Débat sur l'emploi, la formation et la qualification des jeunes (Suite)

M. Jean-Marie Bockel .  - Les chiffres sont accablants et connus. La situation des jeunes diplômés est plus enviable mais reste préoccupante, puisque 19 % d'entre eux sont au chômage. Il n'en existe pas moins un lien patent entre insertion dans l'emploi et formation.

Le problème n'est pas nouveau, on l'a dit : nous devons bousculer les qualifications ministérielles traditionnelles. La jeunesse doit être interrogée dans sa globalité. C'est ce que faisait le plan « Agir pour la jeunesse » de 2009. À une politique transversale, vous semblez préférer une approche plus sectorielle : il n'est plus question que de formation. Comment s'articule votre politique avec le plan de 2009 ? Le ministre de l'éducation nationale a salué le travail de ses prédécesseurs pour repérer les décrocheurs. Un véritable service public de l'orientation a été mis en place en 2009. Le 10 octobre, vous avez annoncé vouloir aller plus loin, monsieur le ministre. Pourriez-vous nous en dire plus ?

L'accompagnement des jeunes et le développement de l'alternance, autres volets du plan « Agir », semblent vous tenir à coeur. Vos objectifs sont ambitieux. Vous voulez vous appuyer sur les cartes de formation des régions. Mais comment définir les offres de formation au plus près du terrain dans un cadre régional ? N'est-ce pas une vision quelque peu théorique ? Les actions conduites pas les intercommunalités sont positives ; à quel échelon se situent donc les bassins d'emplois ? Est-on sûr que ce soit la région ?

C'est du niveau local que sont parties, entre autres, les maisons de l'emploi. Dans l'agglomération mulhousienne, nous voyons des jeunes sans qualification qui ont acquis des compétences ; celles-ci peuvent être transférables. Il ne faut donc pas se limiter à une approche exclusivement de formation ou négliger les transitions professionnelles. Ne prenons pas seulement en compte les stocks mais aussi les flux.

Vous voulez développer l'alternance, mais comment allez-vous procéder ? Comment faire sans réformer parallèlement la formation professionnelle, comme l'a démontré M. Gérard Larcher dans son rapport ?

Les contrats d'avenir auraient été positifs s'ils avaient été orientés vers les PME du secteur marchand. Pourquoi l'avoir refusé, d'autant que les contrats de génération semblent, eux, plus orientés vers les grandes entreprises ? Reste le volet « engagement civique » du plan « Agir pour la jeunesse », qui semble totalement oublié. (Applaudissements au centre)

M. Jean-Michel Baylet .  - « Quand les jeunes ont un espoir, c'est toute la société qui avance », a dit le président de la République. Dans un contexte économique très difficile, l'insertion professionnelle des jeunes doit être au coeur de notre action.

Le chômage des jeunes a explosé avec la crise ; les non-diplômés sont touchés à 40 % quand les diplômés ne le sont qu'à 9 %. Cette situation très inquiétante ne doit pas devenir une fatalité qu'on accepterait. Le Gouvernement s'est attaqué à ce fléau avec les contrats d'avenir. Les contrats de génération doivent également jouer leur rôle. Pour autant, ces dispositifs ne suffiront pas à inverser la tendance du chômage sans une grande réforme du monde de l'emploi. La formation des jeunes est donc une priorité : la mobilisation de toutes les forces vives de la Nation est nécessaire.

La plupart des jeunes non qualifiés connaissent des petits boulots rarement renouvelés. Cinq à dix ans après la fin de leurs études, 9 % des diplômés ont un travail précaire, contre 26 % pour les non-diplômés. L'école ne joue pas son rôle et pousse nombre de jeunes à des formations par défaut.

L'orientation doit répondre à la fois aux besoins du marché de l'emploi, aux aspirations des jeunes et à leurs compétences. Elle doit leur faire découvrir plusieurs environnements professionnels, avec des acteurs qui ne soient pas seulement les conseillers d'orientation. Dans certains pays, l'orientation fait partie intégrante du cursus scolaire ? En Allemagne, des enseignants sont formés à cette discipline et mettent ainsi l'accent sur les exigences du monde du travail.

Vous voulez rénover le service public de l'orientation en lien avec le ministère de l'éducation nationale. De fait, il faut mieux accompagner les élèves dans leur choix de formation, épauler les jeunes sortis du système éducatif sans qualification, les salariés qui souhaitent modifier leur choix professionnel.

Garantir une qualification à tous les jeunes était l'un des objectifs fixés par la Conférence sociale des 9 et 10 juillet derniers. À ce titre, je me félicite de la volonté du Gouvernement et de l'Association des régions de France de diminuer par deux en cinq ans le nombre de jeunes sortis du système scolaire sans aucune formation. Les régions ont consacré 4,3 milliards d'euros en 2012 à la formation et à l'apprentissage. Cela fait partie des compétences qui seront renforcées pour les régions dans l'acte III de la décentralisation.

L'insertion professionnelle est un mécanisme complexe dans lequel les départements accompagnent les régions.

Garantir à tous une formation est un enjeu prioritaire. L'alternance permet de garantir un savoir-faire reconnu : huit jeunes sur dix obtiennent un emploi.

Il faut renforcer la lutte contre l'illettrisme : les savoirs de base sont indispensables.

Si l'on veut une grande réforme de la formation professionnelle, il faudra refonder l'enseignement professionnel, pour l'instant dévalorisé. Pourtant, certains métiers ne parviennent pas à recruter. Un comble !

Votre tâche est compliquée, monsieur le ministre, les radicaux de gauche et tous les sénateurs du RDSE vous accompagneront pour que notre jeunesse garde espoir dans son avenir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Jean Desessard .  - Fin septembre, nous avons reparlé de la situation préoccupante des jeunes les moins qualifiés : l'étude de la Dares montre que ce sont eux qui souffrent le plus du chômage.

Depuis quelques jours, les premiers contrats d'avenir sont signés. Nous nous en réjouissons. Nous saluons le pari de la formation.

Si la crise accentue les difficultés, elle n'est pas seul responsable du blocage de l'accès à l'emploi des jeunes. Le fait est que le rapport des jeunes à l'emploi a été bouleversé ces dernières années.

L'enquête réalisée par la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) est particulièrement intéressante, car elle a été faite par les jeunes pour les jeunes. Plus de la moitié des jeunes qui ont répondu à l'enquête ont des parents employés ou ouvriers. On y entend des jeunes que l'on n'entend pas d'habitude ; on y apprend que 40 % des jeunes interrogés ne se sont adressés à aucun interlocuteur institutionnel dans leur recherche d'un emploi. Plus ils avancent en âge, moins ils ont idée de l'emploi qu'ils souhaitent occuper. La qualité et la diversité de l'information des jeunes sont donc nécessaires, mais pas suffisantes.

Pour les missions locales, les permanences doivent accueillir et orienter les jeunes. Si les missions sont renforcées, la multiplicité des interlocuteurs est perçue comme une difficulté supplémentaire. La réduction du personnel de Pôle emploi ne permet plus d'assurer un suivi de tous ces jeunes.

Ceux-ci ne demandent aucun assistanat, ils veulent un vrai travail. Parce qu'ils sont inexpérimentés, ils acceptent des conditions de travail difficiles. Ils se sentent rejetés, mis à l'épreuve sans fin, assujettis à une tâche et non pas intégrés à une équipe. Ils ne peuvent s'émanciper grâce au travail. Les jeunes ne parviennent pas à construire leur vie.

Aussi, les pouvoirs publics doivent-ils repenser les relations de travail. La Conférence sociale devra se pencher sur cette question cruciale. (Applaudissements à gauche)

M. Serge Dassault .  - Le budget de l'emploi ne servira pas plus à sauvegarder l'emploi que les précédents parce que c'est la même chose, rien de nouveau. Vos contrats d'avenir et de génération ne vont rien régler : c'est du cinéma. Seuls les emplois marchands servent à quelque chose, pas ceux-là.

Le chômage est dû au manque de travail ; les entreprises n'embauchent pas car elles ne sont pas assez compétitives. Pourquoi ? Parce qu'il faut travailler plus longtemps. Les 35 heures ont un effet considérable sur le manque de compétitivité et elles coûtent 21 milliards au budget. Les entreprises n'embauchent que si elles peuvent licencier quand elles n'auront plus de travail à fournir. Avec une flexibilité du travail, elles embaucheraient tout de suite, voilà la vérité. Et cela ne coûterait rien à l'État.

Pourquoi les jeunes ne trouvent-ils pas de travail ? Parce qu'ils ne savent rien faire, on ne leur a rien appris. Ce n'est pas votre faute, c'est notre faute à tous, depuis longtemps. Il faudrait déjà commencer par rétablir le certificat d'études. Des jeunes sont mis dans le secondaire sans savoir ni lire, ni compter. Certains enfants ne parlent pas français... (Exclamations sur les bancs socialistes)

M. Ronan Kerdraon.  - C'est quoi, cette vision ?

M. Serge Dassault.  - ... et on ne le leur apprend pas. Au lieu de quoi, on les envoie automatiquement dans le collège unique où, évidemment, ils ne vont pas travailler, pas davantage qu'au lycée. Et ils passent de classe en classe sans même redoubler, jusqu'à un bachot qui ne leur servira à rien. Il faudrait des collèges qui forment les jeunes à une activité professionnelle : ils pourraient apprendre un métier.

M. Claude Domeizel.  - C'est scandaleux !

M. Serge Dassault.  - Les pauvres non-diplômés, je les connais, à Corbeil-Essonnes. Quelques-uns deviennent des délinquants, d'autres vont à la mission locale. C'est à elle de s'occuper d'eux, pas à Pôle emploi, qui est destiné à ceux qui ont perdu leur emploi, pas aux jeunes qui n'en ont encore jamais eu. Donnez des moyens à ces missions locales, pour les former. Qui va payer les permis de conduire ?

Une seconde chance ? Pourquoi pas une première chance, pour commencer ? Les jeunes Allemands sont formés à une profession et ils trouvent du travail. Le problème n'est pas seulement le budget de l'emploi qui se monte à 50 milliards, excusez du peu, et qui ne sert à rien. Maintenir de l'emploi, ce n'est pas en créer.

M. Claude Domeizel.  - Votre temps est écoulé.

Mme Christiane Demontès.  - C'est fini !

M. Serge Dassault.  - Je ne parle pas pour nous, je parle pour tout le monde, ce n'est pas politique, ce que je dis là.

Commencez donc par réformer l'éducation nationale, monsieur le ministre. Veillez à former ces 150 000 jeunes par an qui sortent de l'école sans rien. Il est là, le problème. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - C'est vrai !

M. Ronan Kerdraon .  - J'ai beaucoup apprécié les propos de M. Larcher et regretté qu'il n'ait pas été entendu par le précédent gouvernement. Les propos du sénateur Dassault nous ramènent au xixe siècle. Heureusement qu'il n'a pas été ministre de l'éducation nationale !

Les contrats d'avenir ont suscité un immense espoir. N'oublions pas les difficultés que rencontrent aussi certains jeunes diplômés. Dans la tranche d'âge des 25-34 ans, nous comptons 40 % de diplômés de l'enseignement supérieur, ce qui nous place en tête des pays de l'OCDE. C'est toutefois, avec de grandes disparités entre nos territoires, au détriment en particulier de nos outre-mer. De plus, 42 % des jeunes diplômés sont employés en contrat précaire et cette précarisation se généralise, les jeunes oscillent de plus en plus entre des périodes d'activité et de chômage. Nous devons renouer le dialogue social pour donner à la jeunesse une vision moins sombre de son avenir. Nos propositions doivent être justes et prendre en compte la situation des diplômés qui, souvent, acceptent des emplois sans rapport avec leur formation. Les salaires d'embauche s'effondrent aussi, même dans les grandes entreprises. Ils atteignent tout juste les 1 729 euros bruts pour les plus diplômés.

Les jeunes sont les premières victimes de la crise. Cette aggravation résulte des dix années précédentes durant lesquelles les gouvernements n'ont rien fait. La proportion d'intérimaires est deux fois supérieure chez les jeunes. On n'est pas éloigné de « l'armée de réserve des travailleurs » dont parlait Karl Marx. Près de 17 % des 18-29 ans vivent sous le seuil de pauvreté et la moitié des pauvres ont moins de 35 ans.

C'est pourquoi nous approuvons la politique du Gouvernement. Nous nous réjouissons du renforcement des missions locales. Depuis 2008, Pôle emploi a laissé en jachère la prospection des emplois. Rapprocher l'offre de la demande d'emploi est un casse-tête pour le Gouvernement ; il est urgent de prendre l'affaire à bras-le-corps. Léo Lagrange disait des jeunes : « Ne leur traçons pas un seul chemin, ouvrons-leur toutes les routes ». C'est ce à quoi nous nous sommes attelés. (Applaudissements à gauche)

M. Gaëtan Gorce .  - La situation de l'emploi est préoccupante. Le chômage atteint un niveau historiquement élevé. L'ampleur de cette catastrophe sociale impose de s'inquiéter des catégories sociales, des tranches d'âge, des territoires qui sont touchés. Le pacte pour la compétitivité et l'emploi devra sans doute être complété par un soutien actif à l'investissement, si l'Union européenne l'accepte...

Pour autant, la politique de l'emploi ne peut jouer un rôle subsidiaire. Pas moins de 100 milliards sont chaque année mobilisés, mais les dispositifs sont très rarement évalués, de sorte que la collectivité ne se donne pas les moyens d'une efficacité optimale.

Des transformations sont donc nécessaires : il faut mettre enfin un pilote dans l'avion. La multiplication des acteurs sur le terrain n'est plus acceptable. Un responsable unique doit être désigné pour définir des objectifs raisonnables et évaluer les résultats. Deuxième exigence : la fongibilité. Tous les crédits destinés à l'emploi et à la formation doivent pouvoir être mobilisés en fonction des besoins locaux. Troisième exigence : placer les partenaires sociaux face à leurs responsabilités. Si les syndicats ne prennent pas leurs responsabilités, l'État le fera à leur place, a dit le président de la République. Non, il faut les obliger à reconnaître et assumer leurs responsabilités.

Une erreur classique en matière d'emploi des jeunes est de mettre en place des dispositifs spécifiques : on conforte ainsi les employeurs dans l'idée que l'emploi des jeunes doit être aidé. Revenons à une approche qui ramène les jeunes au droit commun.

Une autre erreur consiste à faire une partie du travail qui incombe aux acteurs sociaux et aux branches professionnelles. Les maisons de l'emploi se chargent de trouver des emplois. Mais à quoi servent donc les branches professionnelles ? Il faut leur demander de s'impliquer sur le terrain. Plutôt que d'inventer de nouveaux contrats, appuyons-nous sur les contrats en alternance.

Je me réjouis que le Gouvernement se soit attelé à ces priorités, mais une réflexion globale est nécessaire pour sortir de cette crise. (Applaudissements à gauche)

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage .  - Merci au groupe socialiste d'avoir eu l'initiative de ce débat, qui fait écho à la priorité du président de la République. Cette priorité doit infuser dans toutes nos actions. La jeunesse est une priorité transversale : un comité interministériel se réunira début 2013. L'école, l'accès au savoir, au logement, sont autant de questions liées. M. Peillon a déjà lancé ce débat devant l'Assemblée nationale comme notre débat sur les écoles de production.

Les entreprises sont souvent réticentes à l'embauche des jeunes sans expérience. L'urgence est pourtant humaine, sociétale. Le taux de chômage des jeunes est dramatiquement élevé. Dans les quartiers défavorisés, 43 % des jeunes sont touchés, et la situation est pire encore outre-mer.

Étant entrants sur le marché du travail, les jeunes sont défavorisés. Ils enchaînent stages, CDD, intérim. Et pour ceux qui n'ont aucune qualification, la situation est plus difficile encore : leur taux de chômage est 4,5 fois plus élevé que pour ceux qui possèdent un diplôme du supérieur. Ces dernières années, le nombre de ceux qui sortent de l'école sans diplôme s'est accru. Ils le disent tous : on leur reproche, avant tout d'être jeunes, sans expérience.

Les jeunes demandent de l'emploi, pas de l'assistanat. Dès son arrivée, le Gouvernement a engagé l'action, avec les contrats d'avenir. Pour la formation et l'apprentissage, mon action s'appuie sur le dialogue social et territorial, ainsi que sur l'interministériel, car seule une action collective et transversale sera payante.

Premier axe : l'accès à la qualification pour tous les jeunes. Le 12 septembre, l'État et les régions se sont donné pour objectif de diviser par deux le nombre de jeunes sortant sans qualification du système. Dès 2013, des pactes régionaux seront mis en place pour coordonner les acteurs, afin de lutter plus efficacement contre le décrochage et proposer à chaque jeune une solution pour rebondir. L'alternance aura son rôle à jouer, notamment pour les premiers niveaux de qualification. Ces pactes ne sont pas de simples effets d'annonce : ils s'inscrivent dans le temps. Je m'assurerai de la mobilisation des intervenants et vous en rendrai compte.

Les emplois d'avenir sont faits pour mettre le pied à l'étrier de jeunes sans qualification, livrés au désespoir. On ne peut proposer à des jeunes en échec scolaire de reprendre une formation.

Mieux vaut une expérience professionnelle dans la durée -trois ans- associée à une formation qualifiante obligatoire. Avec Michel Sapin, nous allons à la rencontre, sur le terrain, des jeunes signataires. On comprend ce que signifie pour eux cette chance qui leur est enfin donnée. Nous concentrerons nos efforts sur la qualité de ces emplois, et en particulier sur le volet formation. Le rapport de la Dares, monsieur Larcher ? Les contrats aidés du passé ne comportaient pas de volet formation obligatoire. Celle-ci ne doit pas être considérée comme une dépense mais comme un investissement pour l'avenir.

Mme Christiane Demontès.  - Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Nous avons voulu associer les partenaires sociaux, monsieur Gorce, à ces contrats. Il a fallu rétablir la confiance. Nous avons signé une nouvelle convention-cadre avec le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Les partenaires sociaux ont compris qu'il valait la peine de mettre de l'argent sur ces contrats. Les Opca (organismes paritaires collecteurs agréés) seront aussi mobilisés, comme le FSE et les collectivités territoriales : les CNFPT accompagneront la formation des jeunes en contrats de droit privé, pour la première fois. Cet investissement collectif illustre notre nouveau modèle français de formation.

Le développement de l'alternance est un autre pilier de notre politique. Car les voies d'accès à la qualification sont diverses. Toutes ont leur utilité, elles sont complémentaires. Nous devons travailler à adapter la carte des formations aux mutations de notre économie. Adaptation, pas adéquation, car chaque jeune doit aussi être doté des compétences transversales qui permettent de rebondir. Il ne peut y avoir une carte par bassin d'emplois, au risque de l'enfermement. Des passerelles entre les voies de formation doivent être développées. Elles sont un filet de sécurité contre l'échec.

On doit déplorer -et combattre- le sentiment encore trop répandu selon lequel les formations en alternance seraient d'une moindre valeur, une voie par défaut, que l'on emprunte seulement quand on n'a pas pu faire autrement. Il demeure un problème d'image, lié à notre histoire, à notre culture, à cette tendance à survaloriser les modèles académiques.

Revaloriser l'apprentissage, oui, mais sans pénaliser les premiers niveaux de qualification, car l'alternance doit demeurer la voie privilégiée de formation et d'insertion des jeunes.

L'apprentissage dès 14 ans, monsieur Le Scouarnec ? C'est trop tôt. Reste que rien n'interdit la création de parcours de découverte. Beaucoup se sont interrogés sur l'Afpa. Sa situation, à notre arrivée, était dramatique.

Mme Christiane Demontès.  - Eh oui !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - On ne savait comment payer les 9 300 salariés dès juillet. Nous avons travaillé d'arrache-pied pour redresser la situation. Le nouveau président de l'Afpa, M. Yves Barou, à qui je rends hommage, s'est dépensé sans compter, pour renouer le dialogue social. Un plan de refondation a été soumis au Ciri. L'État le soutiendra au côté du pool bancaire. Propriétaire du patrimoine, il en confiera la gestion à l'Afpa, peut-être sur le mode du bail emphytéotique. L'association sera dotée de capitaux propres, cela est essentiel. Une part de la formation professionnelle pourrait être reconnue comme mission d'intérêt général, pour que les donneurs d'ordres puissent passer commande à l'Afpa sans déroger aux règles européennes. Nous sommes sur la bonne voie. L'Afpa ne disparaîtra pas. Je forme le voeu que ce Gouvernement entende les propositions qui ne l'ont pas été par le précédent.

La formation doit marcher sur ses deux jambes : quantité, mais aussi qualité. C'est pourquoi nous travaillons à sécuriser les parcours des apprentis. L'Assemblée nationale nous a donné les moyens -comme le Sénat l'aurait sans nul doute fait s'il avait pu aller au bout de l'examen du budget. (On le confirme sur les bancs socialistes)

Les contrats d'apprentissage ont augmenté de 8 %, un résultat remarquable eu égard au contexte économique, et le signe que nous avons rétabli un climat de confiance. L'objectif de 500 000 apprentis en 2017 est beaucoup plus réaliste que ceux fixés par le précédent gouvernement : il suscite l'adhésion des professionnels. Une réflexion est engagée sur la taxe d'apprentissage.

M. Gérard Larcher.  - C'est indispensable !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Une large concertation est engagée avec tous les partenaires.

Une réforme du service public de l'orientation est décisive pour les jeunes, qui ont besoin de mûrir leur projet. Une information déficiente, une mauvaise orientation expliquent bien des décrochages. L'objectif est de passer d'une orientation subie, souvent liée à un statut social, à une orientation choisie. C'est essentiel pour la construction de parcours réussis. M. Larcher l'a rappelé dans son rapport. Les jeunes méconnaissent certains métiers et leurs débouchés. Le ministère de l'éducation nationale y travaille avec nous, c'est une innovation. Le service public de l'orientation doit aussi être ouvert à tous les publics et à tous les âges de la vie.

L'orientation souffre d'une approche trop institutionnelle. Il faudra également veiller à la qualité de l'écoute, faire en sorte que l'orientation soit pilotée au plus près du territoire. Le conseil régional est le mieux à même de l'assurer : des leviers doivent leur être confiés. Il faudra, M. Baylet l'a rappelé, développer des liens forts avec les branches professionnelles. Mais cela suppose aussi que ceux qui orientent connaissent véritablement les métiers.

M. Gérard Longuet.  - Ce serait mieux...

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Pour démarrer sa vie avec une base légitime d'espoir, il faut un minimum de sécurité : le CDI doit redevenir la norme. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes) C'est l'objectif du contrat de génération, acté par un accord national interprofessionnel unanime.

Peu de gouvernements auront, sur une période aussi courte, autant fait pour l'insertion des jeunes. La convention passée avec le FPSPP mettra 54 millions pour la lutte contre l'illettrisme et en faveur des savoirs de base.

Enfin, pour sécuriser les emplois, nous réfléchissons à une taxation des contrats précaires, à la mise en place de droits rechargeables à l'assurance chômage et à l'ouverture du CIF aux CDD.

Formation, qualification, compétence sont au coeur de notre action. Ces enjeux sont déterminants, pour aujourd'hui et pour demain. Je me félicite que les aléas de la discussion budgétaire aient donné l'occasion de mener ce débat au fond et de vous dire ma détermination. (Applaudissements à gauche)