Transparence de la vie publique (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique et le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique.

Discussion générale commune

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - « Rien n'est plus dangereux que l'influence des intérêts privés dans les affaires publiques » écrivait Rousseau dans Le contrat social. Voilà l'esprit des deux textes que je vous présente aujourd'hui. Je sais que nombre d'entre vous, d'entre nous, s'insurgent contre les sondages qui reflètent une méfiance croissante, inquiétante des Français à l'égard de ceux qui les représentent. Je sais aussi que la faute de quelques-uns ne doit pas conduire à rejeter l'opprobre sur tous ceux qui exercent leur mandat dans le respect des principes de la démocratie. Toute période de crise est propice à l'antiparlementarisme et, au-delà, à la remise en cause des responsables politiques qui est le fonds de commerce de l'extrême droite. L'enjeu de ces textes est de restaurer la confiance des Français dans la parole politique, de combattre le poison de la suspicion permanente par l'exemplarité républicaine.

Au fil des dernières semaines, j'ai acquis une conviction sur le mot de transparence qui a cristallisé tant de débats : non pas concession passagère à une mode ou aux nouvelles technologies mais modalité d'exercice de la souveraineté du peuple. Il suffit de relire les échanges parlementaires qui entourèrent ici, Jacques Larcher rapportant l'examen de la loi sur la transparence de la vie politique présentée par le gouvernement de Jacques Chirac. Les débats avaient été de haute tenue - je pense en particulier aux interventions brillantes de Michel Dreyfus-Schmidt ou de Charles Lederman. Si chaque gouvernement, chaque majorité souhaite légiférer dans la sérénité, tous les scandales politico-financiers ont abouti à une nouvelle législation. La déclaration d'activité a vu le jour après le scandale de la Garantie foncière en 1971 ; Nicolas Sarkozy commanda le rapport Sauvé sur la transparence après l'affaire que l'on sait - rapport toutefois resté sans suite législative. La Fontaine disait à propos de la peste, ce mal qui vient du ciel pour frapper les hommes : « Ils n'en mourraient pas tous mais tous étaient frappés »... Il nous appartient d'adopter le meilleur remède démocratique : de bonnes lois bien appliquées. Le président de la République a demandé au Gouvernement de saisir le Parlement de quatre lois après que les événements récents impliquant l'ancien ministre du budget eurent profondément altéré la confiance des Français.

La démocratie représentative ne peut se comprendre et être acceptée que si ceux qui exercent un mandat du peuple l'exercent pour le bien des citoyens et non à leur profit. Les responsables publics ne manquent ni d'honneur, ni de vertu, mais les Français ne les écoutent que si la parole publique retrouve son prestige. La démocratie est une quête permanente. Ce projet de loi veut restaurer la confiance dans les institutions comme dans leurs serviteurs.

J'ai pris connaissance de vos travaux et de ceux du groupe de travail présidé en 2010 par Jean-Jacques Hyest. Sur ce socle, votre commission des lois a voulu concilier divers principes d'égale importance : la publicité de l'information et le respect de la vie privée, le contrôle par un organe extérieur et la séparation des pouvoirs, l'indépendance de l'élu et la liberté de mener l'activité de son choix. Elle a adopté à cette fin 109 amendements.

Ce projet de loi s'organise autour de trois objectifs : nouvelles déclarations, nouveaux contrôles, dispositifs contraignants.

Le contrôle des électeurs est une exigence démocratique ancienne. Ainsi en a-t-il été lorsque la Convention nationale, le 14 mai 1793, décrétait que les représentants du peuple sont comptables à la Nation de leur propre fortune. Cette exigence demeure d'une grande actualité.

Sur la question de la déclaration de patrimoine, le débat a été vif, pourtant il ne s'agit pas d'une question récente. Dans sa proposition 49, François Mitterrand s'engageait à la moralisation de la vie publique.

M. Henri de Raincourt.  - Quel exemple !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Mitterrand en autorité morale, on aura tout entendu !

M. Gérard Longuet.  - Il a mis huit ans pour s'y atteler !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Les propositions de loi ou rapports relatifs sur ce sujet ont été nombreux ces trente dernières années.

En maintenant la publicité de l'ensemble des déclarations d'intérêt, votre commission a modifié le dispositif de publicité des déclarations de situation patrimoniale des élus, supprimant l'infraction de divulgation de leur contenu pour pénaliser une divulgation mensongère. (Mouvements divers à droite)

M. Bruno Sido.  - ça ne sert à rien !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - La solution du compromis trouvée à l'Assemblée nationale permettait d'offrir un nouveau droit aux citoyens. Le droit d'alerte était une avancée. La notion de lanceur d'alerte est relativement récente en France.

M. Gérard Longuet.  - ça existait sous l'Occupation !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Des délateurs !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Votre commission a en outre prévu le dépôt par le Gouvernement d'un document budgétaire retraçant l'utilisation de la réserve parlementaire et, à l'initiative de Gaëtan Gorce, renforcé l'encadrement du financement de la vie politique ; ces dispositions ont le soutien du Gouvernement.

Pour la première fois de notre histoire, une loi définit la notion de conflits d'intérêts et met en place des outils pour les prévenir - pour placer la France au rang de démocratie la plus avancée en la matière. Cette question est présente dans toutes les sociétés démocratiques avancées. Cette marge grise de non-droit doit être réduite ; au lieu d'être ignorées, certaines situations doivent être organisées et contrôlées par le droit. Le Gouvernement propose que les déclarations d'intérêts soient rendues obligatoires pour les personnes visées par le texte et rendues publiques par la nouvelle Haute autorité. C'est un véritable bouleversement. Votre commission a remanié le contenu des déclarations, fort opportunément. Un système de déport sera prévu, par exemple pour les membres des autorités administratives indépendantes. On ne peut en effet être juge et partie.

M. Henri de Raincourt.  - C'est beau !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Le Gouvernement souhaite qu'une référence explicite soit faite à la situation des ministres. Le texte crée également un dispositif de mandat de gestion pour les intérêts financiers détenus par les membres du Gouvernement.

Une Haute autorité pour la transparence de la vie publique remplacera la commission pour la transparence financière de la vie politique. Les principaux responsables politiques devront lui transmettre toutes leurs déclarations. Elle sera dotée de l'autonomie financière, et son président sera nommé par décret dans les conditions de l'article 13 de la Constitution. Cette instance aura des pouvoirs d'investigation étendus - l'actuelle commission pour la transparence souligne régulièrement l'insuffisance de ses moyens.

M. Gérard Longuet.  - Une commission n'est jamais satisfaite des moyens qui lui sont alloués !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - La Haute autorité pourra saisir l'administration fiscale ; elle pourra demander la transmission des déclarations fiscales souscrites par les conjoints. De lourdes sanctions pénales sont prévues en cas de mensonge ou de fraude. Le projet de loi du Gouvernement porte une réelle ambition pour cette Haute autorité.

La construction d'une culture déontologique est une tâche ardue. D'abord, il faut sortir le mandat des influences susceptibles d'écarter la prise en compte de l'intérêt général. Le Gouvernement propose d'interdire le cumul de mandat avec des fonctions dans une entreprise qui a des liens importants avec l'administration. Votre commission a ajouté une nouvelle incompatibilité : la direction d'un syndicat interprofessionnel. Le texte respecte le principe de séparation des pouvoirs : les sanctions en cas de conflit d'intérêts respectent l'autonomie des assemblées car leur Bureau aura toute latitude.

M. Henri de Raincourt.  - C'est faux !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - L'engagement 49 de François Hollande sera mis en oeuvre avec la possibilité d'une peine d'inéligibilité pouvant aller jusqu'à dix ans.

Les membres du Gouvernement, les Hauts fonctionnaires et les titulaires d'une fonction exécutive locale ne pourront pas rejoindre des entreprises avec lesquelles ils ont eu des relations dans l'exercice de leurs fonctions.

L'inaction n'est pas une option. Ces projets de loi entendent servir la démocratie en levant la suspicion qui pèse sur les élus. Les citoyens pourront distinguer le vrai du faux. Certains lycéens ont planché au bac de philosophie sur le sujet suivant : « Peut-on faire de la morale si l'on ne s'intéresse pas à la politique ? »

M. Pierre-Yves Collombat.  - Et surtout, si l'on est immoral ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Je dirai : peut-on faire de la politique si on ne s'intéresse pas à la morale ? Dans L'esprit des lois, Montesquieu dit avec simplicité que « pour pouvoir fonctionner, une démocratie a besoin de personnalités vertueuses ». Je suis convaincu que la Haute assemblée saura porter la cause de la vertu publique. (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC)

M. le président.  - La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, président et rapporteur de la commission des lois.

M. Henri de Raincourt.  - Place au prêchi-prêcha !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission des lois .  - La transparence, le contrôle et le respect de la vie privée sont trois impératifs qui s'imposent à nous. Il revient au législateur de trouver le meilleur texte pour les concilier. Jusque là, il n'y a pas d'opposition... (Marques d'ironie à droite) Ces textes prévoient les obligations de déclaration qui s'imposent aux membres du Gouvernement, aux parlementaires nationaux et européens, aux responsables d'exécutifs locaux d'une certaine taille, aux membres des autorité administratives indépendantes, aux Hauts fonctionnaires et aux dirigeants des entreprises publiques, afin de permettre la vérification de l'évolution de leur patrimoine et de s'assurer qu'il n'y a pas d'enrichissement inexpliqué.

Ces textes s'inscrivent dans la lignée des lois de 1972, qui a instauré la déclaration d'activité ; de 1988, qui a instauré la déclaration de patrimoine et de 2011, qui a instauré la déclaration d'intérêt. La commission des lois a produit un rapport transpartisan qui a nourri ma réflexion et inspiré les amendements que j'ai proposés à la commission.

M. Gérard Longuet.  - Le contrôle du Parlement par le Parlement et pas par des fonctionnaires !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Certes, mais il faut permettre que le contrôle aille à son terme. Il n'est jamais bon qu'une instance ne se réfère qu'à elle-même...

M. Bruno Sido.  - Comme si les fonctionnaires étaient indépendants !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Nous reviendrons sur plusieurs débats mais certains sont particulièrement importants ; la question des déclarations de patrimoine et de leur publication est un de ceux-là. Le projet de loi définit dans le détail comment elles doivent être rédigées, en début et en fin de mandat. C'est effectivement déjà prévu par la loi, mais la communication de la déclaration ne l'est pas. Le projet de loi du Gouvernement prévoyait une publicité. L'Assemblée nationale a adopté un dispositif plus restreint : la consultation possible en préfecture mais des sanctions en cas de divulgation. Votre commission a supprimé ces sanctions.

M. Bruno Sido.  - Pourquoi ?

M. Gérard Longuet.  - Parce que l'honneur d'un parlementaire n'a pas d'importance !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Il en a au contraire beaucoup. Mais nous avons pensé qu'il n'y avait pas de sens à sanctionner d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende la divulgation d'informations universellement consultables. (Exclamations à droite) Si tout électeur peut consulter à la préfecture les déclarations...

M. Henri de Raincourt.  - Et alors ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - ... il n'y a pas de fondement à en sanctionner la communication. Parce qu'aujourd'hui il existe des sites internet partout dans le monde, qui ne sont pas régis par la loi française...

M. Roland du Luart.  - Et voilà !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Sans compter que les journalistes sont protégés par le secret des sources. En revanche, nous avons adopté un amendement sanctionnant les déclarations mensongères. (Exclamations ironiques à droite)

M. Jacques Mézard.  - Jésuite !

M. Bruno Sido.  - Les sanctions existent déjà !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Êtes-vous donc favorables à ce que des divulgations fausses soient publiées et non sanctionnées ?

M. Jean-Claude Lenoir.  - Quelle naïveté !

M. Jean-Michel Baylet.  - Démonstration est faite des difficultés de ce texte...

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Il n'y a pas beaucoup d'autres solutions, ou le texte du Gouvernement, avec une publication au Journal officiel, ou celui de l'Assemblée nationale qui, lui, me semble disproportionné et peu praticable. Et il y a des sanctions fortes à l'égard de parlementaires qui feraient de fausses déclarations.

M. Éric Doligé.  - Et les ministres ?

M. Bruno Sido.  - Et les Hauts fonctionnaires ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Nous nous sommes opposés à une inéligibilité perpétuelle, tout le monde a le droit de s'amender...

M. Henri de Raincourt.  - On va tous aller se confesser !

M. Bruno Sido.  - On a le droit de devenir meilleur, disait Victor Hugo !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Ce dispositif s'applique aux parlementaires, aux maires de communes et présidents d'intercommunalité d'une certaine taille... Environ 7 000 personnes sont concernées.

Nous avons voulu protéger la vie privée (exclamations à droite) et les conjoints. Les collaborateurs parlementaires devront déclarer les autres emplois qu'ils exercent concomitamment.

J'en viens aux conflits d'intérêts. Dans le projet de loi, ils sont définis comme une situation d'interférence entre des intérêts publics et des intérêts publics et privés. Nous l'avons restreinte à l'interférence entre intérêts publics et intérêts privés - pensons à nos questions du mardi matin - et avons modifié le texte pour sortir de la théorie des apparences et s'en tenir aux faits ; il n'est plus désormais question que de conflits d'intérêts de nature à compromettre l'exercice des fonctions. Enfin, parmi les caractéristiques de l'exercice d'une fonction, nous avons remplacé l'adjectif « impartial », car je ne connais ni ministre ni parlementaire impartial ; la commission a préféré les termes : dignité, probité et intégrité. (Exclamations ironiques à droite)

S'agissant du déport, il n'est pas possible pour le Premier ministre, ni pour les ministres.

Pour les incompatibilités, nous avons suivi pour l'essentiel l'Assemblée nationale. Nous avons ajouté l'incompatibilité d'un mandat parlementaire avec la direction d'un syndicat professionnel et la présidence d'une autorité administrative indépendante, et retenu du rapport Hyest celle avec la direction d'une société mère qui travaille avec l'État. Les fonctionnaires devenus parlementaires devront être en position de disponibilité et non plus de détachement.

M. Bruno Sido.  - Ils devraient démissionner !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Un parlementaire ne pourra percevoir des rémunérations pour siéger dans une instance où il représente son assemblée.

M. Bruno Sido.  - C'est bien normal.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Enfin, nous avons clarifié la situation des membres du Conseil constitutionnel.

S'agissant de la réserve parlementaire...

M. Éric Doligé.  - Il faut la supprimer !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - ... plusieurs amendements proposent de rendre publique l'affectation de ces crédits. Les dispositions relatives aux lanceurs d'alerte...

M. Henri de Raincourt.  - Des délateurs !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - ... figurent dans la loi sur la fraude fiscale ; nous les avons supprimées.

Nous avons conforté l'indépendance de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique et élargi sa composition ; les commissions parlementaires compétentes en confirmeront la nomination des membres à la majorité des trois cinquièmes. La Haute autorité devra bénéficier de plus de temps pour examiner les déclarations de patrimoine.

Enfin, le financement de la vie publique a fait l'objet de toute notre attention : plafonnement des dons des personnes physiques aux partis, limitation du rattachement des parlementaires à des micro-partis, en particulier ceux basés outre-mer - qui permettent de contourner la loi.

Nous avons voulu parvenir au meilleur équilibre possible, ne pas adopter de dispositifs impraticables, prévoir de vraies sanctions. De tous temps, ces lois ont provoqué de vifs débats. Les lois Rocard ou Juppé pour moraliser les financements des campagnes électorales...

M. Henri de Raincourt.  - On a vu où cela nous a menés...

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - ... ou ceux des partis politiques ont été vivement combattues. À chaque fois qu'il s'agit d'argent et de politique, de beaux esprits nous expliquent que tout va bien et qu'il ne faut rien faire. Voyez les événements récents. Personne ne peut prétendre que le statu quo est acceptable. Je salue la décision de François Hollande. (exclamations ironiques à droite) qui, à partir d'une « cause occasionnelle » - pour reprendre l'expression du père Malebranche citée par M. Collombat - a voulu une grande loi de transparence de la vie politique. À chaque fois, après les réticences initiales, tout le monde a convenu que ces lois étaient nécessaires et personne n'y est revenu.

Je vous invite à tout faire pour contribuer à réconcilier les Français avec la vie politique.

M. Henri de Raincourt.  - Cette loi ne sert à rien !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Je ne partage pas votre défaitisme. La vérité rend libre.

M. Gérard Longuet.  - Vous voulez surtout enterrer l'affaire Cahuzac.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Transparence, contrôle, respect de la vie privée : on sert toujours la République quand on cherche à réconcilier les citoyens avec la chose publique. (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC)

M. Bruno Sido.  - Saint-Sueur !

M. Jean Louis Masson .  - Nous sommes tous victimes de M. Cahuzac. (Applaudissements à droite) M. Hollande aurait mieux fait de régler le problème plutôt que d'embêter les parlementaires en exposant leur vie privée. (Applaudissements à droite)

Je voulais m'abstenir, mais la commission a décidé de faire plaisir à M. Hollande avec la possibilité de faire la publicité du patrimoine personnel des parlementaires. C'est tout à fait scandaleux. Même à l'Assemblée nationale les socialistes avaient fait un pas en arrière. Mais ici on veut toujours en rajouter une couche pour se faire bien voir du président de la République...

On nous explique qu'on ne peut pas autoriser la consultation tout en empêchant la diffusion par voie de presse : c'est un gigantesque mensonge ! Pour l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur la fortune, tous nos concitoyens peuvent aller consulter nos feuilles d'impôt, mais personne n'est passé outre à cause des sanctions. Nous dire que ce même système ne marcherait pas pour les parlementaires, je ne comprends pas. Pour faire plaisir à une presse malsaine qui confond caractère public d'un document et publicité tous azimuts, on veut nous faire voter une disposition qui ne s'impose pas. On n'empêchera jamais des gens d'être malhonnêtes. Publier dans un journal la vie privée des parlementaires et de leurs proches est une honte ! Je ne vois pas où est le progrès de la moralisation de la vie publique. (Applaudissements à droite) De toute façon, un corrompu ne déclarera pas ce qu'il ne veut pas déclarer.

Je voterai contre cette disposition. J'espère qu'un parti aura le courage de saisir le Conseil constitutionnel. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Hyest .  - Comme vient de le dire M. Masson, il faut garder en mémoire les raisons de notre présence ici : c'est l'affaire Cahuzac qui explique la grande farce dans laquelle essaye de nous entraîner le Gouvernement, après le grand déballage de la publication du patrimoine des membres du Gouvernement - qui a donné lieu à toutes sortes de moqueries et de classements loufoques.

Depuis plusieurs mois, le président de la République fait ce qu'il reprochait à son prédécesseur : un problème, un fait divers, une loi. Moi président de la République, j'aurai de la hauteur de vue mais je ne m'occuperai pas de tout, disait-il. Or la philosophie de ce texte, c'est de tenter de faire rejaillir la faute d'un homme sur l'ensemble de la classe politique. (On le confirme à droite) Cela ne s'appelle pas prendre de la hauteur de vue.

Beaucoup de choses ont été dites sur l'affaire Cahuzac et la justice tranchera en définitive. Néanmoins, il est des faits irréfutables : le cynisme et les mensonges de M. Cahuzac qui disait vouloir prendre les mesures « pour faire en sorte que ceux qui abusent des lois et conventions existantes pour s'exonérer de leur juste contribution à l'effort national ne soient plus en mesure de le faire ».

On ne peut pas tout savoir d'un homme et la méprise de François Hollande est pardonnable. Ce qui l'est moins, c'est de faire porter cette faute individuelle sur l'ensemble des hommes politiques. Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu'une forêt qui germe. En effet, ces cas de malhonnêteté sont rares : 51 en 2006 et 49 en 2007 pour des prises illégales d'intérêts qui sont le fait d'une dizaine d'élus sur les 40 000 visés par ce projet de loi.

Les émoluments qu'il est désormais convenu de qualifier de « privilèges » ne sont pas décernés intuitu personae à tel ou tel d'entre nous, ils le sont à tous les parlementaires de la République, pour subventionner des activités d'intérêt général. Faire croire aux Français que nous serions des citoyens privilégiés, jouer ainsi le jeu des politiciens cyniques, c'est jouer contre la République.

Nous n'avons pas attendu l'affaire Cahuzac pour travailler sur la transparence : le rapport Sauvé - un peu compliqué à notre goût - celui de l'Assemblée nationale en 2010 et, faut-il le rappeler, celui du Sénat qui avait fait consensus, afin de prévenir effectivement les conflits d'intérêts chez les parlementaires. Malheureusement, on a agi dans la précipitation sans tenir compte de ces travaux, sans consulter les avocats dont le code de déontologie est très précis. L'engagement de la procédure accélérée sur un texte aussi technique est une absurdité.

Un texte confus, donc, préparé dans la confusion, qui nous oblige à travailler dans des conditions invraisemblables. Le Gouvernement croit rendre les gâteaux plus digestes en nous les présentant bouchée après bouchée. C'était le cas pour le mariage, pour la décentralisation découpée en trois projets de loi ; voici quatre morceaux pour la réforme sur la moralisation de la vie publique : un projet de loi ordinaire, un projet de loi organique, un texte relatif à la fraude fiscale, un sur le procureur financier.

Rappelons quelques faits dans ce débat passionnel : le conflit d'intérêts n'est pas propre à la sphère politique.

M. Henri de Raincourt.  - Exact !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Il est consubstantiel à l'activité humaine, il ne constitue pas un délit. Une réglementation existe sans prévenir les contournements - je vous renvoie à l'affaire Cahuzac. Néanmoins, avec ce texte, vous faites des parlementaires des délinquants potentiels. C'est nourrir la logique du « tous pourris » que vous prétendez combattre. Restons-en à la définition de notre rapport, qui recommandait de ne pas basculer dans le voyeurisme.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Bien sûr !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Pourquoi s'arrêter aux élus ? Et les hauts fonctionnaires ? Et les magistrats ? Bientôt, nous n'aurons plus que des élus hors sol. Ah oui, il sera beau, le Parlement !

Ces textes, contraires à la démocratie, portent atteinte aux libertés fondamentales des citoyens dont, nous, les élus, faisons partie. Le principe d'égalité entre les candidats est bafoué puisque le sortant sera soumis à ces contraintes, à la différence des autres candidats dont le patrimoine et les intérêts ne seront pas encore déclarés. On attente aussi au principe de légalité des délits, qui, fixé à l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, impose qu'une disposition pénale soit rédigée de manière claire et précise. On ne respecte pas non plus la vie privée, pourtant protégée par l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme : les déclarations d'intérêt et de patrimoine imposent la consignation d'un certain nombre d'informations sur la famille du parlementaire et son entourage. Les parlementaires ne sont pas des moines soldats ! On viole également le principe d'équité devant la justice défini par l'article 22 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, même si, avec une grande naïveté, on prévoit de réprimer les dénonciations calomnieuses ou simple divulgations publiques. Comment, quand la consultation sera anonyme ? Les sanctions ne seront pas appliquées.

On va instaurer un contrôle fiscal automatique qui heurte le principe de séparation des pouvoirs posé par l'article XVI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Je m'interroge sur la composition de la Haute autorité qui comprend en majorité des personnes issues du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. Cela n'existe nulle part ailleurs, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, nous l'avons vérifié. J'aimerais, moi, contrôler la probité des membres de cette Haute assemblée.

Je crois à la grandeur de la morale, pas à la moralisation.

M. Gérard Longuet.  - Bonne pour les dames patronnesses ! (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest.  - La promotion Voltaire s'était mise sous le patronage d'un grand défenseur des libertés...

Mieux aurait valu renforcer la déontologie au sein des deux assemblées. Nous voulons tous lutter contre la corruption, personne ne serait assez fou pour nier le phénomène. Lorsque l'un d'entre nous est mis en cause, nous subissons tous l'indignation des concitoyens. En revanche, non à la repentance pour les autres. Ce n'est pas en prenant les citoyens pour des benêts que nous rétablirons la confiance. Avec lucidité, j'affirme qu'il ne faut pas voter ce texte.

La logique de parti s'imposera. J'espère qu'au moins vous aurez la sagesse de prévoir que ce texte ne s'applique pas aux mandats en cours.

Votre majorité reprochait au président Sarkozy son « agitation ». Je constate néanmoins qu'il y a plus d'action dans le mouvement que dans la parole. Vous parlez plus que vous n'agissez, sur la transparence de la vie publique comme sur beaucoup d'autres sujets. (Applaudissements nourris sur les bancs de l'UMP)

Mme Éliane Assassi .  - Le sujet, relancé par l'affaire Cahuzac, n'est pas nouveau : à chaque affaire, et sans remonter à la Garantie foncière de 1971...

M. Gérard Longuet.  - Parlons de Panama ! (Sourires)

Mme Éliane Assassi.  - ... nos concitoyens nourrissent un peu plus de méfiance envers les responsables politiques. D'où les lois de 1972, de 1988 et de 1995 pour moraliser la vie publique. D'où aussi le rapport Sauvé, les travaux de la commission Jospin et le rapport transpartisan du Sénat.

Stupeurs et tremblements, l'affaire Cahuzac, présenté comme un loup solitaire de la fraude fiscale, tombe et le président de la République entend mener une lutte impitoyable contre les conflits d'intérêt et la fraude. Et voilà que l'on publie peu après les déclarations de patrimoine du Gouvernement...

Ces scandales montrent que la Ve République est à bout de souffle.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Exact !

Mme Éliane Assassi.  - Savez-vous que 17 % seulement des Français estiment que les responsables politiques s'occupent des « gens comme eux » ? Véritable crise de confiance qui connaît bien des causes, la première étant sans doute la pédagogie du renoncement. Le fait de ne pas répondre aux attentes sociales est à la source de tout quand le jeu du capitalisme organise la collusion entre mondes politique et financier, conjuguée à un affaiblissement du Parlement.

Une seule solution pour revenir à l'intérêt général : lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. La transparence n'est pas une fin en soi ; Transparency international a raison : elle est une exigence démocratique.

En ce sens, ce texte comporte des avancées, sans aller assez loin. Il aurait fallu encadrer le lobbying ; la commission y a finalement renoncé. La notion de conflit d'intérêts devra être précisée : la définition du rapport Sauvé était meilleure que celle de la commission Jospin.

La nouvelle Haute autorité a besoin de moyens renforcés. Depuis sa création, la commission pour la transparence de la vie publique a contrôlé 10 000 dossiers ou, plutôt, n'a rien contrôlé. « Elle ne sert pratiquement à rien » a dit M. Christian Pierre, qui en a été membre. Donnons à la Haute autorité les pouvoirs dont dispose l'Autorité des marchés financiers ou la Commission de régulation de l'énergie, et un pouvoir d'enjoindre l'administration fiscale.

Je regrette l'absence d'encadrement du lobbying : écouter la société est normal mais ces échanges doivent avoir lieu de manière transparente. « La vérité, c'est d'abord ce que l'homme cache », comme l'a dit Malraux, travaillons à sa manifestation. (Applaudissements sur les bancs CRC et socialistes)

M. François Zocchetto .  - La semaine dernière, la réforme constitutionnelle du Conseil supérieur de la magistrature. Cette semaine, la transparence de la vie politique. En apparence, aucun lien...

M. Charles Revet.  - ... si ce n'est l'affaire Cahuzac !

M. François Zocchetto.  - Le vote du Sénat ne vous convenait pas, monsieur le ministre, vous avez préféré suspendre la réforme du CSM. Quel dommage ! Ce texte-ci est, selon certains, une opération de blanchiment de M. Cahuzac.

M. Charles Revet.  - C'est sans doute vrai !

M. François Zocchetto.  - Mais on ne mentionne pas son nom ni dans l'exposé des motifs ni dans le rapport. M. Sueur a préféré parler de Saint-Louis, de Philippe IV... Nous aurions préféré ne pas agir sous le coup de l'émotion et...

M. Antoine Lefèvre.  - ... de la procédure accélérée !

M. François Zocchetto.  - Déclaration de patrimoine et prévention des conflits d'intérêts sont deux sujets distincts à traiter différemment. Je note, au passage, qu'on a oublié la Charte de déontologie du Gouvernement... (Sourires à droite) Personnellement, je ne vois aucun inconvénient à déclarer mon patrimoine mais à quoi serviront ces déclarations ? Certainement pas au législateur, à la justice ou à nos concitoyens. En revanche, cela permettra de remplir les colonnes de certains journaux sur la fortune de M. le maire ou de Mme la sénatrice. (On renchérit au centre et à droite) Le seul intérêt est de comparer les déclarations à l'entrée et à la sortie du mandat pour vérifier qu'il n'y a pas eu enrichissement frauduleux ; nous présenterons des amendements sur ce point.

Avec des déclarations consultables en préfecture et non publiables, les députés ont créé une machine à fabriquer de la rumeur. M. le rapporteur a supprimé les sanctions mais non l'interdiction de publication.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - L'alinéa est supprimé dans son ensemble.

M. Alain Gournac.  - Tout va mieux, alors ! (Rires ironiques à droite)

M. François Zocchetto.  - Dans ce cas, votez l'amendement que je propose avec M. Mercier : la publication intégrale au Journal officiel. Nous verrons bien si le groupe socialiste nous suivra !

La prévention des conflits d'intérêts appelait une véritable réflexion. Interdire toute activité privée à une personne en charge d'un mandat public aboutirait à la formation d'une caste politique, qui est déjà en germe. La déclaration d'intérêt est la seule solution, le Sénat n'a pas attendu ce texte pour la rendre obligatoire. À quoi doivent ressembler les élus ? Voilà la question. Déjà, la moitié des députés nouvellement élus sont des professionnels de la politique. Voulons-nous l'assemblée de la Monarchie de Juillet ? Pour le coup, il s'agirait vraiment d'une caste !

M. Charles Revet.  - C'est ce que les socialistes veulent.

M. François Zocchetto.  - Si ce tableau vous plaît, fort bien. Allez vers plus d'incompatibilités parlementaires et d'interdiction de cumul des mandats, et vous aurez des assemblées composées d'anciens membres de cabinet, d'apparatchiks et de quelques hauts fonctionnaires. Nous, nous protégeons l'égalité d'accès aux mandats et charges publiques.

Asservir le Parlement est une tentation constante de l'exécutif. Le président de la République y a cédé avec ces deux textes. (Applaudissements à droite et sur certains bancs du centre)

M. Jacques Mézard .  - Clemenceau disait : « Ce que nous dénommons vérité est une accumulation d'erreurs » ! Alors, de grâce, n'en commettez pas une de plus ! Dimanche, monsieur le ministre Vidalies, vous déclariez au journal La Montagne que le vote du Sénat sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature était preuve d'immaturité politique. (Huées sur les bancs à droite) Un texte pris en précipitation après l'affaire Cahuzac, est-ce de la maturité politique ?

Plusieurs voix à droite.  - Non !

M. Jacques Mézard.  - Un éminent membre de mon groupe l'a dit : pour éloigner les projecteurs de Cahuzac, on les braque sur l'ensemble des parlementaires. (Applaudissements à droite) Est-ce une marque de maturité ?

M. Gérard Longuet.  - Non !

M. Jacques Mézard.  - Vous inventez un bien étrange concept : la repentance pour autrui. (Applaudissements à droite)

Alors, que faire ? Donner à une Haute autorité de véritables pouvoirs de contrôle et de sanction. Nous en sommes d'accord à condition que celle-ci soit représentative et ne trahisse pas, une fois de plus, la défiance à l'égard du Parlement.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Nous avons déposé des amendements.

M. Jacques Mézard.  - Curieux retour en séance au nombre de deux personnalités qualifiées.

Que dire aussi du nombre de personnes concernées ? On va jusqu'aux maires des communes de 20 000 habitants. Pourquoi 20 000 ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Nous avons proposé de relever le seuil à 30 000.

M. Jacques Mézard.  - Vous aurez des heures pour prêcher, laissez-moi finir.

Vous avez reculé peu glorieusement quant au fait d'imposer cette déclaration aux membres du Conseil constitutionnel et à tous les magistrats administratifs ou judicaires alors que, la semaine dernière, la garde des Sceaux nous affirmait avec force que les Français ne croyaient plus à leur justice.

Le texte de l'Assemblée nationale conjugue voyeurisme et jésuitisme.

Mme Jacqueline Gourault.  - Alors là !

M. Jean-Michel Baylet.  - C'est grave !

M. Jacques Mézard.  - C'est de l'hypocrisie institutionnelle. On publie ou pas. La commission fait du demi-jésuitisme : il faut qu'un électeur aille en préfecture, on ne sait pas s'il peut réclamer une photocopie mais il peut communiquer comme il l'entend.

Pour justifier ce projet de loi, vous reprenez cette antienne antiparlementariste des périodes de crise : « Tous pourris ». Vous vous dites : « Voyez, les sondages ils l'affirment. » Croyez-vous sérieusement que votre texte hypocrite aura un impact sur l'opinion à laquelle vous êtes soumis ?

Lorsque des élus faillent à leurs devoirs, transgressent la loi, nous avons déjà un arsenal juridique considérable pour les condamner ; encore faut-il donner à la justice les moyens humains et financiers d'instruire les dossiers dans des délais suffisamment rapides. Hier, le tribunal de Paris a relaxé les prévenus du programme « Pétrole contre nourriture » après huit ans. Peu importe à la presse qui n'en dira mot après avoir traîné des réputations dans la boue durant des années.

Il faut trier le bon grain de l'ivraie, distinguer la fraude, l'enrichissement, la corruption, des poursuites pénales engagées souvent à l'aveugle contre des élus ou des fonctionnaires poursuivis à titre personnel dans l'exercice de leurs fonctions mais l'opinion publique ne fait pas la différence et c'est injuste.

Que chacun balaie devant sa porte. Ce projet de loi est une réaction à l'affaire Cahuzac. C'est un des vôtres ! (« Oh ! » sur les bancs socialistes) Évitez de nous donner des leçons de morale de la direction de votre parti. Je regrette que vous soyez dans la contradiction, dans le « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Le rapporteur à l'Assemblée nationale, nouveau député de Haute-Garonne, après avoir démissionné de la région Ile-de-France ne devrait-il pas rapporter un texte sur le parachutage. La ministre de la réforme de l'État prône le non-cumul des mandats horizontaux pour que d'éminentes personnalités socialistes puissent cumuler mairie de grande ville et présidence de métropole : est-ce exemplaire ?

Pourquoi ne pas interdire à des maires de grandes villes d'être membres appointés de cabinets ministériels ? N'êtes-vous pas en contradiction avec vos propos ? Que dire des assistants parlementaires rémunérés par des lobbies ?

Notre groupe estime qu'être élu est un honneur. C'est le suffrage universel qui donne la légitimité d'agir. À cet honneur correspondent des devoirs, dont celui de se montrer digne de la fonction occupée. Les incompatibilités sont un garde-fou mis en oeuvre par la IIIe République, dans le respect de la séparation des pouvoirs, comme l'a bien expliqué Eugène Pierre dans son Traité de droit politique. C'est le moyen de garantir l'indépendance des élus vis-à-vis des tentations et des pressions extérieures. Nous avons salué le travail de la commission Sauvé. Notre groupe n'a pas attendu l'affaire Cahuzac pour réagir. Depuis un an, nous avons déposé six propositions de loi mais aucun de ces textes n'a attiré l'attention du Gouvernement. Vous voulez faire du Parlement une assemblée de professionnels et du Sénat une réplique de l'Assemblée nationale pour corriger l'anomalie qui insupportait Lionel Jospin. Supprimez le bicamérisme, alors ! Ce projet de loi n'est qu'un communiqué de presse car il lui manque la réflexion. Aucun membre du RDSE ne le votera.

Sous le pompeux éclat d'une austère grimace,

Vous voulez que partout on soit fait comme lui

Et qu'aucun vrai dévot ne se trouve aujourd'hui.

Laissez aux libertins ces sottes conséquences.

Démêlez la vertu d'avec ses apparences

Ne hasardez jamais votre estime trop tôt.

Vous aurez reconnu le Tartuffe de Molière. (Vifs applaudissements sur les bancs du RDSE, UDI-UC et à droite)

M. Henri de Raincourt.  - C'est la curée !

présidence de M. Didier Guillaume,vice-président

Mme Hélène Lipietz .  - Un seul élu manque et tous sont mis à nu, telle pourrait être la leçon de ces derniers mois. Le désamour des Françaises et des Français à notre égard est-il dû à la seule affaire « C » ? Ce bouc-émissaire est-il responsable de tous nos maux ? Cette affaire n'est qu'un pâle reflet de toutes les affaires passées, dont le récit nous a été transmis : le roi David qui envoya Uri à la guerre pour lutiner Bethsabée, Verrès pillant la Sicile jusqu'à ce que Cicéron, premier journaliste d'investigation ne le dénonce, le troisième calife de l'empire Ottoman renversé par une révolution de Palais, le décret du 14 mai 1793 rendant les députés comptables à la nation de l'état de leur fortune alors que Danton ne fut pas un Saint ...Just ! Et que dire du rôle des journaux sous la IIIe République, le trafic des décorations par le gendre de Grévy, le scandale de Panama, sous la IVe République le trafic des piastres. Et la Ve République connut aussi escrocs et magouilleurs.

Mais si notre économie est si mal en point, n'est-ce pas parce que les banquiers ont proposé des emprunts sans aucune valeur ? Et la fraude aux impôts n'est-elle pas le sport national français ? Il y a des pourris parmi les politiques, mais tous ne le sont pas. Pourquoi cette loi sur « l'opaque transparence descendue d'un scandale » pour parodier Le Cid ? Peut-être parce que les politiques successives de droite et de gauche se révèlent incapables d'endiguer la crise économique et le chômage.

M. Charles Revet.  - On veut cacher la réalité.

Mme Hélène Lipietz.  - Nous autres politiques, y compris les écologistes nous participons à ce désamour des Français à notre égard. Quatre-vingt pour cent de nos concitoyens considèrent que nous sommes corrompus et nous sommes d'accord avec cette défiance en instaurant une présomption de suspicion.

Fallait-il aller si loin dans cette défiance à l'égard de 7 000 personnes ? Une fois ce grand déballage engagé, il est impossible de reculer. Si nous ne le votons pas, nous serons soupçonnés d'avoir des choses à cacher. (On le dénie à droite) Nous allons devoir nous mettre à nu. (Exclamations sur les mêmes bancs) Reste à savoir comment présenter cela. Il aurait fallu prendre le temps de réfléchir à la question : comment empêcher le pouvoir de corrompre ? Plus que le patrimoine de l'élu, n'est-ce pas la différence de patrimoine entre le début et la fin de mandat qui importe ?

Lorsque j'ai publié mon patrimoine, la seule réaction que cela a suscité, c'est la suggestion de souscrire une assurance-vie pour échapper aux droits de succession !

Nos concitoyens veulent que nous donnions l'exemple en faisant ce qu'ils ne font pas. L'évasion fiscale n'est pas donnée à tout le monde. Les concitoyens qui nous estiment corrompus sont les premiers à apporter leurs suffrages à ceux qui ont été déjà condamnés, sans s'interroger sur le message qu'ils envoient aux élus honnêtes. L'onction démocratique fonctionne comme une amnistie, une amnésie.

Non, les écologistes n'aiment pas nager en eaux troubles, mais ils n'aiment pas laver plus blanc que vert. Ils portent ici des amendements pour moins d'opacité. Comment faire de la peine à un groupe ou à une société amie ? Les conflits d'intérêts doivent donc être déclarés comme au Conseil de l'Europe.

Des assistants parlementaires ne doivent pas être mis à disposition par des lobbies ; il faut leur donner un statut et une convention collective.

Des chartes de déontologie doivent être mises en oeuvre par tous les pouvoirs, y compris le quatrième.

Enfin nous considérons que les élus doivent être sanctionnés par leurs pairs et que les brebis galeuses soient ainsi chassées. Nous aurions voulu une inéligibilité définitive mais c'eût été un signe fâcheux pour nos concitoyens condamnés. Nous savons être magnanimes et le peuple est souverain. (Applaudissements sur les bancs écologistes, du CRC ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit aussi)

M. Alain Anziani .  - Depuis deux heures, nous avons entendu des interventions brillantes et beaucoup d'entre elles visent à ébranler la majorité, le Gouvernement, et, en réalité, le Sénat même. (On ironise à droite)

Pourquoi une telle véhémence alors qu'il s'agit de rétablir la confiance entre nous et les citoyens ? Ce que j'entends c'est de la défiance des parlementaires à l'égard de nos concitoyens.

Il s'agit d'un texte de circonstance, c'est vrai. Mais les autres textes de moralisation de la vie publique l'ont été tout autant. Après le scandale de la Garantie foncière en 1971, un an plus tard, a été votée une loi. Nous avons tous vécu des années difficiles sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales. Nous sommes désormais exemplaires en la matière. Ce qu'on appelle l'affaire Woerth et Bettencourt avait poussé le gouvernement Fillon à proposer un projet de loi sur la déontologie. Dans l'exposé des motifs, on pouvait lire que la confiance dans les responsables politiques est au fondement même de la République. Nous sommes d'accord. Ce texte prévoyait une déclaration d'activités et d'intérêts, une autorité de la déontologie... Il est resté dans les tiroirs, nous reprenons ce chantier.

Finalement, François Hollande a été le seul à s'intéresser au sujet avant tout scandale en demandant à ses ministres de signer une charte de déontologie. (Exclamations à droite) La réalité l'a rattrapé avec le mensonge de Jérôme Cahuzac que nous avons tous condamné. N'importe, demain, il y aura l'affaire Karachi et un autre texte sera voté.

M. Henri de Raincourt.  - Ne vous avancez pas !

M. Alain Anziani.  - Nous supportons mal les soupçons qui nous frappent, ces rumeurs selon lesquelles nous sommes trop payés, corrompus, absents. Il y a deux solutions : soit hausser les épaules, soit légiférer. En 2011, un sondage a établi que 72 % des personnes interrogées estimaient que les hommes politiques étaient corrompus. (Exclamations à droite) Les conflits d'intérêts existent. Voyez l'affaire du Mediator au Sénat : le laboratoire Servier est venu ici corriger le rapport, une ancienne sénatrice a été mise en examen. À l'Assemblée nationale, le rapport sur les conflits d'intérêt et la déontologie relève que beaucoup de collaborateurs parlementaires sont payés par des sociétés qui font du lobbying. Enfin, comment accepter qu'un parlementaire perçoive vingt fois plus au titre de la réserve, dans son département ?

Que fait-on ? On se dote d'outils, comme, par exemple, le renforcement des incompatibilités pour éviter que des parlementaires vendent leurs conseils. Nos déclarations d'intérêts figurent déjà sur le site du Sénat. La première année, 40 000 consultations, depuis 4 000. La curiosité s'est émoussée...

Un pas supplémentaire est fait avec la déclaration publique de patrimoine. Faut-il le refuser, alors que les membres du Gouvernement y sont soumis ? (Exclamations indignées à droite)

M. Éric Doligé.  - Ils ont déclaré des vélos, quelle blague !

M. Alain Anziani.  - Je n'ai pas vu de membre du Gouvernement perturbé par ces publications. Avec M. Sueur, nous avons estimé que la transparence ne devait pas être en demi-teinte. D'où la suppression de l'interdiction de divulguer. Certains veulent maintenir les sanctions, mais vont-ils poursuivre les quotidiens régionaux qui publieront leur patrimoine ? S'ils le font, je leur souhaite bien du plaisir, car les articles vont se multiplier et si leur plainte prospère je ne suis pas sûr qu'ils aient gain de cause au tribunal.

Ce texte aurait été imposé par le président de la République, disent certains. Nous n'avons pas à donner des leçons de morale, avancent d'autres. C'est la réalité qui nous impose ce texte. Nous voulons rétablir le lien de confiance entre nous et les électeurs.

M. Charles Revet.  - Vous l'avez détruit !

M. Alain Anziani.  - Le délitement de la confiance ne profite à aucun des groupes ici présents mais à celui qui, à l'extérieur, compte les points avec gourmandise.

M. Charles Revet.  - Vous faites tout pour qu'il en soit ainsi !

M. Alain Anziani.  - Si ces textes sont rejetés, l'opinion dira : ils ont beaucoup à cacher ! (Protestations à droite) Et ils ajouteront : décidément les sénateurs ne veulent rien savoir. C'est ce sur quoi je voulais attirer votre attention, sur ce qui est en jeu avec ces textes. (Applaudissements à gauche et sur les bancs écologistes)

M. Jean-Claude Lenoir .  - (Applaudissements à droite) Je m'exprimerai en sénateur en disant que j'ai quelques réserves envers ce texte, pour justifier mon entière opposition... Je suis réservé, d'abord par rapport aux circonstances. Tout part du mensonge d'un ministre du budget qui a nié devant le président de la République, le Premier ministre et l'Assemblée nationale détenir un compte en banque en Suisse. Le Gouvernement; inspiré par un président qui exerça sa charge de 1981 à 1995, décida de faire diversion. Avant Molière et Tartuffe, il y a eu Machiavel qui apprend dans Le Prince à détourner l'attention. Le Gouvernement était atteint par un séisme politique.

Les parlementaires servent de diversion, ils seraient responsables des dysfonctionnements et des mensonges dénoncés. Certes, le Gouvernement a péché par naïveté, par légèreté, mais d'après ce que j'ai entendu dire ici, c'est contagieux. Comment imaginer que ce dispositif aurait empêché M. Cahuzac de mentir ? Comment peut-on être naïf à ce point ?

Ma deuxième réserve porte sur la méthode qui consiste à jeter l'opprobre sur tous les parlementaires. Chaque scandale a suscité une loi, avez-vous dit. Non, les électeurs ont souvent tranché. Rappelez-vous Clemenceau après l'affaire de Panama ! Et l'affaire Stavisky ! Souvenez-vous de la foule, dont la colère était avivée par la lecture de Rivarol, affluant place de la Concorde le 6 février 1934 !

Dans l'histoire parlementaire, un seul député a été condamné : André Rives-Henry en 1974.

Vous êtes responsables d'avoir ouvert un débat sans fin. Croyez-vous que l'opinion se contentera de cette loi ? Si on est contre c'est qu'on a quelque chose à cacher avez-vous dit !

M. Alain Anziani.  - C'est l'opinion qui le dira !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Nous sommes tous désormais des pénitents, qui devrions aller la tête couverte de cendres, accompagnés de flagellants qui trouvent matière à aller plus loin et plus vite.

Enfin, immense réserve sur l'objectif et les résultats. Il existe des règles concernant notre patrimoine. On a l'impression que tout est à créer, en vous entendant. Le but, n'est pas de caresser l'opinion dans le sens du poil.

Allez-vous sanctionner des parlementaires qui auraient renié leur vote ? (Exclamations à gauche) Allez-vous devoir empêcher un élu de se prononcer sur un dossier qu'il connaît par son expérience professionnelle ?

Que veut-on ? La majorité veut des élus hors-sol, élevés sous serre, sans activité professionnelle - médecin, agriculteur ! - sans attache territoriale parce que la défense du département est condamnable.

Nous sommes franchement hostiles à ce que vous proposez. Aucune loi n'empêchera quelqu'un de mentir, aucune règle ne suffira.

M. Alain Anziani.  - Supprimez le code pénal !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Nous devons être dignes de l'honneur que nous font ceux qui nous ont élus. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Tasca .  - Ces projets de loi sont des textes hautement symboliques, car ils traitent de la transparence mais ils sont aussi pragmatiques, pour répondre à l'objectif du président de la République de construire une République exemplaire.

M. Éric Doligé.  - Qu'il donne l'exemple, alors !

Mme Catherine Tasca.  - La transparence est une idée ancienne. Si l'affaire Cahuzac a amené le Gouvernement à présenter ces projets de loi, ces avancées sont reconnues de longue date. Le but est de restaurer la crédibilité des politiques auprès des concitoyens. Il y a injustice dans le sort qui nous est fait aujourd'hui, mais nous devons montrer l'exemplarité des élus de la République. Nous ne pouvons rester sourds à la défiance de nos concitoyens.

Ces projets de loi vont nous permettre de combler un certain retard, grâce à des avancées concrètes et consistantes, avec la déclaration des parlementaires, la création de la Haute autorité et de nouvelles incompatibilités.

La déontologie devient un sujet de première importance. Le Sénat s'est montré précurseur en créant, sous la précédente majorité, un comité de déontologie dès 2009. Le choix de Robert Badinter comme Premier président marquait une haute exigence éthique. Ce comité, depuis l'élection de M. Bel, compte désormais six membres, un pour chaque groupe politique afin d'avoir une approche collective de la déontologie. Ce comité a adopté des règles relatives aux invitations et aux cadeaux et depuis l'été 2012, ces dispositions sont publiques.

Récemment, nous nous sommes réunis pour traiter de la situation des parlementaires au regard de ces projets de loi. La Haute autorité et le Bureau des assemblées devront travailler ensemble, et le comité de déontologie devra continuer à exercer ses compétences, notamment en matière de conflit d'intérêts. J'ai d'ailleurs proposé des amendements en ce sens, notamment pour rendre l'existence de ce comité légal et l'inscrire directement dans l'ordonnance du 17 novembre 1958.

La consécration légale de ces comités constitue une avancée pour nos assemblées parlementaires et donc pour la démocratie.

L'article 2 bis confère au Bureau de chaque assemblée le pouvoir de définir des règles en matière de prévention de conflits d'intérêts.

Nous avons prévu que le Bureau de chaque assemblée puisse être informé des observations des concitoyens auprès de la Haute autorité.

Ces projets de loi permettront de renforcer les obligations de transparence et d'exemplarité qui incombent à tous les élus de la République. Ces textes sont susceptibles de donner un nouvel élan à notre démocratie. Notre République se doit d'être exemplaire. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Roche .  - Moralité et dignité, voilà les deux mots qui doivent guider nos débats. Moralité car toute la classe politique a été éclaboussée par les récents scandales. Charge à nous d'être exemplaires car, comme le dit un proverbe villageois, « quand on a un trou au pantalon, on ne monte pas au mât de cocagne ! » (Rires) Dignité aussi car la moralisation doit être collective et se mener dans la dignité, avec sang-froid, non pas dans un déballage qui régalerait les ennemis de la démocratie et les boulimiques du sensationnel. Je ne crois pas aux trompettistes solistes de la transparence.

Le Gouvernement et sa majorité sont au pied du mur : soit nos amendements pour moraliser la vie publique sans encourager la formation d'une classe politique détachée du terrain sont reçus...

M. Claude Haut.  - Il ne faut pas rêver !

M. Gérard Roche.  - ... soit ils sont rejetés et cette loi ne sera qu'une tartufferie, vous l'avez dit, monsieur Mézard. En voulant revêtir le manteau de la vertu, nous nous serons couverts de celui, moins glorieux, de l'opprobre ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Yves Leconte .  - Reconnaissons que chaque loi de moralisation de la vie publique est venue après un scandale. Dénoncer la décision du Conseil constitutionnel sur les comptes de campagnes de Nicolas Sarkozy, en parler comme d'un scandale démocratique est inadéquat et impropre.

M. Charles Revet.  - Quel est le rapport ?

M. Jean-Yves Leconte.  - Comme entendre l'ancien président de la République dire qu'il démissionne pour retrouver sa liberté de parole... Comme s'il l'avait jamais perdue ! Comme si un membre de droit du Conseil constitutionnel pouvait en démissionner !

Mais revenons à nos moutons... La République exemplaire, c'est la justice qui passe dans toutes les affaires sans l'intervention du pouvoir politique - je regrette que la réforme du CSM n'ait pas abouti.

M. Charles Revet.  - Encore une fois, hors sujet !

M. Jean-Yves Leconte.  - La République exemplaire, c'est la publication du patrimoine des ministres. Le présent texte est dans cette continuité, dans celle aussi des travaux de la commission Jospin. Un ministre du budget socialiste mis en examen pour fraude fiscale : cela nous a pétrifiés. Comment cela a-t-il été rendu possible ? Nous devons nous interroger.

M. Charles Revet.  - Interrogez-vous !

M. Jean-Yves Leconte.  - C'est ce que je suis en train de faire ! Si le mensonge d'un homme a eu de tels effets, c'est que la défiance dans la classe politique est grande et qu'on ne peut la balayer d'un revers de main. La transparence est une urgence absolue : répondons au soupçon par la preuve. Dépositaire d'un mandat public, nous avons un devoir d'exemplarité. Ce sera la meilleure façon de tordre le cou à tous les fantasmes. L'engagement public est un engagement personnel qui ne doit pas avoir d'effets déraisonnables sur les proches. Ce texte répond à cette exigence de manière équilibrée.

M. Gérard Longuet.  - Vous y croyez vraiment ?

M. Jean-Yves Leconte.  - Si nous refusons la dictature des réseaux sociaux, nous devons nous y adapter pour être en mesure d'être écoutés et entendus. Laisser un parlementaire revenir à son métier est crucial : sans cela, on renforcera les inégalités devant le mandat public entre fonctionnaires, salariés du privé et professions libérales. Là encore, le texte est équilibré.

Le problème du statut de nos collaborateurs est aussi posé ; je défendrai un amendement sur ce thème.

Le parlementaire est contraint, encore et toujours ; cela interroge sur la réalité de notre pouvoir à agir. Et parallèlement la politique est en crise. Si nous voulons que le changement soit maintenant, que la politique puisse agir sur le réel, avançons vers la VIe République : chaque ministre devrait par exemple être responsable devant le Parlement, les nominations dans la haute administration approuvées par les commissions du Parlement à la majorité positive des trois cinquièmes...

La mobilisation de tous pour le redressement passe par la confiance et la confiance passe par l'exemple et l'exemplarité. La décentralisation appelle une profonde réforme qui lie transfert des compétences et capacité de lever l'impôt.

Nous sommes loin de la transparence...

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Jean-Yves Leconte.  - ... mais j'ai la conviction qu'elle est un moyen pour redonner du sens à la politique et à sa capacité à agir. Le groupe socialiste votera ce texte. J'apprécie la diversité du groupe RDSE ; je regrette que son président soit allé trop loin en évoquant Tartuffe. (Exclamations à droite)

M. Jean-Claude Gaudin.  - C'est nul !

M. Gérard Longuet.  - Chantage !

M. Alain Vidalies, ministre délégué .  - À messieurs Hyest et Lenoir : vous auriez dû m'écouter, j'ai dit et redit que ce texte avait un lien évident avec l'affaire Cahuzac. Ne revenons pas sur un débat inutile... Une situation nouvelle ? Ce texte, comme d'autres avant lui, intervient après un événement. La grande différence avec ce qui s'est passé sous l'ancienne majorité, c'est que le texte de M. Sauvadet, préparé après l'affaire Woerth, n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour. Ouvrir le débat sans discuter du fond, n'est-ce pas vouloir sauver les apparences ? J'ajoute que, contrairement à ce que vous avez fait avec la commission d'enquête sur les sondages de l'Elysée, nous n'avons pas refusé celle demandée à l'Assemblée nationale sur l'affaire Cahuzac.

Monsieur Hyest, l'article 135-1 du code électoral issu de la loi du 14 avril 2011 sanctionne déjà l'omission de déclaration ; chacun en reconnaîtra la paternité. Vous avez tracé deux pistes, l'application au mandat en cours et la protection de la vie privée ; comme je l'ai dit, il faut arbitrer entre deux exigences de même valeur. Le Gouvernement est attaché à une solution qui évite la publicité tous azimuts. Nous en reparlerons.

Mme Assassi a rappelé une terrible réalité : trois sondages récents confirment que 85 % des Français considèrent que les élus et les parlementaires sont corrompus. Dire qu'ils ont tort, qu'ils ont été anesthésiés par la presse, recourir à la méthode Coué en disant que tout cela n'est pas grave, c'est alimenter le fonds de commerce de l'extrême droite. (M. Charles Revet s'exclame) Nous rediscuterons du lobbying ; le Gouvernement, par respect du principe de séparation des pouvoirs s'en remettra à la sagesse du Parlement. Même chose sur les collaborateurs parlementaires.

Monsieur Zocchetto, nous sommes ouverts à la discussion : le Gouvernement prendra sa part dans les débats pour enrichir le texte dans le sens que vous souhaitez.

Monsieur Mézard, comme vous l'avez dit, nous avons un désaccord de fond sur une question de fond - qui empêche tout dialogue. Je n'ai entendu dans vos propos aucune ouverture, malgré votre appel final au consensus.

M. Gérard Longuet.  - M. Mézard a été brillant !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Mme Lipietz et M. Anziani ont bien vu la question essentielle : celle du lien de confiance entre l'élu et le citoyen. Monsieur Lenoir, il n'y a pas et il n'y aura pas d'obligation de déport pour les parlementaires.

M. Jean-Claude Lenoir.  - On y arrivera !

M. Charles Revet.  - On a quand même le droit de se poser des questions !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Ce serait d'ailleurs inconstitutionnel, Que cela soit clair.

Madame Tasca, la priorité accordée au Bureau des assemblées est effectivement une réalité de ce texte. Monsieur Roche, aucune prise de position partisane dans ce texte ; le débat est ouvert.

Enfin, merci à M. Leconte pour ces utiles comparaisons internationales. Vous voulez une VIe République, soit. À chaque jour suffit sa peine.

La discussion générale commune est close.

M. le président.  - Avec une pensée pour notre regretté collègue Jean-Louis Lorrain, je souhaite la bienvenue à Mme Françoise Boog, nouvelle sénatrice du Haut-Rhin. (Applaudissements)

Exception d'irrecevabilité sur le projet de loi organique

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique (n° 723, 2012-2013).

M. Gérard Longuet .  - J'espère que notre jeune collègue trouvera dans la vie parlementaire les satisfactions que j'y ai trouvées... Voyez-vous, j'aime le Parlement et la vie parlementaire ; je considère que les élus ne méritent pas l'injustice qui leur est faite.

Le Gouvernement, confronté, je le concède, à une situation impossible et accidentelle, a en quelque sorte transféré sur la classe politique les conséquences d'un choix que les hautes autorités de l'État n'auraient pas dû faire.

Ce texte mérite l'attention parce qu'il pose deux questions. La première, qui nous vient du droit anglo-saxon, est celle du conflit d'intérêts ; une préoccupation permanente dans le secteur privé où les banquiers expliquent dresser des murailles de Chine pour le prévenir. On peut s'interroger sur son application à la vie parlementaire et sa confusion avec la prise illégale d'intérêt, voire le trafic d'influence et la corruption. Vous avez dans la précipitation construit un monstre juridique, hélas dans la continuité des lois de 1988 et 1995, qui doit être regardé à la lumière de l'article 25 de la Constitution.

La deuxième, grave et sérieuse, c'est celle du statut professionnel des parlementaires. Des députés hors sol, élevés sous serre, vivant sous transfusion des partis, voilà le tableau qu'esquissait M. Lenoir avec humour. La force du Parlement, c'est sa diversité de personnalités, de professions, de carrières. Toutes ne se ressemblent pas, certains ont été médecins, avocats - les médailles de nos illustres prédécesseurs dans l'hémicycle en témoignent - d'autres se consacrent exclusivement à la vie politique.

Le Parlement n'a pas à recevoir des leçons de morale de l'extérieur. Quatre-vingt de nos membres ont refusé les pleins pouvoirs à Pétain, un seul magistrat a refusé de lui prêter serment... Alors, pourquoi cette Haute autorité ? Jacques Larcher, rapporteur de la loi de 1988 - loi que je n'ai pas votée si j'ai approuvé celle de 1989 - le disait déjà. Votre système est diabolique. L'Autorité, qui ne sera pas simple greffière, pourra interroger, apprécier, saisir le parquet des faiblesses, des oublis, des erreurs des élus mais aussi, c'est invraisemblables, de leurs proches. Et je ne parle pas des procédures, qui sont particulièrement choquantes.

Cela est particulièrement choquant au regard de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789 : pas plus de droit de la défense que de séparation des pouvoirs. Les parlementaires seront sous une menace permanente, celle de la mise en accusation. Les électeurs pourront consulter les déclarations de patrimoine en préfecture agrémentées des appréciations de la Haute autorité. Celle-ci sera, comme les autres, peuplée, non de saints, mais d'hommes et de femmes avec leurs convictions et leurs passions. Je pense à un ancien secrétaire de la Commission pour la transparence financière, qui fut membre du Conseil d'État et quitta le Gouvernement à mon arrivée et au succès de son livre nourri de ses activités au sein de ladite commission... C'est la voie ouverte à l'organisation du conflit public, c'est donner des munitions à ceux qui font fortune sur le goût de nos compatriotes pour le chamboule-tout des institutions.

Les dispositions sur les incompatibilités parlementaires contreviennent aux articles 4 - liberté d'entreprendre - et 6 de la Déclaration des droits de l'homme, n'est-ce pas monsieur Zocchetto. Interdire à un parlementaire d'exercer une nouvelle activité est absurde et inconstitutionnel. M. About est entré à l'Assemblée nationale médecin et sorti du Sénat juriste. De quel droit l'en empêcher ? Mme Parisot a été présidente du Syntec ; le conseil est une activité honorable, qui emploie 150 000 salariés et contribue à notre balance commerciale. Ceux qui exercent cette activité sont-ils des pestiférés ? Cela doit rester de l'appréciation des Bureaux des assemblées. Sans quoi, vous appauvrirez la représentation de la population française.

La démonstration est la même sur l'exposition des proches : c'est contraire à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme qui traite de sûreté et de sécurité. Le débat se déplacera sur le patrimoine, et non les convictions politiques. On écartera de la vie publique locale des personnalités de talent qui ne voudront pas voir leur famille exposée à l'intérêt, aux moqueries, à la jalousie voire à la cruauté. J'ajoute que les sortants seront dans une situation d'inégalité avec leurs concurrents qui ne seront pas soumis, eux, aux obligations de déclaration.

La classe politique paie une faute qu'elle n'a pas commise. Veut-on laisser la vie politique aux seuls professionnels du sérail ? (Applaudissements à droite)

M. Gaëtan Gorce .  - J'ai cherché les arguments de droit à l'écoute de M. Longuet. Je n'ai pas été déçu : un surcroît de transparence menace rien de moins que la Constitution et l'équilibre de nos institutions. Nous avons entendu une vieille rengaine, on en fait trop, on va trop loin. Ce sont toujours ceux qui s'opposent aux évolutions qui reprochent ensuite à ceux qui les provoquent de franchir un trop grand pas... Si des avancées avaient été faites dans le prolongement des efforts passés, nous ne serions pas aujourd'hui à débattre de l'opportunité d'organiser la publicité... La droite a toujours refusé ce qu'ont proposé les socialistes au cours de leurs deux mandats d'opposition le renforcement de la Commission de la transparence. Alors le doute et le soupçon se sont installés. Où sont les responsabilités ?

M. Longuet, qui a occupé d'éminentes fonctions ministérielles, parlementaires, régionales et locales, a pris la défense des pharmaciens, des avocats et des apothicaires...

M. Gérard Longuet.  - Vous oubliez les consultants ?

M. Henri de Raincourt.  - Quel mépris !

M. Gaëtan Gorce.  - J'ai la faiblesse de croire qu'être élu du peuple est un honneur suffisamment grand pour qu'on accepte des petites concessions à l'amour-propre et aux secrets de famille... Tartufferies ? Comment l'esprit public s'est-il dégradé ? Les responsabilités sont sans doute partagées, mais c'est l'ancienne majorité qui a mis en cause la justice et jeté l'opprobre public sur un juge. Qui conteste le Conseil constitutionnel ? Qui a accepté qu'un ministre du budget - je ne mets pas en cause son honnêteté - soit en même temps trésorier du principal parti de la majorité et chargé de son financement ...

M. Gérard Longuet.  - Vous parlez d'Emmanuelli ?

M. Jean-Claude Gaudin.  - Venez dans les Bouches-du-Rhône !

M. Gaëtan Gorce.  - Alors, ne nous dites pas que cette loi affaiblira la République. Ne dites pas qu'elle bouleversera les équilibres entre Parlement et exécutif, qu'elle livrera la politique à des professionnels sans âme ni talent. Cette loi de bon sens, de justice et de clarté mérite d'être votée ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - M. Longuet, malgré son talent, n'a pas réussi à démontrer l'inconstitutionnalité de cette loi qui restera, comme celles sur le financement de la vie politique et des campagnes électorales, une grande loi.

M. Henri de Raincourt.  - N'allez pas trop vite en besogne !

M. Charles Revet.  - Comme toutes les lois que vous nous présentez !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - En regardant les informations relatives à la campagne de Nicolas Sarkozy défiler sur les écrans, je m'interrogeais : qui a nommé les membres du Conseil constitutionnel ? Qui est responsable de ce qui s'est passé ? Tout le monde le sait... Si personne ne peut se réjouir de l'affaire Cahuzac, retrouvons-nous autour de ce texte ou, du moins, du rejet de cette motion.

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Merci pour votre franchise, monsieur Longuet. Si j'ai bien compris, vous regrettez d'avoir été associé à des législations qui ont confié des pouvoirs de contrôle des parlementaires à une Haute autorité.

M. Gérard Longuet.  - Ce n'était qu'un petit comité.

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - En regrettant l'existence de cette commission, vous revenez sur la position du groupe UMP depuis 25 ans. Je marque une certaine surprise sur cet angle d'attaque.

J'ai peut-être mal compris, mais j'ai cru entendre que, selon vous, les sanctions prises par la Haute autorité seraient dépourvues de possibilité de recours. Le signalement qu'elle ferait n'est pas une innovation juridique, puisqu'il s'agit de l'article 40 du code de procédure pénale, à savoir le signalement au parquet. Seul le juge tranche. Les droits de l'homme seront donc respectés.

Bref, je ne vois rien qui justifie une exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Le scrutin public est de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption 168
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable sur le projet de loi organique

M. le président.  - Motion n°2, présentée par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique (n° 723, 2012-2013).

M. Philippe Bas .  - Je suis heureux de vous présenter cette motion...

M. Jean-Pierre Michel.  - Bis repetita placent.

M. Philippe Bas.  - ... car il faut se donner le temps de parvenir à un consensus sur le fonctionnement de notre démocratie. Les parlementaires devraient parvenir à un accord sur un texte de cette nature. Nous voulons que la transparence et la déontologie progressent.

Ce texte comporte des excès, des erreurs, des risques inutiles. L'amender en profondeur ? Pourquoi pas, si c'était possible. Nos discussions en commission des lois n'ont pas permis de rapprocher les points de vue. Il faudrait plus de temps. Il n'y a pas motif d'urgence : le Gouvernement et sa majorité doivent se donner toutes les chances de parvenir à un bon accord, qui serait assez facile à obtenir, car nous ne partons pas de rien. Vous connaissez tous l'excellent rapport de M. Jean-Jacques Hyest. Pourquoi à partir de cet accord politique ne pas proposer un texte faisant consensus ? Je vous présente cette motion dans l'espoir d'atteindre ce résultat.

La loi de 1988 n'avait pas été adoptée par les groupes CRC et socialiste de l'époque, alors que tout le monde se félicite de cette loi aujourd'hui, eux les premiers.

M. Gérard Longuet.  - Il est bon de le rappeler.

M. Philippe Bas.  - Rares ont été les enrichissements douteux des parlementaires, qui sont honnêtes dans leur immense majorité. Certains estiment que la commission n'avait pas assez de pouvoir pour débusquer les brebis galeuses. Je veux bien qu'elle change de nom mais il ne me paraît pas anormal que les parlementaire ne fraudent ni ne prennent des intérêts illégaux : nous ne passons pas de contrats ni ne recrutons des agents publics. Nous prenons des décisions collégiales, un point c'est tout. Il est plus fréquent que l'on s'interroge sur la situation de tel ou tel ministre, surtout s'il lutte contre la fraude fiscale.

Le contrôle de l'enrichissement de l'élu entre deux déclarations est possible, en se fondant sur le rapport Hyest.

Nous devons démontrer que nous délibérons en fonction de nos convictions et de l'idée que nous nous faisons de l'intérêt général. Nous ne pouvons nous contenter de proclamer notre probité, nous devons en donner toutes les garanties utiles ; nous sommes prêts à le faire. Nos réserves ne portent pas sur le fait de faire progresser le contrôle d'un éventuel enrichissement des élus, mais sur l'idée que nous nous en faisons, compte tenu du déplacement de l'équilibre trouvé dans le rapport Hyest vers un déséquilibre. Les parlementaires doivent avoir les droits et les libertés de tout un chacun.

Compte tenu des véritables raisons qui discréditent l'action publique, remettons l'ouvrage sur le métier. Le 3 mars, le président de la République a prétendu refermer le dossier Cahuzac en changeant de terrain.  (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - La justice suit son cours.

M. Philippe Bas.  - Comment imaginer qu'avec votre texte un nouveau Jérôme Cahuzac rende publics des dépôts illicites à l'étranger ? Vous n'êtes pas si naïfs ! Nous ne sommes pas dupes des intentions politiques à peine cachées derrière ce texte.

Je déplore en outre que nous n'ayez pas recherché par des discussions approfondies, des solutions sur la déontologie. Enfin, la publicité des déclarations ne sert à rien sauf à faire plaisir à certaines organisations politiciennes qui feront campagne sur les revenus des élus. Je reprends à mon compte l'excellente qualification de tartufferie.

Que faites-vous aussi des tiers ? Les parents, les enfants notamment. Comment un élu peut-il réclamer à ses proches communication de son patrimoine ? S'il faut être intrusif dans la vie des élus, je ne vois pas pourquoi on expose leurs familles.

Enfin, les déclarations d'intérêts sont la porte ouverte à toutes les mises en cause. Nos intérêts sont multiples : l'appartenance à une confrérie philosophique, au mouvement associatif, à telle profession antérieure. Vous ne fixez aucune limite à ces intérêts. Ceux que l'élu aura lui-même jugé regrettables ? Comment fonder un contrôle sur la bonne foi ? Quelle contradiction intellectuelle !

Plus grave, ceux que vous qualifiez élégamment de lanceurs d'alerte et qui ne sont que des délateurs. Certes, il faut protéger les Français qui apportent des faits prouvés, mais que faire des délateurs qui lancent des calomnies sur la place publique dont on découvre l'inanité un à deux ans après ?

Le discrédit de la parole publique vient du fait qu'on prend des engagements et que l'on fait l'inverse. Personne n'a obligé François Hollande à signer le pacte de stabilité, à revenir sur la réforme des retraites, à abandonner les salariés d'Aulnay et de Florange, à accroître les impôts, à rétablir la TVA antidélocalisation - après avoir juré que de tout cela il ne ferait rien. (Vives exclamations sur les bancs socialistes) Si nous voulons réhabiliter la parole publique, il faut ne faire que des promesses que l'on peut tenir. Personne n'a obligé François Hollande à déclarer qu'il inverserait la courbe du chômage, qu'il sauverait l'hôpital public et j'en passe.

Vous n'avez pas fait le nécessaire pour que l'on vote ce texte. Je vous demande d'adopter cette motion préalable, indispensable pour que nous puissions voter ce texte, comme nous le voulons vraiment. (Rires à gauche ; applaudissements à droite)

M. Alain Anziani .  - Je suis heureux de combattre cette motion, que M. Bas s'est dit heureux de défendre. Je regrette juste qu'il se soit trompé de motion, commençant par plaider pour un renvoi en commission avant de conclure sur un réquisitoire purement politicien.

M. Charles Revet.  - Justifié !

M. Alain Anziani.  - Vous avez dit : « Quel dommage de ne pas revenir en commission pour examiner le rapport de M. Hyest ». L'avez-vous lu ? Pas de déclaration d'intérêt ? Je vous renvoie à la proposition n°4. Pas de délibération annexe ? Proposition n°12. Pas les intérêts des proches ? Proposition n°14.

Alors, il faut choisir, monsieur Bas, ou alors, votez le projet de loi Vidalies si vous voulez le rapport Hyest. Interdire le cumul entre fonction élective et la présidence d'un syndicat interprofessionnel ? C'est dans le rapport Hyest. Interdire le cumul d'un mandat de parlementaire et la direction d'une entreprise ? C'est dans le rapport Hyest. J'attends votre amendement pour réduire l'indemnité parlementaire quand un élu exerce son activité de dentiste ou d'avocat, comme vous le proposiez hier.

M. Jean-Pierre Michel.  - Dassault !

M. Alain Anziani.  - La question préalable, c'est « Circulez, il n'y a rien à voir ! ». Dans le Bulletin quotidien d'hier, page 3, il est question de l'affaire Bettencourt et de l'affaire Karachi. Page 17, de Pierre Bédier, condamné, qui vient d'être réélu. De quel gouvernement fut-il ministre ? Page 34, de Léon Bertrand, qui vient d'être condamné à trois ans fermes. De quel gouvernement était-il ministre du tourisme ? Page 5, Nicolas Sarkozy s'élève avec virulence contre le rejet de ses comptes de campagne par le Conseil constitutionnel.

Mme Nathalie Goulet.  - Vous avez de mauvaises lectures ! (Sourires)

M. Alain Anziani.  - Alors, mes chers collègues, ne pensez-vous pas qu'il conviendrait de voter ces textes du Gouvernement ? À quoi vous opposez-vous ?

M. Gérard Longuet.  - À l'amateurisme du Gouvernement !

M. Alain Anziani.  - Au voyeurisme, avez-vous dit. Or il n'en est pas question ici. Que chacun assume ce qu'il est et ce qu'il fait, voilà tout. Vous opposerez-vous aux contrôles ?

M. Henri de Raincourt.  - Non !

M. Alain Anziani.  - Pendant des années, vous avez voulu des caméras vidéo partout et vous disiez que les honnêtes gens ne devraient pas en avoir peur. (Applaudissements à gauche) Je vous retourne l'argument. Nous devons répondre à une exigence de probité qui concerne les politiques, les entreprises, les médias, les banques. Cette demande de transparence est d'actualité dans toute l'Europe. Ne restez pas dans le dernier carré de ceux qui ne veulent ni voir ni entendre. Le monde bouge, ne dites pas que vous n'êtes pas concernés. S'il ne reste que 5 % de politiques à être concernés, il nous faut être exemplaires et le montrer. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - M. Bas a dit qu'il voudrait voter ce texte. J'ai pensé à cette pièce de Molière qui fut déjà citée. Et puis, aurait-il oublié les votes de la commission ? À propos des conflits d'intérêts, la commission ce matin a adopté un amendement qui supprime l'alinéa 34 de l'article premier de la loi organique pour plus de clarté. Les conflits d'intérêts sont définis précisément. M. Bas a donc satisfaction. Il doit bien se souvenir du vote de la commission ce matin, sur cet amendement présenté par Jean-Jacques Hyest.

M. Philippe Bas.  - C'est pour cela que je l'ai voté !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - C'est pour cela que vous avez eu tort de dérouler ces arguments à la tribune. (Rires) L'avis est défavorable. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Inutile d'en rajouter après les interventions de MM. Anziani et Sueur. Personne n'a compris où M. Bas voulait en venir. Poursuivre le travail en commission ou l'interrompre ? Cette péroraison purement politicienne était loin d'éclairer le débat.

M. Gérard Longuet .  - Il n'y a pas de malentendu. M. Bas a brillamment défendu le travail de la Haute assemblée qui s'est traduit par le rapport de M. Hyest. Il n'a pas dit que nous en approuvions pas toutes les préconisations. Reste que ce travail vient du Sénat, de parlementaires chevronnés qui acceptent de sacrifier leur petit confort pour consolider les institutions. Si vous aviez accepté les méthodes de M. Hyest, nous aurions constaté nos divergences, sans doute, mais nous serions allés au fond des questions.

Sur l'alinéa 32 de l'article premier, il était question de « tout autre intérêt ». M. Sueur l'a supprimé, avec l'appui de M. Hyest, pour éviter une censure prévisible du Conseil constitutionnel. Cela étant, si je n'ai pas compétence pour donner un cours de droit, nous avons des bases pour saisir les sages du pavillon Montpensier : je vous renvoie, entre autres, à la décision du 30 avril 2011 du Conseil constitutionnel. Nous pourrons nous appuyer sur les articles 2, 4, 6 et 16. Votre texte est mal fait parce que vous l'avez bâclé pour des raisons d'opportunité politique.

On peut appartenir à l'UMP sans être de stricte obédience gaulliste. Je suis attaché à la vie parlementaire et fort peu présidentialiste. Je n'apprécie ni l'élection du président de la République au suffrage universel ni le quinquennat. Cela me distingue de M. Pasqua qui a présenté les textes de 1988 et 1995. Je suis attaché à l'autonomie du Sénat : cette commission qui était greffière en 1988 n'a pas vocation à être une Haute autorité. Ce serait méconnaître le principe de séparation des pouvoirs. (Applaudissements à droite)

M. Christian Favier .  - Nous sommes étonnés par cette motion. Il n'y aurait pas lieu de débattre alors que la droite s'indignait il y a peu encore des agissements du ministre du budget ? Les affaires récentes montrent que les conflits d'intérêts perdurent dans notre République malade. Une discussion doit donc être tenue afin de garantir la probité de tous. Je regrette la procédure accélérée. Le texte n'est pas à la hauteur des enjeux. La lutte contre la fraude fiscale devra se poursuivre et s'intensifier.

Soyons ambitieux, audacieux, pour que la Haute autorité ait un réel pouvoir d'enquête. N'hésitons pas à ouvrir une vraie réflexion sur les incompatibilités pour que jamais plus un élu ne puisse s'enrichir. Le texte doit être discuté, notre République en a besoin. (Applaudissements sur les bancs CRC et socialistes)

Le scrutin public est de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 166
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

Renvoi en commission sur le projet de loi organique

M. le président.  - Motion n°105 rectifiée, présentée par MM. Collombat, Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique (Procédure accélérée) (n° 723, 2012-2013).

M. Pierre-Yves Collombat .  - « La femme de César ne saurait être soupçonnable » (On s'amuse à droite) Ainsi le futur maître de Rome justifia-t-il la répudiation de sa deuxième épouse et l'absolution du séducteur. « Les uns prétendent que César parla comme il pensait, commente Plutarque ; d'autres croient qu'il cherchait à plaire au peuple, qui voulait sauver l'accusé afin, de ne pas s'attirer, par sa condamnation, le ressentiment du peuple ; et pour ne pas se déshonorer aux yeux des bons citoyens par une absolution formelle ».

Sous la République consulaire qui est la nôtre, quand le président de la République fait une erreur de casting, il en est de même. (Exclamations sur les bancs socialistes) Les élus sont placés sous les projecteurs. Sauver les apparences fait partie de l'arsenal du Gouvernement, par temps de crise. D'affaire Cahuzac en affaire Woerth, quelques dizaines de mois seulement séparent ces projets de loi de la loi du 14 avril 2011. Bénéfice secondaire en 2011 : donner l'impression de rattraper un retard supposé sur nos voisins dans la défense de l'ordre moral, en rebaptisant « conflit d'intérêts », ce qui ressemblait trop à un peu reluisant trafic d'influence. Bénéfice secondaire aujourd'hui : renforcer un peu plus le contrôle, judiciaire, bureaucratique et d'opinion sur les élus.

Pourtant dans la chronique des scandales politiques de ces trente dernières années, on peine à trouver trace de parlementaires. On trouve des personnes liées à l'exécutif, car l'essentiel du pouvoir se trouve à l'Élysée et à Matignon. C'est là que tout ce qui compte se décide, pas au Parlement. Comment éviter que l'élection présidentielle conçue comme une cérémonie magique de conjuration et de résurrection ne réponde au besoin de croire au changement ?

M. Gérard Longuet.  - Très bien

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le problème de la Ve République n'est pas le Parlement mais la présidence de la République. M. Anziani a rappelé l'affaire du Mediator, mais elle s'est réglée rapidement, sans modification de la loi.

L'affaire Tapie, en revanche : en février 2007, en pleine campagne pour la présidentielle, alors que nous discutions d'un texte sur la réforme des tutelles, un amendement a élargi les possibles recours à la procédure d'arbitrage...

Avant de désigner dans l'urgence les responsables à la vindicte publique, prenons le temps du diagnostic. Le bon sens et l'honnêteté intellectuelle voudraient que l'on s'interroge sur la notion d'intérêt général plutôt que de s'en tenir à ressasser que ce n'est pas la somme des intérêts particuliers.

Le bon sens et l'honnêteté intellectuelle voudraient que l'on réfléchisse à la notion de conflit d'intérêts. Cela seul mérite un renvoi en commission pour repartir du rapport de M. Hyest dont M. Sueur a repris des mesures sans en adopter la philosophie : la non-publicité.

D'un grand sac où l'on a mêlé tous les intérêts potentiellement en conflit, on voudrait que sorte comme le génie, la morale. Commençons par faire le diagnostic. La vie politique est-elle si corrompue en France ? Rappelons les faits : en 25 ans d'existence, la commission pour la transparence financière a abouti à quatorze mises en cause, dont six parlementaires seulement. La France serait « plutôt corrompue », - un terme scientifiquement douteux - et figurerait en 22ème position selon Transparency international derrière... treize paradis fiscaux.

M. Philippe Bas.  - Très intéressant !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Mettons-nous d'accord sur le diagnostic. Le Sénat a, par deux fois, redéfini la prise illégale d'intérêts et la notion de favoritisme, mais par crainte des réactions médiatiques les textes n'ont jamais été inscrits à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et le rapporteur s'est bien gardé de reprendre la définition de la prise illégale d'intérêt dans ce texte.

Autre question, qu'est-ce que la décision dans une assemblée démocratique ? Ce n'est pas le fait d'atomes politiques purifiés par le regard citoyen, comme s'il s'agissait d'une station d'épuration ; elle est le produit d'un débat public entre parlementaires d'origines diverses, présents et actifs. Cela suppose des mesures sur les présidents de commission et les rapporteurs, c'est là qu'il faut agir.

Troisième question que la commission devra se poser : pour répondre au désenchantement suffira-t-il que, vêtus d'une probité candide, les élus publient leur déclaration sur Facebook et Twitter pour jouer leur rôle de boucs émissaires et rétablir la confiance ? Non, le remède ne fera qu'aggraver le mal en n'empêchant pas les trafiquants de trafiquer.

M. Gérard Longuet.  - Absolument !

M. Pierre-Yves Collombat.  - La publication du patrimoine des ministres l'a prouvé : il n'était question que de vélos et de véhicules qui s'en revenaient du contrôle technique. Quant au patrimoine de M. Moscovici, écrivait le journal de référence, estimé à 270 000 euros, il est aussi maigre que la croissance. Rien n'est dit, tout est dit. Songeons au principe pascalien « qui veut faire l'ange fait la bête » et ne voulons pas trop faire l'ange pour ne pas trop faire la bête. (Applaudissements sur les bancs RDSE, au centre et quelques bancs à droite)

M. Jean-Pierre Michel .  - À cette heure tardive, je ne me livrerai pas aux excès littéraires de M. Collombat. Nos concitoyens attendent un texte. (Exclamations à droite)

M. Charles Revet.  - Un leurre !

M. Jean-Pierre Michel.  - Faut-il donner les noms de ceux qui acceptent des voyages payés par des États étrangers hors de tout mandat sénatorial ? La déontologie interne ne suffit pas, il faut la justice. Cela vaut pour toutes les professions. Le peu de sanctions prises par les ordres le prouve.

La commission a travaillé, elle a adopté des amendements de MM. Hyest et Collombat.

M. Jacques Mézard.  - C'est suspect !

M. Jean-Pierre Michel.  - Parce que nous sommes la femme de César, il ne faudrait rien faire ? Non, après l'affaire Cahuzac, nous devons légiférer rapidement.

M. Gérard Longuet.  - Aucun rapport !

M. Jean-Pierre Michel.  - Il y a d'autres affaires ...Au nom de mon groupe, je vous demande de dire non à cette motion. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Charles Revet.  - Quel mépris !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Monsieur Collombat, vous pouviez très bien proposer un amendement reprenant la définition de la prise illégale d'intérêts de M. Hyest. Nous avons travaillé douze heures.

Mme Françoise Férat.  - Seulement !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Cette motion représente une Précaution inutile pour reprendre le titre d'une pièce de Beaumarchais : nous avons déjà rendez-vous à la suspension pour examiner quelque 200 amendements restants. L'avis est défavorable.

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - S'agissant d'une procédure purement parlementaire, le Gouvernement ne donne pas d'avis.

À la demande du groupe RDSE, la motion n°105 rectifié est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l'adoption 188
Contre 158

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à droite)

M. le président.  - En application de l'article 44-5 du Règlement, la commission doit présenter ses conclusions durant la même séance à moins que le Gouvernement n'en décide autrement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Nous demandons à la commission de présenter son rapport durant la même séance.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - La commission se réunit immédiatement, et j'aimerais que nous reprenions la séance à 22 h 15.

M. le président.  - Soit.

La séance est suspendue à 19 h 50.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 22 h 15.

Nouveau rapport de la commission des lois

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur .  - À la suite de l'adoption de la motion de renvoi en commission, la commission des lois, fort logiquement, par une majorité homothétique, a rejeté le projet de loi organique qu'elle avait pourtant adopté le 3 juillet. (Exclamations à droite) Elle a évolué, c'est son droit...

La commission a informé se membres qu'en conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera sur le texte de l'Assemblée nationale.

M. le président.  - Il résulte de ce rapport que le Sénat doit examiner le texte du projet de loi organique tel qu'il lui a été transmis par l'Assemblée nationale. Le Sénat changeant de base de discussion, le droit d'amendement doit désormais s'exercer sur le texte de l'Assemblée nationale ; nous pourrions fixer un nouveau délai limite, demain mercredi, à 13 heures, pour le dépôt des amendements.

La séance serait ouverte à 16 heures, afin de permettre à la commission des lois de se réunir au préalable pour examiner les amendements.

Mme Catherine Troendle .  - En vertu de l'article 47 ter, les délais limites pour le dépôt des amendements sont fixés par la Conférence des présidents. Fixer un délai aussi court rend impossible le dépôt d'amendements sur un nouveau texte. On ne peut travailler dans de telles conditions. Je demande que la Conférence des présidents se réunisse.

M. Pierre-Yves Collombat .  - Pour que la démarche ait un sens, il faut reprendre le texte, comme nous l'avons fait sur le texte relatif à la décentralisation. Ce que l'on propose ici est une pantalonnade. Il faut au minimum que la Conférence des présidents se réunisse. Notre ordre du jour n'est pas si chargé. Voyons si nous pouvons trouver un modus operandi pour parvenir à un accord. Le pouvoir est à l'Élysée, nous ne sommes là que pour valider ce qui y a été décidé. En nous pliant à pareils diktat, nous creusons notre tombe. C'est de pire en pire, les hommes sont les hommes et moins en cause que la dérive de nos institutions ; il n'y a plus de contre-pouvoirs. Le Gouvernement peut sans doute user de la procédure pour faire passer son texte, mais ce serait lamentable.

Mme Éliane Assassi .  - Le groupe CRC regrette la situation de ce soir. Le Gouvernement sait trouver les voies et moyens pour que le Parlement délibère dans la précipitation, ce que nous regrettons tout autant. Les grands oubliés de ce débat sont les Français, qui ressentent de plus en plus un décalage avec leurs élus. Nous ne renvoyons pas une bonne image du Parlement, singulièrement du Sénat. Ce texte est important, la transparence a du sens. Les votes ont du sens.

Mme Catherine Troendle.  - Justement !

Mme Éliane Assassi.  - Nous savons qui a créé la situation dans laquelle nous nous trouvons, il n'est pas besoin d'ouvrir le parapluie... Il faut assumer, ce n'est guère élégant de faire porter la faute à d'autres. Je ne sais pas ce que peut être l'issue, mais nous devons avoir une discussion approfondie et sereine sur ce sujet, même s'il ne s'agit pas de la préoccupation première de nos concitoyens - c'est plutôt l'impuissance des politiques à répondre à leurs besoins.

M. François Zocchetto .  - Dans les circonstances actuelles, nous sommes surpris qu'aucune Conférence des présidents ne soit réunie. Nous avons le sentiment d'être un peu sans gouvernance, comme les Français d'ailleurs... Ce qui se passe ce soir était prévisible. Il suffisait de voir la désorganisation totale de nos travaux en commission ; à un moment, ça craque...

Le sujet intéresse le Sénat, mais une loi de circonstance examinée qui plus est en procédure accélérée ne peut prospérer. Nous avons besoin de discuter sereinement pour parvenir à un consensus. Réunissons la Conférence des présidents et voyons comment organiser au mieux l'examen de ce texte. La procédure accélérée ne s'imposait pas en l'espèce. Nous voyons les limites de l'exercice. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC et UMP)

M. Alain Vidalies, ministre délégué .  - Le Gouvernement souhaite que ce texte soit examiné sereinement et complètement et qu'il soit adopté d'ici la fin de la session extraordinaire, qui ne connaît d'autre limite que le décret du président de la République. Si la Conférence des présidents décide de siéger ultérieurement, le Gouvernement sera à la disposition du Sénat, même au mois d'août, de sorte que le débat aille à son terme.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je ne peux laisser dire à Mme Assassi que je fuis mes responsabilités ! Je les prends comme son groupe les a prises sur l'amnistie sociale !

Mme Éliane Assassi.  - Pas avec les mêmes conséquences ! Vous êtes au Gouvernement, pas nous !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Si nous ne défendons pas nos valeurs ici, où le ferons-nous ?

M. le président.  - Je suspends la séance pour prendre l'attache du président du Sénat.

La séance, suspendue à 22 h 30, reprend à 22 h 40.

M. le président.  - Je suspends à nouveau la séance pour une réunion immédiate de la Conférence des présidents. Nous reprendrons nos débats à 23 h 15.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Excellente idée !

La séance est suspendue à 22 h 45.

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La séance reprend à 23 h 55.