Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt d'un document

Projet de loi de finances pour 2016 (Seconde partie - Suite)

Solidarité, insertion et égalité des chances

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

M. Jean-Claude Requier

Mme Françoise Gatel

Mme Corinne Féret

Mme Aline Archimbaud

Mme Catherine Troendlé

Mme Laurence Cohen

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

ARTICLE 24 État B

Sécurités

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances pour la gendarmerie nationale et la police nationale

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité et l'éducation routières et le contrôle de la circulation et du stationnement routiers

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité civile

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la gendarmerie nationale

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la gendarmerie nationale

M. Alain Marc, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile

M. Guillaume Arnell

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Pierre Charon

Mme Nathalie Goulet

M. Philippe Kaltenbach

M. Marc Laménie

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Michel Boutant

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

ARTICLE 24 État B

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 62

ARTICLE 26 État D

Retrait d'une question orale

Questions prioritaires de constitutionnalité (Renvoi)

Projet de loi de finances pour 2016 (Seconde partie - Suite)

Immigration, asile et intégration

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances

Mme Esther Benbassa, rapporteure pour avis de la commission des lois pour l'asile

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'immigration, l'intégration et la nationalité

Mme Natacha Bouchart

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Jean-Yves Leconte

M. Guillaume Arnell

Mme Nathalie Goulet

Mme Esther Benbassa

M. André Trillard

M. Philippe Kaltenbach

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification

ARTICLE 24 (État B)

Administration générale et territoriale de l'État

M. Hervé Marseille, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration territoriale

M. Christian Favier

M. Philippe Kaltenbach

M. André Gattolin

Mme Nathalie Goulet

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification

ARTICLE 24 État B

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

M. Alain Houpert, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques

M. Michel Le Scouarnec

M. Joël Labbé

M. Jean-Claude Requier

M. Henri Cabanel

M. Alain Marc

M. Michel Canevet

M. Franck Montaugé

M. Jean-Marie Morisset

M. Michel Raison

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

ARTICLE 24 État B

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 63

Ordre du jour du mardi 1er décembre 2015

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du lundi 30 novembre 2015

36e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

Secrétaires : M. Claude Haut, Mme Colette Mélot.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un document

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre l'état semestriel des sommes restant dues par l'État aux régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Acte est donné du dépôt de ce document qui a été transmis à la commission des affaires sociales.

Projet de loi de finances pour 2016 (Seconde partie - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale.

Solidarité, insertion et égalité des chances

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la commission des finances .  - La mission solidarité, insertion et égalité des chances porte sur les dépenses d'aide sociale de l'État à destination des personnes les plus fragiles, qu'il s'agisse des personnes à faibles revenus, des personnes handicapées ou de celles placées sous protection juridique...

Les crédits s'élèvent à plus de 18 milliards d'euros pour 2016, une somme importante mais qui se justifie parfaitement puisqu'elle finance le revenu d'existence minimum aux personnes handicapées et un complément de revenus aux personnes ayant des ressources modestes. Elle comporte près de 4 milliards d'euros de crédits de la future prime d'activité, qui se rapproche de l'actuel RSA activité tout en ciblant les salariés touchant entre 0,8 et 1,2 Smic. Bonne nouvelle, elle est ouverte sous conditions de ressources aux jeunes de moins de 25 ans, aux étudiants et aux apprentis.

Une inconnue demeure toutefois : son taux de recours. Prévu à 50 %, un chiffre nettement supérieur à celui de 32 % pour le RSA activité, il pourrait s'établir très en deçà, ne serait-ce qu'en raison de l'obligation d'envoyer une déclaration trimestrielle. Aussi le rapporteur général de la commission des finances veut-il amputer de 650 millions d'euros ses crédits. Je crois plutôt qu'il faut tout mettre en oeuvre pour augmenter le taux de recours.

Heureusement, la réforme projetée des critères d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) consistant à tenir compte des revenus du patrimoine, non fiscalisés, des personnes handicapées, devant les protestations des associations, a été abandonnée.

Cette allocation, par son public, n'est pas une allocation comme les autres. Je saisis l'occasion pour dénoncer l'exil contraint de 6 000 personnes handicapées, dont 1 500 enfants, dans des établissements en Belgique, faute de places en nombre suffisant dans notre pays. Je précise que les deux tiers d'entre eux, issus de 42 départements, ne proviennent pas de régions frontalières.

L'assurance maladie finance ces places à hauteur de 82 millions d'euros. Mieux vaudrait utiliser cette somme pour créer des places en France. J'ai rencontré en Belgique des responsables de l'Agence wallonne pour l'insertion des personnes handicapées (AWIPH) qui m'ont confirmé que certains établissements belges accueillent quasi-exclusivement des personnes françaises, et font du démarchage en France afin de rentabiliser leurs structures. Toute une économie s'est ainsi développée, qui cherche la rentabilité au détriment, parfois, de la qualité. Le fonds d'amorçage de 15 millions d'euros est insuffisant.

Comme l'an dernier, les effectifs du ministère et de l'administration déconcentrée sont réduits de 150 postes. En outre, la réforme de la carte territoriale réduira le nombre des Directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) et des Agences régionales de santé (ARS). Cela soulève quelques inquiétudes...

Je ne voterai pas ce budget et redis mon opposition à l'amendement du rapporteur général qui ampute ses crédits.

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales .  - La commission des affaires sociales est satisfaite par l'entrée en vigueur de la nouvelle prime d'activité au 1er janvier 2016. Toutefois, la hausse du taux de recours de 18 % paraît optimiste et les prévisions de dépenses - 3,95 milliards d'euros - par conséquent fragiles... Le rapporteur général de la commission des finances propose de diminuer ces crédits de 650 millions d'euros. J'y souscris pour 2016, mais je considère qu'il faut aussi tout faire pour augmenter le taux de recours.

Autre satisfaction, la mise en place du fonds pour la prévention de la prostitution et la mise en place de l'Allocation de réinsertion familiale et sociale (ARFS), dont le principe était inscrit dans la loi relative au droit au logement opposable (Dalo). En revanche, les crédits de l'Allocation aux adultes handicapés (AAH) sont insuffisants. L'absence de réforme, regrettable, traduit les hésitations du Gouvernement qui n'ose pas prendre des mesures structurelles pour maîtriser la dépense mais refuse d'abonder l'enveloppe à son juste niveau. Je crains qu'une fois de plus, les prévisions pour 2016 - 8,5 milliards d'euros - ne soient largement sous-évaluées.

L'offre en Établissements et services d'aide par le travail (Esat) demeure insuffisante. Espérons que le transfert de ces derniers à l'assurance maladie, sur lequel nous partageons l'analyse du Gouvernement, en 2017, changera la donne.

Enfin, je proposerai un amendement pour augmenter les crédits de fonctionnement des Maisons des personnes handicapées (MDPH) de 10 millions d'euros. (Applaudissements au centre)

M. Jean-Claude Requier .  - En dépit des contraintes budgétaire et économique, les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances sont préservés. La prime d'activité accompagnera plus de cinq millions et demi de travailleurs qui ne bénéficient pas d'aide. Simplification bienvenue !

De même, le RSA sera revalorisé pour la troisième fois en cinq ans. Je salue aussi l'aide à la réinsertion familiale et sociale prévue à l'attention des travailleurs migrants âgés, comme les chibanis, afin qu'ils retournent dans leur pays : 10 000 à 15 000 personnes en bénéficient.

L'aide alimentaire est maintenue. C'est nécessaire : les associations sont débordées face au raz-de-marée de la misère, qui emporte de plus en plus d'enfants, de femmes, de familles, de jeunes, de personnes âgées. Alors que s'est tenue ce week-end la collecte de la banque alimentaire, commence la 31e campagne d'hiver des Restos du coeur. Je tiens à rendre hommage à l'action de l'ensemble des bénévoles. Accentuons notre action contre le gaspillage alimentaire, conformément à la feuille de route 2015-2017 du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté.

Je salue la décision du Gouvernement de renoncer à réformer le mode de calcul de l'AAH. (M. Philippe Dallier s'exclame) Je salue aussi la création d'un fonds d'amorçage de 15 millions d'euros pour éviter l'émigration des personnes handicapées en Belgique. Cela peut paraître insuffisant, mais c?est un début, comme l'a fait remarquer Mme Touraine.

Le groupe RDSE porte, dans sa grande majorité, un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

Mme Françoise Gatel .  - La mission Solidarité, insertion et égalité des chances est essentielle à une République fraternelle, où tous les citoyens trouvent leur place et contribuent, dans la mesure de leurs capacités, à la réussite collective. Nous saluons la hausse des crédits de 16 %, l'AFRS, notamment vis-à-vis des chibanis, le transfert à l'État du financement de la protection juridique des majeurs et la création d'un fonds de prévention et de lutte contre la prostitution - nous serons toutefois vigilants sur la pérennité de ses financements, venus d'autres ministères.

Dommage cependant que certains crédits ne soient pas conformes aux estimations. Ainsi de la prime d'activité : l'hypothèse d'un taux de recours de 50 % est incertaine, pour le moins, et l'amendement du rapporteur général de la commission des finances est justifié.

De même les crédits consacrés à l'AAH, bien qu'abondés de 300 millions d'euros supplémentaires, restent insuffisants. Heureusement, la réforme visant à prendre en compte l'intégralité du patrimoine des personnes handicapées a été abandonnée.

Il faudrait créer plus de places en Esat quand 500 000 personnes handicapées sont au chômage. L'accès à l'emploi est la meilleure voie de réinsertion.

De même, la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes n'est pas assurée. Les départements s'efforcent de les accueillir dans les Ehpad, mais ce n'est pas satisfaisant.

Le budget de la subvention spécifique n'évolue pas depuis des années. Un plan de développement des Esat est nécessaire. Le Gouvernement plaide pour la justice. Ce discours est juste mais nous attendons des actes.

En dépit de ces limites, le groupe UDI-UC, tenant compte de quelques avancées, votera les crédits de cette mission.

Mme Corinne Féret .  - Cette mission figure parmi les priorités du Gouvernement, définies par le président de la République. Ses crédits sont parmi les plus dynamiques. À périmètre constant, ils augmentent de 0,07 %. C'est un budget solidaire et responsable.

Le programme 157, consacré au handicap, représente, avec 11,6 milliards d'euros, 55 % des crédits de la mission.

J'approuve l'abandon de la réforme du mode de calcul de l'AAH.

Le transfert du financement du fonctionnement des ESAT en 2017 à l'assurance maladie a pour objectif de mieux organiser les parcours des personnes en situation de handicap et de renforcer le nombre de places disponibles.

L'État augmente de 1,4 % sa participation aux MDPH, signe de sa volonté d'aider les bénéficiaires à construire un projet de vie. Le plan d'accompagnement, à la fois global et individualisé, va dans ce sens.

Le fonds d'amorçage de 15 millions d'euros vise à mettre fin à l'exil douloureux et insupportable des personnes handicapées à l'étranger, faute de places en France. Le programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », doté de 5,1 milliards, représente 28 % des montants de la mission.

Avec la prime d'activité, qui remplace le RSA et la prime pour l'emploi, en vertu de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social, le Gouvernement aide les plus modestes et élargit le public visé.

Non, le taux de recours de 50 % n'est pas hors d'atteinte.

M. Philippe Dallier.  - C'est un constat !

Mme Catherine Troendlé.  - L'objectif n'est pas atteignable en pratique !

Mme Corinne Féret.  - Ce n'est pas un taux d'affichage. Le Gouvernement aidera les Français à faire mieux connaître ce droit nouveau aux jeunes actifs.

La garantie jeunes, enregistrée dans dix territoires pilotes en 2013, sera généralisée en 2016 pour une cible à terme de 100 000 jeunes. Notons que son financement sera exclusivement assuré, grâce à l'article 63 rattaché, ainsi que le RSA destiné aux jeunes actifs, par le Fonds national des solidarités actives (FNSA).

Les socialistes font le choix d'aider les jeunes sans formation et soutiennent l'action du Gouvernement en ce sens. Pour la première fois, en 2015, la pauvreté a reculé. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

La nouvelle organisation territoriale ne doit pas nous amener à délaisser le soutien au sport, à la jeunesse et aux associations. Le programme support 124, auquel nous devons demeurer attentifs, y pourvoit, en soutenant l'ensemble des moyens de fonctionnement des administrations concernées.

Membre de la délégation aux droits des femmes, je salue l'enveloppe de 27 millions d'euros consacrée au programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». De même, le Gouvernement s'engage contre la traite des êtres humains sous toutes ses formes avec le fonds de lutte contre la prostitution et pour l'accompagnement des personnes prostituées.

Pour ces raisons, le groupe socialiste votera avec conviction les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. André Gattolin applaudit aussi)

Mme Aline Archimbaud .  - En période de chômage, cette mission est essentielle. La création de l'ARFS, le fonds de lutte contre la prostitution, la hausse des crédits en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes sont des évolutions positives.

Toutefois, il n'est pas satisfaisant de financer des actions prioritaires par transfert de crédits, destinés par ailleurs à des actions nécessaires. Ainsi, je partage les inquiétudes sur le taux de recours à la prime d'activité. Cela fait plus de deux ans que j'alerte, en vain, le Gouvernement sur la complexité du parcours du combattant qui est imposé aux personnes fragiles, susceptibles de bénéficier de ces allocations.

Le Gouvernement simplifie les procédures des entreprises et des particuliers mais se montre incapable de faire de même pour les plus pauvres. Pourquoi la procédure d'accès à la prime d'activité est-elle si complexe ? En minorant les crédits, on ne fait, au prétexte d'une économie strictement budgétaire de court-terme, que reporter les difficultés sociales, sanitaires et humaines. Ce n'est pas acceptable.

De même, je regrette que la commission des affaires sociales n'ait pu donner son avis sur les crédits consacrés à l'économie sociale et solidaire, qui représente l'un des secteurs les plus créateurs d'emplois dans notre pays. Je tenais à exprimer ces réserves avant d'annoncer que le groupe écologiste votera néanmoins ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Catherine Troendlé .  - S'il existe un domaine où l'effort de la nation ne doit pas faiblir, c'est bien celui de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Ses crédits augmentent de plus de 2,5 milliards, notamment à cause de la création de la prime d'activité, qui fusionne la prime pour l'emploi (PPE) et le RSA activité pour plus d'efficacité. Une évaluation aura lieu dans quelques mois. Le RSA activité n'était demandé que pour un tiers des personnes éligibles, tandis que la PPE consistait en du saupoudrage.

Toutefois, cette réforme fera de nombreux perdants. Les étudiants qui travaillent n'en bénéficiant que si leurs revenus atteignent 0,8 Smic, ce qui exclue la plupart d'entre eux. Je m'interroge aussi sur l'affichage de crédits qui s'élèvent à 4 milliards d'euros, alors que le taux de recours risque fort d'être très inférieur à ces estimations.

Le groupe Les Républicains votera l'amendement du rapporteur général de la commission des finances.

Quant aux crédits du RSA « socle », ils augmentent, selon l'assemblée des départements de France (ADF), de 9 % par an depuis 2012.

Les départements ne peuvent pas faire face à la croissance continue de leur reste-à-charge, qui s'élevait à 3,3 milliards d'euros en 2014 et à 4 milliards d'euros cette année, en raison de la progression ininterrompue du nombre de bénéficiaires. Quelles sont, madame la ministre, les conclusions du groupe de travail mis en place par l'État ?

Le Gouvernement précédent avait fortement revalorisé l'AAH, de 25 % entre 2008 et 2012. Selon un rapport de la Cour des comptes du 24 juin 2015, il manque 300 millions d'euros pour la distribuer en 2015. Les crédits qui lui sont consacrés sont en deçà des besoins : ils demeurent stables quand le nombre d'allocataires augmentent.

Je rappelle que l'AAH est de 807 euros par mois alors que le seuil de pauvreté correspond à 977 euros par mois...

Les MDPH sont mise à contribution : elles doivent faire des économies sur leur fonctionnement en période de baisse des dotations.

Dans ces conditions, comment bâtir le plan d'accompagnement avec les personnes handicapées prévu à l'article 21 de la loi Santé ? L'amendement de M. Mouiller abondant leurs crédits de 10 millions d'euros est bienvenu. Les démarches des personnes handicapées s'apparentent trop souvent à un véritable parcours du combattant. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Laurence Cohen .  - Ce budget est insuffisant par rapport aux besoins.

La prime d'activité est sa principale mesure. Pourtant, il est à craindre que le taux de recours n'atteigne pas les 50 % affichés.

Nous ne voterons pas l'amendement du rapporteur général qui réaffecte, à ses dépens, 650 millions d'euros.

La solidarité est le premier poste de dépense des départements : 9,8 milliards d'euros en 2015, soit deux fois plus qu'il y a dix ans, quand l'État ne prend en charge que 6,4 milliards d'euros.

L'État doit assurer sa mission de solidarité, alors que 14 % de la population, soit 8,6 millions de personnes, vivent en dessous du seuil de pauvreté. L'ARFS est une bonne chose.

Le tollé suscité par la réforme projetée de l'AAH a incité le Gouvernement à retirer son projet. Heureusement ! Nous sommes aussi inquiets sur les Esat. Les places manquent : 47 000 personnes en attendent une ! L'amendement de M. Mouiller ne consiste qu'à transférer des crédits à enveloppe constante. Nous nous abstiendrons.

Dommage aussi que ce texte ne soit pas plus percutant sur l'égalité salariale entre les hommes et les femmes : en 2007, 124 milliards d'euros de rémunération n'ont pas été versés aux femmes parce qu'elles sont des femmes : l'égalité salariale, est-ce trop demander au XXIe siècle ?

Ce budget, s'il permet de soutenir les plus fragiles, ne se donne pas les moyens de combattre les inégalités. C'est pourquoi nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Je vais m'efforcer dans les vingt minutes qui me sont imparties de vous répondre, et d'abord sur la situation des personnes handicapées françaises en Belgique, qui n'est pas une nouveauté. L'accord franco-wallon de 2014 a permis de mieux définir les modalités et d'améliorer la qualité de l'accueil de ces personnes. Le démarchage sera combattu.

Cependant, en dépit de la création de places en établissements, 6 000 personnes continuent à s'exiler. En effet, ce n'est pas parce qu'une MDPH a ouvert un droit à l'hébergement, qu'il revient ensuite à chaque famille de demander, que chaque établissement n'est pas libre d'accepter ou non les dossiers qui lui sont ainsi soumis et certains handicapés ne peuvent être pris en charge partout.

Les 15 millions d'euros dès 2016 correspondent bien à un fonds d'amorçage. Ils pourront être abondés par la suite. Ils serviront, entre autres, à financer des extensions de places dans des établissements. Des places nominatives, donc. Je remercie le président Alain Milon d'avoir pris l'initiative de proposer un groupe de travail.

Le transfert du financement des Esat à l'assurance maladie en 2017 facilitera la prise en charge unifiée des personnes handicapées et leur accompagnement jusqu'à la vieillesse. On ne résoudra pas le problème du chômage des personnes handicapées qui touche 460 000 personnes par des créations de places en Esat. L'objectif du Gouvernement est de les inclure en milieu ordinaire, de favoriser les « Esat hors les murs » - soit des personnes handicapées travaillant en entreprises avec l'aide d'un personnel dédié. Ce sera le sujet d'une prochaine réunion de travail que je teindrai avec Myriam El Khomri et les partenaires sociaux en vue de revoir les accords de branche.

Les personnes handicapées vieillissantes sont accueillies, selon les territoires, dans les Ehpad, mais aussi dans des foyers d'accueil médicalisés ou des établissements spécialisés. En 2016, sera engagé un travail, non pour créer de nouvelles obligations, mais pour faire connaître les bonnes pratiques et les diffuser largement.

La prime pour l'activité, qui concernera 5,6 millions de personnes, doit constituer un levier pour la reprise d'un emploi - qui, souvent, occasionne des frais : un million de jeunes seront éligibles, contre quelque 5 000 seulement aujourd'hui au titre du RSA. Elle s'élèvera à plus de 100 euros par mois pour un travailleur isolé au Smic, soit nettement plus que le RSA activité, ce qui explique que beaucoup ne fassent pas valoir leurs droits.

Le taux de recours est ambitieux mais réaliste. La déclaration trimestrielle pourra s'effectuer en ligne, ou au moyen d'une application sur smartphone, en quelques clics. L'on pourra ainsi connaître le montant des droits, figés pour trois mois. Les CAF enverront des e-mails ciblés aux anciens allocataires du RSA activité ; une information générale sera donnée aux Français lors de l'envoi de la déclaration des revenus pour l'impôt sur le revenu.

Oui, nous voulons la simplicité. Un secrétariat d'État est même dédié à la simplification...

M. Philippe Dallier.  - Nous sommes sauvés ! (On rit à droite)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Simplifier, cela demande du temps. Unifier des allocations fondées sur des bases de ressources différentes oblige de revoir celles-ci. Je ne peux pas en quelques mois corriger cinquante ans de complexité dans l'administration française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Je ne renonce pas au projet d'un dossier unique pour demander les aides sociales. Je suis à l'écoute de toutes les propositions venant du terrain, comme celles des directeurs des MDPH, mais aussi des vôtres (Murmures sur les bancs du groupe Les Républicains)

Nous connaîtrons les conclusions du groupe de travail avec l'Assemblée des départements de France (ADF) sur les MDPH à la fin du premier trimestre 2016.

Par ailleurs, une mission parlementaire, menée par le député Christophe Sirugue, est à l'oeuvre, vous le savez, sur le RSA « socle ».

Je présenterai dans la suite de la discussion l'avis du Gouvernement sur vos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

ARTICLE 24 État B

Mme la présidente.  - Amendement n°II-152, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits du programme :

(en euros) 

Programmes

Autorisations

d'engagement

Crédits

de paiement

 

+

-

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

0

650 000 000 

0

650 000 000

Handicap et dépendance

0

0

0

0

Égalité entre les femmes et les hommes

0

0

0

0

Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport,

de la jeunesse et de la vie associative

0

0

 

0

0

 

TOTAL 

0

650 000 000

0

650 000 000

 SOLDE 

- 650 000 000

- 650 000 000

M. Roger Karoutchi.  - Je supplée le rapporteur général pour présenter cet amendement largement évoqué en discussion générale.

Je le reconnais bien volontiers, on ne peut pas simplifier en un an le produit de cinquante ans de complexité. Et c'est la raison pour laquelle la commission des finances pense que prévoir un taux de recours de la prime d'activité à 50 % est peu sérieux, lorsqu'il n'est que de 32 % pour le RSA. N'attendons pas de miracle. Il eût fallu mener une réforme bien plus ambitieuse pour atteindre un tel chiffre. En cas de besoin on pourrait toujours rebudgéter en fin d'année.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Budgéter un droit nouveau n'est jamais simple. J'entends dans cet hémicycle des reproches de sur-budgétisation et de sous-budgétisation. Entre ces deux extrêmes, peut-être y a-t-il un juste milieu...

M. Jean-Claude Requier.  - C'est le RDSE ! (Rires)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Pourquoi ce budget ? D'abord, parce que la prime de l'activité sera moins stigmatisante que le RSA...

Mme Catherine Troendlé.  - C'était le RSA-activité, rien de stigmatisant !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Ensuite, les allocataires qui le demanderont en premier seront ceux dont l'allocation sera la plus élevée. C'est pourquoi, si nous prenons pour hypothèse un taux de recours de 50 %, cela signifierait 66 % pour les sommes à financer. La simplification sera réelle, même s'il reste des marges de manoeuvre, avec une déclaration dématérialisée ne portant pas, contrairement au RSA-activité, sur tous les revenus, mais seulement les revenus de substitution.

M. Claude Raynal.  - Cet amendement est particulièrement inacceptable. La majorité veut ponctionner de 650 millions d'euros une aide pour trouver des économies.

Mme Catherine Troendlé.  - Il n'y a pas de petites économies !

M. Claude Raynal.  - Il faut croire à ce dispositif. Si l'on devait rebudgéter en fin d'année, la droite nous reprocherait d'avoir sous-budgété en loi de finances initiale !

M. Philippe Dallier.  - La commission des finances ne compte nullement réduire l'aide individuelle, ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit. La prime d'activité est une dépense de guichet que l'État devra de toute façon financer. La question est : combien inscrire au budget pour 2016 ? Je ne crois pas à l'argument de la stigmatisation. Maire depuis vingt ans en Seine-Saint-Denis, je rencontre beaucoup de demandeurs d'emploi. On ne m'a jamais dit refuser cette aide dont on connaissait l'existence...

Nous reparlerons du financement des dépenses de guichet à propos de l'APL. Là, les crédits manquent ! (Applaudissements à droite)

M. Roger Karoutchi.  - La sincérité budgétaire veut que l'on inscrive le montant réalisable. Le taux de recours du RSA-activité était de 32 %, reprenons-le. Pensez-vous que les campagnes d'informations seront plus efficaces que celles menées sur le RSA-activité ? On peut en douter.

Mme Françoise Gatel.  - Quand les contraintes financières sont si fortes, montrons-nous pragmatiques en votant l'amendement de la commission des finances. Il faut être réaliste !

Mme Aline Archimbaud.  - Afficher pour objectif que les deux tiers des ayants-droit ne demanderont pas cette prime d'activité, c'est désespérant. La ministre a dit sa volonté de simplification. Moi aussi, je suis élue de Seine-Saint-Denis et je vois combien la complexité des procédures est décourageante. Remplir un dossier de demande, c'est le parcours du combattant. Cette complexité nourrit l'extrémisme. Arrêtons d'alimenter l'aigreur de ceux qui pensent que la loi et les aides ne sont jamais pour eux. Elle débouche sur les violences que l'on sait. Je voterai contre cet amendement.

M. Marc Laménie.  - Comme le budget de la prime d'activité est une inconnue budgétaire, l'amendement de la commission des finances paraît raisonnable.

Mme Nicole Bricq.  - On ne peut pas souscrire à cette manoeuvre budgétaire : vous payez les 600 millions d'euros de dépenses que vous avez votés pour les plus aisés par des économies sur les aides pour les plus fragiles.

M. Philippe Dallier.  - Pas du tout !

Mme Nicole Bricq.  - Un budget s'envisage globalement, en regardant aussi le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Philippe Dallier.  - C'est ce qu'on fait !

Mme Laurence Cohen.  - Quel cynisme ! On ouvre un droit destiné aux plus fragiles en comptant qu'il ne sera pas utilisé. Au même moment, on fait des cadeaux aux plus aisés sans exiger de contrepartie.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°II-152 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°78 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 187
Contre 155

Le Sénat a adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-192, présenté par M. Mouiller, au nom de la commission des affaires sociales.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

10 000 000

10 000 000

Handicap et dépendance

10 000 000

10 000 000

Égalité entre les femmes et les hommes

Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport,

de la jeunesse et de la vie associative dont titre 2

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour avis.  - Cet amendement abonde de 10 millions d'euros le budget des MDPH, qui est fixé à 67,6 millions d'euros. Les missions sont en difficulté ; elles ont mené des efforts de simplification ; le traitement des dossiers prend du retard. Leurs directeurs s'inquiètent du lancement du plan d'accompagnement créé à l'article 21 bis du projet de loi relatif à la santé.

M. Roger Karoutchi, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances.  - La commission des finances est favorable à cet amendement.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial.  - La commission des finances n'a pas vu cet amendement ; je ne donnerai donc qu'un avis personnel. Encore une fois, on ponctionne les crédits de la prime d'activité, même si le prélèvement est plus modeste. Je m'abstiendrai.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Pour 2015, les MDPH ont bénéficié d'une dotation initiale de l'État de 56,8 millions, abondée de 10 millions supplémentaires en cours d'année, soit 66,8 millions au total, et d'une dotation de 64 millions de la CNSA, abondée de 4,2 millions supplémentaires en juillet grâce à des ressources dynamiques. En 2016, l'État leur délivrera une dotation de 67,8 millions, soit une hausse de 1,5 %. Celle de la CNSA sera stable mais pourra être augmenté.

Les MDPH ont entrepris une simplification du travail administratif qui se poursuivra en 2016. De quoi leur laisser le temps de réaliser les plans pour l'accompagnement qui se généralisent fin 2017 seulement.

M. Richard Yung.  - Cette ponction n'est que de 10 millions, après les 650 millions. On progresse ! (Sourires) Néanmoins, la logique est identique : prendre sur les montants réservés à la prime pour l'activité. Le groupe socialiste votera contre cet amendement.

M. Jean-Louis Tourenne.  - Si cet amendement ne visait qu'à augmenter les crédits des MDPH, je le voterais. Toutefois, cette mesure d'économie est incompatible avec la création d'un droit qui affiche clairement une ambition politique.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°II-192 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°79 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 323
Pour l'adoption 187
Contre 136

Le Sénat a adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, les crédits de la mission sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°80 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 187
Contre 139

Le Sénat a adopté.

L'article 63 est adopté.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances.  - La commission des finances se réunit après la suspension de séance pour examiner des amendements extérieurs sur les missions.

La séance est suspendue à midi.

La séance reprend à 14 10.

Sécurités

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits de la mission Sécurités.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances pour la gendarmerie nationale et la police nationale .  - La France est confrontée à une situation d'une gravité exceptionnelle. Je veux saluer la mobilisation extraordinaire des forces de sécurité pour protéger les Parisiens, procéder à de nombreuses interpellations et perquisitions, et sécuriser les lieux sensibles. Nul doute que les attentats du 13 novembre bouleversent la hiérarchie des priorités des Français, nul doute aussi qu'ils bouleversent ce budget.

Avant le 13 novembre, la France, déjà, devait faire face à une situation exceptionnelle. Elle est l'un des pays les plus touchés en Europe par le départ de combattants vers la Syrie - même si la Belgique est le premier pays de départ par rapport à la population - mais aussi à une crise migratoire sans précédent, qui nécessite des effectifs supplémentaires pour démanteler les filières et sécuriser certains points de passage. À Calais, 1 125 effectifs mobiles ont renforcé les forces locales. Un amendement à l'Assemblée nationale a créé 900 postes dans le cadre du plan migrants. Le Gouvernement n'a pas tiré toutes les conséquences de ce changement de paradigme.

Mais le Gouvernement n'avait pas tiré, avant les attentats, toutes les conséquences de cette situation exceptionnelle. Le budget, tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, est en hausse de seulement 0,9 %, contre 3,5 % par exemple en 2009. Les créations de poste se font aux dépens des moyens. Ce que Bercy donne d'une main, il le reprend de l'autre. Les dépenses d'investissement baissent ainsi en réalité de 330 millions d'euros, à périmètre constant. La part des dépenses de personnel atteint un niveau critique de 88 % qui met en danger la capacité opérationnelle des forces de sécurité. Un exemple : il faudrait acheter plus de 6 000 véhicules entre 2015 et 2017 pour maintenir le parc en état ; en 2016, on ne pourra en acquérir que 4 000.

Le rattachement en 2009 de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur a engagé une heureuse rationalisation des tâches. Mais il faut dégager des marges supplémentaires par une mutualisation renforcée. Hélas, le chantier de la dématérialisation des procurations est enlisé, d'après un rapport de l'IGA d'octobre 2014. De plus, l'abandon du jour de carence a multiplié par 2,5 le nombre de jours de congé maladie... Il faudra y revenir.

Les décisions annoncées après la manifestation des policiers place Vendôme témoignent d'une prise de conscience tardive du Gouvernement. Je laisse au ministre le soin de présenter son amendement traduisant les engagements que le président de la République a pris à Versailles, qui augmentent les crédits de 2,8 % par rapport à la loi de finances initiale, pour 2015, et en affectent les deux tiers au fonctionnement et à l'investissement. J'aurais beaucoup de questions à lui poser, entre autres sur la répartition des effectifs.

La commission des finances a finalement émis un avis favorable, à l'unanimité, à l'adoption de ces crédits après leur modification par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité et l'éducation routières et le contrôle de la circulation et du stationnement routiers .  - Je ne vous parlerai pas du fléau du terrorisme mais de celui de la mortalité routière. Durant les huit premiers mois de l'année 2015, 2 253 personnes ont été tuées en France métropolitaine, soit une hausse de 4,6 % par rapport à la même période en 2014. Une hausse de 3,8 % avait déjà été enregistrée l'an dernier. Ces résultats inquiétants font douter de l'efficacité de nos dispositifs de sécurité routière d'autant que le Gouvernement s'est fixé pour objectif de réduire à moins de 2 000 le nombre de personnes tuées sur les routes en 2020. Comment ferez-vous, monsieur le ministre ?

En 2016, les dépenses inscrites sur le programme « Sécurité et éducation routières » diminuent de 4,8 % par rapport à 2015. La charge financière du « permis à un euro par jour » restera stable à 5,1 millions d'euros, grâce aux faibles taux d'intérêt. L'effort sera accentué avec la création d'un prêt complémentaire de 300 euros.

Le produit total des amendes de la circulation et du stationnement devrait atteindre 1,68 milliard d'euros en 2016, soit 0,58 % de plus qu'en 2015. Sur cette somme, 1,37 milliard d'euros sont inscrits en dépenses sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dit « CAS Radars ». Le Gouvernement prévoit de commander 454 nouveaux radars en 2016. Il s'agit le plus souvent de remplacements et le nombre de nouvelles unités ne progressera que de 42, soit 4 122 radars au lieu de 4 080. Le coût total du déploiement est estimé à 28 millions d'euros. Conduisant un contrôle budgétaire sur la politique d'implantation des radars, j'émets quelques réserves quant à ces déploiements, en particulier pour les radars vitesse moyenne et les radars chantiers, dont les coûts d'investissement et de fonctionnement sont élevés. Je propose donc un amendement réduisant les dépenses d'investissement de 5,25 millions d'euros, ce qui financera l'installation de 53 nouveaux radars vitesses moyennes au lieu de 107 et de 11 radars chantiers au lieu de 22. Les documents budgétaires ne permettent nullement d'apprécier l'efficacité de ces installations.

S'agissant de la gestion du permis à points, j'avais déjà proposé par amendement la suppression des lettres simples pour les retraits ou les restitutions de points. En 2016, il est prévu d'adresser plus de 15,3 millions de ces courriers aux automobilistes, ce qui coûtera 13,1 millions d'euros. Cette dépense est-elle opportune, sachant qu'un site internet a été créé pour la consultation des soldes de points ? Mieux vaut affecter la somme au désendettement : ce n'est pas beaucoup, mais c'est toujours ça...

La commission des finances donne un avis favorable à l'adoption de ces crédits sous réserve de l'adoption de ses amendements. (Applaudissements au centre)

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité civile .  - Attentats mais aussi inondations ou crash de l'avion Germanwings soulignent l'importance de disposer de forces de secours réactives et efficaces. Je salue leur mobilisation et me réjouis de l'augmentation du nombre de pompiers volontaires, après dix ans d'érosion continue.

Je m'interroge sur la possible sous-budgétisation année après année des dotations prévues pour les produits retardants, les colonnes de renfort et les secours d'extrême urgence.

Je m'inquiète surtout de celle des dépenses d'investissement. Leur évolution est inférieure à 4 millions d'euros par rapport à la programmation et cela avant que l'Assemblée nationale ne les ampute en seconde délibération de 5 millions d'euros. Après les attentats, le Gouvernement a heureusement déposé un amendement de 11 millions d'euros pour l'investissement.

Sur le titre 2, je note une volonté de maîtriser les dépenses de personnel ; mais la baisse cumulée de 4 % des effectifs depuis 2012 pose la question de l'adéquation de la DGSC au périmètre de ses missions. Une nouvelle dynamique de mutualisation est nécessaire. Voyez les hélicoptères : les appareils ne sont pas les mêmes d'une force à l'autre, chacune a ses bases, ses centres de maintenance, sa formation. Levons les obstacles culturels par un traitement interministériel.

Deuxième chantier, la réduction du nombre de plateformes et de numéros d'appel d'urgence. La France en compte respectivement cinq cents et onze ! Imitons la Finlande qui les a divisés par trois entre 2009 et 2015 et a réussi à imposer le seul 112 pour tous les appels d'urgence. À population comparable, la Finlande a huit fois moins de centres d'appel que nous... Hélas, le ministère de la santé fait bande à part en modernisant son système d'information. Il faudra en outre veiller à ce qu'il n'y ait pas de transfert de charges sur les Services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Encore une fois, un traitement interministériel et une forte volonté politique seront nécessaires. (M. Marc Laménie applaudit)

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la gendarmerie nationale .  - Je veux dire ma souffrance face aux attentats du 13 novembre, et mon admiration pour nos forces de sécurité.

Les crédits de paiement de la gendarmerie nationale, qui progressaient de 0,8 % initialement, augmentaient de 1 %, soit 370 postes, après le passage à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement a depuis adopté un amendement les augmentant de 162 millions d'euros, ce qui a conduit la commission des finances à demander l'adoption des crédits du programme 152 par le Sénat ; mon groupe attend toutefois la concrétisation des annonces du Gouvernement.

Cependant deux questions : comment mieux articuler gendarmerie et police ? Quelle place pour les nouvelles associations professionnelles de militaires ? Il faut qu'elles puissent être entendues ; il importe aussi d'éviter les déclarations intempestives dans les médias. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la gendarmerie nationale .  - À mon tour de saluer l'engagement des forces de gendarmerie. Avant même le 13 novembre, la commission des affaires étrangères avait noté avec satisfaction l'évolution favorable du budget 2016, qui renforce les capacités pour la troisième année consécutive. Dès après les attentats de janvier, il avait été dégagé 35 millions pour financer équipements et recrutement. Nous le constatons aujourd'hui, certaines enquêtes sont d'une extrême complexité. La simplification prévue pourra-t-elle être mise en oeuvre ? Quid de la révision par ordonnance de la carte police et gendarmerie ? Enfin, les gendarmes auront-ils eux aussi l'autorisation de garder leur arme sur eux après leurs heures de service ? Mon groupe votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Alain Marc, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité .  - Les crédits de cette mission sont stabilisés en euros constants. La mutualisation entre forces exigera des efforts importants d'investissement. Les nouvelles contraintes liées au renforcement du plan Vigipirate et aux évènements de Paris ne sont qu'insuffisamment pris en compte dans les crédits. La criminalité organisée et la délinquance augmentent dans les cités sensibles, le trafic de stupéfiants s'accroît, comme en témoignent les importantes saisies de cocaïne et d'héroïne.

Un premier bilan peut être tiré du plan de lutte contre la radicalisation violente lancé le 23 avril 2014. Cette année, alors que 726 Français sont partis vers la Syrie ou l'Irak, 135 interdictions de territoires ont été prononcées, une cinquantaine de sites ont été bloqués. Le ministère s'est de plus doté le 1er septembre 2014 d'un service statistique indépendant pour disposer de statistiques fiables. Il faut toutefois aller beaucoup plus loin.

Si les crédits sont constants, soyons vigilants sur les moyens de nos forces territoriales. Beaucoup reste à faire, pour le logement des gendarmes par exemple, et le maintien des brigades en zone rurale. Les créations nettes de postes - 5 000 annoncées - dans la police et la gendarmerie vont dans le bon sens. La commission des lois est favorable à l'adoption de ces crédits corrigés par l'amendement du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile .  - Les tragiques attentats de ces derniers jours ont démontré le dynamisme de nos jeunes sapeurs-pompiers et l'efficacité, une fois de plus, de notre modèle de secours fondé en partie sur l'engagement volontaire de nos concitoyens. Celui-ci depuis 2014, repart à la hausse avec 1 442 engagements.

La commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. Quelques questions toutefois : quand le groupe de travail sur Antares rendra-t-il ses conclusions ? Que deviendra la prestation de fidélisation et de reconnaissance servie aux volontaires ? Le contrat avec CNP Assurance arrive à terme à la fin de l'année... Quelle est la position de l'État sur ce sujet ? Quant aux anciens militaires qui touchent une pension afférente au grade supérieur (Pags), leur engagement est assimilé par l'administration fiscale à une reprise d'activité militaire. Ils perdent la Pags pour percevoir une pension de droit commun. Pensez-vous corriger cette injustice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Guillaume Arnell .  - La sécurité est devenue la principale préoccupation des Français. Le président de la République l'a dit clairement le 16 novembre devant le Congrès : le pacte de sécurité doit l'emporter sur le pacte de stabilité. Aussi le groupe RDSE est-il favorable à l'amendement du Gouvernement créant 5 000 postes, comme au renforcement des effectifs chargés de lutter contre la radicalisation. D'une manière générale, ce budget rompt avec la politique du chiffre et la RGPP qui ne convenait ni aux Français ni aux forces de sécurité. Entre 2006 et 2011, les effectifs avaient reculé de 3 000 emplois dans la police et 4 000 dans la gendarmerie.

Nous regrettons cependant que ces décisions n'aient pas été prises avant les attentats. La sécurité est la première des libertés, celle qui conditionne toutes les autres. Saint-Martin connaît une forte délinquance malgré des effectifs de sécurité importants. Une réflexion en profondeur s'impose.

Après avoir salué tous les héros du quotidien, pompiers, policiers, personnels médicaux et paramédicaux qui concourent à la sécurité des Français...

M. Philippe Bas.  - Très bien !

M. Guillaume Arnell.  -  ...le groupe RDSE votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; Mme Nathalie Goulet et M. Philippe Kaltenbach applaudissent également)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Les crédits de cette mission passent de 12,2 milliards en 2012 à 18,4 milliards. Les funestes attentats du 13 novembre, après ceux de janvier dernier, ont bouleversé la hiérarchie des priorités des Français et expliquent ce renforcement. Cependant, ces efforts tardifs ne suffiront pas à garantir une véritable police et gendarmerie de proximité sur tout le territoire. Ni à remplacer les équipements obsolètes. Les fonctionnaires mobilisés dans le cadre du plan Vigipirate sont dans un état de grande fatigue et manquent de moyens. Les policiers sont descendus dans la rue, non pour créer une polémique stérile entre police et justice, mais pour déplorer le manque de moyens et les mauvaises conditions de travail. Prenons en considération cette souffrance au travail quand l'état d'urgence s'ajoute au plan Vigipirate et à la sécurisation de grands évènements comme la COP21.

L'objectif de 20 000 pompiers volontaires d'ici dix ans semble hors d'atteinte. Ils représentent aujourd'hui 80 % des 193 756 pompiers. Facilitons leur accès au logement social.

Le groupe communiste républicain et citoyen aura une position d'abstention bienveillante sur les crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)

M. Pierre Charon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Représentant de Paris, d'un territoire pluriel à la fois ville et département en proie aux agissements de l'État islamique, je veux dire ma compassion pour les victimes de ces lâches barbares et mon admiration pour tous ceux qui les ont secourus et luttent contre l'obscurantisme. Je veux dire aussi que la sécurité est un pan inaliénable de la liberté, ce mot merveilleux qui appartient à notre devise...

Ce budget n'était pas à la hauteur de la réalité de la menace ; notre commission des finances l'affirmait avant le 13 novembre. C'était prémonitoire. Le Gouvernement a heureusement revu sa copie. Je salue le respect dans les crédits des engagements du président de la République, comme votre mobilisation, monsieur le ministre.

Cependant, la lutte contre le terrorisme doit être menée à l'échelle européenne car il remet en cause les fondements européens, contrôle des frontières, espace Schengen, lutte contre les trafics. Il est des rendez-vous que l'Union ne peut pas manquer sauf à en ressortir décrédibilisée.

L'augmentation des moyens alloués aux forces des forces de l'ordre ne saurait suffire sans volonté politique rappelant l'importance du respect de la loi pénale. La politique pénale participe aussi de l'exercice des libertés. Tous les acteurs de la chaîne policière, judiciaire et pénale doivent travailler de concert dans le long terme.

Cette guerre contre le terrorisme et pour la protection des Français mérite un CDI, non un CDD, car trois mois n'y suffiront pas, ni même six mois, elle doit être livrée jusqu'à ce que l'ennemi soit vaincu. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Nathalie Goulet .  - Il y a un an, je constatais que le mot terrorisme ne figurait pas dans les documents budgétaires... Cette année, il est presque à chaque page ! Nous voulons vous dire, monsieur le Ministre, tout notre respect pour votre travail ; en ces temps d'union nationale, nous ne saurions dire que vos services ont failli et nous voterons ces crédits.

Tous les fichés « S » ne sauraient faire l'objet de procédures ex ante avant qu'ils aient commis quoi que ce soit, c'est entendu. S'ils n'ont rien commis de répréhensible, ils sont rayés au bout de deux ans. Mais il faut reconnaître que les Merah, Nemmouche, Coulibaly et consorts ont été fichés et sont sortis de nos écrans radars...pour réapparaître avec du sang sur les mains, celui de nos concitoyens. Il faut renforcer les contrôles ex post.

Les contrôles de Frontex doivent être aléatoires et non programmés, pour être efficaces. Je me félicite que le Gouvernement reprenne cette idée émise par la commission d'enquête sur le djihad du Sénat.

De même, il faut lutter contre le trafic d'armes : alors que l'on ne peut dépenser plus de mille euros en liquide et qu'il faudra bientôt une carte d'identité pour acheter une cigarette électronique, on trouve des kalachnikovs à vil prix à tous les coins de rue.

En matière de coopération, il serait temps d'actionner la convention de sécurité intérieure signée le 7 octobre 2011 avec la Turquie. Le texte dort dans les placards de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale depuis cinq ans !

Sur le fonctionnement du terrorisme, j'ai eu tort... d'avoir raison trop tôt sur le problème des cartes prépayées : vous m'aviez répondu il y a un an que mon amendement à ce sujet n'était pas au coeur du dispositif !

Enfin, il faut agir en matière de prévention ; former les formateurs par exemple, et évaluer les organismes prenant en charge les familles de jeunes radicalisés. 600 millions d'euros y sont alloués, sans contrôle, ce qui est source d'effets d'aubaine. Mme Latifa Ibn Ziaten et M. Mourad Benchellali le disent : ils sont isolés, comme le sont toutes les bonnes volontés et beaucoup de familles confrontées au problème.

Les prix Talents des Cités - que nous décernons au Sénat -, et toutes les récompenses de ce type sont utiles pour valoriser les réussites des jeunes issus des quartiers difficiles. Mettons-les davantage en valeur pour prévenir la marginalisation des jeunes de certaines banlieues qu'ils sauront convaincre, par leur exemple, mieux sans doute que des interlocuteurs institutionnels.

Un centre situé à Abu Dhabi, dédié à la lutte contre l'extrémisme violent, dépendant non pas de l'émirat, mais du forum global contre le terrorisme, est spécialisé dans la déradicalisation - par le sport, la formation... Utilisons ses ressources et son expérience, car nous n'inventerons pas tout. Il peut servir d'exemple. Peut-être la France n'y est-elle pas suffisamment impliquée.

Au total, la grande confiance que nous avons en vous, monsieur le ministre, l'emporte sur toutes les petites méfiances. Nous voterons les crédits de cette mission.

M. Philippe Kaltenbach .  - Nos forces de l'ordre ont fait, et font encore, la démonstration d'un professionnalisme rare. Nous devons être à la hauteur de leur dévouement. 5 000 postes supplémentaires ont été annoncés. L'amendement du Gouvernement en crée l'an prochain plus de 3 000, dont 1 366 dans la police et 1 763 dans la gendarmerie et renforce de 220 millions d'euros les crédits de fonctionnement et d'investissement. Après la chute brutale des effectifs entre 2007 et 2012 - près de 14 000 postes en moins -, c'était indispensable.

M. Jacques Chiron.  - Il faut le dire !

M. Philippe Kaltenbach.  - Heureusement que le président de la République a pris la mesure des menaces.

M. Alain Gournac.  - Trois ans après, tout de même...

M. Philippe Dallier.  - Quid des plafonds d'emplois ?

M. Philippe Kaltenbach.  - Le raisonnement par plafond d'emploi, comme le fait la presse, n'est pas pertinent, car cette mesure varie en fonction de l'évolution des missions du ministère : la seule mesure fiable est celle des schémas d'emplois exécutés qui mesurent les gains ou les pertes nets d'effectifs dans un même périmètre ministériel...

M. Roger Karoutchi.  - C'est trop technique tout cela...

M. Philippe Kaltenbach.  - ...Or ceux-ci révèlent que 1 800 emplois ont été créés depuis 2012, soit 1 172 dans la police et 616 dans la gendarmerie ! Nous avons besoin de moyens, d'outils de renseignement. Ce budget les fournit. Depuis le 13 novembre, nous avons prôné l'efficacité de nos services publics.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - C'est la seule vérité depuis le début de votre intervention !

M. Philippe Kaltenbach.  - Le groupe socialiste votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements et marques d'encouragement sur les bancs du groupe Les Républicains) Je remercie tous les rapporteurs pour leur éclairage.

Cette mission revêt un caractère très particulier, compte tenu des dramatiques événements du 13 novembre, qui ont ému notre pays et le monde entier. Un débat de chiffres, dans ce contexte, est malvenu. Remercions plutôt tous nos services publics, nationaux et territoriaux, policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, médecins, infirmiers, professionnels de santé, ainsi que tous les bénévoles qui oeuvrent pour la sécurité des personnes et des biens. Restons modestes, face à ces démonstrations de solidarité. Je ne rappellerai donc pas les chiffres...

M. Philippe Kaltenbach.  - Ils ne vous arrangent pas en effet !

M. Marc Laménie.  - La crise migratoire est un autre enjeu fondamental. Nos forces de sécurité exercent là aussi leur mission avec passion et dévouement, parfois au risque de leur vie.

Les programmes de cette mission atteignent 17,9 milliards d'euros en crédits de paiement, à quoi il faut ajouter les 340 millions proposés par le Gouvernement créant 3 150 emplois supplémentaires.

La gendarmerie nationale est créditée de plus de 8 milliards d'euros. Or les petites brigades manquent souvent d'effectifs car les postes, comme dans les Ardennes, ne sont pas toujours pourvus. Les renforts des réservistes - j'en fais modestement partie - sont maigres. Or la sécurité des territoires ruraux devrait être une priorité. La lutte contre l'insécurité, y compris routière, prend plusieurs formes ; il faut lui donner les moyens de s'accomplir, humains et matériels.

Le statut militaire des gendarmes doit être préservé ; mettons l'accent, en outre, sur leur participation au devoir de mémoire.

La répartition des postes est difficile - tous les territoires ne sont pas aussi attractifs...Retrouvons cette confiance partagée entre tous les acteurs, il y va - je l'ai dit modestement l'an passé déjà - de notre solidarité.

La tâche est fondamentale - les rapporteurs spéciaux l'ont dit avec passion. Je voterai donc les crédits de cette mission Sécurités, que l'on pourrait aussi appeler « solidarité ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur les bancs du RDSE ; M. Richard Yung applaudit aussi)

M. Alain Gournac.  - Bravo !

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (M. Guillaume Arnell applaudit) Les crédits de cette mission prennent pleinement la mesure de l'insécurité qui pèse sur notre société. Le Gouvernement en avait tiré les conséquences l'an dernier déjà, pour lutter contre la criminalité et contre le terrorisme, en revenant sur les réductions d'effectifs opérés dans la période précédente par la RGPP.

De nombreux projets d'attentats ont été déjoués grâce au travail de nos forces, comme à Toulon quelques jours seulement avant les macabres événements du 13 novembre. Il n'y a pas de mot pour qualifier une telle barbarie, et je veux avoir ici une pensée pour les familles des victimes.

Le pacte de sécurité l'emporte, comme l'a dit le président de la République devant le congrès de Versailles, sur le pacte de stabilité. D'où la création de 5 000 postes d'ici 2017, soit 600 millions d'euros supplémentaires en 2016.

Je me félicite que la commission des finances ait adopté l'amendement du Gouvernement, et salue le rapport pour avis d'Alain Marc et le vote de la commission des lois, rendu sans attendre le dépôt formel de l'amendement.

Les musulmans font à présent l'objet d'odieux amalgames, qu'il est urgent de prévenir. Des lieux de culte, des commerces ont déjà été vandalisés, et des personnes agressées verbalement et physiquement. Il me semble impératif d'encourager la mobilisation récente des musulmans contre ces amalgames et contre une terreur qui se réclame de l'islam, qui dévoie cette religion.

Je pense notamment à l'annonce faite par le président du CFCM, de mettre en place une « habilitation » des imams pour promouvoir « un islam tolérant et ouvert » en France.

Dans mon département, la population qui est à plus de 90 % de confession musulmane, a toujours eu une lecture de l'islam en accord avec les lois de la République.

Une délégation de cadis mahorais s'était rendue dans l'hexagone le 13 décembre 2014 pour dire son refus de la radicalisation. Mais l'île, en raison de la jeunesse de sa population, touchée par le chômage et la précarité, n'en est toutefois pas, hélas, à l'abri. Les musulmans de France devront en toute hypothèse se réorganiser. Vous avez engagé ce difficile chantier, monsieur le Ministre : où en sont nos travaux - qui relèvent certes d'une autre mission ?

Je voterai ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; MM. Guillaume Arnell et André Gattolin applaudissent aussi)

M. Michel Boutant .  - Je dirai un mot de la sous-direction de l'anticipation opérationnelle (SDAO) de la gendarmerie nationale, née de la réforme de nos services de renseignement en 2013. Celle de 2008 avait marginalisé la gendarmerie nationale dans le renseignement de proximité ; il fallait y remédier.

67 millions d'euros sont consacrés au recrutement, et 93 millions à la modernisation des équipements. La SDAO travaillera avec la sous-direction du renseignement territorial. Des bureaux de liaison dans les départements permettent déjà un partage des informations.

Le décret relatif aux techniques autorisées par la loi du 24 juin 2015 intègre la SDAO. Le centre de lutte contre les cybercriminalités numériques de Cergy-Pontoise constitue un centre de ressources pour toute la gendarmerie nationale.

Ces femmes et ces hommes assurent chaque jour la sécurité de nos concitoyens. Rendons-leur hommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; MM. Guillaume Arnell et André Gattolin applaudissent aussi)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Le contexte est en effet particulièrement grave, ce qui implique d'élever les moyens de nos forces afin qu'ils livrent la guerre contre le terrorisme et assurent un haut niveau de protection des Français. Je serai aussi précis que possible.

Sur les emplois d'abord. En 2007, la gendarmerie nationale et la police nationale comptaient 251 929 ETP. En 2012, 239 500, soit près de 13 000 de moins. En 2016, nous serons à 246 866, soit 7 456 de plus qu'en 2012. On peut donc débattre de la pertinence de l'effort consenti, mais nul ne peut contester la réalité de ces chiffres : 10 000 postes nouveaux sur le quinquennat si le rythme est maintenu - et il le sera.

Ensuite, les crédits hors dépenses de personnel : la police nationale verra les siens augmenter de 14 %, la gendarmerie nationale de 8,5 %, et le total - sécurité civile incluse - de plus de 10 %. Entre 2007 et 2012, ils ont diminué de 15 %. Voilà la réalité.

De plus, 500 emplois ont été créés à la direction générale de la sécurité intérieure, 500 à la direction centrale du renseignement territorial, 126 à la direction centrale de la police judiciaire, 40 au service de la protection des hautes personnalités, 60 au sein de la direction centrale de la police aux frontières... Bref, les moyens sont donnés à nos services pour fonctionner correctement.

Dans le cadre du plan anti-terrorisme de janvier, 538 nouveaux postes ont été créés, qui correspondent à la part 2015 des 1 401 postes annoncés pour 2015-2017. Les créations de postes seront donc poursuivies. 287 effectifs nouveaux renforceront les unités de terrain ; 900 effectifs iront renforcer la police aux frontières.

Bref, 1 632 postes devraient être créés en 2016, dont 554 dans la gendarmerie nationale.

L'amendement proposé renforce désormais, en plus de 3 150, les effectifs de sécurité pour 2016, qui se ventilent ainsi : 1 366 pour la police nationale - 160 à la police judiciaire, 60 à la direction du renseignement de la préfecture de la police... La DGSI gagnera en tout 225 postes ETP en deux ans, dont 113 d'ici 2016. Les recrutements seront rendus effectifs aussi vite que possible.

Les sorties d'école de gardiens de la paix ont été portées de 488 à 3 600 de 2012 à 2015...

M. Philippe Kaltenbach.  - Impressionnant...

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Tous les renforts de la gendarmerie nationale seront recrutés dès 2016 ; les sorties d'école de la fin 2015 ont déjà été ajustées, immédiatement après les attentats.

Les renforts atteindront ainsi, en 2016, 4 761 fonctionnaires. Je vous remercie du vote unanime donné à cet amendement en commission.

Le budget contient aussi des mesures catégorielles ciblées : l'Indemnité journalière d'absences temporaires (IJAT) est revalorisée de 30 % - elle n'avait pas été augmenté depuis 13 ans... ; les grilles indiciaires seront revalorisées comme celle des techniciens de maintenance d'hélicoptères de Nîmes.

Les moyens d'équipement, d'investissement et de fonctionnement des services seront renforcés - ils avaient diminué de 17 % entre 2007 et 2012. Les moyens matériels croissent ainsi de 9 % en autorisations d'engagement. Pour la police nationale, 40 millions d'euros seront consacrés à l'acquisition de 2 000 véhicules neufs ; 27 millions moderniseront les plateformes d'appel d'urgence, la plateforme Pharos ou le portail Cheops, tous les outils qui n'ont pas été modernisés depuis 15 ans. Les moyens de protection et d'intervention seront eux aussi renforcés, notamment pour équiper les forces en gilets pare-balles.

Le plan de revalorisation du parc domanial de la gendarmerie nationale permettra de rénover 5 000 logements après les 3 000 rénovés cette année. Les véhicules seront également largement remplacés grâce à l'acquisition de 1 000 véhicules nouveaux. La sécurité civile n'a pas été oubliée.

La police nationale et la gendarmerie nationale bénéficieront de moyens supplémentaires pour poursuivre la lutte anti-terroriste à proprement parler, dans le cadre du pacte de sécurité. En 2016, 116 millions d'euros seront alloués à la police nationale, 96 millions à la gendarmerie nationale, 11 millions à la sécurité civile. Tous ces investissements donnent à nos forces les moyens matériels nécessaires à leur action.

Un mot sur ce qui a été fait depuis janvier 2015. Le débat parlementaire est l'occasion de s'en expliquer. Entre 2007 et 2012, plus de 12 519 emplois avaient été supprimés. Depuis 2012, 4 761 postes ont été recréés, dont 2 317 dans la gendarmerie et 2 444 dans la police, soit 9 341 postes d'ici 2017 en tenant compte du plan anti-terrorisme.

M. Philippe Kaltenbach.  - Trop de chiffres...

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - En 2015, le plan de lutte contre le terrorisme s'ajoute au renfort de 432 postes décidés dès 2012 et de 36 millions d'euros en moyens de fonctionnement.

La loi Renseignement du 24 juillet a bénéficié du concours du président Bas. Les décrets ont été pris à marche forcée contrairement à ce que l'on entend parfois. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) a été instituée, et les décrets devant être soumis à l'avis du Conseil d'État ne devront pas être publiés après le mois de décembre. Nous n'avons pas, de même, tardé à prendre les décrets d'application de la loi du 13 novembre 2014 : 222 interdictions de sortie du territoire ont été prononcées, 87 sites ont été bloqués, 6 déchéances de nationalité ont été prononcées. Dans le cadre de l'état d'urgence, 2 029 perquisitions ont été menées, 139 armes longues ont été saisies ; 113 armes de poing, 31 armes de guerre, 37 autres armes, tandis que 250 interpellations et 220 gardes à vue ont été réalisées.

Vous le voyez, nous avons pris les mesures qui s'imposaient en l'espace de quelques jours ; dès lors que l'on convoque la réalité et non les polémiques, nous pouvons cheminer ensemble pour protéger nos concitoyens. (Applaudissements et bravos sur les bancs des groupes socialiste et républicain, communiste républicain et citoyen, RDSE, écologiste ainsi que sur plusieurs bancs au centre et à droite)

ARTICLE 24 État B

Mme la présidente.  - Amendement n°II-256, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits

de paiement

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

167 922 265

51 534 280

167 922 265

51 534 280

Gendarmerie

nationale

dont titre 2

160 553 599

67 116 367

160 553 599

67 116 367

Sécurité et éducation

routières

Sécurité civile

dont titre 2

11 688 106

975 606

11 688 106

975 606

TOTAL

340 163 970

340 163 970

SOLDE

340 163 970

340 163 970

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Cet amendement crée 5 000 postes supplémentaires d'ici 2017. Pour 2016, le présent amendement prévoit la création de 3 150 emplois, qui s'accompagnent d'un renforcement des moyens d'équipement et prévoit des crédits d'investissement et de fonctionnement d'un montant total de 220 537 717 euros.

Cet effort considérable n'est pas soudain ; il fait suite aux efforts consentis depuis 2012 au plan antiterroriste et à ceux demandés par l'Assemblée nationale pour répondre à la crise des migrants.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.  - Cet amendement bouleverse la structure de ce budget tel qu'il avait été présenté à l'Assemblée nationale.

Vous en conviendrez, 1 632 postes nouveaux dans la sécurité, c'est peu au regard des 12 850 postes dans l'éducation nationale...

M. Philippe Kaltenbach.  - On ne peut pas sacrifier l'Éducation nationale !

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.  - Effectivement, ce n'est pas une rupture. Depuis 2012, vous avez mis l'accent sur les effectifs aux dépens de l'équipement et du fonctionnement. Cet amendement bienvenu répond à une situation d'exception.

La France est le pays d'Europe qui dispose du plus grand nombre de forces de sécurité par habitant, à l'exception de l'Italie, et il faut tenir compte des 10 000 militaires participant au plan Vigipirate.

La commission des finances est unanimement favorable à cet amendement.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Merci, monsieur le ministre, pour vos réponses précises. Une question toutefois : comment cet amendement sera-t-il financé ? Il ne faudrait pas que ce soit au détriment d'autres actions. Alors que les taux d'intérêt sont faibles, il serait opportun d'en profiter.

M. Claude Raynal.  - Je salue la position unanime de la commission des finances sur cet amendement. Le rapport de M. Dominati déplorait le « choix idéologique » fait par le Gouvernement en faveur de la hausse d'effectifs. Peut-être s'agissait-il finalement d'un éloge envers l'attention du Gouvernement à la sécurité des Français ! (Rires)

Peut-être la droite devrait-elle simplement avoir le courage de regretter, comme l'a fait Alain Juppé, la diminution des effectifs entre 2007 et 2012 ? (Exclamations sur quelques bancs à droite)

Quand nous avons plus d'emplois que les autres pays européens, la droite nous dit que nous gérons mal. Quand nous en avons moins, elle nous dit aussi que nous gérons mal !

M. Richard Yung.  - Je salue l'unanimité de la commission des finances. Grâce à cet amendement, le Gouvernement remédie à la baisse importante des effectifs avant 2012 et modernise l'équipement de nos forces.

M. Roger Karoutchi.  - J'admire la façon dont nos collègues socialistes atteignent le nirvana ! (Rires à gauche) Je suis ravi de vous voir engager ce virage sécuritaire. Bienvenue ! Enfin !

La politique de sécurité dépend des circonstances. Il y a cinq ou dix ans, Daech n'existait pas, ni le terrorisme. Désormais, nous vivons sous cette menace ; il faut en tenir compte.

Mme Nathalie Goulet.  - Le groupe UDI-UC votera bien entendu cet amendement en attirant l'attention du Gouvernement sur la nécessité de la coopération internationale et d'une répartition des moyens nouveaux sur tous les territoires. Comme l'ont montré les perquisitions dans l'Orne, les territoires ruraux ne sont pas à l'abri.

M. Vincent Eblé.  - L'effort budgétaire et le nombre de postes créés dans les forces de l'ordre sont considérables. En outre, cet amendement renforce la coordination, la formation, la sécurisation des sites, l'armement des forces, les moyens d'investigation numérique. La coordination internationale contre le terrorisme n'est pas non plus oubliée. Le groupe socialiste et républicain votera cet amendement.

M. Philippe Kaltenbach.  - Force est de constater qu'à chaque fois que la gauche est au pouvoir, elle renforce les effectifs des forces de l'ordre que la droite, pour des raisons idéologiques, diminue au nom de la réduction des déficits au détriment de l'efficacité du service public. C'est vrai sous M. Cazeneuve, c'était vrai sous M. Jospin. (M. Roger Karoutchi le conteste) Si ! M. Jospin avait créé la police de proximité. Nous faisons face à une hausse de la délinquance et du terrorisme. L'état d'urgence a donné d'ores et déjà d'excellents résultats.

Je suis heureux de constater que les Républicains reconnaissent leurs erreurs.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Si créer des postes dans les forces de sécurité, c'est être sécuritaire, alors nous sommes sécuritaires !

N'oublions pas, pour autant, les actions en direction de la société pour comprendre les causes de la radicalisation, émettre un discours contre cette propagande et agir pour relancer l'économie. C'est ainsi qu'on stérilisera un des terreaux du terrorisme.

M. Alain Houpert.  - Les Français ne veulent plus de politique politicienne. L'année 2015 a mal commencé avec les attentats de janvier. Elle a mal fini avec les attentats du 13 novembre. Ce n'est la faute de personne. Le groupe Les Républicains, dans un esprit d'union nationale, votera cet amendement.

M. Alain Marc, rapporteur pour avis.  - Dans l'Aveyron, deux gendarmeries rurales ont été fermées. Après les attentats qu'ils ont subis, les Américains ont insisté sur la qualité du renseignement français, or celle-ci est due pour l'essentiel à notre gendarmerie. Il ne faudrait pas que cela se délite !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Ma seule préoccupation est de faire face à la menace très élevée à laquelle nous sommes confrontés.

J'entends dire parfois que le Gouvernement n'a pas pris les mesures à temps, que les services de renseignement ont été défaillants, alors même que les terroristes ont traversé l'Europe sans être signalés. Ces polémiques sont inutiles. Aucun Gouvernement ne souhaite exposer les citoyens français. Chacun fait du mieux qu'il le peut, sans jamais être certain d'en faire assez.

J'en appelle à l'unité, à la responsabilité. Les Français n'attendent pas de nous des états d'âme mais des états de service !

L'amendement n°II-256 est adopté à l'unanimité.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-282, présenté par Mme N. Goulet.

I.  -  Créer le programme :

Lutte contre le terrorisme

II.  -   En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2 

 

47 600 000

19 050 000

 

47 600 000

19 050 000

Gendarmerie nationale

dont titre 2 

 

36 100 000

 17 050 000

 

36 100 000

 17 050 000

Sécurité et éducation routières

 

 

 

 

Sécurité civile

dont titre 2

 

 

 

 

Lutte contre le terrorisme

dont titre 2

83 700 000

36 100 000

 

83 700 000

36 100 000

 

TOTAL

83 700 000 

83 700 000 

83 700 000 

83 700 000 

SOLDE

0

0

Mme Nathalie Goulet.  - Puisque, du fait de la Lolf et de l'article 40, je ne peux proposer la création d'une mission à part entière dédiée à la lutte contre le terrorisme, je m'en tiens à instaurer un programme dédié à cette priorité nationale. C'est l'une des propositions de la commission d'enquête que j'ai présidée.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.  - Votre préoccupation est légitime. Toutefois, si les services de renseignement extérieur sont clairement identifiés au sein du budget de la Défense, il n'en va pas de même pour le renseignement intérieur. Il y a du travail à faire dans le sens que vous souhaitez mais cela ne peut se faire par la voie de cet amendement. Retrait ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis. D'ores et déjà, les rapporteurs budgétaires ont la possibilité d'obtenir du ministre la communication des crédits qui relèvent de la lutte antiterroriste.

Surtout la porosité entre les formes de délinquance s'accroît. La plupart des terroristes sont d'anciens délinquants, des trafiquants de drogue. Beaucoup de services du ministère participent, chacun à sa façon, à la lutte contre le terrorisme. Ainsi, par exemple, de la PAF ou du renseignement intérieur. Une mission propre, comme celle que vous souhaitez, toucherait en fait la plupart des crédits de mon ministère.

Je ne peux donc accepter votre amendement ; en revanche, le ministre de l'intérieur pourrait venir rendre compte chaque année devant la commission des finances des résultats de cette lutte.

Mme Nathalie Goulet.  - Cette proposition est bienvenue. Le ministre de la défense vient régulièrement faire le point avec nous sur le suivi de la loi de programmation militaire.

Mme Michèle André, présidente de la commission.  - C'est une très bonne idée.

L'amendement n°II-282 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-286, présenté par M. Vaugrenard, Mme Meunier, MM. Carvounas, Marie et Jeansannetas, Mme Conway-Mouret, MM. Montaugé et Roger, Mmes Bataille et Bonnefoy, M. Courteau, Mmes Guillemot, Jourda et Perol-Dumont, MM. Cazeau et Delebarre, Mme Campion, MM. Vincent, Tourenne et Berson, Mme Claireaux, M. Boutant, Mme Blondin, M. F. Marc, Mme D. Gillot et MM. Roux, Sutour et Carrère.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Police nationaledont titre 2

 

 

Gendarmerie nationaledont titre 2

 

 

Sécurité et éducation routières

1 250 000

Sécurité civiledont titre 2

1 250 000

TOTAL

1 250 000

1 250 000

 

 

SOLDE

0

M. Franck Montaugé.  - Il est défendu.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Avis défavorable. Il n'est pas opportun de prélever des crédits sur la sécurité civile même pour équiper les élèves de bus scolaire de gilets jaunes de sécurité. Le taux d'accidents en ce domaine n'est pas le plus élevé.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Pour les mêmes raisons, j'invite au retrait de cet amendement.

L'amendement n°II-286 est retiré.

Les crédits de la mission sont adoptés.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 62

Mme la présidente.  - Amendement n°II-281, présenté par Mme N. Goulet.

I.  -   Après l'article 62

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est joint au projet de loi de finances de l'année, dans les conditions prévues au 7° de l'article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er aout 2001 relative aux lois de finances, un rapport faisant état du coût, au titre des exercices budgétaires précédents, et des dépenses prévues, pour l'exercice à venir, en vue du financement des actions de prévention et de lutte contre le terrorisme.

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Sécurités

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement prévoit un rapport, dont je sais le Sénat peu friand, sur les dépenses de prévention de la radicalisation. Un outil de suivi serait précieux : certaines associations n'ont pas la formation nécessaire.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.  - Difficile de répondre à cette demande quand nous avons du mal à identifier les crédits exclusivement réservés à la lutte anti-terroriste. Cet amendement pourrait contrarier la délégation parlementaire au renseignement qui a accès à des informations classées « secret défense ». Retrait.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

Mme Nathalie Goulet.  - Certes, mais il faut bien faire évoluer les outils de déradicalisation. Sans cela, on ne saura jamais s'ils sont efficaces. (Mme Esther Benbassa approuve)

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Lors des appels d'offre, le ministère procède à des évaluations. La porte du ministère est ouverte aux sénateurs intéressés.

L'amendement n°II-281 est retiré.

ARTICLE 26 État D

Mme la présidente.  - Amendement n°II-324, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Radars

5 000 000

5 000 000

Fichier national du permis de conduire

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

Désendettement de l'État

TOTAL

5 000 000

 

5 000 000

 

SOLDE

+ 5 000 000

+ 5 000 000

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Cet amendement augmente les mesures de l'Antai pour piloter la nouvelle application de recouvrement des amendes. Retrait.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Avis favorable.

L'amendement n°II-324 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-174, présenté par M. Delahaye, au nom de la commission.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Radars

5 250 000

5 250 000

Fichier national du permis de conduire

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

5 250 000

5 250 000

Désendettement de l'État

TOTAL

5 250 000

5 250 000

5 250 000

5 250 000

SOLDE

0

0

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - La commission des finances propose d'installer seulement 53 radars « vitesses moyennes » au lieu de 107 et 11 radars « chantiers » au lieu de 22, pour augmenter les crédits du programme 754 destinés à l'équipement des collectivités territoriales de 5,25 millions d'euros.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Le Gouvernement ne partage pas ce diagnostic. Les radars de contrôle, mobiles, sont installés sur des sections dangereuses. Leurs résultats sont bons.

M. Jean-Claude Requier.  - Les forces de l'ordre doivent protéger les gens, lutter contre le terrorisme et les cambriolages ! Je ne suis pas pour la multiplication des radars, dont un bon nombre sont installés dans de magnifiques lignes droites sans danger. Je voterai l'amendement de M. Delahaye.

M. Roger Karoutchi.  - Je le voterai aussi et pourtant je n'ai pas le permis de conduire...

L'amendement n°II-174 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-172, présenté par M. Delahaye, au nom de la commission.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations

d'engagement

Crédits

de paiement

+

-

+

-

Radars

Fichier national du permis de conduire

13 100 000

13 100 000

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

Désendettement de l'État

13 100 000

13 100 000

TOTAL

13 100 000

13 100 000

13 100 000

13 100 000

SOLDE

0

0

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Nous supprimons les crédits relatifs à l'envoi de lettres d'information relatives au retrait ou à la restitution de points : 15 millions de lettres sont envoyées chaque année pour un coût de 13,1 millions d'euros pour l'État.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Toutes les lettres ne peuvent être supprimées, comme celles annonçant le retrait du permis de conduire. De plus, cet amendement suppose un effort accru de dématérialisation, auquel nous ne sommes pas prêts. S'il était adopté, nous passerions une année pleine sans donner la moindre information en la matière.

L'amendement n°II-172 n'est pas adopté.

Les crédits du compte spécial sont adoptés.

L'amendement n°II-175 est retiré.

Suspendue à 16 h 45, la séance reprend à 16 h 55.

Retrait d'une question orale

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la question orale n°1296 de M. Michel Savin est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

Questions prioritaires de constitutionnalité (Renvoi)

Mme la présidente.  - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 30 novembre 2015, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant, d'une part sur le 4° bis du IV de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales (Organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre) et, d'autre part sur l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés, en tant qu'il a été modifié par le I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013, et du II du même article 52 (Allocation de reconnaissance).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la Séance.

Projet de loi de finances pour 2016 (Seconde partie - Suite)

Immigration, asile et intégration

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Pourquoi ne suis-je pas un rapporteur spécial heureux ? Alors que j'ai voté avec bonheur les crédits de la mission sécurité, les crédits de l'immigration, asile et intégration n'ont pas été remis à plat. Certes, le Gouvernement fait des efforts ! Il crée des places en Cada, augmente un peu les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra)...

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - « Un peu » ?

M. Roger Karoutchi.  - Mais face à la vague migratoire, nous restons loin du compte. La France accueillera sans doute 80 000 demandeurs d'asile en 2015, soit 15 000 de plus qu'en 2014.

L'État a une grosse dette à Pôle emploi au titre de l'Allocation pour demandeur d'asile (ADA). En dépit de ses moyens supplémentaires, l'Ofpra n'aura pas les moyens de tenir les délais d'examen de tous les dossiers.

Quant à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), on a ajouté ici ou là des moyens mais en réalité très peu au regard des besoins. L'Allemagne, elle, met 10 milliards de plus.

Le ministre de l'économie suggère un fonds franco-allemand pour les réfugiés. J'ignore ce qu'il compte en faire...

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Rien, bien sûr...

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial.  - ...mais cela ne suffira pas. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Pour le moment, je ne vois pas arriver les hot spots ni les mesures de contrôle des flux et des entrées. On ne traitera pas la crise migratoire avec des crédits passant de 700 à 800 millions d'euros. Nous le savons déjà, la sous-budgétisation nous obligera à voter des rallonges d'autant que l'État a une dette envers Pôle emploi. Je ne m'explique pas que vous vous refusiez à réévaluer le nombre de réfugiés que nous devons de toute façon accueillir et intégrer : ils seront nécessairement 90 000 ou 95 000 en 2016. Rien n'est tout blanc ni tout noir.

Tout en reconnaissant l'effort du Gouvernement, je ne peux pas recommander l'adoption de ces crédits.

Mme Esther Benbassa, rapporteure pour avis de la commission des lois pour l'asile .  - Ce budget est marqué par ce qu'il est convenu d'appeler la crise migratoire mais aussi par la réforme du droit d'asile.

Plus de places en Cada mais aussi de postes à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et à l'Ofpra. À cette occasion, puis-je déplorer le temps d'attente, en Ile-de-France, pour obtenir un rendez-vous en préfecture ?

La commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits, sous réserve qu'ils soient abondés en cours d'exécution si l'afflux de personnes était supérieur à ce qui est anticipé.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'immigration, l'intégration et la nationalité .  - Ce budget a été élaboré selon des principes très différents de ceux des années précédentes. La progression des crédits dédiés à l'asile s'accompagne d'une hausse des moyens consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière et pour l'intégration. Cette évolution est en partie liée à l'anticipation de la réforme du droit des étrangers.

Une remarque, l'immigration familiale reste la première source d'immigration régulière, avec une part de 47 % ; l'immigration économique ne représente que 9 % du total, proportion stable dans le temps.

Comme chaque année, je regrette le faible recours à la vidéo-conférence et aux salles d'audience délocalisées, notamment celles de Roissy ; notre piètre connaissance de l'efficacité de la politique d'éloignement, faute d'une évaluation prenant en compte le nombre de décisions prononcées ; et l'insuffisance de moyens de l'Ofii.

Sous ces réserves, la commission des lois a donné un avis favorable à ces crédits.

Mme Natacha Bouchart .  - L'immigration ne recouvre pas totalement la problématique de la sécurité. Fille d'immigrés polonais et arméniens, je sais ce que représente la contribution d'étrangers venus le coeur plein du respect de la République et de la volonté de réussir leur vie. Maire de Calais, je sais aussi les contraintes que fait peser une immigration incontrôlée sur nos territoires.

Il y a quelques semaines, on dénombrait 6 000 migrants à Calais, contre 500 il y a trois ans. Ils sont aujourd'hui 4 400. Je ne peux pas nier l'action du Gouvernement : 26 filières démantelées en 2015 - dont 24 par la police de l'air et des frontières. Nos forces font un travail remarquable, même si les réseaux albanais subsistent.

Je ne nie pas non plus les efforts de l'État pour aménager les conditions d'accueil des réfugiés à Calais avec la signature d'une convention.

Toutefois, nous devons aussi nous donner les moyens d'enregistrer les empreintes de ceux qui stationnent ou résident dans notre pays. (Mme Nathalie Goulet approuve) Devant le défi de la sécurité et de la crise migratoire, pouvons-nous nous en remettre au hasard ? Cette politique d'enregistrement systématique suppose des moyens qui manquent aujourd'hui. Elle dit s'accompagner d'une politique ferme de reconduite à la frontière et l'expulsion sans délai des no landers, étrangers qui attisent la discorde dans notre pays. Ce sont les mêmes qui ont jeté le trouble place de la République à Paris ce week-end : les expulser immédiatement est impératif. (Applaudissement sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Dans un entretien à un grand quotidien allemand, le Premier ministre a demandé que l'Europe cesse d'accueillir des réfugiés en raison de la crise des djihadistes, car deux des tueurs du 13 novembre seraient parvenus sur notre sol en se fondant parmi les migrants. L'amendement du Gouvernement sur cette mission confirme cette attitude. Les crédits, augmentés de 14 millions d'euros, viseraient notamment à renforcer l'armement de hot spots en Italie et en Grèce. Si nous nous réjouissons de la hausse du budget de cette mission, nous ne pouvons pas souscrire à cette politique qui télescope sécurité et immigration. Ne l'oublions pas, si quelques terroristes se sont glissés dans le flux des migrants, la majorité des réfugiés fuient la guerre et la misère et demandent l'asile. Si cette action est dotée de 7,4 % des crédits de la mission, elle reste sous-budgétée.

De manière générale, nous déplorons que l'accent soit mis sur la lutte contre l'immigration irrégulière aux dépens du droit d'asile, dans la lignée de la politique du gouvernement précédent. La création de 3 500 places d'accueil en 2016 et 2 000 en 2017, portant le nombre total de places à 33 000 en 2016 pour 70 000 demandes d'asile, et un traitement des dossiers par l?Ofpra ramené à 200 jours, seront bien insuffisants au regard des enjeux.

Le président Hollande s'était engagé à ne plus placer d'enfants en Centre de rétention administrative (CRA) ; sa promesse n'est pas respectée. En matière d'intégration et d'accès à la nationalité, la logique du gouvernement précédent n'est pas non plus remise en cause, bien que les crédits de cette action progressent de 20 % pour atteindre 10 % du total de la mission. Le contrat d'intégration ne change pas d'esprit.

Le groupe CRC, déplorant l'insuffisance des crédits et le virage idéologique qui se dessine, ne votera pas ces crédits.

M. Jean-Yves Leconte .  - Apprendre par SMS qu'une bombe a explosé, attendre impuissant des nouvelles de ses proches, nous l'avons vécu vendredi dernier. C'est le quotidien de ces réfugiés qui tentent de nous rejoindre. Voilà comment il faut aborder cette belle politique humaniste de l'asile.

Ce budget traduit la réforme du droit d'asile de juillet 2015. Elle donne des fruits : le taux de reconnaissance à l'Ofpra est passé de 44 à 77 % et en première instance, la baisse du stock est de 20 %, le nombre d'agents est passé de 420 à 525.

Je salue ce qui a été fait à Calais depuis un an et l'instruction des demandes par notre réseau diplomatique - on pourrait faire mieux pour décharger l'Ofpra. En revanche, j'exprime des regrets sur les plateformes de premier accueil en région et l'insuffisance des moyens de la CNDA.

Comment ce budget évoluera-t-il si la France est confrontée à la hausse de la demande d'asile constatée en Europe ? Où en est-on du déploiement de la politique européenne ? Il y aurait des difficultés sur les hot spots. Il devrait y avoir un continuum entre la sortie de la Grèce et l'entrée en Macédoine.

Enfin, la sécurisation des frontières : il faut un enregistrement systématique des migrants. Est-ce positif que si peu de migrants se tournent vers la France ? Aucun budget ne peut répondre à notre devoir d'intégration, ayons-en conscience.

Le groupe socialiste votera ces crédits.

M. Guillaume Arnell .  - Selon Frontex, plus de 500 000 hommes, femmes et enfants ont été dénombrés aux frontières de l'Union européenne durant les huit premiers mois de l'année 2015. Défi de sécurité mais aussi défi humanitaire pour notre pays, et qui nécessite une approche globale, au nom du pacte républicain. Nous continuons de souscrire à la politique du Gouvernement.

Nous devons à la fois maîtriser les flux migratoires, renforcer notre attractivité et lutter contre la traite des êtres humains. La maîtrise des flux migratoires est la condition d'un bon accueil des réfugiés. En 2016, 12 % des crédits du programme 303 y sont consacrés. L'établissement d'une liste de pays sûrs, d'une procédure accélérée pour les demandes dénuées de lien avec un besoin manifeste de protection, la réduction des délais d'éloignement, tout cela va dans le bon sens.

L'immigration irrégulière touche depuis longtemps les territoires ultra-marins. À Saint-Martin, on vient d'arrêter trois hommes en possession de faux passeports néerlandais, ils sont suspectés de provenir de Syrie. Le problème de la liberté de circulation se pose sur l'ensemble du territoire national.

La France doit rester un pays d'accueil où les étrangers sont accueillis dignement. L'effort doit être soutenu. À Saint-Martin, la population a triplé en vingt ans avec l'arrivée d'Haïtiens et de Dominicains. Leur intégration ne sera réussie que si nous sommes capables de bâtir un projet commun.

En s'interrogeant sur les moyens dévolus aux collectivités territoriales qui créent des places d'accueil, le groupe RDSE votera ces crédits. N'oubliions jamais que, derrière les chiffres, il y a toujours des êtres humains. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Nathalie Goulet .  - Comme Mme Bouchart, je suis issue de l'immigration. L'équation politique et budgétaire après les attentats me donne une envie folle de m'exprimer sur ce sujet. On a même entendu dire à cette tribune que les immigrés d'hier étaient les terroristes d'aujourd'hui : inacceptable...

Nous devons créer des bureaux communs avec l'Espagne ou l'Italie pour traiter les dossiers dont le nombre ira croissant ; et des antennes de l'Ofpra dans des points de passage importants comme Nice et Strasbourg.

La non-budgétisation systématique des crédits dévolus à l'hébergement d'urgence et aux allocations est inacceptable. M. Karoutchi l'a dit. Les crédits sont systématiquement inférieurs de 40 % à la consommation constatée l'année précédente...

Où en est-on de l'identification des réfugiés provenant de Syrie et d'Irak ? Je posais cette question dès le 22 octobre 2015, bien avant les attentats. Nous devons y répondre, sans quoi les partis non démocratiques s'engouffreront dans cette brèche. Et l'on prévoit déjà un score fleuve pour le FN aux prochaines élections... Nous n'en voulons pas.

Mme Esther Benbassa .  - Nous devons réussir la réforme du droit d'asile, dont le groupe écologiste se réjouit, dans une situation budgétaire difficile.

La sous-budgétisation des crédits d'hébergement d'urgence pèse sur l'accueil des réfugiés. Il est regrettable que le Conseil d'État ait dû condamner la France pour avoir à Calais, dans la « jungle », laissé vivre des personnes dans des conditions s'apparentant à des traitements inhumains et dégradants.

Très exactement, 134 personnes ont été transférées au CRA de Vincennes. Le dernier convoi date du 15 novembre. Les Syriens, Irakiens et Erythréens demeurent seuls enfermés. Ils sont arrivés là alors qu'ils étaient sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) délivrée par la préfecture du nord ; mais le ministre Cazeneuve justifie leur maintien en rétention par la nécessité d'établir leur identité ! Les personnes de ces nationalités ne sont en outre pas expulsables. Seul un réfugié albanais a été éloigné. Alors pourquoi les retenir ? J'espérais une réponse de M. Cazeneuve, mais peut-être pouvez-vous me la fournir, madame Valter ?

Malgré ses réserves, le groupe écologiste votera les crédits de cette mission.

M. André Trillard .  - Avant les évènements tragiques du 13 novembre, nous faisions face à une crise migratoire d'une ampleur exceptionnelle. S'il est difficile d'anticiper les inflexions de la politique européenne, les frappes contre la Syrie provoqueront de nouvelles vagues de migrants, rendant obsolètes les hypothèses sur lesquelles ce budget est construit. Comment vous préparez-vous à ces nouveaux flux ?

La générosité des Français envers les réfugiés appelle de la part de la commission des finances une politique plus résolue contre l'immigration irrégulière. La réforme du droit d'asile ne crée-t-elle pas un appel d'air ? La France dépense 13 000 euros par réfugié avant l'obtention du droit d'asile, 5 500 euros par débouté. Les Français ne veulent plus d'une politique laxiste. Comment le Gouvernement compte-t-il renforcer l'effectivité des mesures d'éloignement ? Le groupe Les Républicains a fait nombre de propositions au rang desquelles l'immigration familiale plus encadrée, une assignation à résidence renforcée, des quotas annuels votés par le Parlement. En vain...

En refusant de développer une vraie politique commune, l'Europe a perdu de son leadership et s'est mise sous la coupe des trafiquants... Le trafic des migrants est le troisième trafic mondial après celui de la drogue et des armes.

Pour l'heure, l'Europe n'a ni politique migratoire commune, ni droit d'asile unifié, ni même de budget pour l'accueil. Sa seule intervention consiste à financer la lutte contre l'immigration clandestine avec Frontex et l'opération Triton. La reconstitution des allées et venues des terroristes du 13 novembre a montré avec quelle efficacité ! En quinze ans, 13 milliards ont été consacrés à cette politique par Bruxelles sur un budget de 142 milliards d'euros : c'est peu...

Il faut, à l'évidence, revoir Schengen, sans regret pour le passé, puisque même sans libre circulation en son sein, l'Europe serait la principale destination des migrants, pour d'évidentes raison géographiques et économiques. Il est urgent de renforcer la sécurisation de nos frontières maritimes et terrestres, faute de quoi chaque État fermera les siennes et nous reculerons !

Cela suppose de s'entendre sur une liste de pays sûrs. Il faudra aussi harmoniser les délais de validité de nos titres de séjour. Pourquoi dix ans pour l'asile politique en France contre cinq ans ailleurs ? Sur tous les sujets, nous attendons votre éclairage, madame la Ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Philippe Kaltenbach .  - J'insisterai sur le volet immigration/intégration. Le budget témoigne que le Gouvernement a pris toute la mesure de la question ; la politique est équilibrée, entre l'accueil et l'intégration de l'immigration régulière d'une part, la maîtrise des flux et la lutte contre l'immigration clandestine d'autre part.

Les crédits d'intégration progressent de 20 %, au service d'un objectif ambitieux, concrétisé par un contrat d'intégration renouvelé ; celui-ci insiste sur la maîtrise de la langue française - niveau A1 la première année, A2 au bout de cinq ans -, sur les valeurs de la République et personnalise l'accompagnement vers la formation et l'emploi. Les cartes de séjour pluriannuelles sont la preuve de la volonté du Gouvernement de favoriser une amélioration de l'intégration.

Certains partis comme le FN continuent à faire des immigrés des boucs émissaires. En réalité, 80 000 des 200 000 annuelles sont le fait du regroupement familial, pour l'essentiel d'étrangers rejoignant leur conjoint français, 60 000 sont le fait d'étudiants, et bien peu, quelques milliers, relèvent de motifs économiques, le reste correspondant à un accueil humanitaire.

L'immigration liée au travail s'est presque tarie depuis 1974, mais cela n'empêche pas certains de stigmatiser les nouveaux arrivants, à des fins électoralistes...

L'OFII voit ses crédits augmenter de près de 10 % ; ceux destinés aux actions d'accompagnement progressent de 15 %. Il faut s'en féliciter.

S'agissant de la maîtrise des flux, et de la lutte contre l'immigration irrégulière, les 76 millions d'euros dédiés - en hausse de 20 % - permettront de rendre plus effectives les reconduites à la frontière et les assignations à résidence qui en sont parfois le préalable.

Le ministre de l'intérieur a rappelé les actions conduites pour démanteler les réseaux...

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Philippe Kaltenbach.  - Le groupe socialiste votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification .  - La République est confrontée à des défis majeurs, dont la situation migratoire sans précédent. Le législateur a adopté d'importantes réformes en 2015, que ce budget traduit concrètement.

Le Gouvernement fait de plus de cette mission une réponse à la menace terroriste et je vous proposerai un amendement traduisant le pacte de sécurité voulu par le président de la République.

Le Gouvernement, pour accueillir 30 700 réfugiés, conformément à ses engagements européens, dotera l'Ofii et l'Ofpra de 126 et 100 postes supplémentaires, les préfectures et la direction générale des étrangers en France bénéficieront respectivement de 30 et de 10 renforts.

La France mettra 18 personnes à la disposition du bureau européen de l'asile et 60 de Frontex pour l'armement des hot spots.

La loi du 29 juillet 2015 a réformé notre système d'asile : 23 100 places d'hébergement seront créées d'ici 2017. Les crédits dédiés augmenteront de 7,8 % en crédits paiement et 9,6 % en autorisations d'engagement.

L'État soutiendra exceptionnellement les communes volontaires, comme je l'ai annoncé à 700 maires le 12 septembre, à hauteur de 1 000 euros par place d'hébergement créée - soit 15 millions d'euros au total - et au moyen d'un fonds de soutien à l'investissement local de 50 millions d'euros.

Les crédits du programme accueil et intégration augmenteront de 20 % et ceux de l'Ofii  de 40 % pour renforcer le programme d'accueil et d'apprentissage de la langue française. Les moyens dédiés à la sécurisation des frontières et à la lutte contre le terrorisme seront également renforcés, conformément au souhait du président de la République, à hauteur de 13,8 millions d'euros.

Face à la menace, nous devons garantir à nos services les moyens de mener une politique d'accueil et d'intégration, essentielle à l'affirmation de nos valeurs républicaines.

Madame Bouchart, le ministre de l'intérieur est très attentif à la situation de Calais. Les maraudes et patrouilles ont été multipliées ; cinquante procédures sont engagées chaque jour ; l'effort de surveillance n'est pas relâché.

Monsieur le rapporteur spécial, l'Ofpra bénéficie de 100 renforts, l'Ofii de 126, qui seront utiles dans la mise en place des hot spots. Notre amendement les porte respectivement à 115 et 135.

Madame Goulet, la prise des empreintes est réalisée dans le pays d'entrée en Europe, qui effectue en parallèle un criblage par rapport aux fichiers internationaux. La France procède de même à l'égard des demandeurs d'asile, en vérifiant également le fichier des personnes recherchées.

Madame Benbassa, la préfecture du Pas-de-Calais a pour pratique de ne pas éloigner les personnes de nationalité syrienne avérée ; mais celle-ci n'est parfois pas démontrée, voire arguée de manière frauduleuse. La France a la durée de rétention la plus brève en Europe ; celle-ci fait l'objet d'un contrôle juridictionnel et les personnes visées peuvent toujours faire une demande d'asile.

ARTICLE 24 (État B)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-255, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

12 825 590

 

12 825 590

 

Intégration et accès   à la nationalité française

941 755

 

941 755

 

TOTAL

13 767 345

 

13 767 345

 

SOLDE

+ 13 767 345

+ 13 767 345

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - Dans le cadre du pacte de sécurité annoncé par le président de la République devant le Congrès, le Gouvernement souhaite accélérer l'effort déjà engagé de renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme, de sécurisation des frontières et de sécurisation générale de notre pays ; cet amendement crée 5 000 postes supplémentaires d'ici 2017 au sein de l'ensemble des services du ministère de l'intérieur qui concourent à la sécurité de nos concitoyens.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial.  - J'ai proposé à la commission des finances de s'abstenir sur cet amendement ; elle l'a adopté. Or il ne correspond pas à ce que nous attendons : la mission reste sous-budgétée, compte tenu de la hausse du nombre de migrants. Quelques millions d'euros de plus ? Pourquoi pas, ai-je envie de dire, mais cela ne suffira pas.

Mme Nathalie Goulet.  - Je suivrai le rapporteur spécial : les points à renforcer ne le sont pas vraiment. On ne refusera pas des crédits supplémentaires que l'on réclame, mais leur sous-budgétisation et leur ciblage insuffisant emporteront notre abstention. Il conviendrait de travailler plus profondément sur la rupture du lien citoyen, et donc de renforcer l'intégration.

Mme Esther Benbassa.  - « Le renforcement des systèmes d'information et la sécurisation des frontières » justifient cet amendement, selon le Gouvernement. Mais le groupe écologiste s'interroge sur l'affectation exclusive de ces nouveaux moyens au seul volet sécuritaire, alors que l'arrêt récent du Conseil d'État a fait de la crise sanitaire de la jungle de Calais une crise judiciaire...

Que faut-il entendre, par ailleurs, par « armement » des hot spots ?

M. Richard Yung.  - Ces 13 millions d'euros ont vocation à aider la mise sur pied des hot spots. Il est normal que nous aidions l'Italie et surtout la Grèce à instaurer ces points de contrôle.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je voterai aussi cet amendement, mais ces 13 millions pour renforcer le contrôle et la sécurisation des frontières ne remplaceront jamais une bonne coopération européenne, au moyen d'un PNR par exemple.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La France, corédactrice originelle de la Convention de Genève sur la protection des demandeurs d'asile, a une certaine expérience de leur accompagnement.

Nous craignons que ces choix budgétaires fassent de l'Ofpra l'auxiliaire des politiques sécuritaires. Au risque de dénoter dans ce concert d'approbation, nous voterons contre.

L'amendement n°II-255 est adopté.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les crédits de la mission, mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.

Administration générale et territoriale de l'État

M. Hervé Marseille, rapporteur spécial de la commission des finances .  - L'administration préfectorale s'est engagée depuis plusieurs années dans un mouvement de réforme profond, qui se poursuivra et s'amplifiera en 2016. Le nombre de régions est passé de 22 à 13 ; les conséquences pratiques et budgétaires de cette réorganisation sont encore incertaines. La carte des sous-préfectures est également floue : où en est le calendrier de cette réforme, madame la ministre, dont la concertation a été interrompue par les élections régionales ?

L'importance de la présence de l'État dans les territoires infra-départementaux a été pourtant unanimement soulignée...

Les missions des préfectures continueront également d'évoluer, dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération » présenté le 9 juin 2015, qui désengage les préfectures des missions de « guichet » relatives à la délivrance de titres, comme les certificats d'immatriculation des véhicules ou les permis de conduire, grâce au recours à des tiers de confiance, à des procédures dématérialisées, et à la création de plateformes régionales d'instruction des demandes. Tout cela doit permettre de renforcer quatre missions prioritaires, dont la sécurité et l'ordre public.

Au lendemain des attentats, il a été annoncé que 185 postes sont créés en préfecture pour lutter contre la radicalisation. Mais au total, ils diminuent car le projet de loi de finances prévoit la suppression de 200 postes ! J'imagine que les postes créés ne remplaceront pas ceux qui sont supprimés...Pouvez-vous nous apporter des précisions, madame la ministre ?

L'absence d'élections en 2016 justifie une forte réduction des crédits consacrés à leur financement. J'ai présenté récemment à la commission des finances les conclusions du contrôle budgétaire que j'ai mené sur le coût de l'organisation des élections. J'ai proposé d'expérimenter la dématérialisation de la propagande électorale à l'occasion de l'élection présidentielle de 2017. Je reste en revanche attaché à l'envoi papier pour les élections locales, par nature moins médiatisées. Il me paraît également urgent de revoir le système d'inscription sur les listes électorales, source de nombreux dysfonctionnements et d'incohérences, et de dématérialiser totalement les demandes de vote par procuration.

Les réductions d'effectifs sur les missions support nous inquiètent. Pouvez-vous préciser l'emploi des crédits ?

Sous ces quelques réserves, la commission des finances a proposé d'adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration territoriale .  - Cette mission retrace des moyens indispensables au fonctionnement de l'État dans les territoires que nous représentons ici ; fonder un jugement argumenté en trois minutes tient de la gageure...Aussi m'en tiendrai-je, en moins de temps encore, à la conclusion de la commission.

Estimant que ce budget pose plus de questions qu'il n'apporte de réponse, la commission des lois a émis un avis défavorable. Pour plus de détails, je vous invite à vous reporter au rapport écrit et à attendre ma brève contribution au nom, cette fois, de mon groupe... (Rires)

M. Christian Favier .  - Faire des économies sur les dépenses publiques : tel est le leitmotiv de ce débat, placé sous l'injonction permanente de la Cour des comptes et le regard sourcilleux de la Commission européenne, alors que les missions de l'État sont constamment rognées par la RGPP, les « schémas d'emploi » et à présent la « modernisation des administrations publiques ».

Plusieurs chantiers affectent directement cette mission : la loi de « modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles » et celle portant « nouvelle organisation territoriale de la République », remanient profondément les missions des collectivités territoriales.

La remise en cause de la carte régionale, donc de celle des préfectures et sous-préfectures, casse les équipes, oblige une partie du personnel à déménager du jour au lendemain - à ceux qui décrient volontiers le statut de la fonction publique, je demande : comment une telle mutation pourrait-elle être conduite dans le privé en respectant le code du travail ?

Je doute que ce budget, en baisse de 1,7 %, relève le défi de l'amélioration des services rendus aux administrés censé être l'objectif du plan « préfectures nouvelle génération ». Mon groupe ne votera pas les crédits de cette mission.

Je regrette enfin que de telles réformes, bien que non législatives, mais qui ont des effets si directs dans nos territoires, puissent être engagées sans même que le Sénat en soit saisi. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et RDSE)

M. Philippe Kaltenbach .  - Les crédits destinés au soutien à la vie politique, cultuelle et associative subissent une baisse importante mais justifiée.

Sur la propagande électorale, je reste favorable à des documents imprimés et envoyés par courrier. Prôner sa dématérialisation revient à sous-estimer ou ignorer la fracture numérique et à nuire à l'accès au droit de vote de nos concitoyens.

Sur la conduite et le pilotage de la politique de personnel du ministère de l'intérieur, l'affectation des crédits aux priorités décidées dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme explique l'essentiel des modifications : ainsi, 67 postes sont créés pour sécuriser les systèmes d'information des préfectures, mais aussi pour renforcer le contrôle et la traçabilité des armes.

Le budget de l'administration territoriale de l'État mobilise des moyens nouveaux au service de la lutte contre le terrorisme. Ce sont 185 postes qui sont dédiés, en préfecture, à ces actions, notamment à la lutte contre la radicalisation et la fraude documentaire.

La mise en place de plateformes régionales, inter-régionales et nationales des titres permettra de mutualiser des fonctions dans le domaine des cartes d'identité, des passeports, des permis de conduire ou des cartes grises.

La rationalisation, la dématérialisation et la numérisation de ces services permettra de déployer des personnes sur le terrain, et de renforcer la spécialisation métier.

Les sous-préfectures seront supprimées là où les conditions démographiques l'exigent ; certaines seront créées là où les besoins l'imposent.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est l'effet Matthieu !

M. Philippe Kaltenbach.  - Bref le maillage des services territoriaux est amélioré...

Mme Nathalie Goulet.  - Ce n'est pas sûr !

M. Philippe Kaltenbach.  - Il faudra bien sûr tenir compte des fusions régionales et des spécificités territoriales dans la refonte de la carte administrative.

Ce budget permet à l'État de se recentrer sur son coeur de métier et d'adapter son maillage à la réalité du territoire - grâce aux missions de service public. Le groupe socialiste votera ces crédits.

M. André Gattolin .  - Je profite des crédits dédiés à la sécurisation informatique pour rappeler l'urgence à doter les préfectures et les administrations de moyens adéquats pour parer les attaques informatiques. Nous en avons subi ; elles pourraient se reproduire avec des conséquences accrues à cause du développement de l'e-administration.

En 2015, le budget consacré aux élections s'est élevé à 361 millions d'euros. Dématérialiser la propagande électorale, c'est ignorer la réalité de la fracture numérique. Il faudra passer d'une logique de pull à une logique de push, comme l'on dit en langage informatique.

L'abstention a progressé de vingt points en trente ans, et l'inversion du calendrier électoral favorise la bipolarisation de la vie politique au détriment du pluralisme. Conséquence : les ressources publiques allouées aux petites formations se sont réduites comme peau de chagrin... (MM. François Marc et Pierre-Yves Collombat applaudissent)

Mme Nathalie Goulet .  - Un mot sur la fraude documentaire d'abord. Une convention signée avec la Turquie dort depuis cinq ans dans les tiroirs de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale présidée par Mme Guigou. Sa ratification permettrait d'avancer sur le trafic de faux vrais passeports, prélevés sur des soldats Syriens morts au combat, endémique en Turquie. J'en suis la rapporteure, j'attends son examen comme les enfants attendent Noël !

Ma deuxième observation, en un temps aussi court, concerne l'action n°6 du programme 232. Je déposerai un amendement destiné à mieux encadrer l'activité des associations d'accompagnement des familles de jeunes radicalisés. Je suis vigoureusement hostile à la formation des imams en dehors de nos frontières. Nous voulons un islam en France qui soit un islam de France. La loi de 1905 nous permet d'agir : traçons plus efficacement la viande hallal, dont les circuits opaques concernent trois mosquées, travaillons avec le Conseil français du culte musulman (CFCM) pour former dans notre pays des ministres du culte conscients de nos valeurs, connaissant nos institutions, notre société et accessoirement, notre langue. Ainsi, nous ne ferons pas peser sur les 99,9 % de la communauté musulmane qui est parfaitement à sa place dans notre République une stigmatisation d'autant plus injuste qu'elle est due à une poignée de radicalisés, dont 30 % sont des convertis.

Dotons-nous d'un islam de France, d'imams connaissant nos principes et nos valeurs. C'est aussi un moyen de lutter contre la stigmatisation.

M. Pierre-Yves Collombat .  - Je me limiterai à deux sujets. D'abord, la réorganisation des services de l'État. Elle s'est faite dans l'ignorance des futurs conseils régionaux. Dans le but - louable - de réduire les pertes de capital symbolique, le Gouvernement a tourné le dos aux économies d'échelle en maintenant certaines équipes dans les anciens chefs-lieux, et en dispensant ainsi les implantations géographiques...

Cette organisation multi-sites laisse songeur. Par exemple, un courrier adressé à l'auteure bordelaise de la direction régionale des affaires financières, installée à Limoges, arrivera d'abord à Poitiers, avant d'être envoyé à Bordeaux pour validation, puis d'arriver à Limoges... C'est l'occasion de basculer vers une administration 3.0 nous dit-on : qu'est-ce à dire ?

La réforme du statut de la fonction préfectorale ignore le lien avec les territoires et leur population. Nous ne cessons de réclamer la suppression de la position hors cadre, et des nominations dans ce corps à la discrétion du Gouvernement. Dans les trois mois précédant le passage au grade hors cadre, on compte parmi les préfets nommés : le chef de cabinet et conseiller spécial du président de la République, le chef de cabinet du Premier ministre, le chef du Service d'information du Gouvernement, etc.

Sur les quatorze nouveaux préfets, cinq seulement sont issus du corps de sous-préfets. Et au 1er octobre 2015, la moitié des préfets seulement ont une affectation territoriale.

En matière d'adéquation des talents et des besoins et de République irréprochable, on peut faire mieux ! (Applaudissements sur tous les bancs autres que socialistes)

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification .  - Le Gouvernement a engagé une réforme d'envergure avec le plan préfecture nouvelle génération, qui vise à renforcer les moyens d'actions des préfectures au quotidien, comme pour faire face aux crises.

Pour la première fois depuis 2006, nous recréons par notre amendement des postes dans l'administration préfectorale : 3 700 postes avaient été supprimés entre 2009 et 2012, date d'interruption de la baisse des effectifs.

La réforme s'articule autour de quatre axes : la lutte contre la fraude, le contrôle de légalité, la sécurité et la coordination interministérielle des politiques locales.

Un effort de formation substantiel sera lancé. Des plateformes seront créées pour accompagner la dématérialisation des délivrances de titres. Il s'agit de mieux répondre aux besoins des usagers. C'est pourquoi nous augmentons le nombre de postes.

Le plan antiterroriste donne lieu à la création de 33 postes supplémentaires au service de la direction des systèmes d'information. De même 30 ETP sont créés au sein des préfectures et 10 au sein de la direction générale des étrangers en France pour faire face aux demandes d'asile. Les services de contrôle des armes sont aussi renforcés. Au total, 370 EPT en plus dans le réseau territorial en deux ans, dont 185 dès 2016. Une négociation sur les parcours professionnels et les carrières des agents est en cours.

Le programme de conduite et pilotage des politiques de l'intérieur augmente de 1,4 % pour atteindre 614 millions. Le centre de formation de Lognes sera rénové ; 11,5 millions sont consacrés à la sécurisation des sites du ministère.

Ainsi le Gouvernement renforce les services de l'État aux niveaux central et territorial. La réforme de la carte des sous-préfectures sera menée à bien le 1er janvier 2017. Le Gouvernement entend conserver une présence de proximité de l'État, en articulant sous-préfecture, maison des services publics, services départementaux de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

ARTICLE 24 État B

Mme la présidente.  - Amendement n°II-252, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Administration territorialedont titre 2

4 909 900

4 483 475

4 909 900

4 483 475

Vie politique, culturelle et associativedont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieurdont titre 2

13 404 983

2 330 548

13 404 983

2 330 548

TOTAL

18 314 883

18 314 883

SOLDE

+ 18 314 883

+ 18 314 883

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - Cet amendement rend possible la création de 252 postes, 185 au profit du programme «Administration territoriale » et 67 au profit du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

D'autre part, il ouvre des crédits pour le fonctionnement courant associés à la création de 185 postes et pour le développement et le renforcement des systèmes d'information et de communication.

M. Hervé Marseille.  - Avis favorable à des crédits supplémentaires mais ils resteront insuffisants.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis.  - On ne peut qu'accepter cet amendement, mais il reste insuffisant pour assurer la présence de l'État sur les territoires. C'est aussi une question de symboles. La présence d'un préfet incarne l'État. Le corps préfectoral est aussi le symbole de la méritocratie, la promotion par le talent et la connaissance et non par la naissance.

M. André Gattolin.  - Je me félicite de cet amendement qui renforce la cybersécurité des services de l'État. Il faudra aussi améliorer la coopération concernant les start up innovantes. Les entreprises sont désireuses, dans le contexte actuel, de participer à l'effort national.

Toutefois, je regrette le manque de visibilité des efforts de l'État en la matière car les crédits sur la sécurité informatique sont ventilés entre différentes missions.

M. Marc Laménie.  - Je rejoins la position du rapporteur spécial. Les élus locaux se sentent de plus en plus isolés et sont attachés au maillage territorial de l'État. Mais les moyens humains dans les sous-préfectures s'amenuisent, les horaires d'ouverture sont plus étroits... Je voterai cet amendement.

M. Christian Favier.  - Cet amendement rétablit 252 postes. Nous le soutenons. Néanmoins, les missions de l'administration territoriale excédent le seul volet sécuritaire et le solde net de postes reste négatif, alors qu'il faudrait au contraire sortir du carcan austéritaire. L'effort reste insuffisant pour sortir l'appareil d'État de sa misère et lui redonner les moyens d'assurer toutes ses missions.

L'amendement n°II-252 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-278, présenté par Mme N. Goulet.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Administration territorialedont titre 2 

Vie politique, culturelle et associativedont titre 2 

150 000

150 000

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieurdont titre 2

150 000

150 000

TOTAL

150 000

150 000

150 000

150 000

SOLDE

0

0

Mme Nathalie Goulet.  - Pardon de revenir à la charge mais, si l'on n'éradique pas le djihadisme à la source, sur notre territoire, inutile de frapper Daech en Syrie !

Cet amendement crée un outil d'évaluation des résultats obtenus par les centres et associations de déradicalisation ; il faudra notamment faire attention aux effets d'aubaine. Ne laissons pas seuls les professionnels compétents et tous ceux qui font preuve de bonne volonté, comme Latifa Ibn Ziaten, qui vient de recevoir le prix de la fondation Chirac.

M. Hervé Marseille, rapporteur spécial.  - La somme prévue est à la fois trop et pas assez importante. La déradicalisation s'inscrit dans une politique globale. Retrait.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - Chacun est attaché à favoriser la déradicalisation.

Le ministre de l'intérieur s'est engagé à venir présenter devant le Parlement les résultats de son action. Les mesures de déradicalisation sont confiées à des associations et financées par un fonds interministériel de prévention de la délinquance, sur la base d'appels à projets. Dans ce cadre, les services procèderont à des évaluations. Indirectement, les informations fournies par nos services de renseignement constituent un élément d'évolution.

Aujourd'hui, 234 jeunes sont dans un processus de désengagement, et 50 sont repentis. Retrait ?

Mme Nathalie Goulet.  - J'ai bien noté l'invitation du ministre à venir rencontrer ses services. En attendant, je retire mon amendement.

L'amendement n°II-278 est retiré.

Les crédits de la mission sont adoptés.

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

La séance reprend à 21 heures.

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

M. Alain Houpert, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Il nous est proposé de doter cette mission de 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,7 milliards en crédits de paiement. Soit une contraction sensible par rapport à 2015.

Le budget 2016 est peu marqué par le plan de soutien à l'élevage : les mesures devraient être financées par le dégel de la réserve de précaution pour 2015. Le dégel a porté sur 110 millions seulement à la fin de l'été. Où en est le financement de ce plan ?

Ce dernier semble en tout état de cause insuffisant. Le Gouvernement n'en dit rien, et je déplore l'absence de toute réforme structurelle. Nous avons en conséquence déposé une proposition de loi sur la compétitivité de l'agriculture. Elle sera examinée ici le 9 décembre. Comme l'avaient diagnostiqué les auteurs d'un rapport sénatorial en 2013, notre agriculture reste trop peu compétitive et trop peu tournée vers l'export. La balance commerciale du secteur, hors vin et alcool, ne cesse de se détériorer, elle est devenue négative. Le soutien à l'export devrait être une priorité du Gouvernement, qui n'y consacre que 5,85 millions d'euros, contre 10,2 millions en 2015.

De même, les moyens alloués à la gestion des crises et des aléas ont presque disparu, passent de près de 30 millions d'euros à moins de 4 millions d'euros. Le Gouvernement fait valoir le transfert du financement de la gestion des risques, notamment l'aide à l'assurance récolte, au second pilier de la PAC mais la sincérité de la prévision me semble douteuse. Ce doute est renforcé par le niveau de nos refus d'apurement communautaires.

Ces corrections ont atteint 429 millions d'euros en 2014 et devraient s'établir à 871 millions d'euros en 2015, puis à 360 millions d'euros au moins en 2016 et 2017. Début 2015, 1,1 milliard d'euros de corrections dues pour l'année en cours et pour les deux exercices suivants ont été identifiés ; le Gouvernement a choisi de faire porter le coût des deux tranches 2015 et 2016 sur l'exercice 2015 et de reporter le versement de la troisième tranche à 2017. Pourquoi ce choix, monsieur le ministre, qui n'était pas celui présenté à la Commission européenne ? Au-delà de ces acrobaties budgétaires pour améliorer le solde en 2016, je regrette que le Gouvernement continue à recourir à des mouvements ex post pour couvrir ces dépenses, au lieu d'inscrire les dotations en loi de finances initiale.

Pour conclure, une remarque positive sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », dit Casdar. Je me félicite de l'augmentation du financement d'actions par des appels à projets : ils représentent 29 % des crédits du compte, contre 12,82 % en exécution 2014. Je plaide pour la poursuite de cette orientation. Mais la justification des dépenses reste encore insuffisante pour s'assurer que les crédits ne sont pas distribués en vertu d'une logique d'abondement par les organisations par lesquelles ils transitent.

En conclusion, la commission des finances vous propose de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », mais d'adopter ceux du compte spécial.

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Ma conclusion sera différente : le budget est fiable et répond globalement aux responsabilités du Gouvernement en la matière.

M. Didier Guillaume.  - C'est beaucoup plus objectif !

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial.  - Alain Houpert et moi-même avons rendu récemment un rapport sur la filière bois, dont les conclusions restent d'actualité ; l'audition des responsables du pôle de compétitivité Xylofutur l'a confirmé.

Les crédits du programme 149 « Forêt » sont quasi-stables en 2016, la légère diminution s'expliquant par la réduction de la subvention à l'Office national des forêts (ONF). Justifiée par le redressement des cours du bois, celle-ci n'est pas entièrement compensée par la réinscription au budget de la subvention au Centre national de la propriété forestière (CNPF). Ce dernier n'avait pas bénéficié de dotation en 2015 et avait dû se financer sur son fonds de roulement, largement excédentaire.

Le prochain contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'ONF fait l'objet d'une négociation anticipée et devrait être signé avant la fin de l'année. Les objectifs de l'opérateur en termes de mobilisation de la ressource bois seraient revus à la baisse, ce que je regrette ; toutefois, la nouvelle direction se fixe des objectifs qu'elle juge réalistes et atteignables. Le nouveau COP prévoit une stabilisation des moyens en personnel et le retour à l'équilibre financier.

À la fin de l'année 2015, le CNPF, autre opérateur majeur du programme « Forêt », pourrait faire face à des problèmes de trésorerie. Au Gouvernement d'anticiper ces difficultés.

Les onze dépenses fiscales rattachées au programme 149 représentent un coût total de 113 millions d'euros. Les deux plus coûteuses sont les exonérations au titre de l'ISF et les droits de mutation à titre gratuit, 20 millions d'euros chacune. Le coût du dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (Defi) devrait être de 9 millions d'euros. Son efficacité est soulignée par les professionnels. Il serait pertinent de rééquilibrer progressivement les soutiens publics vers les mesures incitatives, Defi ou compte d'investissement forestier et d'assurance (Cifa).

Les actions du programme 206, consacré au fonctionnement de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de l'Anses seront reconduites. Ce budget comprend la création de 60 postes de contrôleur sanitaire et phytosanitaire. En deux ans, 120 postes auront été créés. Le Gouvernement ne réduit pas son exigence en matière de sécurité sanitaire.

La tuberculose bovine fait peser un risque sur l'agrément de nos produits à l'export. Le financement de ces mesures se ferait à enveloppe réduite par rapport à 2015. Or certains éleveurs ont été frappés à deux reprises par des contaminations, leur cheptel ayant dû être éliminé à chaque fois. Leur situation est insuffisamment prise en compte dans l'indemnisation et les procédures demeurent trop lourdes.

Pour conclure, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte spécial.

M. Daniel Raoul.  - Très bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - Le budget s'inscrit dans une crise majeure des filières d'élevage : embargo russe et fin des quotas pour le lait, concurrence sévère et parfois déloyale de nos partenaires européens sur le porc, contraction de la demande de viande bovine... Les crédits chutent de 300 millions en autorisations d'engagement et de 200 millions d'euros en crédits de paiement. Ce qui, rapporté aux 3 milliards de la mission, n'est pas rien.

Mais la faiblesse de ce budget résulte aussi de choix politiques, sur le fonds d'allègement des charges (FAC), notamment. Et si la crise se prolonge ?

Les crédits d'intervention de FranceAgrimer sont en apparence maintenus, mais beaucoup dépendent du compte d'affectation spéciale comme le Casdar. Il risque ainsi de manquer 10 millions d'euros, tandis que FranceAgrimer a encore 100 millions d'engagements à honorer...

Je regrette la timidité de ce budget, alors que les Assises de la fiscalité agricole ont dégagé des pistes intéressantes et consensuelles. Elles ne trouvent aucune traduction budgétaire ici.

Le budget de la mission pour 2016 manque d'ambition et la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à son adoption.

M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - Presque toutes les filières sont en difficulté. Les prix mondiaux des céréales sont ceux que vous connaissez, la crise de l'élevage est celle que vous savez... Or pour la cinquième année consécutive, ce budget est en régression.

Les agriculteurs demandent de la régulation, des garanties, des règles simplifiées, de la médiation. La gestion des risques climatiques et économiques aurait dû être votre priorité. Le fonds national de garantie des risques agricoles n'est toujours pas opérationnel. Il faudra donc subventionner le recours aux assurances à la bonne hauteur, 65 % ; or les crédits européens sont insuffisants pour financer le développement de l'assurance. Pour la promouvoir, il faudra plus que 100 millions d'euros en 2016 !

Les menaces sanitaires sont toujours vives. La précédente crise de la fièvre catarrhale ovine (FCO) avait coûté 50 millions par an ; il faudra aussi se prémunir contre le retour de la grippe aviaire.

Gardons enfin les yeux ouverts sur le Casdar, dont rien n'assure la pérennité. (Applaudissements au centre ; M. Jean-Claude Lenoir applaudit également)

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques .  - Les crédits européens représentent 9 milliards d'euros, trois fois plus que les crédits budgétaires. Les collectivités contribuent à hauteur de un milliard. C'est la mobilisation de tous les acteurs qui permet de répondre à la crise et de prendre des mesures structurelles.

Le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles est ainsi financé par l'État, les régions et les collectivités, 350 millions d'euros par an sur les trois prochaines années, pour lever un milliard d'euros. Le PIA affecte 120 millions d'euros à la montée en gamme dans les filières et la transformation - une partie de l'enveloppe sera affectée aux abattoirs, une autre aux serres. Il faudra aussi avancer vers l'agroécologie, qui associe excellence économique et excellence environnementale, un nouveau modèle durable et de proximité. C'est le rôle du Casdar.

L'installation des jeunes agriculteurs a un rôle stratégique. Le département des Pyrénées-Orientales est particulièrement attractif, grâce à la mobilisation des crédits européens et des prêts bonifiés. La commission des affaires économiques est défavorable à l'adoption des crédits mais j'estime que c'est un bon budget, qui ne sacrifie aucune des priorités du quinquennat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Michel Le Scouarnec .  - C'est un constat : l'agriculture souffre d'un déficit de compétitivité structurel. Malheureusement, les autorités ont abdiqué devant les grandes centrales d'achat et le vaste mouvement de dérégulation européenne et mondiale. Alors que la volatilité des prix s'aggravait, les outils de régulation des marchés ont peu à peu été abandonnés ; il ne faut plus compter que sur ses seules performances pour tirer son épingle du jeu. Le libéralisme est une course sans fin aux prix les plus bas.

Le désarroi règne. Or les moyens ne sont pas à la hauteur des besoins, quand il faut une vraie réorientation en faveur de l'agroécologie, assurant production de qualité et revenu digne pour les agriculteurs.

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une baisse de 9 % des autorisations d'engagement et de 6,5 % des crédits de paiement. Le budget représente 20 % des concours publics en faveur de l'agriculture. Les crédits de gestion des crises et des aléas sont sérieusement amputés, alors que nous venons de vivre une sécheresse, la crise sanitaire de la FCO et la chute des prix. Comment comprendre que l'on abandonne tous les outils que l'on devrait conforter ?

La hausse des crédits européens compense-t-elle la baisse des crédits nationaux ? Peut-être, mais la nouvelle PAC sera dépourvue de moyens de régulation. La Confédération paysanne a déposé des recours devant le Conseil d'État remettant en cause les planchers de la PAC. Le budget 2016 ne met pas à la disposition du monde agricole les outils de sa survie.

Dans le programme 149, les crédits dédiés à la forêt baissent, ce qui va à l'encontre de tous les rapports remis depuis des années. L'État se désengage et fait supporter les coûts par d'autres acteurs. L'ONF, asphyxié, est en situation de survie. Le Fonds stratégique de la forêt et du bois est sous-doté. Alors que se tient la COP21, la France aurait dû montrer l'exemple. Nous ne voterons pas ces crédits. Je viens d'apprendre que l'Éthiopie plante des millions d'arbres. Voilà ce qu'il faut faire. (Applaudissements sur les bancs communiste républicain et citoyen ; M. Didier Guillaume applaudit également)

M. Joël Labbé .  - Le président Guillaume me le disait à l'oreille : M. Le Souarnec a un discours écologiste ! Je m'en félicite.

M. Didier Guillaume.  - Je m'inquiète pour vous : il grignote votre fonds de commerce !

M. Joël Labbé.  - Tant mieux. Pour nous, l'avenir de l'agriculture est à l'exploitation familiale respectueuse de l'environnement, à la relocalisation alimentaire, à la remise en place de la polyculture associée à l'élevage, etc... Monsieur le ministre, j'ai suivi avec attention vos réponses à l'Assemblée nationale. Néanmoins, pouvez-vous préciser les nouvelles modalités du soutien des départements aux agriculteurs en transition vers le bio ? Attention à la rupture d'égalité entre agriculteurs de départements différents, car tous ne voudront pas contractualiser avec la région.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Certes...

M. Joël Labbé.  - Dans les arbitrages budgétaires, les mesures qui nous tiennent à coeur sont préservées, mesures environnementales et climatiques, pour 72 millions, revalorisation du Casdar, renforcement de l'Agence bio et du Fonds d'avenir bio, aide à l'installation de 6 000 agriculteurs par an, tout cela est fondamental.

Les nouveaux projets alimentaires territoriaux auraient mérité un financement spécifique, pour des montants importants. Je renouvelle mon souhait que le Gouvernement se penche sur les aménités positives et les externalités négatives de chaque type d'agriculture - pollution de l'air, de l'eau, pollinisateurs, etc...

Mme Blandin a questionné Thierry Mandon sur l'Institut agronomique vétérinaire et forestier de France. Il nous a renvoyés vers vous concernant la définition des missions. Avec 688 500 euros, cet opérateur est bien peu doté.

La transition agricole devra être accélérée. L'agroécologie est la solution d'avenir, tant pour nourrir la planète que pour lutter contre les dérèglements climatiques.

Vous présenterez demain à la COP21, monsieur le ministre, le programme « 4 pour 1 000 ». La réhabilitation des sols vivants par les pratiques écologistes se développe partout. Nous serons vigilants pour éviter une récupération par les entreprises de l'agrochimie et de l'agrobusiness, qui promeuvent notamment une prétendue « agriculture climato-intelligente »... Les productions agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres. J'espère que nous avancerons vers une gouvernance mondiale de l'alimentation. Si ce budget n'est pas trop écorné lors du débat, nous le voterons.

M. Jean-Claude Requier .  - L'agriculture mondiale est partie prenante du défi climatique : à la fois sur le plan du développement durable, et en tant qu'elle nourrit la planète. La France est déjà passée du deuxième au septième rang mondial. Pour endiguer le recul, il faut donner à notre agriculture les moyens de sa modernisation.

Les concours publics à l'agriculture doivent rester dynamiques, notamment pour faire face aux crises. Dans ce budget, le ministère de l'agriculture participe au redressement des comptes publics, sans en rabattre sur ses priorités.

Le verdissement des aides est une chose, mais la PAC doit aussi relever le défi de la compétitivité. Le projet de loi de finances pour 2016 ne traduit que partiellement le plan décidé par le gouvernement pour l'élevage, ce que l'on peut regretter.

Les transactions sur le porc ont repris dans la douleur sur le marché de Plérin, puisque le prix reste inférieur à 1,4 euro par kilogramme, seuil qui permettait aux plus endettés de s'en sortir. Pour la viande bovine, le marché est tout aussi morose... Les crises sanitaires touchent aussi les filières caprine et ovine.

Autre urgence : la lutte contre les rats taupiers, plus communément appelés campagnols, qui font des ravages dans le Lot ou le Cantal et qui sont vecteurs de maladies transmissibles à l'homme. Soutenons la recherche qui permettra de s'en débarrasser.

Appréciant l'effort global que représente ce budget, le groupe RDSE votera ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Henri Cabanel .  - Derrière les chiffres du budget de l'agriculture, il y a toujours des volontés, des choix politiques. À l'État d'indiquer des axes, mais il ne saurait se substituer aux filières, qui doivent se mobiliser pour faire bouger les lignes. On ne peut pas tout attendre des aides de l'État ni de l'Europe !

La volonté du Gouvernement s'est traduite dans la loi d'avenir, maintenant dans le budget, et bientôt dans le collectif. Elle ne se résume toutefois pas à ces crédits. La Casdar, de 147 millions d'euros, doit être pris en compte, de même que les crédits de l'enseignement scolaire destiné aux établissements agricoles. Ces crédits budgétaires ne fournissent que 10 % de l'aide publique à l'agriculture.

Nous ne pouvons cautionner le toujours plus de crédits pour remédier à des fragilités structurelles. Lors de la crise de 2009, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, rien n'a été résolu. Aujourd'hui, je me réjouis que des mesures d'urgence et des mesures structurelles de compétitivité - inscrites dans le projet de loi de finances rectificative - soient prises.

Quant à l'accompagnement aux filières et à la transformation, le plan en faveur de la modernisation des exploitations a été porté de 200 à 350 millions par an.

La baisse des crédits de cette mission ne compromet aucune priorité de notre politique agricole. Les aides à l'installation sont maintenues, en partie transférées sur les crédits européens. L'indemnité compensatoire de handicap naturel passe de 232 à 256 millions. Les mesures agro-environnementales sont confortées, avec 57 millions et les contributions du Casdar. Les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) concernent déjà 1 500 installations.

La sécurité sanitaire reste une priorité, grâce au programme 206, avec la création de 60 postes dans les services vétérinaires. L'effort est conséquent, justifié par les épisodes tels que celui de la FCO.

On ne saurait réduire la mutation de notre agriculture à des crédits supplémentaires. Le monde paysan est une force pour notre économie. N'enfermons pas nos agriculteurs dans une dépendance aux aides publiques, eux qui ont l'énergie de s'engager dans un nouveau modèle. Je voterai ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Alain Marc .  - En vingt ans, le nombre d'exploitations a chuté de moitié. Le secteur agricole doit faire face à la concurrence de nombreux pays émergents. Or ce budget témoigne d'une vision étriquée ; les crédits ne sont pas à la hauteur des besoins à venir ni des mesures d'urgence prises l'été dernier. L'inflation normative, qui résulte en partie de la sur-transposition des textes européens, soumet nos exploitations à des normes plus strictes qu'en Allemagne. Attention à ne pas se lancer dans la compétition internationale avec des boulets aux pieds !

Ce budget peu ambitieux et peu volontaire ne contribuera pas vraiment à redresser notre agriculture, à lui rendre un rôle moteur dans le développement de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Michel Canevet .  - Plus de 450 000 exploitations agricoles employant près d'un million de personnes : l'agriculture est un secteur fondamental.

Le budget est-il de nature à restaurer la confiance chez les acteurs du monde agricole ? Non, hélas. Dans le Finistère, plus d'un tiers des quelque 5 000 éleveurs sont en grande difficulté.

Rien dans ce budget ne les aidera à surmonter la crise. Les aides financières ne sont pas à la hauteur des besoins : 1,5 million d'euros pour le FAC, 1,85 million pour Agridif, c'est notoirement insuffisant. Il faudrait mettre en oeuvre des mesures fiscales plus accentuées.

La dotation pour aléa a aidé plus de 11 000 entreprises en 2014 pour un coût de 39 millions d'euros. Le dispositif doit être étendu pour aider les entreprises à surmonter les catastrophes naturelles de plus en plus nombreuses.

Autre sujet, la compétitivité de nos entreprises agricoles, confrontées à la concurrence de pays à bas coûts. Hors vins et spiritueux, notre balance commerciale agricole est devenue négative.

Il est nécessaire de baisser les charges, en échange, pourquoi pas, d'une hausse de la TVA. Seul le soutien à l'investissement permettra d'augmenter la valeur ajoutée.

Autre chantier urgent : la simplification des normes et des procédures. La traçabilité des produits est une notion essentielle. Le consommateur veut et doit être mieux informé de l'origine des produits. L'Union européenne a décidé, le 11 novembre, que l'on peut étiqueter les produits alimentaires provenant des colonies juives de Cisjordanie, pourquoi ne pas le faire pour nos propres produits, fabriqués en Europe ?

La traçabilité rejoint la problématique sanitaire. Une soixantaine de postes de contrôleurs sanitaires ont été créés. Leur tâche en sera simplifiée. Ils devront assurer leurs missions. La devise de ma ville est Neb ne had, ne vet ket, « Qui ne sème ne récolte ». Pour pouvoir récolter demain, le budget devrait être amélioré. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Franck Montaugé .  - Les deux premiers enjeux de ce budget, qui sont de politique agricole, sont d'obtenir une amélioration structurelle de la performance économique, sociale et environnementale de notre agriculture, tout en répondant à des crises d'apparence conjoncturelles, en réalité structurelles, compétitivité et en contribuant à la restauration progressive de nos comptes publics. La PAC - 2014-2020 - sera maintenue à 9,7 milliards. La France consacre 19,9 milliards à l'agriculture.

La contribution de l'agriculture à l'équilibre des finances publiques est de 1 %. Un milliard est consacré à la modernisation des exploitations. Les charges baisseront de 1,7 milliard en 2016, ce qui profitera à hauteur de 734 millions aux exploitations, et de 966 millions aux coopératives et entreprises agro-alimentaires, réduisant le différentiel de coût avec l'Allemagne. La politique salariale allemande, soyons honnêtes, y contribue aussi. Le dispositif des travailleurs saisonniers a été reconduit. Au total, les aides passeront de 2,42 à 4,216 milliards en 2016.

M. Didier Guillaume.  - C'est énorme !

M. Franck Montaugé.  - Autre volet, le soutien à court terme : remboursement anticipé des dettes, accompagnement auprès des banques, aides de trésorerie. 300 millions ont été consacrés à la baisse des charges, la simplification.

D'autres mesures se situent en dehors de ce budget proprement, comme l'exonération à partir de 2016 de taxe sur le foncier non bâti (TFNB) et de cotisation foncière des entreprises (CFE) accordée pour les projets pionniers de méthanisation agricole, la pause dans le prélèvement des chambres d'agriculture effectué par la taxe additionnelle à la TFNB : la baisse sera donc plafonnée à 2 % alors qu'initialement elle devait progressivement atteindre 6 % d'ici 2018.

Quant à l'extension aux associés des coopératives d'utilisation du matériel agricole (Cuma) du dispositif de suramortissement, qui n'était accessible jusqu'ici qu'aux entreprises soumises à l'IS ou à l'IR, il pourrait être accessible à nos grandes coopératives, notamment vinicoles, qui contribuent à notre balance commerciale, comme celle de Plaimont dans le Gers, que vous connaissez, monsieur le ministre.

L'action 13 du programme 154, destiné à assurer la pérennité de l'agriculture est en hausse de 31 % par rapport à 2015, à 19,16 millions d'euros, afin d'assurer le renouvellement des générations, conformément à l'engagement du Gouvernement : 6 000 nouvelles installations ont ainsi été financées.

Tout cela démontre la volonté du ministre de restaurer la compétitivité de ce secteur d'excellence française, l'agriculture. La réussite de ce projet dépendra aussi de la répartition de la valeur ajoutée entre tous les acteurs de la filière, à commencer par l'État bien sûr, mais aussi les agriculteurs et leurs organisations et la grande distribution.

Le Parlement aura son rôle à jouer et nous voterons ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

M. Jean-Marie Morisset .  - Mes propos porteront sur le maintien et le développement de l'agriculture collective. La crise structurelle de cet été appelle des solutions pragmatiques. Dans de nombreuses régions, l'agriculture a besoin de regrouper ses moyens pour partager les matériels, le temps, l'espace, les investissements.

Les GAEC constituent une forme de mutualisation intéressante.

Un décret prenant en compte les critères européens de transparence a été publié. Mais son application varie selon les régions. Vous prônez une mutualisation du matériel agricole pour les Cuma, qui sont 11 545 représentant 224 300 adhérents. Vous indiquiez récemment que « la mutualisation du matériel agricole par l'intermédiaire des Cuma concourt à l'objectif de limitation de la consommation des espaces agricoles, avantage auquel s'ajoute l'intérêt économique pour les exploitations qui peuvent ainsi réduire leurs charges opérationnelles ».

Mais celles-ci, considérées comme des prestataires de services agricoles, ne peuvent construire des bâtiments de stockage en secteur agricole. Elles doivent les implanter en zones artisanales peu adaptées au passage des engins agricoles.

En mars dernier, vous m'indiquiez dans un courrier que « les services déconcentrés étaient sensibilisés à cet enjeu », « qu'une jurisprudence récente avait considéré que les projets des Cuma visant au stockage de matériel agricole étaient bien nécessaires à l'activité agricole et pouvaient donc être implantés dans des zones agricoles », et « que les secteurs de taille et de capacité d'accueil limités, les Stecal, mis en place par la loi Alur, permettaient ces installations ».

Enfin vous annonciez « un travail en cours de finalisation avec les services du ministère chargé de l'urbanisme conduisant à une modification réglementaire ».

La jurisprudence est source d'incertitudes. Les Stecal nécessitent de revoir les documents d'urbanisme. Cela pourrait être long. Où en est - on de la mise à jour de la réglementation ?

Les silos des coopératives seront-ils visés ? Il serait intéressant de les autoriser à s'installer en zones agricoles. De même, les agriculteurs se diversifient vers le tourisme. Mais la loi interdit de réhabiliter ou de construire des bâtiments en zones agricoles pour accueillir cette diversification. Soyons pragmatiques, simplifions notre droit et associons tous les partenaires agricoles. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Raison .  - Faut-il rappeler l'importance économique de l'agriculture en France ? Au-delà de son emprise territoriale, l'agriculture est, par ses produits, d'une qualité sanitaire incomparable, mais aussi par son rôle dans l'aménagement de l'espace, une vitrine de notre pays. On lui doit à ce titre 50 % du chiffre d'affaires de notre tourisme.

Le ministre de l'agriculture est un chef d'orchestre qui doit concilier la politique française et la PAC, dont le budget avoisine les 10 milliards d'euros. Votre propre budget, monsieur le ministre, au-delà de la seule mission examinée ce soir, est de l'ordre de 4,4 milliards d'euros. Il baisse de 2,8 %. En d'autres temps, que n'entendait-on, pour des baisses bien moindres, sur les bancs où vous siégiez ! Depuis 2012, votre budget a perdu un milliard d'euros...

M. Didier Guillaume.  - De combien a augmenté la PAC ?

M. Michel Raison.  - Je salue toutefois le maintien du budget de l'enseignement agricole, qui ne fait pas partie de cette mission, de même que la progression de l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), sans laquelle l'agriculture ne pourrait se maintenir dans certaines zones. Quant à la sécurité sanitaire, si les crédits de l'Anses sont maintenus, ses missions sont élargies...

Autre inquiétude, la baisse de 40 % des crédits de soutien à nos exportations, et la baisse des dotations dans de nombreuses collectivités qui aidaient nos agriculteurs à exporter. C'est évidemment dangereux pour notre solde commercial, qui serait négatif s'il n'était pas équilibré par les produits viticoles.

Il est vrai que tout ne dépend pas du Gouvernement, monsieur le ministre, les agriculteurs doivent se prendre en main. Cet été, avant que vous vous rendiez compte qu'il y avait une crise, le Sénat a organisé une table ronde et préparé une proposition de loi pour allonger de 5 à 6 ans la durée de l'exonération de charge pour les jeunes agriculteurs. J'espère que le Gouvernement nous soutiendra. C'est ainsi que nous ferons avancer la ferme France. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Monsieur Raison, vous avez bien exprimé la particularité de ce budget : pour un ministre de l'agriculture, le premier sujet est la PAC. Son niveau impacte fortement notre budget. C'est pourquoi nous avons tant bataillé pour la conserver. Son montant s'élèvera à quelque 9 milliards d'euros l'an prochain, un peu moins en 2017. Son but devrait être de garantir la pérennité de l'agriculture en compensant les handicaps.

La deuxième préoccupation est la défense de la compétitivité coût et hors coût, la stratégie des filières. Souvenez-vous de l'impasse dans laquelle la viticulture se trouvait dans le Languedoc-Roussillon, il y a trente ans. Voyez le redressement !

Le pacte de compétitivité consiste à baisser les dépenses de 50 milliards d'euros pour investir 40 milliards d'euros dans l'économie au moyen d'allègements de charges dont 4 milliards tout de même pour l'agriculture - soit autant que le budget de l'agriculture lui-même ! C'est ce pacte, cet effort considérable pour alléger les charges, qui a permis de soutenir la compétitivité de nos exploitations. N'oubliez pas cet effort ! Certains proposent de baisser le budget de la Nation de 100 milliards d'euros. L'enjeu est plutôt de savoir comment utiliser l'argent. Nous avons choisi de soutenir résolument l'investissement.

Ensuite, il faut gérer les crises. En 2008, souvenez-vous, monsieur Canevet, les prix du lait étaient tombés au plus bas, encore plus bas qu'aujourd'hui, conséquence de la mondialisation et de la dérégulation. Qui étaient, à l'époque, les ardents défenseurs de ce mouvement ? Il est facile d'accuser aujourd'hui le Gouvernement, mais ce n'est pas lui qui a choisi de sortir des quotas ! Chacun doit assumer ses responsabilités...

M. Didier Guillaume.  - C'est exact !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - L'eldorado chinois s'est retourné et la crise est arrivée. Nous entrons dans l'ère de la volatilité généralisée.

Il en va de même pour le porc : sa crise ne date pas d'hier. Le marché de Plérin vient de rouvrir : 6 000 porcs ont été échangés à un prix de 1,08 euros contre 1,40 euros auparavant. Tous les acteurs sont responsables. Il ne s'agit pas de jouer au bonneteau. L'enjeu est de savoir si tous les acteurs savent se regrouper au nom de l'intérêt supérieur de la filière. Je proposerai, dans cet esprit, dès la fin de l'année des pistes, comme le développement de la contractualisation, non pas seulement avec la grande distribution, mais avec toute la distribution.

Je me suis rendu compte, en retraçant les travaux de Lucien Bourgeois, statisticien, chargé d'études à l'APCA, en lui remettant la Légion d'honneur, combien l'agriculture est le secteur économique qui transfère sa valeur ajoutée aux autres secteurs. Oui, depuis les années soixante-dix, la question est inchangée : l'agriculture transfère tous ses gains de productivité aux autres filières et au consommateur. La loi de modernisation agricole n'y a rien changé...

M. Rémy Pointereau.  - Et la loi d'avenir ?

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - J'y viens. Une réflexion sur la contractualisation est nécessaire. La loi d'avenir a ouvert des pistes, comme l'agro-écologie. (Exclamations à droite) Les grandes entreprises s'en emparent, on le voit à la COP21 où certaines communiquent à ce propos. Pourtant, ce sont les agriculteurs qui devraient le faire ! Oui, Joël Labbé a raison ! (Marques d'enthousiasme sur divers bancs)

L'exemple des « Enherbeurs » de l'Hérault, que j'ai rencontrés, atteste cette dynamique positive qui associe agriculture et économie, avec des gains de compétitivité.

J'ai défendu les Groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC). Ils peuvent bénéficier des paiements redistributifs dès lors qu'ils sont de plus de 50 hectares. 8 000 GAEC seront agréés.

M. Michel Le Scouarnec.  - Et les Cuma ?

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Les Cuma aussi ! Les stratégies collectives sont les stratégies payantes. C'est l'agriculture de demain. En attendant, il faut gérer l'urgence. C'est le but du fonds de soutien à l'élevage. Au total, quelque 22 000 à 23 000 exploitations, éleveurs comme céréaliers, se trouvent en difficulté.

Les cellules d'urgence ont été installées dès février. Nous n'avons pas attendu l'été ! Dès le mois de juin, j'ai annoncé, à Ploërmel, des allègements de charges et de cotisation à la MSA. Le plan de soutien prévoit des allègements de charges de 155 millions d'euros et des allègements MSA de 190 millions d'euros. Ces sommes sont disponibles immédiatement. Il ne s'agit pas d'attendre un an ou deux comme ce fut le cas dans le passé. Je tiens d'ailleurs à saluer la réactivité de la MSA.

Ainsi, l'aide à l'agriculture excède largement le budget de la mission agriculture. Les efforts se poursuivent en 2016. Le montant des charges des petites exploitations a été ramené au niveau de celles des travailleurs indépendants. Les aides à l'investissement sont augmentées de 86 millions d'euros. Au total, on atteint 350 millions d'euros d'aides annuelles en 2016 et en 2017, soit, avec les emprunts, un effet de levier, d'un milliard, correspondant à ce qu'a annoncé le Premier ministre. L'investissement est multiforme : il porte aussi sur les économies d'énergie, les progrès pour le bien-être animal, la consommation et la distribution de nourriture, etc.

Il est temps de faire en sorte que les gains de l'agriculture ne partent pas vers les autres filières. Ainsi, j'ai demandé aux producteurs de produits phytosanitaires de baisser les prix de 20 %. Baisser les intrants, c'est améliorer la compétitivité des exploitations.

Les apurements des comptes européens s'élevaient initialement à 3 milliards d'euros. Après négociations, ils ont été ramenés à un milliard, dont le paiement sera étalé sur trois ans.

L'État compensera les pertes de fonds en cas d'aléa climatique. Les agriculteurs bénéficient ainsi d'une baisse de leurs primes d'assurances.

Oui, l'État s'engage : il sera au rendez-vous. Ce budget vise à soutenir l'agriculture française à laquelle, comme vous, je suis très attaché. (Applaudissements à gauche)

ARTICLE 24 État B

M. le président.  - Amendement n°II-118, présenté par M. César.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

15 000 000

7 000 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculturedont titre 2

15 000 000

7 000 000

TOTAL

15 000 000

15 000 000

7 000 000

7 000 000

SOLDE

0

0

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Les crédits de paiement pour des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) pour 2016 sont insuffisants au regard des autorisations d'engagement. Ils sont de 28 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2016 par rapport à 35 millions d'euros qui pourraient être engagés en 2015 au regard des autorisations d'engagement 2014 et 2015. Cela signifie qu'en l'état du projet de loi de finances, il manque au moins 7 millions d'euros pour payer en 2016 la totalité des agriculteurs ayant souscrit une mesure en 2015.

Nous proposons d'augmenter les crédits des actions 12 et 14 du programme 154 et de diminuer à due concurrence ceux du programme 215.

M. le président.  - Amendement identique n°II-222 rectifié, présenté par MM. Raison, Bizet, Panunzi, D. Laurent, Revet, Pellevat et Perrin, Mme Micouleau, M. Morisset, Mme Morhet-Richaud, MM. Cornu et Vaspart, Mme Des Esgaulx, MM. Milon, Calvet et Grand, Mme Lopez, MM. Lefèvre, Vogel, Genest, Darnaud, Chasseing, Houel, Pointereau, Grosdidier, G. Bailly et Kennel, Mme Duchêne, M. B. Fournier, Mme Primas, M. Pierre, Mme Gruny, MM. Huré et Mandelli, Mmes Mélot et Canayer, MM. Vasselle et Gremillet, Mme Lamure et MM. Emorine et Longuet.

M. Michel Raison.  - C'est le même.

M. le président.  - Amendement n°II-280 rectifié, présenté par M. Canevet, Mme Billon, MM. Détraigne et Luche, Mme Morin-Desailly, MM. Tandonnet et L. Hervé et Mme Gatel.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

7 500 000

3 500 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculturedont titre 2

7 500 000

3 500 000

TOTAL

7 500 000

7 500 000

3 500 000

3 500 000

SOLDE

0

0

M. Michel Canevet.  - Sans attendre les 60 millions d'euros annoncés par le Gouvernement, il convient d'abonder l'enveloppe des moyens prévus pour permettre la concrétisation des opérations et mobiliser les ressources du FEADER.

Les crédits des actions 12 et 14 du programme 154 sont augmentés par une diminution à due concurrence des crédits de l'action 1 du programme 215.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Sagesse. Le Gouvernement s'est engagé à financer les MAEC. Le Gouvernement confirme-t-il ses engagements ?

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - 72 millions d'euros seront consacrés tous les ans aux MAEC. Dans le cadre du plan de soutien à l'élevage, 15 millions supplémentaires ont été ajoutés. Le Gouvernement tient ses engagements. Avis défavorable.

Les amendements nosII-118 et II-222 rectifié ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°II-280 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°II-295, présenté par M. Gremillet, Mme Deromedi et MM. Raison et Pierre.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

10 000 000

10 000 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculturedont titre 2 

10 000 000

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

M. Daniel Gremillet.  - Cet amendement d'appel diminue les crédits de l'action « Moyens de l'administration centrale » du programme afin d'augmenter les crédits de l'action « Gestion des crises et des aléas de production » de 10 millions d'euros.

Dans le cadre de la PAC, les subventions aux assurances climatiques peuvent représenter au maximum 65 % du coût de l'assurance.

Jusqu'en 2015, la France cofinançait 25 % de ces subventions aux assurances climatiques, les 75 % restants étant cofinancés par des fonds européens.

À compter de 2016, la totalité de l'aide à l'assurance est financée sur crédits européens par un transfert du premier pilier vers le deuxième pilier.

Depuis 2013, dans le cadre de la PAC, la France cofinance également les fonds de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux. Pour 2016, le budget consacré à la gestion des risques dans le cadre du second pilier de la PAC est fixé à 123,7 millions d'euros. Cette consolidation va dans le bon sens mais elle est encore insuffisante pour une prise en charge à la fois des primes d'assurance récolte à hauteur de 65 % et des programmes du fonds de mutualisation sanitaire et environnemental. L'enveloppe communautaire actuelle doit donc être complétée par des fonds nationaux.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Retrait, même si je partage les motivations des auteurs de cet amendement d'appel qui majorent de 10 millions d'euros les subventions aux assurances récolte. Est-il possible, monsieur le ministre, de compléter des fonds européens par des crédits nationaux ? Je crains que cela ne déstabilise la mission.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Oui, en effet. Retrait. On a construit un contrat socle, déjà en place dans l'élevage. Le transfert depuis le premier pilier européen sera à négocier. Les assurances européennes s'élèvent à près de 120 millions d'euros en 2016, à comparer aux 97 millions d'euros de 2013, signe de la montée en puissance du dispositif.

M. Daniel Gremillet.  - Cet amendement d'appel anticipe sur les futures négociations de la PAC. Je partage la réponse du ministre ; concrètement, cela veut dire que le budget national ne contribuera plus du tout. C'est une question de stratégie d'exposition aux risques. Je le retire toutefois.

L'amendement n°II-295 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-116, présenté par M. César.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

4 000 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculturedont titre 2

4 000 000

TOTAL

4 000 000

4 000 000

 

 

SOLDE

0

M. Gérard César.  - Après un recul sans précédent en 2013 et une nouvelle baisse en 2014 et 2015, les crédits dédiés au dispositif relatif aux agriculteurs en difficulté sont reconduits à l'identique, soit 1,8 million d'euros. Cet amendement les porte à 4 millions, comme en 2012.

M. le président.  - Amendement identique n°II-221 rectifié, présenté par MM. Raison, Bizet, Panunzi, D. Laurent, Revet et Pellevat, Mme Micouleau, M. Morisset, Mme Morhet-Richaud, MM. Cornu et Vaspart, Mme Des Esgaulx, MM. Milon, Calvet et Grand, Mme Lopez, MM. Lefèvre, Vogel, Genest, Darnaud, Perrin, Chasseing, Houel, Pointereau, Gremillet, Grosdidier, Kennel et Bouchet, Mme Duchêne, M. B. Fournier, Mme Primas, MM. Bas, Pierre et Savary, Mme Gruny, MM. Huré et Mandelli, Mmes Mélot et Canayer, MM. Vasselle et G. Bailly, Mme Lamure et MM. Emorine et Longuet.

M. Michel Raison.  - C'est le même.

M. le président.  - Amendement n°II-279 rectifié, présenté par M. Canevet, Mme Billon, MM. Détraigne et Luche, Mme Morin-Desailly, MM. Tandonnet et L. Hervé et Mme Gatel.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

2 200 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculturedont titre 2

2 200 000

TOTAL

2 200 000

2 200 000

SOLDE

0

M. Michel Canevet.  - Un pan de notre agriculture risque de s'effondrer, il faut en avoir conscience.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Je partage les motivations des auteurs de ces amendements. Le dispositif Agridiff est faiblement doté et je trouverais plus sincère un budget prévoyant suffisamment de crédits pour faire face aux aléas. Sagesse.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Je comprends vos inquiétudes. Mais 155 millions d'euros d'allègements de charge, 180 millions sur la MSA, 86 millions d'euros l'an prochain sur l'assiette des cotisations sociales et 40 millions d'euros sur le mode de calcul... Tout cela est sans commune mesure avec les crédits Agridiff : on est déjà bien au-delà de vos 4 millions d'euros supplémentaires. Retrait ?

Les amendements identiques nosII-116 et II-221 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement n°II-279 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-294, présenté par MM. Gremillet, Raison et Pierre et Mme Deromedi.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

1 000 000

1 000 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculturedont titre 2 

1 000 000

1 000 000

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

 

0

 

M. Daniel Gremillet.  - Cet amendement diminue les crédits de l'action Moyens de l'administration centrale du programme n° 215 afin d'augmenter les crédits alloués à FranceAgriMer qui joue un rôle clé dans l'organisation des filières, dans le soutien aux investissements de modernisation des exploitations et dans l'innovation, autant de leviers.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Je partage votre préoccupation. FranceAgriMer gérera plus de 20 000 dossiers supplémentaires en 2016. Inflation normative, inflation de contrôle... Toutefois, l'effort est fourni surtout en 2015. Sagesse, donc.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - FranceAgriMer a été conforté par la loi d'avenir de l'agriculture ; cet opérateur joue un rôle majeur, avec ses formations sectorielles. Nous appliquons toutefois à FranceAgriMer les normes applicables à tous les opérateurs : - 4 % en fonctionnement, comme au ministère de l'agriculture, du reste.

M. Michel Raison.  - Le rabot ne saurait être passé partout de manière uniforme. FranceAgriMer est un outil indispensable, plus indispensable que jamais même, du fait de la dérégulation.

L'amendement n°II-294 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-285 n'est pas défendu.

À la demande du groupe Les Républicains, les crédits de la mission sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°81 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 155
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

Les crédits du compte d'affectation spéciale sont adoptés.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 63

M. le président.  - Amendement n°II-312, présenté par M. Labbé.

A. - Après l'article 63

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le sixième alinéa de l'article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une fraction de 0,1 % du produit de la taxe est affectée au compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural afin de financer des programmes « 0 Phyto » visant à développer des formes d'agriculture performantes sur les plans économique et environnemental et répondant aux principes de l'agro-écologie. »

II.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

B.  -  En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Développement agricole et rural

M. Joël Labbé.  - Enfin un amendement qui va faire consensus ! (Sourires) Tout le monde s'inquiète de la stabilisation du Casdar. Cet amendement y consacre une partie de la taxe sur les produits phytosanitaires, conformément aux attentes des agriculteurs et aux objectifs du plan Ecophyto II, qui visent la généralisation et l'optimisation de systèmes de production économes et performants. Il est nécessaire de faire le choix de la durabilité et de rendre les exploitations agricoles plus compétitives. (M. Gérard César s'exclame) Et puis, nous sommes en pleine COP21 !

M. le président.  - Amendement identique n°II-317 rectifié, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

M. Michel Le Scouarnec.  - Le plan Ecophyto était destiné à encourager les mesures de lutte contre la dépendance aux pesticides.

Le Casdar est un levier essentiel pour accompagner l'évolution des pratiques des agriculteurs. Faisons le choix de la durabilité.

M. Joël Labbé.  - Très bien !

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Ces amendements sont identiques à la virgule près. Vous avez dû vous concerter pour les rédiger... (Sourires)

Avis défavorable, car ils n'affectent au Casdar que 0,1 % du produit de la taxe sur les produits phytosanitaires. J'y vois donc des amendements d'appel et je donne la patate chaude au Gouvernement, pour qu'il nous présente les actions qu'il mène dans ce domaine.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Les 41 millions de cette taxe seront directement affectés au plan écophyto : pourquoi passer par le Casdar ? Ses moyens sont complémentaires, tout simplement.

M. Joël Labbé.  - Je ne peux pas retirer un amendement de consensus !

M. Daniel Raoul.  - Voilà qui fera consensus... contre cet amendement !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Nous soutenons le Gouvernement !

Les amendements identiques nosII-312 et II-317 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°II-296, présenté par M. Gremillet, Mme Deromedi et MM. Pierre et Raison.

I.  -  Après l'article 63

Insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

La première phrase de l'article L. 820-3 du code rural et de la pêche maritime est complétée par les mots : « orientés en priorité sur l'élevage ».

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Développement agricole et rural

M. Daniel Gremillet.  - Cet amendement est essentiel pour les territoires d'élevage. Les programmes 775 et 776, dont l'objectif est d'assurer la diffusion des fruits de la recherche agronomique, des progrès techniques et de l'innovation doivent être des facteurs d'espoir pour nos territoires.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Je comprends vos motivations, mais vois cet amendement comme un amendement d'appel. Focaliser le Casdar sur l'élevage de manière structurelle pour répondre à une crise conjoncturelle n'est pas opportun. Et si la prochaine crise est céréalière ? Avis défavorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le Casdar est déjà fléché à environ 60 % vers l'élevage, via en particulier les chambres d'agriculture. Cet amendement est donc largement satisfait. Retrait ?

M. Daniel Gremillet.  - L'élevage reste une question stratégique. N'oublions pas que l'élevage est le premier consommateur de produits végétaux. La crise de ce secteur entraine des conséquences en chaîne. Il s'agit de se projeter au-delà de la conjoncture. Je maintiens l'amendement.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial.  - Modifier le code rural n'est pas possible ici... d'où ma demande de retrait.

L'amendement n°II-296 n'est pas adopté.

Prochaine séance, demain, mardi 1er décembre 2015 à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 35.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mardi 1er décembre 2015

Séance publique

À 9 h 30

Présidence :

M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

Secrétaires :

MM. Jean Desessard et Christian Cambon

1. Questions orales.

À 1h 30 et le soir

Présidence :

M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

2. Projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale (n°163, 2015-2016).

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n°164, 2015-2016).

Écologie, développement et mobilité durables (+ article 51 ter) :

. budget annexe : contrôle et exploitation aériens ;

. compte spécial : aides à l'acquisition de véhicules propres ;

. compte spécial : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs.

- Santé (+ article 62 quinquies) ;

- Égalité des territoires et logement (+ articles 54 à 56 bis).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 78 sur l'amendement n° II-152, présenté par M. Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances, à l'article 24 du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :342

Suffrages exprimés :342

Pour :187

Contre :155

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 141

N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Isabelle Debré, Présidente de séance, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 1 - M. Gilbert Barbier

Contre : 16

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier.

Scrutin n° 79 sur l'amendement n° II-192, présenté par M. Philippe Mouiller au nom de la commission des affaires sociales, à l'article 24 du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :342

Suffrages exprimés :323

Pour :187

Contre :136

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 141

N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Isabelle Debré, Présidente de séance, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Abstentions : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 1 - M. Gilbert Barbier

Contre : 16

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier.

Scrutin n° 80 sur l'ensemble des crédits «  Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :342

Suffrages exprimés :326

Pour :187

Contre :139

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 141

N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Isabelle Debré, Présidente de séance, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Contre : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 1 - M. Gilbert Barbier

Abstentions : 16

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier.

Scrutin n° 81 sur l'ensemble des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :343

Pour :155

Contre :188

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Pour : 110

Groupe UDI-UC (42)

Contre : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Pour : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 16

Contre : 1 - M. Gilbert Barbier

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier