Prêts structurés (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public (procédure accélérée).

Discussion générale

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Ce sujet des emprunts toxiques est complexe et empoisonne les finances des collectivités territoriales et de l'État depuis plusieurs années.

Collectivités désemparées et flouées par les banques, ou collectivités irresponsables ? Les différents courants de pensée traversent souvent les bancs des deux hémicycles. Face à cette divergence, nous vous proposons un choix équilibré entre les banques qui participent pour 61 % au financement du fonds de soutien et l'État, qui financera le reste de ce fonds de 1,5 milliard d'euros ; texte équilibré aussi entre les collectivités territoriales et les banques, les aides accordées ne pourront dépasser 45 % du montant des indemnités de remboursement anticipé.

Le projet de loi de finances pour 2014 proposait un dispositif pérenne et équilibré avec un fonds de 1,5 milliard alimenté à 61 % par les banques, le reste par l'État, et une validation législative visant à éviter les risques dévastateurs pour les finances publiques de la généralisation du jugement désormais bien connu du tribunal de grande instance de Nanterre du 8 février 2013. Les décrets d'application sont parus le 2 mai, reste à constituer le comité d'orientation et de suivi du fonds.

Le Conseil constitutionnel a censuré cette validation au motif que son champ était trop large par rapport au motif d'intérêt général recherché.

Le Gouvernement s'est assuré de la constitutionnalité du dispositif qu'il vous propose aujourd'hui. La validation concerne exclusivement les personnes morales de droit public, les emprunts structurés et non plus l'ensemble des emprunts, et elle est limitée au défaut ou à l'erreur de mention du TEG. Elle ne prive nullement les collectivités territoriales des armes dont elles disposent sur le terrain du défaut de mise en garde. Le Conseil d'État a validé la constitutionnalité de ce dispositif.

Il pèse en effet un risque majeur pour nos finances publiques évalué à 17 milliards d'euros, soit 1 % de notre PIB, dont 9 milliards pourraient être dus à court terme. Ce motif d'intérêt général justifie l'intervention du législateur. 10 milliards de coût direct sont liés à la provision du risque contentieux dans les comptes de Dexia et de la Société de financement local (SFIL), dont l'État est actionnaire à hauteur respectivement de 44 % et de 75 %. Une partie de ce coût correspond à la différence entre taux applicable et taux légal ; une autre partie à la nécessité pour ces deux établissements de déboucler des instruments de couverture souscrits auprès d'autres banques.

Le run out -la mise en extinction- de la SFIL deviendrait inéluctable. Elle ne pourrait plus accomplir de production nouvelle pour amortir le coût du stock de prêts toxiques qu'elle a à sa charge. Il en résulterait un coût immédiat de 7 milliards d'euros correspondant à la nécessaire recapitalisation par l'État.

Ce projet de loi n'est pas une amnistie pour les banques. Il est destiné à protéger l'État, et donc les contribuables. Le champ de la validation concerne essentiellement les prêts contractés par Dexia et la SFIL, l'État actionnaire leur ayant accordé sa garantie en novembre 2011. Il ne protège pas les intérêts de Dexia et de la SFIL, encore moins ceux du secteur bancaire, mais bien l'intérêt général. Le nouveau fonds est alimenté à plus de 50 % par les banques ; les collectivités territoriales n'y contribuent pas. Les banques participeront également au fonds qui sera mis en place pour soutenir les établissements hospitaliers face aux emprunts toxiques.

Ce dispositif est équilibré, face à un problème dont le rapport de Claude Bartolone indiquait que la responsabilité était partagée.

Les collectivités seront mieux armées face aux emprunts toxiques. Le projet de loi ne les désarme pas ni n'exonère les banques.

La meilleure arme des collectivités est le fonds de 1,5 milliard d'euros qui prévoit des versements spécifiques et anticipés pour les collectivités de moins de 10 000 habitants qui ont besoin d'être accompagnées dans leur gestion financière.

Le Gouvernement a cherché à concilier l'irréconciliable, à trouver une solution équilibrée, avec le souci de l'intérêt général et de l'appui aux collectivités territoriales. Il n'amnistie pas les banques, qui contribuent au fonds, je l'ai dit. C'est donc avec un enthousiasme mal dissimulé que je vous invite à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Germain, rapporteur de la commission des finances .  - Une validation législative est un acte grave. L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen nous rappelle que « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de Constitution ». Le Conseil constitutionnel exige un motif impérieux d'intérêt général pour justifier une telle mesure. La commission des finances a examiné ce texte à la lumière de ces exigences.

Le Gouvernement nous a saisis en urgence de ce projet de loi, qui valide les contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public sur lesquels le TEG était manquant ou erroné. En effet, par deux décisions du 8 février 2013 et du 7 mars 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre a relevé des défauts ou erreurs de TEG et a jugé que ces manquements devaient être sanctionnés par l'application du taux d'intérêt légal à la place du taux d'intérêt prévu au contrat. La multiplication de pareilles décisions conduirait à une réaction en chaîne désastreuse pour les finances publiques et le financement des collectivités territoriales, dont le coût pourrait atteindre le chiffre colossal de 17 milliards d'euros. Comment en arrive-t-on à un tel montant ?

Le tribunal de grande instance de Nanterre a qualifié de contractuels des télécopies que Dexia avait toujours considérées comme des actes précontractuels. Or, Dexia avait quasi systématiquement omis d'y mentionner le TEG. Plus de mille prêts sont en cause, pour un encours de 7,4 milliards. Le taux d'intérêt légal est actuellement de 0,04 %. Près de 90 % du portefeuille concerné ont été transférés à la SFIL créée après la mise en résolution de Dexia. L'intégralité du portefeuille de prêts structurés est aujourd'hui détenue par l'État, via Dexia ou la SFIL. La prudence comptable oblige ainsi à constituer une provision, estimée à 10,6 milliards d'euros, correspondant à la perte d'intérêts liée au retour au taux d'intérêt légal et au débouclage de certains instruments de couverture. D'où l'intervention rendue nécessaire de l'État pour recapitaliser Dexia et la SFIL, laquelle ne serait pas à l'abri d'une mise en extinction qui coûterait, selon le Gouvernement, 7 milliards d'euros supplémentaires.

J'appelle votre attention sur le déficit de financement qui en résulterait pour les collectivités territoriales, puisque la SFIL est à l'origine de 20 % des prêts qui leur sont consentis. Nous sommes donc face à un problème difficile, mais où les responsabilités sont partagées, comme l'a indiqué le rapporteur de la commission d'enquête de l'Assemblée, entre les collectivités qui ont souscrits ces emprunts, l'État, qui a failli à son devoir de contrôle...

M. Jean-Claude Lenoir.  - C'est bien le problème !

M. Jean Germain, rapporteur.  - ... et les banques qui ont placé ces prêts agressivement.

Mme Cécile Cukierman.  - Très agressivement !

M. Jean Germain, rapporteur.  - Doit-on laisser l'État assumer une charge disproportionnée ? Le contribuable, local et national...

M. Bruno Sido.  - Ce ne sont pas les mêmes ?

M. Jean Germain, rapporteur.  - ...sont sur le même bateau.

M. Henri de Raincourt.  - Et les deux tombent à l'eau !

M. Jean Germain, rapporteur.  - Le pacte de confiance et de responsabilité entre l'État et les collectivités territoriales a proposé une solution équilibrée que je soutiens, pour désensibiliser les emprunts des collectivités, grâce au fonds d'1,5 milliard d'euros, ce qui n'est pas une maigre somme. Le décret d'application est paru. Ce fonds de soutien est le vecteur par lequel les banques participeront à la solution d'un problème qu'elles ont en partie créé.

La répartition des charges est équilibrée et laisse du temps pour régler le problème en douceur aux meilleures conditions, pour l'État comme pour les collectivités territoriales. Lisser une charge de 10 milliards d'euros sur plusieurs années entre État, collectivités territoriales et banques est de bien meilleure politique que de faire supporter à l'État seul une charge de 17 milliards d'euros, dont une part dès cette année. Si ce texte n'était pas adopté, la réaction en chaîne s'enclencherait dès l'arrêté des comptes du premier semestre.

Ce texte prive-t-il les collectivités territoriales de tout moyen de recours à l'encontre des banques ? Non, cela n'a jamais été évoqué et ce serait inconstitutionnel. Le TEG est à l'origine un instrument de protection des particuliers. Il n'apporte aucune information à l'emprunteur de prêt structuré ; c'est malgré tout l'absence ou l'erreur de TEG que le TGI de Nanterre a sanctionné... Les contentieux en cours pourront se poursuivre mais les moyens tirés de l'absence ou de l'erreur de TEG ne seront plus opérants ; le juge appréciera au cas par cas le vice du consentement de l'emprunteur, lorsque la banque n'a pas assumé son obligation d'information, de mise en garde et de conseil à l'égard de son client.

La première mouture de la validation législative, inscrite en loi de finances pour 2014, a été censurée par le Conseil constitutionnel, car visant l'ensemble des prêts conclus par l'ensemble des personnes morales. Ici ne sont visés que les prêts structurés conclus par les personnes morales de droit public. Et un risque équivalent à 0,8 % du PIB peut être qualifié de motif impérieux d'intérêt général ; c'est la conviction du Gouvernement et la mienne.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Fabienne Keller .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Je remercie le rapporteur pour la précision de son rapport et le ministre pour la clarté de son exposé. À partir de la fin des années 1990, les collectivités locales, les établissements publics, les sociétés HLM ont souscrit des prêts structurés ; les premières années de remboursement étaient à taux réduit, la prise de risques peu ou mal cernée, d'autant que la durée des prêts pouvait atteindre 20 ou 30 ans. Avec la crise de 2008, les décalages de taux de change et d'intérêt ont conduit à des taux prohibitifs, sans qu'aucun mécanisme d'alerte, aucun organisme de contrôle ne décèle un risque grandissant, comme l'a établi la commission d'enquête de l'Assemblée nationale présidée par Claude Bartolone. Le contentieux s'est développé sur deux motifs, l'un lié à l'absence ou à l'erreur de TEG, comme en Seine-Saint-Denis ou à Saint-Maur, l'autre étant le manquement à l'obligation de conseil, comme à Lille Métropole.

Le Gouvernement nous présente une solution qui serait équilibrée. Le sujet est grave et les ordres de grandeur des provisions nécessaires considérables. Permettez-moi de regarder aussi les pertes liées à la structure des emprunts dits toxiques, de l'ordre de 10 milliards d'euros, dont la part essentielle restera à la charge des collectivités locales qui les ont souscrits. En regard de cette somme, le fonds d'aide de 100 millions paraît sous-dimensionné... La validation législative leur enlève en outre l'argument de poids que constitue une jurisprudence favorable, pour renégocier leur dossier auprès des banques. D'où une charge qui grèvera donc les finances des collectivités locales et au premier chef les plus endettées. À une période où le pacte de stabilité les prive déjà de 12,5 milliards d'euros, soit une baisse de 12 % des dotations de l'État.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Ne simplifiez pas les choses !

Mme Fabienne Keller.  - Les collectivités seront frappées d'une double peine : aux annuités des prêts déjà souscrits s'ajoutera l'augmentation du spread pour les nouveaux crédits qui leur seront nécessaires, ce qui peut en conduire certaines en limite de déficit de fonctionnement, ce qui leur est interdit. D'où une dégradation de l'autofinancement et une baisse des investissements.

Cela exigerait une étude prospective, avec le ministère de l'intérieur, sur cinq ans, par exemple, dans un contexte de forte baisse de la dotation globale de fonctionnement et d'augmentation des charges de personnel pour les communes à cause de la réforme des rythmes scolaires.

C'est pourquoi le groupe UMP va s'abstenir, car nous sommes très réservés sur le maintien d'un risque lourd pour les collectivités locales, hôpitaux et HLM. Ce dispositif, monsieur le rapporteur, n'est pas équilibré. (Applaudissements au centre et à droite ; MM. Claude Dilain et Pierre-Yves Collombat applaudissent aussi)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Vincent Delahaye .  - Les nombreux élus locaux ici présents se rappellent l'euphorie financière qui prévalait avant 2008 ; le financement des collectivités territoriales était devenu un marché en plein essor pour les institutions financières. Nous avons tous connu ces rendez-vous avec des agents présentant des montages apparemment avantageux, en réalité fort opaques. Un important levier de financement demande un risque de même ampleur. La structuration a créé l'illusion d'un accès facile et sans risque au financement de l'action publique locale, et de nombreux élus se sont laissé aller à des projets pharaoniques, qui ont pris fin avec la crise financière. Dès 2008, la faillite de Dexia a révélé les coulisses de cet âge d'or : des taux proches de l'usure, plus de 14 % pour certains produits de Dexia.

La volatilité des taux variables fait peser des risques importants pour les collectivités locales, les banques, l'État et, au final, les contribuables. Mais c'est l'État qui vit au-dessus de ses moyens, non les collectivités locales ; c'est sur lui que devrait peser l'essentiel de l'effort de redressement de nos finances publiques, monsieur le ministre.

Cette situation fait craindre pour l'avenir du secteur bancaire et l'investissement local. Rappelons-nous la faillite de Bankia, en Espagne, en 2012... Il est difficile d'obtenir des informations précises sur le coût précis des garanties de l'État. Dilemme : nous ne pouvons ni laisser les collectivités dans une situation aussi intenable, ni blanchir des erreurs de gestion. Il n'est pas admissible de mutualiser les conséquences de prises de risques locales parfois abusives, ce n'est pas au contribuable national de payer pour les fautes, par exemple, de Claude Bartolone... (Protestations sur plusieurs bancs socialistes)

M. Claude Dilain.  - Ce n'était pas lui !

M. Jacques Chiron.  - Et Saint-Etienne ?

M. Vincent Delahaye.  - Pourquoi pénaliser les collectivités locales qui n'ont jamais souscrit d'emprunts toxiques ?

M. Bruno Sido.  - Très bien !

M. Vincent Delahaye.  - Les jugements du tribunal de grande instance de Nanterre font peser des risques importants sur les finances de l'État, via la garantie accordée par celui-ci ; on demande au contribuable national de se substituer au contribuable local. Le risque budgétaire maximum a été chiffré à 17 milliards d'euros pour l'État. Bien sûr, le pire n'est jamais sûr mais gouverner, c'est prévoir et, en matière financière, il faut anticiper le pire.

La situation est épineuse. L'inaction serait désastreuse, l'apurement pur et simple injuste. Depuis 2008, les pouvoirs publics ne sont pas restés inactifs, de la charte de bonne conduite de 2009 à la médiation en passant par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale et la loi de séparation bancaire. Le flux est traité, reste à traiter le stock.

Le Conseil constitutionnel a jugé la validation opérée par l'article 92 de la loi de finances pour 2014 insuffisamment ciblée. Les emprunts toxiques ne sont qu'un aspect d'une problématique plus large, avec notamment les partenariats public-privé.

Le groupe UDI-UC est partagé entre ceux qui s'en tiennent à l'adage pacta sunt servanda et considèrent qu'il faut respecter l'avis du juge et ceux qui recherchent, comme le Gouvernement, une position plus équilibrée...

Je considère qu'on ne peut laisser les choses en l'État. Certains voteront pour, d'autres contre, d'autre encore s'abstiendront.

Mme Cécile Cukierman.  - On fait payer à tout le monde les erreurs des banques !

Mme Marie-France Beaufils .  - (M. Éric Bocquet applaudit) Parce que le code général des collectivités territoriales dispose qu'au rang des dépenses obligatoires figurent les intérêts de la dette et le remboursement du capital, certains établissements de crédits se sont cru autorisés à placer auprès des collectivités territoriales des prêts dits structurés, en fait très risqués.

La banque Dexia menait une politique commerciale particulièrement agressive à l'endroit des élus locaux, particulièrement ceux des communes de 2 000 à 5 000 habitants... Depuis que cette banque a abandonné la logique de service pour une logique commerciale pure, l'endettement des collectivités locales s'est accru, d'autant que les dotations budgétaires de l'État ont suivi une pente inverse.

M. Philippe Bas.  - Hélas !

Mme Marie-France Beaufils.  - Depuis la liquidation de Dexia en 2009, les élus sont confrontés à des choix difficiles. Premier choix : faire le dos rond et payer. Deuxième choix : chercher à rester en bons termes avec les organismes prêteurs pour tenter de renégocier leurs prêts et diminuer les risques. La route n'est pas encore balisée, monsieur le ministre. Certains des décrets en Conseil d'État qui devaient accompagner l'application de la loi de séparation des activités bancaires se sont perdus dans les sables...

Le taux d'intérêt légal est de 0,04 % ; celui des obligations à dix ans, de 2 % ; le taux d'usure des prêts immobiliers à taux variable, de 4,64 %. Tout taux supérieur pose un problème majeur. Or les interlocuteurs des collectivités locales refusent de renoncer à une part importante de leur produit net bancaire. Le cours du franc suisse par rapport à l'euro en 2025 devient secondaire quand il s'agit de rembourser un prêt par anticipation...

Troisième choix, les élus peuvent recourir au fonds créé par la loi de finances pour 2014, mais cela entraîne un renoncement à ester en justice et légitime, d'une manière ou d'une autre, l'action des établissements de crédits. L'État intervient pour solder les pénalités de remboursement anticipé sans mettre en question les comportements des banques.

Cette forme d'amnistie bancaire, censurée par le Conseil constitutionnel -on peut penser qu'il censurera aussi le présent texte-, justifie en fait le comportement agressif des banques à l'égard des élus locaux.

Nous aurions attendu du Gouvernement qu'il exige des efforts de la part des banques. Comme le recommandait la commission Bartolone, mieux vaudrait mettre en place une structure de médiation entre collectivités territoriales et banques, pour amener celles-ci à renoncer aux créances.

Dernier choix : le contentieux. C'est un premier revirement sur les termes de la jurisprudence Saint-Denis, qui a déchu la banque, pourtant défendue par Nicolas Baverez, de ses droits à intérêts, et de la jurisprudence Saint-Maur-des-Fossés. Les collectivités peuvent certes attaquer les banques pour avoir failli à leurs obligations déontologiques. Il ne faut pas oublier les dispositions du code civil sur le droit des contrats !

Ce projet de loi, qui n'a guère reçu de publicité, est un effort désespéré pour empêcher la floraison d'une jurisprudence sans cesse plus défavorable aux banques. Il est pourtant temps de s'apercevoir qu'on ne saurait vendre un prêt aux collectivités territoriales comme n'importe quelle marchandise. (Marques d'approbation sur les bancs CRC)

Les provisions pour abandons de créances seront sans doute beaucoup moins importantes qu'annoncées, puisque les crédits resteront dus. En dramatisant la situation, le Gouvernement veut nous faire oublier la censure du Conseil constitutionnel.

Nous sommes opposés à ce texte qui fait des collectivités territoriales les victimes d'une amnistie bancaire. Celle-ci montre les limites de la loi dite de régulation des activités bancaires. (Mme Cécile Cukierman renchérit)

La même situation s'est rencontrée en Espagne, en Allemagne, en Italie, où des banques ont été condamnées pour avoir placé des produits structurés auprès des collectivités territoriales. Une meilleure solution serait de mettre en place, en lien avec la Banque centrale européenne, une structure de refinancement des collectivités. Il faudrait aussi renforcer les institutions de contrôle et la peur du gendarme...

Le fonds de soutien est un bon compromis pour les petites collectivités, les hôpitaux ou les offices d'HLM, qui n'ont pas les moyens d'ester en justice. Il doit être renforcé. Les contentieux doivent aller à leur terme et le principe de séparation des pouvoirs doit être respecté. L'intérêt général, c'est le respect du droit et la possibilité, pour les collectivités territoriales, de se libérer de leur triste rôle de cobayes, plus ou moins consentants, de l'ingénierie financière. La facture qui leur est imposée est d'autant plus salée que les dotations fondent. Aux banques de faire un petit effort ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Anne-Marie Escoffier .  - Je saluerai d'abord la promesse que constitue l'examen d'un projet de loi déposé il y a à peine trois semaines. Le Sénat, peu friand des procédures accélérées, sait toutefois distinguer les urgences réelles. C'en est une, pour sortir le Gouvernement d'un mauvais pas. Lorsque vous et moi en avons discuté, en position inversée, monsieur le ministre, l'article 92 du projet de loi de finances pour 2014 visait à apporter une solution pérenne au problème des prêts structurés aux collectivités territoriales, établissements publics, hôpitaux et services départementaux d'incendie et de secours. Ignorions-nous alors la fragilité juridique de cette validation ? Notre devoir impérieux était certes de protéger les intérêts financiers de l'État. Mais comme c'était prévisible, le Conseil constitutionnel a censuré le dispositif, autorisant seulement la mise en place d'un fonds de soutien aux collectivités.

Toute validation législative doit répondre à un impérieux motif d'intérêt général. En l'espèce, il s'agit de protéger les intérêts de deux entités dont l'État est actionnaire, Dexia et la SFIL.

Ce projet de loi valide les contrats de prêts ne mentionnant pas le TEG, le taux de période ou la durée de période, lorsque les autres informations obligatoires étaient fournies. Seules les personnes morales de droit public sont désormais concernées. Des voies de recours contentieux restent ouvertes.

Des doutes subsistent cependant sur la constitutionnalité du texte : l'égalité de traitement entre emprunteurs est-elle respectée ?

M. Philippe Bas.  - En effet !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Autre question : celle de la sanction infligée aux responsables d'organismes financiers, dont l'incompétence se doublait d'arrogance et qui ont semé le désordre dans les finances locales. Ces dirigeants, où sont-ils ? Que sont-ils devenus ? M. le ministre dit que 17 milliards d'euros sont en jeu. Ce montant est-il crédible ? Sur ce point, le débat est parfaitement confus. Pourquoi ne pas créer une nouvelle commission d'enquête pour cerner les responsabilités et mesurer les risques subsistants ?

J'en viens au sort des collectivités territoriales, établissements publics et Sdis qui se sont laissé entraîner dans des opérations inconsidérées. Certains ne savaient pas qu'ils souscrivaient des contrats léonins, d'autres ont joué consciemment avec le feu. Faut-il infliger la même sanction aux uns et aux autres ? Le fonds de soutien ne doit pas privilégier les emprunts les plus importants mais analyser au cas par cas la capacité de remboursement des collectivités.

Il est temps que ce dispositif, le seul opérationnel, soit connu. Le Gouvernement l'a élargi aux hôpitaux et aux offices d'HLM.

Merci à M. le ministre de sa détermination à résoudre ce problème. Je ne saurais pourtant reconnaître que la solution proposée répond à un impérieux motif d'intérêt général, ni qu'elle nous protège de la déflagration financière. Nous nous abstiendrons. (Murmures sur les bancs UMP, applaudissements sur les bancs RDSE ; M. René Vandierendonck applaudit aussi)

M. Jean-Vincent Placé .  - La situation est grave pour de nombreuses collectivités territoriales, confrontées à l'envol des taux d'intérêts de prêts structurés. Il faut les en sortir, sans les exonérer de leur responsabilité.

Le tribunal de grande instance de Nanterre a ouvert une brèche en reconnaissant que les banques avaient failli à leur devoir d'information. Cela fait craindre une avalanche de décisions similaires avec, à la clé, un risque pour l'État évalué à 17 milliards d'euros : il faut agir.

Si les collectivités ont été inconscientes, les banques portent aussi leur part de responsabilité, n'ayant pas suffisamment averti les collectivités territoriales des risques encourus.

Le Gouvernement propose donc un compromis : en échange d'un fonds de soutien aux collectivités territoriales, celles-ci renoncent à porter l'affaire devant les tribunaux ; les collectivités pourront renégocier les indemnités de remboursement anticipé. Le financement du fonds repose principalement sur les établissements de crédit.

En renonçant à tout recours, les collectivités s'en remettent à l'État : veillons donc à ce qu'elles bénéficient effectivement du fonds de soutien. Nous devons être vigilants sur la répartition du fonds, les critères d'éligibilité, et faire en sorte que les banques n'en bénéficient pas abusivement. L'intérêt de l'État ne doit pas l'emporter sur l'intérêt des collectivités.

Le choix du Gouvernement est un renoncement sans doute critiquable, mais il a le mérite d'offrir une porte de sortie. En responsabilité, le groupe écologiste votera ce texte et salue le travail du rapporteur et du Gouvernement.

Mme Michèle André .  - Ce projet de loi nous oblige à revenir sur quinze ans d'histoire des finances locales et sur une des pages les plus sombres de l'histoire de la décentralisation. La commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les prêts structurés a conclu à une responsabilité partagée entre les banques, les collectivités et l'État, le contrôle de légalité ayant été trop longtemps défaillant. Elle a évalué à plus de 32 milliards d'euros, l'encours total de ces emprunts. L'encours des emprunts toxiques se monterait aujourd'hui à 10 milliards d'euros environ, dont 7 milliards entre les mains de la SFIL, dont l'État est l'actionnaire majoritaire. Le risque, pour l'État, se monterait à 17 milliards d'euros. Il lui faudrait en particulier recapitaliser la SFIL.

Nous connaissons tous la difficulté qu'il y a à bâtir une trajectoire responsable des finances publiques. S'il fallait ajouter aux 50 milliards d'euros d'économies annoncées ces 17 milliards de pertes, notre trajectoire serait mort-née et une mise en extinction de la SFIL pèserait mécaniquement sur les finances locales. La solution proposée par le Gouvernement est sans doute imparfaite, mais il est trop tard pour tergiverser.

Certains appellent de leurs voeux une structure de défaisance comme en Allemagne. Je salue la concertation exemplaire menée avec les élus locaux et les parlementaires. Il a finalement été décidé de créer un fonds de soutien d'1,5 milliard d'euros, en contrepartie de la validation des contrats passés. Cela n'empêchera pas les collectivités d'engager des contentieux sur le fondement du manquement de la banque à son obligation d'information ou de conseil, comme la métropole de Lille l'a fait avec succès contre la Royal Bank of Scotland.

Un autre fonds sera destiné aux hôpitaux. Le fonds de soutien sera finalement abondé pour les deux tiers par les banques, et pour un tiers par l'État.

Afin de nous prémunir contre les difficultés, la loi bancaire a interdit certains emprunts risqués et renforcé les dispositions prudentielles -provisionnement obligatoire des contrats complexes, communication sur la stratégie d'endettement- sans empiéter sur l'autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales.

Ce texte équilibré répond à l'urgence, nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yannick Botrel .  - Ce projet de loi peut être qualifié de « successoral » : il s'inscrit dans la suite logique d'évènements qui se sont déroulés depuis les années 1990, héritage que le Gouvernement doit assumer. Entre 1996 et 2008, la banque Dexia s'est développée tous azimuts et a pris des risques mortifères. (M. François Marc, rapporteur de la commission des finances, renchérit)

Dès octobre 2011, notre collègue Jean Arthuis évoquait le risque que faisaient courir à l'État les 10 milliards de prêts structurés accordés par la banque Dexia alors en grande difficulté.

L'impossibilité de laisser s'effondrer cette banque en raison des risques systémiques a conduit le gouvernement Fillon à lui accorder la garantie de l'État. Cela s'est produit une première fois en septembre 2008 quand le Parlement a voté pour 55 milliards de garantie pour que la banque puisse de nouveau emprunter sur les marchés et entamer son redressement. Une nouvelle garantie a été apportée lors du collectif d'octobre 2011.

Le gouvernement Ayrault a, quant à lui, mis en place la SFIL, qui a repris partiellement les activités de Dexia afin que les collectivités territoriales puissent financer leurs investissements. À cette occasion, les acteurs publics ont été mobilisés dans le capital du nouvel établissement : l'État à hauteur de 75 %, la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 20 % et la Banque postale pour 5 %. Ces mesures d'urgence n'ont pas résolu le problème des prêts structurés consentis par Dexia à certaines collectivités, dont les taux d'intérêts ont atteint un niveau prohibitif et dont la durée peut atteindre quarante ans.

Il en est résulté une série de contentieux qui font peser un risque considérable sur les finances de l'État, donc sur le contribuable national : 10 milliards d'euros immédiatement et 7 milliards d'euros en cas de mise en extinction de la SFIL. Quel est désormais l'encours de prêts structurés, naguère évalué à 32 milliards ?

Un fonds de soutien aux collectivités territoriales a été créé, doté de 1,5 milliard sur dix ans. Cela suffira-t-il ? Vous avez entériné un dispositif d'accompagnement national aux établissements hospitaliers, à hauteur de 100 millions d'euros ; c'est peu au regard des 2,5 milliards d'euros des emprunts toxiques souscrits.

Le groupe socialiste veut faire preuve de son sens des responsabilités ; c'est dans cet esprit qu'il soutient vos efforts, monsieur le ministre, pour trouver une solution équilibrée et pragmatique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État .  - Merci à tous pour la qualité et la courtoisie de vos interventions. L'excellent rapport de M. Germain, qui a creusé toutes les hypothèses, montre bien que ce texte constitue la moins mauvaise solution.

Madame Keller, la question des emprunts toxiques ne doit pas être confondue avec celle des dotations. Qu'il y ait eu un défaut d'alerte, c'est certain, mais le principe de libre administration des collectivités locales s'impose. La loi bancaire a prévu des garde-fous. Quant aux offices HLM, ce sont des personnes morales de droit privé.

Le fonds de soutien n'accorde pas de « chèque en blanc », monsieur Delahaye. Élus locaux et parlementaires y sont représentés et détermineront les critères d'intervention. Vous nous exhortez à ne pas mutualiser les coûts mais il est de notre responsabilité de protéger les contribuables, qui ne sont pour rien dans cette situation.

M. Botrel a parlé, à juste titre, d'un texte « successoral ». On pourrait ainsi évoquer le sort des dirigeants locaux qui ont hérité des emprunts toxiques souscrits par leurs prédécesseurs. Continuité des collectivités territoriales, continuité de l'État : nous devons, nous aussi, faire avec les décisions des gouvernements précédents.

Des doutes ont été émis sur la constitutionnalité de ce dispositif. Lors de l'examen de la loi de finances, l'Assemblée nationale avait considéré que l'intérêt général était de viser toutes les personnes morales, qu'elles fussent de droit public ou privé. Le Conseil constitutionnel lui a donné tort, il n'y a pas lieu de se flageller éternellement : nous corrigeons ici le tir.

Le risque de 17 milliards d'euros ? Même s'il était surestimé par deux ou trois fois, la somme reste énorme !

Faut-il une nouvelle commission d'enquête, comme le suggère Mme Escoffier ? Nous n'avons guère le temps, lequel joue contre nous. Le Gouvernement doit agir pour permettre à la SFIL d'accéder au marché du refinancement.

Oui, monsieur Placé, nous devons être vigilants sur la bonne utilisation des fonds publics. Nous avons les outils pour ce faire : le comité d'orientation, un rapport au Parlement sur le recensement des emprunts toxiques, comme le prévoit l'article 32 de la loi bancaire. Vous l'aurez avant l'été.

Mme André a souligné la nécessité de retrouver la capacité de refinancement de la SFIL. Pourquoi n'avoir pas monté une structure de défaisance, une bad bank, comme disent les Anglo-saxons ? Cela aurait conduit à comptabiliser les montants dans la dette publique...

Mme Nicole Bricq et M. Jean Germain, rapporteur.  - Eh oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - La loi bancaire ainsi que la loi Métropole imposent de nouvelles contraintes aux collectivités territoriales, qui ne pourront plus faire n'importe quoi.

Les élus succèdent à d'autres élus, de droite comme de gauche. Difficile de faire la part des choses, entre bonne foi et mauvaise foi. Je le répète, un rapport vous sera prochainement adressé ; il récapitulera les montants en jeu.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Très bien !

La discussion générale est close.

La séance, suspendue à 16 h 35, reprend à 16 h 45.

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant la discussion de la plus proche loi de finances, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité d'interdire l'émission de produits structurés ou dérivés avec multiplicateur.

M. Éric Bocquet.  - Le 6 décembre 2011, la commission d'enquête dite Bartolone-Dord, de l'Assemblée nationale, a adopté à l'unanimité son rapport sur les emprunts structurés. Parmi ses recommandations, l'interdiction du recours à l'emprunt pour les communes de moins de 10 000 habitants ou les EPCI de moins de 20 000 habitants et l'interdiction de l'offre de prêts structurés dérivés avec multiplicateurs pour toutes les collectivités locales. « Les produits à effet de levier présentent un caractère spéculatif incompatible avec l'utilisation des deniers publics à des fins d'intérêt général » y lit-on. On ne peut encourager le recours à ces produits spéculatifs qui ne servent que les établissements de crédits qui les ont pilotés, assemblés, promus et vendus. La loi de séparation des activités bancaires -dont le décret d'application de l'article 32 est fort attendu- a posé des jalons, mais il faut aller plus loin. D'où cet amendement qui reprend une proposition de nos éminents collègues de l'Assemblée nationale. Éviter les emprunts structurés, c'est éviter une bombe à retardement. Il faut sauver le secteur public local, qui investit -il représente plus de 70 % de l'investissement public- et crée de l'emploi. Nous préférons l'emploi et la croissance à l'aventurisme financier.

M. Jean Germain, rapporteur.  - Retrait, sinon rejet. L'amendement est satisfait par l'article 32 de la loi bancaire.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Retrait, sinon rejet. L'article 32 ainsi que l'article 34 de la loi bancaire répondent à vos préoccupations. Le décret d'application est à l'examen du Conseil d'État et le Comité des finances locales l'a approuvé à l'unanimité. La même loi bancaire donne en outre à l'autorité prudentielle le pouvoir de suspendre ou d'interdire certains produits.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Inséré un article additionnel ainsi rédigé :

Avant la discussion de la plus proche loi de finances, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la résolution des contrats portant sur des emprunts structurés souscrits par des personnes morales de droit privé.

Mme Cécile Cukierman.  - Le champ du projet de loi ne couvre que les engagements souscrits par les personnes morales de droit public. Ainsi, les hôpitaux bénéficieront du fonds de soutien, pas les cliniques privées. Idem pour les offices HLM. Les représentants du peuple doivent être informés du sort réservé aux personnes morales de droit privé. Les banques font-elles preuve de plus de mansuétude envers une entreprise privée qu'envers une collectivité locale ?

M. Jean Germain, rapporteur.  - L'amendement n°8 est satisfait par l'article 32, même si le rapport prévu ne vise pas les personnes morales de droit privé. Monsieur le ministre, nous l'attendons toujours...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Même avis. L'administration n'a pas les moyens de fournir ces informations sur des personnes de droit privé. Vous pouvez auditionner l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Le rapport vous sera remis avant l'été.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Dans le cadre des travaux de notre commission en charge de l'application des lois, nous avons fait le point sur les textes d'application de la loi de séparation des activités bancaires. Plusieurs dispositions substantielles demeurent en suspens, faute de textes d'application. Cela vaut pour la délimitation des secteurs d'activité au sein d'un groupe bancaire, qui était le coeur même du projet de loi. Notre commission des finances est très attachée à ce que ce texte, examiné ici dans un climat quasiment consensuel, soit mis en oeuvre au plus vite.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous faisons confiance au travail de la commission. Sous réserve d'une audition de l'ACPR, nous retirons l'amendement.

L'amendement n°8 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant la plus prochaine loi de finances, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'application des dispositions de l'article 32 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

Mme Marie-France Beaufils.  - La loi de séparation bancaire, promesse du candidat Hollande, consacre la spécificité de la dette financière des collectivités locales : la dépense correspondant au remboursement du capital et des intérêts est obligatoirement inscrite dans le budget de la collectivité. D'où l'enthousiasme des établissements de crédit à proposer leurs services. Le projet de décret d'application de l'article 32 plafonne les taux d'intérêt associés aux prêts à taux variable. Mais un an après la première lecture du projet de loi, il demeure au stade de projet... sans doute à cause des réticences de la profession bancaire. Il serait regrettable que les intentions du législateur ne soient pas respectées pour un texte d'application purement cosmétique.

M. Jean Germain, rapporteur.  - Cette préoccupation est légitime. Demander un rapport n'accélérera pas la publication du décret mais peut-être M. le ministre peut-il réitérer ses assurance en la matière et vous convaincre de retirer votre amendement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Je réponds aux auteurs de l'amendement et à M. Marini. Il manque un arrêté et un décret pour que la loi bancaire soit applicable. Le décret a été signé par M. Sapin ; l'arrêté sera publié avant le 1er juillet.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Merci, monsieur le ministre.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Le décret d'application de l'article 32, déjà examiné par le Conseil d'État et le comité des finances locales, sera prochainement opérationnel. Retrait ?

Mme Marie-France Beaufils.  - M. Sapin vient d'arriver à Bercy. Il a signé le décret, je vous en donne acte et retire donc l'amendement.

L'amendement n°13 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le deuxième alinéa du 1. du I de l'article 92 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase, le pourcentage : « 45 % » est remplacé par le pourcentage : « 55 % » ;

2° Après cette même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Le fonds peut accorder une aide plus importante si les indemnités dues excèdent 5 % des recettes de fonctionnement des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au I. »

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Marie-France Beaufils.  - Pour certains, le conflit s'apparente à un divorce à torts partagés entre collectivités territoriales et établissements de crédit. Pour notre part, nous estimons que la responsabilité est surtout celles des banques, à commencer par Dexia qui a tiré profit de l'ignorance des collectivités territoriales et mené une politique commerciale agressive. C'est ce que montrent les travaux menés par Dominique Baert, aujourd'hui vice-président de Lille Métropole.

Le déséquilibre des informations, des compétences est patent entre les banquiers et les personnels des collectivités, qui n'ont pas bénéficié de l'accompagnement qu'ils étaient en droit d'attendre des services de l'État, perceptions ou préfectures.

Cet amendement prévoit que le fonds de soutien tienne mieux compte de ces réalités.

M. Jean Germain, rapporteur. - Cet amendement modifierait l'équilibre trouvé en loi de finances entre responsabilités des collectivités territoriales et l'aide apportée par le fonds de soutien à la sortie de leurs difficultés. Avis défavorable.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Même avis. Ce plafond de 45 % a été introduit posteriori, pour éviter que les plus petites collectivités locales ne soient pénalisées et bénéficient, elles aussi, du fonds de soutien -qui ne couvre pas l'intégralité des charges, loin s'en faut. On tient compte de la capacité de désendettement de la collectivité, ainsi que de son potentiel financier. Retrait, sinon rejet.

M. Maurice Vincent.  - À l'origine, le fonds de soutien devait parachever un accord transactionnel, intervenu entre la banque et la collectivité. À Saint-Etienne, j'avais obtenu une participation non négligeable de la banque. Mon inquiétude porte sur l'effort que pourra fournir la SFIL. Jusqu'à présent, sa position a toujours été très dure. Je forme le voeu que la SFIL, donc l'État, apporte sa contribution dans ces accords transactionnels, plutôt que d'aller au contentieux.

Mme Marie-France Beaufils.  - Nous prévoyions également une autre protection pour éviter que les collectivités locales n'aient à supporter 55 % du coût... à l'heure où leurs capacités diminuent. Certaines vont se retrouver proches de la faillite...

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  L'article 235 ter ZE du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au III, le taux : « 0,539 % » est remplacé par le taux : « 0,968 % » ;

2° Le IV est ainsi rédigé :

« La taxe fait l'objet de deux versements le 30 avril et le 30 octobre de l'année civile. » ;

3° Le VI est ainsi rédigé :

« Le montant dû en application du III n'est pas déductible de l'impôt sur les sociétés. »

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Éric Bocquet.  - Nous souhaitons accroître les ressources du fonds de soutien en renforçant la contribution des établissements de crédit. Cela n'a rien de scandaleux. On demande aux non-fautifs de payer pour les mauvais élèves, nous objectera-t-on. Mais il en va de même dans le cadre de l'union bancaire. Les interventions de l'ensemble des banques sont systémiques. C'est le propre de la titrisation... Nous vous proposons donc, par parallélisme des formes, de faire jouer une responsabilité collective des opérateurs financiers en instituant une forme de solidarité de place : la solidarité systémique. N'ajoutons pas à l'amnistie bancaire le scandale de la déresponsabilisation des banques ! Celles-ci ont largement les moyens de faire face, vu le niveau de leurs fonds propres et de leurs bénéfices, révélés par un grand quotidien du soir le 5 février dernier : 4,830 milliards d'euros pour la première banque française et 2,2 milliards d'euros pour la deuxième !

M. Jean Germain, rapporteur.  - Vous faites franchir un seuil majeur en visant les banques qui n'ont pas émis d'emprunt toxique. En outre, la solidarité systémique ne serait pas déductible de l'impôt sur les sociétés, ce qui accroît de facto la contribution des banques à un niveau excessif. Retrait, sinon rejet.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Le principe de parité entre les banques et l'État est respecté ; il n'y a pas lieu d'y revenir.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Qui est responsable ? Ceux qui ont laissé s'installer ce système, à la merci d'un jugement de TGI ! Les gouvernements qui se sont succédé depuis trente ans, donc le contrôle de légalité. Responsables enfin, les banques et les collectivités. Oui, mais pas à parité ! On a pointé les élus qui faisaient du trapèze entre les deux tours d'une élection, comme à Saint-Etienne, mais c'est l'arbre qui cache la forêt...

Qu'y a-t-il de scandaleux de demander au système bancaire de participer à un risque systémique ? Si celui-ci n'existait pas, nous ne serions pas là ! Le Gouvernement nous demande, en gros, de voter ce texte pour éviter la faillite de Dexia et de la SFIL, qui entraînerait celle, globale, des banques... L'argumentation est un peu légère : je voterai l'amendement.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement ne cherche pas à protéger le secteur bancaire d'un risque systémique, mais à protéger les intérêts de l'État. La SFIL est garantie à 75 % par la participation directe de l'État ; pour le reste, pour l'État, la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale.

M. Maurice Vincent.  - On retrouve la question de la responsabilité. Le consensus semble être que la responsabilité est partagée. Je pense, personnellement, que la responsabilité incombe avant tout aux banques. Le fonds de soutien doit entrer en vigueur au plus vite, c'est pourquoi je ne voterai pas l'amendement mais je partage l'analyse qui a été exposée.

Mme Marie-France Beaufils.  - La responsabilité de l'État est engagée via la SFIL mais c'est le système bancaire, dans sa conception, qui est notre véritable problème. C'est la réponse des banques aux collectivités locales qui a conduit à la crise dans laquelle celles-ci se retrouvent aujourd'hui.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Pierre-Yves Collombat .  - Nous en sommes encore à coller des rustines... La fatalité n'y est pour rien. C'est la conséquence d'une politique opiniâtre de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis trente ans, avec pour objectif de rendre le marché maître de l'économie. Quand on applique cette politique au financement des collectivités territoriales, la modernisation consiste à remplacer un système public et parapublic assis sur l'épargne, celui de la Caisse des dépôts et consignations et de ses satellites, par un autre, assis sur l'appel généralisé aux marchés financiers. L'ascension puis la chute de Dexia est le produit de cette politique. On n'en a pas tiré les leçons puisqu'on risque à nouveau une crise systémique. Le projet de loi de séparation des activités bancaires n'apporte pas de solution, contrairement à ce qui a été proclamé.

Ce qui frappe, c'est le temps qu'on amis à réagir. Ces produits exotiques ont été créés dans les années 90. C'est à partir de 2005 qu'on se rend compte, comme disaient les Helvètes, qu'il y a le feu au lac. Un article célèbre de Michel Topfer, en 2007, a parlé de bombe à retardement. Mais tout ça a continué... En 2008, l'intervention massive de l'État français, de l'État belge et de l'État luxembourgeois a sauvé Dexia de la faillite. C'est là qu'on découvre l'étendue des dégâts. Que s'est-il passé ? Pas grand-chose... On a nommé un médiateur, édicté une charte de bonne conduite, rien de bien contraignant. Il faudra attendre des décisions judiciaires pour que l'État commence à bouger, dépose un texte, se voit censuré par le Conseil constitutionnel, dépose un autre texte en procédure accélérée pour revenir sur des décisions de justice.

Résultat : le système est toujours aussi exposé au risque de crise systémique. On a installé au coeur du système les bombes à retardement héritées de Dexia, construit un système aussi vulnérable que l'ancien ! Ce n'est pas brillant...

Devant le refus des banques de négocier, les collectivités ont recouru au juge, dont les décisions ne conviennent pas au Gouvernement... On en est là parce qu'on a trop tardé à agir. Je crains que l'on continue de tergiverser alors que le risque de faillite est toujours là.

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Collombat.

Supprimer cet article.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cet article modifie la législation rétroactivement à la suite de décisions de justice qui ne conviennent ni au Gouvernement ni aux banques... On s'attendrait à ce type de pratiques dans d'autres États...

C'est aussi une mauvaise manière faite à la justice et un coup bas aux collectivités territoriales. On nous dit qu'elles pourront continuer d'ester en justice. Mais on les prive d'un argument majeur qui pouvait leur donner raison. On ne peut régler ainsi les problèmes de l'État sur le dos des collectivités.

Sont traités de même les responsables qui se sont mis dans le pétrin et ceux qui ont été abusés, victimes d'un défaut de conseil ou d'une présentation biaisée. Si le but avoué de ce projet de loi est de pousser à la renégociation, ce n'est pas en désarmant l'une des parties que l'on y parviendra.

Il semble en outre que d'autres banques aient été moins dures que Dexia ou la SFIL...

M. le président.  - Amendement identique n°11, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.

Mme Marie-France Beaufils.  - La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les articles de validation législative est sévère... Les considérants de la décision censurant l'article 92 de la loi de finances de 2014 demeurent valables pour le présent projet de loi. Reportez-vous aux considérants 76 et 77 de sa décision : référence à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, respect de la chose jugée, non-rétroactivité de la loi, limitation nécessaire du champ de la validation, pour le premier ; mention du TEG sur les documents contractuels pour le second.

L'article premier de ce projet de loi crée un dispositif général. Où est l'intérêt général ? Serait-il incompatible avec celui des habitants de la Seine-Saint-Denis dont les impôts locaux pourraient croître indéfiniment ? L'intérêt général se résume-t-il à assurer l'équilibre financier de l'État ? Quid de celui des collectivités territoriales qui assument des missions d'intérêt général pour leurs populations ? Il faut supprimer cet article.

M. Jean Germain, rapporteur.  - Je l'ai dit : une validation législative est un acte grave. Car la loi, en principe, ne dispose que pour l'avenir. La rétroactivité est cependant admise depuis longtemps en matière civile, étant entendu que le contrôle du juge constitutionnel et de la CEDH lui fixe des bornes. Le premier demande un motif d'intérêt général « impérieux » -la commission des finances a considéré qu'il était constitué au regard des 17 milliards d'euros de risques. Les collectivités territoriales conservent, je le répète, la possibilité d'introduire une instance judiciaire, non plus sur la base d'erreur ou de défaut de TEG mais pour tous les autres motifs.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Cette analyse est éloquente. Le Gouvernement a tiré tous les enseignements de la décision du Conseil constitutionnel. Oui, les collectivités locales pourront toujours ester sur d'autres motifs, absence manifeste du respect de la prudence nécessaire ou autres.

Je sais que le Parlement ne procède jamais de gaieté de coeur à une validation législative, mais le Gouvernement estime que 17 milliards de risques financiers, c'est très important pour l'équilibre des finances publiques, sans parler du risque systémique et des difficultés d'accès au crédit des collectivités territoriales, accès qui s'est plutôt stabilisé après avoir longtemps posé problème. Retrait ou rejet.

Mme Cécile Cukierman.  - Je voterai ces amendements. S'ils ne sont pas adoptés, je voterai contre l'article, qui est au coeur du projet de loi.

Le principe d'antériorité pose un problème délicat. S'il est remis en question, il ne faut point pour autant oublier l'histoire. Quant à l'intérêt général, le Conseil constitutionnel le dira. Vous estimez cette somme aux alentours de 17 milliards. C'est un peu facile aujourd'hui d'annoncer une somme pareille, dont nous ne maîtrisons pas le calcul.

Ce ne sont pas les collectivités territoriales qui ont créé les emprunts toxiques ; elles ne sont pas plus responsables aujourd'hui.

Réduire la dépense publique, dites-vous, mais à quel niveau ? Celui de l'État ? Et celle qui correspond aux hôpitaux, aux HLM, aux collectivités ? Si les procédures judiciaires s'arrêtent, il y aura bien de la dépense publique à la clé.

Je peux citer en connaissance de cause l'exemple d'une collectivité de moins de 9 000 habitants, dans la Loire, qui a décidé unilatéralement de ne pas payer les taux d'intérêt exorbitants de Dexia, dont l'augmentation correspondait au coût de treize emplois municipaux ou d'une saison de déneigement...

Les agents de Dexia côtoyaient quotidiennement les élus, qui avaient toute confiance en eux. Ils leur ont fait signer des prêts dont ceux-ci ne maîtrisaient pas les tenants et les aboutissants. Le Sénat défend-il ou non les élus et les collectivités locales ?

M. Pierre-Yves Collombat.  - L'incursion de l'exécutif dans le judiciaire ne semblant pas intéresser grand monde, je reviens au traitement de faveur que le Gouvernement réserve aux organismes bancaires, Dexia en France, qui ont failli à leur devoir de conseil. Le rapport de la Cour des comptes à cet égard est éloquent : « le succès des emprunts structurés est dû avant tout à la stratégie commerciale des établissements financiers ». (...) « Les établissements de crédit (...) ne donnent pas les informations nécessaires (...). Des informations erronées ont été transmises ».

En sanctionnant l'absence de TEG, le juge a considéré que cette information était nécessaire à l'appréciation du coût final des prêts. Il ne semble pas avoir considéré, comme le fait le Gouvernement, qu'il s'agit d'une faute vénielle...

L'étude d'impact de ce projet de loi invoque en toutes lettres les pertes significatives que pourrait entraîner, pour le système bancaire dans son ensemble, l'absence de validation législative, mais aussi les perspectives d'austérité supplémentaire pour complaire à Bruxelles.

17 milliards dites-vous, mais à quoi correspondent-ils ? Parlons des contreparties de couverture qu'il faudrait verser aux banques, qui représentent à peu près les trois quarts du capital restant dû. C'est avec les banques de compensation qu'il faut négocier, ce sont elles qu'il faut traîner devant les tribunaux. La ville de Paris a demandé l'annulation d'un swap de Royal Bank of Scotland. Peut-on garantir un contrat qui ne serait pas licite ? Laissons la justice faire son travail !

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

Les amendements identiques nos1 et 11 ne sont pas adoptés.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Collombat.

Supprimer cet article.

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est la suite du précédent. L'article 2 entend « mieux proportionner les conséquences financières d'une erreur de TEG à l'éventuel préjudice subi par l'emprunteur ». Le rôle du législateur est-il de couvrir les erreurs des banques, qui par ailleurs ne manquent pas de collaborateurs qualifiés et fort bien payés ? Il n'y a pas de bonne solution ; la moins mauvaise est de laisser la justice décider.

M. le président.  - Amendement identique n°12, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.

M. Éric Bocquet.  - Cet article a pour but d'empêcher que se répande la jurisprudence Saint-Maur-des-Fossés. Mettre les collectivités territoriales dans l'impossibilité de défendre leurs intérêts viole le principe constitutionnel de libre administration. Quelle étrange conception de l'intérêt général... En organisant les conditions d'une forme d'amnistie bancaire, qui semble moins poser problème que celle qui concernait ici, il y a quelques mois, les représentants syndicaux, on transfère des charges de l'État vers les collectivités locales, lesquelles participeraient, « à l'insu de leur plein gré », à l'extinction de Dexia.

L'intérêt général serait-il de sacrifier la situation financière de quelques communes, hôpitaux, établissements intercommunaux aux ressources asséchées sur l'autel des critères de convergence ? Tout cela pour reconnaître irresponsables les dirigeants d'une banque en faillite et laisser les financiers qui ont usé et abusé des emprunts structurés apprécier l'importance de leurs plus-values...

M. Jean Germain, rapporteur.  - Aucune décision n'est encore passée en force de chose jugée puisque seules des décisions de première instance ont été rendues.

Sans validation législative, les commissaires aux comptes demanderaient immédiatement le provisionnement du risque financier ; plusieurs milliards devraient être alors inscrits aux bilans de Dexia et de la SFIL. Si les ressources de cette dernière étaient insuffisantes, l'État devrait intervenir, ce que sanctionneraient les autorités européennes. On peut le contester mais ainsi fonctionne l'État de droit.

Quand à invoquer « l'insu du plein gré » des collectivités locales, le parallèle avec le Tour de France ne vaut pas : quelle collectivité accepterait de se doper aux produits toxiques ? (Sourires)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Les banques, dites-vous... Mais, en 2008, à tort ou à raison, un gouvernement a demandé au Parlement de financer Dexia ; la commission des finances de l'Assemblée nationale s'est réunie en urgence à la demande de Mme Lagarde et un amendement de dernière minute de 1 milliard d'euros a dû être voté pour éviter, nous a-t-on dit, l'apocalypse.... La Caisse des dépôts et consignations mettait parallèlement 2 milliards d'euros.

En 2011, un autre gouvernement décide de poursuivre l'aventure en remettant au pot. En 2012, nous avons hérité du legs de Dexia et de la SFIL, dont l'État est soit actionnaire, soit garant. Je ne verse pas de larmes de crocodile sur les dirigeants de Dexia, je me suis exprimé en d'autres temps ; pas plus sur ceux des collectivités qui ont pu s'engager sciemment, mais j'ai du mal à faire le tri entre ceux qui ont été abusés et les autres...

Vous mettez en doute le montant de 17 milliards d'euros. Certains organismes nous disent qu'il serait sous-estimé. Nous avons identifié ce risque, il est de notre devoir de le signaler au Parlement. S'y ajoute un risque systémique. Nulle amnistie, nul sauvetage des banques. Nous sommes engagés auprès de deux structures pour 17 milliards d'euros. Nous nous sauvons nous-mêmes ! C'est l'intérêt de l'État qui est en cause.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le problème n'est pas né en 2008. D'alternance en alternance, on n'a cessé de creuser le même sillon, béatement ; les responsabilités sont malheureusement partagées...

On nous déroule le discours d'une mécanique implacable contre laquelle on ne peut rien... Mais l'État de droit que vous invoquez va parfois un peu de travers.

Pour changer la loi afin de minimiser les pertes des organismes financiers, on n'a guère d'état d'âme... Quant à résister à cette mécanique implacable, il n'en est pas question, évidemment ! Que les banques subissent le moins de pertes possibles, les collectivités n'auront qu'à subir, elles ont l'habitude...

Mme Marie-France Beaufils.  - La situation actuelle découle de la pratique de Dexia, certes, mais Dexia n'était pas la seule banque à proposer des emprunts structurés. Et d'autres pays européens ont été confrontés à ce problème. Le système auquel nous nous heurtons est porté par une certaine conception de la construction européenne. Pourquoi ne pourrait-on accompagner les collectivités locales par l'intermédiaire de la BCE ? Celle-ci ne s'est pas privée de soutenir le secteur bancaire, dont les moyens sont d'une autre ampleur. C'est une vraie question, sans réponse, monsieur le ministre...

Les amendements identiques nos2 et 12 ne sont pas adoptés.

L'article 2 est adopté.

L'article 3 est adopté.

L'amendement n°5 n'est pas défendu.

L'article 3 bis est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Collombat.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 2224 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les actions en matière de contrat de prêts, ce délai est éventuellement augmenté des périodes de renégociations engagées entre les parties. »

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le délai de prescription en matière civile étant de cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer un recours, il s'agit d'éviter qu'en s'éternisant, les négociations entre emprunteurs et organismes financiers interdisent tout recours contentieux en cas d'échec.

M. Jean Germain, rapporteur.  - Avis défavorable. Les collectivités locales ont signé des avenants aux contrats de prêt. La prescription quinquennale est suffisante. Et le défaut de conseil, motif possible d'engagement de la responsabilité des banques, se prescrit de même.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Delahaye.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet annuellement au Parlement, avant le 1er octobre de l'année, un rapport qui s'attache à :

- faire état de la situation financière du groupe Dexia ;

- délivrer une information complète sur l'encours connu d'emprunts structurés en France ;

- dresser le bilan d'activité du fonds de soutien aux collectivités surendettées ;

- faire l'état des lieux du contentieux engagé par les collectivités territoriales en rapport avec les dispositions de la présente loi.

La remise de ce rapport peut faire l'objet d'une déclaration en séance publique à l'Assemblée nationale et au Sénat du ministre des finances.

M. Vincent Delahaye.  - Cet amendement a pour objet de faire un point régulier et complet de la situation des collectivités territoriales, de Dexia et des autres prêteurs.

À ce propos, monsieur le ministre, a-t-on des nouvelles des dirigeants de Dexia, hauts fonctionnaires, qui ont touché des primes élevées ?

Ce rapport, je le précise, devrait faire l'objet d'un débat, même si l'amendement n'en fait qu'une possibilité.

M. Jean Germain, rapporteur.  - Votre amendement est juridiquement satisfait par l'article 32 de la loi bancaire, l'article 4 de la loi de finances rectificative de novembre 2011 et l'article 92 de la loi de finances pour 2014. Retrait ? M. le ministre nous dira sans doute que si ces rapports n'ont pas été déposés, ce qui est regrettable, ce n'est qu'une question de temps...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Oui. Le comité d'orientation et de suivi prévu par la loi de finances pour 2014 doit lui aussi remettre un rapport. S'ajoute le rapport annuel de performance sur la mission « Engagements financiers de l'État ».

Je vous remercie de prendre des nouvelles des dirigeants de Dexia, ils y seront sans doute sensibles... (Sourires) Les analyses juridiques qui ont été menées montrent que les conditions de leurs contrats sont difficilement contestables.

M. Vincent Delahaye.  - J'en prends bonne note. Je ne m'inquiète guère pour eux. Je souhaite m'assurer que l'État actionnaire ne renouvellera pas ce genre de contrat. Après des milliards d'euros de pertes, il doit y avoir des conséquences.

Il serait heureux que le Parlement dispose d'une synthèse complète de l'ensemble de ces rapports. Je retire mon amendement.

L'amendement n°6 est retiré.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement a obtenu une baisse de la rémunération actuelle des dirigeants de Dexia, qui avait, à juste titre, choqué beaucoup de monde.

INTITULÉ DU PROJET DE LOI

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Collombat.

Rédiger ainsi cet intitulé :

Projet de loi d'amnistie des organismes de crédits condamnés pour infraction à l'article L. 313-2 du code de la consommation.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur  - Il y a un peu de provocation, j'en conviens (Sourires) mais j'aime que les choses soient dites. Ne vous étonnez pas si les électeurs ont de plus en plus de mal à comprendre que l'on dissimule la réalité et les intentions derrière des titres ronflants.

M. Jean Germain, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui reflète la subjectivité de l'appréciation portée par son auteur sur ce projet de loi...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Ce texte est équilibré. Le Gouvernement ne cède pas à la provocation. (Sourires)

M. Éric Bocquet.  - Cette amicale provocation ne me laisse pas insensible. Le mot « amnistie » claque... La Gazette des communes a fait état d'un rapport de l'Inspection générale des finances qui, sans audition ni étude préalable « absout Dexia et l'ensemble des autorités de tutelle et de contrôle, fait litière des rapports parlementaires et passe sous silence les jugements rendus par les tribunaux »... Absolution pour les banques, les collectivités pécheresses n'ont qu'à faire pénitence... Les collectivités territoriales n'ont pas échappé aux folles dérives de la finance mondiale. Pour le groupe CRC, la responsabilité principale est celles des établissements de crédit. Quand un boucher vend de la viande avariée, faut-il incriminer les clients intoxiqués ? (Applaudissements sur les bancs CRC ; MM. Claude Dilain et Roland Courteau applaudissent aussi)

Mme Cécile Cukierman.  - Les collectivités ne doivent pas être mises en cause. L'amendement n°10 formulait des propositions pour faire contribuer les banques. En vain : le Gouvernement excuse celles-ci plus qu'il ne les condamne.

La grande majorité des collectivités territoriales n'ont pas agi sciemment. Or on les met toutes dans le même sac, pour éviter que certaines ne contournent leurs obligations. Cela me rappelle les débats de naguère sur la sécurité sociale des étudiants.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Pierre-Yves Collombat .  - Sur ce sujet, je ne doute pas que nous nous reverrons. Écoper la barque qui prend l'eau n'est pas de bonne méthode : il faudrait prendre des mesures plus radicales. (On apprécie sur les bancs RDSE)

Le système bâti sur les ruines de Dexia est aussi fragile que l'ancien. C'en est fascinant. Les banques sont responsables de la situation, beaucoup plus que les collectivités territoriales, même si certaines de celles-ci ont eu des comportements répréhensibles. Les tribunaux en ont jugé ainsi. Qui est le mieux placé pour trancher ? Le juge. Or ce projet de loi a pour but d'exonérer les banques de leurs responsabilités. Comment encourager les parties à trouver un accord en désarmant l'une d'entre elles ?

Je me désole de voir le Gouvernement fléchir devant le pouvoir financier. « There is no alternative », disait une célèbre social-démocrate (Sourires entendus). En fait de social-démocrate, je préfère celle qui disait que la finance, cela se combat, mais passons. Les États-Unis ne sont pas soupçonnable de socialisme et ils ont su, eux, négocier chèrement le renoncement à poursuivre ceux qu'ils qualifient de banksters dans l'affaire des subprimes : 86 milliards de dollars, entre 2010 et 2013 !

Dès lors que l'on me dit que c'est à cause de Bruxelles que l'on ne peut faire autrement que ce que vous proposez, je ne me résous pas à cette démission et je vote contre ce texte.

Mme Marie-France Beaufils .  - Le retard pris par les négociations nous fait douter de la bonne volonté du secteur bancaire. L'amnistie qui lui est accordée n'est pas admissible. À nous de lui rappeler le rôle qu'il joue dans la vie économique du pays et qu'il doit se montrer beaucoup plus responsable qu'il ne l'a été.

En cas de nouveaux contentieux, ce texte pourrait mettre l'État dans des difficultés pires encore. Ce texte ne résout aucun des problèmes auxquels on est confronté en la matière. L'État ne peut faire prévaloir son intérêt sur celui des collectivités territoriales : les deux sont parties prenantes de l'intérêt général.

Nous voterons contre ce projet de loi et demandons un scrutin public.

Mme Michèle André .  - Le groupe socialiste votera le texte du Gouvernement. Les élus confrontés à ces difficultés peuvent être assurés de notre soutien : c'est justement pour ne pas les abandonner que nous voulons sauver la SFIL.

Nombreux sont ceux, également, qui ont su refuser les conditions édictées par les banques, qui n'ont pas cédé au démarchage agressif. Avec la loi bancaire, nous avons fait en sorte qu'une crise pareille ne puisse se reproduire. Les collectivités s'administrent librement. Incitons-les à se montrer prudentes et à, oser dire non.

À la demande du groupe CRC, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°176 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 186
Pour l'adoption 138
Contre 48

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs socialistes)