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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt d'un rapport

Stages (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche

M. Gilbert Barbier

M. Jean Desessard

Mme Catherine Deroche

Mme Françoise Férat

Mme Laurence Cohen

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE PREMIER

Lutte contre le dumping social (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social

M. Gilbert Barbier

M. Jean Desessard

Mme Catherine Deroche

Mme Isabelle Pasquet

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 7 TER

Interventions sur l'ensemble

M. René-Paul Savary

M. Jean Desessard

M. François Rebsamen, ministre

Territoires ruraux et réforme territoriale (Questions cribles)

M. Gérard Le Cam

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique

M. Joël Labbé

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

M. Jacques Mézard

M. François-Noël Buffet

M. Aymeri de Montesquiou

Mme Frédérique Espagnac

M. François Pillet

M. Vincent Eblé

M. Philippe Adnot

Décès d'un ancien sénateur

Demande d'avis sur des nominations

CMP (Nominations)

Retrait d'une question orale

Saisine du Conseil constitutionnel

Formation professionnelle des demandeurs d'emploi (Question orale avec débat)

M. Jean Desessard, auteur de la question

Mme Aline Archimbaud

M. Jean-Noël Cardoux

M. Hervé Marseille

M. Dominique Watrin

Mme Karine Claireaux

Mme Françoise Laborde

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social

M. Jean Desessard, auteur de la question

Ordre du jour du lundi 16 juin 2014




SÉANCE

du jeudi 12 juin 2014

109e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président

Secrétaires : M. Jean Boyer, Mme Michelle Demessine.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi du 12 mars 2014 relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet.

Acte est donné du dépôt de ce rapport, qui a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois et, pour information, aux commissions des lois et des affaires économiques.

Stages (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Notre assemblée avait adopté le 14 mai dernier, après de longs débats, la proposition de loi de Mme Khirouni. Nous l'avons enrichie pour lutter contre la précarité des stagiaires, responsabiliser les établissements d'enseignement et tenir compte de la spécificité des maisons familiales rurales, auxquelles tous les groupes politiques sont attachés. Nous avions relevé la gratification minimale des stages de 12,5 % à 15 % du plafond de la sécurité sociale, soit de 436 à 523 euros, et l'avons rendue obligatoire pour tous les stages de l'enseignement supérieur d'une durée de plus d'un mois, contre deux. Enfin, sur proposition des groupes CRC et RDSE, nous avions étendu à tous les stagiaires l'accès à la restauration collective de l'organisme d'accueil et aux titres-restaurant ainsi qu'à la prise en charge des frais de transport.

Afin que les établissements d'enseignement s'impliquent davantage dans le suivi de leurs étudiants, la commission des affaires sociales avait confié à leur conseil d'administration le soin de fixer le nombre maximal de stagiaires par enseignant référent et les modalités de leur suivi. Le Sénat avait précisé qu'il s'agira d'un suivi pédagogique et administratif constant, et qu'un décret déterminerait un plafond de stagiaires par enseignant référent. Sur proposition du groupe UMP, un lien direct entre l'enseignant référent et le tuteur du stagiaire avait été établi. Enfin, sur proposition commune de l'UMP, de l'UDI et du RDSE, les stagiaires embauchés ensuite en CDI dans le même organisme devaient être comptabilisés au même titre que des jeunes en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation pour le calcul du bonus-malus apprentissage.

Ce récapitulatif montre que nos désaccords avec l'Assemblée nationale étaient mineurs. Le texte final est moins ambitieux que je ne l'aurais voulu, reste qu'il est l'aboutissement d'un long mouvement que j'avais engagé avec une proposition de loi déposée il y a sept ans et qui avait eu moins de succès.

La CMP a retenu la hausse de la gratification minimale tout en ramenant à deux mois la durée de stage imposant une gratification. Elle a également supprimé l'article imposant aux établissements de proposer un stage aux étudiants qui n'en ont pas trouvé et celui sur la prise en compte du stage dans le calcul du bonus-malus apprentissage.

J'invite le Sénat à adopter les conclusions de la CMP, ce texte est très attendu par les jeunes. (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC)

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Ce texte, j'en suis persuadée, fera date. Le stage ne doit être ni un emploi, ni un test de pré-embauche - il existe une période probatoire pour cela. Souvent, le suivi des stagiaires était très léger. Pour toutes ces raisons, il fallait redéfinir le stage comme une période de formation professionnalisante, distincte également de l'alternance, même si l'objectif est le même : l'insertion du jeune dans l'entreprise.

M. Hamon, ministre de l'éducation nationale, M. Rebsamen, ministre du travail et moi-même saluons l'adoption de ce texte qui concrétise un engagement du président de la République. Un texte de coresponsabilité, qui renforce la lutte contre les abus, lesquels donnaient aux jeunes une mauvaise image du monde du travail.

Coresponsabilité grâce à la convention de stage, à la fixation du nombre de stagiaires par enseignant référent. Des aménagements sont prévus pour les entreprises de moins de 30 salariés. Le stagiaire connaîtra ses droits et devoirs ; le texte constitue en somme un volet du pacte de responsabilité.

Il y avait eu quatre textes en six ans, tandis que le nombre de stagiaires passait de 600 000 à 1,2 million. Il fallait simplifier car l'intention du législateur avait été dévoyée par des décrets contradictoires entre eux et parfois même aux lois qu'ils mettaient en application, et celles-ci faisaient référence à deux codes différents.

La CMP a retenu la fixation d'un nombre maximal de stagiaires par enseignant référent, le double suivi pédagogique par le tuteur et l'enseignant référent, et le renforcement du contrôle qui appartient à l'inspection du travail, le droit au congé maternité pour les stagiaires - nous avons bien besoin de maintenir notre fort taux de natalité en ces temps difficiles. La CMP a aussi aligné le temps de travail du stagiaire sur celui des salariés et accordé aux premiers le droit de restauration collective : les stagiaires, eux aussi, ont droit à ces moments de convivialité que sont les repas, cela fait partie de la vie en entreprise.

Le Gouvernement se réjouit des avancées confirmées en CMP. La hausse de la gratification minimale représente un message de confiance envers la jeunesse, mais aussi envers les entreprises et structures d'accueil.

Nous avons prévu un fonds afin de lisser les difficultés que cela pourrait entraîner pour certaines structures et des mesures spécifiques pour les maisons familiales rurales, un peu oubliées à l'Assemblée nationale, mais défendues avec flamme au Sénat ; je vous proposerai un amendement les concernant.

Le Gouvernement souhaite l'adoption définitive de ce texte dans les meilleurs délais. Merci de la qualité de vos débats, du signal fort adressé à notre jeunesse et, donc, de la confiance que vous exprimez en l'avenir de notre pays. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Bravo !

M. Gilbert Barbier .  - En ces temps difficiles, ce texte s'attache à lutter contre les abus du recours aux stages. Le texte adopté au Sénat a apaisé nos inquiétudes, en particulier sur les maisons familiales rurales.

Nous resterons vigilants sur le nombre maximal de stages par tuteur ; cela pourrait poser problème dans les petites structures. Je me réjouis que la CMP ait retenu l'alignement du temps de travail des stagiaires sur celui des salariés et le bénéfice des tickets-restaurant : ce n'est pas anodin pour les stages brefs n'ouvrant pas droit à une gratification.

En revanche, je déplore l'absence de dérogation à la règle des six mois pour certaines formations, l'abandon de la prise en compte du stagiaire embauché en CDI, pour l'exonération de la contribution supplémentaire à l'apprentissage, celle de la variation de la gratification selon le niveau d'études.

En dépit de ces réserves, le groupe RDSE sera unanime pour voter ce texte équilibré. (Applaudissements au centre et à gauche)

M. Jean Desessard .  - Les stages doivent rester un temps de formation et s'inscrire dans un cadre unique ; voilà les deux principes de ce texte.

Le stage est bénéfique à l'étudiant ; grâce à lui, il peut révéler de nouvelles facettes de sa personnalité. Le stage est aussi bénéfique à l'entreprise, qui ainsi transmet ses savoirs et joue un rôle citoyen. Toute la question est de lutter contre les abus : certains peuvent être tentés de recourir aux stagiaires plutôt que de recruter.

Ce texte a fait le choix d'un cadre unique, et c'est tant mieux, plutôt que de prévoir des mesures par secteur.

Parmi les progrès apportés, citons la hausse de la gratification obligatoire, la limitation du stage à six mois, le suivi renforcé des stagiaires. Le Sénat avait voté un texte plus ambitieux, la CMP a repoussé l'augmentation de la gratification au 1er janvier 2015 et limité aux stages de deux mois la gratification obligatoire.

Nous regrettons ces reculs. Toutefois, le groupe écologiste votera ce texte, tout en étant conscient que les abus subsisteront tant que les jeunes peineront à trouver des débouchés professionnels à l'issue de leurs études. Nous en reparlerons bientôt ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Deroche .  - Ce texte, fortement dissuasif, risque de restreindre l'offre de stages. Cela est d'autant plus dommage que le cadre juridique, déjà très protecteur, est largement appliqué par les entreprises.

Je me félicite de certaines avancées, comme l'assurance pour le stagiaire d'avoir un interlocuteur pendant les vacances universitaires, et son droit d'être informé sur ses droits quand il effectue un stage à l'étranger.

En revanche, je regrette la suppression de l'obligation faite aux établissements de mettre leurs étudiants en relation avec les employeurs lorsqu'un stage est obligatoire dans leur cursus, ainsi que celle de l'article 8 sur le calcul du bonus-malus apprentissage. Cette dernière mesure aurait été fortement incitative. Malheureusement, le rejet de cet article en CMP nous a empêchés de présenter des propositions de rédaction. Madame la ministre, êtes-vous prête à une prise en compte partielle ?

Nous devons voter une loi alors que des décrets détermineront des points aussi importants que la durée maximale du stage ou celle du pourcentage de stagiaires par structure. L'exercice du pouvoir réglementaire sera particulièrement difficile. Les entreprises sont inquiètes.

Le groupe UMP maintiendra donc sa position : il votera contre la proposition de loi. (Applaudissements à droite)

Mme Françoise Férat .  - L'examen tronçonné de ce texte, faux parcours du combattant, n'envoie pas un signal de bon augure à la jeunesse. Je laisserai cela de côté pour souligner d'abord les aspects positifs de ce texte, car il y en a.

Certaines rigidités du texte ont heureusement disparu. L'inspection du travail, dont ce n'est pas le rôle, ne pourra pas sanctionner le non-respect des stipulations pédagogiques des conventions. Les règles de présence horaire, le quota de stagiaires ont été assouplis notamment pour ne pas nuire aux PME ; les recteurs pourront d'ailleurs accorder des dérogations.

Quant à la gratification minimale, nous ne sommes pas hostiles à sa revalorisation, mais son extension aux stages de découverte d'un mois eût été excessive. Nous avons été entendus sur l'enseignement agricole et les maisons familiales rurales : le Gouvernement a accepté de ramener à trois mois la gratification minimale obligatoire pour les stages dans le secondaire, la CMP l'a étendue aux stages dans le supérieur.

Restent des divergences sur le calcul du bonus-malus apprentissage. Plus fondamentalement, l'esprit du texte n'a pas changé. M. Jean-Léonce Dupont l'a dit en première lecture : le mieux est parfois l'ennemi du bien. Ma famille politique a toujours défendu les stagiaires mais déplore que l'on resserre l'étau des entreprises avec la fixation d'un nombre maximal de stagiaires, entre autres. Où est le choc de simplification ?

En première lecture, le groupe UDI-UC a voté contre. Cette fois, ayant été entendue sur les maisons familiales rurales et satisfaite de l'amendement que présentera le Gouvernement, je m'abstiendrai. (Applaudissements sur les bancs des commissions)

Mme Laurence Cohen .  - Le hasard veut que nous examinions les conclusions de la CMP au moment où un sondage révèle que 68,3 % des étudiants considèrent que l'université prépare mal à l'entreprise.

Le groupe CRC a voulu améliorer le statut des stagiaires avec un amendement étendant à ces étudiants le bénéfice de l'accès aux titres-restaurant, à la restauration collective et à la prise en charge des frais de transport. À l'initiative de notre rapporteur, nous avons augmenté la gratification minimale du stage et prévu qu'elle serait obligatoire dès un mois. Ce n'est que justice quand, comme le dit un militant de Génération précaire, les stages sont des « emplois ultraprécaires subventionnés par les parents ».

Malheureusement, nous avons déchanté devant les reculs survenus en CMP. Il est regrettable qu'un gouvernement de gauche les ait acceptés. Après mûre réflexion, le groupe CRC a cependant décidé de voter ce texte qui, sans être la fin de l'histoire en la matière, apporte quelques avancées que nous ne devons pas prendre le risque de perdre. Merci à M. Godefroy de son attitude constructive, il est pour beaucoup dans notre position positive. (Applaudissements sur les bancs CRC et des commissions)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 60, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les trois premiers alinéas de l'article L. 124-6 du code de l'éducation, dans leur rédaction issue de la présente loi, sont applicables aux conventions de stage signées à compter du 1er septembre 2015.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  - Le report de la possibilité de dérogation au 1er septembre 2015 est extrêmement pénalisant pour les maisons familiales rurales. Cela a échappé à la CMP.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur.  - À titre personnel puisque la commission ne s'est pas prononcée sur cet amendement, je formulerai un avis très favorable. Cela avait effectivement échappé à la CMP.

Mme Laurence Cohen.  - Nous suivons le rapporteur, même si nous aurions aimé une application plus rapide. Consolidons les acquis de ce texte.

L'amendement n°1 est adopté.

Les conclusions de la CMP, modifiées, sont adoptées.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur.  - Merci à Mme la ministre de son écoute. Bel exemple de coproduction législative ! Mes remerciements vont aussi à la présidente de la commission des affaires sociales, à tous ceux qui ont participé aux débats et à la députée, Mme Khirouni.

M. Jean Desessard.  - Et nous, c'est le rapporteur que nous remercions !

La séance, suspendue à 10 h 30, reprend à 10 h 35.

Lutte contre le dumping social (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale.

Discussion générale

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Je suis heureuse que la CMP ait trouvé un accord le 4 juin dernier sur ce texte adopté par l'Assemblée nationale le 8 janvier 2014, sur proposition du groupe socialiste, républicain et citoyen, tout en retenant la presque totalité des apports du Sénat. Merci au député Gilles Savary qui a recherché le consensus, à Éric Bocquet et à la commission des affaires européennes pour leur rapport sur les travailleurs détachés qui a nourri notre réflexion.

Cette proposition de loi vise à lutter contre les abus lors du détachement de travailleurs, reprenant certaines décisions européennes récentes et une résolution de l'Assemblée nationale. Elle confie de nouvelles prérogatives aux agents de contrôle.

Au Sénat, la commission des affaires sociales a considérablement renforcé les règles sur la convention de détachement.

En premier lieu, elle a souhaité traiter à part entière la question de la déclaration préalable de détachement en la distinguant de la question de la solidarité financière en cas de non-paiement des salariés détachés. Pour nous, le renforcement des règles le plus en amont possible est la condition sine qua non pour lutter efficacement contre les fraudes et les abus. Nous avons élevé au niveau législatif l'obligation actuelle pour le prestataire étranger d'effectuer une déclaration préalable de détachement auprès de l'inspection du travail. Outre cette déclaration, l'employeur devra indiquer les coordonnées de son représentant en France, conformément à l'article 9 de la directive d'exécution adoptée le 16 avril 2014 par le Parlement européen.

Nous avons ensuite obligé le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage qui recourt à un prestataire étranger à vérifier que celui-ci s'est bien acquitté de son obligation de déclaration, quel que soit le montant de la prestation. Les particuliers sont dispensés de cette obligation.

Surtout, la commission a franchi un pas décisif en prévoyant que tout manquement à ces règles, de la part du prestataire étranger tout comme du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage français dans sa relation avec un cocontractant étranger, sera passible d'une sanction administrative. Le montant de l'amende sera d'au plus 2 000 euros par salarié détaché et d'au plus 4 000 euros en cas de réitération dans un délai d'un an à compter du jour de la notification de la première amende, tout en étant plafonné à 10 000 euros.

En outre, la commission a supprimé la création d'une déclaration spécifique en cas de sous-traitance imposée aux maîtres d'ouvrage ou donneurs d'ordre pour les contrats supérieurs à 500 000 euros, car celle-ci devenait superfétatoire du fait de l'obligation générale de vérification imposée au donneur d'ordre ou au maître d'ouvrage « dès le premier euro ».

En deuxième lieu, la commission a retenu un dispositif unique de solidarité financière, applicable au donneur d'ordre et au maître d'ouvrage, en cas de non-paiement du salaire minimum à un salarié d'un sous-traitant, qu'il soit détaché ou non. La commission a élargi le champ d'application de la solidarité financière prévue à l'article 2. Bien entendu, cette responsabilité solidaire étendue au cocontractant d'un sous-traitant est limitée à l'objet même du contrat initial conclu en amont entre le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage et l'entreprise principale.

En troisième lieu, la commission a procédé à divers aménagements pour renforcer la cohérence du texte. Elle a sécurisé les dispositions relatives à l'action en justice d'un syndicat pour défendre les droits d'un salarié détaché, sans mandat de sa part. Elle a donné la possibilité au juge de prononcer, à titre de peine complémentaire lorsqu'une personne est condamnée pour travail illégal, l'interdiction de recevoir une aide financière versée par une personne privée chargée d'une mission de service public. Pour nous, c'est une question de cohérence juridique.

Lors de l'examen du texte en séance publique, le 6 mai, trois modifications importantes ont été apportées à la proposition de loi, dont deux ont été retenues par la CMP. Le bilan social devra indiquer le nombre de salariés qu'une entreprise détache et le nombre de travailleurs détachés qu'elle accueille. Le seuil de 15 000 euros prévu pour la liste noire a été supprimé, vu le peu de cas dans lesquels il aurait eu un sens.

La CMP est, en revanche, revenue sur le remboursement des aides publiques des cinq dernières années : cette peine complémentaire, parce que rétroactive, posait un problème juridique et aurait eu des conséquences dangereuses ; le code du travail permet déjà d'imposer le remboursement des aides perçues au cours des douze derniers mois.

Le meilleur moyen de lutter contre la fraude, c'est l'harmonisation des règles sociales en Europe. Mais celle-ci sera lente, trop lente. La nouvelle directive d'exécution du Parlement européen d'avril 2014 constitue un verrou bienvenu ; à nous de renforcer la répression pénale des abus en droit interne.

Je vous invite à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements à gauche)

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social .  - Ce texte est l'aboutissement d'un long travail collectif, issu du rapport d'avril 2013 de M. Bocquet sur les progrès du détachement de travailleurs étrangers en France avec des conséquences désastreuses dans l'opinion publique. L'exploitation de la misère des autres, la concurrence sans foi ni loi, sont inacceptables, mauvaises pour l'économie, mauvaises pour l'Europe et la cohésion sociale. La directive Bolkestein - c'est bien son nom, n'est-ce pas ? - n'était pas assortie de contrôles suffisants. La déréglementation est plutôt en vogue chez la plupart de nos partenaires européens, mais notre cause était juste, et nous avons été entendus. La France a pris le risque de refuser le mauvais compromis du 25 octobre 2013 ; elle s'était donné un mois et demi pour convaincre. Nous avons finalement arraché un accord le 9 décembre.

M. Jean Desessard.  - Bravo !

M. François Rebsamen, ministre.  - Il prévoit une liste ouverte, fixée par chaque pays, de documents exigibles auprès des donneurs d'ordre, astreints à une responsabilité solidaire. Oui, nous pouvons lutter contre la concurrence déloyale pourvu que nous y soyons déterminés. En deux ans, la gauche a réussi là où la droite avait échoué en dix ans.

M. Jean Desessard.  - Voilà !

M. François Rebsamen, ministre.  - Plusieurs députés, socialistes et centristes, ont immédiatement déposé une proposition de loi. Responsabilisation des donneurs d'ordre, renforcement des pouvoirs des syndicats et des autorités de contrôle, encadrement spécifique des entreprises de transport : voilà les principaux progrès de ce texte euro-compatible.

Tous les secteurs concernés par le détachement sont visés : BTP, transport, agroalimentaire... Une liste noire est créée, où figureront les entreprises condamnées. La CMP a retenu un dispositif unique de solidarité financière entre donneurs d'ordre et sous-traitants, c'est tout à l'honneur du Sénat.

Avec ce texte, la France montre la voie. D'autres pays européens suivront, la Belgique entre autres.

En même temps, le Parlement européen travaille au renforcement de la réglementation européenne - je veux citer les efforts de Pervenche Berès.

Difficile, pour les inspecteurs du travail, de contrôler un bulletin de paie rédigé dans une langue étrangère. C'est pourquoi la réforme de l'inspection du travail prévoit la formation d'unités spécialisées contre le travail illégal, aptes à déceler les montages illégaux.

Déloyauté, exploitation de l'homme par des réseaux souvent mafieux : voilà l'ennemi, qui nuit également aux entreprises (M. Jean Desessard approuve) qui respectent les règles - et ce sont les plus nombreuses. Dans le bâtiment, entre 2004 et 2011, la concurrence structurellement moins chère a crû de 1 000 %... Ce n'est plus tenable.

Grâce à vous, des mesures concrètes vont être prises. L'Assemblée nationale se prononcera avant la fin juin. (Applaudissements à gauche)

M. Gilbert Barbier .  - Concilier liberté de circulation et protection des salariés, tel était l'objectif affiché de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs. En réalité, sa mise en oeuvre ainsi que la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ont provoqué des abus : non-respect des règles d'hygiène et de sécurité et du temps légal de travail, salariés sous-payés... Le rapport de M. Bocquet nous a alertés.

Les auteurs de la proposition de loi nous invitent à transposer la directive d'application d'avril 2013 : il faut s'en féliciter. Ce texte entérine la responsabilité solidaire des donneurs d'ordre, qui ne pourront plus fermer les yeux sur ce qui se passe sur leurs chantiers.

Le Sénat a sensiblement enrichi le texte en le clarifiant sans remettre en cause sa philosophie. L'amende administrative sera plus dissuasive que l'ancienne amende contraventionnelle de 750 euros. Il est bon également de laisser le juge décider de l'inscription de l'entreprise sur la liste noire. La CMP est raisonnablement revenue sur la possibilité d'imposer aux entreprises fautives le remboursement des aides publiques reçues depuis cinq ans, cela aurait nui aux salariés.

L'ensemble du RDSE votera ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard .  - Les écologistes se félicitent de cette proposition de loi et des choix de la CMP. On ne parle plus de dumping social, je crois...

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure.  - Non, de concurrence sociale déloyale : c'est la traduction...

M. Jean Desessard.  - Grâce à cette proposition de loi, nous pourrons enfin sanctionner les donneurs d'ordre qui ferment les yeux sur les pratiques de leurs prestataires. La liste noire sera dissuasive. Les pouvoirs donnés aux syndicats vont également dans le bon sens, car les travailleurs étrangers n'ont pas toujours les moyens de se défendre ; certains ne parlent pas français, beaucoup ont du mal à s'y retrouver dans les arcanes de nos procédures.

Nous voterons le texte qui correspond à nos valeurs. La lutte contre le dumping social doit cependant être menée de manière globale. Les écarts salariaux, entre la France et la Pologne par exemple, favorisent cette concurrence déloyale. La solution, c'est l'alignement vers le haut des règles sociales.

Toutefois... les avancées récentes sont menacées par le traité transatlantique dont les pourparlers sont tenus secrets. Ce qui a filtré dans la presse nous inquiète...

M. François Rebsamen, ministre.  - Ne vous y fiez pas !

M. Jean Desessard.  - Comment parler d'harmonisation à la hausse quand le libre-échange absolu sera la règle ? Quand une multinationale pourra attaquer les législations nationales devant une juridiction ad hoc ? Comment parler d'Europe sociale quand le droit du travail sera considéré comme un frein à la liberté d'entreprendre ? Alors, monsieur le ministre, prenez garde, oui, prenez garde !

En attendant, nous voterons ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Deroche .  - Face aux progrès du détachement des travailleurs, la majorité a décidé de légiférer avant d'attendre la conclusion des travaux de la Commission européenne en 2016. On ne peut lui en faire grief.

Le groupe UMP est cependant partagé sur cette proposition de loi. La responsabilité partagée du donneur d'ordre et du prestataire est, dans son principe, une bonne chose. En revanche, nous sommes opposés à l'extension de cette responsabilité solidaire à l'ensemble des obligations des employeurs à l'article premier ter. Comment le donneur d'ordre pourra-t-il s'assurer de leur respect ? Pour le versement des salaires, c'est facile, mais pour le reste...

Dans le secteur du transport, quel casse-tête d'avoir à vérifier le respect des règles sur tout le territoire européen ! Si les distorsions de concurrence font rage dans ce secteur, elles proviennent plutôt des fraudes organisées par les donneurs d'ordre eux-mêmes.

Sur la liste noire, la rédaction actuelle ne nous satisfait toujours pas, pas plus, à l'article 6, que l'amende administrative prévue. Espérons au moins que nos voisins européens nous suivront.

Nous sommes opposés aux articles 6 bis et 7, soit à la possibilité pour un syndicat de se constituer partie civile et d'agir aux prud'hommes même sans l'accord exprès du salarié. Ces dispositions se heurtent au principe selon lequel nul ne peut plaider par procuration.

De nouvelles peines sont prévues à l'encontre des entreprises condamnées pour travail dissimulé. Fort bien, mais le remboursement des aides publiques perçues au cours des cinq dernières années était excessif : une subvention est accordée à une entreprise de transport dans un but d'aménagement du territoire.

Le groupe UMP soutient le principe de cette proposition de loi tout en considérant certaines de ses mesures totalement inapplicables. C'est pourquoi, comme en première lecture, nous nous abstiendrons.

Mme Isabelle Pasquet .  - En première lecture, notre collègue Watrin avait dit pourquoi le groupe CRC soutiendrait cette proposition de loi, malgré nos déceptions. Les déclarations de M. le ministre ne nous ont pas rassurés. Ainsi, un salarié français, employé en France par une entreprise étrangère, ne sera pas considéré comme un travailleur détaché, alors qu'il s'agit bien de dumping entre ressortissants d'un même pays. Les travailleurs français détachés en France constituent, selon Alternatives Economiques, et après les Polonais, la première communauté de travailleurs détachés en France !

La force de notre droit, de notre système juridique, de notre ordre social est d'apporter des réponses générales à des situations individuelles. Ainsi, notre droit positif interdit une rémunération inférieure au smic, même lorsqu'un travailleur est tenté de brader sa force de travail, tout simplement pour retrouver une activité professionnelle.

Nos concitoyens ont envoyé un signal fort lors des dernières élections européennes ; ils ne veulent plus d'une Europe où les intérêts économiques prévalent sur l'humain, où la prétendue liberté des travailleurs masque celle des capitaux. Face à cette onde de choc, le président de la République a déclaré vouloir réorienter l'Europe. Nous l'avons écouté. Or, à ce moment même, la CMP revient sur le remboursement des aides publiques perçues par les entreprises condamnées. Si les aides publiques ne sont pas liées aux conditions d'emploi, comme le prétend Mme Deroche, à quoi servent-elles ?

Cette proposition de loi ne s'attaque pas aux vraies racines du dumping et ne correspond pas aux promesses du président de la République. Aussi ne la voterons-nous pas.

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - Je rappelle que seuls les amendements acceptés par le Gouvernement sont recevables. Le Sénat, saisi en premier, se prononcera sur les amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

ARTICLE 7 TER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéas 11 et 12

Rédiger ainsi ces alinéas :

III.  -  Au VII de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, le mot : « avant-dernier » est remplacé par le mot : « huitième ».

IV.  -  Au second alinéa de l'article 323-5 du code des douanes, la référence : « avant-dernier alinéas de l'article 706-88 » est remplacée par la référence : « huitième alinéas de l'article 706-88 ».

II.  -  Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

M. François Rebsamen, ministre.  - Cet amendement corrige une erreur matérielle.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure.  - La commission ne s'est pas prononcée, mais nous pouvons être favorables à cet amendement.

L'amendement n°1 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. René-Paul Savary .  - D'après le ministre, la gauche a fait en deux ans ce que la droite n'a pas fait en dix ans. Je vous souhaite de réussir en vous donnant rendez-vous dans deux ans.

Je suis très inquiet par l'augmentation du recours aux travailleurs détachés. Dans mon département, le ressenti est qu'il n'y a plus un seul chantier où l'on parle principalement le français, que ces travailleurs étrangers sont recherchés pour leur travail minutieux et précis, à bas coût. Alors que faire ?

Un taux horaire de 16 euros toutes charges comprises si ce n'est l'hébergement, aucune formalité administrative, la possibilité de rompre le contrat à tout moment, un « délai de livraison » des salariés d'une semaine, la diminution du taux horaire à partir de quatre salariés... Voilà la publicité faite par une agence de Varsovie. C'est sidérant ! Pourquoi frauder quand on peut utiliser cette main-d'oeuvre jetable en toute légalité ? Ce texte ne règlera rien, même s'il faut l'adopter. Il faudra revoir les règles des marchés publics, faute de quoi nos entreprises ne survivront pas longtemps.

En tout cas, cet exemple interpelle !

M. Jean Desessard .  - Le groupe écologiste votera ce texte. Je ne suis pas certain que l'exemple que vous citez, monsieur Savary, soit tout à fait légal... Effectivement, l'harmonisation par le haut en Europe apportera seule une réponse définitive à cette concurrence sociale déloyale. Je ne doute pas que votre groupe politique y travaillera au sein du Parlement européen.

M. René-Paul Savary.  - Bien sûr !

M. François Rebsamen, ministre .  - Monsieur Savary, la situation que vous décrivez est précisément celle qui a poussé votre député homonyme à déposer cette proposition de loi. C'est un détournement du détachement, par l'intermédiaire du cocontractant - cas couvert par le texte grâce à votre rapporteure. En ce moment même, nous menons une opération coup de poing en Alsace contre le travail illégal. Nous allons renforcer l'inspection du travail, avec la formation d'unités spécialisées, selon nos traditions, quand dans d'autres pays, les contrôles sont effectués par la police, toutes sirènes hurlantes.

Ce texte, qui établit clairement la responsabilité du cocontractant permettra de sanctionner ceux qui fraudent.

Les conclusions de la CMP, modifiées, sont adoptées.

La séance est suspendue à 11 h 40.

présidence de M. Jean-Patrick Courtois, vice-président

La séance reprend à 15 heures.

Territoires ruraux et réforme territoriale (Questions cribles)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur les territoires ruraux et la réforme territoriale à Mme Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique et M. Vallini, secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.

M. Gérard Le Cam .  - Les collectivités rurales et leur population ressentent un profond sentiment d'abandon, que la réforme territoriale va aggraver. La libre administration des collectivités territoriales est déjà mise à mal par la baisse de 11 milliards d'euros des dotations ou leur conditionnement, les mutualisations forcées. Tout cela va à l'encontre de notre proposition de loi tendant à revaloriser la DGF des communes de moins de 20 000 habitants, contredit les lois de décentralisation des années 1980 et impose une vision verticale de la politique.

Au plan humain, les non-dits de la réforme vont tuer la démocratie de proximité et le lien social. Il est urgent de consulter élus, personnels territoriaux et population, entendre la France rurale plutôt que de se conformer aux exigences de Bruxelles, du Medef et des institutions financières.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique .  - Nous débattons de ces évolutions depuis longtemps. Les communes peuvent-elles répondre efficacement aux besoins de leur population ? Peuvent-elles, si j'ose dire, tenir le coup ? Voilà les vraies questions. Ne nous masquons pas les réalités. Votre commune se porte bien, monsieur le sénateur - je la connais. Mais la richesse de certaines masque la pauvreté de bien d'autres ; il n'y a pas d'autre solution que des intercommunalités plus fortes.

La notion de bassin de vie répond à cette complexité. Les maires représentent la République, les intercommunalités portent les investissements et les services. Les décisions viennent de l'observation des territoires, non d'en-haut. Je sais votre attachement à votre territoire et la République. Je vous invite à participer aux débats à venir.

M. Gérard Le Cam.  - C'est justement pour que les communes « tiennent le coup » que j'ai déposé une proposition de loi qui augmentait significativement les moyens de celles de moins de 20 000 habitants. Les maires ne doivent pas devenir les exécutants de décisions prises ailleurs. Je défends les communes au nom de l'héritage de la Révolution française.

M. Joël Labbé .  - En cette période post-électorale, nous avons pour obligation de nous interroger sur le signal qui nous a été donné, notamment par une partie de la population rurale qui ressent un sentiment de déclassement et d'abandon. Il y va de la solidité du pacte républicain.

François Mitterrand disait en 1981 que la France avait eu besoin d'un pouvoir fort et centralisé pour se faire, mais avait désormais besoin d'un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. Pour les écologistes, la réforme territoriale doit apporter des réponses aux attentes de nos concitoyens, avec des régions aux compétences renforcées et disposant d'une grande autonomie financière, et des intercommunalités organisées autour de bassins de vie, aux compétences élargies, sachant que le rôle du maire, premier interlocuteur de la population, doit rester essentiel. Les territoires ruraux seront ainsi au coeur des stratégies régionales, ils pourront construire leurs propres projets de territoire. L'agriculture retrouvera sa fonction première, nourrir les hommes.

Il y faudra des moyens financiers. Mais la DGF baisse... La seule solution, c'est la péréquation. Quelle péréquation intra et interrégionale pour demain ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Les inégalités territoriales sont fortes, vous avez raison ; la fiscalité est injuste et le système des dotations inégalitaire. Nous avons commencé la révision des valeurs locatives, une expérimentation est en cours pour l'habitation qui doit aboutir fin 2014 ou début 2015. Nous entendons aussi rendre la DGF plus juste d'ici 2016. Elle pèse 40 milliards d'euros dont 23 milliards pour les communes et leurs groupements, l'enjeu est considérable. DSU et DSR seront fortement revalorisées. Le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) sera abondé à hauteur de 780 millions d'euros. Et dès 2016, l'agrandissement des régions sera l'occasion de renforcer la péréquation en leur sein. Une péréquation qui est déjà organisée au sein du Grand Paris et de la métropole d'Aix-Marseille.

Vous le voyez, nous sommes attachés à l'égalité des territoires.

M. Joël Labbé.  - Au vu de l'importance que vont prendre les intercommunalités, l'élection au suffrage universel direct devra intervenir rapidement. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jacques Mézard .  - Cette séance de questions cribles thématiques était une demande du RDSE. Comment le Gouvernement entend-il concilier élargissement des régions et suppression des conseils généraux avec le besoin de proximité ? C'est surréaliste ! Tous les parlementaires d'Auvergne ne sont pas favorables à la fusion des régions Auvergne et Rhône-Alpes, contrairement à ce que vous avez dit dans la presse, monsieur le ministre ! Je suis ici devant vous ! La préfecture d'Aurillac sera à dix heures cinquante-deux, aller-retour, de la métropole régionale... Vous avez reconnu que les petits départements, qui n'intéressent personne il est vrai, n'auraient plus que deux conseillers régionaux sur 150... Un PS et un UMP...

M. Jean-Claude Lenoir.  - Ou deux UMP !

M. Jacques Mézard.  - Autant s'abstenir d'aller voter ! On ne peut pas dire que vous vous préoccupez des territoires ruraux... Cette réforme ne fera pas faire d'économies et mettra à mal la proximité ; c'est l'assurance que les départements ne seront pas supprimés... (Applaudissements sur les bancs UMP et du RDSE)

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Tous les députés d'Auvergne sont favorables à la fusion, y compris M. Chassaigne.

M. Roger Karoutchi.  - Pas M. Marleix !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - La réforme apportera clarté, compétitivité et proximité. Clarté, parce que notre organisation a vieilli et que les citoyens ne s'y retrouvent plus. Compétitivité, parce qu'à taille critique nos régions seront mieux armées pour affronter la mondialisation. Proximité enfin : je le vois dans mon département, les territoires ruraux s'organisent autour d'intercommunalités qui grandissent et vont grandir encore, se regroupent...

Mme Catherine Procaccia.  - Encore des structures !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - ... font jouer la solidarité. Ce qui remet en cause la pertinence des départements. Nous avons quatre ans pour réfléchir par quelle structure les remplacer.

M. Jacques Mézard.  - Inutile de dire que je ne suis pas convaincu... Vous voulez simplifier ? Vous revenez sur la suppression de la clause de compétence générale après avoir voté pour... Que deviendra la proximité avec les métropoles et des intercommunalités regroupées ? J'avais proposé un système pour élire les conseillers départementaux sur une base intercommunale, vous vous y êtes opposés ! Nous avons besoin d'objectifs lisibles !

M. François-Noël Buffet .  - Dix milliards, douze milliards, vingt-cinq milliards... Les estimations des soi-disant économies de la réforme territoriale varient. Comment avez-vous calculé ces chiffres ? S'il y a eu une étude d'impact, qu'elle nous soit communiquée - mais peut-être n'est-elle pas aussi parlante que vous voulez bien le dire...

L'agence Moody's bat en brèche tous vos propos : elle juge que la réforme ne fera que déplacer les coûts et même qu'elle aggravera la dépense locale. Comment feront les élus ? De quels moyens disposeront-ils pour faire face à tout ce que vous leur imposez ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Cette réforme sera source d'économies à long terme. Au départ, c'est vrai, les transferts de personnels auront un coût. Mais ne pouvons-nous pas échapper au court-termisme ?

L'UMP exige depuis longtemps des réformes structurelles, en voilà une qui marquera l'organisation de la République pour cinquante ans, dont les effets financiers se feront sentir dans cinq ou dix ans. Je tiens à votre disposition de nombreux rapports qui documentent les économies d'échelle possibles, pourvu que chacun se mette au travail. Les collectivités territoriales dépensent 250 milliards d'euros. Si l'on croit impossible d'en économiser 5 % en dix ans, autant changer de métier ! La politique, c'est du volontarisme.

M. François-Noël Buffet.  - Nous voulons une réforme structurelle des collectivités territoriales. La clarté ? Votre ligne n'est pas claire. La compétitivité ? Vous vous êtes opposés à la spécialisation des niveaux de collectivités. La proximité ? Vous avez combattu le conseiller territorial... Vous y reviendrez. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Aymeri de Montesquiou .  - La réforme territoriale est une nécessité. Mais votre projet unilatéral inquiète les élus de zones rurales ; il fait la part belle aux zones urbaines et ignore la diversité des territoires. À peine la nouvelle carte des EPCI adoptée que vous voulez imposer un nouveau seuil de 20 000 habitants d'ici 2016. La majorité des intercommunalités ne pourront assumer les dépenses sociales qui incombent aujourd'hui aux départements. Quelle place pour les bassins de vie ? Quel avenir pour les services de l'État, les chambres consulaires ?

Il n'est question que de découpage, la répartition des compétences est éludée.

Les territoires ruraux ont un grand potentiel mais ils sont fragiles, sous la menace de voir disparaître toute solidarité des territoires urbains au mépris du principe républicain d'égalité des chances. Pouvez-vous les rassurer ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - J'ai apprécié le ton de votre propos. Le 18 juin seront déposés deux textes, l'un sur le redécoupage et l'autre sur les compétences. Sur les intercommunalités, nous avons appliqué la clause de revoyure ; la densité sera un des critères pris en compte.

Le sentiment d'abandon est né d'une série de difficultés, la fermeture des services publics, des bureaux de poste, des classes... Nous devons repenser ensemble l'accès aux services publics. Je mesure l'inquiétude de ces territoires. Vous avez raison : il n'y a pas d'égalité des possibles en France. Cette égalité passe par l'organisation territoriale, par la péréquation, par un travail en commun. Nous aurons cet automne un débat parlementaire totalement ouvert.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Merci de cette réponse pesée. Nous sommes tous soucieux de l'égalité des chances, d'où notre indignation quand nous constatons que les dotations d'État oublient les zones rurales. La solution, c'est le numérique. Gauche, droite, centre doivent se réunir, sur la base des conclusions d'un audit indépendant. Les affrontements partisans sur un sujet d'une telle importance pour le pays n'ont pas lieu d'être.

Mme Frédérique Espagnac .  - La simplification de notre organisation territoriale est indispensable et son principe fait consensus, comme l'a montré notre vote sur le rapport Raffarin-Krattinger en 2013. La réforme rendra les régions plus puissantes, favorisera la cohésion territoriale. Le président de la République et le Gouvernement ont enfin le courage de s'y attaquer.

Nous voulons cependant vous faire part des inquiétudes qui s'expriment dans les territoires ruraux, qui souffrent d'un sentiment de relégation et sont particulièrement touchés par la crise. N'aggravons pas ce sentiment d'abandon en donnant le sentiment qu'on éloigne d'eux un peu plus les centres de décision. Au Pays basque, territoire identitaire s'il en est, les perspectives de solidarité du rural par l'urbain sont intéressantes ; en Béarn, il en va de même pour les zones de montagne. Beaucoup d'autres territoires sont concernés.

Dans sa tribune publiée le 3 juin 2014, le président de la République a affirmé que « des adaptations seront prévues pour les zones de montagne et les territoires faiblement peuplés ». C'est une nécessité absolue. Le Gouvernement peut-il préciser ses intentions ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Le sentiment d'abandon, la demande d'accès aux services publics sont réels. L'action publique est notre principale préoccupation. Le service public a été mis en danger à d'autres moments... Est-il possible, dans les territoires que vous évoquez, de créer une intercommunalité forte, respectueuse de l'identité locale, ouverte sur le monde ? Sans aucun doute.

Il faut regrouper les services publics en zone rurale, pour que tous les citoyens y aient accès ; l'action publique est une et doit le rester. Je connais l'acharnement des élus à défendre la présence des services publics sur leur territoire. C'est à leurs questions que nous voulons répondre.

Mme Frédérique Espagnac.  - La réforme se justifie à maints égards. Le groupe socialiste s'y engagera avec détermination et franchise, afin qu'elle bénéficie à tous. Il est temps de moderniser les services publics dans les territoires ruraux, ainsi que les territoires isolés ou fragiles : maisons de services publics, couverture en très haut débit, politique de développement... Ces territoires ne doivent pas être oubliés.

M. François Pillet .  - Il y a moins de cinq mois, le président de la République se déclarait hostile à la suppression pure et simple des départements, nécessaires à la solidarité territoriale et à la cohésion sociale. Les territoires ruraux, disait-il, y perdraient en qualité de vie sans économie supplémentaire. Ce diagnostic est partagé... Comment alors comprendre le revirement actuel ? Votre réforme obéit à des considérations opportunistes plus qu'à l'intérêt général. Réduire le millefeuille administratif ? Vous n'en faites rien, vous contentant, après vous y être opposés, de supprimer la clause de compétence générale. Que deviendront les anciennes routes nationales départementalisées ? Seront-elles régionalisées ? Les fonctionnaires des départements ? Quel avenir même pour le Sénat si les départements disparaissent ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Conseiller général depuis vingt-deux ans, je sais combien les départements ont été utiles, et quelle est l'implication des élus, je connais l'attachement très fort qu'ils portent à leur territoire - je le vis moi-même. Mais la montée en puissance de l'intercommunalité a mis en cause la pertinence de l'échelon départemental. Les intercommunalités passent déjà des conventions entre elles pour exercer des compétences à la place du département : transport, développement économique, foncier... Les départements restent utiles pour ce qui est de la solidarité sociale.

À compter du vote de la loi, nous avons quatre ans pour réfléchir à la transition ; il n'est en tout cas pas question de remettre en cause les politiques sociales.

M. François Pillet.  - Cette réforme touche à la vie démocratique de la France telle qu'elle fonctionne depuis des siècles. Il faut que nos concitoyens y adhèrent. Après la baisse des dotations, les hausses de charges, c'est bien mal parti... (Applaudissements à droite)

M. Vincent Eblé .  - La réforme territoriale, nécessaire, suscite des interrogations. Que les compétences départementales soient reprises par les régions et les intercommunalités, cela ne pose pas de problèmes en zone urbaine, mais il n'en va pas de même en zone rurale.

Le département, premier échelon de la décentralisation, au rôle majeur en matière de handicap, de dépendance et d'enfance en danger notamment, assure la solidarité en ville et en campagne. Fédérateur des intercommunalités, il est l'interlocuteur naturel des maires. Sa suppression impose de trouver les bons outils pour le suppléer.

La notion de « territoires ruraux », mentionnée par le Gouvernement, est imprécise : en Seine-et-Marne, villes et campagnes se côtoient. Il en va de même de toutes les zones périurbaines. À nous de trouver le bon partage des compétences pour que ces territoires continuent à se développer. La suppression sèche des conseillers généraux serait cause d'une perte de dynamique. Trouvons l'échelon adéquat.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Président du conseil général de Seine-et-Marne, vous savez de quoi vous parlez. Nous devons réfléchir ensemble, Parlement, Gouvernement, ADF, à l'avenir de l'échelon départemental, faire preuve de responsabilité et de sens des réalités. La plupart des pays européens ont réduit le nombre de leurs échelons territoriaux. En France, il reste 13 400 syndicats intercommunaux, dont 5 800 dans le périmètre d'un EPCI. Pourquoi ne seraient-ils pas absorbés ? Il faut simplifier, rationnaliser notre organisation.

Dans les zones ni tout à fait urbaines, ni tout à fait rurales, nous avons quatre ans pour trouver le bon niveau pour faire jouer la solidarité.

M. Vincent Eblé.  - Nous sommes prêts à cette élaboration collective et même impatients. La loi devra autoriser des adaptations aux réalités propres à chaque territoire, car la France est diverse.

M. Philippe Adnot .  - Comment un président de conseil général comme vous peut-il s'opposer aussi violemment à l'existence des départements ? Ignorez-vous à quel point l'action départementale s'est enrichie ? Vous annoncez une économie de 17 milliards, vous savez très bien que c'est faux, comme s'il y avait 85 millions d'économies à faire dans l'Aube...

Votre réforme augmentera la dépense. Les départements ont su maîtriser leurs effectifs, ce n'est pas le cas des régions. Pour gérer les transports scolaires, il faut faire de la dentelle. Quand une région construit un lycée en même temps qu'un département un collège, c'est le département qui construit pour le compte de la région, qui n'a pas l'expertise nécessaire. D'aucuns affirment que la suppression de la clause de compétence générale conduira à faire 35 % d'économies dans les conseils généraux : comment peut-on dire des sottises pareilles ?

Vu la différence de régimes intermédiaires entre départements et régions et l'augmentation du nombre de TOS dans celles-ci, on peut s'attendre à une hausse de 15 % de la masse salariale. Vous préparez la ruine de nos finances et la désertification des campagnes.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Élu du canton de ma ville natale, j'ai la passion de mon département de l'Isère, sans pour autant renoncer à ce que les institutions s'adaptent aux évolutions de la société. J'ai la fierté de n'avoir pas augmenté les impôts, d'avoir privilégié l'investissement. L'Isère est le département le moins endetté de France... Les régions sont capables d'assumer les compétences, en déléguant ensuite aux intercommunalités, rassurez-vous. Nous élaborerons cette grande et belle réforme ensemble. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Adnot.  - Demandez à la Cour des comptes de chiffrer le coût de votre réforme : vous constaterez que la dépense publique augmentera, et pour longtemps ! Chaque fois qu'une nouvelle dépense est créée, vous la transférez aux départements. Et vous voulez les renationaliser ? Bon courage ! Quant aux intercommunalités, vous n'avez toujours pas fini de mettre en oeuvre la dernière carte ! Tout cela est de la folie pure !

La séance, suspendue à 15 h 55, reprend à 16 h 5.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue, Charles Gautier, qui fut sénateur de la Loire-Atlantique de 2001 à 2011.

Demande d'avis sur des nominations

M. le président.  - Par lettres en date du 12 juin 2014, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis de la commission compétente du Sénat sur le projet de nomination de Mme Adeline Hazan aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté et de M. Jacques Toubon aux fonctions de Défenseur des droits.

Ces demandes d'avis ont été transmises à la commission des lois.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 11 juin prennent effet.

Retrait d'une question orale

M. le président.  - La question orale n° 800 de Mme Patricia Bordas est retirée de l'ordre du jour de la séance du mardi 17 juin 2014, à la demande de son auteur.

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 12 juin 2014, en application de l'article 12 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, de la question de savoir si certaines dispositions de l'article 26 de l'ordonnance du 14 mai 2009 portant diverses dispositions d'adaptation du droit outre-mer, en tant qu'il modifie l'article 11 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics, sont intervenues dans des matières ressortissant à la compétence de la Polynésie française.

Le texte de cette saisine est disponible au bureau de la distribution.

Formation professionnelle des demandeurs d'emploi (Question orale avec débat)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de M. Jean Desessard à M. le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social sur l'adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d'emploi.

M. Jean Desessard, auteur de la question .  - Par ce débat, je souhaite interpeller le Sénat et le ministre sur la formation des chômeurs. En septembre 2013, le Conseil d'orientation pour l'emploi estimait à 400 000 le nombre d'emplois non pourvus. Rendez-vous compte ! Mon sang n'a fait qu'un tour et beaucoup d'encre a coulé.

On a fustigé, à droite, le coût du travail, qui serait trop élevé, ou la rigidité du marché du travail ; à gauche, l'inadéquation de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi.

Pour comprendre, j'ai reçu les associations de chômeurs, les syndicats, le patronat ; je suis allé à Pôle emploi. Il en ressort que ce phénomène tient à plusieurs causes. D'abord, la situation économique qui conduit des entreprises à interrompre un processus d'embauche : ce serait le cas pour un tiers d'entre elles, selon une enquête auprès de 772 TPE et PME. Ce ne sont pas des emplois non pourvus mais des postes qui n'existent plus ou n'ont pas été créés.

Ensuite, l'attractivité subjective d'un emploi qui tient aux représentations sociales qui s'y attachent. Le maçon est vu comme exerçant une tâche éreintante, à manier des parpaings dans un environnement dangereux. Cette image est datée, le métier a beaucoup évolué ; il s'est beaucoup mécanisé ; il a développé des compétences connexes avec d'autres corps d'État comme les couvreurs ; il prend en compte les enjeux les plus modernes, comme le développement durable. Ce serait, paraît-il, un métier sous tension ? Je suis allé chercher dans la base de données de Pôle emploi qui a 3 millions de CV de demandeurs. En cinq minutes et quelques clics - ce que chacun peut faire - j'ai trouvé 1 045 CV de maçons proposés pour la seule Côte-d'Or, chère au ministre, et 19 000 au niveau national. Faut-il comprendre que la base de données n'est pas actualisée ou mettre en cause l'affirmation selon laquelle le métier de maçon serait sous tension ? Personne ne le sait. Reste que les images attachées à certains métiers évoluent : Pôle emploi réhabilite auprès des chômeurs ces emplois mal considérés, le Medef aussi qui va lancer la série « Beau métier » en 115 épisodes d'une minute en décembre.

L'attractivité est aussi une notion objective, liée aux conditions de travail, à la stabilité de l'emploi, à la rémunération proposée. De ce point de vue, il faut bien reconnaître que les 400 000 emplois non pourvus sont loin d'être tous des CDI de 35 heures. C'est clairement le cas dans l'hôtellerie, la restauration ou les BTP.

Autre cause possible des emplois non pourvus : une inadéquation des compétences des demandeurs d'emploi aux postes. Nous touchons là à notre sujet : la formation initiale délivrée par l'éducation nationale et la formation continue.

La première est primordiale : le programme Compétences clés, pour rehausser la maîtrise de l'informatique par exemple, connaît un tel succès qu'il faut refuser des candidats.

La formation professionnelle intéresse notre ministre au plus près. Le système est compliqué, il y a beaucoup à dire et c'est là que les difficultés commencent. L'Inspection générale des affaires sociales a regretté de ne pouvoir évaluer l'efficacité du dispositif dénoncé en août 2013, mais n'a pu avancer le moindre chiffre. Les conseillers de Pôle emploi ne s'y retrouvent pas, si bien que les informations données aux chômeurs sont insuffisantes.

J'ai eu beau chercher, je suis incapable de dire quel est réellement le nombre de postes non pourvus et le poids respectif de chaque facteur explicatif. Peut-être le ministre nous le dira-t-il ?

Cette ignorance nous empêche de mesurer l'efficacité des moyens consacrés à la formation professionnelle, ce qui serait pourtant indispensable pour orienter les demandeurs d'emploi vers les emplois d'avenir dans la transition énergétique. On navigue à vue.

Le Gouvernement a lancé un plan de formation prioritaire pour l'emploi, doté de 200 millions. Nous avons atteint 35 000 stagiaires en décembre 2013, si bien que le Gouvernement s'est fixé pour nouvel objectif 100 000 stagiaires. C'est louable, manque pourtant toujours un tableau de bord grâce auquel faire correspondre formation professionnelle et besoins des demandeurs d'emploi. Monsieur le ministre, comptez-vous vous doter de cet indispensable tableau de bord ? (Vifs applaudissements sur les bancs écologistes)

Mme Aline Archimbaud .  - M. Desessard a interpellé avec conviction le ministre. Pour ma part, je profiterai de ce débat pour souligner l'importance de la formation des personnes en situation de handicap.

La plupart des établissements d'enseignement supérieur, malgré la loi de 2005, leur sont physiquement inaccessibles. Résultat, 51 % d'entre elles n'ont aucun diplôme supérieur au BEPC, contre 31 % dans la population générale.

Elles connaissent le chômage à 21 %, plus du double que dans la population totale. Selon l'Association des Paralysés de France, le nombre de personnes en situation de handicap qui se trouvent sans emploi a bondi de 75 % en cinq ans. La représentation que les entreprises se font du handicap est encore trop négative. Le recours aux Esat et aux entreprises adaptées pourrait s'inscrire dans la durée à condition de mieux informer les entreprises sur la possibilité de sous-traitance. La condition est, naturellement, le maintien du soutien public. Or j'avais déjà alerté sur ce sujet : 30 à 40 % des Esat étaient déficitaires en 2013.

Concernant la formation individuelle, la loi du 14 mars 2014 a apporté des avancées : le bénéfice pour les travailleurs handicapés du compte individuel de formation et la possibilité de bénéficier d'un congé maladie. Ces deux mesures doivent maintenant devenir opérationnelles. Insistons, enfin, sur l'apprentissage dont l'Agefiph documente le succès : plus de 50 % d'embauche à la clé.

L'emploi des personnes en situation de handicap sera l'un des thèmes majeurs de la prochaine conférence sociale, nous espérons que le Gouvernement prendra des mesures pour rehausser le niveau de leur qualification. (Vifs applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jean-Noël Cardoux .  - Les ministres changent, les discours optimistes sur la courbe du chômage demeurent. M. Sapin donnait une date pour l'inflexion de cette courbe ; vous vous contentez de l'annoncer « prochaine ». Je vois dans cette prudence une marque de la sagesse sénatoriale. (Sourires)

Devant un tel optimisme, la question de M. Desessard semblait superflue, voire quelque peu décalée après l'adoption de la loi sur la formation professionnelle. En réalité, elle est parfaitement fondée et d'actualité malgré le projet de loi de M. Sapin, qui, comme ceux sur les emplois d'avenir ou les contrats de génération, a été adopté selon la procédure accélérée, sans concertation ni évaluation. Résultat, une insuffisance de moyens dédiés à la formation professionnelle : le fonds de sécurisation des parcours professionnels passe de 600 millions à 900 millions, une hausse qui n'est qu'apparente car les cotisations baissent simultanément.

Ensuite, nous demandions un abondement du compte individuel de formation à partir de 250 heures, et non de 150 heures. Les régions n'ont pas le budget... M. Sapin avait écarté cette réserve en déclarant que cette mesure se fondait sur un « pari ». Un pari dans une loi ? C'est pour le moins gênant. Notre amendement sur les deux listes de formations qualifiantes plutôt que trois ? Rejeté ! Notre proposition de jumeler une offre de formation qualifiante à celles de formation « connaissances de base », de bon sens, n'a pas plus été retenue.

L'apprentissage est marqué par le désengagement de l'État, nous vous l'avions dit. Cela fait beaucoup ; si vous nous aviez écoutés, on aurait peut-être pu apporter un petit plus à la situation actuelle.

L'actualité, c'est le bras de fer entre l'État et les chambres de commerce et d'industrie ; la réduction de leurs moyens entraînerait la suppression de 100 000 à 70 000 postes d'apprentis, sans parler des formations pour la reconversion des chômeurs.

L'actualité, c'est aussi la réforme territoriale. Avec des super-régions, de véritables usines à gaz, nous perdrons la proximité, si importante pour les chômeurs.

La responsabilité est partagée car l'actualité, c'est enfin l'échec du RSA activité : 70 % des personnes éligibles au dispositif ne le demandent pas. Quant au RSA socle, un très faible pourcentage de bénéficiaires ont trouvé un emploi en passant par le RSA activité. Idem pour la prime pour l'emploi, très peu incitative à la recherche d'emploi, car versée sans véritable contrepartie. Le calcul est vite fait : quand on compare les plus et les moins, mieux vaut rester chez soi. Si l'on récupérait les sommes consacrées à ces deux dispositifs, on pourrait bâtir une politique cohérente pour la formation professionnelle des demandeurs d'emploi. Beaucoup le disent tout bas, avançons désormais !

Puisse M. le ministre, dans sa sagesse sénatoriale, retenir quelques-unes des modestes propositions que je lui ai faites à l'occasion de ce débat !

M. Hervé Marseille .  - En février dernier, le Gouvernement nous proposait d'examiner un projet de loi sur la formation professionnelle. L'objectif affiché était de cibler les efforts sur ceux qui ont le plus besoin. Le simple fait que M. Desessard pose une question sur l'adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d'emploi suffit à montrer que le but n'est pas atteint. Alors que 32 milliards d'euros sont investis chaque année, et malgré le fait que les grandes entreprises consacrent le double de leurs obligations légales à la formation professionnelle, les résultats sont très faibles pour les moins qualifiés.

On a traité le problème sous le seul angle financier, sans prendre en compte le contrôle et la certification des organismes de formation. Vous vous souvenez du reportage réalisé par le magazine Cash Investigation qui montrait à juste titre l'absence totale de contrôle.

Pourquoi 400 000 postes non pourvus ? La disparité de l'offre selon les régions, la dérive de la formation professionnelle en raison d'un encadrement juridique approximatif, l'absence d'accréditation des organismes - notre amendement a été malheureusement supprimé en CMP.

Cette déficience du système de la formation professionnelle est corroborée par l'Igas, qui révèle qu'il ne bénéficie que très partiellement aux personnes qui en ont le plus besoin. Hélas, nous n'avons pas été entendus quand nous avons défendu des amendements pour abonder le Compte personnel de formation de manière inversement proportionnelle au niveau de qualification. Nous voyons la formation professionnelle comme une seconde chance. Le législateur aurait dû aller plus loin. Surtout, la formation a été transférée à la région. Comment celle-ci pourra-t-elle, avec la réforme territoriale, bâtir une politique de formation cohérente ? Il faudra absolument, à l'occasion de la nouvelle carte, compléter le système de formation professionnelle.

M. Dominique Watrin .  - L'échec est patent, la courbe du chômage ne s'est pas inversée : la France métropolitaine compte 5 millions de chômeurs, 9,7 % de la population active ; les plus jeunes et les plus âgés sont les plus touchés : le taux de chômage des moins de 25 ans est de 23 %. D'une manière générale, les précaires sont les plus soumis aux aléas économiques. Pourquoi les contrats qui leur sont destinés ne fonctionnent-ils pas ? Il faudra bien, un jour, poser la question.

Si le meilleur rempart contre le chômage est la formation initiale, la formation professionnelle joue un rôle essentiel. La proratisation du Congé individuel de formation en éloigne les précaires : 66 % des diplômés à bac+2 ont effectué une formation en 2012, contre 25 % des personnes sans diplôme. La formation professionnelle profite essentiellement aux cadres, alors qu'elle devrait s'adresser d'abord aux demandeurs d'emploi.

En réalité, les fonds dédiés à la formation professionnelle des demandeurs d'emploi sont très faibles : 900 millions, avec la hausse récente de 300 millions. Cela ne représente que 12 % des sommes totales consacrées à la formation professionnelle. Autre barrière que le coût de la formation, celui des prérequis exigés des demandeurs d'emploi pour accéder à la formation professionnelle. Le rapport de l'Igas l'explique très bien.

Se pose le problème de l'accompagnement et du suivi de ces chômeurs.

Dans un rapport de 2013, la Cour des comptes déplore le manque de ciblage des contrats aidés et dispositifs de reclassement vers les plus précaires. Les sages de la rue Cambon constatent que le statut juridique demeure le principal critère d'accès au contrat de sécurisation professionnelle.

Nous appelons de nos voeux une transférabilité totale des droits de formation, y compris en cas de démission et une réelle sécurité sociale professionnelle, fondée sur les deux leviers : un renforcement inédit des fonds dédiés à la formation initiale et à la formation professionnelle, la sécurisation effective de l'emploi.

Bref, nous attendons une politique plus volontariste. Puisse ce débat convaincre le Gouvernement de s'y engager. (M. Jean Desessard applaudit)

Mme Karine Claireaux .  - La formation professionnelle est un des principes particulièrement nécessaires à notre temps, selon les propres termes du Préambule de 1946. Notre économie s'est métamorphosée depuis vingt ans. Chacun doit y faire face, la formation professionnelle est devenue essentielle, sinon stratégique, faute de quoi l'obsolescence des connaissances et du savoir-faire pénalisera entreprises et salariés.

De là, l'élévation de la formation professionnelle au rang d'obligation nationale à l'article L. 171-1 du code du travail. Dans son rapport du 5 avril 2014, M. Jeannerot insistait aussi sur son importance pour les demandeurs d'emploi. Certes, la formation professionnelle n'est pas la panacée, mais il est établi que les chômeurs formés dans des domaines précis retrouvent plus vite un emploi.

Et pourtant, les moyens sont restés insuffisants : 13 % des dépenses de formation professionnelle pour les chômeurs, selon la Cour des comptes, une part en baisse depuis 2000. L'Igas a fait le même constat en septembre 2013 : une hausse du chômage de 19,7 % entre 2005 et 2011 et une entrée des chômeurs en formation diminuant de 8,67 %.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a réagi, par la loi de sécurisation de l'emploi. Création du compte personnel de formation, renforcement du rôle des régions : autant d'avancées remarquables. Un Conseil national de l'orientation et de la formation professionnelle vient remplacer des dispositifs épars.

Reste la question des moyens et celle de la nature de l'offre. Le président de la République l'a dit : tous les chômeurs doivent se voir offrir une formation avant deux mois. Il a aussi annoncé un effort exceptionnel pour pourvoir 30 000 emplois : 185 millions d'euros y ont été consacrés, grâce à l'apport de l'Union européenne. En même temps les moyens en personnel de Pôle emploi ont été renforcés.

L'effort doit aussi être qualitatif, les formations dispensées adaptées aux besoins. Les plus éloignés de l'emploi doivent d'abord se voir offrir des formations à des compétences « transverses » générales. L'Igas préconise un support électronique rénové, et le développement de la formation à distance, la modularité des formations tout au long de l'année, le travail en réseau des organismes de formation - le champ des innovations est vaste.

Dans une société en pleine mutation, frappée par le chômage de masse, la formation professionnelle doit devenir un levier puissant pour les emplois de demain, liés aux transitions énergétique et démographique. Elle doit s'inscrire dans une logique d'anticipation.

Je sais, monsieur le ministre, votre détermination à lutter contre le chômage et à améliorer l'offre de formation à destination des chômeurs. Cette volonté se traduira-t-elle dans la nouvelle convention tripartite État-Unedic-Pôle Emploi ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Françoise Laborde .  - Qu'une réforme de la formation professionnelle fût devenue urgente, chacun le constatait : l'un de nos anciens collègues du RDSE, le sénateur Bernard Seillier, avait dénoncé dès 2007 les trois maux de la formation professionnelle : complexité, cloisonnement et corporatisme. Comment ne pas citer aussi le rapport de Gérard Larcher ou encore le constat sévère dressé par l'Igas en 2013.

Malgré des moyens considérables, le système bénéficie d'abord à ceux qui en ont le moins besoin, délaissant les demandeurs d'emploi : le retour à l'emploi, autant que la compétitivité des entreprises, passent pourtant par l'élévation de la qualification. Accéder à la formation, pour un chômeur, relève du parcours du combattant. Vingt pour cent seulement en bénéficient, contre 50 % des salariés. Je me félicite donc de la réforme votée il y a quelques mois, qui a créé un compte personnel de formation attaché à la personne et non au poste et porté les moyens de 600 à 900 millions d'euros.

La France n'en souffre pas moins de l'inadéquation de l'offre de formation et des besoins de l'économie : 500 000 emplois resteraient non pourvus, au risque de la délocalisation de ces activités. Pourtant, Pôle emploi adresse désormais un questionnaire à plus de 1,5 million d'employeurs pour connaître leurs besoins.

Ce décalage doit être comblé. C'est l'esprit du plan de formation prioritaire lancé par Michel Sapin. Le bilan est positif, puisqu'il y a eu plus de 35 000 entrées en formation. Le Premier ministre a annoncé 100 000 entrées supplémentaires en 2014. Où en sommes-nous ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social .  - Merci à M. Desessard d'avoir lancé ce débat. J'essaierai de ne pas vous faire une réponse formelle.

Vous avez cité des exemples éloquents, y compris puisés dans mon département de Côte-d'Or. La difficulté de pourvoir certains postes n'a pas qu'une seule cause. L'estimation la plus communément admise chiffre ces postes non pourvus à 400 000 : 150 000 offres d'emploi échouent faute de compétences adéquates.

Les partenaires sociaux ont élaboré un socle de formation professionnelle, pour les salariés comme pour les demandeurs d'emplois. Des efforts seront faits pour l'orientation. Pour les personnes handicapées aussi, madame Archimbaud, auxquelles sont réservés 6 % des emplois - mais certaines entreprises préfèrent verser une contribution financière plutôt que de s'acquitter de cette obligation. Rappelons aussi qu'un stagiaire handicapé perçoit une rémunération deux fois et demie supérieure à la normale, presque le smic. C'est signe de notre engagement. L'Agefiph et la Fiph participent au plan « Formation prioritaire ».

Brocarder est facile, monsieur Cardoux, et vous l'avez fait avec modération. Reste que la courbe du chômage s'est effectivement inversée en 2013, avec un taux de chômage réduit de 0,2 point. C'est insuffisant, sans doute. Mais c'est la réalité ! Il nous faut maintenant faire baisser le nombre de chômeurs.

Une succession de textes préparés dans la précipitation, dites-vous ? Tous les projets de loi présentés n'ont fait que transposer des accords passés entre partenaires sociaux.

Un effort particulier est fait pour l'apprentissage, la relance est là. En 2015, les régions toucheront une part de la taxe d'apprentissage, pour laquelle on constatait beaucoup d'évasion en raison du prélèvement sur la collecte par certains collecteurs : 50 millions d'euros de plus seront consacrés à l'apprentissage en 2015, 150 millions d'euros en 2016.

Pour les demandeurs d'emploi, l'État, et c'est la première fois, a dégagé 50 millions d'euros en 2013 avec le plan « 30 000 formations prioritaires », et 50 millions de plus en 2014 avec le plan « 100 000 formations prioritaires ».

Le CPF, nous y croyons. Ne le condamnons pas avant qu'il ait vu le jour. Un amendement de Mme Jouanno a été adopté pour mieux contrôler les organismes de formation - 150 agents de la Direccte s'y consacrent déjà.

Grâce au CPF, les chômeurs conserveront enfin leurs droits acquis !

Oui, la formation doit s'adresser aussi aux demandeurs d'emploi.

M. Watrin a raison : sans chômage, ce serait mieux... (M. Jean Desessard s'amuse) Vous voyez dans les emplois aidés des emplois précaires, mais ils sont indispensables en temps de crise. Ces emplois d'avenir, assortis pour la première fois d'une obligation de formation, mettent le pied à l'étrier des jeunes.

Merci à Mme Claireaux pour la justesse de son analyse. J'ai demandé ce matin même aux directeurs régionaux de Pôle emploi d'accroître encore la personnalisation de l'accompagnement.

La formation professionnelle, comme l'a dit M. Desessard, obéit à une logique utilitariste, mais aussi adéquationniste : elle est d'abord, n'ayons pas peur de le dire, au service de l'emploi. Cela n'enlève rien au fait que la formation professionnelle est un outil d'émancipation, un droit à la deuxième ou à la troisième chance. D'autant que l'école ne gomme plus toutes les inégalités et que l'ascenseur social peine parfois à redémarrer.

Lors de la deuxième conférence sociale, a été annoncé un plan « 30 000 formations prioritaires » qui repose sur la conjugaison des forces de l'État, des régions, de Pôle emploi et des partenaires sociaux. C'est une réussite : 36 000 entrées en formation de plus, dans les transports, la manutention, l'action sanitaire et sociale, l'hôtellerie, le commerce, la restauration... Un plan de 100 000 formations a été lancé pour 2014 : les derniers chiffres font état de 38 000 entrées supplémentaires, ce qui nous donne bon espoir.

La formation professionnelle est nécessaire, mais pas toujours suffisante. Souvent, c'est en exerçant un métier qu'il connaît qu'un chômeur est susceptible de retrouver un emploi. Des difficultés sont liées aux problèmes de mobilité, de logement, de conditions de travail, à l'image de certains métiers, aux discriminations liées à l'âge ou à la géographie...

La campagne « Beau travail » vient d'être lancée par le Medef. Les clips essaient d'améliorer l'image de certains métiers du bâtiment, par exemple. La prise en compte de la pénibilité, nécessaire, ne facilitera pas les choses...

La loi du 5 mars 2014 prévoit un service public régional de l'orientation pour faire connaître les besoins propres à chaque territoire. Parfois, il vaut mieux parler de métier que d'emploi : un métier est une source de fierté.

Un service de conseil en évolution professionnelle va s'adresser aux salariés comme aux chômeurs. Les demandeurs d'emploi doivent avoir les moyens de mûrir leur projet. L'employeur a aussi son rôle à jouer dans l'adéquation de la formation professionnelle aux besoins : calibrer la fiche de poste, mieux définir les tâches et compétences exigées, anticiper ses besoins... Les petites entreprises y seront aidées par Pôle emploi.

Tournons-nous vers l'avenir aussi, en anticipant les emplois qui émergeront demain : c'est le sens de la reconstruction du Conseil national de l'industrie et des comités de filière. Un partenariat associant entreprises et organismes de formation doit apparaître, dans l'éolien offshore, la silver economy, la reconversion numérique...

Alors, quels moyens ? Fin mars 2013, à Blois, le président de la République demandait que les moyens de la formation professionnelle soient mieux orientés à destination de ceux qui en ont le plus besoin : les jeunes, les demandeurs d'emploi, les salariés en situation de précarité. La promesse a été tenue dans la loi réformant la formation professionnelle. Les fonds destinés aux demandeurs d'emploi passent de 600 à 900 millions d'euros, dont 300 millions par le biais du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Les régions pourront y prendre leur part. Avec le contrat de professionnalisation, les demandeurs d'emplois pourront se former en alternance, un de nos chantiers prioritaires. Trop peu d'entreprises françaises - à peine 4 % - embauchent des apprentis, qui ont trois chances sur quatre de trouver, à l'issue de leur formation, un emploi.

Le compte personnel de formation ne dépend plus du statut, puisqu'il est attaché à la personne. C'est l'une de nos armes contre le chômage, inacceptable. On pourrait d'ailleurs se demander pourquoi notre société a choisi le chômage de masse... (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du groupe RDSE)

M. Jean Desessard, auteur de la question .  - Merci à tous d'avoir complété ma question, et à M. le ministre d'y avoir répondu.

Il ne s'agissait pas pour moi de traiter de tous les aspects de la formation. Ma question était celle-ci : comment se fait-il, alors que chacun prétend donner priorité à l'emploi, qu'il y ait 400 000 emplois non pourvus ? Et d'abord, est-ce vrai ? On ne sait pas. Il nous faut un GPS, un tableau de bord. On est bien capable d'en avoir un pour conduire !

Certains emplois sont-ils assortis de conditions de travail trop pénibles ? Si c'est le cas, menons des recherches sur les robots pour alléger la tâche des aides-soignantes ! Le salaire est-il trop faible par rapport aux compétences exigées ? Réunissons les partenaires sociaux pour discuter d'une hausse des salaires ! La formation est-elle insuffisante ? Améliorons sa qualité ! Avec un tableau de bord, on pourrait agir. Vous êtes aux manettes, monsieur le ministre, mais il faut savoir quel levier actionner !

Il faut aussi un GPS prospectif, qui nous dise quels seront les métiers de demain. Qui le mettra en place ? Le ministère ? Pôle emploi ? Les partenaires sociaux ? On ne manque pas de gens très compétents en France - des sociologues, des économistes, que sais-je encore ! Encore faut-il les faire travailler ensemble, sous la direction d'un chef de bord. Il est invraisemblable qu'un pays comme le nôtre ne soit pas capable de pourvoir les emplois disponibles !

Prochaine séance lundi 16 juin 2014, à 15 heures.

La séance est levée à 18 heures.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du lundi 16 juin 2014

Séance publique

À 15 heures et le soir

Présidence : M. Jean-Claude Carle, vice-président

Secrétaires : M. François Fortassin - M. Gérard Le Cam

1. Proposition de loi visant à créer des polices territoriales et portant dispositions diverses relatives à leur organisation et leur fonctionnement (n° 553, 2012-2013)

Rapport de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois (n° 608, 2013-2014)

Texte de la commission (n° 609, 2013-2014)