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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Modification de l'ordre du jour du vendredi 20 novembre 2015

Protection des forêts contre l'incendie

Discussion générale

M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la proposition de loi

Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

M. Simon Sutour

M. Joël Labbé

M. David Rachline

Mme Hermeline Malherbe

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Christian Favier

M. Jacques Genest

M. Roland Courteau

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE ADDITIONNEL

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

M. Pierre-Yves Collombat

Rôle du bicamérisme

M. Jacques Mézard, au nom du groupe RDSE

M. Joël Labbé

M. Pierre-Yves Collombat

M. Mathieu Darnaud

M. François Zocchetto

Mme Éliane Assassi

M. Jean-Pierre Sueur

M. Bernard Fournier

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Dépôt de documents

Organisme extraparlementaire (Appel à candidatures)

Échec en CMP

Autorités administratives indépendantes de Nouvelle-Calédonie

Discussion générale

Mme Catherine Tasca, auteure de la proposition de loi

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

M. Guillaume Arnell

M. Joël Guerriau

Mme Éliane Assassi

M. Félix Desplan

Mme Aline Archimbaud

Mme Jacky Deromedi

Discussion de l'article unique

Mme Catherine Tasca

Devoir de vigilance des sociétés mères (Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Joël Labbé

M. Yvon Collin

M. Philippe Dallier

M. Jérôme Durain

M. Michel Vaspart

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Nicole Bricq

ARTICLE 2

Mme Évelyne Didier

ARTICLE 3

Ordre du jour du jeudi 19 novembre 2015

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mercredi 18 novembre 2015

26e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

Secrétaires : M. François Fortassin, M. Jean-Pierre Leleux.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Modification de l'ordre du jour du vendredi 20 novembre 2015

Mme la présidente.  - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l'inscription à l'ordre du jour du vendredi 20 novembre, l'après-midi et le soir, du projet de loi prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions, sur lequel il a engagé la procédure accélérée.

Acte est donné de cette communication.

Conformément au droit commun défini à l'article 29 ter du Règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d'un temps global d'une heure. Le délai limite pour le dépôt des amendements de séance serait fixé au vendredi 20 novembre à midi.

Il en est ainsi décidé.

Mme la présidente.  - En conséquence, l'ordre du jour du vendredi 20 novembre s'établit comme suit :

Vendredi 20 novembre 2015, à 15 heures et le soir

- Projet de loi prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions ;

- Suite de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2016.

Protection des forêts contre l'incendie

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la protection des forêts contre l'incendie dans les départements sensibles, présentée par M. Pierre-Yves Collombat et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe RDSE.

Discussion générale

M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la proposition de loi .  - Qu'elle aboutisse ou disparaisse dans les ténèbres de la navette, cette proposition est la première rustine collée sur la loi NOTRe, qui établit la liste exhaustive des compétences des collectivités territoriales, au risque d'en oublier... D'oublier par exemple, pour les départements, la protection des forêts contre les incendies.

Des départements comme le Var sont devenus des acteurs importants dans ce domaine. Ils participent à la surveillance des forêts, à l'alerte, aux interventions, à l'installation de pare-feu, à la diffusion du sylvopastoralisme... Quatorze d'entre eux se sont associés au sein de l'Entente pour la forêt méditerranéenne, qui compte au total 29 collectivités.

Cette proposition rend aux départements la faculté - et non l'obligation - d'agir dans un domaine dont les a dépouillés la suppression de la clause de compétence générale. Cette faculté doit être étendue à tous les départements et non seulement à ceux qui participent déjà à la lutte contre l'incendie : à l'heure du changement climatique, je vous proposerai un amendement en ce sens et un autre pour lever toute ambiguïté sur le rôle des régions. Les inondations catastrophiques des dernières années ne doivent pas nous faire oublier les incendies gigantesques qui ont détruit plus de 40 000 hectares en 1985-1986, 50 000 en 1989-1990, encore plus de 20 000 en 1995.

Si des progrès considérables ont été faits grâce à la collaboration entre l'État et les collectivités locales - en dix ans, le nombre d'hectares détruits a été divisé par deux -, le problème n'a pas disparu : le débroussaillement et l'entretien sont très insuffisants, et le changement climatique ne permet guère d'espérer un rafraîchissement de l'atmosphère... La forêt, c'est un dépôt de gaz qui fuit : plus la destruction de la biomasse qui s'accumule est tardive, plus catastrophique est l'incendie.

L'heure n'est pas à baisser les bras ni à couper ceux des principaux acteurs de la prévention et de la lutte contre les incendies de forêt. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois .  - Depuis une dizaine d'années, le bilan annuel de la campagne « feux de forêts » permet de constater une réduction constante des surfaces brûlées ; nous sommes passés de plus de 26 000 hectares en moyenne décennale sur la période 1994-2003 à moins de 11 000 sur la décennie suivante. Cette évolution positive ne doit rien au hasard : les efforts conjugués de l'État et des collectivités locales y contribuent significativement.

Le code forestier organise la défense et la lutte contre les incendies de forêt en modulant ses prescriptions selon l'intensité du risque constatée sur le terrain : certaines mesures sont applicables sur l'ensemble du territoire national, d'autres ne le sont qu'aux bois et forêts classés à « risque d'incendie » par le préfet tandis que les territoires « réputés particulièrement exposés aux risques d'incendie » font l'objet d'un traitement particulier.

Les collectivités locales des régions particulièrement exposées au feu contribuent à prévenir les incendies par différentes initiatives : l'aménagement des massifs forestiers ; la mise en place de patrouilles de surveillance avec les forestiers-sapeurs ; l'information du public grâce notamment aux bénévoles des comités communaux.

L'Entente pour la forêt méditerranéenne est un établissement public local auquel peuvent adhérer les collectivités locales et les EPCI. Elle regroupe aujourd'hui 29 collectivités dont 14 départements et services départementaux d'incendie et de secours.

En supprimant la clause de compétence générale des départements, l'article 94 de la loi NOTRe a remis en cause leur capacité juridique à poursuivre leurs actions. D'où cette proposition de loi, dont l'article premier crée la compétence correspondante au sein du code général des collectivités territoriales. Le nouvel article L. 3232-5 ainsi proposé vise deux catégories de départements : ceux dont les territoires, sont, « réputés particulièrement exposés au risque d'incendie » et ceux sur le territoire desquels sont situés des bois et forêts classés « à risque d'incendie » par le préfet en application de l'article L. 132-1 du code forestier.

Ces départements seraient habilités à financer ou à mettre en oeuvre des actions d'aménagement, d'équipement et de surveillance des forêts afin de prévenir les incendies, de faciliter les opérations de lutte, et de reconstituer les forêts, et cela dans le cadre des plans départementaux ou interdépartementaux de protection des forêts contre l'incendie.

La commission des lois vous invite à soutenir cette heureuse initiative. (Applaudissements)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Je vous prie d'excuser Bernard Cazeneuve qui ne peut, chacun le comprendra en ces circonstances, vous présenter la position du Gouvernement. Je le ferai à sa place, mais aussi en tant que ministre de la forêt.

La lutte contre les feux de forêts doit être menée de manière globale, et faire appel à la responsabilité de chacun : propriétaires, agriculteurs, forestiers, acteurs de l'agro-pastoralisme, collectivités locales et État, dont le partenariat est le garant de la réussite.

Depuis une dizaine d'années, les surfaces brûlées diminuent : de 26 000 hectares détruits par an dans les années 1994-2003, nous sommes passés à moins de 11 000. Rien n'était acquis : en 2003, 61 000 hectares ont brûlé, avec 3 700 départs de feu. Face à cet enjeu, nous devons rester mobilisés, d'autant que le changement climatique est devant nous, avec le risque d'un déplacement vers le Nord de la zone traditionnellement concernée.

Nous devons avoir une réflexion globale, et d'abord faire le bilan des politiques menées ces dix dernières années. Au printemps 2016, nous ferons collectivement le point, État, collectivités locales, Parlement, examinerons le zonage, évaluerons les échanges d'expériences entre la zone de défense sud et l'Aquitaine.

Mais nous devons avant tout sécuriser le cadre juridique de l'engagement des départements dans la lutte contre les feux de forêt, et revenir sur la loi NOTRe afin que ne subsiste aucun doute. C'est l'objet de cette proposition de loi. Chacun sait que c'est la coordination de l'ensemble des acteurs qui font la réussite de cette politique.

M. Roland Courteau.  - C'est sûr.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Les choses vont mieux en le disant, ou plutôt en l'écrivant... Je veux un débat utile pour la forêt française, qui présente des enjeux patrimoniaux, multifonctionnels, économiques ; des stratégies sont à développer qui allient gestion, économie et protection - je pense par exemple, pour la forêt méditerranéenne, au bois-énergie et à la biomasse.

J'espère que le consensus amorcé permettra d'adopter cette proposition de loi, que je souhaite voir adoptée le plus rapidement possible par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Simon Sutour .  - Cette proposition de loi, qui n'est sans doute qu'une rustine à la loi NOTRe, n'en est pas moins essentielle. En supprimant la compétence globale des départements, l'article 94 de la loi du 7 août 2015 empêche les départements, particulièrement ceux du sud et du sud-ouest, d'agir dans le domaine de la lutte contre les feux de forêt.

Grâce à l'action coordonnée de tous les acteurs, dont les conseils départementaux, les surfaces brûlées chaque année sont en nette diminution. Dans les territoires sensibles, des plans départementaux ou interdépartementaux ont été mis en place. Le Gard, avec près de 290 000 hectares de surface boisée - soit les deux tiers de son territoire -, 259 jours d'ensoleillement par an et une forte exposition aux vents, est un département à risque. Il a mené une politique active de prévention dans le cadre d'un partenariat avec tous les acteurs concernés, le Sdis, l'ONF, la gendarmerie, Météo France ou la chambre d'agriculture. En finançant les deux tiers du budget des Sdis - ratio similaire dans les départements comparables - le département a une place centrale. Mais son action va au-delà de la gestion du Sdis. Ses actions sont très variées - entretien des espaces, patrouilles, aide aux communes, information des collectivités et du public - et méritent d'être pérennisées. Je me réjouis donc de cette proposition de Pierre-Yves Collombat. Nous avons voté à l'unanimité ce matin en commission des lois un amendement qui étend la compétence facultative à tous les départements.

Ces derniers pourront continuer à financer et mettre en oeuvre des actions d'aménagement, d'équipement et de surveillance des forêts. C'est une bonne nouvelle car nous savons qu'ils le font très bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et de la commission)

M. Joël Labbé .  - Notre organisation territoriale est en pleine mutation ; il faut donc l'accompagner. Le code forestier attribue au département des compétences importantes dans la prévention et l'entretien des forêts. Cette proposition garantie la pérennité des actions déjà mises en oeuvre ou incite à leur mise en oeuvre. Le premier amendement étend le dispositif à tous les départements ; le deuxième autorise les régions à participer au financement.

Je veux rendre hommage aux Sdis, grâce à qui 96 % des incendies sont maîtrisés avant d'avoir détruit cinq hectares ; hommage aux pompiers, professionnels et volontaires, qui agissent pour la sécurité publique et la protection de la forêt, qui est un patrimoine et une réserve de biodiversité, un potentiel économique et social local. Les GIEEF créés par la loi d'avenir sont destinés à améliorer la qualité de notre production, mais aussi de notre environnement.

Il faut passer d'une mono-sylviculture à une futaie irrégulière jardinée. Cela permet de varier les espèces, les âges et les tailles, d'identifier les xylophages et leurs prédateurs, mais aussi de créer des emplois : de vrais emplois de bûcherons au sens noble du terme, des bûcherons proches des jardiniers, non de conducteurs d'engins qui arasent nos forêts.

Le groupe écologiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. David Rachline .  - La forêt a une place centrale en France. Le Var est le département où les départs de feu sont les plus fréquents avec la Corse. Je me félicite donc de cette proposition de loi et salue l'initiative de notre collègue Collombat. Mais je note qu'elle vient après la suppression de la clause de compétence générale des départements dans la loi NOTRe -  il y a là de l'incohérence - et je regrette que la possibilité ne soit pas ouverte aux régions.

Il est satisfaisant de voir que les plans départementaux et interdépartementaux fonctionnent ; l'Entente pour la forêt méditerranéenne est un ensemble cohérent.

Je salue le professionnalisme remarquable et l'efficacité des sapeurs-pompiers et soutiendrai cette proposition de loi. (MMPierre-Yves Collombat, Guillaume Arnell et Michel Savin applaudissent)

Mme Hermeline Malherbe .  - Quel que soit le sujet dont nous débattons depuis lundi, nos pensées vont aux victimes des attentats. Aujourd'hui ce sont les pompiers qui font le bien. Je salue leur engagement ainsi que celui des forces de l'ordre et des professionnels de santé.

Chaque année, 35 000 hectares brûlent en France ; c'est la moitié de 2003, mais c'est encore beaucoup. Les départements sont en première ligne, pour la gestion des Sdis et par leurs compétences d'aménagement du territoire. Ils ont toute légitimité à agir.

Le département méditerranéen des Pyrénées-Orientales a engagé, avec les autres collectivités et l'État, une politique volontariste de prévention : information et sensibilisation, réalisation d'équipements, coordination et suivi des actions. Nous poursuivons un travail avec tous les acteurs du territoire sur le bois-énergie, menons une collaboration transfrontalière avec l'Espagne, et sommes membres de l'Entente.

La loi NOTRe, en supprimant la clause de compétence générale, a fait peser un risque sur la pérennité de l'action des départements en matière de prévention et de lutte contre les incendies de forêts. Je soutiens la proposition de loi de mon collègue Pierre-Yves Collombat ; elle permettra aux départements de continuer leur action dès 2016.

J'ai apprécié, monsieur le ministre, votre proposition de faire un bilan sur la politique forestière au sens large. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - À quelques jours de la COP21, nous avons voté lundi une résolution réaffirmant le rôle déterminant des territoires dans le domaine du réchauffement climatique. Ce dernier augmente les risques d'incendies de forêts ; la vigilance s'impose, alors que la forêt française s'étend, qu'elle est peu exploitée, peu entretenue et peu accessible aux engins de lutte contre l'incendie, que sa propriété est très morcelée.

Cette proposition de loi pose une rustine sur la loi NOTRe, qui a oublié cette compétence dans la liste de celles des départements... Les extensions prévues permettront à des acteurs qui ne participent pas encore à cette lutte de le faire, d'autant plus que des territoires actuellement peu sensibles pourraient le devenir bientôt -  le réchauffement climatique redessine la carte des risques.

Dans une logique de solidarité nationale, alors que bien des départements sont exsangues, l'État doit toutefois tenir toute sa place. Nous devons privilégier des modèles d'organisation globale, travailler à l'échelle des massifs. À l'heure où je vous parle, l'Indonésie s'embrase ; des puits de carbone importants disparaissent tandis qu'un épais brouillard noie toute la région.

Toutes proportions gardées, il y a urgence d'agir, en métropole comme dans les outre-mer, pour que les incendies puissent être mieux prévenus et maîtrisés. (Applaudissements au centre, à droite et sur les bancs du groupe RDSE)

M. Christian Favier .  - Cette proposition de loi, manifestement d'origine gouvernementale, est un détournement de procédure ; il s'agit de réparer une erreur, qui pourrait devenir dangereuse, de la loi NOTRe.

Rappelons que notre groupe, en cohérence avec son vote lors de la loi Maptam, avait seul refusé la suppression de la clause de compétence générale, gage de liberté d'action des élus locaux et espace de démocratie, pour reprendre les mots de ma collègue Cécile Cukierman. Je l'avais dit d'emblée, c'est en la clause de compétence générale que réside toute la force de la décentralisation, c'est elle qui vivifie les compétences obligatoires.

Les départements doivent désormais se voir explicitement reconnaître une compétence pour pouvoir l'exercer. Cette proposition de loi doit donc être adoptée avant la fin de l'année. Il y a donc eu un bug ; d'autres bugs ne sont-ils pas passés inaperçus ? Les départements du sud-ouest pourront-ils par exemple intervenir pour la démoustication, action de santé publique ? Combien de fois devrons-nous ainsi colmater les brèches ?

Beaucoup d'entre nous condamnent l'excès de normes ; nous allons devoir en ajouter de nouvelles... Nous voterons tout naturellement cette proposition de loi très utile et simple, ainsi que les amendements de son auteur.

Cependant, nous regrettons de devoir légiférer dans l'urgence à cause de la suppression de la clause de compétence générale, dont on mesure l'absurdité. (Applaudissements sur les bancs des groupe communiste républicain et citoyen et RDSE)

M. Jacques Genest .  - L'Ardèche comme la Drôme est particulièrement exposée. Je remercie M. Collombat et Mme Troendlé.

La loi NOTRe a laissé les forêts sans protection en retirant cette compétence aux départements. L'Ardèche, avec 250 000 hectares de forêts, est l'un des départements les plus boisés de France. Le département, proche du terrain, a un rôle primordial : connaissance des sols, des essences, des vents, de l'historique des incendies...

Il le joue d'ailleurs par l'intermédiaire du Sdis, qui a réalisé 26 000 interventions en 2014, avec un budget de fonctionnement de 37,5 millions d'euros, soit 95 euros par habitant. Qui connaît ces chiffres ? Le financement de la lutte contre l'incendie est opaque au contribuable. Qui sait qu'il est assuré en quasi-totalité par les communes, les intercommunalités et les régions ? La plupart de nos concitoyens imaginent que les dépenses sont prises en charge par l'État ! Il serait utile d'ajouter une ligne sur le coût des Sdis à l'avis de taxe d'habitation.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi de bon sens, qui corrige une scorie d'une loi adoptée après bien des péripéties...

M. Jacques Mézard.  - Très bien !

M. Jacques Genest.  - Que le Gouvernement entende le besoin de proximité exprimé par les collectivités de la République, particulièrement les territoires ruraux ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Philippe Bas.  - Et les départements !

M. Roland Courteau .  - Je salue l'initiative de M. Collombat, qui entend conforter l'action des départements pour lutter contre les feux de forêt : prévention, équipement, reconstitution des forêts... L'amendement présenté participe largement à la prévention, à l'information, à l'installation des points d'eau, des coupures vertes... Sans cette proposition de loi, des pans entiers de cette politique de prévention seraient menacés.

Si le nombre d'incendies a diminué significativement, c'est pourtant grâce à la coopération entre l'État et les collectivités territoriales !

Le réchauffement climatique le rend encore plus nécessaire, qui affectera particulièrement l'arc méditerranéen, qui constitue un hot spot. Déjà, les périodes de sécheresse s'allongent et les incendies se multiplient...On estime que, si le réchauffement n'est pas contenu, la canicule s'allongera de six semaines en Méditerranée ! Puisse la COP21 déboucher sur un accord contraignant et efficace.

Les chiffres démontrent le rôle essentiel des départements : ils contribuent très majoritairement aux dépenses de 100 millions d'euros des collectivités territoriales dans ce domaine, hors Sdis.

Le groupe socialiste votera ce texte. Il y va de la protection des forêts, éléments du patrimoine et « poumons verts » de nos régions, et de la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements à gauche et sur les bancs de la commission)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par M. Collombat.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 3232-5  -  Les départements peuvent financer ou mettre en oeuvre des actions d'aménagement, d'équipement et de surveillance des forêts afin, d'une part, de prévenir les incendies et, le cas échant, de faciliter les opérations de lutte, et d'autre part, de reconstituer les forêts. Ces actions s'inscrivent, le cas échéant, dans le cadre du plan défini à l'article L. 133-2 du code forestier. »

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cet amendement étend la compétence à l'ensemble des départements, même ceux qui ne participent pas encore à la lutte contre l'incendie.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Le changement climatique peut rendre, à l'avenir, certains territoires plus exposés qu'ils ne le sont. Avis favorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Même avis. Il faut anticiper.

M. Bernard Delcros.  - Cet amendement est bienvenu, la rédaction actuelle est trop restrictive.

M. Jean-Claude Luche.  - Merci à Pierre-Yves Collombat d'avoir pris l'initiative de cette proposition de loi. Rappelons que ce sont les départements et les communes qui financent les Sdis et devront réduire l'an prochain leur contribution, faute de moyens. Comment financer la formation des pompiers, les interventions ?

Il faut trouver d'autres ressources. (Applaudissements au centre)

Mme Hermeline Malherbe.  - Les départements qui n'accomplissent pas encore de telles missions n'ont pas de budget dédié. Il est fondamental de les évaluer, pour calibrer le financement.

Le groupe RDSE votera unanimement cet amendement.

M. Jacques Genest.  - Moi aussi, mais je suis inquiet pour l'équilibre financier des Sdis.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Rappelons que nous n'accordons qu'une faculté aux départements. L'État doit jouer son rôle, notamment dans les territoires sensibles.

L'amendement n°4 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. Collombat.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre II du livre III de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales est complété par un chapitre ainsi rédigé :

« CHAPITRE...

« Art. L. 4323.  - ... Les régions peuvent concourir au financement des opérations de prévention des incendies de forêt conduites par les collectivités territoriales et les établissements publics situés sur leur territoire. »

M. Pierre-Yves Collombat.  - Les régions, PACA par exemple, participent activement à la lutte contre les feux de forêt. Rappelons qu'elles peuvent continuer à s'engager - cela va mieux en l'écrivant, comme M. le ministre l'a dit.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Une clarification s'impose, mais nous souhaitons entendre le Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Les articles L. 4221-1 et L. 1111-9 permettent déjà aux régions d'agir. Retrait ?

M. Pierre-Yves Collombat.  - S'il fallait déposer une proposition de loi pour préciser les choses, je suis à votre entière disposition... (Sourires)

L'amendement n°2 est retiré.

L'article 2 demeure supprimé.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Collombat.

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi relative à la protection des forêts contre l'incendie

M. Pierre-Yves Collombat.  - Adoptons l'intitulé à l'objet, élargi, de la proposition de loi. Ce titre a d'ailleurs le mérite de la simplicité...

L'amendement n°3, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté ; l'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.

La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.

(Applaudissements)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Le texte renforcera la prévention des crises, même s'il reste des progrès à faire. Je l'ai dit, l'entretien des forêts est très insuffisant : c'est une bombonne de gaz qui fuit... Le département a aussi un rôle à jouer dans l'exploitation de la forêt, la constitution d'une filière bois-énergie. Les acteurs sont inquiets. Peut-être faudra-t-il encore légiférer...

La séance est suspendue à 15 h 55.

La séance reprend à 16 h 25.

Rôle du bicamérisme

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Bilan et perspectives du rôle du bicamérisme dans nos institutions après la publication du rapport du groupe de travail sur l'avenir des institutions intitulé Refaire la démocratie », à la demande du groupe RDSE.

M. Jacques Mézard, au nom du groupe RDSE .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UDI-UC et écologiste)

Le RDSE, héritier du groupe de la Gauche démocratique, et le Sénat sont consubstantiellement liés. Il était donc normal que notre groupe, ulcéré par les provocations du président de l'Assemblée nationale à l'encontre du Sénat, prenne l'initiative de ce débat sur l'avenir du bicamérisme...

M. Philippe Bas.  - Il était temps !

M. Jacques Mézard.  - ...à la suite de la publication du rapport scandaleux du groupe du travail Bartolone-Winock, qui veut faire du Sénat, émasculé, une chambre de contrôle sans pouvoir réel. Je ne doute pas que cette proposition rencontre ici le même succès que le projet de révision présenté ici même en 1968 par le ministre d'État Jean-Marcel Jeanneney, combattu par le président Gaston Monnerville, qui aboutît au départ du président De Gaulle en 1969...

Comment maquiller la destruction du Sénat ? En affirmant que « la fusion du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et du Sénat (...) offrirait une tribune plus efficace aux forces vives ». « La Ve République établit déjà un bicamérisme inégalitaire, il est temps d'en tirer les conséquences ». Tout est dit !

Comme le fit le président Monnerville sur le référendum de 1969, il nous revient, alors que la Ve République a dérivé vers l'hyper-présidentialisation, d'éclairer nos concitoyens sur le rôle du législateur, donc du Sénat.

Nous n'embaucherons pas, comme le président de l'Assemblée nationale, un journaliste du Monde pour écrire notre apologie. En revanche, nous combattrons cette stratégie populiste qui affaiblit la représentation nationale. Je regrette que l'exécutif s'y prête, même par intermédiaire. Je regrette que le président Hollande ait déclaré à Tulle le 18 janvier 2014: « Je n'ai jamais été candidat comme sénateur, c'est le seul regret que je peux nourrir - enfin, je ne suis pas sûr que ce soit un regret. »

Le président de la République a déclaré à Tulle qu'il n'avait pas été contredit au Sénat et qu'il ne le regrettait sans doute pas. Toute opinion est respectable, mais pas le double langage dont voici un bel exemple, cette phrase prononcée dans les murs du Sénat en avril 2014 lors d'un débat sur le bicamérisme : « Le bicamérisme est l'alliance de la puissance quasi sacrée du suffrage universel direct et de la richesse de nos territoires ; il est la traduction institutionnelle de ce qui caractérise notre pays : l'unité dans la diversité. » Qui a prononcé cette phrase? Monsieur Claude Bartolone ! Et le président Bel parlait dans le même sens.

En ces heures graves, les Français attendent-ils une réforme de nos institutions ? Peut-on à la fois vouloir ériger nos institutions en rempart et vouloir les mettre en cause ? (Non ? sur les bancs des groupes RDSE et UDI-UC)

Comme en toute période de crise, on cherche des boucs émissaires. Pourtant chacun le reconnaît, la qualité du travail législatif du Sénat est excellente. Si on le supprime, l'Assemblée nationale sera-t-elle plus efficace ? Qui représentera les territoires ? Le Sénat s'est rénové, a revu son règlement. L'Assemblée nationale a-t-elle fait mieux ? (Non ! sur les bancs du groupe RDSE) L'attitude du président de l'Assemblée nationale en matière de cumul des mandats revient à dire « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ! ».

Le 19 novembre 1968, le président Monnerville disait à propos de Clemenceau : « C'est peut-être du jour où il est devenu sénateur qu'il a commencé à être un véritable homme d'État parce qu'il était plus réfléchi, plus calme, plus posé, sans abandonner aucune de ses idées. » Le président Monnerville dénonçait déjà la recette qui consiste à lancer une réforme du Sénat en cas de crise, comme fit de Gaulle après sa mise en cause en mai 1968.

Georges Clemenceau, Michel Debré, François Mitterrand ont siégé au Sénat dans le groupe que j'ai l'honneur de présider. François Mitterrand a toujours défendu le Sénat et Michel Debré a écrit : «S'il y a la chambre unique, le Gouvernement perd son premier appui : il devient simplement la réunion des commissaires de la majorité. La seconde chambre doit être une assemblée politique ».

Le Sénat est-il moins sensible aux évolutions sociétales ? Bien sûr que non ! Il me suffit d'évoquer le souvenir d'Henri Caillavet, de Robert Badinter et de textes comme l'avortement, le divorce, l'abolition de la peine de mort, le mariage pour tous et, à l'initiative du RDSE la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Et le Sénat a voté le droit de vote des étrangers !

Mme Éliane Assassi.  - Eh oui !

M. Jacques Mézard.  - Voilà, les apparatchiks n'aiment pas cette chambre libre de son vote. C'est bien ce qui fait sa fierté. Le Sénat défend les territoires, nos institutions et les libertés publiques. Cette mission est plus nécessaire que jamais ! (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Joël Labbé .  - Difficile de s'exprimer après un tel plaidoyer !

Je condamne aussi la manoeuvre populiste du président de l'Assemblée nationale. Refaire le droit ? Tout un programme alors que nous devons refaire le monde... Déjà de le faire fonctionner. Nous avons tous les outils pour cela. Notre modèle est copié partout dans le monde, comme en témoigne la visite récente de sénateurs cambodgiens.

Pour cela il faut reconnecter l'action politique avec le pays, défendre l'intérêt général et celui des générations futures, remis en cause. Pourquoi ne pas utiliser les outils numériques ? Ainsi ma proposition de loi sur les pesticides a recueilli 3 000 contributions sur la plateforme « Parlement et citoyens ».

Pourquoi ne pas soumettre à un avis citoyen la loi sur la biodiversité ?

Le rapport Winoch-Bartolone comporte de bonnes propositions : le référendum d'initiative populaire, l'inversion du calendrier électoral, l'amélioration des droits de l'opposition, la limitation dans le temps du cumul des mandats.

Toutefois, la fusion du Sénat et du CESE ne nous convient pas. Conservons cette lenteur dans l'écriture de la loi qui permet à tous de participer au processus législatif. (Applaudissements au centre)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Après nombre de rapports, arrive en toute modestie ce nouveau rapport. Gageons qu'il ne sera pas le dernier...

Au départ, un constat lucide sur la présidentialisation de nos institutions, le sentiment de défiance envers les politiques. Il est vrai que le président de la République, irresponsable, concentre tous les pouvoirs. Le Premier ministre est responsable devant le Parlement mais tout se passe comme si c'était le Parlement qui était responsable devant le chef de l'État et non l'inverse.

Comme le disait Sieyès du Consulat : « le pouvoir vient d'en haut ». Toutefois, ce rapport, finalement, au lieu de traiter le problème de fond contourne l'obstacle : se refusant à choisir entre un régime présidentiel qui instituerait une véritable séparation des pouvoirs et un régime parlementaire réel, il opte pour le statu quo qu'il prétend améliorer sans mettre en cause les pouvoirs essentiels du président de la République. Effectivement ! Comme les précédentes réformes constitutionnelles - session unique, quinquennat - celle-ci, faute de traiter le problème de fond, n'aura aucun effet.

La fusion avec le CESE du Sénat est inutile. Comment croire qu'une seule lecture d'un texte serait la panacée ? Peut-on croire sérieusement que tout le malheur viendrait de la « surreprésentation des communes rurales » au Sénat ?

Dans les faits, le Sénat, qui ne peut être dissous par le président de la République, où la parole est libre, est le seul contre-pouvoir à l'exécutif dans cette Ve République crépusculaire. On comprend mieux dès lors l'aversion du Gouvernement pour le cumul des mandats, gage d'indépendance des élus, pour les élus issus des territoires ruraux car ils échappent au contrôle de ces organisations claniques que sont les partis politiques.

On fait passer cela pour une réforme pour plus de démocratie. Plus c'est gros, plus ça passe. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Mathieu Darnaud .  - Ce rapport Winoch-Bartolone menace directement l'existence du Sénat et réduit ses pouvoirs. Rien de moins qu'un bouleversement institutionnel. Une fois encore le Sénat est au banc des accusés, une fois encore on entend l'injonction de Victor Hugo : « Sénateurs, montrez que vous êtes nécessaires ».

Nous sommes tous fiers d'être membre de la chambre du dialogue réfléchi, de contre-pouvoir et des territoires. Une fois encore, le principal défaut du Sénat est de ne pas être de gauche, comme en 1930, lorsqu'il renversait un peu trop de gouvernements de gauche au goût du président du Conseil, le radical Édouard Herriot, comme en 1875, lorsque la gauche républicaine bataillait pour que les communes ne puissent être représentées par une assemblée spécifique.

Nous reproche-t-on notre lenteur présumée. Le président de la République a affirmé que six mois, un an pour voter une loi, c'était trop. Pourtant le délai moyen d'examen d'une loi est de 149 jours en France, contre 156 en Allemagne, 164 au Royaume-Uni, 400 aux Pays-Bas.

De plus, l'exécutif dispose de nombreux moyens pour accélérer la procédure : procédure accélérée, ordonnances, vote bloqué... Mieux, nous n'avons pas attendu le rapport Widoch-Bartolone avec la procédure d'examen en commission, la procédure d'examen simplifié, ou le rejet d'amendements de nature réglementaire.

Il n'a fallu que trois jours pour abroger le CPE en 2006. L'offensive masque mal le problème de fond : le Gouvernement multiplie les lois, à tout propos. Résultat : 54 % des lois ne sont pas appliquées. Voilà qui est précisément contraire à l'attachement au temps long du Sénat, mais soumis aux copieurs du temps médiatique. La loi sur les associations de 1901 avait été déposée dès 1878 ! Les lois les plus solides de notre République ont été celles dont la gestation a été la plus longue. Un an d'examen, ce n'est pas trop long. En revanche, un an pour les appliquer, c'est trop !

À ceux qui citent Victor Hugo, je rappelle sa maxime : « La France gouvernée par une chambre, c'est l'océan gouverné par l'ouragan ». Le Sénat ne serait-il qu'un doublon législatif de l'Assemblée nationale, sans aucune complémentarité ? La Constitution est claire : le Sénat représente les territoires. Ce rôle ne peut que s'accentuer avec la décentralisation.

À l'écoute des territoires, le Sénat s'est opposé à la vision du Gouvernement, qui voyait dans les communes et les départements des échelons d'un autre âge.

Le Sénat doit être respecté. Émanation des élus locaux, il ne saurait devenir un club de discussion. Exerçons notre mandat, participons à la souveraineté nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, au centre et à droite)

M. François Zocchetto .  - Les errements qui frappent notre pays nous rappellent combien nos institutions sont précieuses.

M. Jacques Mézard.  - Et oui !

M. François Zocchetto.  - Il ne suffit pas de modifier la Constitution pour résoudre les problèmes de notre pays. Remettre en cause le bicamérisme n'a pas de sens si nous ne revoyons pas tout le reste des institutions.

M. Gérard Longuet.  - C'est vrai !

M. François Zocchetto.  - Il faudrait pour cela bousculer un totem. Incongruité française, nous élisons en France un monarque républicain depuis 1962, prolongement du mythe de l'homme providentiel, qui assèche le débat et nous infantilise.

On ne peut avoir deux chefs : le président de la République et le Premier ministre. Revenons à l'esprit de la Ve République : le président est arbitre, le Premier ministre gouverne. Le chef du Gouvernement doit être l'émanation du pays et du Parlement.

Il faut combiner le scrutin uninominal, qui permet aux citoyens de désigner directement leur député tout en représentant le pays, avec une dose de proportionnelle. L'exemple allemand est un succès.

Une chambre unique ne résoudrait rien et accentuerait les risques d'emballement de la majorité. Le Sénat a su trouver sa place. Il s'est imposé comme le défenseur des libertés. N'oublions pas qu'à son initiative, la Déclaration des droits de l'homme a été reconnue sur le plan constitutionnel.

Enfin, le Sénat, à la différence de l'Assemblée nationale, a su se réformer. Rogner ses pouvoirs serait inopportun. Toutefois, nous gagnerions à jouer davantage notre rôle de contrôle et d'évaluation des politiques publiques.

Revenir à l'esprit de 1958 toutefois n'implique pas d'exclure les formes de consultations populaires. La Grèce a su organiser une consultation en dix jours ! Pourquoi ne pas imaginer des référendums « minute » à l'issue de débats parlementaires ? Cela modifierait probablement le jeu des acteurs.

Moderniser les institutions, ce n'est pas refonder le Sénat, mais nous dégager du mythe présidentiel. Toute réforme isolée ne ferait que rendre notre Constitution bancale. (Applaudissements)

Mme Éliane Assassi .  - Je remercie M. Mézard d'avoir pris l'initiative de ce débat, après la publication de ce rapport intitulé, ni plus ni moins, Refaire la démocratie. Dommage que la composition de ce groupe n'ait pas été pluraliste.

Le rapport ne se contente pas de remettre en cause le Sénat mais part d'un constat pertinent ; toutefois face à la crise profonde que nous vivons, un rafistolage de la Ve ne suffit pas. Une VIe République, sociale, est nécessaire. Les Français sont las des promesses non tenues et de l'éloignement des politiques.

N'ayons pas peur de la démocratie, garantissons une plus juste représentation avec la proportionnelle, que nous souhaitons intégrale. Pourquoi avoir peur de la démocratie ? La France du FN vient en grande partie de la défiance à l'égard de notre système politique. De nombreux pays européens ont adopté la proportionnelle. Le système actuel est dépassé ! Autre problème, la présidentialisation depuis 1958. Le Parlement est diminué face à un président de la République intouchable. Le quinquennat soumet les députés à l'effet de souffle de l'élection présidentielle. La réforme de 2008 a affaibli le pouvoir d'amendement des parlementaires, alors que l'examen des lois n'occupe que deux semaines par mois, alors que nous examinons plus de 4 000 pages de textes de loi, contre 2 000 dans les années 1990.

Nous proposons de revenir sur l'élection du président de la République au suffrage universel direct, de renforcer les pouvoirs du Parlement, de revenir sur l'inversion du calendrier électoral.

Le groupe communiste républicain et citoyen n'est pas partisan du statu quo. Le Sénat contribue à la qualité de la loi, représente les territoires et offre une représentation pluraliste de la société. Nous plaidons pour un Sénat qui deviendrait la chambre des territoires, tout en conservant son pouvoir législatif. Il y a urgence à réformer nos institutions, à sortir de la sclérose sous peine de voir le peuple se détourner tout à fait de la démocratie. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Merci à Jacques Mézard d'avoir suscité ce débat. Nous ne sommes pas là pour défendre le Sénat parce que nous sommes sénateurs, mais pour défendre une certaine idée de la République et de la loi.

Fusionner le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental, ce serait accepter que la loi ne fût plus élaborée, discutée, votée par des élus de la Nation. Ce serait une entorse inacceptable aux principes de notre démocratie.

L'enjeu est aussi l'écriture de la loi. La loi est une norme qui a la particularité de naître du débat : la loi, c'est du discussif qui devient du normatif. Le présent y prend valeur d'impératif. Pas de première ni de deuxième personne mais que des troisièmes personnes. Pas de déictiques ni de passé simple dans cette écriture particulière.

La loi naît du débat. Nous passons des heures, des nuits, à rédiger ensemble chaque phrase, en écoutant tous les points de vue. Chacun a le droit imprescriptible de déposer des amendements.

En première lecture, nous écoutons tous les avis, tous les arguments et contre-arguments. Le résultat n'est pas toujours limpide. La rédaction est râpeuse, c'est normal : on n'écrit pas bien la loi du premier coup ! Songez à cette omission dans une loi de 2013 que nous avons rectifiée récemment. (M. Jacques Mézard approuve)

C'est pourquoi la navette entre les deux chambres est indispensable. Ce n'est pas un processus fastidieux car tous les Français, in fine, sont concernés, de Dunkerque à la Nouvelle-Calédonie et de Saint-Pierre et Miquelon à la Polynésie. Chaque mot compte, avec des conséquences concrètes immédiates, desquelles chacun s'inquiète.

Là, il faut du temps. Si la loi est vite faite, alors elle sera mal faite. Nous examinerons vendredi la loi sur l'état d'urgence en procédure accélérée, me dira-t-on. Dans un tel cas, cette procédure est parfaitement justifiée. Mais, à l'inverse, je regrette l'abus de la procédure accélérée. L'exception est devenue la norme. (M. Jacques Mézard approuve) Il faut du temps pour écrire la loi comme au temps de Portalis et de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, avec la même concision et la même densité. Il y a trop de lois technocratiques, auxquelles personne ne comprend rien, des lois qui empiètent sur le règlement, des lois bavardes qui enfilent les perles.

Nous ne sommes pas là pour défendre l'intérêt d'une maison mais parce que nous nous souvenons que le regretté Guy Carcassonne pourfendait les lois du 20 heures. Les lois de circonstances ne sont pas toujours de bonnes lois. A l'inverse, si la loi Maptam a trouvé ici une majorité, c'est qu'elle est issue d'un long débat, avec toutes les lectures requises. Et si le texte de la loi NOTRe est différent de ce qu'il aurait été après une seule lecture à l'Assemblée nationale, c'est que nous y avons passé beaucoup de temps, que nous avons su ensemble défendre les communes et une certaine idée de la décentralisation.

Nous sommes pour le bicamérisme, car il permet de polir la loi, qui est le bien commun du peuple français, comme la mer polit les galets, de faire une belle oeuvre, utile, républicaine. Nous sommes les artisans de la loi et nous pouvons en être fiers. Pour cette raison fondamentale, le bicamérisme est une absolue nécessité. (Applaudissements sur les bancs des groupe socialiste et républicain, écologiste et RDSE)

M. Bernard Fournier .  - Le débat sur le bicamérisme est un serpent de mer depuis le Directoire. Mais pose-t-il la bonne question dans un régime semi-présidentiel ? Pourquoi remettre sans cesse en cause le Sénat qui a contribué à la stabilité institutionnelle ? Il y a un certain populisme, une certaine fainéantise intellectuelle à taper toujours sur la Haute assemblée. Depuis quand la multiplication des contre-pouvoirs est-elle néfaste à la démocratie ? L'exemple italien est cité en modèle, alors qu'il est critiqué en Italie même ; le bicamérisme égalitaire y était très particulier. C'est la même chose pour les communes : nous comparons les choses qui ne sont pas comparables. Pourquoi toujours citer Lionel Jospin - « le Sénat est une anomalie démocratique » - alors que les pays qui ont choisi le bicamérisme sont aujourd'hui 80 alors qu'ils n'étaient que 45 au début des années 1970 ? Alors que les pays les plus puissants économiquement ont deux chambres, et que beaucoup de pays ont fait ce choix en sortant du totalitarisme, la République tchèque, la Pologne, la Roumanie ?

Dans le rapport « Refaire la démocratie », trois pages seulement sur le bicamérisme - pour proposer la réforme de 1969... C'est maigre... Je regrette qu'un seul sénateur ait pu participer à son élaboration. (M. Jacques Mézard renchérit) Malgré quelques précautions de langage, on voit que ses auteurs voudraient voir les compétences du Sénat réduites à peau de chagrin ; tout juste concèdent-ils qu'il « pourrait » conserver ses compétences législatives....

En avril 2014, le président Bartolone, lors d'un colloque, disait que le bicamérisme faisait partie de notre ADN démocratique ; en janvier de cette année, il voulait faire disparaître le Sénat ; et en novembre... Comment faire, si le quatrième personnage de l'État change d'avis en moins d'un an et demi ?

Depuis 2008, le président Larcher a engagé de nombreuses réformes, votées à l'unanimité par le Bureau, pour renforcer la participation aux travaux, légiférer plus efficacement, garantir la transparence financière et rendre la gestion du Sénat plus exigeante ; elles ne s'arrêteront pas là.

La campagne de 2017 approche. Il ne faut pas que les états-majors envisagent de supprimer le Sénat mais examinent comment améliorer encore son travail législatif, son efficacité, la publicité de ses travaux, en complémentarité avec l'Assemblée nationale. (Applaudissements)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Le bicamérisme est la pierre angulaire de la Ve République telle que le général de Gaulle l'avait conçue dès le discours de Bayeux. (Exclamations satisfaites sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Nous voilà rassurés !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Ce débat, voulu par le groupe RDSE, est bienvenu. C'est un moment utile d'introspection l'occasion de parler de l'histoire du bicamérisme à la française. Si la Haute assemblée tempère les excès de la chambre élue par un plus grand nombre de citoyens, pour reprendre les mots de Pascal Jean, elle incarne la permanence et la force de la République, s'est construit un rôle de défenseur des libertés publiques et des équilibres institutionnels. Le bicamérisme porte en lui l'idée de contrepouvoir chère à Montesquieu. Jean Garrigues parle du Sénat comme d'un conservatoire de la délibération parlementaire, parfois aux dépens des partis. Par sa permanence et la singularité de son mode de scrutin, le Sénat contribue à la diversité des points de vue représentés au Parlement ; il est une richesse pour la vie démocratique.

Pour Robert Badinter, les meilleures lois sont celles coproduites par les deux assemblées, comme l'abolition de la peine de mort, approuvée par le Sénat après trois jours de débat. Le dialogue entre les deux chambres et avec le Gouvernement participe à la qualité de la loi ; il donne à celle-ci force et cohérence. La navette peut apporter beaucoup à la maturation de textes sociétaux ou touchant à l'éthique. Parler du caractère « chronophage » de la procédure législative, en reprenant les propos de certains parlementaires de la IIIe République, n'est pas lui rendre justice car notre Constitution permet d'aller vite lorsqu'il le faut - par exemple pour la prolongation de l'état d'urgence cette semaine.

Quand des terroristes l'attaquent, la République sait répondre avec courage et dignité. L'attitude de chacun lors des questions d'actualité au Gouvernement au Sénat hier a été remarquable, ce qui n'a pas été le cas dans l'autre chambre... (M. Jacques Mézard le confirme) La récente réunion du Congrès a marqué notre attachement commun à la liberté et à la démocratie, la force de nos institutions.

Le Gouvernement a le devoir de répondre aux attentes des citoyens en réformant. Il est donc indispensable qu'il puisse remédier à un échec de la navette en demandant au Parlement de trancher le désaccord - procédure qui n'a concerné qu'une loi sur dix depuis 1959, 35 sur 163 depuis 2012. Mais nous devons nous adapter au temps de la société, au rythme de la technologie. La révision de 2008 n'a pas tenu toutes ses promesses en matière d'allègement du temps de séance, et les parlementaires eux-mêmes se plaignent parfois que le débat en séance répète ce qui s'est dit en commission. Réfléchissons ensemble au moyen d'éliminer ce que la procédure législative a de répétitif, pour mettre en valeur ce qu'elle a de constructif.

Le président du Sénat a ainsi choisi, je m'en félicite, d'appliquer rigoureusement l'article 41 de la Constitution, en déclarant irrecevables les amendements relevant du domaine réglementaire. Le Règlement du Sénat a été heureusement réformé. Sur 61 propositions de loi adoptées depuis juin 2012, 28 ont été à l'initiative du Sénat. Le regard des deux assemblées sur les projets de textes européens, les réunions du Conseil ou les textes de transposition est un atout précieux pour la démocratie.

Enfin, à titre personnel, je crois que le contrôle et l'évaluation, que la Constitution place sur un pied d'égalité avec le travail législatif et qui sont complémentaires de ce dernier, doivent être encore renforcés. Une plus grande valorisation de ces travaux est un atout pour le bicamérisme, fondement de l'équilibre des pouvoirs. (Applaudissements)

Mme la présidente.  - J'ai été heureuse de présider ce débat institutionnel sur la place du bicamérisme dans l'équilibre de nos institutions et le bon fonctionnement de la démocratie.

Dépôt de documents

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre l'avenant n° 1 à la convention du 10 décembre 2014 entre l'État et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, relative au programme d'investissements d'avenir, action « Projets innovants en faveur de la jeunesse » ainsi que le rapport sur le financement de la sûreté nucléaire.

Acte est donné du dépôt de ces documents qui ont été transmis aux commissions des finances et des affaires économiques, ainsi que, pour le second, à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Organisme extraparlementaire (Appel à candidatures)

Mme la présidente.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la forêt et du bois.

Conformément à l'article 9 du Règlement, la commission des affaires économiques a été invitée à présenter la candidature d'un sénateur pour siéger en qualité de membre titulaire au sein de cet organisme extraparlementaire.

La séance est suspendue à 17 h 55.

La séance reprend à 18 h 30.

Échec en CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Autorités administratives indépendantes de Nouvelle-Calédonie

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie.

Discussion générale

Mme Catherine Tasca, auteure de la proposition de loi .  - Lors du récent débat sur la proposition de loi organique relative à l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, j'avais alerté le Sénat sur les difficultés que rencontre ce territoire pour mettre en place les autorités administratives indépendantes que la loi organique du 15 novembre 2013, dont j'étais rapporteure, l'autorise à créer. C'est pourquoi, au lendemain de ce débat, nous avons déposé, avec Jean-Pierre Sueur, la présente proposition de loi.

L'Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie, indispensable pour lutter contre la vie chère - qui a provoqué des mouvements sociaux entre 2011 et 2013 -, n'a pas pu être mise sur pied en raison des incompatibilités professionnelles prévues pour les membres.

L'urgence demeure : en août 2014, M. Sueur, Mme Joissains et moi-même avons pu mesurer l'acuité du problème de la vie chère. Le Congrès de Nouvelle-Calédonie a à nouveau autorisé, le 16 juin 2015, le Gouvernement du territoire à prendre des mesures de fixation des prix pour trois ans.

Cette proposition de loi organique vise à autoriser la nomination au sein de l'Autorité de la concurrence des fonctionnaires n'exerçant pas en Nouvelle-Calédonie. Le président Bas et M. le ministre s'y étaient déclaré favorables en principe, lorsque j'ai déposé un amendement en ce sens au projet de loi relatif à la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, mais à condition d'utiliser un véhicule législatif distinct. Le Congrès de Nouvelle-Calédonie a donné un avis favorable à ce texte qui rejoint celle du député Philippe Gomès.

La Nouvelle-Calédonie est un petit territoire où tout le monde connaît tout le monde. Donnons à l'Autorité de la concurrence les moyens d'affirmer d'emblée son autorité et son indépendance. Un compromis a été trouvé grâce au rapporteur, en étroite coordination avec l'Assemblée nationale. Le texte de la commission des lois distingue le président de l'Autorité de la concurrence, qui ne peut exercer aucun emploi public en Nouvelle-Calédonie, et les autres membres qui pourront être fonctionnaires d'État.

Le Congrès de Nouvelle-Calédonie suggérait aussi un délai de carence de trois ans, repris par la commission des lois. À titre personnel, je souhaite que le président de l'Autorité de concurrence n'ait jamais exercé d'emploi public en Nouvelle-Calédonie, ou au moins pour le premier mandat.

Nul doute que les modalités de nomination des membres des AAI calédoniennes par le Congrès, en application de l'article 93-1 de la loi organique de 1999, c'est à dire selon la règle des trois cinquièmes positifs, ainsi que la sagesse des élus calédoniens, assureront la meilleure solution.

Merci à tous ceux qui ont servi au consensus, M. le rapporteur Darnaud, les députés Gomès et Dosière et M. le ministre. Un texte vient d'être adopté à l'Assemblée nationale, presque identique au nôtre. La recherche du consensus est, s'agissant de la Nouvelle-Calédonie, une saine tradition.

Cette proposition de loi organique peut sembler mineure, mais elle aura une forte incidence sociale en Nouvelle-Calédonie. J'espère qu'elle prospérera. (Applaudissements)

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois .  - Mme Tasca a résumé la genèse de ce texte.

Je me concentrerai donc sur les travaux de la commission des lois qui a revu les incompatibilités professionnelles relatives aux membres des autorités administratives indépendantes de Nouvelle-Calédonie, excluant - comme Mme Tasca le souhaitait - du champ de l'incompatibilité les fonctionnaires n'exerçant pas en Nouvelle-Calédonie. Notre texte s'inspire aussi de l'avis du Congrès de Nouvelle-Calédonie, du 28 septembre 2015, saisi par le président du Sénat en application de l'article 77 de la Constitution. La Haute assemblée joue ici pleinement son rôle.

Le Congrès voulait exclure aussi de l'incompatibilité les fonctionnaires d'État et instituer un délai de carence de trois ans. La commission des lois a fait droit à cette dernière demande et satisfait partiellement la première. Elle a paru difficilement concevable pour le président de l'autorité administrative indépendante, mais pas pour les trois autres membres. Le président se verra donc soumis à un régime plus strict, les autres membres pourront exercer un emploi au sein des services de l'État - des magistrats et professeurs d'université pourront donc être membres.

Le président de l'Autorité de la concurrence exercera ses fonctions à plein temps ; c'est à lui que les autres membres devront faire état d'éventuels conflits d'intérêt.

En présentant son rapport sur le dernier projet de loi organique sur la Nouvelle-Calédonie, en juin 2015, le président Bas s'était engagé à donner satisfaction à Mme Tasca par un texte dédié. Immédiatement nommé rapporteur, j'ai pu travailler à un compromis avec le Congrès de Nouvelle-Calédonie et l'Assemblée nationale.

Je vous présenterai un amendement levant toute ambiguïté sur nos intentions et parachevant l'unité de vues entre le Sénat et l'Assemblée nationale.

En adoptant cette proposition de loi organique, nous permettrons à l'Autorité de la concurrence de se mettre en place et de répondre à une préoccupation quotidienne des habitants de Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements)

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer .  - Cette proposition de loi organique dotera la Nouvelle-Calédonie d'un cadre juridique équilibré afin que soit mise en place une autorité locale de la concurrence. La Nouvelle-Calédonie dispose de larges compétences en matière économique ; depuis plusieurs années, une réflexion est en cours sur les moyens de lutter contre la cherté de la vie, due notamment à l'excessive concentration de la vie économique entre quelques mains.

En 2013, le législateur organique a modifié la loi statutaire de 1999 pour autoriser la Nouvelle-Calédonie à créer des autorités administratives indépendantes. La loi du pays du 24 avril 2014 a créé une autorité de la concurrence. Selon ses termes, cette instance « veille au libre jeu de la concurrence en Nouvelle-Calédonie et au fonctionnement concurrentiel des marchés en Nouvelle-Calédonie ».

Des précautions ont été prises pour garantir son indépendance : règle de déport, prévention des conflits d'intérêt...

Mais le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie se heurte à la rigueur du régime des incompatibilités. Si le président exerce ses fonctions à temps plein, ce n'est pas le cas des trois autres membres ; dans la pratique, il a été difficile de trouver des personnes dont l'activité principale n'entre pas dans le champ des incompatibilités...

Nous avons recherché le véhicule législatif approprié pour lever ce blocage. La loi organique relative à l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté ayant un autre objet, je me suis engagée à ce qu'un autre texte dédié puisse être examiné rapidement.

Plusieurs propositions de lois ont donc été déposées, au Sénat et à l'Assemblée nationale. Une convergence a été recherchée. Ce texte limite le champ de l'incompatibilité aux seuls emplois publics exercés sur le territoire. Un délai de carence est créé : un membre ne pourra avoir exercé un mandat, un emploi ou des fonctions incompatibles avec ses nouvelles fonctions au cours des trois années précédentes.

Un amendement du rapporteur clarifie le champ des professions concernées et le délai de carence, conformément au souhait du Congrès de Nouvelle-Calédonie.

Cette proposition de loi organique, consensuelle, concilie les deux exigences d'assurer l'indépendance de l'Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie et d'y faire nommer des personnalités qualifiées, à l'expérience reconnue, dans l'intérêt des habitants, de la justice sociale et de la lutte contre la vie chère. Toutes les conditions sont à présent réunies pour que les deux assemblées soient d'accord. Tel est le sens de ce texte, que je vous encourage à adopter. (Applaudissements)

M. Guillaume Arnell .  - L'avis de Thani Mohamed Soilihi sur la loi de régulation économique outre-mer, du 21 novembre 2012, avait souligné l'épineux problème de la vie chère outre-mer. Pour y faire face, la Nouvelle-Calédonie s'est dotée d'un dispositif anti-trust, alors que les structures économiques locales rendent difficiles le respect de l'ordre public économique. Quasi-monopoles, barrières tarifaires et réglementaires maintiennent les prix artificiellement hauts.

La Nouvelle-Calédonie a choisi d'agir sur les structures du marché plutôt que de contrôler les prix. Les ententes, abus de position dominante, concentrations exclusives sont combattues, et il a été décidé de créer une autorité de la concurrence locale.

Le rapport de la commission d'enquête du Sénat présidée par M. Mézard sur les autorités administratives indépendantes souligne cependant que les autorités risquent de devenir « un État dans l'État ». Une autorité de la concurrence néo-calédonienne doit donc être soumise à un régime strict, qui garantisse son indépendance.

Le consensus auquel sont parvenues les autorités nationales et locales paraît satisfaire cette exigence. Comment, cependant, cette autorité administrative indépendante collaborera-t-elle avec le gouvernement calédonien ? Un mécanisme de question préjudicielle est-il prévu ? Le président pourra prendre seul des décisions graves... Certes, un recours juridictionnel existe, mais le temps des procédures doit être pris en compte.

Qui dit transfert de compétences, doit dire transfert de responsabilités. La présentation d'un rapport annuel d'activités est une excellente chose - à condition qu'il ne soit pas purement formel.

La majorité du groupe RDSE est donc favorable à ce texte. (Applaudissements)

M. Joël Guerriau .  - La vie chère est une calamité pour nos compatriotes ultramarins, comme l'a illustré la grève générale menée par Elie Domota en 2009 en Guadeloupe. Trop de dispositifs faussent les prix du marché, comme l'octroi de mer - je vous renvoie au rapport d'information de M. Sueur, Mmes Joissains et Tasca.

En février 2011 et mai 2013, la Nouvelle-Calédonie a été traversée par d'importants mouvements sociaux dont nous avons peu parlé en métropole. Dès 2012, l'autorité de la concurrence relevait que deux groupes de distribution disposaient de 80 % de la surface de vente du grand Nouméa... Le droit à la concurrence libre et non faussée des prix est un droit fondamental qui doit s'appliquer à l'ensemble des territoires métropolitain ou ultramarin. Les prix élevés creusent l'injustice sociale.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a sollicité de l'autorité de la concurrence deux études portant respectivement sur les obstacles aux échanges entre ce territoire et l'extérieur, et sur le contrôle de la concurrence.

Une autorité de la concurrence locale a été créée grâce à la loi organique de 2013. Le présent texte n'y apporte que des ajustements, je salue le travail de Mme Tasca et du rapporteur.

Les sénateurs du groupe UDI-UC voteront ce texte qui permettra enfin à l'autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie de se mettre en place. (Applaudissements)

Mme Éliane Assassi .  - Nous voici face à un cas d'école. La loi organique de 2013 se heurte à une difficulté d'application, en raison du régime d'incompatibilités imposé aux membres des autorités administratives indépendantes. Cet imbroglio aurait pu avoir des conséquences graves...

La vie chère a provoqué ces dernières années de durs conflits sociaux outre-mer. Le problème posé est encore plus aigu en Nouvelle-Calédonie, en raison des structures économiques locales : insularité, éloignement des grands axes de distribution, mais aussi absence de réelle concurrence.

Le Congrès de Nouvelle-Calédonie a choisi de créer un outil de régulation, soit une autorité de la concurrence locale. Je ne me prononcerai pas sur le bien-fondé de ce choix.

Le rapport Mézard-Des Esgaulx a mis en doute l'efficacité et l'indépendance des autorités administratives indépendantes. Mais si telle est la volonté des Néo-Calédoniens, il faut leur en donner les moyens.

Le présent texte assouplit le régime des incompatibilités, tout en créant un délai de carence. Nous avons cherché pragmatiquement à concilier les points de vue. Dans le contexte politique et social de la Nouvelle-Calédonie, il est impératif de rechercher le consensus.

La méthode et la solution étant les bonnes, nous voterons cette proposition de loi organique. (Applaudissements)

M. Félix Desplan .  - Cette proposition de loi organique poursuit un objectif simple et concret : permettre à l'autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie de fonctionner enfin. Elle est attendue par les acteurs économiques comme par les consommateurs locaux. Comme dans tous les territoires d'outre-mer, la vie est chère en Nouvelle-Calédonie : les prix sont plus élevés de 96 % à 155 % par rapport à la métropole.

Dans l'automobile, 80 % des marques sont au moins de deux groupes. Là où la concurrence existe, le différentiel n'est que de 15 %...

La cherté de la vie a fait descendre la population dans la rue en 2011 puis en 2013. La concurrence est essentielle contre ce fléau. Entre autres mesures, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a souhaité instaurer une autorité de la concurrence locale.

On a critiqué ici même ce multiplicateur des agences administratives indépendantes. Mais comme le déclarait Bruno Lasserre à la commission d'enquête sénatoriale sur les autorités administratives indépendantes, il n'existe pas une économie de marché au monde sans autorité de régulation. « Si vous voulez la jungle, supprimez-la ! ».

La conjoncture économique est mauvaise. Les prix du nickel se sont effondrés, les pertes se chiffrent à des centaines de millions de dollars. En août, mineurs et camionneurs se sont opposés aux autorités locales. On propose d'autoriser l'exportation du minerai de basse teneur en Chine au-delà des clients habituels que sont le Japon ou l'Australie ; pour d'autres, cela ne ferait qu'accélérer la baisse des prix.

Vous appelez, monsieur le ministre, à une entente raisonnable. Reste que l'autorité de la concurrence ne fonctionne toujours pas.

À l'origine, le texte de 2013 ne prévoyait pas d'incompatibilités ; ici, Mme Tasca fait voter un amendement pour garantir l'indépendance des membres, mais l'Assemblée nationale est allée trop loin : impossible de trouver des candidats.

Dès lors, Mme Tasca nous fait une proposition pragmatique, qui a reçu l'avis favorable du Congrès de Nouvelle-Calédonie. Ce matin même, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un texte semblable examiné en séance le 26 novembre. Les deux assemblées devraient rapidement tomber d'accord.

Je vous appelle donc à voter cette proposition de loi organique. (Applaudissements)

Mme Aline Archimbaud .  - La vie chère sévit en outre-mer, les prix des biens - y compris de première nécessité - y sont beaucoup plus élevés qu'en métropole de 34 % en Nouvelle-Calédonie selon une étude de 2012, et même de 65 % pour les produits alimentaires. Cette situation est due, avant tout, aux monopoles et ententes. En 2013, deux groupes de distribution disposaient de 80 % des parts du marché.

D'où le choix de créer une autorité de la concurrence locale, qui n'a hélas pas pu être mise en place, en raison d'incompatibilités qui soulèvent des difficultés pratiques : étroitesse du territoire, nécessité pour les membres autres que le président d'avoir une autre source de revenus, donc d'exercer un métier... qui peut être dans le champ des incompatibilités.

Merci à Mme Tasca d'avoir pris l'initiative de lever les blocages, et recherché, avec M. le rapporteur, le plus large consensus.

Le groupe écologiste votera cette proposition de loi organique. (Applaudissements)

Mme Jacky Deromedi .  - Cette proposition de loi organique traduit les inquiétudes des consommateurs de Nouvelle-Calédonie, victimes de la vie chère et du coût des produits de première nécessité. Les causes sont connues : insularité, éloignement, modes de consommation.

Depuis 2013, certains prix sont contrôlés. La concurrence fera aussi baisser les prix. La loi de programmation du 14 février 2011 charge une autorité de la concurrence de contrôler les ententes et les fusions, et de veiller à la concurrence. Son statut prévoit un régime d'incompatibilités strictes. Conséquence, cette instance n'a toujours pas été installée. La proposition de loi organique de Mme Tasca remédie à ces difficultés. Le Congrès a émis un avis favorable le 28 septembre 2015, tout en proposant un assouplissement de la rédaction afin d'autoriser des fonctionnaires d'État à effectuer des vacations ou d'introduire un délai de carence pour les fonctionnaires à la retraite. La commission des lois a proposé un compromis, distinguant le régime appliqué au président de l'Autorité de la concurrence, de celui des autres membres, tout en conservant un délai de carence de trois ans.

Le groupe Les Républicains votera le texte de la commission des lois, entendant marquer par là son attachement à la Nouvelle-Calédonie et à sa prospérité. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission.

I. - Alinéa 8

Après les mots :

emploi public

rédiger ainsi la fin de l'alinéa :

de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes de la Nouvelle-Calédonie ainsi que de leurs établissements publics.

II. - Alinéa 9

1° Supprimer les mots :

président ou

2° Après les mots :

mandat électif

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

ou détenu des intérêts considérés comme incompatibles avec cette fonction en application du deuxième alinéa du présent article. Il en est de même pour la désignation :

« a) Du président si, au cours de la même période, il a exercé un emploi public considéré comme incompatible avec cette fonction en application du 1° du présent article ;

« b) Des autres membres si, au cours de la même période, ils ont  exercé un emploi public considéré comme incompatible avec cette fonction en application du 2° du présent article.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.  - Cet amendement précise le périmètre des emplois publics locaux entrant dans le champ de l'incompatibilité professionnelle des membres autres que le président, ainsi que le domaine d'application du délai de carence de trois ans.

Mme George Pau-Langevin, ministre.  - Avis favorable. Monsieur Arnell, l'appel des décisions de l'Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie sera porté devant la Cour d'appel de Paris, non devant l'Autorité de la concurrence nationale. Il n'y a donc pas de relation hiérarchique.

L'amendement n°1 est adopté.

L'article unique, modifié, est mis aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°60 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 341
Contre 0

Le Sénat a adopté.

La proposition de loi organique est adoptée.

Mme Catherine Tasca .  - Je tiens à remercier notre rapporteur, ainsi que tous ceux qui ont pris part à la réflexion sur ce sujet. Une fois de plus, le Sénat a su construire un consensus sur son texte, signe de l'attention que nous portons à la Nouvelle-Calédonie et aux problèmes que rencontrent ses habitants. Je me réjouis que le Sénat montre ainsi combien le sujet lui tient à coeur. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 19 h 45.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 21 h 45.

Devoir de vigilance des sociétés mères (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre.

Je vous rappelle que nous avions commencé l'examen de ce texte le 21 octobre dernier.

Discussion générale (Suite)

M. Joël Labbé   - J'ai osé - cela m'a beaucoup coûté - vous adresser à tous une lettre ouverte pour vous livrer le fond de ma pensée et vous faire savoir que je demanderai un scrutin public sur ce texte et sur les amendements de suppression.

Avril 2013, l'immeuble du Rana Plaza s'effondre : 1 138 morts, plus de 1 500 blessés. Carrefour, Auchan, Camaïeu : les marques qui étalent chez nous leurs belles vitrines portent une énorme responsabilité, par la pression qu'elles exercent pour profiter de coûts toujours plus bas, imposer des délais toujours plus courts, réaliser des marges toujours plus importantes. Comment cautionner cet esclavage moderne que dissimulent des relations obscures de sous-traitance et de filialisation ?

Cette proposition de loi, très modérée, qui impose l'élaboration et la mise en oeuvre d'un plan de vigilance par certaines grandes entreprises, ne fait que rendre effectifs les engagements de la France ; seules les atteintes graves aux droits humains seraient visés.

Les arguments contre ce texte étaient attendus : la compétitivité des entreprises, le renvoi à l'Europe... N'est-ce pas le moment pour que la France, patrie des droits de l'homme et des Lumières, aujourd'hui debout, la France rebelle retrouve sa fierté et sa dignité ? L'Europe la suivra puis le monde.

Le Sénat, que chacun cet après-midi a bien défendu, ne jouit pas d'une très bonne image auprès des Français. Montrons que nous sommes là pour défendre le bien public et l'intérêt des générations futures ! Soyons moteur pour la défense des droits humains ! Aujourd'hui, nous sommes en deuil. Toutes les vies humaines ont la même valeur, où qu'elles soient sur la planète.

Pourquoi un tel blocage ? D'où vient-il ? Je le dis haut et fort, l'association française des entreprises privées pèse sur notre assemblée et son groupe majoritaire. Elle réunit les patrons du CAC 40 et des grandes sociétés françaises.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Elle ne s'en cache pas !

M. Joël Labbé.  - J'ai demandé des scrutins publics. Chacun s'exprimera en son âme et conscience. Ce serait une grave erreur politique que de voter pour ceux qui ne se seraient pas prononcés.

M. Yvon Collin .  - Face aux nouvelles formes d'esclavage, aux risques de dommages corporels et environnementaux qu'engendrent certaines activités économiques, nous ne pouvons rester indifférents. Dès 1976, l'OCDE définissait des normes applicables aux entreprises pour le respect des droits de l'homme ; d'autres textes internationaux s'y sont ajoutés, dont la déclaration tripartite de l'OIT en 1977. La Cour européenne nous engage à transposer. Le juge français se reconnaît compétent en la matière. La catastrophe du Rana Plaza ainsi que des pratiques moins visibles nous imposent de réagir.

Cette proposition de loi oblige les entreprises de plus de 5 000 salariés en France et de plus de 10 000 salariés dans le monde, à établir un plan de vigilance pour identifier et prévenir des dommages corporels, environnementaux, sanitaires, des atteintes aux droits de l'homme résultant des activités des sociétés qu'elles contrôlent, de leurs sous-traitants et des entreprises avec lesquelles elles sont en relation commerciale régulière.

Des actions en responsabilités pourront être engagées contre elles. C'est dans le domaine de la contractualisation que les entreprises doivent être vigilantes. In fine, le consommateur doit assumer ses responsabilités.

Les membres du RDSE se partageront entre vote pour et abstention ; personnellement, j'apporte à ce texte un soutien total. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)

M. Philippe Dallier .  - Saint-François de Sales disait : « L'enfer est pavé de bonnes intentions »... Cette proposition de loi n'en manque pas mais ses conséquences seraient lourdes pour nos entreprises et elles seules. Comment ignorer que leur compétitivité reste déjà faible ? Même le président de la République a fini par le reconnaître. Même le Premier ministre a déclaré qu'il aimait l'entreprise. L'an dernier, le taux de marge des entreprises françaises restait l'un des plus bas du monde... Elles subissent un excès de réglementation dû souvent à une surtransposition du droit européen. Elles ont perdu des parts de marché, moins 3,1 % pour les biens au premier trimestre 2015, moins 3,5 % pour les biens et services en 2014. Est-il raisonnable d'en rajouter ?

Mme Évelyne Didier.  - Est-il raisonnable de réduire des gens en esclavage ?

M. Philippe Dallier.  - L'exécution de plans de vigilance exigera de leur part des contrôles, y compris à l'étranger - comment feront-elles ? Toute personne intéressée à agir pourra saisir le juge et la moindre négligence coûtera cher.

Mme Évelyne Didier.  - S'il y a des morts ?

M. Philippe Dallier.  - Ce texte fera le bonheur de nos concurrents. Il touchera les 217 entreprises françaises qui font la moitié du chiffre d'affaires à l'export. Vous les incitez à se délocaliser, et vous n'incitez guère les étrangers à investir en France. Vous fragilisez les PME et ETI qui travaillent avec elles, toute la chaîne des sous-traitants sera affectée.

M. Joël Labbé.  - Chantage !

M. Philippe Dallier.  - Enfin, vous créez un nouvel effet de seuil : les entreprises de moins de 5 000 salariés n'embaucheront plus.

Mme Évelyne Didier.  - Elles n'embauchaient déjà pas.

M. Philippe Dallier.  - Demandez-vous pourquoi ! Avec le matraquage fiscal que contribuables et entreprises subissent, ceux et celles qui peuvent s'en aller s'en vont... L'emploi en France en pâtira. Vous pouvez toujours vous en moquer...

Mme Évelyne Didier.  - Nous ne nous moquons pas des morts.

M. Philippe Dallier.  - Le texte soulève aussi des problèmes juridiques. Il méconnait les principes d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi. Il est entaché d'incompétence négative, par le renvoi en décret. L'infraction prévue est mal caractérisée, de même que le droit applicable. Le principe d'égalité est mis à mal puisque seules les entreprises françaises sont visées. Le seuil de 5 000 habitants n'a rien à voir avec l'objectif poursuivi. Enfin, les sociétés mères seront punies pour les actes de leurs sous-traitants...

Assez d'aller-retour entre discours pro business et concessions à la gauche de la gauche pour faire voter le budget !

Avec cette proposition de loi, le Gouvernement n'aura réussi qu'à dégrader encore la confiance. Le groupe Les Républicains votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jérôme Durain .  - Malgré l'état d'urgence, la démocratie parlementaire reprend ses droits, avec des interventions tout en nuances...

M. Philippe Dallier.  - Parlez pour vous !

M. Jérôme Durain.  - Le rapporteur a eu le bon goût de retirer sa motion... Mais la majorité sénatoriale esquive le débat et refuse d'améliorer le texte, alors qu'elle prétend en partager les objectifs. Nous élaborons le droit national, je ne comprends pas qu'on se réfugie derrière Bruxelles.

Avec votre raisonnement, la France n'aurait pas été pionnière en matière de responsabilité sociale de l'entreprise en 2001 puis en 2010. Celui qui montre l'exemple dispose souvent d'un avantage compétitif.

L'esclavage n'a pas été aboli en un jour, il a fallu que les abolitionnistes se battent chacun dans leur pays. Avec votre raisonnement, jamais il n'aurait non plus été aboli. En fait, ce n'est jamais le bon endroit ni le bon moment !

La compétitivité... Le consommateur et le citoyen sont une seule et même personne. Elle ne pense pas seulement au prix mais se soucie aussi des droits de l'homme, de l'environnement... Les consommateurs savent que les multinationales ne sont pas toujours vertueuses, qu'il faut parfois les encourager et en venir à la loi. Je suis conscient des progrès accomplis par les grands groupes. En Suède, H&M et IndustriAll Global IF Metall ont signé un accord-cadre sur le respect des droits de l'homme dans la chaîne d'approvisionnement. Voilà la voie à suivre.

93 % des grands donneurs d'ordres font des achats responsables une priorité. Le Forum pour l'investissement responsable s'est dit favorable à notre proposition de loi. (Mme Evelyne Didier s'en félicite) Les acteurs économiques acceptent un prix unitaire plus élevé, s'il garantit la fiabilité et la pérennité des livraisons.

Des experts comme M. Lyon-Caen, des syndicats, des ONG nous soutiennent. Nous ne sommes pas condamnés à être les « spectateurs du désespoir », comme dit IAM, soyons les acteurs de l'espoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Michel Vaspart .  - Les meilleurs volontés peuvent tourner au cauchemar, surtout lorsqu'elles sont guidées par l'émotion... La rédaction du texte est vague, le plan de vigilance prévu par ce texte est trop large ; il sera presque impossible aux entreprises de prouver qu'elles respectent la loi. La contrainte sera, à n'en pas douter, très lourde pour les PME, auxquelles les grandes entreprises demanderont des garanties...

Qu'est-ce qu'une « mesure de vigilance raisonnable propre à identifier et à prévenir la réalisation de risques d'atteintes aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, de dommages corporels ou environnementaux graves ou de risques sanitaires résultant des activités de la société ? La jurisprudence comblera les trous mais l'épée de Damoclès sera toujours là.

Surtout, nos entreprises subiraient seules ces contraintes. Que le Gouvernement s'attache plutôt à la transposition de la directive d'octobre 2014 sur la publication d'informations non financières. La France est leader mondial pour ce qui est de la responsabilité sociale des entreprises.

La responsabilité est au coeur du projet politique des Républicains. Mais il n'y a pas de responsabilité sans liberté.

Mme Nicole Bricq.  - Le contraire est vrai aussi !

M. Michel Vaspart.  - Quand une société est bridée, sous tutelle, elle est prompte à se défausser de ses responsabilités...

Le texte stigmatise des entreprises considérées comme sources de dommages plutôt que créatrices de richesse ; il ne les encourage pas mais les sanctionne, ne les valorise pas mais les châtie. Il les soupçonne. « Vous êtes des chefs d'entreprises, donc vous prenez des risques pour que notre pays soit plus fort », disait le président de la République aux entrepreneurs, il y a quatre mois. C'est un tout autre message que vous leur adressez... Ils nous répètent pourtant : « Laissez-nous travailler ! ». Je ne voterai pas le texte. (Applaudissement sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Évelyne Didier.  - Laissez les salariés mourir !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Évelyne Didier.  - Les amendements de suppression nous empêcheront de défendre les nôtres. Nous souhaitions pourtant donner toute son effectivité à la proposition de loi. L'amendement d'appel n°5 soulignait que la proposition de loi risquait de ne pas englober la sous-traitance en cascade. La notion de « relations commerciales établies », sujette à interprétation, exclut les co-contractants occasionnels.

Il est également impensable que les syndicats et le personnel, parties prenantes de la démarche de RSE, ne soient pas informés du plan de vigilance : d'où l'amendement n°6.

Enfin, le plafonnement de l'amende civile à 10 millions d'euros est malvenu ; le CEDH pourrait considérer que cette amende a une nature pénale et que le principe de légalité n'est pas respecté. Il vaut mieux laisser les juges en fixer le montant en proportion du chiffre d'affaires de l'entreprise. C'est l'objet de l'amendement n°7.

Mme Nicole Bricq .  - Chers collègues de droite, votre opposition à ce texte est fondée sur quelques arguments : vous ne voulez pas de règles contraignantes ni de dérogations au droit commun de la responsabilité - il en existe pourtant déjà - ni enfin, au nom de la compétitivité, d'initiative isolée. Fort habilement, vous vous référez à la directive d'octobre 2014 ; nous aimerions savoir comment vous imaginez la transposer... De même, se réfugier derrière les principes directeurs de l'OCDE est une facilité. La question est de savoir comment les rendre effectifs en droit interne.

Le Premier ministre l'a dit, la RSE est de nature à renforcer la compétitivité des entreprises et l'attractivité du pays. C'est aussi un levier pour préparer la COP21 et la conférence internationale du travail en juin 2016 à Genève.

Au lieu de formuler des propositions, vous voulez supprimer tous les articles. C'est, encore une fois, une facilité. Dommage ! (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Frassa, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois.  - En dépit de son objectif vertueux, ce texte comporte de nombreuses imprécisions et ambiguïtés : incertitude sur son éventuelle portée extraterritoriale, imprécision des normes de référence du plan de vigilance et contenu insuffisant du décret prévu pour préciser les dispositions relatives au plan, incertitudes sur la procédure permettant d'enjoindre à une société d'établir le plan et surtout sur celle permettant au juge de prononcer une amende civile en cas de manquement, incertitudes sur la portée réelle du régime de responsabilité prévu en cas de manquement, instauration d'une forme d'action de groupe permettant aux associations d'agir en responsabilité sans être victime, obligation d'ingérence des sociétés mères dans la gestion de leurs filiales et sous-traitants...

Le texte contrevient ainsi à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, au principe de responsabilité et au principe selon lequel nul ne plaide par procureur.

Outre que les législations étrangères comparables sont plus limitées, ce texte dépourvu d'évaluation préalable risque de porter une atteinte disproportionnée à la compétitivité des entreprises françaises et à l'attractivité de la France. Les entreprises étrangères intervenant sur le marché français ne seraient pas soumises aux mêmes obligations. Ces obligations auraient un impact sur les PME françaises sous-traitantes, du fait de l'extension du plan de vigilance, et imposeraient des coûts de mise en oeuvre et de contrôle de celui-ci non évalués sur l'ensemble des chaînes d'approvisionnement des grandes entreprises en France et à l'étranger.

Enfin l'Union européenne semble le niveau pertinent du problème, sur la base de la directive du 22 octobre 2014.

Cette proposition de loi n'est pas l'instrument adapté pour atteindre l'objectif recherché.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.  - Avis défavorable, je m'en suis expliqué.

M. Didier Marie.  - Vous défendez, avec cohérence, un marché sans entraves, où le profit prime les droits humains. Vous croyez à l'autorégulation, mais les faits vous donnent tort. Il est vrai que pour Milton Friedmann, la responsabilité sociale des entreprises était de faire du profit...

Je crois au contraire qu'il est souhaitable de prévenir le dumping social, environnemental et les atteintes aux droits de l'homme. Le texte est solide juridiquement : il repose sur la déclaration du Conseil des droits de l'homme de l'ONU de juin 2011, les principes directeurs de l'OCDE, des normes de l'OIT, sans parler de l'article L. 442-6 du code de commerce et de sa jurisprudence sur la notion de relations commerciales établies.

Le texte n'impose qu'une obligation de moyens. Nous nous opposerons donc à cet amendement.

M. Jérôme Durain.  - Nous ne sommes ni naïfs, ni idéalistes. Ce sont des idées vieillottes, ringardes, racornies que défend la majorité sénatoriale. « La maison brûle et nous regardons ailleurs », disait Jacques Chirac. Des enfants meurent et vous regardez ailleurs...

M. Joël Labbé.  - Même si la majorité est en ce moment minoritaire dans l'hémicycle, je maintiens ma demande de scrutin public en espérant que chacun s'exprimera en son âme et conscience - et tant pis si ce vocabulaire est inhabituel ! Si l'article devait être supprimé je serais très triste, comme les trois quarts des Français favorables à la responsabilité sociale des entreprises. (L'orateur s'interrompt quelques instants)

Il s'agit de droits humains ! On entend beaucoup dire que les politiques ne servent plus à rien, qu'ils sont impuissants devant l'économie. Il faut envoyer un signal, montrer que la politique sert à quelque chose !

M. Pascal Allizard.  - Je suis choqué de la tonalité de ce débat. Je suis maire d'une petite commune de Normandie où une multinationale a supprimé 330 emplois il y a quelques années. Le ministère, alors dirigé par Éric Besson, n'a rien fait... En 2012, M. Montebourg est venu faire campagne chez nous et promis que si la majorité gagnait les élections le site ne fermerait pas. Il a fermé... J'en ai assez des leçons de morale...

M. Joël Labbé.  - Ce n'est pas le propos !

M. Pascal Allizard.  - N'alimentons pas la défiance des citoyens. Cette proposition de loi soulève une vraie question, ne lui apportons pas une mauvaise réponse. La bonne doit être européenne.

Mme Nicole Bricq.  - Le texte n'est sans doute pas parfait ; pourquoi ne pas chercher à l'améliorer ?

Il existe depuis 2012 une plateforme RSE auprès du premier ministre qui rassemble des industriels, des syndicats, des ONG, des administrations... Sur la sous-traitance, elle a proposé que l'entreprise donneuse d'ordre se dote d'outils d'audit et de contrôle pour vérifier que sa politique est respectée tout au long de la chaîne de valeur. Vous auriez pu reprendre cette proposition et l'intégrer au plan de vigilance. Au lieu de cela, vous avez choisi la politique du vide, refusant ainsi de jouer votre rôle de parlementaires.

Enfin, je vous rappelle que toutes les entreprises françaises et étrangères cotées quelque part sont notées par des agences de notation, qui prennent en compte la responsabilité sociale de l'entreprise.

Mme Évelyne Didier.  - Les fonds d'investissement le réclament.

Mme Nicole Bricq.  - L'argument sur la compétitivité ne tient pas.

M. Philippe Dallier.  - Il est paradoxal, madame Bricq, de vous entendre reconnaître que le texte n'est pas parfait et nous reprocher de ne pas l'améliorer.

Mme Nicole Bricq.  - Aucun n'est parfait !

M. Philippe Dallier.  - Il y a un problème, c'est vrai. Mais comment soumettre nos entreprises à des contraintes qui ne pèseront pas sur leurs concurrentes ? Quelle que soit votre émotion,...

M. Joël Labbé.  - C'est de la politique, pas de l'émotion !

M. Philippe Dallier.  - ...cette loi est malvenue.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - M. Frassa, rapporteur, ne s'exprime pas au nom de « la droite », mais au nom de la commission des lois, après avoir réalisé de nombreuses auditions, avec le souci de faire son devoir : trouver un cadre juridique clair. La commission des lois ne s'oppose pas aux intentions de ce texte. Pas de manichéisme : nul ici n'est dénué d'humanité ni de conscience politique. Simplement, ce texte n'est pas pertinent d'un point de vue juridique. Le champ du plan de vigilance est si vague qu'il ouvre la voie à de multiples contentieux. Oui, les entreprises doivent assumer leur responsabilité sociale, mais cette proposition de loi n'est pas opérante.

Nous devons concevoir les lois non comme un décor de théâtre devant lequel prononcer de beaux discours, mais comme des textes définissant des obligations et des sanctions précises.

Mme Évelyne Didier.  - La notation extra-financière des entreprises est devenue monnaie courante. Les investisseurs y ont de plus en plus recours. Ce n'est pas un hasard si ce sont les agences de notation qui ont décelé, les premiers, les failles dans la gouvernance de Tepco, avant la catastrophe de Fukushima.

La responsabilité sociale des entreprises, incontestablement, c'est l'avenir. Dommage que vous ne l'ayez pas compris.

À la demande des groupes écologiste et Les Républicains, l'amendement n°14 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°61 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 189
Contre 145

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article premier est supprimé.

Les amendements nos1, 4, 5, 6 et 7 n'ont plus d'objet.

ARTICLE 2

Mme Évelyne Didier .  - Nous regrettons ici encore de ne pouvoir améliorer le texte.

Nous proposions par nos amendements nos8 et 9 de supprimer la référence aux articles 1382 et 1383 du code civil pour permettre de rechercher la responsabilité des sociétés mères avec le fondement du droit commun de la responsabilité. Appliquons la théorie du risque-profit qui complète la théorie du risque : celui qui profite d'une activité doit en assumer le risque. Ce n'est pas archaïque !

Enfin notre amendement n°10 conférait au texte la valeur d'une loi de police afin de donner une indication complémentaire au juge et de lui permettre par conséquent l'application du droit français en cas de conflit de lois.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Frassa, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Coordination.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

M. Didier Marie.  - Beaucoup de grandes entreprises, comme Veolia ou Bolloré, soutiennent la démarche engagée par ce texte. Simplement, parce qu'elles ont compris que la compétitivité passe par le respect des droits de l'homme, à quoi l'opinion est sensible, comme à la responsabilité sociale de l'entreprise. L'opinion et donc leurs clients. C'est aussi une manière pour elles de rétablir un équilibre concurrentiel entre celles, qui sont vertueuses, et celles qui pratiquent un dumping social, environnemental et en termes de droits humains.

Effectivement, le devoir de vigilance n'aura de portée que s'il est reconnu au niveau européen. Mais vous semblez oublier ce qu'ont fait les gouvernements que vous souteniez, avec les lois LME et Grenelle 2. Avec cette proposition de loi, la France montre l'exemple !

M. Jérôme Durain.  - M. le président de la commission dit que ce texte est imprécis ; précisez-le ! Mal rédigé, améliorez-le ! Nous sommes plusieurs ici à appartenir à la délégation aux entreprises que préside Mme Lamure. Nous savons donc ce qu'il en est des entreprises, pas plus mal que la droite, dont le bilan de la politique industrielle est faible. Le made in France, c'est nous ; le redressement productif, c'est encore nous !

M. Philippe Bas.  - Voulez-vous vraiment que nous parlions de bilan ?

M. Jérôme Durain.  - Nous ne sommes pas là pour recevoir des leçons de droit ou d'économie.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Ni nous de morale !

M. Joël Labbé.  - Je reste convaincu que les choses vont avancer. Ici, le débat est perdu d'avance mais le texte sera repris par l'Assemblée nationale. J'espère que la presse s'en fera l'écho pour que les citoyens s'en emparent.

Je ne voulais pas dire qu'il y aurait d'un côté les bons et de l'autre les méchants. Simplement je constate que nous ne parlons plus le même langage. Nous y arriverons !

Mme Évelyne Didier.  - Toujours optimiste...

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°15 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°62 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 189
Contre 145

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 2 est supprimé.

Les amendements nos3, 8, 9, 10, 2 et 11 n'ont plus d'objet, non plus que l'amendement n°12.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Frassa, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Amendement de conséquence.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

M. Didier Marie.  - Je regrette que la majorité sénatoriale ait fui le débat. Mais ce texte suivra sa route, finira par être adopté et la France montrera l'exemple.

M. Joël Labbé.  - La droite sénatoriale cède à des lobbys qui ne respectent pas le monde économique dans sa globalité. L'avenir est à l'éthique, seul moyen de le rendre durable et vivable.

Mme Évelyne Didier.  - Depuis longtemps, nous nous battons contre la multiplication des sous-traitants et la dilution des responsabilités. M. Bocquet proposait de limiter à trois le nombre de niveaux de sous-traitance, comme cela se fait déjà en Allemagne. Du moins les donneurs d'ordre publics pourraient-ils demander aux candidats aux appels d'offre de s'engager à limiter la délégation de leurs missions. Chaque degré de sous-traitance supplémentaire s'accompagne d'une dégradation des conditions de travail et de rémunération des salariés et d'une aggravation des dommages à l'environnement. Cette proposition de loi aurait réduit le caractère accidentogène de la sous-traitance en cascade. C'est une occasion manquée...

Je ne suis pas sûre que les meilleurs défenseurs de notre économie soient ici ceux qui se présentent comme tels. Les investisseurs s'intéressent de plus en plus à la responsabilité sociale de l'entreprise. Certains fonds suédois n'investissent plus dans le pétrole ou le carbone. La responsabilité sociale de l'entreprise est l'avenir. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Détraigne.  - Les auteurs de ce texte soulèvent un problème réel. Mais la France aime bien laver plus blanc que blanc et donner des leçons. Tous les entrepreneurs ne sont pas de vils exploiteurs... Posons cette question au niveau européen. En attendant, ne nous tirons pas une balle dans le pied.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est un texte sur la valeur de l'homme, sur le coût humain de certaines marchandises que nous achetons et portons dans nos poches. Certaines entreprises contrôlent déjà leurs sous-traitants. Ce texte est porteur d'une dimension éthique centrale pour l'avenir de l'humanité. Si Victor Schoelcher n'avait pas voulu laver plus blanc que blanc ici même, l'esclavage n'aurait pas été aboli !

Quelle est la stratégie de la majorité sénatoriale ? Elle a supprimé tous les articles. C'est un peu terrifiant... Est-ce parce qu'elle n'a rien à dire sur le sujet ? Je le déplore.

M. Michel Le Scouarnec.  - Les grandes entreprises ont intérêt à se plier à leur responsabilité sociale. Nos amendements répondaient à vos critiques sur l'extraterritorialité, sur la définition de l'amende. Si nous ne légiférons pas, la jurisprudence comblera le vide. N'attendons pas que le juge ou l'Union européenne se prononcent. Restons à l'avant-garde.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°16 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°63 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 189
Contre 145

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 3 est supprimé et la proposition de loi n'est pas adoptée.

Prochaine séance, demain, jeudi 19 novembre 2015 à 11 heures.

La séance est levée à 23 h 30.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du jeudi 19 novembre 2015

Séance publique

À 11 heures, l'après-midi et, éventuellement, le soir

Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente M. Claude Bérit-Débat, vice-président, M. Hervé Marseille, vice-président

Secrétaires : M. Claude Haut Mme Colette Mélot

Projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale (n° 163, 2015-2016).

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 164, 2015-2016).

- Discussion générale ;- Examen de l'article liminaire ;- Examen de l'article 22 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 60 sur la proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie

Résultat du scrutin

Nombre de votants :342

Suffrages exprimés :341

Pour :341

Contre :0

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 141

N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Isabelle Debré, Présidente de séance, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Pour : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Pour : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 16

Abstention : 1 - M. Pierre-Yves Collombat

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n° 61 sur l'amendement n° 14, présenté par M. Christophe-André Frassa au nom de la commission des lois, tendant à supprimer l'article 1er de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :334

Pour :189

Contre :145

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 2 - MM. Gilbert Barbier, Jean-Claude Requier

Contre : 6 - MM. Guillaume Arnell, Joseph Castelli, Jean-Noël Guérini, Robert Hue, Mme Mireille Jouve, M. Raymond Vall

Abstentions : 9

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n° 62 sur l'amendement n° 15, présenté par M. Christophe-André Frassa au nom de la commission des lois, tendant à supprimer l'article 2 de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :334

Pour :189

Contre :145

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 2 - MM. Gilbert Barbier, Jean-Claude Requier

Contre : 6 - MM. Guillaume Arnell, Joseph Castelli, Jean-Noël Guérini, Robert Hue, Mme Mireille Jouve, M. Raymond Vall

Abstentions : 9

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n° 63 sur l'amendement n° 16, présenté par M. Christophe-André Frassa au nom de la commission des lois, tendant à supprimer l'article 3 de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :334

Pour :189

Contre :145

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 2 - MM. Gilbert Barbier, Jean-Claude Requier

Contre : 6 - MM. Guillaume Arnell, Joseph Castelli, Jean-Noël Guérini, Robert Hue, Mme Mireille Jouve, M. Raymond Vall

Abstentions : 9

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier