Équilibre des finances publiques (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques.

Discussion générale (Suite)

M. Bernard Frimat.  - J'ai écouté la longue litanie des interventions célébrant cette loi constitutionnelle ; j'ai enregistré la sévérité des jugements sur la situation de nos finances publiques émis par ceux qui en sont largement responsables et par ceux qui les ont soutenus ! (On le confirme à gauche)

Quel aveu d'échec et d'impuissance ! Ainsi, chers collègues qui avez approuvé chaque année de nouvelles niches fiscales, allant même jusqu'à en créer, vous sonnez maintenant le tocsin.

Le débat n'est pas entre partisans de la rigueur budgétaire et les autres. Le tout est de savoir si l'inscription de la règle d'or dans la Loi fondamentale sauvera la France de ce destin catastrophique auquel vous l'avez vouée. Je salue le travail du président de la commission des lois qui a débarrassé ce texte de scories juridiques, en supprimant les articles 2 bis et 9 bis, qui condamnaient le Sénat au ridicule.

Pour ma part, je soulignerai le risque, avec ce texte, de transformer le Conseil constitutionnel en constituant. Récemment, on a noté quelques dérives. Je me souviens de l'autonomie financière, lors de l'acte II de la décentralisation Raffarin. On lui a tordu le cou par une loi organique. Autre exemple, le droit d'amendement lors de la révision constitutionnelle de 2008. Là encore, la loi organique, avec l'aval du Conseil constitutionnel, a pris une voie différente de celle choisie par le constituant. C'est le Règlement du Sénat seul qui nous garantit ce droit imprescriptible !

Dans ces circonstances, comment donner un chèque en blanc ? Curieuse proposition lorsque ce texte vise à rétablir l'équilibre des finances publiques... (On apprécie à gauche)

Enfin, le Conseil constitutionnel, avec la création de la question prioritaire de constitutionnalité, ne dispose-t-il pas déjà de pouvoirs étendus ? Faut-il en ajouter ?

Mme Nicole Bricq.  - Non !

M. Bernard Frimat.  - Le rapport de la commission des lois constitue un réquisitoire implacable contre le monopole des lois financières. Nous passons du parlementarisme rationalisé au parlementarisme caporalisé !

En instaurant le monopole, ce qui est un comble pour les thuriféraires de la libre concurrence, vous privez les parlementaires de leur droit d'initiative.

Il ne sera, en effet, plus possible de proposer ou d'examiner une quelconque réforme dans quelque domaine que ce soit en envisageant, dans un souci de cohérence, ses implications financières ou fiscales. Celles-ci devront être examinées séparément au moment du vote de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, en dehors de la commission des finances, et pour partie de la commission des affaires sociales, toutes les autres commissions seront privées de toute vision d'ensemble.

Comment concilier la nouvelle règle constitutionnelle avec la priorité constitutionnelle donnée au Sénat pour l'examen des textes concernant les collectivités territoriales ?

La Haute assemblée ne pourra plus prendre l'initiative d'une réforme. Étrange destin pour la chambre des collectivités locales ! Quel affaiblissement du bicamérisme !

Seule la transmission du programme de stabilité au Parlement pourrait obtenir notre soutien, à condition que son examen soit sanctionné par un vote.

Cette révision constitutionnelle aurait pour conséquence, excusez du peu, de dessaisir le constituant de son pouvoir, de priver les parlementaires de leur droit d'initiative législative et de transformer en commission de second ordre toutes les commissions à l'exclusion de la commission des finances qui serait sacralisée comme lieu privilégié du débat parlementaire.

En poussant votre raisonnement à l'absurde, si le Sénat dans son ensemble devenait la commission des finances et si toutes les lois étaient des lois de finances, chaque sénateur pourrait avoir l'illusion, tout en ayant perdu son droit d'initiative, d'exercer sa fonction de parlementaire !

N'enfermons pas l'action politique dans un carcan quand les évolutions du monde imposent des changements permanents. Plutôt que d'occuper le Parlement avec une réforme aussi inutile qu'inefficace, recherchez l'adhésion des Français en leur démontrant que cet effort s'inscrit dans un contexte de justice sociale et fiscale !

La semaine prochaine, le Sénat discutera la loi de finances rectificative abrogeant le bouclier fiscal que vous présentiez hier comme un titre de gloire. Vous en profitez pour alléger l'imposition des patrimoines les plus élevés : qu'est devenue votre volonté de réduire les déficits publics et de maîtriser les finances publiques ?

Nous ne nous prêterons pas à cette mascarade visant à dissimuler votre politique d'injustice sociale. Nous voterons contre ce texte. (Vifs applaudissements à gauche)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Il y a dix ans, nous étions parvenus à surmonter nos différends pour adopter la Lolf. Aujourd'hui, la dette a atteint de tels sommets que nous avons besoin d'instruments juridiques nouveaux, affirme avec raison M. Camdessus, pour rétablir l'équilibre de nos finances publiques. Il y va de notre crédibilité devant nos partenaires européens et les agences de notation qui scrutent ce texte avec peu de bienveillance. Le président de la République l'a bien vu.

Je soutiens la position du président Arthuis et du rapporteur général Marini : nous devons fixer une trajectoire, construire le budget sur des hypothèses modestes. J'avais même proposé une croissance zéro.

Pourquoi ne pas confier à un acteur extérieur comme le font Néerlandais et Britanniques le calcul de ces hypothèses ? La Cour des comptes pourrait remplir ce rôle...

Le monopole des lois financières est une bonne chose : ce principe prolonge la circulaire Fillon. Monsieur le ministre, quelle est votre politique à l'égard des niches sociales et fiscales ? Monsieur le président Arthuis et monsieur le rapporteur général, quand interviendra le vote sur le « glissement » de la loi-cadre à une nouvelle année ?

L'utopie est une réalité en puissance, disait Édouard Herriot. Convaincus par les arguments de MM. Marini et Arthuis, je voterai ce texte ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Patrice Gélard.  - Devant l'accroissement du déficit et de la dette publics, l'idée d'une constitutionnalisation de la règle d'or a lentement mûri en France. Pour moi, elle représente un impératif moral si nous voulons préserver notre modèle social et notre souveraineté nationale.

Le Gouvernement s'est engagé à ramener le déficit sous la barre des trois points de PIB en 2013 ; un objectif ambitieux que nous devrons tenir, quelle que soit la conjoncture économique.

Il est de notre devoir de soutenir la démarche engagée par le Gouvernement. Le vrai problème est de méthode.

Vous créez un instrument juridique nouveau, sous un intitulé qui rappelle le mauvais souvenir des « lois-cadres » de la IVe République ; vous assurez juridiquement le monopole des lois de finances et de financement ; vous prévoyez la transmission systématique au Parlement du programme de stabilité. La révision de 2008 avait déjà posé quelques jalons, avec les « lois de programmation » prévues à l'article 34. Vous souhaitez que nous franchissions une étape supplémentaire en inscrivant dans la Constitution le principe et les modalités institutionnelles d'un retour durable à l'équilibre des finances publiques. Nous souscrivons à l'idée que la Constitution est aussi l'expression du pacte social, ce qui permet d'y inscrire ce qu'on a appelé des « normes optatives ».

L'article 39 précise que les projets de loi concernant les collectivités territoriales doivent être examinés en premier lieu par le Sénat ; l'article 72 va dans le même sens. Comment concilier ce principe avec la question du monopole que vous souhaitez instaurer ? J'espère que nous trouverons une solution. Dans nombre de domaines, on ne peut séparer la question des moyens de celle du fond ; le président-rapporteur Hyest a trouvé une solution juridiquement valable et financièrement réaliste. Il n'est pas question que le Sénat accepte une réduction de nos prérogatives !

Les lois-cadres seront systématiquement soumises au Conseil constitutionnel. Les députés, allant plus loin, ont porté une atteinte indéniable aux droits des parlementaires ; nous soutiendrons la position de la commission des lois. Celle-ci propose en outre que toutes les commissions intéressées puissent émettre un avis sur le programme de stabilité.

Puisse le Sénat adopter une position équilibrée et responsable ! La règle d'or, quelque contraignante qu'elle soit, ne remplacera jamais la volonté politique. L'UMP soutient l'initiative courageuse et ambitieuse que représente ce texte. (Applaudissements à droite)

M. François Zocchetto.  - Une crise d'un type nouveau fait souffrir gouvernements et populations, celle de la dette souveraine ; plus aucun pays ne semble à l'abri. La note de la Grèce a été encore dégradée hier, le Portugal, l'Espagne, l'Italie sont fragilisés, et bientôt peut-être les États-Unis.

Nous vivons au-dessus de nos moyens depuis trop longtemps. C'est dans ce contexte que le Gouvernement nous propose une règle d'or.

Le groupe de l'Union centriste se félicite du dépôt de ce projet de loi. Nous sommes unanimes à voir dans la réduction des déficits un objectif prioritaire. Ce texte est un signal fort adressé aux marchés financiers au moment où notre dette à court terme arrive à échéance. Que faire quand l'État n'a plus les mêmes marges de manoeuvre ? Attendre l'inflation comme nous venons d'attendre la pluie ? Attendre une restructuration que nous imposerait une autorité extérieure ? Une sortie de l'euro ? Ce serait catastrophique. Il nous faut regarder la réalité en face ; le temps est venu de donner à des lois-cadres une portée contraignante.

Sur le monopole des lois financières, j'adresse mes vifs encouragements aux uns et aux autres pour atteindre un compromis, propre à nous réunir lors du Congrès. (Exclamations ironiques à gauche)

M. Jean Desessard.  - Ce sera dur !

M. François Zocchetto.  - Un tel monopole est un gage de sécurité juridique et de lisibilité pour le contribuable, un élément majeur de la stratégie d'assainissement des finances publiques. Il est vrai qu'aujourd'hui les dispositions fiscales partent dans tous les sens. Quelle solution trouver ? Je soutiens celle proposée par le rapporteur, requérant une loi de finances rectificative. Mais à quel délai ? Ce pourrait être tous les trois mois.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Très bonne suggestion !

M. François Zocchetto.  - Qu'adviendra-t-il de la priorité d'examen du Sénat sur les textes relatifs aux collectivités ? Je ne vois pas pourquoi la procédure actuelle serait modifiée, quand bien même les textes contiendraient des dispositions à caractère budgétaire.

Je remercie nos rapporteurs et présidents de commission d'avoir su faire avancer ce débat si important. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Guy Fischer.  - Ce projet de loi est bien mal nommé : il s'agit moins de réduire les dépenses publiques que de basculer dans un hyper libéralisme contraire à notre pacte républicain. Vous en rajoutez avec ce texte dans l'austérité, au détriment des plus démunis. Vous voulez basculer d'une république sociale vers une république libérale, dans laquelle tout ce qui n'est pas régalien est livré aux marchés et aux spéculateurs, contre l'intérêt des peuples. Vous prenez votre revanche sur le Conseil national de la Résistance (CNR), dont le programme vous avait été imposé ; vous lui tournez définitivement le dos.

En prenant prétexte des déficits de la sécurité sociale, vous oeuvrez année après année à une réduction de la protection sociale, tout en favorisant les laboratoires pharmaceutiques, les cliniques privées à but lucratif, les groupes mondiaux d'assurance. Vous organisez méthodiquement une réduction des comptes sociaux pour limiter la sécurité sociale à un service rendu aux plus pauvres des plus pauvres.

D'autres solutions existent pourtant. En 2009, en pleine crise, 105 milliards ont été versés aux détenteurs du capital.

M. Jean Desessard.  - Eh oui !

M. Guy Fischer.  - Voilà votre conception de la répartition des richesses : coûte que coûte, protéger les plus riches, les actionnaires, les boursicoteurs.

Si le Congrès devait se réunir et adopter ce projet de loi, les décisions fiscales et sociales seraient prises directement au siège des grandes multinationales. C'est à elles que profite le pacte de compétitivité, ce pacte antisocial aux conséquences désastreuses, réduction généralisée des salaires et des pensions, destruction massive d'emplois. De votre point de vue, ce sont les droits sociaux qui nuisent à la compétitivité du travail. Rexecode propose une baisse de 5 à 10 % des coûts de production, financée par les salariés eux-mêmes ! Il ne faudra pas attendre longtemps pour l'instauration d'une TVA sociale ruineuse pour les salariés, n'est-ce pas, monsieur Arthuis ?

En imposant le semestre européen, la Commission est devenue le vrai décideur des politiques sociales. Nous dénonçons ce gouvernement économique qui n'entend que les actionnaires. Les peuples de France, d'Allemagne, d'Espagne, de Grèce, d'Irlande n'ont déjà que trop payé pour une crise dans laquelle ils n'ont aucune responsabilité ! Nous voterons contre ce texte ! (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Cornu.  - Notre pays ne peut plus vivre à crédit.

M. Bernard Frimat.  - Cessez de voter des budgets en déficit !

M. Gérard Cornu.  - Ce projet de loi constitutionnelle est donc particulièrement bienvenu. Les lois-cadres instaureront une vraie discipline budgétaire. Nous mettons en place un dispositif coercitif pour les finances publiques.

Sur le monopole, le texte de l'Assemblée nationale est inacceptable ; il n'est même pas justifié par l'objectif proclamé. D'une part, il nuirait à la cohérence de nos débats : comment séparer les aspects financiers d'un projet de loi des autres ? Dans le texte sur les chambres consulaires, dont je fus rapporteur, les modalités de financement des CCI étaient indissociables de la réforme ; la commission des finances a désigné un rapporteur pour avis, c'est tout. La proposition de loi Collin créant le service civique prévoyait aussi des mesures fiscales... Avec le monopole, ce ne serait plus possible.

Celui-ci revient d'autre part sur un acquis de la révision constitutionnelle de 2003 sur la place du Sénat dans l'équilibre de nos institutions. Les textes relatifs aux collectivités territoriales comportent souvent des dispositions financières, qui pourraient désormais être soumises en premier lieu à l'Assemblée nationale en procédure accélérée. Ce serait une grave régression pour la Haute assemblée.

Les dispositions sur le monopole donnent un goût amer à cette révision constitutionnelle bienvenue. (Applaudissements sur certains bancs au centre et à droite)

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Qu'est-ce que ce « goût amer » ?

M. Jean-Jacques Jégou.  - Depuis des années, la Cour des comptes nous alerte sur l'état de nos comptes publics. Cette loi constitutionnelle est donc devenue indispensable. Le dernier budget en excédent est celui de 1975. Depuis lors, l'encours de la dette a été multiplié par 18 et sa charge est devenue le deuxième poste dans le budget pour 2011. Cet emballement de la dette réduit peu à peu la capacité d'action de notre pays -ce que ne cessait de souligner Philippe Séguin. M. Camdessus, de son côté, a parfaitement décrit le handicap qu'est, pour la France, la dégradation de ses comptes publics. Le déséquilibre actuel, conséquence de la gestion passée, obère les capacités d'action du pays ; il doit cesser.

C'est le candidat centriste qui, lors de la dernière élection présidentielle, avait proposé un mécanisme comme celui-ci. Il est regrettable que le président de la République ait mis si longtemps à l'entendre.

Certes, la maîtrise du déficit est d'abord affaire de volonté politique. Mais quand celle-ci fait défaut, il faut des normes juridiques. Le mal français est surtout dû à une mauvaise gestion en période de croissance.

Les lois-cadres répondent à l'objectif que nous souhaitons atteindre ; elles contraindront les parlementaires, et aussi les gouvernements. La programmation pluriannuelle est indispensable à une bonne gestion de la dépense publique, les efforts de réduction du déficit doivent être planifiés. Pour être efficace, la loi devra comporter la date de retour à l'équilibre -qu'une nouvelle majorité pourra éventuellement modifier.

Les recettes et dépenses devront être fongibles. Enfin, la révision de la loi-cadre doit être limitée à des circonstances exceptionnelles ou à un changement de majorité.

Enfin, le monopole des lois de finances et de financement est essentiel pour un pilotage efficace et un facteur majeur de protection des recettes.

« Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent » disait Pierre Mendès France. Il est temps d'y remédier. (Applaudissements sur certains bancs à droite et au centre)

Mme Nicole Bricq.  - La majorité invoque une réforme fondamentale. Si tel était le cas, il aurait fallu un long travail préparatoire et la constitution d'une commission spéciale. C'est ce que l'on avait fait il y a dix ans avec la Lolf ; la méthode avait payé. Autre majorité, autres moeurs : celle de ce Gouvernement ne supporte pas la comparaison...

Le Gouvernement est-il crédible quand il propose une telle réforme constitutionnelle ? Est-il sincère dans sa volonté affichée de l'appliquer ? (« Non ! » à gauche ; « oui » à droite) Le passé ne plaide pas pour la crédibilité du Gouvernement.

M. François Trucy.  - Regardez l'avenir !

Mme Nicole Bricq.  - En parlant de trente ans de déficits, on gomme quelques aspérités, comme celle, plutôt négative, de M. Balladur et celle, plutôt positive, de M. Jospin.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Et la cagnotte ?

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Vous portez des lunettes partisanes !

Mme Nicole Bricq.  - Ce Gouvernement a multiplié par deux la dette et accru les déficits. Depuis 2002, entre 100 et 120 milliards, soit six points de PIB, ont été dilapidés par abandon de recettes. Vous n'avez pas respecté la loi de programmation 2009-2012 ; les dépenses nouvelles n'ont pas été gagées par des recettes ; le coût de la réforme de la taxe professionnelle sera double de ce qui avait été prévu et je ne parle pas de la funeste baisse de la TVA dans la restauration -décidée dans une loi ordinaire...

Pour sa défense, le Gouvernement invoque la crise. Mais avant le groupe de travail Camdessus, il y avait eu la commission Pébereau, en 2005, qui insistait sur l'exigence de ne plus créer de nouvelles dépenses fiscales et de ne pas baisser le niveau global des prélèvements obligatoires. Le candidat Sarkozy promettait cependant de le réduire de quatre points ; et le Gouvernement s'est empressé en 2007 de remiser au placard le rapport Pébereau et a creusé un gouffre avec le paquet fiscal de la loi Tepa. À l'approche de 2012, on est en train de le détricoter mais le mal est fait. Vous avez livré la France, pieds et poings liés, aux marchés financiers, lesquels ne croient pas à la crédibilité de vos initiatives. Le niveau de la charge de la dette en dit long sur la gravité des choix que vous avez faits.

La trajectoire soumise à Bruxelles ? Nous déposerons une proposition de résolution car les recommandations de la Commission sont pour le moins contestables. Et le pacte est encore en débat avec le Parlement européen... La Commission n'est pas allée jusqu'à la défiance, mais a marqué son incrédulité face au passé et formulé ses doutes pour l'avenir.

Il faudrait changer de méthode pour élaborer les hypothèses macroéconomiques retenues dans les lois de finances et s'inspirer de ce que font les Pays-Bas depuis longtemps, les confier à un bureau central de planification, qu'aucun parti ne conteste. Le gouvernement Cameron, dont la sensibilité devait convenir à M. Marini, a créé un office de responsabilité budgétaire comparable.

Le chemin d'une croissance solide passe par l'emploi. C'est pourquoi le Gouvernement serait bien avisé de supprimer les ruineuses dispositions de la loi Tepa qui subsistent, celles relatives aux heures supplémentaires. Si vous voulez envoyer un signal positif, faites-le sans tarder. Au lieu de quoi, vous vous égarez dans des décisions coûteuses.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - La réforme constitutionnelle ne coûte rien !

Mme Nicole Bricq.  - J'évoque la prime « dividendes » et le collectif sur l'ISF. Vous proposez une loi d'airain mais persévérez dans vos errements.

Que fera-t-on si les prévisions macroéconomiques ne se vérifient pas ? Mystère. Ces sujets sont tabous jusqu'au printemps 2012. Comment trouvera-t-on une économie de 20 milliards par an ? Sur les niches, la France dispose de marges de manoeuvre ; mais les lobbies veulent bien la suppression de l'ISF mais surtout pas celle des exonérations.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - De fait. C'est extraordinaire !

Mme Nicole Bricq.  - Si on veut vraiment la convergence avec les Allemands, il faut réfléchir à la façon d'agir sur le déficit structurel ! En fait de convergence, nous nous complaisons dans une divergence en parlant de trajectoire.

Nous voici dans un tunnel, entre un maximum de dépenses et un minimum de recettes -dont toutes les définitions sont renvoyées à la loi organique. Décidément, vous tirez beaucoup de chèques sur l'avenir ! Pour l'essentiel, on verra après 2012 ! On a vu, lors de l'examen de la loi sur les retraites et à propos de la Cades, comment la majorité foulait au pied la loi organique.

Sur le monopole, j'ai bien compris que vous alliez au compromis, vers un monopole light.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - je suis sûr qu'en votre for intérieur vous y êtes favorable !

Mme Nicole Bricq.  - Lors des débats de 2008, M. Arthuis énonçait tous les dispositifs dont le Gouvernement dispose pour contraindre le Parlement à accepter ce qu'il propose. M. Mercier, alors sénateur, n'était pas le dernier à s'opposer à défendre la suppression de l'article 40. Un souvenir cocasse !

Vous ne nous ferez pas le coup de l'irresponsabilité ! Nous avons voté le soutien aux banques et aux pays en difficulté, tout en attirant votre attention sur les difficultés. Vous ne pourrez pas plus mettre en doute notre capacité gestionnaire. Nous dirigeons 58 départements, 23 régions, des milliers de communes et intercommunalités -qui, soit dit en passant, respectent déjà la règle d'or.

C'est le débat électoral qui confrontera les solutions proposées pour sortir des déficits actuels entre action sur les recettes et les dépenses. C'est aux Français de trancher ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Cette 25e révision va à l'inverse de celle de 2008 et réduit les droits du Parlement, un Parlement qui, par nature, autorise l'impôt.

Vous voulez que le Conseil constitutionnel soit systématiquement saisi de la conformité des lois financières aux nouvelles lois-cadres. C'est le transformer en gardien de la bonne gestion des finances publiques. Comment pourrait-il apprécier à l'horizon de trois ans la fiabilité des prévisions économiques ? Les Sages n'ont pas la science économique infuse. Tout le monde n'est pas M. Charasse ! (Sourires à gauche)

Ce projet de loi est attentatoire aux droits du Parlement, et même à l'idée d'alternance. Atteinte à la démocratie, ce projet de loi l'est aussi au bon sens. Imaginez qu'il ait été présenté en 2007.

Auriez-vous pu faire voter un plan de soutien aux banques en 2008, un plan de relance en 2009, un grand emprunt pour les investissements d'avenir en 2010 ? On nous demande de croire à ce projet de loi comme on demande aux croyants d'appliquer le principe credo quia absurdum. (Rires) « Je crois parce que c'est absurde » ! Il est absurde en effet d'instaurer un monopole pour les lois de finances, -je vous croyais libéraux- qui porte atteinte aux droits du Parlement, quelque ingénieux que soit le dispositif imaginé par la commission des lois. Monsieur Hyest, en quoi une entrée en vigueur des dispositions fiscales subordonnée à l'examen des lois financières préservera-t-elle l'initiative parlementaire ? Ce projet porte en outre atteinte aux prérogatives du Gouvernement, énoncées à l'article 38. Bonne chance pour s'y retrouver dans ce galimatias !

Suprême hypocrisie : l'article 88-8 pour associer le Parlement aux engagements européens ! Quid de la transmission du programme de stabilité dans le cadre du semestre européen ? En fait, ce projet de loi organise le dessaisissement du Parlement ! Alors que le budget est voté en décembre, le Parlement est ficelé, dessaisi dès avril. Le semestre européen est assorti d'un volet préventif et coercitif avec sanctions, sur décision du Conseil, à la majorité inverse. Avec cette planification pluriannuelle aux résultats chiffrés contrôlés, on va vers une révision du traité de Lisbonne.

Ce projet de loi reprend le projet de directive en préparation sans attendre que nous y soyons obligés ! Nous sommes en plein « fédéralisme financier », pour reprendre la novlangue de M. Trichet. Plutôt que de chaînage, il faudrait parler d'enchaînement : l'opinion publique n'est pas informée que nous abandonnons notre souveraineté budgétaire dans ce « coup d'État permanent ». (Exclamations amusées à droite)

Avec la monnaie unique on a lancé un fédéralisme européen irréaliste, avec une banque centrale indépendante, une sorte de Buba-bis, uniquement chargée de lutter contre l'inflation. Il n'y a aucune homogénéité entre nos pays, industriels ou pas du tout.

L'Allemagne n'entend pas aider le Péloponnèse autant que le Brandebourg car il est vrai que la solidarité est d'abord nationale. C'est le b.a.-ba, non de la science politique, mais du bon sens ! Quand Nicolas Sarkozy maintient qu'il faut baisser le coût du travail pour continuer à recevoir la note triple A des agences de notation, tout est dit. C'est Standard et Poor's qui exerce la souveraineté.

Les peuples ne veulent pas de cette Europe ; il faut leur en offrir une autre, leur offrir une perspective de croissance. L'euro existe, réformons-le en changeant les règles de gouvernance : il suffit d'étendre les missions de la banque centrale. Ou toutes les nations européennes sont capables de trouver une autre politique -il y aura des élections générales dans plusieurs grands pays sous peu, ou la zone euro ne survivra pas à la cure d'austérité généralisée. Il faudra alors revenir à la monnaie commune proposée par M. Balladur et M. Bérégovoy... et par moi-même. (Sourires)

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Il vaudrait mieux renvoyer les chambres dans le néant, comme le 10 juillet 1940 à Vichy. Comme disait Mendès France, il y a deux moyens de renoncer à la démocratie : abdiquer au profit d'un régime autoritaire ou déléguer sa souveraineté à une institution extérieure. Ces propos prémonitoires datent de 1957. On a envie de dire : de Gaulle, Mendès France, réveillez-vous, ils sont devenus fous ! (Applaudissements à gauche)

M. Gérard César.  - Les lois-cadres sont indispensables pour revenir à l'équilibre de nos finances publiques. Je soutiens les propositions du président Hyest. En revanche, je doute de l'intérêt du monopole des lois financières. N'oublions pas que, contrairement au Gouvernement, les parlementaires sont soumis à l'article 40 de la Constitution.

Dans la loi de modernisation agricole, dont j'étais le rapporteur, les mesures fiscales représentaient un volet essentiel.

La taxe sur les surfaces commerciales, introduite par le Gouvernement, était un élément intéressant qui ne coûtait rien au budget de l'État. La commission de l'économie l'approuvait. De même la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles a permis d'alimenter le fonds d'aide aux jeunes agriculteurs. Serait-il vraiment cohérent d'écarter les mesures financières des lois ordinaires ?

Je souhaite que la solution de bon sens trouvée par la commission de l'économie soit adoptée car elle préserve les droits du parlement ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Hervé Maurey.  - Nous connaissons tous la situation catastrophique de nos finances publiques. Nous en sommes tous responsables, à droite comme à gauche.

Mme Nicole Bricq.  - Trop facile !

M. Hervé Maurey.  - Nous nous réjouissons que le Gouvernement entende enfin les centristes. Quel dommage d'avoir attendu la fin de la législature !

Les lois-cadres, supérieures aux lois ordinaires, ne sont ni un gadget ni un outil à valeur symbolique. Néanmoins, rien ne remplacera la volonté politique.

La loi organique devra préciser les conditions de révision des lois-cadres : celle-ci devrait être limitée aux circonstances exceptionnelles.

En revanche, nous nous interrogeons sur le monopole des lois de finances et de financement en matière de prélèvements obligatoires. Il réduira le pouvoir des parlementaires et, singulièrement, des sénateurs. Cela est totalement contraire à l'objectif de la révision constitutionnelle de 2008. Alors, le président Arthuis avait préconisé la suppression de l'article 40 pour responsabiliser les parlementaires. Avec cette bombe nucléaire, l'article 40 fait figure de pistolet à eau.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Nous créons un article 40 pour le Gouvernement !

M. Hervé Maurey.  - Cette disposition affaiblit le Sénat puisque les lois financières sont discutées en priorité à l'Assemblée. Et qu'en serait-il des dispositions fiscales liées à l'organisation du territoire ? La priorité du Sénat serait menacée.

Enfin, cette disposition n'est pas nécessaire pour atteindre l'objectif d'équilibre des finances publiques. D'autant que les lois-cadres interdiront la création de nouvelles recettes. Or dans la loi Nome nous avons ajouté 75 millions de recettes pour augmenter le produit de la taxe sur l'électricité. On ne peut pas nous couper les deux bras pour nous empêcher de signer un chèque ! D'autant que les dépenses fiscales de grande ampleur ont toujours été votées à la demande ou avec l'accord du Gouvernement...

Si ce point n'est pas repris, je serai dans l'impossibilité, à mon grand regret, de voter ce projet de loi !

La séance est suspendue à 19 h 50.

*

*          *

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 21 h 50.

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques.

M. Yves Daudigny.  - J'écarterai le ton manichéen donné à ce débat. Ce projet nous est présenté tardivement, à la veille d'échéances électorales majeures, comme le nouveau Graal, la martingale, la clef du rétablissement de l'équilibre de nos finances publiques.

Le texte serait, pour certains, d'intérêt national, et placerait l'opposition devant ses responsabilités. De récents et inattendus convertis citent Mendès France. Mais en trente ans, jamais un Gouvernement de droite n'a ramené le déficit sous la barre des 2 % ; en 1989, en 1999, en 2000 et en 2001, lorsque nous y sommes parvenus, la gauche était au pouvoir. Nous laissons à la majorité la caricature. Dans sa stratégie de défense de rupture aux fins d'auto-blanchiment, la majorité voudrait faire procès à l'opposition d'avoir réussi là où elle a toujours échoué !

De fait, nous ne défendons pas les mêmes intérêts ni les mêmes valeurs mais savons travailler ensemble à l'intérêt général, comme le prouvent nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Faute de recettes pérennes, le niveau de la protection sociale devra être revu à la baisse. Ce serait signer la mort du système hérité de 1945, rappelait alors notre collègue Jégou dont je salue la lucidité.

Nous soutenons le rapporteur général Vasselle qui, en 2009 et 2010, montrait les limites de l'attentisme en matière de finances sociales.

Des règles contraignantes ne sauraient suppléer une volonté politique ferme et constante pour assurer le redressement des comptes publics. Le récent exemple de l'allongement de la durée de vie de la Cades montre que des dérives restent toujours possibles.

Quel sens donner à ce texte ? Pourquoi inscrire dans notre Constitution des principes opposés à tous les actes de ce Gouvernement ? La Fédération française d'addictologie vient de se réunir à Paris : s'agit-il d'interdire au joueur d'entrer au casino ?

La date d'entrée en vigueur de ce texte ? Elle est renvoyée à la loi organique. Ce n'est pas cohérent.

Le Parlement devrait se saborder pour assurer l'équilibre des finances publiques ? Au vrai, ce sera appliquer un cautère sur une jambe de bois.

Vos arguments sont fallacieux : l'article 40 de la Constitution et l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale interdisent déjà toute réduction des recettes et tout accroissement des dépenses. Or 85 % des dispositions qui ont entraîné des pertes de recettes ont été votées en lois financières ; pour la plupart, elles ne sont pas d'origine parlementaire. La récente annonce, en cours d'année, d'une prime de 1 000 euros pour le salarié n'en est qu'un nouvel exemple, voté, hors loi de finances, à l'initiative du Gouvernement, après la baisse de TVA sur la restauration et la loi Tepa. Et que dire du siphonage constant opéré sur les recettes de la sécurité sociale ? Au point que le Conseil constitutionnel rappelle que le Gouvernement ne peut puiser sur les ressources de la sécurité sociale pour financer le remboursement de la dette de la Cades !

Une loi-cadre viendra-t-elle infléchir votre politique ? Je n'en crois rien. Sa principale conséquence sera d'instituer le Conseil constitutionnel en conseil politique. Car comment ne jugera-t-il pas en opportunité ? Et chaque crise viendra faire sauter le verrou. Il n'est que de voir les références auxquelles renvoient les rapports de l'Assemblée nationale. Comme disait Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues, « budget : toujours en déficit ».

Les « règle d'or » et d'investissement durable du code de stabilité budgétaire britannique adopté en 1997 n'ont pas permis de surmonter la crise économique et ont été suspendues pour raison de force majeure. Le « chaînon manquant » n'est donc pas celui de règles d'intendance, qui n'ont pas la capacité de suppléer l'absence de projet politique.

Même inscrit dans la Loi fondamentale, ce projet de réforme reste un texte de gestionnaire qui ne peut suffire, à lui seul, à garantir l'équilibre de nos finances publiques. Il est aussi l'aveu d'un échec et sera vraisemblablement la dernière illusion de ce quinquennat, que la majorité défend avec la foi du charbonnier.

Il est une autre politique que récessive et de court terme. Il est une autre voie pour rassurer les marchés : établir une économie d'investissement et de développement. Non, il n'y a pas, en France, de malédiction de la dette. (Applaudissements à gauche)

M. Bruno Sido.  - Ce texte apporte une réponse indispensable à la dérive des comptes publics, dans la lignée de ce que font nos partenaires européens. Son adoption est indispensable : la France doit se doter d'un instrument contraignant. J'approuve le coeur de la réforme, mais pourquoi instituer un monopole des lois financières qui réduirait à l'excès les pouvoirs du Parlement ? M. Gilles Carrez rappelle, dans son rapport, que les textes financiers sont examinés « à la hussarde », dans des délais contraints, et que la navette est inexistante. (M. Jean Desessard approuve)

Bien des textes sont indissociables de leur volet fiscal. Imagine-t-on l'examen de la loi Libertés et responsabilités locales et de la loi sur les jeux en ligne sans leur volet financier ? Si celui-ci était, pour tout texte, ramené à l'automne, à l'examen de la loi de finances, comment la commission des finances trouverait-elle les moyens de mener les auditions nécessaires, et quelle serait la cohérence d'un examen dont un volet serait envoyé au Sénat, l'autre à l'Assemblée nationale ? Quid de la priorité d'examen au Sénat des textes relatifs aux collectivités ?

Je demande la suppression du monopole. Pour le reste, je soutiens ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Desessard.  - Ce texte est une très mauvaise réponse à une excellente question. Responsabilité, économie, solidarité sont les trois valeurs cardinales de l'écologie politique.

La responsabilité, c'est rendre compte de ses actes y compris à l'égard des générations futures. Dégrader l'environnement ou les finances publiques forment, à cet égard, un tout. Le consensus ne saurait aller plus loin.

Votre morale est à géométrie variable : en 2007, quand Nicolas Sarkozy a été élu, la dette était de 1 209 milliards d'euros ; elle est aujourd'hui de 1 680 milliards. En quatre ans, le Gouvernement a tari comme jamais les recettes fiscales : TVA sur la restauration, niches fiscales, et j'en passe. Permettez-nous de douter de votre morale budgétaire quand ce sont 125 milliards d'euros par an que représentent, depuis quatre ans, vos cadeaux fiscaux.

Cette loi vise-t-elle à vous prémunir contre vous-mêmes ? Mais les critères de Maastricht, la loi organique de 1996 interdisant le transfert de dettes à la Cades ou les lois de programmation ne vous ont pas arrêtés !

Pourquoi la loi-cadre vous astreindrait-elle comme par magie à une discipline que vous n'avez jamais respectée, en raison, notamment, de l'instabilité et de l'inconséquence d'un président de la République qui, récemment encore, vous enjoignait de voter un texte instituant une prime de 1 000 euros ? Il faut vous y résoudre, messieurs les ministres : aucune règle juridique ne vous protégera jamais de l'irresponsabilité politique.

L'exemple allemand ? Mais l'Allemagne a redressé ses comptes avant l'entrée en vigueur de sa nouvelle Loi fondamentale. En définitive, à quoi sert ce texte ?

Que pèsera le vernis constitutionnel de votre règle budgétaire face à une catastrophe naturelle de grande ampleur, face à une catastrophe nucléaire -que vous n'osez plus prétendre impossible !-, face à une pandémie, face à une nouvelle déflagration économique -que votre incapacité ou votre manque de volonté à réformer la finance rend toujours possible à court terme ? Rien !

La force de l'urgence balaiera vos carcans comptables, administratifs ou constitutionnels et le pouvoir politique sera un peu plus décrédibilisé.

Ce texte, antidémocratique et irresponsable, fixe une règle en or qui marquera la fin du débat politique et du Parlement comme le but en or marque la fin d'un match de football.

Nous ne pouvons accepter de brader ainsi la démocratie : les sénateurs écologistes voteront résolument contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. François Baroin, ministre.  - Monsieur Desessard, le but en or n'a jamais empêché de jouer : il permet simplement de désigner le vainqueur. L'inscription de la règle d'or dans la Constitution n'empêchera jamais le débat ni au Sénat, ni à l'Assemblée; il s'agit simplement de fixer un cap et de définir une méthode de travail. Je remercie le président de la commission des lois, le rapporteur général de la commission des finances et son président, le rapporteur général de la commission des affaires sociales ainsi que le président de la commission de l'économie.

Ce texte avance trois idées simples. La loi de programmation se transformera en loi-cadre pour fixer un objectif intangible afin de tourner le dos à l'addition des dépenses pour s'inscrire résolument dans la recherche de l'équilibre.

Un événement majeur a marqué la législature : la crise importée des États-Unis, qui a transféré la dette privée vers le public.

M. Yves Daudigny.  - Heureux de l'entendre !

Mme Nicole Bricq.  - La crise a bon dos !

M. François Baroin, ministre.  - Mais le dispositif mis en place pour sauver le système bancaire visait à sauver l'économie, les entreprises, donc les particuliers. Souvenez-vous des queues devant les banques ! Le prix à payer a été le transfert de la dette privée vers le public. Il faut ignorer totalement ce qui se passe en Grèce, au Portugal, en Grande-Bretagne, et même aux États-Unis, pour croire à un tour de passe-passe de notre part. Il ne s'agit que de fixer des règles pour revenir à l'équilibre. Réduire la dette, c'est une question de bon sens, de responsabilité, de souveraineté. Merci au rapporteur général de l'avoir compris. L'outil que nous vous proposons vise à contraindre le Gouvernement pour éviter toute mesure dérogatoire qui ne s'inscrirait pas dans cette perspective vertueuse.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Tout à fait !

M. François Baroin, ministre.  - Il ne s'agit donc nullement de tordre le bras au Parlement. À nous de trouver, ensemble, le juste milieu. Dans le respect de la vocation qui est celle du Sénat, nous devons trouver un compromis entre la volonté gouvernementale de fixer un cap et le respect de l'initiative parlementaire.

Ce texte est la synthèse de la méthode responsable retenue par le Gouvernement et le président de la République, qui a suscité le consensus. Écartons les mauvaises pensées. Je ne reviens pas sur les propos de Jean-Pierre Chevènement, qui voit là la possibilité de toucher les droits d'auteur d'un combat dépassé, celui de Maastricht, et de faire en sorte de lire cette Constitution réformée à travers le prisme d'une remise en cause d'une politique qu'il a toujours dénoncée, celle de l'euro.

On ne peut pas, monsieur Fischer, plaider tout et son contraire et dénoncer une politique qui a visé, à travers une crise sans précédent, à protéger le modèle social français.

Nos choix ont été ambitieux, audacieux, responsables et vertueux : ne pas augmenter les prélèvements obligatoires et poursuivre le soutien à l'activité économique. Les résultats sont au rendez-vous (exclamations à gauche) : 1,6 % de croissance d'ores et déjà acquis ; un déficit ramené à 5,7 % d'ici à la fin de l'année. Nos objectifs seront tenus !

Comme à l'Assemblée nationale, je sais que Gouvernement et parlementaires pourront se rejoindre et trouver un équilibre entre monopole financier et initiative parlementaire. La loi de finances ne doit pas devenir, par une inversion des valeurs, la voiture balai ou la chambre d'enregistrement des mesures votées dans l'année. Pour préserver l'initiative parlementaire, on peut aller plus loin que la seule loi de finances rectificative. J'ai entendu les observations de MM. Hyest, Vasselle, Emorine et Gélard qui souhaitaient une priorité du Sénat pour les textes financiers associés à des projets de loi relatifs aux collectivités locales ; ce sera difficile juridiquement... Tronçonner la loi de finances ne semble guère praticable. Au demeurant, la réforme de la taxe professionnelle a commencé à l'Assemblée, mais l'essentiel du travail a été accompli au Sénat. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°76, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'équilibre des finances publiques.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je ne ménage pas mon plaisir à défendre une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité sur un projet de loi constitutionnelle...

Ce texte est irrecevable démocratiquement ; il ne réunira pas la majorité des trois cinquièmes au Congrès. Mais vous avez déjà prévu une loi organique. Faut-il croire que le président de la République veut afficher à l'égard des marchés sa volonté de bonne conduite ? Ce texte porte bien son nom de « règle d'or » à condition d'ajouter « des marchés financiers ».

En 2008, les États ont sauvé les banques sans contrepartie et fait payer les peuples. Ceux qui ont profité avant et après la crise, les actionnaires du CAC 40, n'ont eu aucun compte à rendre. Au contraire, vous ne cessez de les flatter. Au point qu'aujourd'hui, les plus riches arrivent à avoir un taux d'imposition aussi faible qu'un petit salarié : 4 % pour Mme Bettencourt et pour un salarié à 1 500 euros !

La dernière loi de finances rectificative, entre l'allègement de l'ISF et le maintien du bouclier fiscal, aggrave le déficit public : vous n'appliquez même pas les bons principes que vous voulez constitutionnaliser !

Vivre ensemble, c'est avoir un comportement responsable, nous dit-on. Mais le peuple est-il responsable de votre politique qui met au pas les collectivités locales, impose la RGPP et s'emploie à exonérer, avec le pacte de stabilité, les responsables de la crise financière ? Vous instituez une norme suprême qui contrevient directement à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme ; alors que le Conseil constitutionnel a réaffirmé les principes d'annualité et d'unité budgétaires, vous faites l'inverse avec ce texte en imposant la mise en cohérence entre la trajectoire pluriannuelle transmise à Bruxelles et la loi de finances votée annuellement par le Parlement.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Absolument.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Mais qui édicte la norme ? Le Conseil des ministres européens ? La Commission ? Un pays ? C'est là que le bât blesse. Vous ajoutez une règle supplémentaire au traité de Lisbonne pour limiter durablement la souveraineté populaire. Comment imaginer que le Conseil constitutionnel, instance non démocratique, puisse annuler une disposition prise par un gouvernement en cas de crise ? Comment imaginer qu'un gouvernement issu d'un changement de majorité accepte une camisole financière qui l'empêche d'agir ?

On comprend bien l'intérêt des marchés financiers dans cette affaire ; ils ne paieront pas la note. C'est bien la logique du traité de Lisbonne : inscrire la rentabilité du capital dans le marbre de notre Loi fondamentale.

Ce caractère antidémocratique de ce texte n'échappe pas à certains membres de la majorité. Le président de la commission des lois, dans son rapport, souligne l'affaiblissement du Parlement qui s'ensuivrait. Néanmoins, il n'apporte pas de remède au mal annoncé : les lois financières continueront d'avoir compétence exclusive sur les mesures fiscales et autres recettes sociales ; et les lois-cadres subsistent. Il n'y a là que subterfuge.

Nous le refusons ! Le Parlement ne peut pas aliéner la souveraineté du peuple au comptable européen ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Quel paradoxe de présenter une telle motion sur un projet de loi constitutionnelle ! Cela dit, vous avez pu développer vos thèses...

Je suis surpris par votre refus de la pluriannualité ; l'annualité, c'est la navigation à vue. Nous avons commencé en 2008 avec les lois de programmation. Les lois-cadres nous obligeront à la constance.

Ce texte ne bafoue en rien les principes fondamentaux de notre République. Voyez l'Allemagne qui ne s'est pas si mal trouvée d'un dispositif similaire. L'avis de la commission est défavorable.

M. François Baroin, ministre,  - Même avis.

La motion n°76 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 225
Nombre de suffrages exprimés 206
Majorité absolue des suffrages exprimés 104
Pour l'adoption 24
Contre 182

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°38 rectifiée, présentée par M. Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'équilibre des finances publiques (n° 499, 2010-2011).

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le prêchi-prêcha qui accompagne ce texte fait penser aux contes moraux du XIXe siècle illustrés de vignettes émouvantes et destinés à l'édification des prolétaires. Sur la première vignette, on verrait une famille éplorée accrochée aux basques d'un homme ivre et le garde des sceaux dans un coin déclarer doctement : « quand les parents boivent, les enfants trinquent ». (Sourires) Sur la seconde vignette, la même famille radieuse dans un logement d'une honnête propreté et le ministre du budget disant : « la sobriété, c'est la prospérité ». (Sourires)

C'est ainsi qu'une question complexe est réduite à un unique problème, auquel on trouvera une solution simple et de soi-disant « bon sens ». Il ne s'agit nullement de changer l'ordre des choses, forcément parfait, mais de corriger les hommes en même temps que l'idiosyncrasie des parlementaires, prompts à voter des dépenses à des fins électoralistes -hier les « irresponsables » élus locaux. Alors que le Gouvernement dispose de tous les moyens constitutionnels pour imposer ses vues... S'il ne se sent pas capable de conduire la politique financière de la France, qu'il s'en aille ! (Sourires)

En vérité, le problème n'est pas tant de l'excès de la dépense que du défaut abyssal des recettes, du déséquilibre du partage de la valeur ajoutée en défaveur du travail, qui n'a cessé de s'aggraver au cours des trente dernières années, des allègements fiscaux et sociaux généreusement décidés par ce Gouvernement -de 190 à 300 milliards selon les modalités de calcul, à comparer avec le déficit public de crise en 2009, soit 145 milliards. Si ce n'est pas organiser l'insolvabilité de l'État et la faillite des régimes sociaux, c'est bien imité... Voilà comment on a organisé l'emballement de la dette.

La question du partage de la valeur ajoutée n'est pas propre à l'Europe, mais d'après le Bourdin-Collin, nous avons fait moins bien que les États-Unis : moins 12 points de PIB au détriment du travail, contre moins 4 points. Et moins de revenus du travail, c'est moins d'impôts et moins de cotisations sociales. Si, selon le credo libéral, les bénéfices d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain, cette évolution n'aurait pas eu un impact aussi négatif sur l'emploi, la consommation et les recettes de l'État. Mais la foi n'a pas suffit à déplacer les montagnes. L'excédent de revenus du capital n'a pas été réinjecté dans l'économie mais est allé croître et multiplier dans des bulles spéculatives. Le maintien du niveau de la consommation et de l'emploi a imposé de compenser les fuites. Pour ce faire, parmi les cocktails disponibles, la France a opté pour le « mou », croissance molle, endettement public et privé modéré. Ce qui passe aux yeux des libéraux français pour du keynésianisme s'est limité à caler la croissance de l'emploi sur celle de la population active.

Mais tous les gouvernements n'ont pas fait la même chose. On doit au Gouvernement Jospin 60 % des créations d'emplois de ces vingt dernières années. Période de croissance, me dira-t-on ; soit, mais ce ne fut pas la seule de ces trente dernières années. Ce fut bien le produit d'une politique.

Comment le Gouvernement entend-il nourrir la croissance, l'emploi, la consommation sans augmenter les revenus du travail et en réduisant l'endettement public ? Songe-t-il à appliquer la recette prônée par le candidat Sarkozy en 2007, qui plaidait pour la réforme du crédit hypothécaire ? La crise de 2008 a démontré l'inanité de ces propos : pour sauver le système bancaire, le lapin blanc de la dette privée s'est transformé en lapin noir de la dette publique. Que la France s'en soit plutôt mieux tirée que d'autres ne signifie pas qu'elle soit à l'abri des tensions dans la zone euro. Une nouvelle discipline budgétaire pour éviter que la France ne devienne un pays Club Med ? Si elle n'était pas la cible de la spéculation, nous ne serions pas là aujourd'hui... Le ministre du budget l'avoue d'ailleurs avec candeur. Le général de Gaulle disait : « la politique de la France ne se décide pas à la corbeille ».

Mme Nicole Bricq.  - De politique, il n'y en a pas !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Autres temps, autres moeurs, autres hommes. Grandeur et décadence... Si les marchés dictent leur loi, c'est qu'on les a placés en situation de le faire ; lorsqu'ils ne craindront plus le délabrement des finances publiques, ils spéculeront sur les conséquences de leur restauration...

On ne rassure pas les marchés. La monétisation directe de la dette publique par les banques centrales permettrait de desserrer l'étau ; elle serait bien moins dangereuse, écrit Patrick Artus, que la monétisation indirecte par les banques. Elle limiterait son coût et donnerait aux États des marges de manoeuvre, sans être plus inflationniste que les émissions d'origine bancaire, au moins tant que la production tourne au ralenti. Faudrait-il d'ailleurs se plaindre de davantage d'inflation ? Quelques malappris tel Olivier Blanchard, économiste en chef du FMI, préconisent même de relever de 2 % à 4 % la cible d'inflation des banques centrales, ce qui allégerait le poids de la dette de 2 points de PIB par an.

Ainsi le fond de l'affaire n'est-il pas l'irresponsabilité des parlementaires mais le mode de construction et de régulation de l'euro -tentative inouïe de créer une monnaie sans pouvoir souverain pour l'administrer, concrétisation du rêve libéral d'un ordre autonome fonctionnant selon ses lois propres pour le bonheur de l'humanité... Le rêve ne s'étant pas réalisé, le mal ne pouvait venir que du vestige de souveraineté laissé aux États : la politique budgétaire. L'objet de ce texte est de les en priver.

L'Europe n'était pas prête, affirmaient certains ; et la crise est arrivée. Comme le dit Paul Krugman, nous assisterons dans les années à venir à un douloureux processus de sortie de crise fait de renflouages accompagnés d'une violente austérité et d'un chômage alimenté par la déflation.

Comme toujours, nous en revenons aux palinodies sur le devoir moral et aux cataplasmes. On nous reproche de ne pas penser aux générations futures ; nous vous invitions à penser aux jeunes d'aujourd'hui et à la galère que vous leur préparez ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - M. Collombat a beaucoup critiqué l'euro ; son parti l'a pourtant constamment soutenu.

M. Pierre-Yves Collombat.  - La repentance est possible ! Perseverare diabolicum...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce texte vise à retrouver des marges de manoeuvre après trente-cinq ans de déficits cumulés. Tous les gouvernements, qu'ils soient de droite ou de gauche, portent leur part de responsabilité dans cette situation.

Quant à la protection des droits du Parlement, je me suis battu et j'ai grandement contribué à améliorer le texte.

M. René Garrec.  - C'est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Pour finir, il y a lieu de poursuivre le débat.

M. François Baroin, ministre.  - L'avis est défavorable.

La motion n°38 rectifiée est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l'adoption 128
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Renvoi en commission

M. le président. - Motion n°45, présentée par MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Plancade et Tropeano.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi constituionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques (n° 499, 2010-2011).

M. Yvon Collin.  - Le RDSE juge ce dispositif constitutionnel inutile, inopérant et dangereux. Je regrette que vous jouiez avec la réputation de la représentation nationale en la sommant d'approuver ce texte sous peine de porter atteinte à l'intérêt national.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - La responsabilité politique commande d'assumer ses choix. Lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, le déficit public était inférieur à 2 % ; en 2010, il atteint 7 %. À l'insoutenabilité du déficit s'ajoute celle de la dette ; entre 2001 et aujourd'hui, elle est passé de 56,9 % du PIB, soit un taux compatible avec les critères de Maastricht, à 81,7 %, ce qui représente une augmentation de 40 % en neuf ans !

Cette situation, dont vous êtes responsables, impose d'agir. Si la France est abonnée à la dette, c'est parce que vous avez souscrit l'abonnement.

M. René Garrec.  - D'autres pays connaissent cette situation !

M. Yvon Collin.  - Que faites-vous sinon répéter les leçons des petits génies de l'école de Chicago, qui fabriquent une science économique de pacotille pour aspirants nobélisables en faisant vôtres les recommandations des banquiers plus préoccupés de leurs bonus que de l'intérêt général ? Le ver est dans le système !

Plutôt que d'agiter la menace des marchés financiers, protégez la France de leurs excès. En 2007, l'Europe connaissait la croissance ; vous n'en avez pas moins creusé le déficit de 0,4 point de PIB. Vous l'avez encore aggravé depuis quand l'Allemagne réduisait le sien.

Vous n'avez pas eu le courage de mener une politique fiscale ponctionnant les plus hauts revenus, pourtant si nécessaire pour notre cohésion sociale. Au contraire : vous avez sciemment allégé la contribution des plus aisés.

Ce texte est inutile. Quelle différence entre les anciennes lois de programmation et les nouvelles lois-cadres ? Êtes-vous si incertains de vos engagements qu'il vous faut vous lier tel Ulysse à son mât ? Les règles d'or n'ont pas fait la preuve de leur efficacité en Europe ? Il en résulte surtout de l'inertie -et demain de nouvelles spéculations. Méfions-nous des concours de beauté, qui produisent surenchères et artifices.

Les lois-cadres s'imposeraient aux lois ordinaires et cela, selon des modalités définies dans une loi organique dont nous ne savons rien. Les écarts seront-ils corrigés terme à terme ou en considération de leurs effets sur le solde ? Comment seront-ils compensés ? Le plus grand flou règne, d'autant qu'il faut parfois des années pour constater les écarts. Tout au moins, cet examen aura lieu en loi de règlement. Mais la loi de règlement ne vise-t-elle pas, déjà, à corriger ces écarts ? Et s'il y a écart, comment sera-t-il sanctionné ?

Sortons du monde de Kafka et du père Ubu ! Retrouvons la terre ferme en renvoyant ce texte pour réfléchir à un autre mécanisme. Comment la commission des finances peut-elle accepter ce texte sans se renier, les lois de financement se voyant reconnaître une compétence concurrente ? Comment les sénateurs peuvent-ils se dessaisir de leur pouvoir d'initiative ?

Le Parlement, que vous prétendez respecter, ne peut pas accepter qu'il soit à ce point porté atteinte à ses droits. C'est pourquoi les membres du groupe RDSE signataires de cette motion vous invitent à les suivre ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE et socialistes)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Les motions sont intéressantes : on n'en aborde la motivation qu'à la toute fin... Tous les gouvernements ont péché.

Mme Nicole Bricq.  - Mais non !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission des lois a déposé des amendements pour préserver le droit d'initiative des parlementaires.

La motion n°45, rejetée par le Gouvernement, n'est pas adoptée.

Prochaine séance demain, mercredi 15 juin 2011, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 45.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 15 juin 2011

Séance publique

À 14 heures 30 et le soir

1. Suite du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques (n° 499, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois (n° 568, 2010-2011).

Avis de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 578, 2010-2011).

Avis de MM. Jean Arthuis et Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances (n° 591, 2010-2011).

Avis de M. Jean-Paul Emorine, fait au nom de la commission de l'économie (n° 595, 2010-2011).

2. Projet de loi organique modifiant l'article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (Procédure accélérée) (n° 554, 2010-2011).

Rapport de M. Christian Cointat, fait au nom de la commission des lois (n° 586, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 587, 2010-2011).

3. Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (n° 566, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-Louis Lorrain, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 589, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 590, 2010-2011).