Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011.

Discussion générale

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances .  - Avec le remarquable rapport de la Cour des comptes, le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault a pris acte de la situation dont il hérite.

La loi de règlement dresse malheureusement un tableau plutôt sombre de la situation économique et budgétaire. Je m'en tiendrai aux faits ; l'arrêté des comptes est un constat, un point de départ à partir duquel proposer les inflexions -ce sera le cas dans le collectif et le budget 2013.

Nous héritons d'un stock de dettes considérable : plus de 1 700 milliards d'euros, soit 86 % du PIB -si elle venait à atteindre 90 %, la croissance serait durablement minée. Il faut y remédier. En un quinquennat, elle a crû de plus de 600 millions. Impôt décalé dans le temps, elle fait peser des risques sur les générations futures comme sur nos marges de manoeuvre : 50 milliards d'euros sont déjà consacrés à son service, autant de moins à consacrer aux politiques publiques, à la croissance et au financement de notre modèle social.

Le déficit public s'élève encore à plus de 90 milliards d'euros en 2011 et sans action correctrice, il serait de 5,2 % en 2012. Il a certes été réduit de 1,9 point l'an dernier, mais en raison d'effets spécifiques qui ne se répéteront pas. Il est deux fois supérieur à celui qui permettrait de stabiliser la dette. Cette réduction de 1,9 point est comparable à celle enregistrée dans les pays européens, mais notre déficit reste cinq fois supérieur à celui de l'Allemagne, alors que nous traversons la même crise et que nous avons la même monnaie. C'est dire que la crise n'explique pas tout. Les déficits structurels se sont creusés, surtout en 2008 et 2009. En un mot, l'ancienne majorité a apporté sa touche personnelle à l'évolution de nos comptes... Ramener le déficit à un niveau soutenable est une nécessité.

Nous trouvons une situation plus dégradée qu'annoncée. Au vu de la situation de 2011, il aurait fallu, pour respecter nos engagements européens, procéder à des ajustements dès le premier semestre. Comme le relève la Cour des comptes, les recettes ont été surévaluées de 7,1 milliards d'euros et le risque sur les dépenses est proche de 2 milliards. Je souhaite qu'à l'avenir les prévisions soient plus sérieuses et mieux documentées.

La loi de règlement est naturellement l'occasion d'un débat sur les responsabilités de chacun, mais je préfère me concentrer sur le rythme et les moyens du redressement de nos finances publiques. Le rythme doit être soutenu. Le collectif fera passer le déficit à 4,5 %, l'objectif restant de 3 % en 2013. La loi de programmation des finances publiques prévoira un effort continu pour parvenir à l'équilibre en 2017.

Nous voulons redresser les comptes et le pays dans la justice, mettre à contribution ceux qui ont davantage de moyens, ceux qui ont été favorisés ces dernières années. Le Gouvernement travaillera à restaurer la crédibilité budgétaire de la France, grâce à une politique non pas d'austérité ou de renoncement -qui affaisserait l'État et briderait la consommation-, non plus que de rigueur -car tout ce que nous ferons, nous l'avons annoncé devant les Français- mais une politique juste et sérieuse : le sérieux de gauche ! (Applaudissements à gauche ; M. Philippe Dallier ironise)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances .  - Le premier exercice auquel nous devons nous livrer est formel : il s'agit d'adopter la loi de règlement de 2011, sans laquelle le Gouvernement ne pourrait présenter son budget pour 2013. Je vous invite en conséquence à l'adopter. Mais un vote positif ne vaudra pas approbation de la politique budgétaire menée en 2011. Je dirai un mot de la gestion du précédent Gouvernement avant d'en venir aux orientations futures.

L'exécution du budget doit être replacée dans le cadre plus large des finances publiques, car ce qui compte pour Bruxelles comme pour les observateurs extérieurs, c'est la situation globale des administrations publiques. Le déficit s'est établi à 5,2 % contre une prévision de 5,7 %, la moitié de l'amélioration étant le fait des administrations sociales. Cette bonne performance s'explique toutefois pour 0,8 point de PIB par des phénomènes exceptionnels : arrêt du plan de relance, modalités de prise en compte des investissements militaires en comptabilité nationale et moindres décaissements au titre des investissements d'avenir.

La relative bonne tenue de la croissance en 2011 a largement été due à la variation des stocks au premier trimestre ; la croissance a été quasi nulle les trois suivants ... La gravité de la crise économique ne doit pas être sous-estimée.

Comment a été exécuté le plan de stabilité ? Nous disposons d'éléments imprécis : il ne nous est pas possible de savoir d'où viennent les dérapages et les bonnes surprises. Monsieur le ministre, nous sommes à votre disposition pour approfondir ce point.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très important !

M. François Marc, rapporteur général.  - La crise et les réponses apportées ont gravement désorganisé les finances publiques. S'agissant des dépenses, les apparences et la réalité diffèrent si l'on neutralise les effets du Grand emprunt. Les recettes augmentent en apparence de 29 milliards d'euros, mais elles sont stables une fois démontée la tuyauterie de la réforme de la taxe professionnelle. Le déficit s'est spectaculairement amélioré en 2011 de 60 milliards, mais de 14 seulement au regard des éléments que je viens de citer... Nous n'avons pas beaucoup progressé en lisibilité depuis dix ans de Lolf !

Le discours anti-impôt de l'ancien président de la République a masqué une forte augmentation des prélèvements obligatoires en 2011. Même contraste du côté des dépenses. Le Gouvernement précédent disait vouloir les maîtriser, voire les réduire. Selon le programme du candidat Sarkozy, le retour à l'équilibre reposait à 80 % sur les dépenses. Mais en 2011 l'ambition de faire reculer les dépenses en volume n'a pas été respectée, malgré les contorsions budgétaires. L'objectif de stabilité en valeur, hors charges de la dette et pensions, ne l'a pas été davantage. Sur les 30 missions du budget, 20 ne respectent pas les plafonds de la loi de programmation. Les dépenses de fonctionnement, à 46 milliards d'euros, sont stables, alors qu'elles auraient du diminuer ; elles ont dérapé sur la défense, la culture, l'écologie. Les subventions pour charges de service public représentent désormais la moitié des dépenses de fonctionnement.

Les dépenses de guichet devaient être stabilisées, tandis que les dépenses discrétionnaires devaient baisser. Mais les services comptables de l'État ne savent pas distinguer les unes des autres. Le Gouvernement fera-t-il mieux en 2012 que son prédécesseur en 2011 ? La diminution des dépenses d'intervention tient à la fin du plan de relance.

La charge de la dette reste dynamique, alors que les taux sont restés bas. La matière est hautement inflammable...

Les dépenses de personnel, malgré une réduction de 31 278 ETPT -183 000 emplois de fonctionnaires détruits depuis 2002...

M. Gérard Longuet.  - Non « diminué » !

M. François Marc, rapporteur général.  - ... malgré le non-remplacement des départs en retraite, notamment au ministère de la défense -82 % de non-remplacement !- s'établissent à 117,7 milliards à périmètre constant, en progression de 1,7 % par rapport à 2010.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - La fonction publique n'a pas été maltraitée !

M. Gérard Longuet.  - Moins de fonctionnaires, mieux payés : c'était notre volonté !

M. François Marc, rapporteur général.  - Je relève l'incapacité du précédent gouvernement à tenir ses objectifs. Les dépenses en exécution sont supérieures de 600 millions d'euros à ce qui figurait dans la loi de finances initiale -constat qui n'étonnera pas les rapporteurs spéciaux de notre commission. Les dépenses de pension sont toujours dynamiques.

Sur les dépenses fiscales, les informations ne sont pas encore disponibles au mois de juillet... Il n'aurait pas été inutile de connaître l'ampleur des niches fiscales et l'efficacité du rabot...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'était une bonne mesure.

M. François Marc, rapporteur général.  - La dette de l'État s'élève à 1 300 milliards d'euros -presque le double de ce qu'elle était en 2002-, 1 717 pour l'ensemble des administrations publiques.

La France vient d'être lourdement condamnée par la Cour de justice européenne dans le cadre d'un contentieux relatif à la fiscalité des OPCVM non-résidents. Selon la Cour des comptes, le risque avait été provisionné à hauteur de 3 milliards d'euros en 2010, 10 milliards d'euros en 2011. La DGFiP fait bien son travail... Le Parlement doit être davantage sensibilisé à ces questions.

Je reviens sur l'absence de recensement des garanties accordées par l'État, des montants en cause et risques associés. M. Baroin et M. Lellouche nous avaient assurés que la situation allait s'améliorer. Or la Cour des comptes s'alarme à son tour... Nous y reviendrons lors de l'examen des articles. Nous avons adopté en 2011 quatre lois de finances rectificatives ; celles de juillet et septembre comportaient des garanties accordées par la France au FESF ; celle d'octobre accordait la garantie de l'État aux émissions de Dexia. La solidarité européenne pèsera 3 points de PIB en 2013... Nous devons pouvoir y voir plus clair dans ces zones où budget et hors bilan se rejoignent.

La commission vous propose d'adopter le projet de loi mais appelle le Gouvernement à conduire des politiques budgétaires différentes de celles menées jusqu'à présent ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) J'ai vu passer un certain nombre de lois de règlement, mais celle-ci est originale en ce qu'elle a suscité en commission l'intervention de dix-neuf collègues ; les temps ont changé, on s'intéresse de plus près à la réalité des finances publiques.

Une première loi de règlement, au cours d'une législature, est aussi un point de départ... Le rapporteur général, dont je salue la première intervention en séance publique, s'est livré dans l'ensemble à des analyses honnêtes et n'était sa dernière phrase...

M. Gérard Longuet.  - In cauda venenum !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - ...j'aurais pu l'applaudir. (Sourires) Le bilan de l'exécution 2011 apparaît incontestablement positif. L'excellent Premier président de la Cour des comptes en présentant son rapport le 30 mai dernier constatait l'amélioration du solde budgétaire et le respect de la trajectoire de réduction des déficits mais notait que le déficit restait élevé et que les résultats obtenus reposaient sur des bases fragiles. Didier Migaud a reconnu un « effort notable » : dans sa bouche, un vrai compliment... (Sourires)

Le rapporteur général, c'est de bonne guerre, met en avant des facteurs particuliers, fin du train de dépenses des investissements d'avenir, du plan de relance, contrecoup de la réforme de la taxe professionnelle. L'amélioration structurelle serait ainsi seulement de 14 milliards d'euros, non de 60 ; soit, mais c'est loin d'être négligeable et le Gouvernement a voulu tenir coûte que coûte son objectif de réduction des déficits -y compris en année électorale. Le président Migaud ne l'a pas dit, mais c'est vrai ! (On ironise à gauche)

La loi de programmation a été scrupuleusement respectée. Avec la dégradation de la conjoncture économique, les lois de finances rectificatives ont procédé à des ajournements pour faire passer le message que la France tenait ses engagements. Les plans Fillon I et Fillon II continuent et continueront de produire leurs effets. Ajustements parfois douloureux, mais qui ont permis de tenir l'objectif -le déficit est même moindre qu'attendu : 5,2 % du PIB, au lieu de 5,7 %. Cela facilitera les étapes suivantes, notamment les 4,5 % prévus au 31 décembre 2012. Le précédent gouvernement a fait preuve d'honnêteté et de courage. (M. Jean-Jacques Mirassou s'exclame) Il a donné des assises solides à la crédibilité de la France.

J'en viens au débat sur les efforts, en dépenses et en recettes. Vous mettez en avant des recettes plus élevées que prévu et une réduction des dépenses moindre qu'annoncée : affirmation biaisée, car les recettes sont demeurées en euros courants de 12 milliards inférieures à ce qu'elles étaient avant la crise de 2007. Hors plan de relance les dépenses sont restées stables. Un tel ralentissement « est un effort méritoire qui n'a guère de précédent », note M. Migaud. En langage Cour des comptes, c'est un accès d'enthousiasme... Il faut un peu de mauvaise foi pour contester cette évolution.

La masse salariale de l'État augmente en dépit du non-remplacement d'un départ en retraite sur deux. Preuve que le Gouvernement a traité correctement les agents de la fonction publique...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Ce qu'il en restait !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Dans votre projet, tous les ministères autres que justice, sécurité et éducation, vont devoir arithmétiquement renoncer à remplacer deux départs sur trois ! (« Oui ! » à droite)

Le rapporteur général, dans son rapport préalable au débat d'orientation budgétaire, affirme que la majorité a renoncé à soutenir la croissance : paradoxe, lorsqu'il note par ailleurs que le plan de relance et les investissements d'avenir ont gonflé la dépense en 2010...

M. François Marc, rapporteur général.  - Les investissements n'avancent pas !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - La France est la seule nation, avec la Slovaquie, à n'avoir pas connu un seul trimestre de récession en 2011. Les projets sont longs à mettre en oeuvre, c'est normal, compte tenu des procédures et des secteurs concernés. Nous recevons demain M. Louis Gallois, commissaire général à l'investissement, nous lui en parlerons. En annonçant vouloir s'appuyer sur le Commissariat général, le nouveau Gouvernement semble vouloir mettre ses pas dans ceux du précédent. Je m'en réjouis.

Je voterai ce projet de loi de règlement, il s'agit d'une base à partir de laquelle nous observerons sans doute des écarts, à partir de laquelle aussi nous construirons le débat démocratique des mois à venir. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Vincent Delahaye .  - Ce projet de loi de règlement nous est soumis par une nouvelle majorité, ce qui a jeté un trouble en commission, le groupe socialiste l'adoptant tandis que plusieurs membres du groupe UMP s'abstenaient...

« C'est mieux que si c'était pire ». Voilà ma réaction lorsque j'ai pris connaissance des résultats de la gestion 2011. Le taux de couverture des dépenses par les recettes est négatif de 28,2 %, ce qui signifie que nous vivons à crédit trois mois par an ! Des efforts sont faits pour maîtriser les déficits, certes, mais il est trop tôt pour parler d'amélioration structurelle.

Le gouvernement précédent avait établi des règles claires, comme le non-remplacement d'un départ sur deux ; mais à cause d'une trop grande générosité dans la redistribution des économies, la masse salariale des agents de l'État a continué à augmenter. Hélas, le nouveau gouvernement annonce une stabilisation des effectifs et le maintien du pouvoir d'achat : les dépenses de personnel vont augmenter plus vite que la croissance et alimenter encore le déficit.

Les prévisions de croissance sont généralement trop optimistes ; elles devraient être construites sur le consensus des économistes, comme cela se pratique au Danemark. La prudence doit prévaloir.

Il faut réhabiliter la rigueur. Le mot ne doit pas être tabou.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Gérard Le Cam.  - Faisons comme en Grèce...

M. Vincent Delahaye.  - Pour chaque euro de prélèvement en plus, un euro de dépense en moins...

Notre dette n'est plus qu'à quatre points du seuil de 90 %, au-delà duquel la charge de la dette avale toutes les marges qui pourraient aller aux politiques de croissance. Il est plus que temps de réagir. Comme le dit le président Arthuis, il n'est plus de souveraineté possible quand on atteint un seuil pareil. (M. Philippe Marini, président de la commission des finances, approuve) Le jour où la France sera contrainte de demander assistance au MES, ce n'est plus devant nous que le Gouvernement rendra des comptes, mais devant la BCE et le FMI ! L'enchaînement très négatif observé depuis 30 ans doit être stoppé. La Cour des comptes le dit, le répète à l'occasion de la certification des comptes. Depuis la première certification en 2006, des efforts ont été réalisés, le nombre de réserves a été divisé par deux. Mais elles n'ont pas diminué cette année, certaines n'ont pas reçu de réponse depuis 2006. La Cour des comptes n'en viendra-t-elle pas un jour à refuser de certifier les comptes ? Je demande au nouveau Gouvernement d'affirmer sa volonté de poursuivre les efforts pour lever les réserves. Le précédent gouvernement revendiquait des principes de gestion, je ne vois pas la même détermination chez le nouveau Gouvernement.

J'ai l'impression qu'on navigue à vue. (M. Yves Daudigny s'indigne) J'espère que cela ne va pas durer cinq ans ! (Protestations à gauche)

Il nous faut une garantie plus fiable des comptes de l'État. Certains risques ne sont pas couverts, les engagements hors bilan doivent être mieux évalués. À quelle hauteur le budget de l'État pourrait-il être engagé au titre des garanties accordées ? Un jour arrive où la confiance n'est plus une garantie. Attention à ne pas perdre celle de nos investisseurs. Combien coûteront les garanties offertes à la Grèce, au Portugal, à l'Espagne, sans parler de Dexia ?

Donnons-nous jusqu'en 2016, dix ans après la première certification. L'outil n'est pas encore au point. Il faut du volontarisme. Face à la faiblesse de nos instruments comptables, nous sommes pris dans une spirale infernale, déficit hors de contrôle, qui accroît la dette, donc les impôts, au détriment de l'économie. On s'attaque aux symptômes, non à la racine du mal, laquelle est à chercher dans la décorrélation entre les dépenses structurelles, 54 % du PIB, et le taux des prélèvements obligatoires, 46 %.

Je suis sûr que vous voulez suivre la voie que trace la Cour des comptes, monsieur le ministre, que vous voulez être le grand ministre qui aura assaini les comptes publics. N'écoutez pas vos prétendus amis qui prônent la dépense publique à tout crin. Nous pensons, nous, que le progrès social viendra du progrès économique, des entrepreneurs. N'alourdissons pas encore leurs charges ! Sinon, ils finiront par s'arrêter et mourir... (On ironise sur les bancs CRC)

Mme Michèle André.  - C'est affreux !

M. Vincent Delahaye.  - Ne suivons pas la ligne de la facilité, en taillant dans les dépenses d'investissement, à commencer par le TGV, en réduisant le budget défense, pour ensuite augmenter massivement impôts et taxes. Car vous ne pouvez feindre d'oublier que la suppression des niches fiscales se traduit par des augmentations d'impôts pour les contribuables.

Je vous propose de suivre le chemin de la vertu, peut-être impopulaire à court terme. Levez la tête du guidon pour voir loin !

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Vincent Delahaye.  - C'est dans cette voie que nous vous suivrons, car la vertu trouve toujours sa récompense. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Marie-France Beaufils .  - La loi de règlement est un exercice imposé. Il nous faut porter un jugement sur la manière dont les affaires publiques ont été menées en 2011. Les électeurs, eux, ont déjà tranché.

L'année 2011 a connu quatre lois de finances rectificatives. La première mettait en extinction l'ISF, avec pour conséquence de réduire la recette fiscale de 2 milliards d'euros. On donnait aux plus riches, au détriment des plus modestes... Dans le prochain collectif, je souhaite que l'ISF retrouve toute son efficacité sociale et économique. Le deuxième collectif, du 19 septembre 2011, renforçait le Fonds européen de stabilité financière (FESF), donc accroissait les garanties hors bilan de l'État. Assorti de 460 millions d'annulations de crédits, ce collectif comportait aussi des ouvertures de crédits... pour le service de la dette et des remboursements d'impôts. Ces annulations ont particulièrement touché les associations.

Le troisième collectif, du 2 novembre 2011, mettait en oeuvre le plan de sauvetage de Dexia. Nous l'avions rejeté, pensant qu'il fallait reconstruire un instrument de financement des collectivités locales. La quasi-totalité des garanties ont été appelées... L'engagement de l'État n'a pas empêché le ralentissement des investissements des collectivités territoriales, qui explique en grande partie l'inexistence de la croissance. L'annonce de 6 000 suppressions d'emplois par la fédération du BTP est symptomatique.

Enfin, le collectif du 28 décembre 2011 relevait le taux réduit de la TVA, qui pèse plus sur les plus modestes, gelait le barème de l'impôt sur le revenu pour augmenter le nombre de redevables. Les bénéficiaires des heures supplémentaires défiscalisées n'ont pas échappé à cette discrète augmentation de l'impôt, qui, en outre, les a privés des avantages sociaux accordés aux non redevables à l'impôt sur le revenu. Or, si les plus modestes n'étaient pas la priorité du précédent gouvernement, ils sont ceux qui participent le plus à l'activité économique ! En gelant le barème de l'impôt sur le revenu, le gouvernement précédent a accru la ponction fiscale, tandis que les niches fiscales, les régimes dérogatoires, les exonérations continuaient à favoriser les revenus du capital et du patrimoine. Ce dernier collectif 2011 était d'autant plus drapé dans les habits de l'équité qu'il s'agissait de frapper plus fort les plus modestes.

Il faut davantage de justice fiscale. La dynamique de progression des revenus a peu à voir avec celle du patrimoine : leur traitement n'a pas à être identique.

Le déficit budgétaire s'établit à 90,7 milliards d'euros -certes contre les 91,6 prévus, mais le stock de la dette s'est encore accru d'autant. La France n'a jamais émis autant de titres de dette que durant le dernier quinquennat, et les investissements publics n'ont jamais été aussi faibles.

Le gouvernement précédent prétendait amortir 48,8 milliards d'euros de titres à long terme, 48 milliards de titres à moyen terme ; il prévoyait 600 millions d'euros de reprise de dette. Pour y parvenir, 186 milliards d'émissions de bons du Trésor et d'obligations, 2,9 d'annulations de dettes, 1,2 milliard de variation positive du compte du Trésor, 3 milliards de ressources de trésorerie diverses. Ces montants n'ont pas été atteints. Nous avons un amortissement plus faible que prévu, avec 46 milliards d'euros des titres de moyen terme, un niveau d'émissions plus faible à 183,4 milliards d'euros, mais surtout, fort opportunément, un solde négatif des bons du Trésor de court terme pour 9,3 milliards d'euros, un doublement des ressources diverses de trésorerie et un sensible apport des dépôts des correspondants. On en vient à ce que le Grand Emprunt, en fait d'investissements d'avenir, ne finance que des placements de trésorerie. Les grands opérateurs publics, les grands établissements de recherche et d'innovation technologique devraient participer à la croissance, au lieu d'être gérés comme un club d'investissement.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Nous en parlerons en commission demain.

Mme Marie-France Beaufils.  - L'argent du Grand Emprunt a en réalité été placé sur la dette allemande et américaine -peut-être même grecque ?- plutôt que de servir à l'investissement productif.

Idem pour le remboursement anticipé des aides au secteur automobile. Un an après, PSA supprime 6 000 emplois, montrant ainsi que l'argent prêté n'a pas été utilisé à bon escient et que l'État s'est contenté de percevoir intérêt et capital, sans s'interroger sur le bien-fondé de l'allocation des ressources.

Nous ne pouvons valider ce projet de loi de règlement 2011 dont nous ne partageons ni les attendus, ni les objectifs. La RGPP a montré sa nocivité, tout comme une politique fiscale injuste et inefficace. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. François Fortassin .  - Après les habiles contorsions du président Marini, dignes des meilleurs transformistes, les propos incantatoires de M. Delahaye, apôtre de la moralisation en matière financière, mes propos vont paraître sans relief...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Pour un Pyrénéen, ce serait surprenant ! (Sourires)

M. François Fortassin.  - Je me contenterai de pointer les errements du précédent gouvernement. La Cour des comptes est mesurée dans ces critiques -il doit bien y avoir une part de vérité...

Le précédent gouvernement, nos collègues qui le soutenaient, n'ont pas cru bon de nous suivre quand nous proposions d'autres voies. Sans doute étaient-ils sous l'emprise de leur leader charismatique, qui comptait sur des tours de magie pour résoudre les problèmes.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est peut-être mieux que le rêve... (Sourires)

M. François Fortassin.  - Si l'on n'augmente pas les impôts, on tarit les moyens de réduire le déficit. Ce n'est qu'en 2010 que le Gouvernement s'en est aperçu, s'abritant derrière la crise pour faire passer son programme de rigueur et d'austérité. Mais la crise n'explique pas tout. Selon la Cour des comptes, deux tiers du déficit était structurel.

La droite n'en est pas la seule responsable, certes, mais le gouvernement précédent a poursuivi dans la voie des errements incohérents.

La réduction du déficit est due pour les deux tiers à des évènements exceptionnels. Au passage, on a abîmé les principes républicains et dégradé la fonction publique. C'est grâce à des manipulations ingénieuses qu'on a pu présenter un budget en amélioration, le budget 2010 ayant été volontairement alourdi par le plan de relance et les investissements d'avenir. Cet arrêt brutal montre du reste l'absence de constance dans la politique conduite.

Avec la majorité du RDSE, je soutiens l'action du nouveau Gouvernement pour redresser la France. La politique fiscale de ces cinq dernières années a bafoué la justice et l'équité. Elle a réduit les recettes de l'État avec la défiscalisation des heures supplémentaires, tout en aggravant le chômage. La réforme de l'ISF était un cadeau difficile à accepter pour les radicaux, attachés à la progressivité de l'impôt. Cette mesure a privé l'État de recettes vitales. Il s'agit désormais de rétablir la situation, dans le souci de la justice fiscale. C'est ainsi que l'on rétablira la confiance. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Vincent Placé .  - Situation atypique : un gouvernement de gauche présente le bilan d'un gouvernement de droite.

M. Henri de Raincourt.  - C'est la démocratie !

M. Jean-Vincent Placé.  - Le constat est sans appel : la nouvelle majorité hérite d'une situation déplorable. (Exclamations à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Tout en nuance !

M. Jean-Vincent Placé.  - J'ai pris des leçons auprès de vous.

Le gouvernement sortant a creusé la dette économique, écologique, ainsi que les inégalités sociales. Alors que la situation économique se dégradait, ses choix se sont révélés désastreux : la dette s'élève à près de 90 % du PIB. Les taux de prélèvements ont atteint 45 %, soit 2 points de plus qu'en 2007, au détriment des plus modestes, tandis que les plus riches encaissaient des chèques du Trésor au titre du bouclier fiscal.

La dépense atteint 56 % du PIB en 2012, contre 52 % en 2002. Gardez vos leçons pour vous, qui avez augmenté la dette et les impôts tout en favorisant les plus aisés, joli tour de force !

Les suppressions de postes dans la justice, la police, l'éducation, au nom de la RGPP, ont dégradé le service public. J'en ai constaté les dégâts sur la mission « sécurité » dont je suis rapporteur spécial : des emplois précaires ont remplacé des fonctionnaires ; c'est ainsi que, dans l'Essonne, ma brigade de gendarmerie est en sous-effectif chronique. Les faits d'atteinte à l'intégrité physique ont augmenté de 10 000 cas ; bravo, monsieur Guéant ! Et je ne parle pas de l'état de nos écoles, ni des délais interminables auxquels en est réduite notre justice.

C'est tout le modèle du service public qui est ébranlé. On ne peut pourtant pas demander aux Français de contribuer toujours plus si on ne leur garantit pas un service public de qualité. Le modèle français, envié partout dans le monde mais abîmé par le gouvernement précédent, doit être réhabilité.

Je déplore aussi l'accroissement incontrôlé de la dette écologique. Qui paiera les conséquences du réchauffement climatique ? Nous sommes des débiteurs écologiques inconscients de notre surconsommation. La planète, elle, ne rééchelonnera pas la dette ; et l'on persiste à subventionner l'aérien contre le ferroviaire.

« Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson pêché, vous découvrirez que l'argent ne se mange pas », dit un proverbe indien.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Admirable ! (Sourires à droite)

M. Jean-Vincent Placé.  - Face à l'héritage qu'elle découvre, la nouvelle majorité n'aura pas la tâche facile. Les écologistes, soucieux de l'équilibre des comptes, prônent la sobriété, dans le cadre d'un engagement déterminé dans la transition écologique. Nous en reparlerons lors du débat d'orientation des finances publiques.

Nous voterons cette loi de règlement, qui est -malheureusement- sincère ! (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle André .  - Je me réjouis que l'élan qui a donné au Sénat une nouvelle majorité se soit poursuivi au printemps et ait amené un nouveau gouvernement. La loi de règlement est celle de l'ancienne majorité, qui a soutenu Nicolas Sarkozy. Le jour est venu de régler les comptes -je ne dis pas « vos » comptes, car la situation économique et sociale nous impose de laisser derrière nous les polémiques.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Exactement.

Mme Michèle André.  - Cependant, le nouveau Gouvernement a hérité d'une situation trop grave pour que vous puissiez vous dédouaner de vos responsabilités et éviter un examen critique. Cet héritage, nous en reparlerons...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Profitez-en, cela ne durera pas.

Mme Michèle André.  - Le Gouvernement ferait semblant de découvrir la situation, François Hollande aurait caché la situation aux Français, a dit M. Dallier. Non ! Nous n'avons cessé de vous alerter sur les conséquences de vos politiques et tenté de dissiper votre aveuglement. Las... La dette publique a doublé depuis 2002, voilà le bilan de la droite. Vous avez choisi l'inaction, conduisant la France à l'asphyxie financière. Plutôt que de financer l'avenir de nos enfants, nous remboursons les intérêts d'une dette qui pèsera sur eux. Philippe Séguin l'avait pourtant dénoncé...

La loi Tepa, la réforme de la taxe professionnelle, la réforme de la TVA dans la restauration, celle de l'ISF, ont profité à certains mais pas aux plus modestes. (M. François Marc, rapporteur général, renchérit) Vous avez fait de la progressivité inversée : le dernier quinquennat aura été celui de l'incohérence et de l'injustice, malgré certaines voix venues de vos rangs. Il faut un impôt plus juste, disait M. About. Il n'a guère été entendu... Vous ne pouvez pas opposer une droite responsable à une gauche friande d'impôts.

La réforme de la taxe professionnelle s'est traduite par une perte d'autonomie financière pour les collectivités territoriales et par un accroissement des inégalités. Sur l'impôt sur les sociétés, le taux de 33,33 % est théorique : le taux effectif est plus proche de 20 %, sachant que les entreprises du CAC 40 ne paient en moyenne que 8 %. Le Gouvernement Ayrault mettra fin à ce mitage, afin de retrouver un rendement acceptable. Il était urgent d'agir, vous avez préféré attendre.

S'agissant des dépenses, le tableau n'est guère plus brillant. Le non-remplacement d'un départ sur deux ne s'est pas traduit par une économie, du fait des mesures catégorielles. Les suppressions de postes se traduisent par un surcroît de travail pour les agents, qui doivent faire des heures supplémentaires. Voyez la situation dans les préfectures, qui étaient déjà à l'os. Un État fort ne peut s'appuyer sur une administration affaiblie, amaigrie. J'ai rédigé un rapport sur la RGPP.

M. Jean-Claude Frécon.  - Excellent rapport !

Mme Michèle André.  - Faute de concertation, nous avons eu de l'affichage. On a voulu faire croire que l'inscription de la règle d'or dans la Constitution changerait tout. Pourquoi ne l'avez-vous pas appliquée ? Rien ne vous empêchait de voter un budget à l'équilibre ! Nos voisins n'ont pas compris la posture de la France, qui n'a été que paroles. Nicolas Sarkozy n'a été qu'un illusionniste. Votre politique n'a apporté ni stabilité, ni croissance. « Les réformes indispensables ne se réalisent pas d'un coup de baguette magique », disait Pierre Mendès-France. Pour redresser la France, commençons par informer loyalement ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Francis Delattre .  - Politiquement, nous vivons le dernier acte d'une comédie humaine où les vainqueurs se défoulent une dernière fois, se livrant sans retenue à un dernier accès d'antisarkozysme. Les chiffres, certifiés par la Cour des comptes, sont incontestables, mais leur interprétation, toute subjective, peut servir le jeu d'acteurs peu soucieux de la vérité. M. Placé en a donné une vivante illustration. Le déficit budgétaire a été réduit de près d'un milliard d'euros par rapport à la prévision en loi de finances initiale -cas unique en Europe- et de 58 milliards d'euros par rapport à l'année précédente. Est-ce là la catastrophe annoncée ? C'est la première fois depuis 1945 que les dépenses ont diminué : dépenses de fonctionnement stables, concours avec les collectivités territoriales stabilisés en valeur, objectifs du Gouvernement dépassés, ce qu'aucun orateur n'a souligné.

Si bien que notre pays demeure un refuge pour les investisseurs. Le 9 juillet, la France a emprunté à des taux négatifs. Elle rejoint le club très fermé de l'Allemagne, de l'Autriche et de la Suisse ! Les taux à long terme sont à 3 %.

Il fallait, pour le nouveau gouvernement, trouver des angles d'attaque. La dette est en effet en hausse, mais la charge de la dette s'explique aussi par l'inflation, nombre d'emprunts étant indexés sur elle. M. le rapporteur met toute son ardeur à remonter à 2002, mais personne n'ignore qu'en dépit d'une action courageuse, la dette ne peut se réduire lorsque le déficit est égal ou supérieur à 3 % du PIB. Le Gouvernement n'a pu aller jusqu'au bout de l'action entreprise, hélas.

La crise explique pour 40 % le creusement du déficit et le Gouvernement a dû augmenter de 46 milliards d'euros environ les dépenses en 2009 et 2010 pour protéger les Français contre cette crise, alors que les recettes baissaient de 50 milliards. La Cour des comptes analyse clairement l'origine de la dette et du déficit ; n'en faites pas porter la responsabilité sur le seul gouvernement précédent !

La réduction du déficit en 2011 serait liée à des éléments exceptionnels, dit le rapporteur général. Mais la gauche peut-elle critiquer le plan de relance, les investissements d'avenir qui sont bons pour la croissance dont elle se fait le champion ? Vous jugez la réduction des dépenses insuffisantes en 2011 mais n'en proposez aucune d'ici 2014. La Cour des comptes a approuvé la stratégie du précédent gouvernement en matière de redressement des comptes publics et estimé incontestable l'amélioration du solde budgétaire. Voilà qui contredit les propos sur la soi-disant ardoise cachée !

Nous voterons la loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jacques Mézard .  - Dans son rapport du 2 juillet, la Cour des comptes salue certes la réduction du déficit en 2011 par rapport à la prévision, mais elle insiste sur la fragilité de notre situation. Les précédents gouvernements ont laissé les finances publiques en plus mauvais état qu'ils les avaient trouvées.

L'amélioration du solde budgétaire en 2011 est liée à des facteurs exceptionnels. Le précédent gouvernement s'est préoccupé bien tard de la réduction du déficit ! Quand il s'est aperçu enfin de la nécessité d'augmenter les impôts, il a évité cet effort aux plus riches. Des niches fiscales coûteuses, la défiscalisation des heures supplémentaires et la TVA réduite dans la restauration, par exemple, ont été créées ou maintenues.

À l'intérieur d'un périmètre zéro volume, les dépenses ont diminué... à cause de l'inflation ; en zéro valeur, la diminution s'explique par celle du FCTVA.

Le désaveu le plus fort de cette politique vient de l'application de la règle du un sur deux au titre de la RGPP. Si 31 700 postes ont été supprimés en 2011, la masse salariale a augmenté. Les mesures catégorielles ont compensé pour partie les suppressions de postes ; elles visaient à faire passer la pilule, notamment au ministère de l'économie. Les marges de manoeuvre sont réduites d'autant. Les dépenses de fonctionnement prévues n'ont pas été respectées, certaines ont été sous-budgétisées -comme les Opex.

Le nouveau gouvernement devra être exemplaire dans la gestion de la dépense publique pour corriger les erreurs du passé.

Sur les recettes, la fin de la compensation exceptionnelle liée à la réforme de la taxe professionnelle a amélioré le solde. L'optimisation fiscale pratiquée par les grandes entreprises mine cependant le rendement de l'impôt sur les sociétés : je salue les mesures du collectif en ce domaine et j'espère que les propositions de la commission d'enquête sénatoriale sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France seront entendues.

Il nous reste un long chemin jusqu'à l'équilibre en 2017, mais le départ est bon et nous voterons cette loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du groupe RDSE)

Mme Frédérique Espagnac .  - Rapporteur spécial de la mission « développement des territoires », j'orienterai mon propos sur ce thème. Alors qu'on peut se féliciter de la volonté affichée par le Gouvernement d'encourager la croissance et de maîtriser la dépense publique, l'opposition en tient pour la seule règle d'or, alors que la seule règle d'or qui vaille est de restaurer la confiance des Français dans leur pays et celle des marchés. L'État se doit d'assurer la péréquation financière, au nom de l'égalité républicaine et pour l'équilibre des territoires. Or les services publics, dans mon département des Pyrénées atlantiques, sont décimés. « L'amour de la démocratie est celui de l'égalité », dit Montesquieu. Le précédent gouvernement n'a manifestement pas fait sien cet adage. Quel mépris n'a-t-il pas eu pour les territoires défavorisés...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nous verrons ce que vous ferez ! (On renchérit à droite)

Mme Frédérique Espagnac.  - Je suis réservée sur les indicateurs de performance de la mission. La suppression de la taxe professionnelle et la création de la CVAE ont eu des résultats positifs pour la plupart des entreprises, certaines y ont perdu. Les crédits de paiement et les autorisations d'engagement de la mission montrent que l'exécution a été mauvaise alors que la mission politique des territoires pourrait appuyer les investissements des collectivités, levier pour l'activité économique. Préparer un budget, c'est faire des choix et comme l'a dit André Gide, « choisir, c'est renoncer ». Vous, l'ancienne majorité, vous avez renoncé à l'action publique locale, personnalisée et durable au profit d'une action centralisée, déshumanisée et injuste. (Protestations à droite) Nous sommes guidés, quant à nous, par l'intérêt général et, au lieu de mesures idéologiques, démagogiques et injustes, nous proposerons celles qui rassembleront dans la solidarité, la justice, l'efficacité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Richard Yung .  - M. Delattre a qualifié ce débat de comédie, je répondrai que derrière ces chiffres -qui vous font mal mais que vous ne contestez pas !- il y a de la misère, de la souffrance. Notre constat est sévère mais juste.

M. Philippe Dallier.  - On verra.

M. Richard Yung.  - On a vu ! Nous parlons du passé.

M. Francis Delattre.  - Le raisonnement élimine la raison !

M. Richard Yung.  - La réduction du déficit en 2011 est un trompe l'oeil. Quatre lois de finances rectificatives !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Réactivité !

M. Francis Delattre.  - Flexibilité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Ne dites pas : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau ! ».

M. Richard Yung.  - Bien des rectifications sont le fruit d'une mauvaise anticipation de la conjoncture. La croissance est devenue atone dès le deuxième trimestre. Or vous vantiez alors les charmes de l'austérité. Ceux qui suggéraient un peu de relance étaient taxés d'irresponsabilité. Mais la chute de l'investissement, de la compétitivité, s'est poursuivie en 2011.

L'évolution de la masse salariale de la fonction publique montre les limites de la RGPP, appliquée mécaniquement. Dans le réseau consulaire du ministère des affaires étrangères, 72 % des départs n'ont pas été remplacés. Nous allons devoir ouvrir le débat sur le maintien de ce réseau universel.

Libération d'aujourd'hui traite des heures supplémentaires, en particulier payées aux enseignants, pour 1,5 milliard d'euros. Certains enseignants ont doublé leur salaire !

M. Philippe Dallier.  - Ce n'est pas la majorité des cas !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ne vous fâchez pas avec eux !

M. Richard Yung.  - La loi Tepa, 12 milliards d'euros, le taux réduit de TVA dans la restauration, 3 milliards d'euros, la réforme de la taxe professionnelle, 7 milliards, l'allègement de l'ISF en pleine tempête financière, le rendement faible de l'impôt sur les sociétés : le creusement de la dette fiscale, donc de la dette publique, n'a pas été vertueux parce que les dépenses fiscales n'allaient pas à l'effort économique, à la relance de la croissance et à la création d'emplois.

Cette politique a été injuste et inefficace...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Profitez-en, cela ne durera pas !

M. Francis Delattre.  - Les réalités sont têtues, vous le découvrirez !

M. Richard Yung.  - J'en profite, oui, car vous avez la mémoire courte ! Tous nos chiffres sont exacts. Certes, l'opposition n'aime pas ce que je dis... (Exclamations à droite). La dette, 1 800 milliards d'euros, représente 30 000 euros par Français.

M. Francis Delattre.  - On verra dans cinq ans !

M. Richard Yung.  - C'est un record ! Un record mondial !

Nous allons tous voter le même texte.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Avec une lecture différente.

M. Richard Yung.  - Il est un reflet fidèle de votre politique. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Yves Leconte .  - Le rapport de la Cour des comptes de 2010 sur les investissements de l'État soulignait le recours croissant aux partenariats public-privé. Or, pas une ligne dans la loi de règlement sur ces dépenses extrabudgétaires, qui, du ministère de la défense à celui de la santé, en passant par les prisons, coûteront cher, et longtemps, à l'État et aux collectivités locales. Bonne affaire, en revanche, pour le secteur privé. Cette solution miracle aura un coût.

Ce système est importé de Grande-Bretagne... où 66 des hôpitaux fondés sur de tels partenariats public-privé sont en faillite.

Nous contestons cette privatisation rampante du patrimoine public. Les grandes entreprises, Bouygues, Veolia, Vinci, sont les grandes gagnantes, plus égales que les PME. Je me réjouis que Mme Taubira veuille y regarder de plus près dans le partenariat public-privé du Palais de justice de Paris, comme dans les projets signés à la hâte en fin de mandature pour la construction de prisons.

La Cour des comptes formulera sans doute, mais trop tard, des observations sur ces opérations. C'est aux parlementaires de se mobiliser contre ces cadeaux aux amis privés, contre ces engagements cachés ; il faut les comptabiliser, comme le font nos partenaires européens. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Moscovici, ministre .  - Ce bilan est légitime. Sur la gauche de l'hémicycle, on met en avant une lecture que je partage. Le président de la commission a insisté sur les résultats isolés de 2011, qui s'inscrivent dans une séquence déplorable.

Si nous ne faisions rien, le déficit déraperait gravement par rapport à nos engagements. La France a perdu son triple A, tout de même ! Instabilité, absence de ligne directrice sur les prélèvements obligatoires... Je ne suis pas cruel. Je ne rappellerai pas les promesses de 2007...

La France a donné le mauvais exemple. L'Eurogroupe se rappelle l'irruption d'un président de la République -qui n'avait rien à y faire- pour expliquer que la France ne tiendrait pas ses engagements. Il a tenu parole : 600 milliards d'euros de dette en plus.

Ce qui justifie ce projet de loi de finances rectificative, c'est que les recettes ont été mal évaluées, les dépenses mal calibrées et l'exécution 2011 a logiquement été émaillée de collectifs. Oui, réfléchissons à une présentation de prévisions sincères. Sinon, comment travailler sérieusement ?

Je suis perplexe en entendant l'opposition, qui semble souffrir de troubles bipolaires, nous reprochant à la fois l'austérité et le laxisme, et par exemple pour l'emploi public un relâchement par rapport aux politiques précédentes et la paupérisation à venir des fonctionnaires. Choisissez votre ligne car vos propos sont confus.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Nous comparons surtout vos propos d'hier et vos mesures d'aujourd'hui.

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Notre stratégie, c'est le retour à l'équilibre en 2017. Pour l'atteindre, il faudra des efforts : ils seront bien répartis et justes.

Après ce premier effort nécessaire sur les recettes, viendra la réforme fiscale dans le projet de loi de finances, et tout au long du quinquennat la dépense publique sera mobilisée. La RGPP, c'est fini, car il faudra gérer les choses au plus près.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Vous trouverez un autre nom, un autre sigle...

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Redresser les comptes publics, doper la compétitivité, relancer la croissance, cela passe aussi par la dépense publique. M. Delahaye a parlé de TGV : mais si des projets sont prévus aujourd'hui, il n'y a pas de crédits ! M. Gallois va faire un bilan.

Nous voulons soutenir la consommation des ménages : nous allons donc annuler la TVA compétitivité car cette ponction, injuste de surcroît, bloquerait le moteur de la consommation.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Vous augmenterez la CSG !

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Nous entamons une série de rendez-vous : loi de règlement, loi de finances, programmation des finances publiques...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Et la ratification ?

M. Pierre Moscovici, ministre.  - Le président de la République a dit comment nous ferions et le Premier ministre quand, dès lors que la réorientation de la construction européenne est engagée. L'amendement de la commission sur les garanties et hors bilan est justifié. La France est le seul pays de la zone euro à faire certifier ses comptes mais une information claire et transparente est indispensable. Je m'engage à vous informer sur nos engagements, à l'égard de la Grèce en particulier et à stabiliser l'annexe budgétaire.

Je comprends que certains, à gauche, se refusent à voter une loi de règlement sur l'exécution de l'ancienne majorité, mais ce vote est technique, indispensable pour passer à la suite. Monsieur Delahaye, je crois que notre vertu trouvera sa récompense, la confiance des Français ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Marc, au nom de la commission.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion comporte, chaque année, une annexe détaillant l'ensemble des garanties accordées par l'État et, pour chacune d'entre elles, les limites dans lesquelles elle a été accordée.

M. François Marc, rapporteur général.  - C'est un amendement consensuel au sein de la commission. Nous avions obtenu de M. Baroin qu'il recense les garanties. M. Frécon, en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances, nous a incités à demander à la Cour des comptes une enquête sur les modalités de recensement et de comptabilisation des engagements hors bilan. La Cour, dans son rapport sur la certification des comptes de l'État en 2011, note que « les garanties accordées par l'État ne sont pas systématiquement recensées » et que « le suivi des autorisations parlementaires ainsi que des actes complémentaires n'est pas pleinement assuré ». Elle relève que « l'administration s'est engagée en 2012 à mettre en place un outil de recensement et de gestion des garanties ».

L'État est de plus en plus souvent garant et conclut des partenariats public-privé. Une information plus complète est nécessaire : plafond de la garantie, périmètre-capital, capital et intérêts...

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.  - Le Gouvernement partage votre objectif de transparence sur tous les engagements, y compris hors bilan.

Dès notre arrivée, nous avons exposé toute la vérité sur le contentieux relatif aux OPCVM précédemment dissimulé, qui coûtera 5 milliards d'euros à l'État...

La liste complète des garanties actives existe dans une annexe. La Cour des comptes estime ce recensement insuffisant, nous le fiabiliserons. L'amendement est satisfait dès aujourd'hui et le sera plus encore l'an prochain. Retrait.

M. François Marc, rapporteur général.  - Les engagements sont clairs et nous faisons confiance au Gouvernement, après les engagements de M. Baroin, pour faire la seconde partie du chemin.

L'amendement n°1 est retiré.

Le projet de loi est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 315
Contre 21

Le Sénat a adopté.