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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage aux soldats tombés en Afghanistan

Débat sur le tourisme outre-mer

Mise au point au sujet d'un vote

Débat sur le tourisme outre-mer (Suite)

Allocution de M. le président du Sénat

Rentrée scolaire (Questions cribles thématiques)

CMP (Demande de constitution)

Mission d'information « Taxe professionnelle » (Candidatures)

Politique du handicap (Deuxième lecture)

Discussion générale

Discussion des articles

Article 4

Article 5

Article 6

Article additionnel

Article 10

Article 10 bis

Article 12 bis

Article 12 quater

Article 14 ter A

Interventions sur l'ensemble

Mission d'information « Taxe professionnelle » (Nominations)

CMP (Nominations)




SÉANCE

du mardi 28 juin 2011

123e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire : M. Daniel Raoul.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Hommage aux soldats tombés en Afghanistan

M. le président.  - Mes chers collègues, (Mmes et MM. les sénateurs et la ministre se lèvent), au nom du Sénat tout entier, je veux saluer la mémoire de deux soldats du 1er régiment de chasseurs parachutistes, Floran Morillon et Cyrille Hugodot, tombés au champ d'honneur, à quelques jours d'intervalle, en Afghanistan. J'exprime nos condoléances à leurs familles, au chef de corps, aux officiers et aux soldats du 1er RCP.

Ce sont 63 de nos soldats qui sont tombés en Afghanistan. La situation nous interpelle : nous aurons à débattre de la durée et de l'ampleur de notre engagement dans ce pays. Nos forces armées méritent la reconnaissance de la Nation. Je vous propose d'observer un moment de recueillement à la mémoire des soldats disparus. (Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence)

Débat sur le tourisme outre-mer

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le tourisme et l'environnement outre-mer.

M. Michel Magras, au nom de la commission de l'économie.  - Je me réjouis de ce débat. Le tourisme est essentiel pour l'avenir de nos outre-mer. En septembre, la commission m'a confié un rapport sur ce sujet, que j'ai présenté le 24 mai. Il était irréaliste de traiter de l'ensemble des territoires ultramarins. Quel point comment entre Saint-Pierre-et-Miquelon et la Guyane, entre le tourisme balnéaire et celui de La Réunion ? J'ai concentré mon rapport sur la Guadeloupe et la Martinique, qui rencontrent aujourd'hui de grandes difficultés. Les conclusions s'appliquent aussi à d'autres collectivités.

Après de nombreuses observations, j'ai formulé onze recommandations. Les Antilles doivent passer d'un tourisme subi à un tourisme intégré, en harmonie avec la société et le milieu naturel. Le Gouvernement va-t-il renforcer l'apprentissage des langues étrangères aux Antilles ? Cette France doit parler anglais et espagnol. Quid d'une défiscalisation de projet, au service de la rénovation de l'hôtellerie ?

Première recommandation : faire du tourisme la priorité économique des Antilles. La fréquentation touristique s'est effondrée depuis le début des années 2000 : moins 40 % ! Le tourisme représente 20 % de l'emploi ; or la volonté politique est absente. L'État doit prendre des mesures d'accompagnement, élaborer une stratégie. Je propose une conférence annuelle pour déterminer celle-ci. Une dynamique existe désormais en Martinique, comme en Guadeloupe.

Il faut attirer les touristes américains, canadiens et brésiliens, inciter les compagnies aériennes américaines à desservir les Antilles, dont le tourisme est à 80 % français.

Pour attirer les Européens, Air France doit bientôt proposer un vol depuis Roissy.

Les touristes américains ont été les premiers à croire en ces deux destinations, mais les ont désertées du fait de l'instabilité sociale : il n'y a pas de desserte directe. Les atouts de ces territoires sont pourtant réels. La compagnie nationale aurait l'intention de faire des démarches en la matière.

Il faut une défiscalisation de projet pour l'hôtellerie. Le parc hôtelier, divisé par deux depuis le début des années 2000, est obsolète. Il faut le moderniser. En outre, près de 80 % des structures hôtelières seraient déficitaires. Nous attendons beaucoup de la mission mise en place en février.

La défiscalisation a permis de doubler le parc hôtelier de la Guadeloupe entre 1986 et 1995, mais a eu des effets pervers. Je suis partisan d'une défiscalisation choisie. Il faut en faire un outil de développement durable. Sa durée pourrait être portée à dix ou quinze ans. A quoi sert-il d'être propriétaire sans les moyens d'entretenir l'établissement ? La priorité est de rénover les hôtels.

J'en viens au volet environnemental de mon rapport. Cette discussion doit être prise en compte globalement. Il faut prendre des initiatives en matière de cadre de vie, par exemple en matière d'affichage publicitaire. Or les deux départements antillais ont un déficit d'image en la matière. Entre l'aéroport et l'hôtel, le paysage est défiguré : ce premier contact avec l'île laisse des traces ! Ces îles disposent pourtant de richesses naturelles exceptionnelles.

A Saint-Barthélemy, j'ai pris une décision radicale en la matière. Les outils législatifs existent. La Guadeloupe et la Martinique doivent acquérir une image d'îles propres.

Il faut favoriser un tourisme « vert » dans les Antilles, véritable trésor environnemental.

Les associations, le conservatoire du littoral sont dynamiques mais il faut faire plus. Il faut suivre l'exemple de La Réunion en matière d'énergies renouvelables. Ces atouts doivent être mis à profit pour sortir de l'image réductrice de destinations « plages-cocotiers ». Le potentiel de la Martinique est de 300 000 écotouristes par an.

Mon rapport contient bien d'autres recommandations. Faire du tourisme, c'est accueillir sans se faire envahir, offrir sans se faire déposséder. Les acteurs locaux m'ont paru sensibles à mes recommandations : ils devront se les approprier. J'espère que notre débat sera constructif car le tourisme est essentiel pour le développement de l'outre-mer. (Applaudissements)

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Bernadette Dupont.  - Sur les conclusions de la CMP sur le projet de loi de bioéthique, j'ai été notée comme votant pour ; or je voulais voter contre.

M. le président.  - Acte vous en est donné.

Débat sur le tourisme outre-mer (Suite)

M. Adrien Giraud.  - M. Magras n'a pas traité de toutes les collectivités ultramarines mais s'est attaché au cas des Antilles. Il faut tenir compte de la spécificité de nos territoires. Nous pouvons nous inspirer de ses recommandations.

Je félicite le nouveau président du Comité du tourisme mahorais et souhaite le démarrage d'une véritable politique touristique à Mayotte, avec le soutien financier de l'État, encore insuffisant.

Notre territoire, grand lagon fermé, est devenu département français. En pleine mutation économique et sociale, Mayotte se développe rapidement.

Le président de la République a promis sur place une aide de l'État pour favoriser son développement touristique. Parmi ses atouts, sa position géographique, un lagon exceptionnel qui en fait le temple de la plongée, une faune et une flore d'une grande richesse. Mayotte doit offrir à ses visiteurs de vraies occasions de rencontre et d'échange avec la population. On a compté plus de 53 000 touristes en 2010, dont 48 % de France ; Mayotte ambitionne d'augmenter le chiffre d'affaires touristique, aujourd'hui de 30 millions d'euros.

Les axes de la politique de développement du tourisme sont les suivants : construire son image, améliorer la desserte aérienne, créer des circuits combinés avec les territoires voisins -Réunion, Maurice, Madagascar, Kenya-, développer l'hébergement, former aux métiers touristiques. Le comité du tourisme mahorais y veille, ainsi qu'à la propreté du paysage. Il faut aussi préserver la qualité écologique du lagon, développer l'artisanat local, soutenir les microprojets touristiques, multiplier les chambres d'hôtes, renforcer la diversité de l'offre.

Il faut envisager le département touristique dans une logique de gouvernance participative.

Le tourisme offre à Mayotte un fort potentiel d'emplois et de valeur ajoutée. Les pouvoirs publics doivent favoriser l'initiative.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Adrien Giraud.  - Mais attention à ne pas réduire le développement économique au seul tourisme. Je compte sur le volontarisme des acteurs. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Serge Larcher.  - Je me félicite que les analyses de M. Magras convergent avec celles de la mission que je présidais en 2009. Même constat de la crise du secteur, mêmes causes identifiées. Je souscris pleinement à ses onze recommandations.

Il est urgent d'élaborer un véritable projet de développement. Il faut aussi développer une logique de « subsidiarité », en collaboration avec les autres îles de la région.

Aucun plan d'envergure n'a encore été adopté en faveur du secteur. Mais le contexte a changé, il y a une prise de conscience. Le président du conseil général de la Martinique a fait du développement du tourisme une priorité, avec l'objectif d'augmenter la fréquentation et la dépense moyenne des touristes, pour en faire un pilier du développement de la Martinique. Mais une forte implication de l'État s'impose. Le président de la République a promis, en janvier, que l'État nous y aiderait.

Madame la ministre, les banques ne soutiennent pas le tourisme. Comment développer le financement nécessaire ? Quid du prix des billets ? Comptez-vous participer aux projets promotionnels ? Comment adapter le classement hôtelier aux réalités locales ?

La reprise est en cours ; elle ne pourra se poursuivre que si chacun joue le jeu, à commencer par le Gouvernement. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Marsin.  - (Applaudissements sur les bancs RDSE) Je me réjouis de ce débat. Le tourisme antillais connaît un réel déclin depuis dix ans. Il peut pourtant irriguer notre économie. Mais point de résultat durable sans stratégie. Le tourisme est perçu comme une activité juteuse pour les promoteurs, consommatrice de subventions : il faut favoriser l'implication de la population.

Clientèle de masse, tous azimuts, ou clientèle choisie ? Le touriste américain a toujours représenté une cible alléchante mais il est difficile à attirer et fidéliser. Bref, le retour sur investissement n'est pas garanti. Outre les Canadiens, la clientèle européenne me semble receler de fortes potentialités : c'est pourquoi il faut développer la desserte depuis Roissy.

Quel type de structure développer ? Le parc hôtelier se dégrade. Il faut aussi développer d'autres formes d'hébergement, comme les gîtes, qui favorisent l'échange avec la population. Nos territoires insulaires y sont adaptés. Il faut inciter les structures à se développer, se regrouper. Il y a là un enjeu socio-économique, mais aussi politique.

Il faut développer l'apprentissage des langues étrangères, mettre fin à la dégradation de nos paysages par des déchets. Beaucoup reste à faire pour améliorer l'image des territoires. Au-delà du relooking, c'est l'avenir de nos populations qui est en cause. Nos richesses naturelles, véritables trésors, doivent être mises en valeur.

Le rapport de M. Magras propose un choix clair : un tourisme intégré et choisi, et non subi. Une volonté politique locale affirmée peut créer les conditions d'une nouvelle dynamique de développement durable. (Applaudissements sur les bancs RDSE)

Mme Gélita Hoarau.  - Le tourisme, porteur d'emplois, est une piste pour sortir l'outre-mer de son marasme économique et social. Chaque territoire a ses atouts et ses handicaps. Au cours des années 1990, le nombre de touristes a doublé à La Réunion ; après une chute due au Chikungunya, le chiffre est remonté, mais ne décolle pas : le tourisme ronronne. Pourtant, l'île ne manque pas d'atouts, même si elle n'a que 30 kilomètres de plages : nature exubérante, volcan en activité, 800 kilomètres de sentiers de randonnées, montagne, mer et écotourisme. La création du parc national et de la réserve maritime a permis de préserver des sites remarquables du mitage urbain.

Depuis le 1er août 2010, 40 % du territoire sont inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco. Mais cette richesse naturelle est fragile : il faut la préserver et la valoriser. La biodiversité est en péril : un tiers des espèces végétales sont menacées. Il faut former à la protection de ce patrimoine, avec un service d'intérêt public.

L'Union européenne a accordé des financements en la matière, faisant de la diversification une priorité. Si le développement des produits haut de gamme est positif, le parc d'hébergement de qualité reste rare. La Réunion manque de foncier.

Il faut diversifier la clientèle, aujourd'hui venue à 80 % de France. Les pays du grand Océan indien sont un vivier mais la politique sécuritaire impose des barrières administratives impossibles. M. Jégo proposait d'installer des bureaux de distribution de visas dans les aéroports ; M. Fillon promettait d'intégrer la Réunion dans Schengen. Nous attendons... Il est aujourd'hui possible d'entrer sans visa si l'on passe par l'île Maurice et une agence de voyages. Quel mépris à l'égard des Réunionnais et de nos voisins! (M. Jean-Paul Virapoullé approuve)

Le potentiel touristique de la Réunion est réel. Encore faut-il que tout le monde en soit conscient ! (Applaudissements à gauche)

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.  - Le territoire et l'environnement sont désormais indissociables. Le conseil interministériel du 12 juin a montré le regain d'intérêt pour l'environnement en outre-mer. Le parc marin de Mayotte est appelé à jouer un rôle essentiel dans la préservation des espèces, la régulation de la pêche et le tourisme.

L'essor aéroportuaire a désenclavé le département et multiplié le nombre de touristes : 53 000 en 2010. Mais l'hébergement fait défaut : 750 lits en 2007. Le plan d'aménagement prévoit pourtant 150 000 touristes en 2020 !

Le plan de mise en valeur de la mer a identifié neuf sites hôteliers d'envergure éventuels. Des appels à projets ont été lancés ; une dizaine de projets ont été reçus.

Nous nous inscrivons dans une perspective de développement durable, prévoyant l'aménagement de l'aéroport, du littoral, des circuits de randonnée, des centres administratifs, etc. Un nouvel aéroport doit être construit. C'est un projet d'intérêt national, favorisant les continuités territoriales. Des études doivent porter sur les conséquences sur l'écosystème marin. Pour créer la piste longue, il faudra déroger à la loi Littoral.

Il n'est pas question de se lancer dans un tourisme de masse destructeur mais dans un tourisme vert. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Les quatre DOM ont pour point commun la prépondérance économique du tourisme. Par le biais de la défiscalisation, des milliards ont été investis, mais le tourisme recule. C'est une question de culture. J'ai accompagné Sir Gaëtan Duval, père fondateur de Maurice : là, il n'y a pas eu de défiscalisation mais la mobilisation d'un peuple pour sortir de la misère, par la culture de l'accueil et du travail bien fait ! Nous sommes des enfants gâtés de la République. Pourquoi se cacher la vérité ? Lorsqu'on a un cancer, il vaut mieux le savoir...

Nous, élus, sommes là pour indiquer la direction et les sacrifices nécessaires. Parlementaire depuis vingt-et-un an, je n'ai fait que voter des lois pour encourager le tourisme ! Il faudra bien dire un jour aux ultramarins de valoriser l'accueil, le professionnalisme, au lieu de l'amateurisme ! La défiscalisation ne doit plus être un produit financier abusif pour contribuables aisés mais un projet de développement industriel porté par des professionnels.

Il y a le frein de la langue : pour accueillir des touristes, il faut parler anglais, allemand ou espagnol. Ouvrir les offices de tourisme le week-end. Et avoir la culture du rêve : ne transformons pas celui des touristes en cauchemar !

Je suis ici pour rendre service aux ultramarins.

M. Serge Larcher.  - Merci du service !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Les compagnies aériennes fixent librement leurs tarifs ; voyons donc s'il n'est pas possible d'augmenter la défiscalisation sur les avions ! (M. Serge Larcher s'esclaffe) Ne polémiquez pas : mon attitude est responsable.

M. Serge Larcher.  - Vous vous trompez de bonne foi.

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Retroussons nos manches : tout n'est pas de la responsabilité du Gouvernement ! (Applaudissements à droite)

M. Claude Lise.  - L'opinion martiniquaise reconnaît que le tourisme est essentiel au développement de l'île. Mais il traverse une très grave crise. Les mesures prises depuis 2009 n'ont pas produit les effets escomptés, à cause des retards d'application et des complexités de procédure : ainsi les hôtels ne pourront-ils bénéficier d'aides qu'à condition d'avoir acquitté toutes leurs dettes fiscales et sociales. Il faut assouplir les règles !

Il faut aussi rétablir le dispositif « emploi-solidarité » et supprimer temporairement le plafond de dette publique de 60 %.

J'en appelle à une révolution culturelle : le tourisme durable implique de valoriser notre patrimoine naturel et culturel et de construire des infrastructures de qualité. Pourquoi ne pas décréter les Antilles « zones prioritaires de tourisme durable » ? Mais rien ne se fera sans moyens. L'État doit accompagner financièrement les initiatives locales, conformément aux engagements pris en janvier par le président de la République.

Tous les acteurs doivent être associés et assurés de la rentabilité de leurs projets. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

M. Robert Laufoaulu.  - Je remercie MM. Magras et Emorine. Le développement du tourisme en outre-mer implique la sauvegarde de l'environnement : car ces zones sont à la fois parmi les plus riches au plan de la biodiversité et les plus menacées.

Grâce à ses outre-mers, la France est par exemple le seul pays à posséder des récifs coralliens dans tous les océans. Or, les revenus touristiques afférents sont estimés à 10 milliards de dollars !

Ces récifs sont désormais mieux protégés dans la zone de Bonaire, mais ce n'est pas le cas ailleurs.

Un récent rapport a souligné les retombées économiques du corail, et les dangers environnementaux et humains de sa disparition. Un nouveau programme est prévu pour 2011-2015.

Un nouveau projet existe pour desservir Wallis-et-Futuna : il faut se donner les moyens d'accueillir les touristes, notamment ceux qui vont aux îles Fidji. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Gillot.  - La Guadeloupe, avec son patrimoine naturel, culturel et culinaire, a un énorme potentiel mais le tourisme y est en crise. Il faut être lucide. L'instabilité sociale et les tarifs hôteliers élevés nous handicapent.

Le rapport de M. Magras est précis. Oui, tous les acteurs doivent se mobiliser.

Pour s'ouvrir à de nouveaux marchés, il faut développer le bilinguisme : au moins une langue étrangère devrait être enseignée dès le primaire.

La préservation de l'environnement est indispensable : j'appelle de mes voeux une nouvelle législation sur l'affichage publicitaire sur le littoral.

L'État doit aider au renouvellement du parc hôtelier, intolérablement obsolète.

Le succès du tourisme antillais renforcera le rayonnement de la France et créera des emplois. Il suppose que l'État se mobilise avec les collectivités. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Associer le tourisme et l'environnement est pertinent et je remercie la commission et M. Magras. Le constat est partagé et je me concentrerai sur les recommandations.

Oui, le tourisme doit être un secteur prioritaire pour le développement.

En Martinique comme en Guadeloupe, j'ai perçu une évolution, impulsée notamment par les chambres consulaires. Mais une véritable révolution culturelle est nécessaire. Il faut se développer par et pour le tourisme : la consommation de produits-pays dans les hôtels y concourt.

Le tourisme ne peut réussir sans professionnalisme. L'État accompagne les collectivités dans le domaine, bien plus qu'en métropole. Le tourisme fait partie des secteurs prioritaires visés par la Lodéom, d'où des franchises fiscales et sociales.

Des conférences locales sur le tourisme ? J'ai déjà lancé le Comité d'orientation stratégique du tourisme (Cost). On assiste depuis quelque temps à une reprise de l'activité.

Sur les langues étrangères, vous avez raison, les expériences périscolaires sont déjà couronnées de succès, ainsi que la filière d'excellence du lycée. Il est difficile, pour l'heure, d'aller plus loin.

La desserte des Antilles depuis Roissy permettra de toucher le public européen mais révélera nos faiblesses car ce nouveau public sera plus exigeant : d'où la mission que j'ai confiée au président d'Atout-France. Je viens de signer le contrat de destination.

Une défiscalisation de projet ? Mon ministère donne la priorité aux projets dont la rentabilité économique est sûre. La durée d'utilisation du bien a été portée de cinq à sept ans par la Lodéom ; ne risquons pas de remettre en cause l'attractivité du dispositif. N'excluons pas la construction hôtelière car à Mayotte, en Guyane, en Nouvelle-Calédonie, les hôtels sont encore trop rares. Pour la rénovation hôtelière, un dispositif simplifié a été créé.

L'État se mobilise également pour la formation, grâce au contrat d'études et de perspective en Guadeloupe.

Sur la rénovation du port de Pointe-à-Pitre, le débat public a été lancé. Il faut pouvoir accueillir les croisières.

Quant aux visas à La Réunion, madame Hoarau, les procédures ont bien été assouplies, par exemple pour les Sud-Africains.

Enfin, il faut favoriser le tourisme vert : nos outre-mers disposent de patrimoines exceptionnels.

Les chambres d'hôtes et gîtes permettent de découvrir les territoires et il faut les développer et les professionnaliser.

La création d'un « passeport biodiversité » vise à sensibiliser les touristes : il sera distribué à partir de novembre. Sur les déchets, les collectivités ont d'importants pouvoirs de police.

La volonté existe, il faut la traduire en action. Le Gouvernement est mobilisé. La situation actuelle n'est pas une fatalité mais il faudra mettre en oeuvre des actions avec constance, dans un partenariat entre l'État, les collectivités et les professionnels. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Magras, au nom de la commission de l'économie.  - Je remercie le président du Sénat d'avoir autorisé ce rapport, Mme la ministre d'avoir représenté le Gouvernement au cours de ce débat, la commission d'avoir demandé son inscription à l'ordre du jour, et tous les participants. Si la dynamique actuelle portait ses fruits, je serais un sénateur heureux. (Applaudissements)

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 20.

présidence de M. Gérard Larcher

Allocution de M. le président du Sénat

M. le président.  - J'exprime ma sympathie à nos collègues qui nous quitteront le 30 septembre et à ceux qui se présentent de nouveau -dont je suis.

Cette session ordinaire a montré que nous travaillions beaucoup (« Trop ! » à gauche) : nous avons déjà dépassé les 1 000 heures de séance, et la limite constitutionnelle de 120 jours de séance ; 48 textes ont été adoptés. Nous siégeons plus que l'Assemblée nationale, notamment parce que nous utilisons davantage le temps de contrôle et que nous débattons plus longtemps de textes sensibles comme le projet de loi sur les retraites. Les groupes d'opposition et minoritaires -spécificité du Sénat- peuvent s'exprimer sans la contrainte du temps limité. Le Sénat n'est pas une chambre d'obstruction ni d'enregistrement mais de délibération et de proposition.

Sur deux textes clés, notre assemblée a donné toute sa mesure : sur les retraites -139 heures de débat-, nos avancées ont été décisives ; sur la réforme des collectivités territoriales -122 heures-, et ce n'est pas complètement fini, nous avons conforté le rôle des communes.

A l'occasion de la Loppsi, nous avons confirmé l'attachement du Sénat aux libertés publiques ; sur la loi bioéthique, nous avons exploré des voies nouvelles entre respect des valeurs éthiques et progrès de la recherche. (On le conteste à gauche)

Le partage de l'ordre du jour est désormais une réalité. Nous avons su relever le défi du temps du Parlement imposé par l'article 48 nouveau de la Constitution. Plus de la moitié des textes inscrits à l'ordre du jour sont d'origine sénatoriale. Sur les 15 lois d'origine parlementaire adoptées cette année, 9 sont d'origine sénatoriale.

L'article 34-1 nous autorise à présent à prendre des résolutions, plutôt que de voter des lois déclaratives. A cela s'ajoutent les résolutions européennes, par exemple sur les conséquences d'accords commerciaux pour l'agriculture d'outre-mer.

Nous nous sommes pleinement saisis de la possibilité d'organiser des débats thématiques, et nous avons organisé pas moins de 22 débats.

Nos commissions, qui ont siégé plus de mille heures, se sont emparées de leurs pouvoirs nouveaux. Nos missions d'information et la Mecss jouent tout leur rôle : nous nous sommes ainsi appropriés toutes les dimensions de notre mission de contrôle, poursuivie au sein des délégations et offices.

Le rôle et les moyens des groupes politiques ont été renforcés.

Le Parlement français est celui qui siège le plus en séance publique et la nuit.

M. Daniel Raoul.  - Trop !

M. Christian Cointat.  - Surabondamment !

M. le président.  - C'est la conséquence d'un programme législatif abondant, de l'exercice de nos nouveaux pouvoirs et du choix, conforme à notre tradition, de la libre expression en séance publique. La simultanéité des réunions, la redondance de certains débats conduisent à une présence en séance que nos concitoyens considèrent comme insuffisante.

Je le dis tout net : si nous avons réussi la réforme de notre Règlement, c'est parce qu'elle était aussi consensuelle que possible. J'en remercie le groupe de travail et les présidents Hyest et Frimat. Place est faite aux groupes minoritaires.

Il faut toutefois améliorer le calendrier législatif. L'important n'est pas la quantité des lois mais leur qualité.

M. Jean Arthuis.  - Très bien !

M. le président.  - Certaines sont déclaratives ; le débat en seconde lecture répète parfois ce qui a déjà été dit en première. Du côté du Gouvernement, deux évolutions sont à noter : un moindre recours à la procédure accélérée et l'augmentation du temps dont nous disposons pour examiner les textes.

Nous avons aussi des efforts à faire. Avons-nous su rendre le temps parlementaire suffisamment attractif ? Pourrions-nous mieux tenir le débat, mieux partager le temps entre la séance publique et nos autres instances ? Rendre plus rares les séances nocturnes ? Compacité accrue, prévisibilité, meilleure organisation des prises de parole : il y a des améliorations possibles. Cela vaut aussi pour l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Les débats en commission sont désormais plus transparents. Est-il dès lors indispensable de redéposer tous les amendements en séance publique ? Si chacun y contribue, nous devrions pouvoir rationaliser notre travail.

Je salue votre écoute, monsieur le ministre, et remercie tous les sénateurs, à commencer par les vice-présidents qui honorent leurs obligations avec impartialité et une patiente sagesse. Je souligne le travail des groupes, des commissions, du bureau, des questeurs, de la commission chargée du contrôle des comptes. Mes remerciements aux fonctionnaires, assistants, collaborateurs des groupes et journalistes.

Cette session a été chargée. Alors que s'annonce une session extraordinaire, que nombre d'entre vous vont entrer en campagne et que d'autres ont pris la décision de quitter cet hémicycle, je me contente de vous souhaiter le meilleur, pour le Sénat, pour la démocratie, pour notre pays ! (Applaudissements)

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.  - Il y a six mois, je saluais le travail du Sénat que je découvrais comme membre du Gouvernement ; la haute idée que j'en avais a été confortée depuis. Goût du débat, modération, respect mutuel, défense des principes fondateurs de la République : voilà qui fait l'identité du Sénat.

Déjà 123 jours, 1 000 heures, 8 000 amendements : le Parlement est soumis à un rythme soutenu. Je mesure votre investissement : c'est le prix de l'élan réformateur engagé en 2007 par le Président de la République, un élan qui ne faiblira pas. 48 textes de lois adoptés définitivement pendant cette session viennent compléter l'ouvrage. Les chantiers se poursuivent : règle d'or, projet de loi de finances rectificative, projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative ; 22 débats d'initiative sénatoriale, grâce à la réforme constitutionnelle de 2008 : c'est une des grandes réussites du Sénat.

J'ai été touché par l'accueil que m'a fait le Sénat : sous votre autorité bienveillante, monsieur le président, nous arrivons toujours à un accord dans le partage de l'ordre du jour.

Plus de 160 heures consacrées au contrôle, plus de 100 heures d'ordre du jour réservé. Le Gouvernement a su stabiliser le recours à la procédure accélérée, comme vous l'aviez demandé. Sur les 48 textes adoptés, 14 sont d'origine parlementaire : encore une réussite due à la réforme constitutionnelle. C'est la première fois qu'une session extraordinaire voit prospérer autant de textes d'initiative parlementaire.

La construction de l'ordre du jour a toujours privilégié le dialogue et la prévisibilité : je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les vice-présidents, les questeurs, les membres de la conférence des présidents, les présidents de groupe -dont je salue la pugnacité. Je salue les présidents de commission -dont je connais bien la tâche-, les groupes parlementaires et leurs collaborateurs, les membres de votre cabinet, les fonctionnaires du Sénat -qui ne comptent pas leurs heures ni ne ménagent leurs efforts.

En septembre, le Sénat sera renouvelé pour la première fois par moitié. Je salue ceux qui ont choisi de passer le témoin. Toute ma sympathie va à ceux qui iront à la rencontre des électeurs. Rendez-vous en octobre, du travail nous attend, du travail utile pour la France ! (Applaudissements à droite et au centre)

La séance est suspendue à 16 h 45.

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*          *

La séance reprend à 17 heures.

Rentrée scolaire (Questions cribles thématiques)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle des questions cribles thématiques sur la rentrée scolaire à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale.

Mme Françoise Férat.  - Le 21 juin dernier, le président de la République a annoncé un moratoire sur la fermeture des classes de primaire pour la rentrée 2012. Je salue cet engagement, mais 1 500 classes vont fermer à la rentrée prochaine et 16 000 postes vont être supprimés. Je comprends la politique de réduction des déficits menée par le Gouvernement mais je m'inquiète du manque de moyens et de temps d'adaptation laissé aux écoles et aux collectivités.

La Marne est durement frappée : alors que le nombre d'élèves va augmenter, 37 postes vont disparaître ; les classes compteront 30 élèves -ce qui pose, au-delà de la dégradation des conditions de travail, des problèmes pratiques et de locaux. Les milieux ruraux sont les plus touchés par les suppressions de postes : la charte des services publics en milieu rural de 2006 n'est pas appliquée. Que compte faire le Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.  - L'Éducation nationale ne manque pas de moyens ; la majorité a voté un budget en augmentation de 1,6 % cette année, qui a atteint un niveau record. En trente ans, la dépense par élève a augmenté de 80 % en euros constants.

La question est de savoir comment employer et répartir ces moyens. A la rentrée prochaine, il y aura plus de professeurs et moins d'élèves qu'il y a vingt ans ! Le taux d'encadrement sera meilleur ! (Vives protestations à gauche) Le non-renouvellement d'un départ à la retraite sur deux nous permet de revaloriser les salaires des enseignants -ce que les socialistes n'ont pas été capables de faire ! (Protestations à gauche) Quand d'autres pays licencient leurs fonctionnaires, nous augmentons leur pouvoir d'achat -3,1% l'année dernière.

Nous agissons avec discernement ; j'ai donné des instructions pour qu'on tienne compte des situations locales, en concertation avec les élus. Je connais les problèmes des départements ruraux. Nous faisons le choix d'une éducation nationale de qualité, différenciée, qui fait plus pour ceux qui en ont le plus besoin.

Mme Françoise Férat.  - Ce n'est pas une question de moyens, en effet. Mais cette rentrée va voir 40 000 nouveaux élèves en 6e, quand on perd 4 800 postes d'enseignants. Il faut une concertation avec les maires, les élus départementaux ou régionaux, les professeurs et parents d'élèves, autour de l'inspecteur d'académie. Quelle école voulons-nous pour demain ?

M. François Fortassin.  - Les rapports se suivent et se ressemblent : notre école souffre, les élèves sont sacrifiés sur l'autel de la rigueur budgétaire, alors que l'on multiplie les cadeaux fiscaux...

Comment lutter contre l'échec scolaire, l'absentéisme, la violence, en laissant les enseignants de plus en plus seuls et de moins en moins formés devant des classes de plus en plus surchargées ? L'égalité des chances est abandonnée au profit de la RGPP. Les principes de l'école laïque et républicaine sont foulés aux pieds.

Le gel annoncé des fermetures de classes pour 2012 est purement électoraliste : pourquoi pas dès cette année ? Les territoires ruraux sont les plus touchés, 1 500 communes ont vu, ces dix dernières années, disparaître leur dernière classe. Votre politique nie un point essentiel : pour que les élèves réussissent, les classes doivent être moins nombreuses !

M. le président.  - Votre question...

M. François Fortassin.  - Que comptez-vous faire pour l'école de la République en milieu rural ? (Applaudissements à gauche)

M. Luc Chatel, ministre.  - Aucune étude ne démontre qu'on obtient de meilleurs résultats avec de petits effectifs. (Protestations à gauche) Il y aura, à la rentrée prochaine, 27 élèves en moyenne par classe en lycée ; ils étaient 31 au début des années 90 ! Ne faites pas de faux procès au Gouvernement !

La clé de la réussite des élèves, c'est la personnalisation de l'enseignement. La massification est une bonne nouvelle mais les moyens n'ont pas été mis en place pour assurer à chacun une place dans le système éducatif. La lutte contre l'échec scolaire passe par l'aide personnalisée en primaire, les deux heures d'accompagnement personnalisé au lycée, le travail en petits groupes pour les jeunes qui ont du potentiel comme pour ceux qui sont en grande difficulté. Le système égalitaire a montré ses limites.

M. François Fortassin.  - J'ai du mal à vous suivre. Vous dites qu'aucune étude ne montre qu'on réussit moins bien dans les classes nombreuses mais vous faites l'apologie du travail en petits groupes ! Et ce que vous oubliez, c'est qu'en vingt ans, le comportement des élèves a changé ! (Applaudissements à gauche)

Mme Colette Mélot.  - L'école a relevé le défi de la massification mais elle doit désormais relever celui de la démocratisation. Plus de 50 000 jeunes quittent le lycée sans le bac ; un sur deux échoue en première année universitaire.

La réforme du lycée entre dans sa deuxième phase. La classe de première est un premier pas vers la spécialisation et un premier rendez-vous avec le baccalauréat. Mais les élèves doivent pouvoir changer d'orientation en cours d'année ; il faut mieux les accompagner dans leur parcours de formation et d'orientation. Quels sont vos mesures pour la rentrée 2011 ?

M. Luc Chatel, ministre.  - Nous avons voulu mettre en place une orientation plus progressive et réversible ; on a le droit de ne pas savoir, à 14 ans, ce que l'on va faire de sa vie. D'où une rénovation de l'Onisep, un système de tutorat. Il y a des passerelles entre filières, et entre séries au sein du bac général. En première, il y aura un tronc commun d'environ 60 %, le reste étant des spécialisations -réversibles grâce à des stages « passerelle ». Dernière nouveauté, la refonte du bac STI, qui débouche sur l'emploi.

Mme Colette Mélot.  - La réorientation a toujours posé problème -quand elle n'était pas impossible. Nous formons des voeux pour que plus d'élèves en bénéficient.

Mme Françoise Cartron.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Vous avez déclaré la guerre au décrochage scolaire -simple opération de communication puisque 1 500 classes disparaitront à la rentrée. L'école est sinistrée.

Combien de postes supprimés au cours de ce quinquennat ? Les territoires ruraux paient le prix fort de cette politique. Oubliée, la Charte des services en milieu rural ! Ignorés, les efforts des maires pour revitaliser leur communes ! Abandonnés, les enfants, au seul critère de la rentabilité. Les maires en sont réduits à embaucher des enseignants pour se substituer à une éducation nationale défaillante. On lit dans la Voix du nord que des écoles privées ouvrent des classes payantes hors contrat pour les enfants de 2-3 ans, pour répondre, dit le directeur de l'enseignement diocésain, aux attentes des parents non prises en compte par l'éducation nationale !

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

Mme Françoise Cartron.  - C'est la privatisation de la préscolarisation ! On croit rêver : c'est l'enseignement catholique qui doit combler les lacunes de l'éducation nationale ! Qu'en pensez-vous ? (Applaudissements à gauche)

M. Luc Chatel, ministre.  - Oui, nous déclarons la guerre au décrochage scolaire. Personne ne savait combien de jeunes sortaient du système éducatif sans diplômes ; nous le savons dorénavant grâce au recoupement des fichiers. Nous allons apporter à ces 180 000 jeunes considérés comme « perdus de vue » une réponse individualisée. Grâce aux plates formes départementales de lutte contre le décrochage, tous les services de l'État sont mobilisés. (Exclamations à gauche) Nous avons des résultats encourageants sur les évaluations en CE 1 -ils seront publiés demain.

L'école est obligatoire de 6 à 16 ans ; 97 % des enfants sont scolarisés à 3 ans. Le Gouvernement mène la même politique que tous ses prédécesseurs : les enfants de moins de 3 ans sont accueillis dans la limite des places disponibles.

M. Marc Daunis.  - Il y en a de moins en moins !

Mme Françoise Cartron.  - Les enfants de moins de 3 ans accueillis ne sont pas comptabilisés : c'est l'enseignement diocésain qui le dit ! Pour lutter contre le décrochage scolaire, il faut des moyens ! (Applaudissements à gauche)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Après la suppression de 56 000 postes depuis le débat du quinquennat, la destruction programmée du service public de l'éducation nationale se poursuit. Le désert scolaire s'étend. Aucun département n'est épargné, les zones rurales sont les plus frappées. Un moratoire est annoncé pour 2012 ? La ficelle électorale est grosse ! Il faut dès maintenant stopper les suppressions de postes et relancer la démocratisation. Car votre école du tri social est inégalitaire.

M. le président.  - Votre question.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Tous les élèves sont capables de réussir : il faut que l'école leur en donne les moyens. Quand allez-vous entendre cette exigence démocratique ? (Applaudissements à gauche)

M. Luc Chatel, ministre.  - Deux conceptions de l'école s'affrontent. Votre seule réponse depuis trente ans, c'est toujours plus de postes, toujours plus de moyens. (Protestations à gauche) Mais vous dénoncez vous-même ses échecs ! Nous dépensons plus par élève que la moyenne des pays développés, avec de moins bons résultats. (« Pas dès le primaire ! » à gauche)

La vraie réponse, c'est la personnalisation. Qui a créé les internats d'excellence pour les enfants défavorisés qui ont du mérite et du talent ? Qui a créé les stages de remise à niveau pendant les vacances ? Une aide personnalisée en primaire pour ceux qui ont des difficultés en lecture ? De grâce, pas de leçon de démocratisation ! (Applaudissements à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - A Clichy, une classe de cinquième ferme car le poste d'enseignant est supprimé. Résultat, on va fusionner la classe avec celle de sixième ! Pire, on propose aux enfants de se déplacer dans la ville voisine ! Ce n'est ainsi qu'on construit l'école de l'égalité des chances ! Il y a loin de vos discours à vos arbitrages ! (Applaudissements à gauche)

M. Alain Fouché.  - Les rythmes scolaires sont trop lourds pour les enfants ; la journée est fatigante, la semaine de quatre jours inadaptée, l'année scolaire déséquilibrée. Le Gouvernement a décidé d'innover, avec des expérimentations dans 124 collèges et lycées afin de dégager l'après-midi pour du sport.

Les résultats sont là : l'assiduité et la motivation des élèves ont progressé. Mais l'effet sur les résultats scolaires est plus discutable. Quelles sont vos intentions ?

M. Luc Chatel, ministre.  - Il est vrai que les jeunes Français travaillent plus longtemps à l'école, sur un plus petit nombre de jours, que leurs camarades de l'OCDE. Avec la Conférence nationale sur les rythmes scolaires, j'ai engagé un travail de fond ; le rapport me sera remis la semaine prochaine et je ferai des propositions.

Les expérimentations auxquelles vous faisiez allusion montrent que les élèves ont gagné en motivation et en assiduité ; selon 42 % des chefs d'établissements, les résultats scolaires se sont améliorés. Nous allons donc doubler le nombre de ces classes cette année, en liaison avec les associations et les fédérations sportives. Le sport et l'école partagent les mêmes valeurs ! (Applaudissements à droite)

M. Alain Fouché.  - L'expérimentation mérite d'être développée.

M. Claude Bérit-Débat.  - Je me garderai de voir un lien entre l'annonce du moratoire sur la fermeture de classes et les échéances électorales. Mais 14 000 suppressions de postes sont annoncées ! L'actualité montre les conséquences terribles des coupes sauvages effectuées dans le budget de l'éducation nationale. Cette politique aveugle, injuste et inefficace nous conduit dans l'impasse !

Il faut accompagner les élèves en difficulté et soutenir les enseignants : les plus jeunes sont envoyés dans les quartiers les plus difficiles, comme les jeunes recrues au front ! On comprend la désaffection pour le métier d'enseignant... Au lieu d'affirmer que tout va bien, pouvez-vous nous dire ce que vous comptez faire pour que la rentrée 2012 soit enfin réussie ? (Applaudissements à gauche)

M. Luc Chatel, ministre.  - Les fonctionnaires de l'éducation nationale qui préparent la rentrée apprécieront... Chaque année, la rentrée se passe mieux. Le budget de l'éducation nationale s'élève à 60 milliards d'euros ; la France va emprunter cette année 180 milliards. Faut-il demander à chaque élève un chèque de 19 000 euros pour financer la dette ? (Protestations à gauche) Nous prenons nos responsabilités en ne remplaçant pas tous les postes d'enseignants. Les enseignants sont recrutés à un niveau plus élevé -bac plus 5 et non bac plus 3- et, ne vous en déplaise, mieux payés. Il y a, cette année, deux concours à quelques mois d'intervalle ; nous voulons recruter les talents.

M. Claude Bérit-Débat.  - S'agissant des postes, je parlais du Capes et non des IUFM. Chaque rentrée témoigne des difficultés des élèves et des professeurs. Lundi, nous avons appris que 3 000 copies de philosophie au bac étaient en déshérence : encore un exemple concret de l'état où se trouve l'éducation nationale... (Applaudissements à gauche)

M. Yannick Bodin.  - La rentrée s'annonce très difficile. Sentant le danger, le président de la République a annoncé un moratoire des fermetures de classes en 2012 : cela n'engage que le candidat qu'il est. Pouvez-vous nous assurer que vous n'allez pas augmenter les effectifs par classe, supprimer les Rased, les psychologues et médecins scolaires, les remplaçants ? (Approbation à gauche)

M. Guy Fischer.  - Voilà la réalité !

M. Yannick Bodin.  - Certaines académies font appel à Pole emploi : l'éducation nationale n'est-elle plus un service public ?

La vocation d'enseigner se meurt et le nombre des candidats aux concours s'effondre.

M. le président.  - il faut poser votre question.

M. Yannick Bodin.  - Le moratoire sera-t-il accompagné d'un gel des coupes budgétaires ? Ou n'est-il que de la poudre aux yeux des électeurs ? (Applaudissements à gauche)

M. Luc Chatel, ministre.  - J'ai du mal à vous suivre : vous vous plaignez des difficultés des campagnes et vous vous indignez quand le président de la République annonce un moratoire sur les fermetures en milieu rural...

L'essentiel est de rendre l'éducation nationale plus performante. Vous avez contesté l'évaluation en CE 1 et en CM 2. Mais cette année, 50 % des élèves de CE 1 avaient des acquis très solides, six points de plus que l'an dernier : c'est le résultat de nos réformes ! Le système éducatif doit être capable de s'adapter et de se moderniser, et non en rester aux vaines querelles du passé ! (Applaudissements à droite)

M. Yannick Bodin.  - Comment expliquerez-vous aux Français que vous ne comptez pas fermer de classe en 2012 alors que vous supprimez 14 000 postes ? Les enquêtes Pisa montrent que la situation se dégrade : 20 % des élèves sont en difficulté. Depuis cinq ans, le président de la République fait en sorte qu'il y ait de moins en moins d'adultes à l'éducation nationale : on en voit le résultat !

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Yannick Bodin.  - Rendez-vous l'année prochaine ! (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Merci à M. le ministre d'avoir participé à ce débat très intéressant.

La séance est suspendue à 17 h 45.

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présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

La séance reprend à 18 heures.

CMP (Demande de constitution)

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels. Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.

Mission d'information « Taxe professionnelle » (Candidatures)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la désignation des 19 sénateurs membres de la mission commune d'information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l'État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique.

Cette mission a été créée à l'initiative du groupe du RDSE en application de l'article 6 bis du Règlement du Sénat, qui prévoit pour chaque groupe un « droit de tirage » pour la création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information par année parlementaire. En application de l'article 8 de notre Règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

Politique du handicap (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap.

Discussion générale

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.  - Ce débat est particulièrement important pour améliorer le sort des personnes handicapées. L'Assemblée nationale a opportunément complété le texte de cette proposition de loi.

S'agissant de la cotraitance entre Pôle emploi et Cap emploi, le volume relatif à cette dernière institution sera rétabli à son niveau de 2010.

J'attache une grande importance à la Convention des Nations Unies sur les droits des handicapés. Le nouveau Défenseur des droits veillera à sa bonne application. La deuxième Conférence nationale du handicap a été l'occasion de prendre des engagements forts : intégration de la gestion du handicap dans les programmes scolaires, formation des enseignants, remplacement des contrats aidés par des professionnels mieux formés. Tous les enfants doivent trouver une solution adaptée à leurs besoins. Enfin, une journée du handicap sera organisée chaque année dans les écoles. Tout cela, c'est du Paul Blanc dans le texte ! (Sourires)

Quant à l'accessibilité, l'objectif de 2015 n'est pas négociable. L'État doit se montrer exemplaire. Un comité de suivi dédié sera créé.

Améliorer le fonctionnement des MDPH, c'est améliorer le service rendu aux personnes handicapées. Il s'agit de mettre fin à l'instabilité du personnel et à certaines lourdeurs administratives. Quant à l'accessibilité, elle est indispensable. Seule des contraintes techniques peuvent justifier des mesures de substitution : c'est l'objet de l'article 14 bis. Consciente des difficultés d'application, j'ai confié à de hauts responsables la mission de définir des solutions techniques.

Sur l'article 14 ter, je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement remet en cause l'objectif de la loi de 2005.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Et pourtant ! 

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Pour les logements neufs, le texte prévoit une accessibilité totale pour les parties communes, mais seulement une parfaite adaptabilité pour les parties privatives. Le problème est que les mêmes dispositions s'appliquent aux logements à destination temporaire ou saisonnière : on fait croire aux touristes handicapés que les logements qu'ils louent pour leurs vacances sont accessibles, mais ce n'est le cas que pour les parties communes ! Il faut y remédier.

Pour contourner les difficultés d'accès aux oeuvres culturelles, la proposition de loi prévoit aussi une exception aux règles du droit d'auteur. Il est aussi question de l'accès aux stades.

Les conditions d'exonération de la « surcontribution » d'entreprises sont rendues plus strictes.

Autant d'avancées majeures, attendues depuis plus d'un an. Je souhaite que le texte soit voté conforme au Sénat, pour entrer en application aussi vite que possible. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Je salue M. Paul Blanc, qui quittera le Sénat en septembre.

M. Paul Blanc, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - C'est en effet avec beaucoup d'émotion que je monte une dernière fois à cette tribune pour défendre les personnes handicapées. Je suis un peu meurtri de l'accueil fait par la presse et certaines associations à ce texte : j'espère que ce débat montrera qu'il s'agit d'une avancée pour les handicapés.

Voici deux ans que Mme Jarraud-Vergnolle et moi-même avons alerté sur les problèmes rencontrés par les MDPH. La navette parlementaire a été longue. (M. Jean Desessard renchérit) Nous avons l'habitude : le précédent texte, dont l'examen avait commencé au Sénat en 2002, n'a été promulgué que le 11 juillet 2005 ! J'ai usé trois ministres... (Sourires)

Sur de tels textes fondateurs, le Sénat joue toujours un rôle prépondérant.

Les MDPH sont confrontées à l'instabilité de leur personnel, à des difficultés de financement et à des lourdeurs administratives.

Des procédures simplifiées sont instituées pour le traitement des demandes. Quant au personnel, la mise à disposition des fonctionnaires de l'État sera portée à cinq ans afin de mieux anticiper les départs. L'État versera sa contribution dès le début de l'année. Les collectivités pourront ouvrir leurs formations à tous les employés.

Le financement des MDPH est précaire. Le texte stabilise leur statut, celui de groupement d'intérêt public (GIP). Une convention d'objectifs et de moyens (COM) rendra le financement plus lisible.

Le rôle de l'État et du service public de l'emploi est réaffirmé. Une COM prévoira les modalités d'insertion professionnelle des handicapés.

Les MDPH pourront prendre des initiatives dans les trois fonctions publiques. Les fonctionnaires handicapés pourront saisir directement le fonds, sans passer par leur employeur.

La prise en charge du handicap passe aussi par l'amélioration de l'environnement des personnes handicapées. La proposition de loi prévoit des mesures de substitution au cas où il serait impossible de rendre des logements neufs accessibles : il ne s'agit pas d'une dérogation générale mais de souplesse. Les prestations audiovisuelles pour les aveugles ou malvoyants pourront être offertes gratuitement.

Les députés ont conforté la philosophie générale du texte : ils ont sécurisé la règle du lieu de résidence, restreint l'échange d'informations entre professionnels tenus au secret, étendu aux stagiaires le statut de travailleur handicapé, donné un fondement légal aux plans régionaux pour l'insertion des travailleurs handicapés, rendu plus rigoureuses les conditions d'exonération de la « surcontribution » des entreprises.

Enfin, le texte simplifie l'accès aux fichiers sources des éditeurs, en vue d'un transfert sur un support adapté au handicap.

La commission des affaires sociales a adopté le texte dans la rédaction de l'Assemblée nationale ; je souhaite qu'il soit unanimement voté. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Jacques Pignard.  - Un compromis a été trouvé et la commission espère un vote conforme. Le groupe de l'Union centriste salue ce texte, qui représente une avancée significative dont le mérite revient principalement à M. Paul Blanc.

A partir d'un constat partagé, le texte apporte un remède aux maux dont souffrent les MDPH : lourdeurs administratives, difficultés de financement, problèmes de personnel. La solution de mise à disposition contre remboursement est astucieuse : on évitera ainsi les vacances de postes. Je regrette toutefois que l'exonération de la taxe sur les salaires n'ait pas survécu...

Le statut des employés constitue un frein. Je regrette que le GIP soit pérennisé. Les temps ne sont sans doute pas mûrs pour d'autres expérimentations. La mise à disposition de cinq ans des fonctionnaires de l'État, la possibilité pour les GIP de recruter en CDI sont toutefois à saluer.

Deux reculs concernant la prestation de compensation du handicap (PCH). La première mouture du texte en élargissait le champ aux aides ménagères. La mise en place d'un mécanisme de péréquation au titre de la PCH a aussi été jugée prématurée...

M. Paul Blanc, rapporteur.  - Il faut laisser du travail pour les suivants !

M. Jean-Jacques Pignard.  - Les députés ont trouvé un bon compromis avec la notion de domicile de secours.

L'amendement Desmarescaux garantit que le principe général ne sera pas contourné. Je félicite la commission, sa présidente et son rapporteur, qui termine en beauté sa carrière. Les personnes handicapées ont toujours été au coeur de ses préoccupations car elles étaient proches de son coeur. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Cette proposition de loi, consécutive à notre rapport de 2009, a été rédigée début 2010... La première lecture s'était déjà déroulée en deux temps. En attendant, la situation des MDPH est toujours aussi fragile, preuve du désengagement de l'État, en dépit des annonces du président de la République.

Le titre I de cette proposition de loi est conforme aux préconisations de notre rapport.

Le titre II, en revanche, ne nous satisfait pas.

Un amendement à l'article 10 reviendra sur les procédures contentieuses relatives aux décisions des Commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Il faut préserver la pluridisciplinarité.

L'article 10 bis prévoit l'élaboration d'un Plan régional pour l'insertion des travailleurs handicapés (PRITH) tous les cinq ans.

J'en viens à l'article 14 bis. Ce n'est pas la première fois que vous instaurez des dérogations au principe d'accessibilité. Heureusement, le Conseil d'État était revenu dessus. Aujourd'hui, vous récidivez. Voulez-vous vraiment faciliter la vie des personnes handicapées ? Le président de la République a demandé 150 millions pour elles -pure mesure d'affichage car cette somme était déjà budgétée ! « Je ne céderai pas sur l'échéance de 2015 », disait-il. De qui se moque-t-on ? « Notre effort ne se relâchera pas ». Des auxiliaires de vie scolaire (AVS) devraient être recrutés -or cela fait huit ans que les associations se battent pour faire reconnaître ce métier ! Des centaines de questions ont été posées sur les AVS, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, sans réponse satisfaisante. (Mme le ministre s'exclame) Le problème récurrent de pérennisation des AVS a entraîné des recours : l'État se désengage.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - N'exagérons pas !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Le décalage entre les annonces et les actes remet en cause la loi de 2005. Malgré l'intérêt du titre I, malheureusement, mon cher Paul, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Vous êtes incorrigibles !

M. Paul Blanc, rapporteur.  - J'ai l'habitude : vous aviez déjà voté contre en 2005 !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Voilà un an que ce texte nous a été soumis en première lecture : c'est long ! Il est pourtant urgent d'améliorer le confort des personnes handicapées et le fonctionnement des MDPH.

Je me félicite, avec le groupe RDSE, des dispositions retenues. Le législateur a entendu les personnes handicapées : facilité d'accueil, proximité, reconnaissance automatique de la qualité de travailleur handicapé pour les stagiaires, accessibilité, selon des règles moins contraignantes : c'est une mesure pragmatique, de bon sens.

Il fallait donner à la nouvelle entité MDPH souplesse et vision stratégique. Cela a été fait au plan du personnel, et via les COM. Cela devrait assurer aux MDPH un financement connu d'avance. A l'État d'être garant et fédérateur des acteurs.

Je regrette toutefois la non-prise en charge de l'aide ménagère dans la PCH. La possibilité pour les entreprises de s'exonérer de la surcotisation a été heureusement encadrée. Un équilibre a été trouvé.

Restent deux problèmes majeurs : les autistes et les personnes âgées. Pour les premiers, nous manquons de dispositifs, de structures adaptées. (M. Guy Fischer approuve) L'autisme reste un monde impénétrable.

Je ne peux me résoudre à classer les personnes âgées parmi les personnes handicapées : être âgé, c'est une richesse jusqu'à ce que les capacités diminuent ! Il faut un plan particulier pour prendre en compte la problématique du vieillissement. Mais quid du vieillissement des personnes handicapées ? Il faut y travailler.

Je voterai cette proposition de loi, avec l'ensemble des membres du RDSE. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Isabelle Pasquet.  - (Applaudissements sur les bancs CRC) Le titre I de cette proposition de loi va dans le bon sens, à condition que le Gouvernement respecte les engagements qu'il aura pris dans le cadre des COM. Et la formation des acteurs des MDPH est positive.

Mais il en va tout autrement du titre II. La PCH ne couvre pas la totalité des frais liés à l'autonomie. On fait supporter d'importants restes à charge aux personnes en situation de handicap et à leur famille. Nous dénonçons les dérogations au principe d'accessibilité posé dans la loi de 2005 : on relègue les personnes handicapées au rang de citoyens de seconde zone ! La « substitution » ne nous satisfait pas. Selon M. Paul Blanc, il suffirait ainsi que l'on puisse détruire un placard pour agrandir et adapter une salle de bains.

M. Paul Blanc, rapporteur.  - Cela, c'est l'adaptabilité !

Mme Isabelle Pasquet.  - On empêche ainsi les personnes handicapées d'entretenir une vie sociale, de profiter des plaisirs simples de la vie. C'est donner quitus à ceux qui seraient tentés de renoncer à l'accessibilité pour tous.

La perte d'autonomie nous impose d'être imaginatifs. Cela passe par le « design pour tous » : en élargissant couloirs et salles de bains, en installant des rampes, on facilite la vie de tous, handicapés comme personnes âgées. La France doit respecter ses engagements en la matière.

Hier, la majorité adoptait, dans le projet de loi sur l'alternance, une mesure permettant à l'entreprise de s'exonérer de ses obligations en matière de handicap. Elle poursuit aujourd'hui dans la même veine. Le groupe CRC-SPG votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Yves Daudigny.  - Quel dommage que l'excellent travail de M. Paul Blanc et Mme Jarraud-Vergnolle soit entaché d'une disposition qui contredit la lettre et l'esprit de la loi de 2005 ! L'article 14 bis, adopté conforme, a soulevé l'indignation des associations, et jeté une ombre sur le reste du texte.

Nous approuvons les dispositions relatives aux MDPH, au statut des personnels, à l'emploi et aux organismes de placement.

D'accord aussi pour l'article 5, qui prévoit une convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens. Depuis la première lecture sont aussi intervenues les circulaires du 8 avril 2011, qui ouvrent les crédits nécessaires pour les MDPH. Le financement est regroupé en un seul programme.

Cette proposition de loi marquait une réelle progression. Il est d'autant plus regrettable qu'elle soit gagée sur le renoncement au principe d'accessibilité. Cette brèche -que vous qualifiez de « substitution »- suffit à emporter la digue !

L'adoption de l'article 14 bis a sonné l'ouverture de la chasse aux dérogations chez les députés, chacun en réclamant une nouvelle, au point de devoir être rappelés à l'ordre par Mme Bérengère Poletti !

Vous dites tenir le principe d'accessibilité pour intangible et irréfragable. Quand direz-vous la vérité aux Français, madame la ministre ?

Vous ouvrez la boîte de Pandore. Le principe de convergence que devaient incarner les maisons communes de l'autonomie pose la question de leur financement... Où est la cohérence, la vision d'ensemble ? Nous verrons ce qu'il en sera de la réforme de la dépendance, annoncée depuis 2007.

Rien ne justifiait le renoncement aux principes de 2005. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.  - Le Gouvernement vous a écouté avec attention.

Monsieur Pignard, vous avez évoqué la lenteur de l'examen de ce texte. Légiférer dans ces domaines est une tâche complexe, et il a fallu tenir compte du calendrier parlementaire. J'ai entendu vos regrets, mais note votre satisfecit global.

Mme Jarraud-Vergnolle a employé un ton différent... Pourquoi reprocher aux membres du Gouvernement de s'être rendus à la conférence du handicap ? Nous voulions apporter une contribution collégiale, chacun déclinant les conséquences de la loi du 11 février dans son domaine.

Le Gouvernement s'est toujours attaché au principe de réalisme. L'immense apport de la proposition de loi Blanc, avec la contribution de Mme Desmarescaux, a été de se tenir à ce principe.

Le principe de substitution est très utile : il arrive que nous soyons mis en échec par la complexité d'un site, d'une situation. J'ai défendu le principe intangible, irréfragable, d'accessibilité dans le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin mais le principe de réalisme ne peut être balayé -dans certains cas, mieux vaut la substitution que la dérogation !

La conférence nationale du handicap permet d'apporter 150 millions dans des conditions plus souples. Sur les AVS, je ne peux laisser parler de recul ! Il s'agit de tourner la page de la précarité des postes, dans l'intérêt des enfants. (Mme Annie Jarraud-Vergnolle s'exclame)

Madame Escoffier, merci de votre contribution. Cette proposition de loi va permettre d'améliorer la loi du 11 février. J'ai entendu votre regret concernant l'aide ménagère ; l'autisme est une priorité. Le plan Autisme 2008, pour 206 millions d'euros, rencontre ses objectifs. Le débat sur la dépendance est lancé : 2 500 places sont prévues pour les personnes âgées.

Madame Pasquet, merci d'avoir évoqué les avancées du texte. Mais qui a parlé de « citoyen de seconde zone » ? Je vous laisse ce terme : il ne fait pas partie de notre vocabulaire.

Nous préférons la substitution au blocage, pour avancer !

Monsieur Daudigny, merci pour votre satisfecit sur de nombreux sujets. L'effort en matière de financement est important : 69,31 millions d'euros au total, depuis 2006.

Sur l'accessibilité, les positions doctrinales me semblent fragiles. Il faut avancer, plutôt que de renoncer. L'engagement de 2005 est bien intangible. L'apport des associations a été irremplaçable.

Pour conclure, je veux redire mon admiration et mon amitié à Paul Blanc (Applaudissements au centre et à droite)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article 2 est adopté.

Article 4

Mme Isabelle Pasquet.  - La formation des professionnels des MDPH est primordiale, d'autant que les problèmes que rencontrent les personnes en situation de handicap sont différents et peuvent conduire à un surhandicap. Il faut faire émerger une culture commune. Mais quid du financement ? Le deuxièmement de cet article prévoit que la cotisation soit versée par les collectivités territoriales pour les agents territoriaux, mais les fonctionnaires de l'État et hospitaliers demeurent dépendants de leur administration d'origine, qui peut être plus réticente. Ne faudrait-il prévoir une compensation financière pour celles-ci ?

L'article 4 est adopté.

Article 5

Mme Isabelle Pasquet.  - Cet article est indispensable pour que l'article 2 soit applicable. Les dettes de l'État se sont accumulées. Faut-il attendre qu'il soit condamné ? Nous prenons acte des engagements mais serons vigilants. Mais pourquoi n'y a-t-il pas de parallélisme entre la durée de la COM et celle du contrat de mise à disposition ?

Les associations doivent être associées à la définition des besoins en personnel. Ceux-ci peuvent croître pendant la durée de la COM : une clause de révision aurait été nécessaire.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 6

Après les mots :

les missions

insérer les mots :

, les besoins constatés localement.

M. Guy Fischer.  - En tant que conseiller général, j'ai été confronté à ces problèmes. La possibilité d'avenant financier est bienvenue, mais nous voulons toujours faire mieux. Les problèmes financiers des MDPH, liés au manque de personnel et au statut de celui-ci, ne sont pas sans conséquence pour les usagers. Nous prenons acte des engagements du Gouvernement et voterons l'article, mais il faut préciser que l'avenant doit être conforme aux besoins réellement constatés.

M. Paul Blanc, rapporteur.  - Défavorable : cette précision est inutile.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Malgré la joie que me procure la nomination de Mme Lagarde à la tête du FMI (applaudissements à droite), je me vois obligée de me ranger à l'avis de M. Blanc.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. Yves Daudigny.  - Cet article va dans le bon sens, mais la gestion des ressources humaines pose problème. Une étude menée dans mon département de l'Aisne a montré que le nombre d'agents recrutés, financés par le conseil général, a fortement augmenté. Je souhaite que la convention évoque diverses sources de financement des postes indispensables aux nouvelles missions des MDPH. Un appui à la gestion des ressources humaines serait en outre utile.

L'article 5 est adopté.

Article 6

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 5 

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Le coût du libre appel gratuit pour l'appelant doit être pris en compte par la convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens.

M. Jean Desessard.  - Le coût des appels gratuits doit être intégré à la convention ; certaines MDPH frôlent déjà le dépôt de bilan.

M. Paul Blanc, rapporteur.  - Défavorable : l'accueil téléphonique est une des missions des MDPH, naturellement prise en compte dans la convention.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Cette argumentation est excellente : n'alourdissons pas inutilement la loi.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

L'article 7 est adopté, ainsi que l'article 8.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les deux ans qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les conséquences pour les départements des règles applicables en matière de compétence territoriale des maisons départementales des personnes handicapées.

M. Guy Fischer.  - Si la question de la compétence territoriale des MDPH est évidement importante pour les personnes en situation de handicap, elle l'est également, d'un point de vue financier, pour les départements. La solution retenue par l'Assemblée nationale pourrait pénaliser les départements les plus dynamiques.

On prétend que la création de la PCH n'est pas un transfert de compétences ; il en résulte que la PCH est essentiellement financée par les départements : charge de plus en plus lourde qui s'ajoute au RSA et à l'APA. Nous craignons qu'à terme, les départements ne soient contraints de différencier leur politique en faveur des personnes en situation de handicap. Nous demandons un rapport d'évaluation de cette question.

M. Paul Blanc, rapporteur.  - Défavorable. Le critère du domicile de secours, retenu par le Sénat, posait problème pour les personnes changeant de département ; l'Assemblée nationale est parvenue à un équilibre. Elle a en outre conforté notre dispositif de conventionnement.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État.  - Même avis. La loi de 2005 prévoit un rapport annuel sur la politique du handicap ; c'est dans ce cadre que cette question pourra être traitée.

M. Jacques Blanc.  - Au moment de la décentralisation, nous avons décidé que le domicile de secours resterait le domicile initial, afin que le département d'accueil ne supporte pas la charge. En même temps, cela encourage les départements à s'équiper. Ne touchons pas à la liberté de choix des handicapés !

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

L'article 8 ter est adopté.

Article 10

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et peut obtenir copie intégrale des pièces précitées, sur sa demande, auprès de la maison départementale pour personnes handicapées

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - La possibilité, pour le requérant, d'obtenir copie de l'intégralité du rapport médical et de l'équipe ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité ou à la décision critiquée a été supprimée, sans justification, par l'Assemblée nationale. Nous en demandons le rétablissement, au nom du principe d'égalité des armes.

M. Paul Blanc, rapporteur.  - Amendement satisfait par la loi Kouchner de 2002. Retrait, sinon rejet.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État.  - Même avis.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Le requérant a le droit de savoir !

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

Article 10 bis

Mme Isabelle Pasquet.  - Cet article vise à rendre les PRITH plus visibles. Trop de personnes handicapées n'ont pas d'emploi, et trop d'entreprises ne satisfont pas à leurs obligations ; le Gouvernement a privilégié une politique incitative. Au Sénat comme à l'Assemblée nationale, il reste beaucoup à faire. La société doit avancer collectivement, l'État doit montrer l'exemple.

Le Conseil d'État a annulé pour excès de pouvoir le décret du 21 octobre 2009, qui instituait des dérogations au principe d'accessibilité. Que contiendra le nouveau décret ? En l'état, la loi de 2005 n'est pas applicable.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2

Après les mots :

sous l'autorité du représentant de l'État dans la région

insérer les mots :

et après consultation des associations représentatives

M. Guy Fischer.  - Même si les mentalités évoluent, les personnes handicapées subissent toujours des entraves pour accéder à l'emploi. Or le travail, facteur d'indépendance financière, est aussi un déterminant identitaire. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap atteint 11 % ; en 2010, 73 % des emplois étaient en CDD, 42 % à temps partiel -plus souvent subi que choisi. Le PRITH est donc bienvenu ; mais les associations doivent être consultées.

M. Paul Blanc, rapporteur.  - Les modalités de consultation sont prévues par la circulaire du 26 mai 2009. Avis défavorable.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État.  - Même avis. N'oublions pas le problème de la formation initiale, et ne relâchons pas nos efforts en faveur de la scolarisation des enfants handicapés.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article 10 bis est adopté, ainsi que l'article 11.

L'amendement n°6 est retiré.

L'article 11 bis est adopté, ainsi que les articles 12 et 12 bis A.

Article 12 bis

Mme Isabelle Pasquet.  - Cet article supprime la référence à la notion d'« efficience réduite ». Les aides aux postes pourraient s'en trouver encore réduites, après la suppression de 500 d'entre elles en loi de finances pour 2011. En travaillant, une personne handicapée génère des richesses ; et les recettes fiscales et sociales pour l'État sont supérieures aux dépenses : cette mesure aggravera les déficits publics. Nous ne voterons pas l'article.

L'article 12 bis est adopté, ainsi que l'article 12 ter.

Article 12 quater

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Rédiger ainsi cet article : 

Le second alinéa de l'article L. 5212-10 du même code est ainsi rédigé :  

« La limite de la contribution annuelle par bénéficiaire non employé est portée, dans des conditions définies par décret, à 1 500 fois le salaire horaire minimum de croissance pour les entreprises qui n'ont occupé aucun bénéficiaire de l'obligation d'emploi, qui n'appliquent aucun accord collectif mentionné à l'article L. 5212-8 pendant une période supérieure à trois ans et dont l'ensemble des contrats prévus à l'article L. 5212-6 qu'elles ont passés n'excède pas, en volume de travail fourni, un seuil fixé par décret. »

M. Jean Desessard.  - Toute entreprise qui n'emploie aucune personne handicapée, qui n'a aucun contrat de fourniture ou de sous-traitance avec une entreprise adaptée ou qui n'applique aucun accord collectif prévoyant la mise en oeuvre d'un programme en faveur des personnes handicapées doit payer une « surcontribution », mais il suffit à une entreprise d'acheter trois stylos -un contrat de fournitures...- pour y échapper ! C'est pourquoi le rapporteur à l'Assemblée nationale a proposé d'instaurer un montant minimal d'achat auprès d'une entreprise adaptée ou d'un établissement et service d'aide par le travail (Esat).

Mais la question de la part du travail des personnes handicapées dans les fournitures achetées reste entière ; c'est ce travail que la loi veut favoriser, pas le commerce de biens ou de services dont les personnes handicapées seraient l'alibi. Ce n'est pas un hasard si les montants de la contribution et de la « surcontribution » sont fixés en multiples du salaire minimum. D'où notre amendement, qui est tout à fait dans l'esprit du code du travail.

M. Paul Blanc, rapporteur.  - L'intérêt de l'amendement n'est pas évident. Défavorable.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État.  - Même avis. Cette précision est d'ordre réglementaire.

M. Jean Desessard.  - Dans ce cas, Mme la ministre y pourvoira par voie réglementaire ! (Sourires)

L'amendement n°12 n'et pas adopté.

L'article 12 quater est adopté.

Article 14 ter A

M. Paul Blanc, rapporteur.  - L'article 14 bis, qui n'est plus en navette, a suscité des inquiétudes. La loi de 2005 fixait par principe l'accès de tous à tout, dès 2015 ; les bâtiments neufs et les nouveaux matériels roulants devaient être rendus immédiatement accessibles. Des dérogations n'étaient possibles que pour l'existant.

C'est sans fondement légal que des mesures réglementaires autorisant des dérogations ont été accordées dans les constructions neuves, d'où la censure du Conseil d'État. Faut-il démolir les logements sociaux ou les établissements déjà sortis de terre ? Les légaliser ? L'éthique de conviction s'oppose à l'éthique de responsabilité. J'ai dû me résoudre la mort dans l'âme à des mesures de substitution pour le bâti neuf, à condition que le maître d'ouvrage prouve l'impossibilité technique, que le nouveau décret soit soumis au CNCPH, que la souplesse accordée ne soit pas de portée générale, que la commission consultative de sécurité et d'accessibilité se prononce sur les mesures de substitution et que le préfet soit tenu par son avis.

Mme Isabelle Pasquet.  - Le groupe CRC-SPG votera contre cet article 14 ter A. Le principe d'accessibilité universelle est remis en cause. Dérogation ou substitution ? La réalité est la même. Une personne en chaise roulante ne doit pas être obligée d'emprunter un parcours spécifique : ce serait la confiner dans la marginalité.

Le rapport Doligé propose même de généraliser les mesures de substitution. A-t-on cédé au lobby du BTP ? Comment se satisfaire de cette situation ? On fait passer les personnes handicapées par les sous-sols ou les locaux à poubelles ! C'est indigne. La campagne de communication Des bâtons dans les rues veut sensibiliser à ces difficultés.

L'accessibilité universelle, c'est un espace public ouvert à chacun. Nous ne pouvons accepter ce nouveau recul. (Applaudissements à gauche)

Mme Sylvie Desmarescaux.  - Ces propos sont scandaleux. Nous voulons tous que les handicapés aient leur place dans la cité, aient accès aux logements. Mais dans certaines situations, l'accessibilité est impossible. Nous sommes conscients que tout n'est pas parfait, mais nous avons tous la volonté d'agir. Respectez les élus que nous sommes ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Éric Doligé.  - On ne peut laisser passer certains propos. Mme Escoffier en a justement appelé au pragmatisme. Pour mon rapport sur la simplification des normes, j'ai reçu les associations d'élus, dont vos amis de l'Association des départements de France et de l'Association des régions de France (ARF) : ils m'ont tous fait part de leurs difficultés. Et je ne parle pas des maires ruraux ! J'ai transcrit leurs propos avec des mots choisis...

Faire passer les handicapés par le local à poubelles ? Qui le fait ? Ces propos sont scandaleux ! Je vous invite à les retirer. Assez de démagogie !

Nous parlerons lundi soir des pompiers. Je vais me régaler ! Les propos que tiennent certains élus locaux en privé et en public diffèrent grandement ! (Applaudissements à droite)

M. Jean Desessard.  - Qu'il y ait une contradiction entre les principes et le point de vue des gestionnaires, c'est normal, d'où la nécessité, pour le législateur, d'être clair. Mais il ne s'agit pas d'exceptions : on ouvre grand les vannes ! M. Doligé vient de dire que les élus veulent remettre en cause les règles !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - M. Doligé a pointé les contradictions de la gauche : on voit des élus locaux demander des arrangements et ici s'arc-bouter sur les principes...

Pour les logements neufs, l'obligation d'accessibilité des parties communes est intangible. Le texte prévoit une obligation d'adaptabilité des parties privatives : le logement n'est pas directement accessible, mais peut le devenir par des travaux simples qui ne touchent pas au gros oeuvre -remplacer par exemple une baignoire par une douche de plain-pied. Selon vous, les mêmes règles devraient s'appliquer aux logements occupés temporairement : faudrait-il faire des travaux pour sept jours de location ? Ce que propose le texte, c'est qu'une partie du parc soit pleinement accessible ! C'est une avancée incontestable ! L'avis sur les amendements nos7 et 9 de suppression sera donc défavorable. (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Isabelle Pasquet.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°9, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Il est défendu.

M. Paul Blanc, rapporteur.  - Défavorable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Même avis.

Mme Isabelle Pasquet.  - Nous écoutons les partenaires sociaux -on l'a vu hier- et aussi les associations, dont nous relayons l'indignation. Oui, les handicapés ont parfois l'impression d'être des citoyens de seconde zone ! Ici même, les tribunes ne leur sont pas accessibles ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Malgré les histoires d'eau que nous a racontées Mme la ministre, l'article n'a rien de limpide. Un décret doit fixer les exigences en matière d'accessibilité, non d'adaptabilité : il peut aussi bien les réduire !

Les amendements identiques nos7 et 9 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi cet article :

La première phrase du premier alinéa de l'article L. 111-7-1 du code de la construction et de l'habitation est complétée par les mots : « en vertu du principe de conception universelle ».

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - M. Paul Blanc nous dit qu'il était contre les dérogations dans le bâti neuf, que c'est la mort dans l'âme qu'il a accepté la substitution... Les déclarations du président de la République, de la ministre vont dans le sens des engagements internationaux pris par la France. L'Union européenne a rendu opposable la convention internationale sur les droits des personnes handicapées. Pourquoi l'avoir signée si c'est pour revenir en arrière, au risque d'être condamné ?

Le « Design for all » de la Banque mondiale estime entre 10 et 15 % la perte de fréquentation touristique due à l'inaccessibilité. Pourtant, le surcoût n'excède jamais 1 % du coût de construction. Le Grenelle I fait de la prise en compte de l'accessibilité une priorité.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

avis

par le mot :

accord

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Cet amendement se justifie par son texte même.

M. Paul Blanc, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°10 ainsi qu'à l'amendement n°11. Le Conseil national consultatif ne peut donner qu'un avis... consultatif.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État.  - Il n'y a pas que les handicapés moteurs : n'oublions pas ceux qui sont aveugles, autistes, déficients mentaux... Défavorable aux deux amendements.

M. Jacques Blanc.  - Le Conseil national consultatif des personnes handicapées, c'est moi qui l'ai créé, lorsque j'étais rapporteur de la loi de 1975. Il a fallu attendre le gouvernement Raffarin pour une deuxième grande loi, en 2005. Entretemps, qu'a fait la gauche ?

M. Guy Fischer.  - Provocateur !

M. Jacques Blanc.  - Nous avons fait beaucoup pour les personnes handicapées, sans essayer de les instrumentaliser à des fins partisanes.

Je veux saluer Paul Blanc, qui mérite notre respect et notre admiration. Il pourra être fier de son action au Sénat. Bravo à Paul Blanc ! (Applaudissements à droite)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Je veux évoquer l'emploi des sous-titreurs, qui est menacé, ainsi que la précarité des AVS. Pensez-y quand vous parlez d'accessibilité !

M. Jean Desessard.  - Vous avez créé le Conseil national consultatif, mais sans lui donner aucun pouvoir !

M. Jacques Blanc.  - Il est consultatif, comme son nom l'indique !

M. Jean Desessard.  - Vous avez raté l'occasion d'entrer dans l'histoire !

L'amendement n°10 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°11.

M. Yves Daudigny.  - On nous taxe d'être incohérents. L'accessibilité des bâtiments relève du développement durable, comme le souligne le Grenelle I. La France a ratifié la Convention internationale des droits des personnes handicapées, qui impose le principe.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Dans la mesure du possible !

M. Yves Daudigny.  - L'Union européenne l'a rendue opposable. Enfin, c'est le choix le plus pertinent dans la perspective du vieillissement de la population.

L'accessibilité est aussi un argument touristique. Enfin, le surcoût n'excède pas 1 %.

L'article 14 ter A est adopté, ainsi que l'article 14 quater.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Marc Juilhard.  - Au nom du groupe UMP, je tiens à remercier Paul Blanc pour son engagement en faveur des personnes handicapées. Cette proposition de loi a précisé et modifié la loi de 2005. C'est un nouveau progrès.

L'équilibre financier des MDPH sera garanti à travers une COM, la gestion des personnels facilitée.

Je salue le rôle des associations. Cette proposition de loi était attendue : nous souhaitons qu'elle puisse être rapidement mise en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Yves Daudigny.  - Les MDPH sont des organismes incontournables. Leurs difficultés ont été identifiées. Ce texte marque des avancées intéressantes, que nous soutenons. Quelques regrets, toutefois, au sujet des statuts des personnels, gérés par leur administration d'origine, de la suppression de la taxe sur les salaires, du financement de la PCH, qui pèse sur les départements. Notre principal désaccord porte sur l'accessibilité, principe que ce texte entaille.

« L'accessibilité, n'est pas seulement une question technique, c'est un outil majeur de citoyenneté, un principe irréfragable », disait pourtant Mme Bachelot à l'Assemblée nationale ! Il s'agit bien ici d'un débat de société, sur notre capacité à permettre à chacun de vivre dignement. C'est pourquoi nous voterons, à regret, contre ce texte, tout en adressant à M. Paul Blanc un message de sympathie.

M. Jean Desessard.  - On ne pouvait que saluer le rapport de M. Blanc et Mme Jarraud-Vergnolle. Cette proposition de loi était attendue.

Ce sont les bâtiments qu'il faut adapter, pour les personnes handicapées et les autres !

Nous attendons encore des décrets d'application de la loi de 2005.

Votre approche du vivre-ensemble se révèle avec le cavalier qui introduit l'article 14 bis. Le Conseil d'État venait pourtant de censurer des dérogations rendues possibles par un décret d'octobre 2009. C'est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi, malgré les avancées concernant le fonctionnement des MDPH.

Mme Isabelle Pasquet.  - Cette proposition de loi propose en effet des avancées. J'ai dit nos regrets concernant la PCH. Je reste persuadée que les articles 14 bis et 14 ter A marquent le renoncement à l'accessibilité universelle : nous voterons contre.

Mes propos ne visaient nullement M. Paul Blanc, dont je salue l'implication, et dont je respecte le travail ; nous aurions d'ailleurs pu nous retrouver sur des positions communes...

Mme Bernadette Dupont.  - Je veux moi aussi remercier Paul Blanc. Je voterai ce texte, mais je souhaite que l'on simplifie et harmonise les démarches auprès des MDPH. Une harmonisation serait un immense service rendu aux familles ! (Applaudissements à droite)

M. Guy Fischer.  - Venez dans le Rhône !

Mme Sylvie Desmarescaux.  - A mon tour de féliciter Paul Blanc, pour son travail de longue haleine.

Cette proposition de loi est une réelle avancée. Je rends hommage aux associations qui oeuvrent, chaque jour, pour tous les handicaps et qui méritent, elles aussi, un grand coup de chapeau.

Monsieur Desessard, l'article 14 bis n'est pas un cavalier. C'est une réelle avancée, technique. En tant qu'élus, nous cherchons tous à aider les personnes handicapées. Je regrette du fond du coeur qu'il n'y ait pas unanimité sur ce texte. (Applaudissements à droite)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Je me réjouis de voir ce texte, que nous devons à l'initiative et à la générosité de Paul Blanc, achever ici son parcours. Toute notre admiration et notre gratitude vont à notre collègue. (Applaudissements au centre et à droite)

La proposition de loi est définitivement adoptée.

(Applaudissements au centre et à droite)

M. Paul Blanc, rapporteur.  - Merci aux groupes UMP, Union centriste et RDSE, qui ont voté ce texte.

Mme Sylvie Desmarescaux.  - Et les non-inscrits ? (Sourires)

M. Paul Blanc, rapporteur.  - Ce texte découle aussi du dialogue avec les associations. J'ai recherché l'équilibre : à vouloir trop en faire, on risquait de desservir les personnes handicapées. M. Jacques Blanc a oublié qu'en 1987, Philippe Seguin avait présenté le texte sur l'insertion des travailleurs handicapés en milieu ordinaire, sous le gouvernement Chirac.

Ces textes, c'est la droite qui les a voulus. Il n'y a pas lieu de nous faire de procès d'intention !

La loi de 2005, à laquelle vous rendez hommage, n'a pas été votée par les groupes socialiste et communiste. J'espère que, dans quelques années, vous défendrez avec autant d'ardeur le texte contre lequel vous avez voté aujourd'hui. (Rires et applaudissements à droite)

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État.  - Merci pour la richesse des débats, le travail effectué, le réalisme dont vous avez fait preuve.

Vous avez fait beaucoup, cher Paul Blanc, pour la citoyenneté de nos compatriotes handicapés.

A ceux qui nous écoutent, je veux rappeler l'engagement du président de la République. Nous ne devons jamais renoncer. Les objectifs sont nombreux, il faut chercher à les atteindre avec réalisme. Chaque Français doit être impliqué. Roselyne Bachelot se joint à moi pour vous dire, cher Paul Blanc, notre gratitude et notre affection. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - La présidence se joint à l'hommage rendu à notre collègue Paul Blanc.

Mission d'information « Taxe professionnelle » (Nominations)

M. le président.  - Les groupes ont présenté leurs candidatures pour la mission commune d'information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l'État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale.

La présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, elles sont ratifiées et je proclame Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Claude Bérit-Débat, Martial Bourquin, Philippe Dallier, Alain Fouché, Jean-Claude Frécon, Charles Guené, Edmond Hervé, Benoît Huré, Pierre Jarlier, Mme Élisabeth Lamure, MM. Alain Le Vern, Jean-Jacques Lozach, MM. Philippe Marini, Jean-Louis Masson, Jacques Mézard, Mme Catherine Morin-Desailly et M. Rémy Pointereau, membres de la mission commune d'information.

CMP (Nominations)

M. le président.  - M. le président a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du Règlement. Je n'ai reçu aucune opposition. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire, titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-René Lecerf, François Pillet, François Zocchetto, Alain Anziani, Jean-Pierre Michel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; suppléants : M. Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Yves Détraigne, Mme Virginie Klès, M. Jacques Mézard, Mme Catherine Troendle.

Prochaine séance demain, mercredi 29 juin 2011, à 14 h 30.

La séance est levée à 21 h 10.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 29 juin 2011

Séance publique

De 14 heures 30 à 18 heures 30

1. Proposition de loi visant à améliorer et sécuriser l'exercice du droit de préemption (n°323, 2010-2011).

Rapport de M. Hervé Maurey, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°616, 2010-2011).

Texte de la commission (n°617, 2010-2011).

A 18 heures 30 et, éventuellement, le soir

2. Proposition de loi relative aux certificats d'obtention végétale (n°720, 2009-2010).

Rapport de M. Rémy Pointereau, fait au nom de la commission de l'économie (n°618, 2010-2011).

Texte de la commission (n°619, 2010-2011).