectifs des conseils régionaux, mais la baisse de ceux des conseils généraux fait plus que la compenser, dans sa région par exemple.

Il est indispensable de clarifier les compétences des départements et des régions : nos concitoyens n'y comprennent rien. C'est pourquoi le comité Balladur a proposé de créer des conseillers territoriaux. La clarification est là. (Exclamations et marques de dénégation à gauche)

M. le rapporteur et d'autres intervenants se sont interrogés sur le sort des bureaux d'EPCI qui fusionneront avant juin 2013. Le Gouvernement proposera une adaptation, lors de l'examen du projet de loi n°61.

M. Thierry Repentin.  - Quand ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Pas avant cet automne. J'en prends l'engagement.

Le Gouvernement voulait d'abord un seuil de 1 000 habitants ; à la demande de l'AMF, nous l'avons abaissé à 500, mais nous nous en remettrons à la sagesse des parlementaires. Quoi qu'il en soit, le seuil de 3 500 est trop élevé.

Quant aux fusions contraintes, elles n'auront pas lieu : je souhaite que les SDCI soient une coproduction. (On ironise à gauche) Le projet du préfet fera l'objet d'une concertation de trois mois...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Cela ne suffira pas !

M. Philippe Richert, ministre.  - Et même après le 31 décembre 2011, des ajustements resteront possibles. (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 16 h 50.

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La séance reprend à 17 heures.