SÉANCE

du jeudi 19 décembre 2013

50e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de M. Charles Guené,vice-président

Secrétaires : M. Jean Boyer, M. Alain Dufaut.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Affirmation des métropoles (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la CMP sur le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

Discussion générale

M. René Vandierendonck, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Nous sommes parvenus au terme de l'examen de ce texte déposé sur le bureau du Sénat le 10 avril 2013. Premier volet de la réforme de l'organisation territoriale de la République décentralisée, il prendra sa cohérence pleine et entière avec les deux autres projets de loi que le Gouvernement a déposés de manière concomitante. Au cours de la navette, il a été considérablement enrichi : il comportait initialement 55 articles ; 116 ont été finalement soumis à discussion. J'insisterai sur les principales conclusions de la CMP, qui s'est réunie le 17 décembre. Celle-ci est parvenue à un accord sur la clarification des compétences des collectivités territoriales et la coordination des acteurs, qui forme la première partie de ce texte. La clause de compétence générale, rétablie à l'article 2, s'accompagne de la reconnaissance d'un chef de filat, conformément à l'article 72 - 5 de la Constitution. À l'article 3 du texte, la rédaction initiale faisait du bloc communal le chef de file en matière de qualité de l'air et de mobilité durable. Ce qui semblait, convenez-en, un peu limitatif.

Le Sénat avait élargi cette compétence à l'aménagement de l'espace, l'accès aux services publics de proximité et au développement local.

Ces propositions, cohérentes avec celles de la loi Alur, ont été finalement retenues par la CMP. Celle-ci, à l'initiative de M. Dussopt, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a toutefois précisé la notion d'organisation des services publics de proximité.

L'article 4 est relatif à la Conférence territoriale de l'action publique (CTAP). L'Assemblée nationale avait déjà, en seconde lecture, pris en compte nos préoccupations, opposés que nous étions à une mise sous curatelle des collectivités territoriales. Elle avait supprimé les sanctions à l'encontre des collectivités récalcitrantes - contraires au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. La CMP a donc retenu la rédaction adoptée à l'Assemblée nationale, qui confie la présidence de la conférence au président du conseil général, allège la composition de cette conférence et prévoit un mécanisme incitant les collectivités territoriales à adhérer aux conventions territoriales d'exercice concerté des compétences. En outre, la participation minimale du maître d'ouvrage a été abaissée de 40 % à 30 %.

La reconnaissance du fait métropolitain, objet du titre II, est une avancée majeure du texte. L'Assemblée nationale avait adopté en première lecture les dispositions relatives à Aix-Marseille. S'agissant de Paris, le Sénat avait adopté en seconde lecture le principe d'une métropole intégrée, obéissant, pour la répartition des compétences, au principe de subsidiarité. L'Assemblée nationale a préféré un système de fusion-absorption des EPCI existants selon lequel à l'expiration d'un délai de deux ans, les compétences seraient transférées de droit à la métropole. La CMP a retenu cette solution tout en précisant les conditions de transfert de personnels, en supprimant le fonds de solidarité pour les départements d'Ile-de-France, créé à l'article 73 bis de la loi de finances pour 2014, et en favorisant la création en grande couronne d'EPCI d'une taille suffisante pour dialoguer avec la métropole.

S'agissant des métropoles de droit commun, nos deux assemblées sont parvenues à un accord. Sur les modalités de création des métropoles d'abord : le principe de l'automaticité de l'accès à ce statut s'opposait à une approche fondée sur le volontariat. Un compromis a été trouvé : au 1er janvier 2015, les EPCI à fiscalité propre seront transformés en métropoles au-delà de 400 000 habitants, dans les aires urbaines comptant 650 000 habitants. Neuf métropoles seront ainsi créées.

S'agissant de l'élection des conseillers métropolitains, le Sénat défendait le suffrage universel direct communal, proposant le fléchage prévu dans la loi du 17 mai 2013. Le texte adopté en CMP tient compte de nos suggestions. Une loi électorale sera adoptée avant 2017, et un rapport sera remis par le Gouvernement avant le 30 juin 2015.

La métropole lyonnaise a fait l'objet d'un débat consensuel dès le départ. La CMP a proposé quelques ajustements à la marge. Les modalités d'approbation du PLU ont été harmonisées avec celles en vigueur pour les autres métropoles.

Dépénalisation du stationnement payant, création de la compétence de prévention des inondations avec institution d'une taxe facultative, pôle d'équilibre territorial et pôle rural de coopération territoriale, ces principaux apports du Sénat ont été acceptés par l'Assemblée nationale et enrichis durant la navette parlementaire, grâce aussi à la mobilisation exceptionnelle des services de l'État.

Un mot sur le Haut Conseil des territoires pour finir. Je me réjouis que le rapporteur de l'Assemblée nationale ait accepté de le retirer du texte. En débattant du Haut Conseil des territoires au premier article du texte, funeste hasard du calendrier parlementaire, juste avant le cumul des mandats, nous envoyions un message inquiétant pour l'avenir du Sénat. Nous avons choisi de rappeler qu'il représente les collectivités territoriales de la République... en rappelant tout bonnement l'article 24 de la Constitution.

M. Jacques Mézard.  - Enfin !

M. René Vandierendonck, rapporteur.  - Je remercie nos collègues députés de leur accord.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Très bien !

M. René Vandierendonck, rapporteur.  - Nous avons préféré la logique sénatoriale à la logique partisane. La navette a permis la discussion la plus large.

Avant de vous inviter à adopter les conclusions de la CMP, je veux remercier tous les orateurs de leur contribution, qui a été précieuse au jeune rapporteur que je suis, et saluer le travail des administrateurs du Sénat comme de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique .  - Anne-Marie Escoffier et moi-même vous remercions chaleureusement pour le talent dont vous avez fait preuve - et M. Vandierendonck en particulier - pour faire aboutir la CMP.

Les collectivités territoriales disposent désormais d'un cadre clair pour conduire leur action. Sur cette simplification, nous avons, je crois, exaucé le voeu du président de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Tout à fait.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Le deuxième volet de la réforme territoriale interviendra comme prévu au lendemain des élections municipales, le premier ministre l'a rappelé la semaine dernière. Le cadre a été fixé par le président de la République dans son discours du 5 novembre 2012 à la Sorbonne, qui faisait suite aux impressionnants travaux du Sénat. Biodiversité, climat, qualité de l'air, énergie, transports : les régions sont désormais dotées de compétences bien définies. Aux départements, la solidarité, y compris territoriale ; aux communes, l'organisation des services publics de proximité.

La conférence territoriale de l'action publique a été consolidée au cours de la navette et c'est heureux. La structuration de la région Ile-de-France est un autre apport majeur du texte. Le développement de la région capitale sera rendu plus harmonieux. Les grands outils d'innovation, comme le plateau de Saclay, ne sont pas dans la métropole : soyez donc sans crainte, le développement économique de la région ne dépendra pas que de la métropole.

M. Roger Karoutchi.  - Que restera-t-il en dehors ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - La mission de préfiguration, à laquelle des parlementaires seront associés, conduira le dialogue. Les métropoles du Grand Paris et les intercommunalités de la grande couronne sont une formidable innovation au service des citoyens. Les métropoles marseillaise et lyonnaise également. Je veux saluer le travail fait dans ces deux territoires.

Paris, Lyon, Marseille : un nouvel élan est donné pour une dynamique entre le territoire métropolitain et les territoires alentour. La demande d'équilibre entre territoires est forte en France. Les propositions du Sénat y répondent efficacement.

Quant aux compétences des autres échelons, nous poursuivrons le travail avec les deux projets de loi à venir. Les associations s'inquiètent de la disparition du Haut Conseil des territoires : les lieux de concertation avec l'exécutif existent néanmoins, le Haut Conseil des normes peut en être un.

Monsieur le rapporteur, vous avez fait oeuvre utile. Je vous souhaite de recueillir un bel assentiment. Si nos concitoyens avaient pu être témoins de votre long travail, ils seraient encore plus fiers de leurs élus. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes, et RDSE)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - Dans un livre qui s'est largement vendu et se vend encore...

M. Roger Karoutchi.  - La Bible ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - ... il est écrit que « la vérité vous rendra libre ». Madame la ministre, nous n'avons jamais cessé de vous dire avec sincérité ce que nous approuvions et désapprouvions de ce texte. Ce débat franc a été très positif, tant il est préférable de parler clair plutôt que de chercher à gommer les aspérités et à contourner les difficultés.

La création des métropoles demeurera un fait marquant dans l'histoire territoriale de notre pays : onze métropoles de droit commun, trois à statut spécifique, Lyon-Rhône, Aix-Marseille, Paris-Ile-de-France.

M. Roger Karoutchi.  - Paris, simplement Paris...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Considérer qu'il y aurait d'un côté les métropoles et de l'autre le désert français, pour reprendre une formule célèbre, serait mal comprendre l'esprit du législateur. Les métropoles travailleront avec les réseaux urbains existants. Le couple régions-armature urbaine sera la clé du développement de demain.

Le réseau des communautés de communes est un autre outil de développement majeur. Les publications de l'Insee ne cessent de signaler l'émergence d'une France « rurbaine » ; le réseau des communautés de communes s'appuyant sur des villes moyennes et les petites communes est aussi essentiel, à mes yeux, que les métropoles.

Ce texte contient de nombreuses innovations, dont la possibilité de créer des collectivités de forme nouvelle. Les innovations des trois métropoles à statut particulier, à côté des métropoles de droit commun, en appelleront d'autres.

Je me réjouis, en outre, de la clarification des compétences. Celles des communes, en particulier, étaient mal définies. L'Assemblée nationale avait succombé au démon de l'abstraction : nous avons au contraire choisi de confier aux communes l'organisation des services de proximité ; ce que la CMP a entériné. Nous avons réhabilité le mot « rural », en l'inscrivant dans le titre des pôles d'équilibre.

S'agissant de l'élection du conseil communautaire, nous étions attachés au fléchage : en mars prochain, nos concitoyens se prononceront pour la première fois simultanément pour leurs conseillers municipaux et communautaires.

Le chemin vers la simplicité est certes long. Mais ce texte fait un grand pas dans la bonne direction.

J'en terminerai par la Conférence territoriale de l'action publique. Elle n'exercera jamais la moindre tutelle sur les collectivités.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Encore heureux !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nous avons approuvé la composition plus restreinte, proposée par l'Assemblée nationale. Elle sera un lieu de concertation, et non de décision. Autrement dit, nous avons donné un nom à ce qui relève du simple bon sens : le fait que les élus communaux, départementaux et régionaux se parlent. Réjouissons-nous de cet accord, nous avons eu raison de nous écouter les uns les autres.

Trente-et-une heures d'auditions, trente-sept heures de travail en commission, et quatre-vingt-deux heures de discussions en séance publique ; après tous ces efforts, j'espère que ce texte sera voté. S'il l'est, ce sera grâce à la contribution de tous les sénateurs, au premier rang desquels René Vandierendonck, avec son sens de l'écoute et de la diplomatie, ainsi que le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Dussopt. Je remercie également les rapporteurs pour avis, MM. Dilain, Filleul et Germain, dont les contributions ont été précieuses. Je veux également saluer Jean-Jacques Hyest et Jean-Claude Gaudin, ainsi que Michel Mercier et Gérard Colomb. Pierre-Yves Collombat a su, pour sa part, nous convaincre d'adopter des dispositions, en faveur des milieux aquatiques notamment, de grand intérêt pour nos concitoyens. Philippe Dallier, et d'autres élus franciliens, ont également fait preuve d'un engagement remarquable. Je ne citerai pas M. Karoutchi.

M. Roger Karoutchi.  - Oh non !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Vous êtes inassimilable... (Sourires)

Les élus d'Europe écologie et du groupe CRC enfin, quel que soit leur vote final, ont permis de faire évoluer la réflexion et la rédaction sur un certain nombre de points.

Un député a qualifié le Sénat, dans un journal du soir, de « triangle des Bermudes » ; un autre est allé jusqu'à parler de « trou noir ». Je n'ai pas manqué de féliciter les députés présents en CMP d'être parvenus à nous y rejoindre... Ce texte démontre que le Sénat est un outil créateur de majorités d'idées. J'espère un beau vote, qui démontrera tout ce que le Sénat peut et sait apporter à la République. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est Noël !

Mme Hélène Lipietz .  - Je salue l'intelligence politique et institutionnelle de notre rapporteur. On peut en effet se féliciter de l'apport du bicamérisme : la CMP a été exemplaire dans l'écoute et la recherche d'un compromis sur la confection d'une oeuvre commune. Les attentes du Sénat, pourtant, étaient grandes.

Mais nous avons su faire fi des divergences. D'abord sur la suppression du Haut Conseil des territoires. Le Sénat ne sera pas affaibli. Ensuite, la liberté de choix dans le passage au statut de métropole a été préservée ; les pôles d'équilibre ont été renforcés. Un nouveau souffle a été donné aux métropoles.

Mais cette loi demeure illisible, n'intéresse pas les citoyens et à peine la presse spécialisée. La vérité, c'est que personne n'y comprend plus rien. « Ce sont des technocrates, les parlementaires ne connaissent rien à la réalité des départements » a reconnu un membre de la commission.

Cette loi, surtout, flirte avec l'inconstitutionnalité. En effet, les membres des intercommunalités seront élus par fléchage. Or les mandats sont intangibles : les élus des échelons dont les compétences ont été transférées resteront nus, seulement vêtus de leurs indemnités...

M. Roger Karoutchi.  - On leur donnera une feuille de vigne !

Mme Hélène Lipietz.  - À propos de l'Ile-de-France, le président de la commission des lois a eu ce mot : « Il faut des EPCI suffisamment importants, pour faire face à la métropole ».

La simple addition des intérêts particuliers ne forme jamais, ne l'oublions pas, l'intérêt général. Il faut un projet collectif, porté par des équipes, et non par des individus qui le découvriraient à la veille des élections. L'unique moyen d'y parvenir est le suffrage universel direct communautaire, lui seul légitimera l'intercommunalité. L'élection communautaire ne tuera pas les communes, car les deux échelons ont des rôles distincts.

M. Ronan Dantec.  - Absolument !

Mme Hélène Lipietz.  - Pourquoi Lyon serait-elle gouvernée par un doge durant six ans ? (Exclamations sur divers bancs)

M. Michel Mercier.  - Vous êtes son alliée...

Mme Hélène Lipietz.  - Pour que les intercommunalités aient un poids, qu'elles offrent des services à nos concitoyens, il faut une élection communautaire au suffrage direct. Je ne suis pas bonne en droit constitutionnel...

M. Alain Richard.  - On l'avait remarqué ! (Mouvements divers)

Mme Catherine Procaccia.  - C'est méchant !

Mme Hélène Lipietz.  - Au moins, je le reconnais... La Constitution n'interdit pas une telle élection ; c'est seulement une question de tradition. Or il nous revient de légiférer. Ne nous résignons pas au statu quo par peur de déplaire aux communes et aux départements, les régions comptant pour du beurre.

Depuis les ducs de Bourgogne, on n'a jamais vu dans notre pays des territoires d'une telle taille gouvernés par des dirigeants non élus ...

M. Alain Richard.  - C'est du délire !

Mme Hélène Lipietz.  - ... directement...

M. Alain Richard.  - Erreur ! Ils sont élus au suffrage direct !

Mme Hélène Lipietz.  - ... De plus, le fléchage interdit la parité, il défavorise l'élection des femmes ; j'espère bientôt celle des hommes. (On s'esclaffe à droite ; exclamations sur les bancs socialistes)

Parlons donc d'affirmation des métropoles, mais certainement pas celle prévue par ce texte, qui ne modernise nullement l'action publique et concentre les pouvoirs locaux au lieu de les séparer et de les fonder sur un programme validé par les électrices et les électeurs.

Les écologistes ne pourront pas voter ce texte.

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Alain Richard.  - Seule l'UMP applaudit !

M. Jacques Mézard .  - Je veux saluer le rapporteur pour sa grande compétence, son souci d'écoute.

Le RDSE votera ce texte,...

M. Roger Karoutchi.  - Vraiment ? Quelle déception !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Quelle satisfaction !

M. Jacques Mézard.  - ... que nous n'aurions jamais pu enrichir si notre assemblée n'avait pas compté un seul maire, un seul adjoint, un seul président ou vice-président de conseil général ou conseil régional...

M. Philippe Dallier.  - Très bien !

M. Jacques Mézard.  - Je vous laisse conclure... Qu'eussent été les dispositions sur les métropoles de Lyon et de Marseille ? Je ne ferai pas de commentaires sur Paris...

M. Roger Karoutchi.  - Il vaut mieux !

M. Jacques Mézard.  - Les articles 39 et 24 de la Constitution reconnaissent que le Sénat, chambre législative à part entière, représente les collectivités territoriales et dispose à cet égard de compétences d'attribution ; il n'a donc pas à justifier de jouer sa propre partition. D'où notre opposition absolue au Haut Conseil des territoires. Je n'aurais pas voté ce texte s'il l'eût inclus et je voterai contre toute tentative de le faire sournoisement réapparaître. Que n'avons-nous entendus ! Un combat « d'arrière-garde », mené par un Sénat « conservateur », qualifié, au début de ce siècle, « d'anomalie » par certains, alors que d'autres voulaient purement et simplement le fusionner avec le Conseil économique et social ! Pourtant, notre position, notre opposition à cette instance prétendument consultative qui eût vidé le Sénat de son coeur, était connue dès le départ.

Si le Sénat ne saurait être confiné à une spécialité territoriale, il ne saurait pas non plus être affaibli comme le rêvent ces contempteurs, jaloux de sa liberté de ton. Nous sommes fiers d'avoir pris la tête du combat contre ce conseil qui n'avait de haut que le nom, d'avoir pris l'initiative de sa suppression en seconde lecture, de défendre le Sénat de la Ve République. Nous savons gré au Premier ministre d'avoir tenu son engagement de ne pas entamer un nouveau bras de fer avec lui et d'avoir tenu bon face à des députés dont l'ardeur et les velléités d'omnipotence ne se démentent pas. Veillons à ce que ce Haut Conseil, que nous avons fait disparaître par la porte, ne revienne pas par le soupirail.

La CMP est parvenue à un accord, fait rare ces temps-ci. Sur les Conférences territoriales de l'action publique d'abord, bien que nous regrettions qu'elle soit restée à mi-chemin et qu'elle en ait confié la présidence aux présidents de région. Il est bon toutefois qu'elles n'aient pas été transformées en instances décisionnelles, comme le souhaitait à l'origine le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Les schémas de compétences ne contribueront pas à simplifier le paysage administratif, et s'apparentent à une forme de tutelle qui ne dit pas son nom, que nous avions combattue lors du débat sur la création du conseiller territorial. La multiplication des instances consultatives ne sert qu'à polluer les débats, sans les conclure positivement...

Mme Isabelle Debré.  - C'est vrai !

M. Jacques Mézard.  - Nos concitoyens se perdent dans les méandres des processus de prise de décision. Lisez le rapport de la délégation aux collectivités territoriales sur les conséquences du non-cumul : tout ce que nous disions y est écrit noir sur blanc !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Très juste !

M. Jacques Mézard.  - Trop de lois, de règlements, de contraintes, de blocages, enterrent les projets, lassent les élus et égarent les citoyens. Nous saluons toutefois la transformation de la commission consultative en Conseil national d'évaluation des normes. Espérons que ce soit un progrès.

Quoi qu'il en soit, pour parvenir à la simplification, il faudra, tôt ou tard, revenir sur la clause de compétence générale. Le groupe RDSE s'enorgueillit d'avoir voté contre son rétablissement.

Sans être des laudateurs de la concurrence sauvage des territoires, nous croyons qu'il faut de vraies métropoles dans le paysage européen. D'où notre soutien aux métropoles de Paris, Lyon, Aix-Marseille ; en revanche, nous sommes plus réservés sur les autres métropoles. Nos territoires isolés peinent à satisfaire les besoins de la population...

Grâce au Sénat, et à notre collègue Pierre-Yves Collombat, des dispositions ont été introduites dans ce texte sur la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, qui comblent utilement un vide juridique.

Au total, ce projet de loi ne constitue certes pas la révolution copernicienne de l'organisation territoriale. Pour autant, le Haut Conseil des territoires a été supprimé. Nous voterons donc les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)

Mme Isabelle Debré.  - J'applaudis vos propos sur le non-cumul des mandats et le Haut Conseil des territoires.

M. Michel Mercier .  - Merci au rapporteur et au président de la commission des lois, accoucheurs de ce texte, qui porte le gène de leur sens du compromis. (M. Jean-Jacques Hyest s'exclame) Le vôtre aussi, monsieur Hyest !

Quand notre pays change, refuser de modifier notre organisation territoriale, c'est refuser de répondre à la demande de nos concitoyens. Ils sont plus prêts que nous à cette modification, parce que les modes de vie ont changé : on n'étudie, on ne travaille, on n'habite plus toute sa vie dans la même ville, dans le même quartier. Les espaces de vie sont plus grands : il faut les organiser différemment. Ce texte y pourvoit. Est-il parfait ? Sûrement pas : c'est un compromis.

Un accord a été obtenu, pour ne pas démentir la maxime du cardinal de Retz, en laissant planer l'ambiguïté, parfois à l'excès. Pourquoi avoir appelé tous les regroupements des métropoles ? Cinq métropoles dans une région, ça ne fonctionne pas ! (Mme Marylise Lebranchu, ministre, le dément) Mais si ! On ne peut pas continuer à établir le fait métropolitain sans rien changer par ailleurs.

Mme Hélène Lipietz.  - C'est vrai !

M. Michel Mercier.  - Que va-t-on encore inventer, sinon ? Je fais confiance à l'imagination de vos services...

Deuxième point de désaccord avec le rapporteur : l'élection des conseillers. Je fais le pari de l'optimisme. À l'horizon 2020, de profonds changements interviendront. À Lyon, on a fait disparaître une collectivité - non pas seulement parce que nous nous entendons bien depuis 30 ans, avec Gérard Collomb - mais parce que c'est indispensable. Le département du Rhône a accepté d'être celle-ci, afin que la métropole assume ses responsabilités sur son territoire. En fait, c'est un texte d'attente, un texte d'espérance, puisque nous croyons avec Péguy que l'une et l'autre se rejoignent.

Madame la ministre, en ces temps où les postiers nous proposent leurs calendriers, achetez-en un ! Dans un mois et demi, après une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel, la loi sera promulguée. Nous espérons que vous ne déferez pas dans le prochain texte ce que vous avez fait dans celui-ci... Au 1er janvier 2015, aurons-nous une ou plusieurs chambres de commerce ? Quid de la chambre d'agriculture, sise dans la métropole, mais dont les ressortissants sont dans le département alentour. Quels seront les tribunaux compétents pour la métropole et le département ? Il faut des mesures législatives, organiques, même. Le Gouvernement avait tenté de prendre des dispositions, d'organiser les choses. Et puis, badaboum, tout est tombé à l'Assemblée nationale. Oui, Lyon attend son calendrier. Il reste dix mois. Les collectivités se sont organisées. À l'État de le faire. (Applaudissements au centre, sur les bancs RDSE et socialistes)

M. Christian Favier .  - Ce marathon législatif se transforme à chaque étape en une course de vitesse. La dernière n'est pas en reste : quelques heures pour prendre connaissance du texte de la CMP, cela n'est guère respectueux du travail parlementaire. L'objectif de ce texte était clair : sous le diktat de Bruxelles, vous avez voulu réduire la dépense locale. Nous avions fait des propositions, notamment pour accroître le pouvoir d'intervention des citoyens : elles n'ont pas été retenues. L'intercommunalité doit rester entre les mains des communes, non l'instrument de leur disparition. Vous avez refusé tous nos amendements, au risque de mettre à mal l'égalité entre les citoyens. Chacun se souvient des débats et des discussions exigeants que nous avons eus avec les élus locaux, dans chaque département, lors des états généraux de la démocratie territoriale, à l'initiative de notre Sénat. Cet acte III de la décentralisation, qu'ils attendaient et que plus personne n'évoque d'ailleurs, ne répond pas à leurs attentes. Nous le disions lors de l'examen de la réforme de 2010, contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales et vous partagiez alors cette position.

Je me souviens de l'identité de vues de la présidente de la fédération des élus socialistes et des élus communistes, républicains et citoyens, réunis, près de l'Assemblée nationale, pour rejeter cette réforme. Nous poursuivons le combat de 2010 en refusant le présent texte ; et ce, à chacune de ses lectures.

De plus, la CMP, dans le secret et hors de toute publicité des débats, est revenue sur bien des points, au texte initial du Gouvernement, en agitant le chiffon rouge du Haut Conseil des territoires.

Ainsi, de l'automaticité de la création des métropoles, dont le Sénat ne voulait pas. Nous défendions une vision polycentriste du Grand Paris ; là encore, nous n'avons pas été entendus...

Mme Isabelle Debré.  - En effet !

M. Christian Favier.  - A prévalu ce que d'aucuns ont appelé « le putsch des amis du président de l'Assemblée nationale » : la disparition programmée des départements de la petite couronne...

M. Philippe Dallier.  - Tant mieux !

M. Christian Favier.  - ... des intercommunalités, dont les compétences et les quelque 10 000 agents seront transférés à la métropole, au moins sur une partie de son territoire. Les élections des conseillers métropolitains transformeront les communes en simples arrondissements de la métropole. Enfin, que dire des Conférences territoriales de l'action publique ? Loin d'être le lieu du dialogue voulu par le Sénat, elles élaboreront des conventions qui lieront les signataires sur des dévolutions ou des partages de compétences ? Un président « ès qualités », le président de région, convoquera les autres élus, faisant ipso facto de la région l'instance de pilotage des autres collectivités sur son territoire.

Nous n'avons cessé d'être bousculés. Précipitation en première lecture, en deuxième lecture mais aussi en CMP : nous n'avons obtenu le texte qu'hier, après 16 heures...

D'aucuns jugent les débats de la CMP « riches et fructueux », comme ceux qui conduisent aux miraculeuses synthèses des congrès de certains partis...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Dans d'autres, le miracle est permanent !

M. Christian Favier.  - Le groupe CRC ne se déjugera pas : il votera contre ce texte qu'il a déjà rejeté par deux fois. Espérons que notre Sénat fera de même. Prenons le temps d'une troisième lecture, il en sortira grandi. (Mmes Catherine Procaccia, Isabelle Debré et M. Roger Karoutchi applaudissent)

M. Jean-Jacques Hyest .  - Il y a plusieurs manières d'envisager ce texte... Certaines dispositions sont satisfaisantes, d'autres non. Le refus du Haut Conseil des territoires était très largement partagé sur les bancs du Sénat. La CTAP, dans sa version initiale, était inconstitutionnelle ; elle deviendra un lieu de concertation intéressant - et non un lieu de décision, ce qui serait une forme de tutelle. La clause de compétence générale ? Je rappelle qu'elle n'est pas reconnue dans la Constitution.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation.  - C'est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest.  - D'où des lois nécessaires pour clarifier les compétences des collectivités territoriales. Nous avions préféré supprimer cette clause en 2010.

L'élection des conseillers communautaires ? Je ne suis pas du tout d'accord avec Mme Lipietz : il s'agit d'intercommunalité, et pas de supracommunalité !

M. Alain Richard.  - Bien entendu !

M. Jean-Jacques Hyest.  - L'Assemblée nationale nous a donné raison, de même que le rapporteur de notre délégation aux collectivités territoriales. Il fallait renforcer les compétences du bloc communal, franchement maigres. Les mesures sur la prévention des inondations sont une bonne chose. Attention sur la dépénalisation du stationnement : il peut y avoir des effets pervers surtout pour les petites communes où les amendes sont mutualisées. Je tiens à mettre en garde contre les dégâts que causerait une politique de court-terme, ne visant que l'apport financier, qui pourrait tuer les centres-villes.

Les métropoles, ne parlons pas de Lyon, procèdent d'une logique d'agglomération. C'est bien le cas de Marseille. En revanche, à Paris, que va-t-il se passer ? On pouvait suivre l'exemple de Lyon ; Paris a d'ailleurs les compétences de la ville et du département. On a finalement abouti à un montage hybride, un peu compliqué...

Mme Catherine Procaccia.  - Euphémisme !

M. Jean-Jacques Hyest.  - La grande couronne devra se regrouper face à Paris.

M. Roger Karoutchi.  - Avec qui ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - On n'a pas prévu le cas des villes nouvelles, où subsistent des syndicats d'agglomération nouvelle, qu'il faudra bien supprimer un jour.

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Jean-Jacques Hyest.  - J'y viens !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Le groupe UMP est divisé sur ce texte. L'essentiel est que nous ne laissions pas le dernier mot à l'Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs UMP et socialistes, ainsi qu'au banc de la commission)

M. Roger Karoutchi.  - Quel dernier mot ? Tout est joué !

M. Gérard Collomb .  - « Il faut faire confiance à l'intelligence des territoires...» : combien de fois notre rapporteur a-t-il cité cette exhortation que MM. Krattinger et Belot lançaient dans leur rapport ? Eh bien oui, nous y sommes : ce texte procède de l'intelligence des territoires. Tous, malgré nos divergences politiques, sommes profondément marqués par notre expérience locale. Au-delà de nos réalités particulières, nous avons su bâtir une loi d'intérêt général. Nous le devons très largement à la capacité et, je le dis, à l'habileté du rapporteur...

M. Alain Richard.  - Très bien !

M. Gérard Collomb.  - Nous le devons aussi à la capacité du président de la commission des lois à réaliser une synthèse qui ne soit pas molle, mais qui tiennent compte de tous les éléments composant l'intérêt général, surmontant les fractures. Au début, il y avait parmi nous les tenants du département, ceux qui veillaient jalousement aux pouvoirs des régions, les défenseurs du monde rural, et ceux de l'urbain. Au bout du compte, nous avons un texte qui fait litière de tout cela et qui fera date. En pesant chacun des termes au trébuchet - je pense aux pouvoirs de police, nous avons créé quatorze métropoles.

Les moyennes et petites villes, le monde rural n'ont pas été oubliés avec la création des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux. Madame la ministre, je vous signale que les intéressantes dispositions sur la gestion des milieux aquatiques s'appliquent à toute la France, sauf la métropole de Lyon... Il faudra y remédier.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Un accord Collomb-Collombat historique, compte tenu du passé !

M. Gérard Collomb.  - Trois métropoles à statut particulier verront le jour : Lyon, dont la création se fait dans le consensus ; Aix-Marseille-Provence, dont la gestation a été plus douloureuse, mais qui donnera naissance à une métropole riche d'une formidable histoire, préfigurée par Marseille, capitale européenne de la culture ; enfin le Grand Paris sur un territoire compliqué, fractionné, pourtant si important pour notre pays - il concentre 42 % de la production nationale. Comment aurions-nous pu nous en passer ?

En première lecture, le Sénat avait remis une page blanche ; la navette a fait émerger un nouveau texte qui, malgré ses lacunes, a le mérite d'exister ; il sera le fondement des constructions futures. La communauté lyonnaise, qui existe depuis 60 ans, s'est construite par tâtonnements successifs : je suis persuadé qu'il en il ira de même pour l'Ile-de-France.

Certains sont déçus, notamment sur l'élection des conseillers au suffrage universel direct

M. Ronan Dantec.  - Pour le moins !

M. Gérard Collomb.  - Il est acté dans le texte qu'il sera institué en 2020.

Mme Hélène Lipietz.  - Pourquoi attendre six ans ?

M. Gérard Collomb.  - C'est la volonté commune. Ce texte représente une grande avancée par rapport au passé. Certaines métropoles rejoignent la ville précurseur, je m'en réjouis ; c'est fondamental pour notre pays. Notre monde change rapidement, l'Europe semble affaiblie face aux régions émergentes, en plein bouillonnement. Nos déficits se creusent. Nous ne pouvons pas rester immobiles. Face à tous ces bouleversements, il faut agir : non en rognant ici ou là, mais en reconstruisant notre administration et en repensant notre organisation pour faire vivre nos territoires dans leur diversité - j'y insiste pour M. Favier. Il faut conforter les villes petites et moyennes et faire émerger trois ou quatre grandes villes susceptibles de figurer dans la compétition internationale.

Je suis fier et heureux d'avoir participé à ce qui sera jugé demain comme une révolution dans la gestion de notre pays. (Vifs applaudissements socialistes)

M. Louis Nègre .  - Girondin dans un État hyper centralisé, ma déception n'a pas été éteinte par la navette. Nous devons agir dans le cadre d'une République une et indivisible. Pourquoi tant de décisions remontent-elles inutilement à Paris ? D'autres pays permettent l'adoption de lois régionales. Nous en sommes loin...

Ce texte manque d'envergure, de vision et d'ambition ; c'est ce que j'appellerai un petit bonus... Où est passé ma gauche ? Maintenir la compétence transports à la région et le logement à la métropole m'interpelle : la doxa socialiste a toujours lié ces deux compétences. Avec cette répartition, elles pourraient être exercées de manière contradictoire, au détriment des citoyens.

Je veux féliciter le rapporteur et me réjouis des résultats de la CMP. Le Haut Conseil des territoires a été utilement supprimé, l'élection supracommunale n'a pas été retenue : c'est heureux. Grâce au Sénat, le bloc communal s'est vu à nouveau confier l'organisation des services publics de proximité, l'aménagement de l'espace, le développement local, la fameuse mobilité durable ; cela va dans le bon sens. Les nouveaux schémas régionaux d'intermodalité seront équilibrés par la nécessaire collaboration des autorités organisatrices, c'est positif.

Les métropoles, apport majeur du texte, pourront mettre en oeuvre des projets de développement ambitieux au sein d'un espace de solidarité. Le succès de la métropole Nice-Côte d'Azur, crée par Christian Estrosi, a sans doute été une source d'inspiration... Je suggère même que la conférence métropolitaine de l'article 31 s'en inspire davantage.

Je salue la reprise par le Gouvernement et le Sénat de mon amendement pour une meilleure gouvernance des gares. À l'article 35 B, les dispositions relatives à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations sont innovante et positives. Il fallait casser la litanie des catastrophes provoquées par les inondations chaque année - 153 morts depuis 1987, 800 millions à un milliard de dommages annuels, 500 millions d'indemnisations versés chaque année payés via une surtaxe de 12 % sur les primes d'assurance : voilà le coût du risque d'inondation. La neutralité financière est assurée, puisque les charges financières transférées seront compensées. Les dispositions relatives au stationnement, qu'il n'y a pas lieu de craindre, monsieur Hyest, visent seulement à assurer une meilleure disponibilité des places et limiteront les effets de l'incivilité. Enfin, les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux sont une innovation utile.

Malgré ses imperfections, je voterai ce texte qui traite de problèmes essentiels pour la vie quotidienne de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Hervé Marseille .  - Je salue d'abord notre rapporteur pour son remarquable travail.

Si nous pouvons nous réjouir de la suppression du Haut Conseil des territoires, le dispositif de la métropole du Grand Paris demeure préoccupant. La modernisation n'est toujours pas au rendez-vous malgré les évolutions incongrues du texte. En seconde lecture, le projet de loi est presque devenu une proposition de loi puisque l'article 12 a été complètement récrit par un groupe de députés. Les ministres ont beaucoup reçu, écouté, mais les élus n'ont pas été entendus - je pense à ceux du syndicat mixte Paris-Métropole, qui rassemble la majorité des élus d'Ile-de-France. La métropole doit disposer des compétences à la mesure de son rôle, mais non de responsabilités démesurées.

L'article 39 alinéa 2 de la Constitution dispose que les projets de loi concernant les collectivités territoriales sont soumis en première lecture au Sénat ; avec la réécriture de l'article 12, il n'a pas été respecté, non plus que l'obligation d'étude d'impact ou d'évaluation du financement, ce que le Conseil constitutionnel ne manquera pas de relever. Bref, cet article a été adopté de manière inconstitutionnelle. Ce projet de loi, qu'on nous présente comme l'acte III de la décentralisation, est en réalité de recentralisation.

De plus, le principe de subsidiarité est méconnu par la fusion-absorption prévue des EPCI dans la métropole, ce qui porte atteinte à l'égalité des droits des collectivités territoriales.

L'article premier de la Constitution proclame que l'organisation de la République est décentralisée. Or les EPCI disparaissent au profit d'une métropole de 6,5 millions d'habitants - plus que la population totale du Danemark ou de la Norvège. La métropole ne répond pas au critère d'organisation intercommunale - une constitution et un fonctionnement démocratiques. En fait, le texte crée une nouvelle collectivité à statut particulier, comme celle de Lyon. Le risque de tutelle d'une collectivité sur une autre est réel.

L'article 72 de la Constitution liste les collectivités territoriales et prévoit que, pour s'administrer, elles doivent disposer d'une assemblée délibérante. J'attire l'attention de mes collègues parisiens : la commune de Paris ne sera plus une collectivité autonome. L'article 56 du texte prévoit que l'État peut attribuer par décret aux métropoles des compétences dérogatoires en matière d'urbanisme ; or l'organisation des compétences des collectivités locales relève constitutionnellement de la loi. Encore un motif d'inconstitutionnalité.

Ce projet de loi, qui organise un véritable bouleversement institutionnel et éloigne les citoyens de la prise de décision, contrevient à de nombreux principes constitutionnels. Les élections municipales de mars seront une occasion de sanctionner les auteurs de ce texte. (M. Roger Karoutchi, Mmes Catherine Procaccia et Isabelle Debré applaudissent)

M. Vincent Eblé .  - Je veux d'abord dire ma satisfaction et me félicite de l'issue trouvée aux dispositions relatives au Grand Paris. Le Sénat a su en prendre sa part. Je salue à ce titre le travail remarquable du rapporteur.

En première lecture, je n'avais pas de position arrêtée, seulement le souhait d'éviter une fracturation du territoire francilien qui aurait relégué la grande périphérie. La nouvelle métropole, resserrée sur Paris et la petite couronne, construite sur la base des communes et dans le respect des EPCI existants, est la bonne solution, tant pour l'organisation des politiques publiques de proximité à l'échelle des bassins de vie que pour la définition de grands projets. Les communes auront toutes un délégué métropolitain : elles seront respectées.

J'ai défendu la distinction de trois types de territoires franciliens : Paris et sa couronne dense, les territoires urbains de grande banlieue et les territoires ruraux de plus faible densité mais sous influence métropolitaine. Il fallait éviter de faire de ces derniers des espaces d'ajustement. Le texte ne les exclut nullement des dynamiques métropolitaines.

M. Philippe Dallier.  - Exactement !

M. Vincent Eblé.  - Le retrait de ces territoires au-delà des limites de la métropole ne les empêchera pas de conduire des politiques d'aménagement et de développement économique, c'est heureux ; le texte prévoit l'articulation de ces territoires intermédiaires avec le Grand Paris. Il impose, sauf exception, aux intercommunalités de se structurer autour de 200 000 habitants. Les conditions d'un dialogue entre les futurs EPCI et la métropole sont réunies et la cohérence territoriale à l'échelle de la région est assurée. Je regrette toutefois qu'on ait retenu le critère de localisation du siège de l'EPCI existant pour définir ceux concernés par le seuil, ce qui risque d'entraîner des stratégies de contournement de la loi, dont j'ai déjà observé les prémices. L'amendement que M. Richard et moi-même avions présenté a été rejeté ; de fait, il faudra s'en remettre au bon sens du préfet.

Ce texte respecte le modèle pour lequel j'ai toujours plaidé. Je le voterai. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Dallier .  - Habemus magnam Lutetiam ! Comme je ne suis pas sûr de mon latin, je le dirai en français : nous avons un Grand Paris, de la fumée blanche est sortie de la CMP... Une solution a été trouvée à un problème qui paraissait insoluble. Je désespérais d'y parvenir, tant les résistances étaient fortes - elles le sont encore. Nous le devons à Mmes les ministres, qui ont compris que le rejet de l'article 10 initial imposait l'abandon d'une métropole assise sur un périmètre englobant 10 des 12 millions d'habitants de la région. Je ne comprends pas, monsieur Karoutchi, que l'on défende encore un modèle d'empilement des couches territoriales alors qu'à l'UMP nous plaidons pour davantage de simplification. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je salue également l'action du rapporteur René Vandierendonck, qui a compris que l'on ne pouvait pas découper les EPCI d'un même département en quatre ou cinq morceaux.

Je veux également rendre hommage à Jean-Jacques Hyest, élu de Seine-et-Marne, qui aurait pu craindre le Grand Paris et a rendu possible l'émergence de la solution que nous examinons, et les 40 sénateurs UMP qui m'ont suivi en seconde lecture pour éviter au texte un destin funeste.

Beaucoup d'élus de province nous regardaient avec ahurissement et se demandaient pourquoi nous ne parvenions pas à créer une véritable métropole. Le Sénat a fait oeuvre utile en dépassant les clivages politiques. Après les critiques suscitées par le sort réservé aux textes financiers, il démontre sa capacité à faire émerger des majorités d'idées ; j'espère que les observateurs le souligneront. L'histoire montrera que c'est ici que la réforme de notre organisation territoriale a été préfigurée, depuis mon rapport de 2008.

Avons-nous fait le plus dur ? Je crois que oui, ne pas produire de texte du tout eût été une catastrophe. Mais je mesure le chemin qui reste à parcourir. Les adversaires du texte ont annoncé leur souhait de se battre pied à pied, de saisir le Conseil constitutionnel et d'attaquer tous les actes administratifs à venir. M. Marseille nous en a donné un avant-goût. La mission de préfiguration devra être diplomate, convaincante, le plus efficace possible. J'ai obtenu que le Parlement y soit représenté. Et puisque l'on approche de Noël, vous me feriez un beau cadeau en m'y nommant... (Sourires)

Voilà des années que je me bats pour la métropole du Grand Paris. On m'a accusé de vouloir refaire le gross Paris, ressusciter le département de la Seine, recentraliser alors que je luttais contre l'émiettement des pouvoirs. J'ai participé à des dizaines de réunions et de colloques, à l'issue desquels on venait m'appuyer. Mais rien ne se passait.

Certes, ce texte ne va pas assez loin. Mais c'est une première étape. La suppression des départements de la petite couronne sera la prochaine. Ce sera une révolution, qui inquiète d'abord ceux qui évaluent le changement à l'aune de leur pouvoir ou de la richesse de leur territoire... Je peux le comprendre, mais l'intérêt national commande, pour l'heure, de donner à Paris les moyens de rivaliser avec les autres villes-monde, de rééquilibrer l'est et l'ouest de la région, de réduire la fracture territoriale. Je finirai comme j'ai commencé, en latin : Magna Lutetia fluctuat nec mergitur ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Luc Carvounas .  - La chambre des collectivités territoriales ne pouvait pas ne rien proposer sur la région capitale. La création d'un EPCI unique à fiscalité propre pour la métropole est une solution pérenne qui va assurer la solidarité entre les territoires. Certains plaident plutôt pour des coopérations de ville sur une base volontaire ; encore faudrait-il que le maire de Suresnes accepte de financer la médiathèque de Bondy ou que la Seine-Saint-Denis participe à l'entretien des voiries de l'agglomération Plaine Centrale en Val-de-Marne... « Tout est bien sortant des mains de l'Auteur des choses » écrivait Jean-Jacques Rousseau... Non, l'État naturel pour un exécutif local est bien de privilégier les habitants de son territoire.

Grâce à ce texte, nous changeons d'échelle ; mais la métropole ne signe pas la mort des communes car les maires en sont les parties prenantes. Sur ces bancs, il y a quelques années, nombreux s'opposaient à la loi Chevènement. Ce sont les mêmes qui s'opposent aujourd'hui à ce texte en brandissant l'étendard de l'intercommunalité.

Le couple EPCI-région est complémentaire. Je salue le travail de MM. Sueur et Vandierendonck qui ont su faire valoir la position du Sénat en CMP. Je regrette toutefois le seuil démographique des 300 000.

Je voterai ce texte, message fort envoyé à tous nos concitoyens et pas seulement aux Franciliens. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Roger Karoutchi .  - Hier, le président de la région socialiste a proposé à l'assemblée régionale un texte dénonçant les initiatives de l'État : baisse des dotations, création de la métropole du Grand Paris... Moi, je l'ai refusé ; mais les élus socialistes se sont empressés de le voter...

Très franchement, il y a de quoi rigoler : les parlementaires socialistes sont pour la métropole, les conseillers régionaux du même parti sont contre. Ceux qui défendent la région sont ceux qui la menacent avec la métropole ! Cherchez l'erreur !

M. Alain Richard.  - Corporatisme des collectivités...

M. Roger Karoutchi.  - La région Île-de-France abrite certes 11,5 millions d'habitants, mais elle ne fait que 2 % du territoire national ; c'est un espace très peuplé, difficile à gérer. Comment imaginer séparer la compétence transports et la compétence logement ? En réalité, vous avez vidé la région Île-de-France de son sens. La métropole sera puissante et volontaire : la coordination avec la région et les départements de grande couronne sera très difficile... Certains secteurs commencent d'ailleurs à se rapprocher de territoires appartenant à des régions limitrophes, comme Rambouillet avec Dreux... À terme, la région est morte...

Tant qu'à faire, je suis moi aussi candidat à la mission de préfiguration, il lui faut de la contradiction...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Et de la parité !

M. Roger Karoutchi.  - La constitutionnalité du texte est plus que douteuse, M. Marseille l'a excellemment dit. Où est l'étude d'impact ? Combien cela va-t-il coûter ? Les communes pourront-elles délibérer ? Non ! L'autonomie des collectivités est-elle respectée ? Non ! Le Parlement se prononce-t-il en toute connaissance de cause ? Non ! Un recours devant le Conseil constitutionnel sera bien sûr déposé.

Je me suis opposé au périmètre retenu...

M. Claude Dilain.  - Il fallait amender le texte !

M. Roger Karoutchi.  - ... et j'ai plaidé pour la solution du syndicat mixte.

Bref, ce texte est une occasion ratée. J'y vois une recentralisation forcée, au mépris des élus de gauche comme de droite, à qui on dit : vous ne faites pas le job, nous allons le faire à votre place. Ce n'est pas ça, la décentralisation ! (Mmes Catherine Procaccia et Isabelle Debré applaudissent)

M. Philippe Kaltenbach .  - Ce texte s'inscrit dans la longue lignée des textes qui ont fait de la France un pays décentralisé depuis 30 ans. Les premiers ont été portés par Gaston Defferre et la gauche...

M. Jean-Jacques Hyest.  - Pas seulement !

M. Philippe Kaltenbach.  - ... d'autres ont été portés par la droite. La présente réforme est conforme à leur esprit, et conforte la démocratie de proximité. Au terme d'une exemplaire coproduction législative, la CMP a abouti. Ce texte a pleinement profité de l'expertise du Sénat. Je félicite notre rapporteur, le président de la commission des lois ainsi que Mmes les ministres, qui ont permis ce résultat.

Je fais miens les propos des sénateurs socialistes, comme de certains collègues de l'UMP ; ce texte a su dépasser les clivages partisans. J'applaudis particulièrement les propos de M. Dallier.

Mme Isabelle Debré.  - C'est ce qui nous inquiète...

M. Philippe Kaltenbach.  - À l'usage, et grâce à la mission de préfiguration, j'ai la conviction que nous pourrons rassurer les élus communistes de l'agglomération parisienne qui sont, comme nous, attachés à la réduction des inégalités. Et je dis aux Verts que l'engagement relatif à l'élection des conseillers au suffrage universel direct a été pris pour 2020.

Reste à convaincre le dernier carré, les élus UMP et centristes des Hauts-de-Seine qui sont assis sont un véritable coffre-fort.

M. Hervé Marseille.  - Clamart n'en est pas un !

M. Philippe Kaltenbach.  - La réalité, c'est qu'ils ne veulent ni de logements sociaux ni d'une mutualisation qui se fera aux dépens des communes très riches, voire trop riches, de l'ouest parisien...

Mme Catherine Procaccia.  - Elles sont bien gérées, voilà tout !

M. Philippe Kaltenbach.  - Plus de péréquation, plus de démocratie locale...

Mme Isabelle Debré.  - Et une couche supplémentaire !

M. Philippe Kaltenbach.  - ... Je suis fier de voter ce texte ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Isabelle Debré.  - On verra ce qu'en penseront les maires des Hauts-de-Seine !

La discussion générale est close.

Vote sur le texte élaboré par la CMP

M. le président.  - Seuls les amendements du Gouvernement sont recevables aux termes de l'article 42-12 de notre Règlement.

ARTICLE 31

Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 174

Remplacer les mots :

mentionnés aux 1° et 2° de l'article

par les mots :

prévus à l'article

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Amendement corrigeant une erreur de coordination.

M. René Vandierendonck, rapporteur.  - À titre personnel, favorable, car la commission n'a pas pu se réunir.

M. le président.  - Le vote est réservé, en application de l'article 42-12 de notre Règlement.

Interventions sur l'ensemble

M. Ronan Dantec .  - Je rends hommage à Mme Lebranchu à qui nous devons ce point d'équilibre entre des approches si divergentes que se prononcer aujourd'hui sur ce compromis est un tour de force. Je salue sa ténacité et son engagement et je sais que nous avons bien des perspectives communes mais point d'équilibre n'est pas élan et il n'y a pas dans ce texte toutes les clarifications nécessaires. Malheureusement, le Parlement, tel un canasson fourbu, a renâclé devant l'obstacle et l'a contourné, ajoutant de la complexité administrative, lecture après lecture. Je prends l'image du canasson à dessin car les départements, dit-on, ont été délimités en tenant compte de la distance que pouvait parcourir un cheval en une journée. À l'heure du bus, du tramway et de la voiture, l'agglomération et la région sont les échelons les plus pertinents pour la décentralisation. Nous nous réjouissons que la région ait été reconnue chef de file dans plusieurs domaines, dont l'environnement, et que l'intercommunalité ait des compétences renforcées, mais nous avons réduit la capacité de coordination régionale et nous n'avons pas su briser le tabou d'un suffrage universel direct dans les intercommunalités... qui a suscité la charge de cavalerie des pouvoirs locaux.

M. Jacques Mézard.  - Démagogie !

M. Ronan Dantec.  - L'hypothétique loi de 2017 introduisant une dose de proportionnelle pour l'élection des conseillers communautaires semble briser le tabou mais dans le paragraphe suivant, par une nouvelle cabriole de la CMP, il est précisé que c'est l'expérience de la loi de 2014 qui servira à préparer le nouveau texte : on ouvre une possibilité pour aussitôt la fermer. Belle synthèse digne d'un congrès, comme savent en établir les écologistes eux-mêmes mais, s'agissant de la décentralisation et du renforcement des pouvoirs démocratiques, c'est inquiétant et inacceptable ! À Rennes le premier ministre a annoncé un renforcement du pouvoir des régions, grâce à un approfondissement de la décentralisation, objet du deuxième projet de loi. Nous nous retrouvons dans ces propos. Nous rêvons déjà de pouvoir voter cette autre loi, mais considérant que c'est une occasion gâchée, aujourd'hui nous ne voterons pas ce texte.

M. René Vandierendonck, rapporteur .  - Votre rapporteur n'a rien négocié en coulisses, la dernière intervention le montre bien. Il a joué cartes sur table en s'efforçant d'associer toutes les formations politiques. Il est un peu gêné que certains propos mettent en cause sa capacité d'écoute, qui est aussi le fait du rapporteur de l'Assemblé nationale. Ce qui se joue dans ce vote, est la question suivante : quel rôle donner au Sénat dans la construction d'un texte majeur de décentralisation ? Tout est dit. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

À la demande du groupe CRC, le texte de la CMP, modifié par l'amendement n°1, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°110 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l'adoption 162
Contre 152

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs socialistes ; MM. Jean-Pierre Sueur et Philippe Kaltenbach se lèvent pour saluer cette adoption)

Mme Marylise Lebranchu, ministre .  - Je me réjouis de l'adoption de ce texte ; je regrette toutefois certains votes, que je ne comprends pas. J'approuve la décision raisonnable, transpartisane, qui vient d'être prise : les sénateurs sont de grands politiques mais raisonnables. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - À mon tour d'adresser des remerciements à tous, sénateurs, groupes politiques, ministres ainsi qu'à tous les fonctionnaires qui contribuent au bon déroulement de nos débats. Au cours de l'année 2013, nous avons siégé 149 jours - un quasi record depuis 1995 - et passé 1 102 heures en séance, un peu moins qu'en 2009 où nous avons atteint le sommet de 1 194 heures.

Je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d'année.