Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Commission d'enquête (Candidature)

Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Hommage à une délégation étrangère

Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat (Suite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat

M. Jacques Mézard

M. Jean-Claude Gaudin

M. Jean-Vincent Placé

M. Philippe Adnot

M. François Zocchetto

M. François Rebsamen

Commission d'enquête (Nomination)

Engagement de la procédure accélérée




SÉANCE

du mercredi 4 juillet 2012

2e séance de la session extraordinaire 2011-2012

présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaires : M. Jean Desessard, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

La séance est ouverte à 15 h 5.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Commission d'enquête (Candidature)

M. le président.  - J'informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, à la place laissée vacante par Mme Nicole Bricq, dont le mandat de sénateur a cessé. Cette candidature a été affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.

Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

Au nom du Sénat, je salue la présence de M. le Premier ministre (applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs à droite) et des très nombreux ministres et ministres délégués qui nous font l'honneur de leur présence.

J'exprime une pensée particulière, comme je l'ai fait hier, pour nos collègues qui ont fait leur entrée au Gouvernement. Je veux aussi saluer chaleureusement nos trois collègues qui ont retrouvé leur mandat sénatorial après avoir été ministres dans le précédent gouvernement : Michel Mercier, Gérard Longuet et Henri de Raincourt. (Applaudissements) J'ai une pensée aussi pour Hélène Lipietz, devenue sénatrice après la nomination de Mme Nicole Bricq au Gouvernement. (Applaudissements)

Nous allons entendre la déclaration de M. le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.

Au moment où nous reprenons nos travaux, je forme le voeu que nous puissions travailler ensemble dans le dialogue et la concertation avec le Gouvernement, dans le respect de l'opinion de chacun et avec la volonté de laisser du temps aux délibérations du Sénat.

Le Sénat contribuera à la qualité des textes. Il exercera pleinement sa fonction de contrôle afin de jouer un rôle constructif. Nous souhaitons tenir toute notre place car nous sommes tous attachés à un fonctionnement harmonieux de nos institutions comme au bicamérisme, même s'il mérite d'être rénové. Le Sénat de la République est au-dessus des alternances et des effets de mode. C'est le résultat d'une longue histoire, d'une originalité faite d'expérience, de diversité et d'autonomie.

J'espère que le Gouvernement pourra prendre en considération les réflexions et analyses que nous avons exprimées au cours de la session précédente, durant laquelle le Sénat n'a pas cessé de travailler. Alors que le temps législatif était momentanément suspendu, nous nous sommes consacrés au contrôle et à l'évaluation. Cinq missions communes d'information et deux commissions d'enquête ont poursuivi leurs travaux ; sans oublier ceux des commissions permanentes, de la commission des affaires européennes, de la délégation sénatoriale à l'outre-mer et de la commission pour le contrôle de l'application des lois. Au total, ce sont 93 actions de contrôle qui aboutiront dans les prochaines semaines.

Le Sénat a ainsi rempli son rôle constitutionnel, mais aussi son rôle politique. Il souhaite contribuer aux débats inhérents à un changement, changement de président de la République, changement de majorité à l'Assemblée nationale.

Comme vous le savez, nous avons lancé une vaste consultation des élus locaux, car le Sénat est au coeur du dialogue entre l'État et les collectivités territoriales. Après des rencontres départementales entre les élus et les acteurs du développement local en septembre, les états généraux de la démocratie territoriale, qui se tiendront les 4 et 5 octobre, seront l'occasion, pour les élus, d'exprimer en toute liberté leurs préoccupations et leurs aspirations.

Il est de la responsabilité du Sénat de préparer la grande réforme territoriale qui rétablira la confiance entre les acteurs locaux et l'État. Je suis sûr que le Gouvernement sera à l'écoute de nos attentes et de nos idées.

Dans cette période importante, soyez assuré, monsieur le Premier ministre, de notre souci constant d'agir pour le bien commun et celui de la France, compte tenu de la situation que nous savons difficile.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre .  - (Vifs applaudissements à gauche) Je suis heureux de vous saluer, ému de parler pour la première fois devant la Haute assemblée. Si j'ai choisi de venir devant vous après le vote de confiance à l'Assemblée nationale, c'est pour témoigner du respect de mon gouvernement envers le Sénat et les sénateurs, qu'ils soient de gauche ou de droite. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs à droite)

Hier, par la voix de M. Fabius, je ne vous ai rien caché des difficultés qui nous attendent. Je veux parler un langage de vérité, combattre l'esprit de résignation et appeler à la mobilisation de toutes les forces de la France. Je suis convaincu que le Sénat prendra toute sa part au redressement du pays.

En élisant M. Hollande à la présidence de la République et en lui donnant une large majorité à l'Assemblée nationale, les Français ont fait le choix du changement. Un changement dont les prémices sont venues du Sénat en septembre 2011. (Applaudissements à gauche) Je veux saluer le président Bel qui a su, dans le respect des traditions républicaines, mener la transition et donner l'image d'un Sénat modernisé. Que la Haute assemblée soit au-dessus des modes, voilà qui me convient !

Je suis, comme vous, attaché au bicamérisme. (Applaudissements à gauche) L'expérience et l'expertise des sénateurs nous aideront à produire des textes de qualité, applicables et utiles aux Français. Les travaux et les contributions du Sénat, qui rejoignent bien souvent les préoccupations du Gouvernement, seront pour lui une source d'inspiration constante.

Je m'engage à associer le Parlement le plus en amont possible pour préparer les grandes décisions. C'est une bonne manière de renforcer son rôle.

Le président de la République a fixé le cap, celui du redressement de notre pays dans la justice. C'est la feuille de route du Gouvernement. Avec vous, nous relèverons ce défi pour redonner à des millions de Français des raisons de croire dans l'action publique.

La situation de notre économie oblige mon gouvernement à agir sans tarder : agir contre le chômage, qui touche aujourd'hui près de 3 millions de personnes dans notre pays ; agir contre la désindustrialisation et le recul de notre compétitivité, qui se traduisent par un déficit commercial record et la multiplication des plans sociaux ; agir contre l'augmentation massive de la dette publique, dont le poids aujourd'hui écrasant absorbe une grande partie de la richesse produite. Depuis 2007, la dette de la France a augmenté de 600 milliards d'euros ; et les intérêts de la dette représentent 50 milliards d'euros par an, plus que le budget de l'Éducation nationale !

Je refuse de reporter un tel fardeau sur les générations futures. C'est une responsabilité collective que doivent porter tous ceux qui ont une responsabilité devant les Français, au premier chef les représentants de la souveraineté nationale.

Je ne sous-estime pas l'impact de la crise financière mondiale. Tous les gouvernements, quelle que soit la majorité en place, sont confrontés à de rudes réalités, notamment dans les pays de la zone euro. Mais je crois aussi que la situation économique dont nous héritons est le produit d'erreurs passées, de choix injustes et inefficaces. (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite)

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Avec le président de la République, nous avons proposé un autre chemin. Les Français nous ont fait confiance. Les engagements que nous avons pris seront tenus.

Le président de la République avait dénoncé, pendant sa campagne, la généralisation de l'austérité en Europe et annoncé son intention de mobiliser les dirigeants européens en faveur de la croissance. Je le redis devant la Haute assemblée, le vote des Français a fait bouger les lignes en Europe ! (Applaudissements à gauche ; rires et exclamations à droite) Le Conseil européen des 28 et 29 juin a adopté un pacte de croissance d'un montant de 120 milliards d'euros. C'est un levier de mobilisation, c'est un succès pour la France et pour tous les Européens qui croient à l'avenir de notre projet commun. Personne n'est indifférent au Conseil des 28 et 29 juin. J'ai toujours dit que l'élection du président de la République créerait un nouvel espoir en Europe. Eh bien, nous y sommes ! (Applaudissements à gauche ; exclamations ironiques à droite)

Je demanderai au Parlement de se prononcer sur l'ensemble des textes issus de cette renégociation européenne : le pacte de croissance, la taxe sur les transactions financières, la supervision bancaire et le traité de stabilité budgétaire.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - La règle d'or !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Je vous inviterai à approuver cette nouvelle étape de la construction européenne, qui est celle de l'intégration solidaire.

Mais je le redis encore, c'est un engagement du président de la République et la mission de mon gouvernement : il faudra maîtriser les dépenses publiques. (« Ah ! » à droite)

M. François Patriat.  - La droite ne l'a jamais fait !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Le projet de loi de finances rectificative, qui a été adopté ce matin en Conseil des ministres, sera prochainement soumis au Parlement. L'objectif sera de réduire le déficit public, dès 2012, à 4,5 % de la richesse nationale. Et nous reviendrons à l'équilibre à l'horizon 2017. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)

L'ambition de mon gouvernement est de gouverner dans la durée, de réussir le changement. Et sans maîtrise des comptes publics, il n'y a pas d'action dans la durée possible. Nous ne sommes pas à un tournant mais dans la cohérence des engagements pris devant le peuple français ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts)

La réforme fiscale est l'une des grandes priorités du Gouvernement. Ses objectifs sont clairs : mobiliser de nouvelles recettes, mettre à contribution ceux qui ont été exonérés jusqu'à présent de l'effort collectif, épargner les classes moyennes et populaires. (Même mouvement)

Le projet de loi de finances rectificative intègre ces priorités. Le Gouvernement propose de revenir sur l'allégement de l'impôt sur la fortune. Les ménages qui lui sont assujettis peuvent contribuer davantage à l'effort national ! (Même mouvement) Nous proposons aussi de supprimer définitivement le bouclier fiscal et de mettre à contribution les grandes entreprises bancaires et pétrolières.

En revanche -là sont la cohérence et la justice-, la hausse de la TVA, programmée pour la rentrée par le précédent gouvernement sera abrogée. (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite)

M. Roger Karoutchi.  - Qu'en pense M. Migaud ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2013, les revenus du capital seront imposés au même titre que ceux du travail. L'impôt sur le revenu sera rendu plus progressif et plus juste. Pour les plus riches, une tranche d'imposition à 45 % sera créée, et pour les revenus annuels supérieurs à un million d'euros, une imposition supplémentaire à 75 %.

En nous donnant une majorité, les Français ont fait le choix de la justice !

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - La méthode de mon gouvernement est connue : dire la vérité, dialoguer, négocier.

M. Jean-Claude Gaudin.  - On verra !

M. Jean-Michel Baylet.  - ça change !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Le changement ne se décrète pas. Il est un mouvement porté par tous les corps intermédiaires, les partenaires sociaux, les élus locaux, les associations. Le Sénat, je le sais, est attaché à cette conception de la démocratie. Une démocratie apaisée, où le pouvoir d'un seul ne s'impose pas à la délibération collective, où l'esprit systématique de division ne l'emporte pas sur la recherche de la cohésion sociale nationale. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts)

Oui, c'est vrai, j'appelle à un changement des pratiques, je souhaite que la culture de l'accord s'impose peu à peu. Mon gouvernement donnera toutes ses chances au dialogue social. La grande conférence sociale qui aura lieu dans quelques jours illustrera ce changement de méthode, comme la consultation sur la refondation de l'école que j'ouvrirai demain. C'est la priorité donnée à la jeunesse. Nous ne pouvons pas accepter le maintien de l'échec scolaire à un tel niveau, ni le creusement des inégalités sociales et territoriales.

Nous assumons la création de 60 000 postes supplémentaires sur la durée du quinquennat : l'école bénéficiera enfin d'une priorité ! (Applaudissements à gauche ; protestations à droite) Le Gouvernement concentrera son effort sur l'enseignement primaire et les premiers cycles de l'université, car c'est dans les premières années que se construit la réussite des élèves.

Mlle Sophie Joissains.  - Des mots !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Ce n'est pas du discours. Vous, vous avez détruit 60 à 80 000 postes dans l'éducation nationale ! (Applaudissements à gauche)

M. François Patriat.  - Et ils en sont fiers !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Un nouvel élan sera donné à l'éducation prioritaire.

Nous ne pouvons accepter que le chômage des jeunes soit à un tel niveau, un niveau incroyable dans un pays comme la France ! Nous mènerons le combat et y mettrons les moyens. C'est le sens du contrat de génération et des 150 000 emplois d'avenir pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes et faciliter leur accès au logement. (Exclamations à droite)

Autre grand chantier, le redressement productif. (On ironise à droite) Nous ne pouvons accepter le décrochage de l'industrie française, la baisse de sa compétitivité, les difficultés des PME. Vous en êtes tous convaincus pour être en contact avec les territoires. Ce chantier est immense : la part de l'industrie est passée de 26 % à 13 % en dix ans, 750 000 emplois ont été détruits ! (Exclamations à droite, où on invoque les 35 heures) Dire la vérité vous gêne ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts) Nous mettrons enfin la finance au service de l'économie réelle. Nous mobiliserons une partie de l'épargne populaire et créerons une banque publique d'investissement avant la fin de l'année (Même mouvement)

Nous voulons une véritable diplomatie économique pour regagner des parts de marché et lutter contre les pratiques déloyales. C'est Mme Bricq, ancienne sénatrice, qui en est chargée. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; exclamations amusées à droite)

Il n'y a pas de fatalité au creusement de notre déficit commercial et aux plans de licenciements. C'est le sens de notre pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi.

La transition écologique et énergétique sera également une priorité. L'objectif de mon gouvernement est de développer une économie verte fondée sur l'innovation technologique, qui sera créatrice d'emplois qualifiés et diminuera notre empreinte écologique. (Applaudissements sur les bancs Verts) Nous engagerons un programme massif d'économies d'énergie. Nous mettrons en oeuvre un plan ambitieux de développement des énergies renouvelables. La part du nucléaire dans la production d'électricité passera de 75 % à 50 % à l'horizon 2025. (Même mouvement)

Nous mettrons en place une tarification progressive du gaz, de l'électricité et de l'eau, autant de biens qui ne peuvent être livrés à la seule loi du marché. Dans ces secteurs, les inégalités sont devenues criantes et insupportables ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts)

Je voudrais terminer mon discours en adressant un message particulier au Sénat (« Ah ! » à droite), représentant des collectivités territoriales de la République. Car je veux vous parler de nos territoires. (Exclamations et marques d'ironie à droite) Je pensais que seuls les députés étaient dissipés, mais les sénateurs de droite le sont visiblement aussi. (Sourires)

Le redressement du pays passe par l'action des collectivités locales, de métropole et des outre-mer. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts) Leur investissement public et la vigueur de la démocratie locale sont des atouts essentiels. Je crois, moi aussi, à l'intelligence des territoires. Partout, les collectivités s'engagent : investissements dans le très haut débit, soutien aux PME innovantes, à des projets d'excellence dans le domaine du développement durable. Je pourrais multiplier les exemples.

La future banque publique d'investissement travaillera au plus près des territoires, en liaison avec les régions. Je ne veux pas d'un outil centralisé. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts)

M. François Patriat.  - Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Pour répondre aux besoins de logements, l'État mettra ses terrains vacants gratuitement à disposition des collectivités locales, afin de permettre la réalisation de programmes de construction et d'aménagement urbain respectueux de la mixité sociale. J'y tiens, même si je sais les conservatismes forts. Je fais confiance aux collectivités locales pour saisir cette chance. Nous avons un objectif de construction de 500 000 logements, dont 150 000 sociaux. Le Gouvernement proposera en outre de multiplier par cinq la sanction à l'encontre de ceux qui ne respectent pas la loi SRU. (Applaudissements à gauche)

Je veux bâtir avec les acteurs de la démocratie territoriale une relation de confiance. Les collectivités, de même que le Parlement, ne sont pas des faire-valoir. Le maire de Nantes que j'ai été jusqu'à la semaine dernière a trop souvent regretté le manque de considération de l'exécutif pour l'action des élus locaux. Ce sont des élus de proximité qui ont la confiance de leurs concitoyens, ils savent les dégâts de la crise dans les quartiers comme dans les zones rurales, ils savent l'exigence de justice.

C'est la raison pour laquelle je veux préparer, avec mon gouvernement, une nouvelle étape de la décentralisation qui donne toute leur place aux libertés locales. Je recevrai ce mois-ci les associations d'élus et poursuivrai les consultations à la rentrée, je m'appuierai sur les conclusions des états généraux de la démocratie locale organisés à l'initiative du président du Sénat. Un projet de loi sera déposé avant la fin de l'année. Comme tout projet de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales doit vous être soumis en premier lieu, le Sénat sera porteur de la réforme territoriale. (On s'en réjouit à gauche)

Les citoyens attendent de cette nouvelle étape de la décentralisation que l'État et les collectivités locales mènent une action plus lisible, plus efficace et moins coûteuse. En tout cas, que l'argent public soit préservé... (Mouvements divers à droite)

Nous créerons le Haut conseil des territoires. (Marques d'ironie sur les mêmes bancs) Cette instance de concertation et de proposition permettra aux représentants des élus de se réunir régulièrement avec ceux de l'État ; elle s'appuiera bien sûr sur le Sénat, comme le Président de la République l'a indiqué à Dijon le 3 mars dernier.

Quant au conseiller territorial, la loi qui l'a créé sera abrogée. (Vifs applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs au centre)

Nous modifierons le mode d'élection des conseillers généraux (« Ah ! » à droite) pour permettre une meilleure représentativité des assemblées départementales et aussi...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La parité !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - ...pour davantage de parité. (Applaudissements à gauche) La modification du mode de scrutin et du calendrier des élections cantonales et régionales sera élaborée de manière transparente, dans la concertation...

Voix à droite.  - Et dans la justice, encore ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Nous renforcerons la légitimité démocratique des structures intercommunales. L'introduction du suffrage direct pour les agglomérations les plus importantes sera inscrite à l'ordre du jour de la concertation. Je m'engage à associer le Parlement étroitement à toute modification d'importance.

M. Didier Boulaud.  - Voilà qui va nous changer !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Pour que les parlementaires se consacrent pleinement à leur mission, et pour répondre à l'exigence de proximité formulée par les citoyens à l'égard des élus locaux, il sera mis fin au cumul entre un mandat de parlementaire et l'exercice de fonctions exécutives locales. Cette réforme sera applicable en 2014. (Applaudissements sur certains bancs à gauche ; on s'amuse à droite de ce peu d'enthousiasme)

Mme Natacha Bouchart.  - C'est scandaleux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Il n'y a pas de raison que les parlementaires ne suivent pas les mêmes règles que les ministres. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et Verts) Nous confierons de nouvelles responsabilités aux collectivités, par transfert de compétences ou par délégation. C'est cela la décentralisation ! Avec le même souci de transparence et de justice... Il n'y a pas de recette miracle ; de là l'expérimentation pour ceux qui souhaiteront exercer une nouvelle compétence.

L'année 2013 sera celle de la concertation et de la discussion sur tous ces sujets. Les collectivités locales et les élus sont prêts à prendre toute leur part de l'effort national de redressement des comptes publics. Les grandes associations d'élus, en particulier l'AMF, l'ont dit. En contrepartie, les collectivités bénéficieront d'une plus grande visibilité, gagneront en autonomie et en responsabilité. C'est l'objet du pacte de confiance que je souhaite établir entre elles et l'État. Pour avancer, il faut se dire les choses clairement. Les concours financiers de l'État seront maintenus en valeur pour la période 2013-2015, dans la péréquation. Votre assemblée, je le sais, est prête à faire preuve d'audace et d'innovation.

Je sais les collectivités locales confrontées à des difficultés de financement. Le Gouvernement suit avec attention l'évolution de la situation. Votre commission des finances a été informée hier de l'évolution du dossier difficile de Dexia. L'État a mis en place un dispositif exceptionnel et débloqué une enveloppe de financement sur les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts. Nous demanderons aux banques de respecter leur engagement de maintenir, voire d'accroître leur offre de crédit. La Banque postale, qui vient de lancer une première offre de crédit à court terme, la complétera en partenariat avec la Caisse des dépôts.

Je tiens à ce que cette nouvelle étape de la décentralisation marque un progrès vers l'égalité entre les territoires. Égalité notamment dans l'accès aux services publics ; je pense particulièrement à nos concitoyens des quartiers populaires et des zones rurales. Il y a toujours une bonne raison de ne rien faire. Quant une partie du peuple se sent abandonnée, les mots de liberté, égalité, fraternité n'ont plus de sens. Avec le Sénat, je veux rendre concrète cette belle idée de la République ! (Applaudissements à gauche)

Nous voulons l'égalité entre tous les territoires qui font la France. Je salue les sénateurs des outre-mer où, je l'ai dit hier, l'État entend promouvoir de nouvelles orientations.

Je veux, enfin, que la décentralisation et la réforme de l'État marchent au même rythme. Je veux un État stratège, garant de la cohérence des politiques publiques et de la solidarité entre les citoyens et les territoires. Restaurer la puissance publique est un impératif pour nos concitoyens, mais aussi pour les agents des trois fonctions publiques. Nous avons besoin d'une fonction publique respectée, j'ai confiance en elle ! (Applaudissements à gauche)

Quant au redressement productif de la France...

M. Christian Cointat.  - Où est le ministre ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Je vous prie d'excuser certains membres du Gouvernement, qui assistent aux obsèques d'Olivier Ferrand.

A côté des plans sociaux qui font la une, cinquante emplois disparaissent ici, une centaine là. Raison pour laquelle nous avons nommé des commissaires à l'industrialisation auprès des préfets. Les collectivités territoriales seront associées au traitement et au suivi des dossiers difficiles.

J'ai confiance dans nos atouts, dans la vitalité de nos territoires. J'ai confiance dans la capacité de notre peuple à se rassembler, à mobiliser ses talents, à repartir de l'avant. La politique du Gouvernement est marquée du sceau de la justice, de ces valeurs de la République qui ont inspiré le rêve français, ce rêve auquel nous voulons croire encore et toujours. Je sais que nous pouvons réussir le redressement de la France ! (Les sénateurs de gauche se lèvent et applaudissent longuement)

Hommage à une délégation étrangère

M. le président.  - Je salue en votre nom la présence, dans notre tribune d'honneur, d'une délégation de l'Assemblée constituante de Tunisie. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent) Elle est conduite par M. Imed Hammami, président de la Commission des collectivités locales et régionales de cette assemblée. Elle a été accueillie au Sénat par le président Jean-Pierre Sueur, président du groupe d'amitié France-Tunisie.

La Tunisie est engagée, depuis l'an dernier, dans un processus de réforme constitutionnelle. La visite de nos collègues tunisiens s'inscrit dans ce cadre. La délégation porte une attention particulière aux dispositions relatives aux collectivités locales.

Nous formons le voeu que cette visite lui permette de mûrir sa réflexion sur la réforme engagée et suivrons tous avec attention les travaux de l'Assemblée constituante. Nous leur souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat français. (Applaudissements)

Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat (Suite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat .  - Votre gouvernement hérite d'une situation difficile. Si la France a bien résisté à la crise grâce à un modèle social que la droite n'a cessé de casser, elle est en grande souffrance : un chômage massif, une dette colossale, des pauvres de plus en plus pauvres et des riches de plus en plus riches. Non, la crise n'est pas tombée du ciel, elle est le fait de la financiarisation et de dix ans de politique de droite. (Protestations à droite)

Le Front de gauche, porté par M. Mélenchon, a réuni 4 millions de voix et contribué de façon décisive à la victoire du 6 mai. Vous n'avez pas voulu, monsieur le Premier ministre, prendre en compte la diversité de la gauche, raison pour laquelle nous avons refusé de participer à votre gouvernement. En revanche, parce que nous sommes dans la majorité, nous entendons être utiles à nos concitoyens.

La page du sarkozysme est tournée. Nous apprécions les symboles d'une présidence et d'un Gouvernement modestes, après tant d'années d'insolence des riches et de légitimation par la droite des idées du Front national. Nous apprécions votre action pour les femmes, le droit au mariage pour tous et les mesures fiscales comprises dans le prochain collectif. Ce n'est que justice ! De même que le renforcement de la loi SRU.

Nous nous réjouissons que Mme la garde des sceaux veuille défendre la justice des mineurs. A contrario, la politique d'immigration conduite par le ministre de l'intérieur nous inquiète. La gauche a toujours été contre cette méthode. Il faudrait réfléchir globalement à la situation des étrangers en France depuis dix ans.

La déclaration de politique générale d'hier engage votre gouvernement dans la durée. Exigence de vérité, de sauvegarde du modèle social, de justice... La justice, elle concerne d'abord les victimes des politiques libérales de la droite. Les entreprises sortent des plans sociaux cachés : 70 000 emplois sont concernés ! Un plan de soutien à l'automobile ? On voit le résultat du précédent ! La justice, c'est pour les familles, les salariés de PSA Aulnay et pour les territoires !

Le redressement économique, avec une croissance de 0,3 % ? Nous attendons des mesures tout de suite. Inscrivez à l'ordre du jour notre proposition de loi interdisant les licenciements boursiers, déjà votée au Sénat.

La justice sociale, c'est aussi les salaires et le pouvoir d'achat. Le coup de pouce au Smic ne suffira pas. La baisse des salaires n'a sauvé ni l'emploi, ni les PME. Ces dernières souffrent du faible pouvoir d'achat de nos concitoyens, du crédit trop cher et d'une fiscalité favorisant les groupes du CAC 40.

Les services publics ? Nous n'avons cessé de combattre les suppressions de postes ces dernières années. Or, pour tenir la dépense, vous proposez de poursuivre la réduction. Voyez pourtant la situation à l'hôpital !

Notre modèle social, c'est aussi une protection sociale de haut niveau pour tous. Nombre de Français ne peuvent se soigner. Il faut revenir à une vraie retraite à 60 ans.

La baisse de l'emploi public, conjuguée à la situation dans le privé, peut handicaper la relance économique, qui est pourtant urgentissime. Nous ne pouvons décevoir les attentes de nos concitoyens ; lors de la conférence sociale, ne décevez pas les partenaires sociaux.

Les collectivités locales ont longtemps pallié les insuffisances de l'État, notamment en matière sociale. Elles ont pâti de la réforme de la taxe professionnelle, qui n'a pas été compensée par la contribution économique territoriale, du gel des dotations. Allez-vous maintenir cette situation ? Vous avez confirmé la suppression du conseiller territorial. Les élus ont été meurtris par la réforme de 2010 : il faut les respecter. Nous voulons une intercommunalité de coopération, le respect des départements et des régions : la loi de 2010 doit être abrogée. Nous n'accepterons pas de nouveaux transferts pour faire des économies, pas plus que les pouvoirs réglementaires donnés aux régions.

Vous annoncez une réforme de la fiscalité. Nous voulons la fin des exonérations, qui n'ont pas prouvé leur utilité et une lutte déterminée contre l'évasion fiscale : 50 milliards d'euros par an, comme le confirmera la commission d'enquête du Sénat !

L'Europe ? Le Président de la république devait renégocier le traité de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Or celui-ci, certes modifié, demeure. Rien sur la Banque centrale européenne (BCE), sur son contrôle démocratique. La BCE prête aux banques qui prêtent aux États à un taux d'autant plus élevé qu'ils sont en difficulté. On marche sur la tête ! Nous voulons un référendum sur un traité qui met en cause la souveraineté nationale. La démocratie a aussi ses exigences institutionnelles.

Le droit de vote des étrangers aux élections locales ? Nous sommes pour, nous l'attendons. Oui au contrôle du cumul des mandats et à l'introduction de la proportionnelle. Mais nous voulons surtout sortir du modèle présidentiel.

Notre groupe partage la position du Front de gauche qui s'est abstenu hier lors du vote de la confiance. Le ministre du travail a dit qu'il se mettait ainsi en marge du changement mais, comme l'a dit Jean - Luc Godard, c'est « la marge qui tient la page ».

Nous voulons le changement, la justice sociale et le redressement. Nous soutiendrons toutes les mesures allant en ce sens en rappelant l'importance des attentes sociales.

Des réformes profondes sont à mener pour redresser notre pays et bâtir une Europe solidaire, pour les peuples ! (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard .  - Depuis 120 ans, notre groupe occupe une place particulière au Sénat. Il a toujours défendu les valeurs de la République illustrées par Gaston Monnerville, premier président de gauche du Sénat de la Ve République, symbole de la diversité. Notre groupe réunit des personnalités diverses, dans le respect de la liberté d'expression et de vote, autour d'une vision humaniste et laïque de la société. Une grande majorité de notre groupe soutiendra votre gouvernement et votre action. Mais nous dirons notre vérité, sans marchandage, dans la transparence. Une majorité aux ordres est une future minorité : voyez le précédent quinquennat !

La crise vous fait échapper à l'état de grâce : c'est peut-être votre chance car le pays attend l'État de raison. Nous sortons d'un quinquennat de rupture, aggravant les conflits au sein de la société, entre les territoires. La Nation doit être apaisée, rassemblée, reprendre confiance. C'est possible. Le président de la République et votre gouvernement ont commencé à le faire : c'est cela, le changement.

Monsieur le Premier ministre, vous confortez, par le discours personnalisé que vous nous avez adressé, le bicamérisme. Nous ne pouvons voter la confiance, puisque vous ne nous la demandez pas. (Mme Isabelle Debré s'exclame ; on ironise à droite) Mais cette confiance s'obtiendra par la pratique législative : sans procédures d'urgence, sans inflation législative, en nous saisissant en amont sur les projets d'importance. Dans cette configuration inédite où la gauche est majoritaire dans les deux assemblées, le Gouvernement doit respecter l'expression des sénateurs. Non, le Sénat n'est pas une anomalie !

M. Alain Dufaut.  - Très bien !

M. Christian Cointat.  - Absolument !

M. Jacques Mézard.  - C'est une chambre de réflexion, d'expertise, pas d'inertie pour autant.

Vous savez que nous avons mal vécu la récente réforme territoriale -même si elle a favorisé l'alternance ! (Applaudissements à gauche)

Vous annoncez un nouveau calendrier et une réforme du mode d'élection. Y aura-t-il concertation, parce que ces annonces semblent préfigurer des décisions ? Y aura-t-il des transferts de compétences ? Quid des recettes fiscales des collectivités territoriales ?

Il est facile de surfer sur la vague de l'opinion publique en prônant le non-cumul des mandats.

M. Charles Revet.  - Eh oui !

M. Jacques Mézard.  - Mais comment le Sénat représentant des collectivités locales, grand conseil des communes de France, pourrait-il être composé uniquement d'élus hors sol, de purs produits des partis ? (« Bravo » et applaudissements à droite ; M. Gilbert Barbier applaudit aussi) Les radicaux ne vous suivront pas sur ce terrain. (Même mouvement) Il y a d'autres pistes : limitation des mandats, lutte contre l'absentéisme qui ronge le travail parlementaire. (Même mouvement)

Avec 750 000 emplois détruits, un déficit commercial abyssal, le redressement économique est une urgence. Mais il n'y aura pas de redressement économique sans croissance. Pour produire, il faut de l'énergie, dépendre le moins possible des importations. L'indépendance énergétique est indispensable, par les technologies d'avenir, y compris à travers le nucléaire, auquel notre groupe reste très attaché. (Même mouvement) Les apôtres de la décroissance sont des réactionnaires, alors que la population mondiale explose. Ne cédons pas à leurs sirènes !

Les PME doivent bénéficier d'une fiscalité avantageuse. Vous devez assainir les finances publiques. Nous savons la situation du commerce extérieur. L'audit de la Cour des comptes est une photographie instructive. Mais la rigueur n'est pas l'austérité. Le langage de la vérité oblige à annoncer de nouveaux impôts, vous l'avez fait d'ailleurs.

C'est un devoir de justice. Les boucliers pour les « surarmés », les rémunérations indécentes, l'arrogance des affairismes et des corporatismes, comme on l'a vu sur la TVA, ne sont plus acceptables.

Comment imaginer que cette politique alliant croissance et gestion saine pourrait réussir sans s'inscrire dans la relance de la construction européenne ? Comment maîtriser la finance sans consensus européen ? A l'heure où de grands empires se forment, où se reconstituent, seule l'Europe est l'échelle pertinente -jusqu'à Ankara. Le récent sommet européen est à saluer : la croissance est à nouveau au coeur du projet européen. Pourvu que cela dure, que cette dynamique, impulsée par la France, l'emporte sur les vieux schémas technocratiques.

La République est laïque : aucune concession à ce principe ne peut être acceptée.

Nous avons combattu les lois sécuritaires : moins il y a des lois, plus elles sont appliquées. Le laxisme n'est pas une solution ; pas davantage la politique du chiffre.

Nous partageons votre volonté de faire de l'école la priorité du quinquennat. Lire, écrire, compter, apprendre le respect de l'autre : c'est le socle, pour tous les enfants, quelle que soit leur origine.

Nous connaissons la difficulté de votre mission. Walpole, le fondateur de la démocratie anglaise, disait : « peu d'hommes doivent devenir Premier ministre car il ne convient pas qu'un trop grand nombre sachent combien les hommes sont méchants ». Je ne doute pas que vous nous laisserez la France dans un meilleur état que celui où vous l'avez trouvée. Nous comptons sur vous pour bâtir, avec nous, une République plus juste et plus belle ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Gaudin .  - (Applaudissements nourris sur les bancs UMP) Nos concitoyens ont choisi un nouveau président de la République, une nouvelle majorité. À chacun son rôle : vous avez toutes les clés : l'Élysée, le Gouvernement, l'Assemblée nationale, le Sénat !

M. Jean-Louis Carrère.  - Sauf Marseille !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Vous n'avez certes pas la majorité des trois cinquièmes, mais vous avez le référendum : espérons que vous vous en servirez ! (Rires à droite)

Après avoir entendu votre déclaration de politique générale, d'hier, le doute demeure. L'importance de vos pouvoirs, votre victoire complète vous obligent... complètement ! Les Français veulent le redressement, la sécurité, l'espoir : ces attentes sont renforcées par vos promesses, vos rodomontades quand vous critiquiez le précédent gouvernement ! Mais il faut tourner la page, mettre un terme au concours d'inélégance vis-à-vis du précédent président de la République ! (Applaudissements à droite) Que le président de la République, qui n'a trouvé d'autre qualité à son prédécesseur que le fait de quitter le pouvoir, en montre d'autres que celle d'y être arrivé !

L'UMP n'a rien foutu, a dit le ministre de l'économie en récitant les annonces du programme socialiste.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est du mauvais Pagnol !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Vous n'échappez pas à la reprise des soixante propositions du programme socialiste -c'est mieux que les 110 propositions de 1981. Pierre Mauroy nous avait à l'époque annoncé qu'il allait changer la vie. Allez-vous nous annoncer, d'ici deux ans, le tournant de la rigueur ? Avec le recul du temps j'ai de l'estime pour Pierre Mauroy avec lequel vous partagez des qualités : s'il n'avait agi de manière responsable en 1983, avec Jacques Delors, la France serait sortie du système monétaire européen, nous n'aurions pas fait le marché unique ni l'euro.

M. David Assouline.  - C'est du passé !

M. Jean-Claude Gaudin.  - J'espère que vous ne serez pas le Premier ministre qui sortira la France de l'euro !

Les réalités sont celles d'une crise terrible. Une course de vitesse est engagée contre le déclin et ses stigmates. Moins que jamais, la situation de la France ne peut se décider à l'intérieur de nos frontières. L'agenda du président de la République ces dernières semaines, courant de sommet en sommet, le montre.

La crise ? Vous avez fait l'impasse dessus pendant la campagne. (Applaudissements à droite) Vous connaissiez pourtant la situation, assez d'experts vous en avaient informé !

Pour Marius et Fanny, « tout le monde était au courant, mais M. Brun, lui, ne le savait pas » écrivait Pagnol. Mais vous n'êtes pas, comme M. Brun, lyonnais, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements et rires à droite)

Ne dites pas que la situation est pire que prévu. L'audit d'hier de la Cour des comptes confirme que les objectifs budgétaires de 2011 ont été atteints, et qu'il faudra un freinage sans précédent des dépenses publiques ! (Applaudissements à droite) C'est la Cour des comptes qui le dit !

Cette réalité, vous la connaissez. Mais vous avez préféré proposer des dépenses nouvelles. Que n'avez-vous voté la règle d'or : elle vous serait bien utile aujourd'hui pour résister à vos alliés politiques et syndicaux !

Vous n'avez pas attendu un nouvel audit pour remettre en cause par décret la courageuse réforme des retraites, votée par le Parlement : c'est une erreur, une faute.

M. Yves Daudigny.  - C'est la justice !

M. Jean-Claude Gaudin.  - N'insultez pas l'intelligence en disant que les plans sociaux de la rentrée sont le fait du précédent gouvernement ! (« Si ! » à gauche) Tout dépend désormais de vous.

L'accord obtenu lors du Conseil européen est l'aboutissement d'un long chemin, entamé bien avant vous ! « Le vent de la croissance commence à souffler sur les steppes de l'austérité » a dit l'un des amis de M. Hollande au lendemain du 6 mai. (Rires à droite) Il faudra d'autres talents au ministre du redressement productif pour réussir. Il faudra faire autre chose que stigmatiser le gouvernement britannique qui se dit prêt à dérouler le tapis rouge aux investisseurs français !

Monsieur le Premier ministre, vous êtes au pied du mur. Votre victoire vous oblige. La crise vous contraint, mais votre programme vous condamne. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Jean-Claude Gaudin.  - Sans réforme structurelle, il vous condamne à un revirement brutal et douloureux : ce sont les Français qui paieront, plus encore qu'en 1983. Pas seulement les riches et les classes moyennes : tous les Français. Votre programme, c'est votre boulet. Votre seule solution : ne pas l'appliquer. Ce que vous serez obligés de faire dans quelques mois !

D'ailleurs, confrontés au principe de réalité, vous avez changé d'avis : le doublement du plafond du Livret A et la fiscalité sur les carburants abandonnés ; en revanche, réduction du nombre des fonctionnaires, et... des économies escomptées dans vos lettres de cadrage. Mais nous ne vous le reprocherons pas !

Il faut choisir entre redressement et relâchement. Il y a trop de flou dans vos annonces. Et quand il y a du flou, il y a un loup, nous a rappelé Mme Aubry ! (Applaudissements et rires à droite)

Vous savez que l'appel de Mme Merkel à éviter les solutions de facilité et de médiocrité est le seul qui vaille.

L'attitude du Gouvernement à l'égard de l'Allemagne est difficilement acceptable. (Exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - Et le patriotisme ?

M. Jean-Claude Gaudin.  - Le couple franco-allemand doit rester fort, comme il l'a été depuis le général de Gaulle et Konrad Adenauer.

Le choc fiscal que vous annoncez affaiblira le secteur productif, détruira des centaines de milliers d'emplois... (Exclamations bruyantes à gauche)

Abandonnez les marqueurs idéologiques, à commencer par la stupide taxation à 75 %. (Exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - Les pauvres !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Avec cette annonce vous avez réussi à réduire le score du Front de gauche ! N'en faites pas davantage. Assez d'idéologie ! Le droit de vote aux étrangers ? (Exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Et Zidane ?

M. Jean-Claude Gaudin.  - L'enjeu de l'emploi dépasse l'annonce de 150 000 emplois d'avenir. On ne refera pas deux fois aux collectivités locales le coup des emplois jeunes de M. Jospin. L'enjeu de l'éducation dépasse l'annonce aussitôt démentie du retour à la semaine de cinq jours.

L'enjeu de la sécurité et de la justice est à l'opposé des mesures annoncées qui traduisent une vision naïve de la délinquance et le retour du laxisme comme la suppression des tribunaux correctionnels pour ces mineurs manieurs de kalachnikov. (Vives exclamations à gauche) et je n'oublie pas le récépissé de contrôle d'identité, digne de « Pif gadget » !

La cohésion sociale ? Elle sera desservie par votre projet de vote des étrangers.

Vous n'allez que nourrir le populisme et le nationalisme. (Applaudissements à droite ; vives exclamations à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Ils sont où, les populaires ?

M. Jean-Claude Gaudin.  - Le président normal ! Commençons par une fiscalité normale. C'est comme ça que nous aurons une croissance normale, une Europe normale ! (Rires à droite)

Rien ne vous sera facile. Il vous faudra convaincre vos amis du Front de gauche et vos amis écologistes. Au passage, nous regrettons l'absence de vote au Sénat. Ça se serait joué peut - être à six voix... Ça commence mal : les sénateurs de l'UMP ne vous voteront pas la confiance, bien entendu ! (Les sénateurs de l'UMP se lèvent et applaudissent longuement en félicitant l'orateur)

M. Jean-Vincent Placé .  - J'apprécie la faconde et l'humour du président Gaudin, mais je suis très fier et heureux que nous ayons enfin tourné la page de ce quinquennat de brutalité et de discrimination à l'égard des pauvres, des étrangers, des musulmans... (Exclamations à droite). Un quinquennat qui s'est conclu ouvertement à l'extrême-droite. (Plusieurs sénateurs UMP quittent l'hémicycle) Nous nous sommes libérés de cette violence insoutenable parce que nous écologistes et socialistes, nous sommes alliés avec responsabilité pour les législatives et la présidentielle, comme nous avions fait basculer à gauche la majorité d'un Sénat promis à un conservatisme éternel.

Pour nous écologistes, il est primordial de donner une vision lucide de l'avenir.

Mme Fabienne Keller.  - Nous, nous voulons un vote !

M. Jean-Vincent Placé.  - François Hollande n'a pas cherché à dissimuler les difficultés, les efforts qu'il faudra entreprendre : augmentation des recettes fiscales et stabilisation des dépenses. Nous voulons réhabiliter l'assiette de l'impôt, grevée de niches, rétablir l'équilibre entre revenus du travail et du capital.

Nos concitoyens sont prêts à des efforts, mais ceux - ci ne doivent pas être vains. « Rien ne sera possible sans la croissance », dites-vous. Nous vivons la raréfaction des ressources et l'augmentation des prix. Les chiffres de la croissance le montrent clairement : 5,7 % dans les années 1960, 3,7 % dans les années 1970, 2,4 % dans les années 1980, 2 % dans les années 1990 et 1,1 % dans les années 2000. Et encore ! Une part de cette croissance moribonde était alimentée par la dette.

Le temps est venu de passer à la transition écologique. Le prix des matières premières s'envolent, le productivisme, le cycle de consommation s'emballent jusqu'à l'absurde, déréglant le climat. On ne peut fonder un modèle économique et social sur le seul -hypothétique- retour de la croissance.

M. Alain Gournac.  - Apôtre de la décroissance !

M. Jean-Vincent Placé.  - L'aide au secteur automobile ? 60 % du parc français marche au diesel, que l'on sait cancérogène ! C'est l'OMS qui le dit ! Le besoin de pétrole ? Il suppose des forages comme en Guyane, au détriment de la biodiversité. À Vénissieux, un site automobile s'est reconverti avec succès dans la fabrication de panneaux photovoltaïques. Les choix économiques, sociaux et écologiques sont liés. C'est pourquoi nous souhaitons que les associations environnementales soient associées au sommet social de juillet.

Nous avons sur certains sujets des visions différentes.

M. Jean-Claude Gaudin.  - Cela ne nous a pas échappé !

M. Jean-Vincent Placé.  - Le surgénérateur, l'aéroport de Notre-Dame des Landes, par exemple. (Exclamations à droite)

Le précédent gouvernement n'avait que mépris pour l'environnement, « qui commence à bien faire ». Vous, vous parlez transition énergétique, économie verte. Nous croyons à un dialogue constructif au sein de notre majorité et du Gouvernement. Mme Bricq avait notre confiance. (Exclamations à droite) Nul doute qu'il en ira de même avec Mme Batho.

Sur le rôle du Parlement, le non-cumul, nous vous suivons.

Un nouvel acte de décentralisation sera l'occasion de rapprocher les Français des institutions. Alors que l'idéologie d'extrême-droite progresse, il faut faire des choix. Notre responsabilité d'écologistes est de peser sur les décisions politiques. Nous sommes convaincus que notre place est au gouvernement, avec Mme Duflot et M. Canfin, ...et au Parlement avec un groupe autonome, libre de sa parole et de ses votes, dans chaque assemblée. C'est le défi que nous devons relever. Cela se fera, bien sûr, avec vigilance et exigence. Mais s'il fallait résumer le sentiment des sénatrices et des sénateurs Verts, je n'utiliserais qu'un mot, un des plus beaux mots de la langue française, celui de confiance ! (Applaudissements sur les bancs Verts et sur quelques bancs socialistes)

M. Philippe Adnot .  - M. Placé a réussi à vider l'hémicycle par son intervention, j'en suis désolé...

M. Jean-Vincent Placé.  - Qu'ils reviennent !

M. Philippe Adnot.  - Les élections sont terminées, vous les avez gagnées ; bravo !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Merci.

M. Philippe Adnot.  - Je vous souhaite de réussir car les Français ne supporteraient pas un nouvel échec. Le temps de l'inventaire viendra, y compris à droite où nous ne pourrons pas toujours nous abriter derrière l'excuse de la crise. Pas de rebond sans un examen lucide des erreurs commises par trop de prudence ou des réformes inutiles. À gauche, le bilan viendra rapidement et il ne sera pas toujours possible de se retourner contre ses prédécesseurs.

La vérité est que, à droite comme à gauche, personne n'a vu que la France vivait au-dessus de ses moyens. Le coût de fonctionnement de la société française tue la compétitivité de nos entreprises. Notre modèle social, dont nous sommes fiers, n'est équilibré que par des emprunts supplémentaires. Nous ne sommes pas assez attentifs à la qualité de la dépense publique ; nous nous attachons à des critères de déficit qui ne veulent rien dire. Être endetté si l'on a construit sa maison, ce n'est pas grave ; être endetté pour couvrir des déficits de fonctionnement, c'est grave.

L'industrie automobile avait demandé la suppression de la taxe professionnelle faute de quoi elle serait contrainte de délocaliser. La taxe professionnelle a été supprimée, ce qui génère 5 milliards d'emprunts supplémentaires. Que dit aujourd'hui l'industrie automobile ?

Monsieur le Premier ministre, nous regarderons vos propositions sans a priori. Nous voterons en toute liberté d'esprit les mesures qui iront dans le bon sens ; nous combattrons les autres. Gare à l'excès de normes environnementales, qui peut freiner la croissance et aggraver la situation.

Les collectivités territoriales sont prêtes à faires des efforts mais ne leur imposez pas chaque jour de nouvelles obligations.

Gare aussi aux contradictions. Ce matin, M. Migaud nous explique qu'un des leviers possibles pour réduire la dépense publique serait de ne pas relever le point d'indice des fonctionnaires. Et voici que vous signez un décret le relevant -pour un coût de 600 millions.

Des parlementaires complaisants ? Cela ne vous servirait à rien : nous entendons jouer tout notre rôle. En attendant, je vous souhaite bon courage ! (Applaudissements sur certains bancs à droite)

M. François Zocchetto .  - « Le changement, c'est maintenant ! » En effet, la nouvelle majorité affiche désormais sa désunion. Surtout, vous avez refusé de solliciter un vote du Sénat -pour la première fois depuis 1958, s'agissant d'un gouvernement qui y dispose de la majorité. Nous mesurons le courage de M. Rocard qui avait demandé un tel vote à un Sénat de droite. Monsieur le Premier ministre, vous pouvez encore, dans le cadre de l'article 50-1 de la Constitution, demander un vote.

Votre plus grande opposition viendra de la réalité des choses. Première victime expiatoire de la confrontation avec la réalité, notre estimée collègue Mme Bricq, coupable de lèse-concessions pétrolières.

Deuxième victime, les Français les plus pauvres : un simple coup de pouce au Smic et loin du grand soir attendu, une modification à la marge de la réforme des retraites, en catimini, par décret.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Comme ça, pas d'étude d'impact !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Ce décret, nous l'attaquerons !

M. François Zocchetto.  - Vous n'aurez pas les moyens de votre politique. Plus de 75 milliards de déficit commercial, un chômage frôlant les 10 %, une dette publique de près de 90 % du PIB, un État qui vit à crédit à partir du mois d'août, tout cela, vous ne le découvrez pas.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La faute à qui ?

M. Jean-Pierre Godefroy.  - C'est le bilan du sarkozysme !

M. François Zocchetto.  - Vous êtes pour la croissance, contre les délocalisations ? Nous aussi ! Vous êtes pour la décentralisation, contre la pauvreté ? Nous aussi ! (On fait écho à droite) Vous êtes contre les dictatures, pour la démocratie ? Nous aussi !

Une déclaration de principes ne fait pas une déclaration de politique générale. Vous êtes coincés entre la réalité des choses et l'épouvantail de la rigueur, si bien que vous risquez d'en rester au statu quo, celui-là même que vous prétendez combattre.

Les résultats du Conseil européen du 28 et du 29 juin nous satisfont : oui, le fédéralisme européen sera la solution. Cela dit, vous avez refusé de signer la règle d'or, quand le redressement des comptes publics est un impératif pour le retour à la croissance. « Mettre en scène la concertation et ne pas trancher » : c'est ainsi qu'un grand journal du soir qualifie votre méthode. Il faudra bien trancher.

Ce programme de la session extraordinaire a étonné bien des sénateurs. Vous détricotez ce qu'a fait le gouvernement précédent, vous chargez les PME et les travailleurs...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les travailleurs ! Curieux, ce mot dans sa bouche !

M. François Zocchetto.  - Que voulez-vous concrètement pour la prochaine échéance publique de 2014 ? Que voulez-vous quand vous parlez de nouvelle étape dans la décentralisation ? Nous avons besoin de le savoir. Les finances locales, au moment où des pans entiers de notre territoire risquent l'effondrement économique, ne supporteront pas un nouveau coup.

Le Sénat a été le laboratoire du changement ; nous craignons que la France ne soit désormais le théâtre de vos renoncements. Si vous aviez osé demander au Sénat sa confiance par un vote, nous ne vous aurions pas donné le nôtre ! (Applaudissements nourris au centre et à droite)

M. François Rebsamen .  - Monsieur le Premier ministre, c'est un honneur de vous accueillir au Sénat après le vote de confiance que vous a donné très largement la nouvelle Assemblée nationale. C'est un signe de confiance que vous donnez ainsi au Sénat. (Applaudissements à gauche)

C'est une marque de la méthode du nouveau gouvernement. M. Gaudin a masqué, avec humour et habileté, le désastreux bilan de cinq ans de sarkozysme. Il faudra vous y faire : nous avons gagné le 6 mai.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - On s'y fait !

M. François Rebsamen.  - Ce sera la fin de l'argent roi, de la finance insolente et inconséquente.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Mais oui ! Tout cela va changer !

M. François Rebsamen.  - Ce sera la fin de la France aux deux visages, ce sera la fin des injustices.

Elles sont aussi les nôtres, les valeurs qui guident vos choix politiques comme elles avaient guidé les engagements du président de la République : justice, exemplarité de l'État, respect des institutions, des corps intermédiaires, des citoyens quelles que soient leurs origines, leurs religions, leurs opinions.

Ceux-là mêmes qui agitent le chiffon rouge de la « rigueur » ont soutenu une politique irresponsable d'aggravation des déficits : 600 milliards d'euros en cinq ans. Ni « tournant de la rigueur », ni « tour de vis fiscal », la mise en oeuvre des engagements de François Hollande, sur la base d'une évaluation de la croissance plus réaliste que les hypothèses sur lesquelles était construit le dernier budget. Une gestion stricte et exigeante est une impérieuse obligation qui résulte du bilan de cinq ans de sarkozysme amplifié par la crise. Oui, il faut savoir dire aux Français « l'âpre vérité », selon le mot de Danton.

Un déficit global qui devrait atteindre 4,5 % en 2012, 3 millions de chômeurs, 750 000 emplois détruits, 2 milliards de dépenses non financées : voilà l'héritage que la droite nous laisse. Montesquieu avait raison...

M. Jean-Claude Gaudin.  - C'était un libéral !

M. François Rebsamen.  - « Le plus grand mal que fait un gouvernement n'est pas de ruiner son peuple, il y en a un autre mille fois plus dangereux : c'est le mauvais exemple qu'il donne ». Le gouvernement précédent, en cinq ans, aura fait les deux. Durant toute la campagne, François Hollande a tenu un langage de vérité, de sincérité, de transparence (Exclamations ironiques à droite) Eh oui, cela change !

Un matraquage fiscal ? Non, c'est du rattrapage fiscal que de supprimer le bouclier fiscal, rétablir le barème supérieur de l'ISF, créer une tranche de 45 % dans l'impôt sur le revenu pour les revenus supérieurs à 150 000 euros, imposer les revenus du capital au même niveau que les revenus du travail, taxer les banques, les compagnies pétrolières, les dividendes des entreprises de plus de 20 salariés. Avec l'augmentation du forfait social et la suppression d'une partie des exonérations des heures supplémentaires, ces mesures représentent près de 8 milliards d'euros.

Ces efforts ne sont acceptables qu'étayés par l'ambition de redresser le pays pour redonner l'espoir, l'envie d'apprendre et de créer. Cette ambition elle est au coeur du programme que vous nous avez présenté, monsieur le Premier ministre, avec le redressement productif, le redressement éducatif et les indispensables réformes structurelles.

Et d'abord s'attaquer au chômage, et, pour cela, redonner à Pôle emploi, privé de 1 800 postes sous le quinquennat précédent, les moyens d'agir, avec l'embauche de 2 000 CDI et le redéploiement de 2 000 postes. Ensuite, agir avec les régions, qui ont la compétence de la formation, au lieu d'agir contre elles, et agir avec les agglomérations, qui connaissent mieux que quiconque, les besoins de leurs bassins d'emploi. Et puis, maintenir les contrats aidés, créer 150 000 emplois d'avenir, premier pas vers l'insertion professionnelle, agir pour les jeunes et les seniors avec la mise en place du contrat de génération. (Applaudissements à gauche)

Ensuite, il faudra accompagner notre formidable potentiel de PME en lui donnant les moyens d'accéder au crédit. De là, la création de la banque d'investissement.

L'éducation a été la grande oubliée du quinquennat précédent. Pour nous, ce sera la priorité des priorités. Nous créons 60 000 postes dans l'éducation nationale, 1 000 dès la rentrée prochaine. Hier des sénateurs de droite ont ironisé quand cette annonce était faite. Pourtant, ils en bénéficieront dans leurs départements ! Faut-il que je rappelle le traitement réservé à la proposition de loi Cartron sur l'école dès 3 ans ? Le gouvernement Fillon a refusé que l'on en discute même !

Les élus locaux ont été les grands mal aimés du dernier quinquennat. Ils étaient oubliés, méprisés. C'est une des causes de la défaite de la droite lors des dernières élections sénatoriales. Le président Bel a renoué le dialogue avec les élus. La création d'un Haut conseil aux territoires, auquel sera associé étroitement le Sénat, est un enjeu d'importance : on agit mieux dans la proximité, et plus vite. Vous le savez pour avoir dirigé avec brio la grande et belle ville de Nantes et assuré sa modernisation. Pour les Français, les élus locaux sont souvent les meilleurs remparts contre les aléas de la vie, voire les seuls.

La majorité sénatoriale a déjà supprimé le conseiller territorial. L'heure est venue d'ouvrir un grand chantier, celui de la mutation de la vie politique locale : statut des élus, cumul des mandats, etc. Les travaux de M. Krattinger et de M. Sueur constituent une base solide pour rebâtir un pacte de confiance avec les élus locaux.

Le logement est une préoccupation majeure des Français. Comme toujours, le précédent gouvernement avait agi hâtivement, et mal, avec la hausse de 30 % des droits à bâtir. Le groupe socialiste du Sénat a déposé une proposition de loi pour l'abroger. Le Gouvernement, lui, proposera un projet de loi pour mettre à disposition des collectivités territoriales des terrains vacants appartenant à l'État. Bel exemple de coopération entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'attends de voir...

M. François Rebsamen.  - La belle loi SRU ? La droite n'en voulait pas car elle était portée par un ministre communiste. Eh bien, ce Gouvernement multipliera par cinq les sanctions contre les collectivités qui s'y dérobent. (Vifs applaudissements à gauche)

Les Français sont prêts à accepter des évolutions de notre société comme le mariage homosexuel ou l'accompagnement des fins de vie. Ce Gouvernement va bien sûr instaurer l'égalité entre hommes et femmes, réprimer le harcèlement sexuel. (M. Gournac le conteste)

Le droit de vote des étrangers ? La droite est contre, sauf quand c'est M. Sarkozy qui le propose... Que de revirements ! Pourquoi refuser l'intégration de populations qui paient des impôts et contribuent à la richesse de notre pays ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Les Français sont contre !

M. Jean-Claude Gaudin.  - Organisez donc un référendum.

M. François Rebsamen.  - Cette question a été utilisée comme un épouvantail.

M. Jean-Claude Gaudin.  - Cela fait bien votre affaire !

M. François Rebsamen.  - Nous instaurerons donc une citoyenneté de résidence.

Mme Esther Benbassa.  - Bravo !

M. François Rebsamen. La sécurité est une priorité car les plus démunis sont les premières victimes de l'insécurité. Je ne doute pas que ce Gouvernement mènera une politique de sécurité juste et efficace.

Il lui appartiendra aussi de répondre aux attentes du monde culturel. Les Nantais savent combien y est sensible celui qui fut leur maire et à qui ils doivent la « Folle journée » et le « voyage à Nantes ». Il saura apaiser notre démocratie en plafonnant les hauts salaires, rasséréner les magistrats, tant stigmatisés ces dernières années. Dialogue social, reconnaissance du rôle des corps intermédiaires, cette politique tourne résolument le dos au quinquennat précédent. Sans oublier l'Europe. Le pacte de croissance a été signé : 1 % du RIB européen sera désormais consacré à l'investissement...

M. Henri de Raincourt.  - Et la règle d'or ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est le flou !

M. François Rebsamen.  - Nous ne la mettons pas. Le pacte de croissance, avec une intégration politique et financière plus forte, est une victoire des démocrates européens sur les conservatismes. (Exclamations à droite) Nul doute, monsieur le Premier ministre, que votre germanophilie resserrera le couple franco-allemand.

Les Français sont lucides, ils sont inquiets...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ils peuvent !

M. François Rebsamen.  - Monsieur le Premier ministre, votre politique est claire, les Français peuvent être rassurés. (Exclamations à droite) Vous pouvez compter sur le soutien plein et entier des sénateurs socialistes ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - J'ai écouté avec beaucoup d'attention les sept orateurs des groupes politiques de votre assemblée. Je respecte la diversité des opinions, celle de l'opposition et, à l'intérieur de la majorité, les nuances exprimées, et je veux le dialogue.

Merci à M. Rebsamen pour la chaleur de son soutien. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Il a bien expliqué les premières mesures prises par le Gouvernement.

Mme Borvo a parlé franchement. Elle souhaite la réussite du gouvernement, auquel son parti n'a pas souhaité participer. Je vous l'avais proposé mais vous souhaitiez un infléchissement par rapport aux engagements sur lesquels a été élu le président de la République. Ç'aurait été revenir sur la parole donnée aux Français. Non, il n'y a pas de renoncements. Nous savions la difficile situation de la France, nous en avons tenu compte pour bâtir les 60 propositions. Je le dis à M. Gaudin et à M. Zocchetto ainsi qu'à M. Adnot, qui a été plus mesuré : notre programme reposait sur une hypothèse de croissance de 0,5 %, quand le gouvernement précédent tablait sur 0,7 %. Nous avons fait des choix lucides et rigoureux -le mot « rigueur » ne me fait pas peur- face à la situation. Nous avons limité les dépenses nouvelles pour 2012. Dans le budget, en fait de dépenses nouvelles, il n'y en a qu'une : des postes d'enseignants pour la rentrée.

M. Didier Guillaume.  - Ça, c'est sérieux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Pour le reste, Pôle emploi, l'allocation de rentrée scolaire, la retraite à 60 ans, tout est financé, les comptes publics ne sont pas dégradés. Il y a des recettes nouvelles, mais la différence, c'est que vous aviez prévu d'augmenter la TVA, 11 milliards pris dans la poche des classes moyennes et populaires. Nous, nous n'en voulons pas ! (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Le stop and go, ça va !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Nous sommes majoritaires dans les régions, les départements, les grandes villes, dites - vous. Nous n'allons pas nous excuser d'avoir reçu la confiance des Français ! (Applaudissements à gauche) En revanche, cette confiance nous oblige. Nous aurons des comptes à rendre devant nos concitoyens.

Nous devons agir pour redresser la France dans la justice. Pour cela nous faisons des choix courageux. Les prélèvements sur les ménages ? Oui, mais les plus fortunés. L'ISF, 1 % des contribuables, voilà la justice ! Les heures supplémentaires ? Les cotisations patronales ? Les entreprises de moins de vingt salariés sont préservées. Et pour l'impôt sur les sociétés, dans la grande réforme fiscale de 2013, nous ne mettrons pas les PME au même niveau que les entreprises du CAC 40 ! Voilà qui est cohérent et juste ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et Verts)

La relation franco-allemande ? Nous y sommes profondément attachés. À preuve le premier déplacement de François Hollande, le jour même de la passation de pouvoirs, a été Berlin -non pas un voyage à Canossa. Si nous voulons sortir de l'ornière, nous devons avoir avec notre partenaire allemand une relation de franchise, rééquilibrée. (M. Jean-Louis Carrère : « Très bien ! »)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Lisez les journaux allemands !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Nous avons discuté avec nos partenaires européens, sinon comment aurions-nous obtenu des résultats lors du dernier Conseil européen ? Nous avons aussi parlé croissance au sein du G8 et du G20. Tous les pays regardaient l'Europe, les lignes ont bougé parce que le peuple français a décidé que les choses devaient changer. Et elles vont continuer à changer. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La mise en péril de l'euro, monsieur Gaudin ? Votre discours s'adressait sans doute à un autre mouvement politique, celui auquel votre formation a fait tant de clins d'oeil ! (Protestations à droite)

M. Jean-Claude Gaudin.  - C'est scandaleux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Vous réclamez la règle d'or à cor et à cri, mais vous ne l'avez pas appliquée. Nous n'en avons pas besoin.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Redresser les comptes publics en 2017, voilà notre engagement. Il vaut toutes les règles d'or !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Le niveau de notre dette est-il tenable ? Bien sûr que non. Nous ferons un effort sur les dépenses, tout en soutenant les priorités du quinquennat -à effectifs constants dans la fonction publique ! C'est inédit ! (Applaudissements à gauche)

Oui à la transition énergétique, monsieur Placé ; j'espère qu'une partie des 120 milliards y sera consacrée. Nous ne voulons pas l'austérité, qui est l'appauvrissement des classes populaires et moyennes, la baisse des salaires et des pensions, l'affaiblissement des services publics, le délitement de la cohésion nationale. Voyez ce qui se passe en Grèce ! (Applaudissements à gauche)

La réforme des collectivités territoriales ? J'ai dit que je voulais associer le Sénat.

M. Zocchetto s'indigne qu'il n'y ait pas de vote aujourd'hui. Mais il n'y a pas de règle en la matière. M. Fillon avait demandé la confiance à l'Assemblée nationale après une déclaration de politique étrangère, pas au Sénat de droite...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Il n'y avait pas eu alors plus qu'aujourd'hui marque de mépris à l'égard du Sénat.

Le vote de confiance de l'Assemblée nationale, comme les encouragements de la majorité sénatoriale, sont pour moi le levier du courage, de la confiance et de la réussite pour notre pays ! (Mmes et MM. les sénateurs de gauche se lèvent et applaudissent longuement)

Commission d'enquête (Nomination)

M. le président.  - Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.

La présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame M. Jean-Pierre Caffet membre de la commission d'enquête, à la place laissée vacante par Mme Nicole Bricq, dont le mandat de sénateur a cessé.

Engagement de la procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Principauté de Monaco relatif à la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques ; et du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire. Ils ont été déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale.

Prochaine séance demain, jeudi 5 juillet 2012, à 15 heures.

La séance est levée à 18 h 10.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 5 juillet 2012

À 15 HEURES

- Débat sur les résultats du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012.