Simplification de la vie des entreprises (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la simplification de la vie des entreprises.

Discussion générale

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique .  - La question de la simplification des normes est cruciale. C'est pourquoi j'ai voulu être aujourd'hui aux côtés de M. Mandon. La complexité des règles entrave la vie de nos entreprises au quotidien.

La paperasse, les normes, la myriade de lois et de règlements inhibent au lieu d'accompagner ; pire, elles fragilisent parfois au lieu de sécuriser. En fin de compte, c'est un frein à l'innovation et à l'embauche.

Tout s'accélère avec les nouvelles technologies. La réactivité est une condition de la survie même des entreprises. La simplification est une bataille permanente contre les délais pour que nos entreprises gagnent la course du temps. Ce texte est crucial, enfin, car la simplification est la condition de l'attractivité de nos territoires, dont le Sénat est le représentant.

Certains entrepreneurs tardent ou renoncent à investir, effrayés par la complexité. Notre méthode diffère radicalement de celle de nos prédécesseurs ; nous avons choisi la concertation (protestations sur les bancs UMP) car nous ne voulions pas manquer notre cible. L'administration ne peut agir seule.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Qui écrit les ordonnances ?

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Elles sont écrites en concertation étroite avec les entreprises. C'est un gage d'efficacité.

Ce projet de loi n'est pas anti-administratif ou anti-juridique. Il vise à redonner aux normes leur vocation originelle : protéger les Français tout en leur donnant les moyens d'exercer leurs droits et libertés.

Deux textes en moins d'un an : c'est la preuve que le Gouvernement prend à bras-le-corps cette priorité de François Hollande. Dès avril, le deuxième acte de la simplification était amorcé. Le présent projet de loi reprend 14 des 50 recommandations du Conseil de simplification. D'autres ont déjà été reprises par voie réglementaire. Ainsi, à partir du 12 novembre, le silence de l'administration vaudra accord : c'est une petite révolution administrative.

La simplification concerne l'ensemble du droit et de notre territoire. Ce projet de loi met fin à des archaïsmes comme la déclaration des congés d'été pour les boulangers, qui datait de la Révolution française... En cas d'incertitude sur l'interprétation d'une norme, l'administration devra l'éclairer par un écrit opposable : c'est l'extension des rescrits à de nombreux domaines.

Il suffira, enfin, d'une seule démarche et d'un seul document en un seul lieu pour créer l'entreprise.

Certaines propositions de votre commission sont prématurées car la concertation n'a pas eu lieu : c'est la raison pour laquelle le Gouvernement demandera la suppression des articles relatifs à la fusion des chambres de commerce et d'industrie et aux contrats de partenariat public privé.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Un mot sur le compte de pénibilité. Simplifier, ce n'est pas faire bégayer la loi, revenir sur une réforme votée il y a quelques mois. (Mme Nicole Bricq approuve) C'est une belle réforme, qui crée des droits. Battons-nous pour faire de cette idée une idée plus pratique !

Mme Nicole Bricq.  - Très bien !

M. Emmanuel Macron, ministre.  - M. de Virville a préparé les décrets, dans la plus parfaite transparence. Rendre cette belle idée plus efficace, c'est notre responsabilité collective.

Mme Pascale Gruny.  - Il ne fallait pas prendre les décrets alors !

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Le droit d'information des salariés en cas de cession d'entreprise devait être sécurité. Les cessions en cours ont été exclues, l'information pourra se faire par voie électronique avec accusé de réception. Toutes les mesures utiles doivent être envisagées pour rendre le dispositif plus simple. En revanche, ce n'est pas en revenant sur le droit, c'est-à-dire en créant plus d'instabilité, que nous simplifierons !

La simplification est une priorité de ce quinquennat. De nouvelles mesures vous seront présentées dans le projet de loi pour l'activité. C'est aussi une responsabilité de l'administration.

M. Charles Revet.  -  Il y a du travail à faire !

M. Emmanuel Macron, ministre.  - Certes, et j'ai adressé des consignes à mon administration. La simplification, c'est une hygiène collective et je m'impose à moi-même les mêmes exigences. Il doit être plus simple de créer une entreprise, de la développer au quotidien : que la loi protège mais qu'elle n'entrave pas pour de mauvaises raisons. La bataille de la simplification est loin d'être terminée. M. Mandon et moi-même ne failliront pas à la tâche. Je compte sur vos suffrages pour apporter une nouvelle pierre à cet édifice. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE ; M. Christophe Béchu applaudit aussi)

M. Éric Doligé.  - Il faut passer de la parole aux actes.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification .  - La tâche à laquelle nous sommes confrontés est essentielle : permettre aux entreprises de se consacrer à leur rôle, à savoir créer de la valeur pour elles-mêmes, pour leurs salariés et pour l'économie.

Avant même d'entrer dans le détail des mesures, c'est l'esprit même de la politique de simplification qu'il nous faut partager : rétablir la confiance, faire évoluer les relations entre la sphère publique qui édicte les normes et les acteurs de la société, les entreprises, créer entre eux une synergie mutuellement profitable, au service de la croissance et de l'intérêt public.

Ce travail de réconciliation, sans naïveté mais avec la conviction farouche que nous défendons l'intérêt public, a pour point de départ une idée simple mais fondatrice : simplifier, ce n'est pas déréglementer.

Au contraire, c'est savoir que, du fait de la complexité de nos sociétés, il faut des règles claires, lisibles, applicables afin que les plus fragiles des entrepreneurs ne dépensent pas des trésors d'énergie pour faire valoir leurs droits. L'exemple étranger nous l'enseigne.

Ce chantier énorme, engagé sous le précédent quinquennat, a été accéléré par ce gouvernement avec le choc de simplification.

M. Éric Doligé.  - On l'attend toujours !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État.  - Nous n'en tirons pas fierté. C'est une session de rattrapage : l'Allemagne a commencé en 1999, la Grande-Bretagne en 2000, les Pays-Bas en 1994. Les plus optimistes dans cet hémicycle, et il y en a, verront dans ce retard à l'allumage l'occasion de mettre les bouchées doubles. Nous avons analysé les expériences menées à l'étranger. Ce qui fonctionne ailleurs, reprenons-le avec la méthode collaborative qui est la nôtre, avec des mesures qui relèvent du plan d'action et non de la déclaration d'intention. Le Conseil supérieur de simplification est désormais présidé par un entrepreneur, Guillaume Poitrinal, et des bilans des mesures prises seront tirés tous les six mois. L'objectif pour les trois années à venir, c'est 11 milliards d'euros pour notre économie. Cet enjeu doit transcender nos différences.

Ce travail de longue haleine a déjà commencé ; depuis 2013, il y a eu par exemple des ordonnances pour faciliter la densification urbaine ou encore la règle du « un pour un » reprise des Britanniques : tout décret nouveau doit être compensé par la suppression d'une disposition équivalente. Ce texte complète cette batterie d'outils en harmonisant la terminologie dans le code du travail, en renforçant la sécurité juridique du rescrit, en posant pour règle que le silence de l'administration vaut accord -ce qui sera effectif dès le 12 novembre pour plus de 1 800 démarches.

Quelle que soit la nature des textes envisagés, nous nous retrouverons tous les six mois pour un nouveau paquet de mesures de simplification qui alimenteront le futur projet de loi Macron.

D'autres sujets doivent être approfondis : je pense à la fiscalité, dont la lisibilité est si importante pour notre démocratie. Avec ce texte, les mesures seront bientôt effectives. La déclaration sociale nominative à partir du 1er janvier 2016 fera gagner aux entreprises 8 euros par mois et par salarié. Bien d'autres sujets nous retiendront, comme la nouvelle fiche de paie -qui ne fera perdre aucun droit.

Pourquoi des ordonnances ? Parce que, sur ces thématiques, la complexité l'exige pour que les mesures s'incarnent très concrètement. Je le redis : les parlementaires seront associés à la rédaction des décrets.

M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois.  - Très bien !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État.  - Pourquoi aborder tant de sujets si différents ? Parce que nous sommes partis de ce qui importait aux entrepreneurs. Ce sont les entreprises qui ont fixé les agendas. En commission, certains ont souri de la suppression de la déclaration de congé d'été pour les boulangers...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - La commission vous soutient sur ce point.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État.  - Cependant, un boulanger a été condamné à 75 euros d'amende pour n'avoir pas respecté une mesure datant de 1790, quand il n'existait pas de surgelés ni de grandes surfaces ou de stations-services vendant du pain.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Heureuse époque !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État.  - Se caler sur la respiration des entreprises, tel a été notre choix. Gardons la ligne. Simplifier au nom du droit existant, sans supprimer de droits. Pas question pour nous de revenir sur la loi Hamon.

Si nous sommes soudés sur ces objectifs, je ne doute pas de la qualité de nos travaux communs. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois .  - La loi est par trop complexe. Ce constat n'est que trop vrai. Il convient donc de balayer notre arsenal législatif pour revenir à l'essentiel.

Ce projet de loi, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 25 juin 2014, a été adopté le 22 juillet 2014. « Rituel parlementaire », disait notre collègue Saugey, rapporteur d'un texte similaire en 2010 : la première loi dite de simplification date d'il y a dix ans. J'ai tenté de me placer dans la ligne des précédents rapporteurs, MM. Saugey et Mohamed Soilihi ; pour autant, je dois dire ma déception devant ce texte qui manque d'ambition et dont nombre de mesures sont sans lien avec son intitulé. Je dis également ma frustration devant le peu de temps dont notre commission des lois a disposé pour restructurer ce texte, compte tenu du renouvellement de notre Haute assemblée.

Comme à son habitude en pareil cas, la commission a délégué au fond les articles qui ne relevaient pas de sa compétence aux rapporteurs pour avis.

Que la simplification soit un objectif partagé par tous les gouvernements est une bonne nouvelle : si nous ne parvenons pas à améliorer notre compétitivité-coût, travaillons au moins à faciliter la vie de nos entreprises.

Ce projet de loi fait l'objet d'un accord de principe des acteurs concernés. Des règles plus claires et plus lisibles, soit, mais à condition de garantir la stabilité du droit. Or nous en sommes à la cinquième loi de simplification depuis 2012 : la loi du 1er juillet 2013, celle du 12 novembre 2013, celle du 2 juillet 2014, celle sur la simplification des normes en matière de justice, encore en cours d'examen. Ce train de lois fait suite aux quatre propositions de loi Warsmann, dont nous avions critiqué la méthode en leur temps, et aux deux projets de loi adoptés lors de la législature antérieure.

La commission des lois appelle de ses voeux des lois de simplification plus brèves, clairement délimitées à un sujet et limitant le recours aux ordonnances. Je salue l'initiative qu'a prise M. Mohamed Soilihi de déposer une proposition de loi de simplification circonscrite au code de commerce. J'ai été tenté de la reprendre dans ce texte, je m'en suis abstenu pour ne pas déstructurer encore plus ce projet de loi.

Je n'épargnerai mes critiques à personne : les assises du 29 avril 2011 devaient aboutir au coffre-fort numérique pour les entreprises, devenu, plus modestement, la règle du « dites-le nous une seule fois ». Aucune ordonnance n'a été prise, pas plus que sur la simplification du bulletin de paie, prévue par la loi du 22 mars 2012.

Rien sur la simplification du calcul des charges sociales. J'aimerais tant rapporter de telles dispositions avant la fin de mon mandat. Cela laisse six ans ! Certaines mesures ont été prises, comme la déclaration sociale nominative qui doit s'appliquer à toutes les entreprises au 1er janvier 2016.

Chacun a constaté le caractère composite de ce texte. Sans aller jusqu'à parler d'un « assemblage hétéroclite de cavaliers législatifs en déshérence », comme disait naguère M. Saugey, je note que de nombreuses mesures de ce texte ne concernent pas les entreprises ; elles simplifient la vie des administrations ou ne simplifient pas du tout. C'est un grand fourre-tout, qui va du congé d'été des boulangers aux conditions de désignation des commissaires aux comptes des entreprises publiques en passant par des mesures d'adaptation dans le code de la consommation oubliées lors du vote de la loi Hamon en mars dernier.

Une approche pointilliste encore, au vu de l'article 12 qui réduit, et par ordonnance encore, le nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. Il aurait été préférable de créer un régime globalement simplifié pour les petites sociétés non cotées.

Bien des articles de ce texte sont des habilitations à légiférer par ordonnances. L'article 4 reprend à l'identique une habilitation à supprimer ou simplifier tous les régimes d'autorisation ou de déclaration préalable concernant les entreprises, dont nous avions voté la suppression au printemps dernier. L'article 27 prévoit la transposition par ordonnances de deux directives sur les marchés publics ; sur ce point, le Gouvernement a entendu les observations de MM. Sueur et Portelli.

Ce projet de loi ne comporte pas, loin de là, que des aspects négatifs. L'extension du rescrit administratif, la dématérialisation de certains actes, la reconnaissance des conventions de mandat sont bienvenues.

Je vous proposerai de supprimer les habilitations excessivement larges, de préciser le champ d'autres, d'en convertir d'autres encore en modifications directes du droit en vigueur.

À l'initiative du président Hyest, la commission propose en outre de supprimer l'obligation d'information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise, mesure inefficace, dangereuse pour l'économie et inopérante en pratique.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Très bonne initiative.

M. André Reichardt, rapporteur.  - L'avenir se construit par la simplification ; celle-ci redonnera de l'oxygène à nos villes et à nos campagnes. La commission des lois vous invite à adopter son texte. (Applaudissements à droite)

Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques .  - Notre commission est saisie au fond des articles 7, 9, 10, 11 bis A, 20, 28, 29, 31 bis et 34 bis. D'autre part, elle s'est saisie pour avis des articles 7 bis, 7 ter, 27 et 34. Après M. Reichardt, je déplore le manque d'ambition de ce texte disparate.

L'article 7 contient quatre habilitations à légiférer par ordonnances dans le champ de l'urbanisme. Trois d'entre elles ne se justifient pas, la quatrième doit être précisée. On ne peut pas remettre son ouvrage sur le métier tous les six mois, après la loi du 1er juillet 2013, l'ordonnance du 3 octobre 2013 et la loi du 24 mars 2013, alors qu'il y a urgence à relancer la construction de logements.

L'article 7 ter habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour harmoniser les mentions en superficie ; modifier le droit en vigueur y suffira.

Je proposerai de supprimer l'article 10 sur le dispositif des certificats d'économie d'énergie pour le réexaminer dans le projet de loi sur la transition énergétique. La commission n'a pas modifié les articles 11 bis A et 20.

Créer un statut pour les écoles d'enseignement supérieur des chambres de commerce et d'industrie se justifie ; en revanche, pas par ordonnance.

L'article 29 fusionne Ubifrance et l'Agence française des investissements internationaux. J'avais souhaité proposer une forme de guichet unique du soutien à l'export, sous forme de GIE ; nous en reparlerons lors de l'examen des amendements.

L'article 31 bis, enfin, habilite le Gouvernement à prendre diverses mesures de simplification dans le secteur du tourisme. Je vous proposerai de préciser cette habilitation et d'en prévoir deux autres, concernant les procédures de classement et les chèques vacances.

Dans un souci d'opposition constructive, la commission des affaires économiques vous invite à adopter ce projet de loi. (Applaudissements à droite

Mme Catherine Procaccia, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales .  - Comme mes collègues, j'insisterai sur la nécessité de la stabilité des normes et de leur adaptation à la réalité des entreprises. Un seul exemple : pourquoi une règle uniforme de 24 heures pour le temps partiel dans tous les domaines ? Si la norme pour un temps complet est de 35 heures hebdomadaires, on doit pouvoir le diviser en deux : avec 24 heures, il n'y a pas possibilité de deuxième salarié à mi-temps. Le dialogue au sein des branches n'avance pas. Le compte pénibilité, à mon sens, constitue un deuxième signe des contradictions du Gouvernement. L'application du dispositif tel qu'il a été voté pénalisera les seules PME ; celles du CAC 40 n'auront aucune difficulté et beaucoup continueront de contourner la loi en recourant aux travailleurs détachés.

C'est pourquoi notre commission des affaires sociales a déposé des amendements sur ce point, considérant qu'il relevait aussi du PLFSS et de la loi sur les retraites.

L'actualité a également été marquée par la parution du décret sur l'information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise. Quelle maladresse quand un texte sur ce sujet est en cours d'examen au Sénat ! Je me réjouis que la commission des lois, à l'initiative de M. Hyest, ait supprimé ce dispositif inefficace pour conserver l'emploi.

L'article premier étend le recours au « titre emploi service entreprise » jusqu'à vingt salariés. C'est tant mieux, mais l'administration pourra-t-elle faire face ?

L'article 2 comporte une seconde habilitation à légiférer par ordonnance afin d'harmoniser les différentes notions de « jour » utilisées dans le code du travail.

À l'article 2 bis est créée une aide à l'embauche d'apprentis. Je regrette vivement la politique de stop and go sur l'apprentissage. Le Gouvernement joue les Pénélope !

L'article 2 ter réintroduit le portage salarial, censuré à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité.

L'article 2 quater vise à répondre à l'insécurité juridique créé par la réforme du temps partiel. Que se passe-t-il si un employé veut travailler davantage que 24 heures ?

La commission a, enfin, adopté un article additionnel visant à pérenniser le contrat de travail à durée déterminée à objet défini.

Plusieurs reproches peuvent être faits à ce projet de loi. Il n'est jamais agréable pour les parlementaires de se dessaisir au profit de l'administration. En outre, les mesures proposées sont hétéroclites. Peut-on pour autant s'opposer à un texte qui apporte une réponse à des difficultés ponctuelles ? J'attends que notre débat soit l'occasion pour le Gouvernement d'apporter des éclaircissements, en particulier sur le temps partiel. (Applaudissements à droite)

M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission du développement durable .  - Je partage les propos tenus par mes collègues rapporteurs. Quelques mots d'abord sur la forme. Le dernier texte de simplification a moins d'un an. Simplifier la vie des entreprises est une urgence, certes, pour rétablir la compétitivité des entreprises. Toutefois, restons modestes. Le « choc de simplification » n'est que la continuité des assises de la simplification en 2011 et de la fameuse RGPP. C'est le cinquième texte de simplification depuis 2003 : nous en votons quasiment un par an !

Or la simplification a changé de nature. Tirons-en les conséquences concrètement. Instrument occasionnel de nettoyage des codes, la simplification est devenue permanente, une politique publique à part entière. L'augmentation du rythme, la faible cohérence thématique, le recours aux ordonnances, la procédure accélérée, tout cela ne peut devenir systématique. Réfléchissons à une meilleure association du Parlement. J'ai peiné à obtenir les projets d'ordonnances pour lesquels une habilitation est sollicitée. La méthode de travail collaborative que vous prônez, monsieur le ministre, doit s'étendre aux parlementaires... Le dépôt d'une trentaine d'amendements la veille de l'examen en séance, ce n'est pas ça, la coproduction législative...

La commission du développement durable a recherché un juste équilibre entre l'urgence de la simplification et la nécessité pour le législateur de ne pas donner un blanc-seing au Gouvernement pour des projets flous.

À l'article 8, la commission du développement durable s'est prononcée pour une accélération des projets d'installation d'énergies renouvelables en mer.

À l'article 11, relatif aux installations classées, elle a adopté un amendement de précision.

À l'article 11 bis, autorisant le convoyage par motoneige de la clientèle des restaurants d'altitude, elle a adopté un amendement de coordination. Les groupes CRC et écologiste ont déposé un amendement de suppression ; nous y sommes défavorables mais le Gouvernement doit s'engager à encadrer cette dérogation pour prendre en compte son impact sur l'environnement.

M. Joël Labbé.  - Cavalier !

M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis.  - Un amendement de M. Labbé sur les éoliennes a reçu un avis défavorable de la commission, dans la droite ligne du rapport Herviaux-Bizet sur la loi Littoral : l'objectif de protection de la loi Littoral prévaut sur le développement de l'éolien terrestre. Nous y reviendrons lors du projet de loi de transition énergétique.

L'amendement n°85, déposé hier soir par le Gouvernement, nous propose de l'autoriser à modifier par ordonnance le régime des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Cette méthode n'est pas acceptable : à aucun moment il nous a été fait part de pareille volonté. Nous ne pouvons l'habiliter à l'aveuglette.

Nous avons émis un avis de maintien de la suppression de l'article 5, et un avis favorable au premier alinéa de l'article 7 -à condition que l'exemption d'enquête publique soit inscrite directement dans le code de l'environnement. Enfin, nous avons émis un avis favorable à l'article 21 qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances en matière de recouvrement des redevances de stationnement. (Applaudissements sur les bancs de la commission et à droite ; MM. Hervé Maurey et Olivier Cadic applaudissent aussi)

M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - Ce projet de loi s'inscrit dans la ligne des textes de simplification adoptés ces dernières années, objets juridiques hétéroclites auxquels nous sommes désormais habitués. Son intitulé est très exagéré : sur les quatorze articles confiés à la commission des finances, six seulement concernent les entreprises et huit facilitent la vie de l'administration.

Le Gouvernement n'est pas resté inactif, le Conseil de simplification a vu le jour. Mais si ces textes de simplification sont décevants, c'est qu'ils passent à côté des vrais enjeux. Où est la simplification du code du travail, celle du corpus social ? Avec trois millions de chômeurs, c'est pourtant le plus urgent. Il conviendrait surtout de ne pas créer de nouvelles obligations, comme celle d'informer les salariés d'une entreprise préalablement à sa cession. Cela nuit gravement à la confiance des entreprises, et surtout les plus petites, envers l'État.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Absolument.

M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis.  - Aux articles 15 et 16, nous avons préféré inscrire en dur dans la loi les modifications pour lesquelles le Gouvernement demandait une habilitation à légiférer par ordonnances.

La commission est favorable à l'article 13 mais le Gouvernement, qui s'est engagé sur la déclaration dite DAS 2, devrait suivre d'autres recommandations du Conseil de simplification, comme les déclarations relatives aux frais généraux ou à la valeur ajoutée, très chronophages. L'article 21 sur le recouvrement des redevances de stationnement traduit une réforme longtemps attendue. Aux parlementaires, très investis sur ce sujet, de veiller à ce que le texte de l'ordonnance soit conforme à l'intention du législateur. Cela semble être le cas.

À l'article 30, le Gouvernement demande à être habilité à élargir par ordonnances le nombre d'acteurs pouvant alimenter et, partant, consulter le fichier bancaire des entreprises, le Fiben. Je me méfie des mégafichiers ; ne s'agit-il pas avant tout de simplifier la vie de la Banque de France et de l'administration ? Pour les entreprises, ce sont encore de nouvelles obligations déclaratives. Les explications du Gouvernement ne m'ayant pas convaincu, je vous proposerai de supprimer l'article.

Ce texte ne suffira pas à restaurer le climat économique. Pour l'essentiel cependant, les mesures qu'il contient sont bienvenues. (Applaudissements sur les bancs de la commission et UMP)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Avec ce texte, le Gouvernement franchit une nouvelle étape dans le choc de simplification voulu par le président de la République. Il y a d'abord eu la loi du 12 novembre 2013, puis la loi du 3 janvier 2014, que j'ai eu le privilège de rapporter. Je constate avec satisfaction que les ordonnances ont toutes été prises, ce qui est de nature à apaiser la méfiance atavique du parlementaire envers les habilitations...

Toutes les mesures de simplification mises en oeuvre depuis 2012 ont d'ores et déjà permis de faire économiser 2 milliards d'euros aux entreprises et à l'administration. Le Gouvernement veut arriver à 11 milliards d'ici 2017. D'après le classement du Forum économique mondial de Davos, la France est 130e sur 148 en ce qui concerne le poids de la réglementation sur la compétitivité des entreprises...

Mme Catherine Procaccia.  - C'est bien vrai !

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Selon l'OCDE, « l'impôt papier » leur coûterait de 60 à 80 milliards d'euros par an, 3 à 4 points de PIB.

Nous serons vigilants lors de la ratification des ordonnances, il faudra nous associer à leur rédaction. Je salue la démarche collaborative associant les acteurs économiques et les citoyens, via le Conseil de la simplification, co-présidé par MM. Poitrinal et Grandguillaume. Cette démarche participative est innovante et moderne, elle sollicite notamment les citoyens via internet.

La majorité sénatoriale dénonce un texte fourre-tout et manquant d'ambition. Pourtant, ces mesures sont réclamées par les entreprises elles-mêmes. Le volet réglementaire ne doit pas être oublié, 50 nouvelles mesures ont déjà été adoptées. J'ai moi-même déposé une proposition de loi tendant à simplifier et clarifier le code de commerce ; espérons qu'elle sera bientôt examinée. Mises bout à bout, ces mesures créeront un véritable choc. L'extension du rescrit fiscal va dans le bon sens, la procédure ayant fait ses preuves. Idem pour le principe du « silence vaut accord », qui renverse celui institué par la loi DCRA. Près de 1 200 procédures sont concernées, soit les deux tiers des régimes d'autorisation. C'est une révolution qui facilitera les relations entre les Français et leur administration. L'habilitation ayant été jugée trop large, l'article a malheureusement été supprimé ; j'espère que le Gouvernement nous fournira une liste exhaustive des procédures concernées.

Il serait dommageable que le vote de ce texte soit plombé par la suppression des mesures sur le compte pénibilité et l'information préalable des salariés en cas de cession.

À titre personnel, je regrette l'éclatement de ce texte entre cinq commissions ; pourquoi n'avoir pas créé une commission spéciale, comme à l'Assemblée nationale ? (Applaudissement sur les bancs socialistes ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit aussi)

M. Joël Labbé .  - Je vous salue, monsieur le secrétaire d'État. Suite aux récentes valses de ministres et secrétaires d'État, je ne vous avais pas encore identifié...

M. André Reichardt, rapporteur.  - Sortez le trombinoscope !

M. Joël Labbé.  - Je vous ai vu par hasard à la télévision et j'ai été accroché par vos propos : vous disiez souhaiter un gouvernement plus ouvert, plus en dialogue avec la société, plus transparent. Vous disiez même que c'était une condition de la réussite de la réforme. (Exclamations ironiques à droite) La brosse à reluire, ce n'est pas mon genre, rassurez-vous. Mais ces convictions sont les miennes. Oui, dialoguer avec la société est nécessaire ; 72 % des Français ne font pas confiance à l'Assemblée nationale, 73 % au Sénat, 78 % ne croient plus à la chose politique. Il est temps que nous nous remettions collectivement en question.

Vous disiez vouloir développer les méthodes collaboratives, vous avez réuni des ateliers participatifs pour élaborer ce texte. Tel qu'issu de l'Assemblée nationale, il nous convenait ; celui des cinq commissions du Sénat a beaucoup perdu de sa portée. La commission des affaires sociales a réintroduit le contrat à durée déterminée à objet défini, nouveau contrat précaire pour les cadres : nous le condamnons. Les robots pourraient remplacer trois millions de salariés d'ici 2025. Faudra-t-il bientôt inventer le contrat de travail imaginaire ? Supprimons cet article mais maintenons l'obligation d'information préalable des salariés en cas de cession ; il faut offrir un maximum de chances de reprise. Supprimons aussi l'article 11 bis sur le convoyage par motoneige vers les restaurants d'altitude. C'est un cavalier blanc, qui aurait pu se fondre dans les somptueux paysages enneigés. Mais c'est un cavalier bruyant ! Le charme des restaurants d'altitude, c'est qu'on y accède à pied, à ski ou en raquettes. Moins de 10 % des Français vont en vacances à la montagne ; cet article scandaleux ne fait que servir des intérêts particuliers. J''ai en outre proposé un amendement pour protéger les professionnels de l'hôtellerie contre l'abus des centrales de réservation ; c'est un véritable racket qui met à mal la petite hôtellerie familiale - malheureusement, cet amendement a été déclaré irrecevable.

Enfin, j'en viens aux 1 000 vaches. Mon amendement n'est pas un cavalier, une exploitation agricole est aussi une entreprise. J'étais au procès d'Amiens la semaine dernière. Comme une majorité de Français, je suis opposé à ce type d'industrialisation, de financiarisation de l'agriculture. Même 500 vaches, c'est beaucoup trop. Aussi ai-je demandé que les Safer puissent préempter des parts de société, y compris lorsque la cession ne porte pas sur l'intégralité des parts. On m'oppose l'article 40, ce que je conteste au regard du statut des Safer. Je demande donc, avec force, un rapport sur le sujet. J'espère que mon amendement fera l'unanimité.

J'ai reçu des représentants de la Capeb du Morbihan. Les professionnels du bâtiment souhaitent une véritable simplification, pourquoi pas avec une TVA à 5,5 % pour l'ensemble des travaux de rénovation ?

Simplifions aussi le compte pénibilité, évidemment sans y renoncer. Et les banques doivent mieux jouer leur rôle de soutien à la trésorerie des PME.

Je souhaite voter ce texte. Je pourrais m'abstenir s'il n'évolue pas.