Lutte contre le crime organisé et le terrorisme (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Jacques Mézard .  - La Ve République a inventé le mouvement perpétuel législatif et, désormais, son accélération : la sortie de route est inévitable. Nous délibérons sous les statues de Colbert et Portalis qui, heureusement pour eux, n'assistent pas à cette décadence de notre droit.

Je relisais avec gourmandise les débats de 2011 entre le garde des sceaux d'alors, M. Mercier, et M. Anziani : on y tonnait contre le « désordre », le « maquis » des lois pénales trop nombreuses... En ce domaine, il n'y a pas eu d'alternance : trois lois antiterroristes en deux ans, sans compter plusieurs autres textes modifiant notre législation pénale ! Et l'on parle de simplification ? Un empilement sans cohérence globale. Je ne dis rien de cette énième procédure accélérée...

Que l'on prenne de nouvelles dispositions à la suite des attentats, soit. Mais l'architecture de ce texte était prête bien avant le 13 novembre. Depuis, c'est devenu un vrai salmigondis, mêlant lutte contre le crime organisé, contre le terrorisme, procédure pénale...

À quoi servent de nouvelles incriminations, si les peines prononcées ne sont pas exécutées ? (On le confirme à droite) Notre justice manque avant tout de moyens humains et financiers, les maisons centrales sont pleines, notre système pénal est à bout de souffle. Il faut se donner le temps de la réflexion et de la concertation pour le refonder et trouver le juste équilibre entre sécurité et libertés.

Jamais nous n'avons cédé à l'angélisme. Pour nous, pas de faiblesse contre ceux qui assassinent des innocents ! Mais le devoir et la tradition du Sénat est de veiller à ce que les mesures visant les terroristes et leurs complices ne se transforment pas en mode opératoire normal, pour tous les citoyens. Quand le Sénat s'écarte de son rôle de garant des libertés, il n'est plus lui-même ! Or, ce texte, avec l'article 18 en particulier, procède à ce glissement. Quel but poursuivons-nous ? La disparition du juge d'instruction ? Le procureur n'est pas impartial, qui sera chargé bientôt, avec le juge des libertés et de la détention, de 98 % des affaires pénales dans notre pays.

L'introduction du contradictoire dans l'enquête préliminaire est un non-sens : le procureur est une partie poursuivante. Et que dire de l'article 6 qui institutionnalise la délation ?

Ce texte flou met à mal les garanties des justiciables. Comme l'a souligné le Premier président de la Cour de cassation lors de son audition par la commission des lois, confier au couple formé par le procureur et le juge des libertés et de la détention le pouvoir de prendre des mesures intrusives réservées jusqu'ici au juge d'instruction est dangereux, car les garanties ne sont pas équivalentes. Notre devoir est d'être fidèles à nos principes, quelles que soient les clameurs de l'opinion et les pressions de l'administration ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur plusieurs bancs des groupes communiste républicain et citoyen et Les Républicains)

Mme Cécile Cukierman .  - Nous débattons de ce projet de loi dans un contexte dramatique, quelques jours après les attentats de Bruxelles et l'arrestation d'Argenteuil. Comme vous, monsieur le ministre, nous comprenons la peur de nos concitoyens, mais n'est-il pas de notre responsabilité d'y répondre de sang-froid ? Nous cherchons un chemin lumineux et apaisé, celui de notre État de droit, de notre République. Or les vraies solutions sont aujourd'hui noyées sous les lois d'émotion. Après un projet de révision constitutionnelle démagogique et inefficace, vous voulez aujourd'hui faire migrer l'état d'urgence vers le droit commun, rappelant les conclusions de Patrick Boucheron et Corey Robin dans leur livre Exercice de la peur, l'usage politique d'une émotion, sur la législation antiterroriste américaine après le 11 septembre.

Ce projet de loi, d'abord centré sur l'allègement de la procédure pénale, a paru au Gouvernement le véhicule idéal pour mettre en pratique sa nouvelle doctrine antiterroriste. C'est le quatrième texte de ce type depuis 2012 - qui s'enchevêtre avec plusieurs débats en cours  - alors qu'aucun des précédents n'a fait l'objet d'une évaluation sérieuse.

Le titre II était pourtant prometteur, avec l'introduction du contradictoire dans l'enquête préliminaire. De même, les mesures de lutte contre le blanchiment. Le reste, hélas, est un florilège sécuritaire : retenue de quatre heures, nouvelles techniques de renseignement à disposition des enquêteurs, écoutes de l'administration pénitentiaire, contrôle administratif au retour de théâtres d'opérations de groupements terroristes... Pis encore, on assiste à un glissement dans la caractérisation des infractions, d'un début d'acte vers l'intention de faire... Plus besoin de preuves, des suspicions suffiront.

Ce qui est en jeu, avec la mise à l'écart du juge d'instruction, c'est l'équilibre même du procès, fragile en matière pénale et donc son caractère équitable. Des événements exceptionnels justifient des procédures d'exception. Mieux comprendre pour mieux combattre, voilà qui devrait nous inspirer plutôt. Mais on parle de perpétuité réelle, sinon d'autres choses encore...

Le bourgmestre de Bruxelles le disait pourtant : la mixité sociale est le terreau du vivre ensemble et donc de la sécurité collective. Nos valeurs républicaines seraient renforcées. Nous tenterons par nos amendements d'aller dans ce sens mais, vu leur sort probable, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen, écologistes et du RDSE)

M. Jacques Bigot .  - Non, ce texte n'est pas inutile : il tient compte des demandes des professionnels, policiers, magistrats que nous ne devons pas seulement remercier mais aussi écouter quand ils disent leurs besoins. Il faut en outre tenir compte des évolutions technologiques, en ouvrant l'usage des IMSI-catchers, et en adaptant la lutte contre le blanchiment d'argent. Nous devons faire cela sans méconnaître nos principes fondamentaux, ceux rappelés dans la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen comme dans la Convention européenne des droits de l'homme.

À cet égard, la réforme de notre procédure pénale n'est peut-être pas complète.

Renforcer l'enquête préliminaire et l'instruction, c'est garantir une meilleure tenue des débats à l'audience. Il n'en faudra pas moins aborder la question des moyens accordés à la justice, la présence du ministre des finances nous laisse former de grandes espérances.

Arrêtons de croire que renforcer les sanctions est une arme dissuasive contre des terroristes prêts à perdre leur vie, et veillons à respecter l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Soyons, sur ces sujets, déterminés, pragmatiques, votons une loi adaptée aux enjeux et équilibrée. N'en déplaise aux esprits chagrins, le Parlement est certes amené à se prononcer de plus en plus vite, mais c'est que les choses changent plus vite qu'au temps de Colbert et de Portalis... (Mme Éliane Assassi s'esclaffe) (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Esther Benbassa .  - Le contexte de nos débats est particulier, alors que le peuple belge vient à son tour d'être la cible de Daech. Je veux redire ici ma solidarité à l'égard de toutes les victimes, qu'elles soient belges, turques, syriennes, ivoiriennes ou irakiennes. (On approuve, à droite).

Pendant des années, la gauche s'est élevée contre le principe « un fait divers, une loi ». Désormais, la sécurité se transforme en premier des droits, au mépris de tous les autres. On fait des lois liberticides et inopérantes. On confond la sûreté avec la sécurité à tout prix, oubliant que la sûreté doit faire le lien entre sécurité et liberté.

Comme l'écrit Mireille Delmas-Marty, « la paix ne se gagnera pas en engageant le monde dans une surenchère répressive sans fin, mais en soumettant les pratiques de surveillance à un contrôle impartial et indépendant ». Seule la réaffirmation constante des principes de l'État de droit et de la démocratie peut constituer une réponse forte à des terroristes tentant de les mettre à bas. Nous avons adopté 30 lois « antiterroristes » depuis 1999 ; avec quels résultats ?

Le législateur mérite de travailler dans de bonnes conditions, et non dans l'urgence. Si les mesures financières de ce texte sont utiles, celui-ci ressemble plutôt à du replâtrage.

La Commission nationale consultative des droits de l'homme l'a souligné : une loi d'ampleur devrait se fonder sur les résultats des recherches en sciences sociales, analysant la menace. Connaître les causes est la première protection contre la menace.

Ces textes qui nous arrivent en flux continu ne sont que pansements posés sur des plaies vives. Qui n'en resserrent pas moins l'étau sur nos libertés. Souvenons-nous des mots de Jens Stoltenberg, Premier ministre norvégien, après l'attentat d'Oslo et le massacre d'Utoya : « Nous ne devons pas renoncer à nos valeurs. Nous devons montrer que notre société ouverte peut faire face à cette épreuve. Que la meilleure réponse à la violence est encore plus de démocratie. Encore plus d'humanité ».

Parce que ce projet de loi est aux antipodes d'une telle attitude et répond à la terreur par moins de libertés individuelles et moins de protection des droits fondamentaux, le groupe écologiste s'y opposera.

(Applaudissements sur les bancs écologistes et sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Bruno Retailleau .  - La guerre que nous mène Daech est asymétrique ; elle nous a pris par surprise, persuadés que nous étions que la démocratie et le marché global, imposant nos valeurs sur la planète, attestaient la fin de l'histoire. Mais voilà, comme le dit Alain Finkielkraut, les attentats ont fermé l'hypothèse de la post-histoire ; ils sont venus nous dire que la fête était finie.

Hier encore, ceux qui se sont fait exploser à Lahore ont cherché à faire le plus de jeunes victimes en s'approchant des balançoires. Contre cette violence-là, on ne peut lutter avec des bougies et des minutes de silence, même si ces gestes sont indispensables.

« Qu'objecter à celui qui veut gagner son paradis en voulant m'égorger ? » demandait déjà Voltaire en 1763, dans son Essai sur la tolérance. Il faut sortir de cette posture d'angélisme compassionnel qui a caractérisé longtemps nos démocraties. Sortir de l'état d'urgence, même s'il faudra sans doute le prolonger, impose de renforcer notre droit commun, et ce texte répond à un certain nombre de nos préoccupations.

Il n'y répond toutefois que partiellement. Certes, il reprend des mesures que nous défendions dans le cadre de la proposition de loi Bas-Mercier. Il étend les possibilités de perquisition de nuit, le recours aux IMSI-Catchers, renforce les peines, le suivi socio-judiciaire ; nous avions voté dans la proposition de loi Bas la perpétuité réelle : il faudra aller plus loin dans ce texte. Nous en débattrons, ainsi que de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur ce point ; les Français attendent, en toute hypothèse, des mesures concrètes.

Le texte ne reprend pas notre proposition de création de délits de fréquentation de théâtre d'opérations de groupement terroriste, d'entrave au blocage d'un site djihadiste ou de consultation régulière d'un tel site. Il ne répond pas au problème des prisons, ce qui est dramatique, lorsqu'on connaît leur état de surpopulation et les liens entre délinquance, prison surpeuplée et radicalisation.

Il faut répondre au défi formidable qui nous est posé. Abou Moussab al-Souri, théoricien du djihad, disait que l'Europe était le ventre mou de l'Occident. Il nous montre en négatif un chemin de combat : ne rien céder sur nos valeurs, restaurer l'autorité de l'État, refuser tout compromis au communautarisme, retrouver la fierté d'être Français. Si vous le suivez, messieurs les ministres, vous trouverez la majorité sénatoriale à vos côtés. (Applaudissements à droite)

M. François Zocchetto .  - Nous abordons l'examen de ce texte dans une atmosphère pesante, alors que les victimes se succèdent à Paris, Bruxelles, Lahore...

Nous ne pouvons nous déprendre du sentiment que le champ des libertés se resserre. Mais il faut agir. Agir conformément à nos principes et à ceux posés par la Convention européenne des droits de l'homme.

Nous ne sommes pas dans l'émotion, un travail de fond a été accompli. Il faut simplifier nos procédures et donner aux magistrats les moyens d'assurer leurs missions : sur ces points, le texte est attendu.

Il a été alourdi, diront certains, je dirai plutôt « enrichi ». Il faut avancer car nous ne pourrons rester éternellement dans l'état d'urgence. Ce texte permet d'en sortir.

Le Gouvernement aurait pu partir de la proposition de loi Bas-Mercier. Il ne l'a pas fait, dont acte. Cela ne nous empêche pas d'apporter notre contribution. Sur les perquisitions de nuit, la fouille des bagages, l'entrave des moyens financiers des terroristes, nous sommes pleinement en phase avec le texte. Ces mesures financières peuvent sembler technocratiques, elles sont en réalité fondamentales. La circonstance aggravante en matière terroriste, la retenue administrative sont d'autres outils bienvenus.

La rédaction trouvée sur l'usage légal des armes à feu par les forces de sécurité est très opportune tout comme la retenue administrative des personnes de retour d'un théâtre d'opérations de groupements terroristes, ou l'allongement d'un à deux mois du contrôle administratif.

Le renforcement du contradictoire dans les enquêtes les plus longues ne doit pas se faire sans remettre en cause leur efficacité ; nous en débattrons.

Il est souvent justifié de contester le recours à la procédure accélérée mais, en la matière, nous travaillons depuis longtemps. Le dépôt éventuel d'amendements du Gouvernement en cours de discussion m'inquiète davantage...

Pour le reste, nous sommes rassurés par le travail du rapporteur et du président de la commission des lois et voterons ce texte. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs à droite)

La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 15.

M. Philippe Bas .  - Je veux à mon tour dire l'effroi et l'indignation des membres de la commission des lois face aux crimes ignobles commis à Bruxelles, et saluer le travail des forces de sécurité et du ministère public. Sur le long chemin qui reste pour éradiquer le terrorisme, le recul de Daech en Syrie est une bonne nouvelle.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Grâce à qui ?

M. Philippe Bas.  - Mardi dernier, nous avons voté la révision constitutionnelle. Son importance symbolique est grande, mais son caractère opérationnel limité. Le présent texte, fini, apporte des moyens nouveaux de lutte contre le terrorisme, comme la proposition de loi que le Sénat a adoptée.

Pourquoi légiférer ? Ce n'est pas seulement une réaction émotive aux événements. Il s'agit aussi d'adapter notre droit aux évolutions technologiques et aux manifestations les plus récentes du terrorisme, et d'empêcher toute récidive en cette matière. C'était aussi l'objet de la proposition de loi déposée en décembre 2015, et adoptée à une large majorité ici-même le 2 février. Nombre de ses dispositions sont ici reprises, sur les perquisitions de nuit ou le recours aux IMSI-catchers, par exemple ; la commission des lois est aussi favorable à la création de nouvelles incriminations afin de garantir la continuité des enquêtes confiées aux magistrats anti-terroristes.

Nous proposions en outre d'écarter toute possibilité d'aménagement de peine pour les terroristes, et d'allonger de 22 à 30 ans la période de sûreté : toute réduction de peine serait aussi rendue impossible. Il convient aussi d'imposer la consultation des parties civiles et de cinq magistrats de la Cour de cassation sur les décisions du juge d'application des peines. Cependant, le mieux est l'ennemi du bien : si nous portions la peine de sûreté maximale à 30 ou 40 ans, une probable censure du Conseil constitutionnel annulerait nos efforts.

À la demande du ministre de l'intérieur, le texte accroît enfin les pouvoirs de la police dans deux cas : en cas de retour d'un théâtre d'opérations de groupements terroristes, et pendant quatre heures après un contrôle d'identité.

Ces nouveaux articles rendent assurément plus efficace notre lutte contre le terrorisme. (Applaudissements à droite)

M. Alain Richard .  - L'offensive contre la société démocratique européenne est engagée depuis quelques années et amenée à durer. L'ennemi est aujourd'hui Daech mais, on le voit en Afrique de l'ouest et dans la péninsule arabique, il peut prendre de multiples visages.

Ce projet de loi lie grande criminalité et terrorisme. Il y a des raisons sérieuses de les rapprocher : trafic d'armes, blanchiment, passage de l'un à l'autre...

La difficulté de la prévention vient de l'absence de mécanisme d'identification des individus dangereux. Ce texte fournit néanmoins de nouveaux outils utiles, la retenue de 4 heures par exemple qui, au-delà de la consultation des fichiers, est utile pour lever un doute sur l'identité d'un suspect.

Le fichage peut aussi être défaillant et des vérifications internationales peuvent être nécessaires. Cet outil préventif fiabilise les renseignements mais a aussi un effet sur le comportement de la personne concernée.

Autre mesure préventive : le repérage des actions à l'étranger. Le contrôle administratif permet de « loger » les personnes soupçonnées, comme on dit, en leur fixant une limite géographique, une obligation de pointage et une interdiction de contacts. Ce temps est utile pour faire le tri entre les futurs terroristes et les autres : nous sommes à la limite de la procédure judiciaire et de la prévention, puisqu'il peut s'agir de poursuivre l'individu qui prépare des actes, ou de prévenir d'autres actes, si l'individu coopère pour identifier des personnes dangereuses.

L'interdiction individuelle de détention d'armes, le droit d'infiltration ou le fichage génétique des trafiquants d'armes vont dans le même sens.

La protection des témoins est aussi cruciale. Bien des gens ne témoignent pas par crainte. Le témoignage anonyme pourrait y remédier. Ce qui nourrit la crainte des témoins, c'est en effet d'être identifiés. Or notre code de procédure pénale contient des dispositions permettant de protéger des témoins clés. Le dispositif créé par la loi en 2004 dans ce domaine n'est hélas pas appliqué : les témoins protégés se comptent sur les doigts d'une main.

Refusant toute pression médiatique, nous serons constructifs : notre objectif, c'est une fermeté bien dirigée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit aussi)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux .  - Merci à tous les orateurs pour leur pondération. Tous ont parlé, à juste titre, d'État de droit : c'est un État qui se fixe ses propres limites, refuse l'arbitraire et donne la priorité au droit, à la prévisibilité du droit.

Je refuse ainsi les critiques selon lesquelles nous conspirerions un état d'exception : ce texte n'inscrit aucune mesure de l'état d'urgence dans le droit commun, même si nous tenons compte de ce qui se passe, que nous observons.

Hier, les organisations que nous combattons et leurs modes opératoires n'existaient pas ; pensez à l'attentat de la rue de Rennes : cela n'a rien à voir avec ce que nous connaissons, il faut en tenir compte.

Toutes les modifications à notre droit que nous proposons viennent de là : elles répondent aussi à des demandes des professionnels, des policiers et des gendarmes - il ne faut pas se contenter de leur rendre hommage, mais bien répondre à leurs remarques. Le projet du Gouvernement avait 34 articles ; la commission des lois de l'Assemblée nationale l'a étendu à une soixantaine, la séance publique l'a porté à quelque 90, la commission des lois du Sénat l'a augmenté à son tour, et je doute que le Sénat, en séance publique n'ajoute pas encore quelques articles supplémentaires...Si c'est un mal, assumons-en tous la responsabilité ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Je vous l'avais dit, le Sénat et le Gouvernement doivent absolument se rejoindre. C'est ce que nous faisons : nous sommes d'accord sur le diagnostic, c'est l'essentiel. Nous divergeons sur la thérapie à appliquer, pas sur l'objectif que nous partageons.

La réalité est là ; nous sommes agressés. Il faut réagir. Si nous repérons à l'avenir des failles dans notre dispositif, nous reprendrons des mesures, pour l'améliorer ! Aucun de nous n'avait inscrit ces mesures dans son programme électoral, heureusement, et chacun de nous préfèrerait s'en passer, mais c'est nécessaire, pour répondre à la menace.

Sur les établissements pénitentiaires, je veux rassurer le président Retailleau. Il n'y a pas assez de places dans les prisons. La maison d'arrêt de Troyes est un ancien couvent cordelier de 1258, construit en plein centre-ville, transformé en prison au XIXsiècle ! Il faut en construire une autre, bien sûr ! Dans ce cas, et il y en a d'autres, nous n'avons pas d'autre choix.

La suroccupation est indigne pour les détenus, elle entraîne aussi des conditions de travail extrêmement difficiles pour le personnel. J'ai appelé une surveillante agressée ce matin, car elle était seule. J'ai joint sa famille aussi. Il faut que les établissements pénitentiaires soient adaptés. Alors que certaines, notamment outre-mer, sont surpeuplées, 3 000 places de prison sont vides : c'est l'un des paradoxes auxquels nous sommes confrontés.

Le Gouvernement est prêt à engager un programme immobilier. Alain Juppé propose 10 000 places, Bruno Le Maire ne donne pas de chiffres. Je lis, je lirai tous les programmes ! (Sourires et exclamations à droite) Construire 10 000 places de prison coûterait tout de même deux milliards d'euros. Si le Parlement apporte son soutien au Gouvernement pour construire son budget, nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Renvoi en commission

M. Pierre-Yves Collombat .  - Je ne suis pas sûr que nous ayons limité strictement la réutilisation des informations issues des IMSI-catchers, défini assez précisément les conditions de la retenue. Ce texte pourrait être un nid à recours. Ce texte mériterait autant de discussions générales que d'articles, selon le rapporteur...

Or c'est tout le contraire qui se passe : les jeux sont faits sur les amendements de séance, déposés après la publication du rapport ; réunion-marathon de la commission des lois, malgré le travail d'une rapidité record du rapporteur ; trois demi-journées de séance publique avec quatre ministres ; usage de la procédure accélérée pour des dispositions qui étaient dans les tiroirs depuis longtemps. (Mme Cécile Cukierman renchérit)

Dans ces conditions, retravaillons le texte en commission. Je ne fais que traduire notre impression à tous, mes chers collègues (Mme Françoise Férat approuve)

Notre tradition, c'est de ne pas céder aux mouvements d'opinion, de tenir l'élaboration de la loi à l'abri de l'émotion : c'est ce que propose le RDSE.

Je ne vous proposerai donc pas comme Alexandre de réciter l'alphabet grec dans les deux sens, mais plus simplement de renvoyer le texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; Mme Françoise Férat applaudit également)

M. Jacques Mézard.  - Très bien !

M. Michel Mercier, rapporteur .  - Nous pouvons faire ce constat sur tous les textes.

La réforme de 2008 n'a peut-être pas limité suffisamment le recours à la procédure accélérée, elle a peut-être accordé trop de temps aux semaines de contrôle, où nous faisons parfois des efforts pour nourrir l'ordre du jour...au détriment des semaines proprement législatives : je peux vous rejoindre sur ces constats. Cependant, il nous faut agir.

Pour l'Euro 2016, il faut prévoir quelque chose, pour décider de la fin de l'état d'urgence, il faut apprécier l'efficacité des nouvelles mesures...

Il est vrai qu'à 13 heures, le Gouvernement a déposé des amendements de poids. Nous pourrions essayer de reporter ; or les Français n'attendent pas cela de nous ; mais que nous nous adaptions à nos conditions de travail.

Il faut faire vite, car la loi pénale ne dispose que pour l'avenir (M. Philippe Bas, président de la commission des lois, approuve) Je ne puis donc que vous demander de retirer cette motion, en reconnaissant que vous avez raison sur le fond.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux .  - À la chambre criminelle de la Cour de cassation, une horloge porte cette devise. « Le temps dévore tout, le seul droit demeure. »

Mme Nathalie Goulet.  - « Tempus.... »

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Le Parlement est libre ; mais le Gouvernement donne un avis défavorable.

M. Jacques Mézard.  - Je demande la parole...

M. le président. - Aucune explication de vote n'est admise.

M. Jacques Mézard.  - Je veux simplement retirer la motion...

M. le président. - À titre exceptionnel...

M. Jacques Mézard .  - Nous n'avons pas été convaincus par M. le ministre mais compte tenu des paroles de M. Mercier, nous retirons cette motion après avoir lancé un message qui, une fois de plus, ne sera pas entendu... (Sourires)

La motion tendant au renvoi en commission est retirée.

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE 7 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°188 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Bertrand, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Avant l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° L'article L. 311-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 311-2.  -  Conformément aux dispositions de l'article L. 2331-1 du code de la défense, les matériels de guerre, armes, munitions et éléments désignés par le présent titre sont classés dans les catégories suivantes :

« 1° Catégorie A : matériels de guerre et armes interdits à l'acquisition et à la détention, sous réserve des dispositions des articles L. 312-1 à L. 312-4-3 du présent code.

« Cette catégorie comprend :

«  -  A1 : les armes et éléments d'armes interdits à l'acquisition et à la détention ;

«  -  A2 : les armes relevant des matériels de guerre, leurs composants, les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu et les matériels de protection contre les gaz de combat à l'exception exclusive des cas prévus par le 5° de l'article L. 311-3 ;

« 2° Catégorie B : armes soumises à autorisation pour l'acquisition et la détention ;

« 3° Catégorie C : armes soumises à déclaration pour l'acquisition et la détention ;

« 4° Catégorie D : armes soumises à enregistrement et armes et matériels dont l'acquisition et la détention sont libres.

« Un décret en Conseil d'État détermine les matériels, armes, munitions, éléments essentiels, accessoires et opérations industrielles compris dans chacune de ces catégories ainsi que les conditions de leur acquisition et de leur détention. Il fixe les modalités de délivrance des autorisations ainsi que celles d'établissement des déclarations ou des enregistrements.

« En vue de préserver la sécurité et l'ordre publics, le classement prévu aux 1° à 4° est fondé sur la dangerosité des matériels et des armes. Pour les armes à feu, la dangerosité s'apprécie en particulier en fonction des modalités de répétition du tir ainsi que du nombre de coups tirés sans qu'il soit nécessaire de procéder à un réapprovisionnement de l'arme.

« Par dérogation à l'alinéa précédent, les armes utilisant des munitions de certains calibres fixés par décret en Conseil d'État sont classées par la seule référence à ce calibre. »

2° L'article L. 311-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 311-3.  -  Les armes et matériels historiques et de collection ainsi que leurs reproductions sont :

« 1° Sauf lorsqu'elles présentent une dangerosité avérée, les armes dont le modèle est antérieur au 1er janvier 1900 ;

« 2° Les armes dont le modèle, postérieur au 1er janvier 1900, est antérieur au 1er janvier 1946 et qui ont été rendues inaptes au tir de toutes munitions, par l'application de procédés techniques et selon des modalités qui sont définis par arrêté conjoint des ministres de l'intérieur et de la défense, ainsi que des ministres chargés de l'industrie et de douanes.

« Elles sont énumérées par un arrêté conjoint des ministres de l'intérieur et de la défense compte tenu de leur intérêt culturel, historique ou scientifique ;

« Les chargeurs de ces armes doivent être rendus inaptes au tir dans les conditions fixées par l'arrêté prévu au premier alinéa du présent 2°  ;

« 3° Les armes relevant des catégories B, C et D rendues inaptes au tir de toutes munitions, quels qu'en soient le modèle et l'année de fabrication, par l'application de procédés techniques et selon des modalités qui sont définis par arrêté conjoint des ministres de l'intérieur et de la défense, ainsi que des ministres chargés de l'industrie et des douanes ;

« 4° Les reproductions d'armes historiques et de collection dont le modèle est antérieur à la date prévue au 1° , sous réserve qu'elles ne tirent pas de munitions à étui métallique ;

« 5° Les matériels relevant de la catégorie A exclusivement destinés à intégrer la collection d'un musée au sens du livre IV du code du patrimoine dont la neutralisation est effectivement garantie par l'application de procédés techniques et selon les modalités définies par arrêté de l'autorité ministérielle compétente ;

« Ils sont énumérés par un arrêté conjoint des ministres de l'intérieur et de la défense compte tenu de leur intérêt culturel, historique ou scientifique. »

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le problème aujourd'hui, monsieur le ministre, c'est que même le droit passe...Cet amendement empêche la remise en service d'armes de collection qui, recomposées après avoir été neutralisées, peuvent redevenir létales.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - La rédaction de l'amendement ne répond pas à l'objectif des auteurs.

À l'article 9, la nouvelle incrimination de déneutralisation y répondra mieux. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur.  - Il y a, outre cet écueil rédactionnel, un problème de fond : à l'échelle européenne, nous cherchons à établir des standards techniques clairs et harmonisés de neutralisation, qui garantissent son irréversibilité. C'est le rôle du règlement d'exécution européen du 15 décembre 2015. Nous sommes à l'origine de la demande de révision de la directive de 1991 sur les armes à cet effet.

Je doute qu'il soit opportun de modifier la législation nationale alors que le cadre européen est en cours de modification.

Mme Nathalie Goulet.  - Par sa proposition n°70, publiée dans son rapport, la commission d'enquête du Sénat sur la lutte contre le djihadisme proposait déjà d'assujettir les mouvements d'armes à feu inactives remises en état de fonctionnement létal aux obligations inscrites dans la directive 91/477. L'harmonisation européenne en cours est nécessaire et urgente.

M. Pierre-Yves Collombat.  - J'accepte les arguments ; je doute malgré tout des capacités de l'Europe à s'armer. Si cela va aussi vite que pour l'avis au fichier Swift, auquel les Américains ont accès, mais pas les Européens...

L'amendement n°188 rectifié est retiré.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Il y a un délai à l'action de l'Union européenne, nous en sommes conscients. Il a fallu 18 mois pour inscrire notre proposition à l'ordre du jour du conseil justice et affaires intérieures du 15 décembre, après les attentats du 13 novembre 2015. Mais si elle s'engage dans la bonne voie, conformément au plan de lutte contre le trafic d'armes rendu public par notre Gouvernement quatre heures avant les attentats, la commission ayant fixé une directive satisfaisante, ne modifions pas en parallèle notre législation. Merci à M. Collombat pour son retrait.

ARTICLE 7 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°245, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 27

Remplacer la référence :

311- 

par la référence :

311-1

II.  -  Alinéa 31

Supprimer cet alinéa.

III.  -  Alinéa 46

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

«  -  acquisition, cession ou détention sans déclaration ou enregistrement d'armes ou matériels de catégorie C ou d'armes de catégorie D ou de leurs munitions prévues aux articles L. 317-4-1 et L. 317-7 du présent code ;

«  -  acquisition ou détention d'armes ou munitions en violation d'une interdiction, prévue à l'article L. 317-5 du présent code ;

«  -  obstacle à la saisie d'armes ou munitions, prévu à l'article L. 317-6 du présent code ; »

IV.  -  Alinéa 48

Remplacer les mots :

et réprimée par les articles L. 2339-10 et L. 2339-11

par les mots : 

à la section 5 du chapitre IX du titre III du livre III de la deuxième partie

V.  -  Alinéa 50

Supprimer les mots : 

en application des dispositions du code pénal et du présent code qui les prévoient

VI.  -  Alinéa 52

Après la référence : 

insérer les mots :

soumises à enregistrement

L'amendement de coordination n°245, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 9 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié, présenté par Mme N. Goulet et M. Reichardt.

Alinéa 7

Après la lettre :

B

insérer les mots :

ou produits chimiques dont la liste est arrêtée par décret

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement, comme les deux suivants, ajoute les produits chimiques à la liste établie par cet article.

M. le président.  - Amendement n°43 rectifié, présenté par Mme N. Goulet et M. Reichardt.

Alinéa 10

Après la lettre :

B

insérer les mots :

ou des produits chimiques dont la liste est arrêtée par décret

Mme Nathalie Goulet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°44 rectifié, présenté par Mme N. Goulet et M. Reichardt.

Alinéa 13

Après le mot :

détenteur

insérer les mots :

ou des produits chimiques dont la liste est arrêtée par décret

Mme Nathalie Goulet, rapporteur.  - Défendu.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Retrait de ces amendements déjà satisfaits.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

Les amendements nos42 rectifié, 43 rectifié et 44 rectifié sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°247 rectifié, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 18

Remplacer la référence : 

L. 317-7-1 du même code

par la référence : 

222-56 du présent code

II.  -  Alinéa 22

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Est puni des mêmes peines le fait de modifier une arme et d'en changer ainsi la catégorie.

III.  -  Après l'alinéa 37

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au deuxième alinéa de l'article 321-6-1, après les mots : « prévus par les », sont insérés les mots : « articles 222-52 et 222-53 du code pénal, les » et la référence : « , L. 317-4 » est supprimée ;

IV.  -  Après l'alinéa 46

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Aux articles L. 2339-5 et L. 2339-9, les mots : « les dispositions du » sont remplacés par les mots : « la section 7 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal et le » ;

V.  -  Après l'alinéa 50

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le second alinéa de l'article L. 2339-11 est supprimé ;

VI.  -  Après l'alinéa 52

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le premier alinéa de l'article L. 2353-13 est complété par les mots : « ainsi que selon celles de la section 7 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal » ;

VII.  -  Après l'alinéa 65

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° L'article L. 317-9-2 est abrogé ;

VIII.  -  Alinéa 66

Rédiger ainsi cet alinéa :

IV.  -  À la première phrase du 1° de l'article 46 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et à la première phrase du 1° de l'article 40 de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, la première occurrence du mot : « ou » est remplacée par les références : « , aux articles 222-52 à 222-59 ou aux articles ».

 L'amendement de coordination n°247 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 9 modifié est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Avant l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 78-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « raisons plausibles de soupçonner » sont remplacés par les mots : « raisons objectives et individualisées » ;

2° Les sixième à quinzième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Aucun contrôle d'identité ne peut être réalisé au motif d'une quelconque discrimination, telle que définie par l'article 225-1 du code pénal.

« Les contrôles d'identité réalisés en application du présent article donnent lieu, à peine de nullité, à l'établissement d'un document spécifiant le motif du contrôle, ainsi que les modalités de garantie de l'anonymat des personnes contrôlées.

« Cette dernière mesure fait l'objet d'une mise en place progressive dans le cadre d'une expérimentation dans quelques sites pilotes, conformément à l'article 37-1 de la Constitution et accompagnée d'une évaluation incluant des experts indépendants, avant sa généralisation progressive à tout le territoire. »

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement fait suite à une proposition de loi de notre groupe pour lutter contre les contrôles abusifs et renforcer la confiance des citoyens. Les attentats se sont traduits par des mesures exceptionnelles qui migrent dans le droit commun. La jeunesse, au premier rang des victimes des attaques, ne doit pas être en plus visée par ces contrôles d'identité abusifs. Il faut rétablir de la confiance entre la police et les jeunes et interdire tout amalgame, toute discrimination, lors de ces contrôles.

L'imprécision de l'article 78-2 du code de procédure pénale est à revoir. D'où notre amendement.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Le contrôle et la vérification, encadrés par l'article 78-2 du code de procédure pénale, sont des opérations de police judiciaire, tout à fait encadrées par le juge judiciaire. Ce n'est que s'il y a plusieurs raisons plausibles de penser qu'elle a tenté de commettre un délit ou se prépare à le faire qu'une personne est contrôlée. Ce dispositif de récépissé serait trop lourd et un amendement identique a déjà été repoussé. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°75 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat, D. Laurent, Mandelli, Morisset, Trillard et de Legge, Mme N. Goulet, M. Charon, Mme Canayer, MM. Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot.

Avant l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 78-2 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout contrôle discriminatoire constitue un dysfonctionnement du service public de la justice de nature à engager la responsabilité de l'État sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire. Constitue un contrôle discriminatoire celui qui traduit une erreur manifeste qu'un officier de police judiciaire normalement soucieux de ses devoirs n'aurait pu en aucun cas commettre ou encore celui qui révèle l'animosité personnelle, l'intention de nuire ou qui procède d'un comportement anormalement déficient. »

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement complète, dans le même esprit que le précédent, l'article 78-2 du code de procédure pénale, rappelant que tout contrôle d'identité opéré sur des motifs discriminatoires engage la responsabilité de l'État et définit en conséquence la notion de contrôle discriminatoire. Nous souhaitons des précisions sur ce sujet.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Je comprends vos motivations, mais un tel système de responsabilité automatique de l'État serait dangereux. La jurisprudence est tout à fait apte à répondre aux contrôles discriminatoires. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

Mme Nathalie Goulet.  - Si le rapporteur et le ministre ne jugent pas utile une telle disposition, je le retire.

L'amendement n°75 rectifié est retiré.

ARTICLE 17 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Sous prétexte de lutter contre le terrorisme, le risque est grand de fouler aux pieds les droits fondamentaux. Comme le dit le syndicat de la magistrature, cette nouvelle disposition est susceptible de s'appliquer en permanence, d'autant plus qu'elle est confiée à l'autorité administrative. L'article 17 ne respecte pas le critère de proportionnalité. Je regrette les réactions aux derniers amendements, qui témoignent d'une totale ignorance de l'expérience d'une partie de la population. Si les forces de l'ordre travaillent en général très correctement, le ressenti est bien là, dans de nombreux quartiers de notre territoire.

M. le président.  - Amendement identique n°153, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Mme Esther Benbassa.  - L'article 17 introduit la possibilité, pour les officiers de police judiciaire, assistés d'agents de police judiciaire adjoints, de procéder, avec l'autorisation du parquet, à l'inspection visuelle et à la fouille de bagages en plus des contrôles d'identité et de la visite des véhicules. La liste des infractions permettant de recourir à ce cadre de contrôles et de fouilles est très large, et aucun élément objectivable n'est nécessaire. L'utilisation importante des contrôles en France est source régulière de critiques, notamment sur leur caractère discriminatoire.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Une disposition datant de 2001, l'article 78-2-2 autorise le procureur de la République à diligenter ces contrôles sur un territoire donné. Ce qui s'est passé en Belgique justifie cet article.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Cet article 17 n'est pas là pour organiser des contrôles discriminatoires, mais pour prévenir des actes terroristes. Lorsque l'acte terroriste se produit, ceux qui refusaient des pouvoirs aux services remettent en cause leur travail...Je partage totalement la préoccupation des sénatrices Cukierman et Benbassa à l'encontre les contrôles discriminatoires.

C'est pourquoi nous avons ouvert la possibilité d'une saisie directe de l'IGPN, qui est extrêmement vigilante, en rend compte dans un rapport élaboré avec soin et je suis intraitable en cette matière. À ce propos, j'ai dit ce que je pensais à propos de la vidéo diffusée la semaine dernière... (M. Jacques Chiron applaudit)

Mme Cécile Cukierman.  - C'est là qu'est le danger. Monsieur le rapporteur, vous parlez de Bruxelles. Il serait illusoire de dire à nos compatriotes que la menace terroriste ou que des attentats comme ceux de Bruxelles seraient écartés par une telle mesure législative ! Les services n'ont pas les moyens d'un tel contrôle. Attention à la manière dont cet article peut être reçu, comme les autres, qui font craindre une fuite en avant à long terme incontrôlable. Justifiés en situation exceptionnelle, ces contrôles deviennent la norme. Vous le savez, les victimes des contrôles discriminatoires préfèrent le plus souvent se taire.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Nous sommes toujours confrontés au même débat. Il faut vous reconnaître le mérite de la constance dans vos arguments. S'il existait une seule disposition qui nous garantissait à coup sûr contre tout risque terroriste, nous l'aurions prise depuis longtemps !

C'est pourquoi nous nous attachons à constituer une palette de mesures complémentaires. Vous parlez de fuite en avant. Nous sommes dans un État de droit. Ces dispositifs sont contrôlés et susceptibles de recours. Plutôt que d'être dans la crainte, préférons faire en sorte que le pouvoir arrête le pouvoir, comme le voulait Montesquieu.

La police française est républicaine, elle protège des citoyens mis en danger en raison de leur appartenance religieuse. Soyons-lui reconnaissants pour cela...

Mme Cécile Cukierman.  - Oui.

Les amendements identiques nos16 et 153 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°250, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois.

Alinéa 6

Remplacer la référence :

L. 222-54

par la référence :

222-54

L'amendement de coordination n°250, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 17, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°154, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre II du livre Ier du code de procédure pénale est complété par un article 78-8 ainsi rédigé :

« Art. 78-8.  -  I.  -  L'État peut autoriser la mise en place d'une expérimentation d'une durée de douze mois, au plus tard un an après la promulgation de la loi n°2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, afin d'étudier la mise en place d'un récépissé de contrôle d'identité et de fouille.

« Dans le cadre de cette expérimentation, les contrôles d'identité ou les fouilles réalisés en application des articles 78-2, 78-2-2 et 78-2-4 donnent lieu, sous peine de nullité, à l'établissement d'un document mentionnant :

« 1° Les motifs justifiant le contrôle ainsi que la vérification d'identité ou la fouille ;

« 2° Le jour et l'heure à partir desquels le contrôle ou la fouille a été effectué ;

« 3° Le matricule de l'agent ayant procédé au contrôle ou à la fouille ;

« 4° Les observations de la personne ayant fait l'objet du contrôle ou de la fouille.

« Ce document est signé par l'intéressé ; en cas de refus de signer, mention en est faite. Un double est remis à l'intéressé.

« Un procès-verbal retraçant l'ensemble des contrôles est transmis au procureur de la République. »

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement reprenant une proposition de loi écologiste déposée le 16 novembre 2011, établit un mécanisme équilibré et pertinent pour lutter contre un phénomène qui est devenu une réalité humiliante et injustifiée pour de nombreux citoyens : celui du « contrôle au faciès ».

Via un procès-verbal, chaque personne contrôlée disposera ainsi d'une preuve du contrôle lui permettant, le cas échéant, de faire valoir son caractère abusif.

Outre l'identité de la personne contrôlée, seront mentionnés les motifs qui justifient le contrôle et la vérification d'identité, le jour et l'heure à partir desquels le contrôle a été effectué, l'identité de l'agent ayant procédé au contrôle et les observations de la personne ayant fait l'objet du contrôle.

Les fouilles prévues par le projet pourraient poser les mêmes problèmes de discrimination et de l'impossibilité de contester une éventuelle discrimination.

Nous proposons donc de tester ce récépissé de contrôle ou de fouille, dans le cadre d'une expérimentation.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Des textes similaires ont déjà été proposés, notamment en 2011, mais refusés par la commission des lois. Les caméras mobiles devraient remédier au problème. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis. Cela alourdirait encore. Les caméras piétons établiront en continu la traçabilité des rapports entre police et population.

L'amendement n°154 n'est pas adopté.

ARTICLE 18 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - La retenue prévue est une garde à vue administrative censée permettre interroger les services de renseignement, lorsque des raisons sérieuses permettent de penser que le comportement de la personne menace la sécurité et l'ordre publics. Cela illustre bien le glissement contre lequel nous souhaitons lutter : on prétend faire entrer dans le droit commun une mesure qui devrait rester exceptionnelle, au mépris des exigences constitutionnelles et de l'équilibre des pouvoirs entre autorité administrative et juge judiciaire.

La notion floue de « comportement » ouvre la voie à des discriminations. Le seul fait religieux a parfois suffi... Soit une personne est suspecte, donc à placer en garde à vue, soit elle ne l'est pas et n'a pas à être privée de sa liberté d'aller et de venir !

M. le président.  - Amendement identique n°155, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Mme Esther Benbassa.  - Cet article 18, qui permet aux forces de l'ordre, à l'occasion d'un contrôle d'identité, de retenir une personne jusqu'à quatre heures lorsqu'il y a des raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste, présente une étrange parenté avec les mesures prévues dans le cadre de l'état d'urgence, comme le souligne le Défenseur des droits... Il illustre, poursuit-il, « un glissement inquiétant vers l'intégration de mesures exceptionnelles dans notre droit commun, un durcissement de notre arsenal juridique et un déséquilibre entre autorité administrative et autorité judiciaire, au mépris des exigences constitutionnelles et conventionnelles et du juste équilibre qui doit être préservé entre protection des droits et impératifs de sécurité publique ».

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Cet article est un des piliers de ce texte. La mesure est mixte, administrative et judiciaire - n'en déplaise à M. le ministre de l'intérieur - puisque le procureur peut intervenir pour y mettre fin. Les services de police, à la demande de l'officier de police judiciaire qui ordonne la retenue et en informe immédiatement le procureur, doivent avoir le temps de faire des vérifications nécessaires. Ce n'est pas une garde à vue, il n'y aura pas d'audition. Même si les mineurs méritent un régime particulier, ce dispositif, encadré, nous paraît pertinent. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis. Cette mesure répond non à un caprice mais à une réalité : quand un automobiliste est contrôlé sur une autoroute avec un passeport qui pourrait être faux, il faut vérifier son identité en consultant les services français et étrangers.

Mme Cécile Cukierman.  - Et la garde à vue ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Non, nous ne disposons pas de l'outil adéquat. Ce n'est pas une garde à vue, la personne ne sera pas interrogée. Si un terroriste relâché trop tôt vient à frapper, que dira Mme Cuckieman de l'efficacité de mes services ? (Mme Cécile Cukierman s'exclame) On théorisera sur leurs failles, et on aura affaibli la confiance des citoyens dans la capacité de l'État à prévenir les attentats.

Ne croyez pas que l'État, par une perversité consubstantielle, cherche ainsi sournoisement à discriminer telle ou telle partie de la population. Il s'agit de répondre à la réalité, à un besoin quotidien des forces de l'ordre.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je reste très troublé par cette mesure, qui peut se justifier pendant l'état d'urgence, moins dans le droit commun. On nous dit qu'elle est indispensable, soit, encore faut-il l'encadrer. Que le procureur puisse l'interrompre est une bonne chose, cela ne rend que plus urgente la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM)...

Une autre urgence serait de renforcer l'interconnexion des fichiers européens, afin que les services n'aient pas besoin de quatre heures pour procéder aux vérifications nécessaires.

Malgré mes réserves, je ne voterai donc pas cet amendement de suppression.

Mme Nathalie Goulet.  - Moi non plus, cette séquence nouvelle de la procédure est indispensable, nos services disposeront ainsi d'un peu de latitude pour vérifier l'identité, mais aussi la nationalité des personnes retenues : on en a vu l'importance récemment.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous n'avons jamais critiqué vos services, monsieur le ministre, ni dénoncé de failles ! Vivre, c'est accepter qu'il n'y a pas de risque zéro. La réalité, c'est que les terroristes s'adaptent... Ensuite, nous ne voyons nulle perversité dans vos actions, mais vous ne serez pas ministre éternellement, que seront ces mesures entre d'autres mains ? Pourquoi 4 heures ? Pour vérifier un passeport, c'est trop long ou trop court... Et le parquet, dont les conditions de nomination laissent à désirer, n'a pas les moyens de contrôler les mesures instaurées par les textes successifs.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - C'est vrai, 100 % de précautions ne réduisent pas le risque à zéro, mais aucune précaution, c'est 100 % de risques...

Le procureur de la République pourra à tout moment faire cesser la retenue. Les arrestations de la semaine, en France, en Belgique et aux Pays-Bas, ont démontré l'ampleur des ramifications des réseaux terroristes et l'utilité d'une telle mesure, afin que ceux qui viendraient à être contrôlés ne passent pas entre les mailles du filet.

M. Jacques Mézard.  - Cet article mérite que l'on s'y attarde, chacun sait ici que les services réclamaient cette mesure bien avant le 13 novembre... La rédaction est floue : « des raisons sérieuses de penser que son comportement peut être lié à des activités à caractère terroriste », qu'est-ce que cela signifie ? Et s'il n'y a pas d'audition, est-ce à dire que l'enquêteur ne posera pas de questions ? Si l'intéressé s'exprime, ses propos seront-ils consignés et comment ? S'agit-il d'une mesure administrative, ou judiciaire ? Il s'agit bien d'une mesure privative de liberté, et les pouvoirs confiés au parquet sont incompatibles avec son statut actuel.

Personne ici n'a remis en cause la qualité du travail des services de police et de renseignement !

M. Philippe Adnot.  - Je suis très réservé sur cet article, que je voterai en raison des circonstances et de l'excellent travail de la commission des lois. J'aurais préféré une limitation dans le temps d'un tel mécanisme.

Les amendements nos33 et 155 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°156, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

I.  -  Alinéa 3

Après le mot :

personne

insérer le mot :

majeure

II.  -  Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

Mme Esther Benbassa.  - Amendement de repli, pour éviter que les mineurs fassent l'objet de cette retenue de 4 heures.

M. le président.  - Amendement n°124, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

I.  -  Alinéa 13, première phrase

Après les mots :

d'un mineur de

insérer les mots :

seize à

II.  -  Après l'alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les mineurs de seize ans ne peuvent faire l'objet de la présente retenue.

M. Alain Richard.  - Le groupe socialiste est favorable à cet article au nom du principe de prévention même : on ne peut pas attendre que des actes délictueux soient commis. Cependant, cette mesure restrictive - et non privative - de liberté, au sens donné par la jurisprudence constitutionnelle, ne s'applique pas sans difficulté aux mineurs. La commission des lois propose pour eux une retenue de deux heures, ce n'est guère convaincant puisque les mêmes vérifications devront être effectuées... Nous proposons plutôt que la retenue de 4 heures ne s'applique pas aux moins de 16 ans, dont il est moins plausible qu'ils soient impliqués dans la préparation d'actes terroristes.

M. le président.  - Amendement n°170 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé.

Alinéa 13, deuxième phrase

Après le mot :

assisté

insérer les mots :

d'un avocat et

Mme Esther Benbassa.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°125, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 13, deuxième phrase

Après le mot :

légal

supprimer la fin de cette phrase.

M. Alain Richard.  - Défendu.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Les mineurs ne sauraient être exclus de la retenue administrative, on en compte malheureusement parmi les terroristes : rappelez-vous l'affaire de Marseille. Avis défavorable à l'amendement n° 156, ainsi qu'à l'amendement n° 170 rectifié.

Même avis sur l'amendement n° 125, qui aurait pour effet d'empêcher la retenue en l'absence du représentant légal. Quant à l'amendement n° 124, la commission juge sa propre rédaction plus efficace et plus conforme à la réalité : même un mineur de moins de 16 ans peut être impliqué dans des activités terroristes, il doit pouvoir faire l'objet d'une retenue convenablement encadrée. Qu'en pense cependant le Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Le Gouvernement y est défavorable. Pas moins de 400 mineurs ont été signalés pour radicalisation ou liens avec des groupes terroristes, 76 sont impliqués dans les combats en Irak et en Syrie : le sujet est actuel. L'implication d'un mineur dans une activité terroriste n'en fait pas un majeur, il faut le protéger contre la propagande sectaire : c'est pourquoi le procureur de la République doit donner son autorisation expresse, et la retenue déclenchera la mise sous protection du mineur. Même avis sur les autres amendements.

M. Jacques Bigot.  - J'entends, mais trouvera-t-on toujours un administrateur ad hoc en cas de besoin ? À défaut, faudra-t-il prolonger la retenue ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Pardon, je n'ai pas été complet. Je ne suis pas favorable à la réduction de la durée de la retenue, car l'argument de M. Richard est parfaitement valable : les services auront besoin de quatre heures, comme pour les majeurs. Selon moi, la garantie pour les mineurs réside dans l'autorisation expresse du procureur et la mise sous protection.

Quant à l'administrateur ad hoc, il sera effectivement très difficile d'en trouver un dans tous les cas. Faut-il inscrire dans la loi une disposition inapplicable ? Je m'en remets à la sagesse du Parlement...

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Nous sommes presque tous d'accord pour inclure les mineurs dans le champ d'application de cet article. La commission des lois a cependant tenu à ce qu'ils relèvent d'un régime spécifique : autorisation expresse du procureur et désignation, le cas échéant, d'un administrateur ad hoc. Pour faire un pas dans votre direction, monsieur le ministre, je suis prêt à renoncer à réduire la durée de la retenue de quatre à deux heures.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - J'y suis très sensible, comme eu travail considérable qu'a accompli votre commission. Nous cheminons ensemble. Trois points ont été soulevés. Faut-il supprimer la retenue pour les mineurs ? Non. Une même durée de quatre heures ? Oui. L'obligation d'un administrateur ad hoc ? Ce serait un nid à contentieux, j'y suis défavorable.

M. François Pillet.  - Une retenue de quatre heures me paraît bien plus rassurante, y compris pour les mineurs eux-mêmes qu'il s'agit d'empêcher de commettre des actes terroristes mais aussi de protéger. Rappelez-vous les attentats kamikazes en Afrique, leurs auteurs avaient parfois bien moins de 16 ans...

M. Jean-Pierre Grand.  - Je rejoins le rapporteur, pour une retenue de quatre heures : il s'agit de défendre ces enfants contre eux-mêmes. Cela signifie-t-il que mon amendement n°62 rectifié ne viendra pas en discussion ?

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Je reconnais volontiers que vous avez la paternité de cette proposition.

M. Gérard Roche.  - Face à la violence de l'attaque, notre République, dans sa sagesse, a décidé de rester un état de droit. Mais il faut être ferme. En certaines circonstances, c'est faire preuve de courage que de prendre des mesures qui choqueraient en temps ordinaire. Oui, il existe des mineurs terroristes.

La séance, suspendue à 18 h 15, est reprise à 18 h 20.

L'amendement n°156 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos 124 et 170 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°125 rectifié, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 13, deuxième phrase

Après le mot :

légal

rédiger ainsi  la fin de cette phrase :

, sauf impossibilité dûment justifiée. 

M. Jacques Bigot.  - Je présente cet amendement rectifié afin de lever toute difficulté en cas d'absence du représentant légal, sans imposer la désignation d'un administrateur ad hoc.

L'amendement n°125 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°200 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Arnell, Barbier, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Alinéa 3

I.  -  Remplacer les mots :

lorsque ce contrôle ou cette vérification révèle qu'il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement peut être lié à des activités à caractère terroriste

par les mots :

lorsque la consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés par un officier de police judiciaire et selon les règles propres à chacun de ces traitements, révèle qu'elle fait l'objet d'une fiche dite "S" dans le fichier des personnes recherchées

II.  -  Supprimer les mots :

de consulter les traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, selon les règles propres à chacun de ces traitements, et

M. Pierre-Yves Collombat.  - La prévention du terrorisme ne doit pas nous conduire à édicter une loi des suspects. Si les forces de l'ordre constatent une infraction - comme le fait de détenir un faux passeport, monsieur le ministre... - elles peuvent placer l'individu en garde à vue. Sinon, la décision de le retenir ne saurait être prise à la tête du client, mais en fonction de renseignements - dans notre amendement, de l'existence d'une fiche S le concernant.

M. le président.  - Amendement n°191 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Alinéa 3

Après le mot :

révèle

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

un ensemble d'éléments de nature à constituer un faisceau d'indices suffisant pour présumer l'existence d'un lien entre les agissements de cette personne et des activités à caractère terroriste, peut faire l'objet d'une retenue sur place ou dans le local de police pour une vérification de sa situation par un officier de police judiciaire. Cette retenue a nécessairement pour objectif de permettre consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, selon les règles propres à chacun de ces traitements, et, le cas échéant, d'interroger les services à l'origine du signalement de l'intéressé ainsi que des organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou des services de police étrangers.

M. Jacques Mézard.  - Bien que le texte ait été coproduit par l'exécutif et par... l'exécutif de la commission (Sourires), nous espérons encore pouvoir l'améliorer un tant soit peu - vous venez de le faire en suspendant la séance... Des « raisons sérieuses de penser », cela n'a guère de sens en droit.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Nous allons dans la même direction, la retenue ne saurait concerner toutes les personnes dont l'identité est vérifiée.

L'inscription au fichier des personnes recherchées est, parmi les éléments déclenchant la retenue, le plus évident. Mais d'autres motifs peuvent apparaître. La formule retenue est, vous le savez, parfaitement connue et éprouvée par la jurisprudence. Et il y a un contrôle par le procureur de la République, qui pourra mettre fin à la retenue ; cette judiciarisation est une vraie garantie.

Vous avez été entendu et compris, vous pouvez donc retirer votre amendement.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - La formule retenue a été validée par le Conseil constitutionnel en 2013. Tous les individus susceptibles de revenir de Syrie ou d'Irak ne sont pas fichés S. La rédaction que vous proposez empêcherait la retenue de ceux qui ne sont pas français ou qui sont fichés par des services étrangers... Retrait ?

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je ne suis guère sensible à l'argument de la validation par le Conseil constitutionnel.

Si l'individu présente un risque matérialisé dans quelque fichier, sa retenue s'entend ; sur de simples suspicions, en revanche, non. Le fichier S est assez large : bien des personnes qui y figurent n'ont jamais été inquiétées... Quant au contrôle par le procureur de toutes les mesures de retenue administratives, personne n'y croit.

L'amendement n°200 rectifié n'est pas adopté non plus que l'amendement n°191 rectifié.

L'amendement n°168 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°199 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

le procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

M. Jacques Mézard, - En cherchant à distinguer ici restriction et privation de liberté, on atteint des sommets dans le débat...

Quoi qu'il en soit, le contrôle des retenues administratives incombe plus logiquement au juge des libertés et de la détention qu'au procureur. La pilule passerait en tout cas plus facilement.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Je rejoins M. Mézard lorsqu'il nous engage à préciser le statut du juge des libertés et de la détention. Une loi organique s'impose.

L'article 78-1 du code de procédure pénale dispose que les mesures du chapitre dans lequel il s'insère sont placées sous le contrôle du procureur de la République : on ne saurait modifier ici tout le régime des contrôles d'identité. Il y faudrait un peu de temps...

M. Jacques Mézard.  - Je ne vous le fais pas dire !

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Le Conseil constitutionnel, le 5 août 1993, a bien sûr rappelé que ces mesures étaient ordonnées par le contrôle de l'autorité judiciaire.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°199 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°89 rectifié, présenté par MM. Karoutchi et Cambon, Mme Duchêne, MM. Bizet, Cantegrit, Bouchet, Savin, Joyandet, Milon, Danesi, Dufaut et Mouiller, Mme Estrosi Sassone, M. Laménie, Mmes Lopez et Deromedi, MM. Chaize et Pellevat, Mme Hummel, MM. D. Laurent et Gilles, Mme Micouleau, MM. P. Dominati et G. Bailly, Mme Procaccia, MM. Morisset, de Raincourt et Laufoaulu, Mme Duranton, MM. Charon, Masclet et Savary, Mme Giudicelli, MM. Mandelli, Gremillet, Pierre, Mayet, Chasseing, Lefèvre et Pointereau, Mme Mélot et MM. Houel et Husson.

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° Du fait qu'elle bénéficie du droit de faire prévenir par l'officier de police judiciaire toute personne de son choix ainsi que son employeur.

Mme Marie-Annick Duchêne.  - La possibilité pour la personne retenue de prévenir la personne de son choix et son employeur paraît nécessaire au titre des garanties encadrant une privation de liberté, même de très courte durée. Mais l'exercice de ce droit doit être adopté à l'objet de cette nouvelle procédure de vérification. Remplaçons le droit d'information directe par un droit d'information indirecte, par l'intermédiaire de l'officier de police judiciaire.

M. le président.  - Amendement n°189 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° Du fait qu'elle bénéficie du droit de prévenir toute personne de son choix et son employeur, et d'être assistée d'un avocat.

M. Jacques Mézard.  - Imaginez un terroriste - un vrai - retenu : l'autoriser à prévenir toute personne de son choix que son identité est en cours de vérification est assez curieux. Il faut cependant bien garantir ses droits. Mme Duchêne propose que cela passe par le canal d'un officier de police judiciaire. Nous proposons par conséquent qu'il soit assisté d'un avocat.

Il n'y a pas si longtemps, toute la gauche était d'accord avec nous dans ce domaine lors du débat sur la garde à vue.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - L'amendement n°89 rectifié impose le filtre d'un officier de police judiciaire ; l'amendement n°189 rectifié l'assistance d'un avocat.

La commission des lois estime que le retenu doit pouvoir informer la personne de son choix et son employeur. Mais le risque que l'alerte de sa retenue soit donnée à une autre personne suspecte n'est pas moins à craindre si c'est l'officier de police judiciaire qui y procède. Dans notre rédaction, si la personne s'avère dangereuse, un délai de deux heures permettra à l'officier de police judiciaire d'alerter le procureur de la République qui pourra lui-même refuser au retenu d'informer quelqu'un. Retrait ?

M. Pierre-Yves Collombat.  - Quelle usine à gaz !

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Monsieur Mézard, nous avons déjà du mal à déplacer les avocats pour les gardes à vue...

M. Jacques Mézard.  - Ce n'est pas ce qu'ils disent !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°89 rectifié, de bon sens. Que M. Karoutchi n'aille pas en déduire qu'il lui suffise de sortir de l'hémicycle quelques instants pour obtenir un avis favorable du Gouvernement ! (Sourires) Confier à l'officier de police judiciaire un tel rôle de filtre est très opportun. Avis défavorable en revanche à l'amendement n°189 rectifié.

M. Jacques Bigot.  - Je suivrai le rapporteur. La personne retenue n'est pas censée être coupable de quoi que ce soit ; sinon, elle serait en garde à vue. La présence de l'avocat ne s'impose donc pas.

M. Pierre-Yves Collombat.  - À soupçons faibles, faibles garanties pour le justiciable ? Le raisonnement est bien curieux !

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°89 rectifié, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

L'amendement n°189 rectifié n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°97 rectifié bis, présenté par Mmes S. Robert, Bonnefoy et Lienemann et MM. Patriat et Leconte.

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Si l'officier de police judiciaire a des raisons sérieuses de penser que la communication avec la personne choisie ou l'employeur peut avoir des conséquences de nature à porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts fondamentaux de la Nation, il ne fait pas droit à cette demande et en réfère sans délai au procureur de la République qui décide, s'il y a lieu, d'y faire droit.

Mme Sylvie Robert.  - Cet amendement précise les motifs pour lesquels l'officier de police judiciaire peut ne pas faire droit à la demande de la personne retenue de communiquer avec un tiers ou son employeur. La notion de « nécessités liées à la retenue » apparaît trop vague. L'officier de police judiciaire devrait ne pouvoir fonder son refus que sur l'exigence de la sauvegarde de l'ordre public et des intérêts fondamentaux de la nation.

M. Michel Mercier.  - Avis défavorable, compte tenu du vote qui vient d'avoir lieu...

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°97 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°169 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°190 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 5° De son droit à garder le silence.

M. Jacques Mézard.  - Cet amendement vise à s'assurer du respect des droits de la personne retenue administrativement et de la garantie du principe de loyauté dans le recueil des preuves d'une infraction, principe dont l'importance a récemment été rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 mars 2015.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Le régime proposé dans le texte est calqué sur celui de l'article 78-3 du code de procédure pénale relatif à la vérification d'identité. Il n'y a pas lieu d'informer une personne qui n'est pas auditionnée et n'a pas vocation à l'être - on le lui notifie d'ailleurs - de son droit à garder le silence. Votre amendement est satisfait. Retrait ?

M. Jacques Mézard.  - Mais si la personne parle ? Dans un souci de clarté et de loyauté, il faut lui préciser les choses...

L'amendement n°190 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°62 rectifié, présenté par MM. Grand, Milon, Lemoyne et Laufoaulu, Mme Imbert, MM. D. Laurent, Danesi, Laménie, Vasselle, Pinton, Gilles, Pellevat et Bouchet, Mme Hummel, M. Chaize, Mme Micouleau, MM. G. Bailly, Charon, Masclet, Savary, B. Fournier, Mandelli, Pierre, Dallier, Revet et Gremillet et Mme Garriaud-Maylam.

Alinéa 14, deuxième et dernière phrases

Supprimer ces phrases.

M. Jean-Pierre Grand.  - La durée de quatre heures est nécessaire pour permettre aux forces de l'ordre de procéder aux vérifications requises aussi bien pour les majeurs que pour les mineurs.

M. le président.  - Amendement identique n°126, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Jacques Bigot.  - Défendu.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous voterons contre : la rédaction de la commission des lois garantit un léger mieux. Reste que le glissement consistant à aligner le statut du mineur sur celui du majeur m'inquiète. J'en viens à me réjouir que la modification de l'ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs n'ait pas encore été inscrite à l'ordre du jour : vers quoi irait-on ?

Les amendements identiques nos62 rectifié et 126 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°123, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...  -  Une personne ayant déjà fait l'objet d'une telle retenue dans les quatre-vingt-dix jours précédents ne peut être à nouveau retenue. » ;

M. Jean-Yves Leconte.  - Le présent amendement interdit de retenir une personne qui aurait déjà subi une telle mesure dans les 90 derniers jours. C'est une durée raisonnable.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Les terroristes qui sont passés à l'acte sortaient, buvaient, se comportaient comme des jeunes de leur âge, avant de se radicaliser brutalement. Trois mois, c'est trop long : cela suffit pour se radicaliser ! Avis défavorable, par conséquent.

M. Jean-Yves Leconte.  - Dans ce cas, ramenons ce délai à 20 ou 30 jours. Garantissons quoi qu'il en soit, la protection des libertés et l'efficacité de cette mesure, qui n'est pas anodine.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cet échange montre le caractère ubuesque de la mesure : si un individu présente des signes de dangerosité, ce sera régulier et il sera contrôlé chaque fois qu'il passera devant un certain endroit ? Franchement, soyons sérieux !

M. Jacques Bigot.  - Maintenons des règles conformes à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et prévenons tout risque d'abus. Au bout d'un moment, la garde à vue doit s'imposer, davantage qu'une énième retenue pour vérification d'identité.

L'amendement n°123 n'est pas adopté.

L'article 18, modifié, est adopté.

ARTICLE 18 BIS (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°265, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 2 et 3

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. 371-6  - I.  -  Tout mineur français quittant le territoire national sans être accompagné d'un titulaire de l'autorité parentale doit être muni d'un passeport en cours de validité. Lorsqu'il présente un tel document, le mineur est présumé voyager avec l'accord des titulaires de l'autorité parentale.

« Cette disposition ne s'applique pas dans le cadre des voyages scolaires dans le premier et le second degrés. 

« II.  -  Les dispositions du présent article sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Il s'agit de sécuriser le dispositif d'autorisation de sortie du territoire pour les mineurs voté par l'Assemblée nationale, tout en limitant les contraintes administratives pour les familles. Le régime en vigueur jusqu'en 2013 était largement inefficace car le modèle d'autorisation délivré par les mairies ne constituait pas un document sécurisé. Utilisons le passeport comme support d'une telle autorisation, hors voyages scolaires.

Le passeport deviendrait aussi obligatoire pour les mineurs non accompagnés d'un titulaire de l'autorité parentale.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Je ne vois pas quel serait l'intérêt d'aller contre l'avis unanime des députés : si nous voulons que la CMP ait des chances d'aboutir, il faut bien tenir compte du vote de l'autre Assemblée. En outre, l'amendement est inconstitutionnel puisque le code civil ne s'applique pas en Nouvelle-Calédonie.

L'amendement n°265 n'est pas adopté.

L'article 18 bis est adopté.

L'amendement n°114 est retiré.

L'article 18 ter est adopté.

ARTICLE 19

M. François Grosdidier .  - Est-il possible pour un policier de tirer sur un terroriste qui vient de commettre un meurtre, qui s'enfuit et risque fort d'en commettre un autre ? Non : il ne peut invoquer la légitime défense et l'état de nécessité est difficile à démontrer.

Il peut arriver que la neutralisation d'un individu soit la seule façon de prévenir la réitération d'un crime. Le droit en vigueur n'est donc pas adapté à la situation actuelle.

L'Assemblée nationale a créé un nouvel article L. 434-2 dans le code de sécurité intérieure. Il aurait été préférable de le placer dans le code pénal, pour des raisons de cohérence et de valeur symbolique. D'où mon amendement que je vais retirer car la rédaction du rapporteur reprend mon idée en choisissant le code pénal.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman   - Les tueries de janvier et novembre 2015 semblent justifier une adaptation de la législation. La rédaction de l'Assemblée nationale était incompréhensible et inapplicable. Mais celle de la commission des lois n'est pas plus claire ni nécessaire pour assurer la protection juridique des forces de l'ordre. D'où cet amendement de suppression.

M. le président.  - Amendement identique n°157, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Mme Esther Benbassa.  - L'article 19, récrit par le rapporteur, élargit un peu plus les possibilités pour les agents de police, les agents des douanes, les militaires et les gendarmes de faire usage de leur arme. L'état de nécessité n'étant pas défini avec suffisamment de précision, cette présomption d'irresponsabilité est beaucoup trop large.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Les dispositions visant à prévenir la réitération de tueries de masse sont très attendues et réclamées par les policiers et gendarmes. La rédaction de l'Assemblée nationale, assez complexe, nécessite une compréhension intime du code pénal et du dictionnaire. Notre récriture rend irresponsable le détenteur de la force publique faisant usage de son arme pour prévenir la réitération imminente de meurtres ou tentatives de meurtre.

Je vous proposerai de remplacer « imminente » par « dans un temps rapproché » ? Cet usage de l'arme à feu est nécessaire et strictement encadré. Rejet.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Les entreprises meurtrières de terroristes peuvent se poursuivre pendant plusieurs heures, comme le 13 novembre, ou plusieurs jours, pendant la cavale des frères Kouachi qui promenaient leurs armes et leurs ceintures explosives sur la voie publique avec une désinvolture insupportable. Le seul cadre dans lequel les agents de la force publique peuvent faire usage de leur arme est celui de la légitime défense. Il est nécessaire d'adapter ce régime à ceux qui déclarent, comme Mohamed Mérah aux négociateurs du Raid : « J'aime la mort, vous aimez la vie ».

Avis défavorable.

Les amendements nos34 et 157 ne sont pas adoptés.

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

M. le président.  - Amendement n°263, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Le chapitre IV du titre III du livre IV du code de la sécurité intérieure est complété par un article L. 434-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 434-2.  -  N'est pas pénalement responsable le fonctionnaire de la police nationale, le militaire de la gendarmerie nationale, le militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l'article L. 1321-1 du code de la défense ou l'agent des douanes qui fait un usage absolument nécessaire et strictement proportionné de son arme pour empêcher la réitération, dans un temps rapproché et dans le cadre d'une action criminelle visant à causer plusieurs victimes, d'un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtres venant d'être commis, lorsque l'agent a des raisons réelles et objectives de craindre cette réitération, au regard des circonstances de la première agression et des informations dont il dispose au moment où il fait usage de son arme. »

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Face à la menace terroriste, caractérisée par une succession d'actes criminels visant à faire le plus possible de victimes, le Gouvernement propose un cadre approprié pour l'usage des armes par les forces de l'ordre en créant un nouveau cas d'irresponsabilité pénale. Il convient en effet d'adapter notre droit pour l'adapter à la notion de périple meurtrier.

La rédaction de votre commission des lois, si elle a le mérite de la simplicité, est trop large ; elle pourrait s'appliquer, par exemple, à la fuite de malfaiteurs venant de commettre un meurtre après un braquage. Il importe aussi de distinguer plus clairement le nouveau régime de celui de la légitime défense.

La conformité à la jurisprudence de la CEDH, à laquelle je vous sais attaché, monsieur le rapporteur, est assurée par notre rédaction, qui précise les critères d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité. Je vous renvoie à l'arrêt de 2011 Finogenov et autres contre Russie, qui se fonde sur le profil des terroristes et leur caractère déterminé et à celui du 27 septembre 1995, McCann et autres contre Royaume Uni, qui constate que l'usage de leurs armes par les agents de l'État peut être justifié s'il se fonde sur une « conviction honnête ».

Ces éléments, parce qu'ils répondent à un cas précis, sans créer de nouveau fait justificatif, doivent être insérés dans le code de la sécurité intérieure, et non dans le code pénal.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Cet amendement, que nous avons reçu après 14 heures, alors que nous étions déjà en séance, porte sur un article extrêmement important ; la commission ne l'a pas examiné...

À première lecture, monsieur le ministre, je vous en fais crédit : votre rédaction est bien meilleure que celle de l'Assemblée nationale ; elle s'inspire d'ailleurs de celle de la commission des lois puisqu'elle retient l'ordre de la loi... Vous ne voulez pas de notre texte, sans doute parce que c'est le nôtre... Pour autant, vous avez honnêtement cherché une solution en vous appuyant sur la jurisprudence de la CEDH, puisque vous reprenez les termes d'usage absolument nécessaire et strictement proportionné. Il s'agit maintenant de savoir si vous souhaitez trouver une solution commune avec le Sénat. L'attente des forces de l'ordre est forte. Il ne s'agit pas ici de délivrer un permis de tirer mais d'encadrer une riposte absolument nécessaire pour éviter la réitération de crimes.

Nous sommes attachés à l'introduction de ce nouvel article dans le code pénal. Mais là n'est peut-être pas l'essentiel. Je peux convenir que notre rédaction est plus large que la vôtre. Nous pourrions y écrire, après les mots « de son arme », « dans le but exclusif d'empêcher la réitération, dans un temps rapproché et dans le cadre d'une action criminelle visant à causer plusieurs victimes, d'un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtres venant d'être commis, lorsqu'il existe des raisons réelles et objectives de craindre cette réitération ».

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Une suspension de séance serait sans doute utile.

La séance, suspendue à 21 h 45, reprend à 22 heures.

M. le président.  - Amendement n°266, présenté par M. Mercier, au nom de la commission des lois.

Rédiger ainsi cet article :

Après  l'article 122-4 du code pénal, il est inséré un article 122-4-1 ainsi rédigé :

"Art. 122-4-1 .-  N'est pas pénalement responsable le fonctionnaire de la police nationale, le militaire de la gendarmerie nationale, le militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l'article L. 1321-1 du code de la défense ou l'agent des douanes, qui fait un usage absolument nécessaire et strictement proportionné de son arme dans le but exclusif d'empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d'un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d'être commis, lorsque l'agent a des raisons réelles et objectives d'estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont il dispose au moment où il fait usage de son arme. " 

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Le sujet méritait que nous prenions le temps de chercher une rédaction commune. Celle-ci organise la riposte des forces de police et des militaires sur le fondement de l'ordre de la loi, et non sur celui de la légitime défense, tout en respectant la jurisprudence de la CEDH. L'accord trouvé avec le Gouvernement sera utile en vue de la CMP.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Avis très favorable.

L'amendement n°263 est retiré.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement ne lève pas nos doutes sur la manière objective dont un agent des forces de l'ordre appréciera le risque de réitération. Une attitude très calme en apparence peut être suivie de la réitération d'actes terribles ; à l'inverse, des paroles et un comportement agressifs peuvent ne pas se traduire par une réitération. L'arrestation plutôt que la mort d'un des auteurs présumés des attentats du 13 novembre a satisfait une partie des familles des victimes. Ce texte n'évitera pas des dérives.

M. Jacques Bigot.  - La nouvelle rédaction de la commission des lois me rassure. Cependant, en CMP, il faudra peut-être y revenir si l'on ne veut pas que l'agent soit obligé de justifier devant des parties civiles qu'il avait des « raisons réelles et objectives » d'ouvrir le feu.

M. Bruno Retailleau.  - Je veux dire mon soutien total à cet amendement. Les agents des forces de l'ordre doivent être soutenus. Ils prennent des risques pour nous protéger et sont en droit d'attendre de la représentation nationale qu'elle prenne ses responsabilités. La seule dérive que nous devons éviter est que des vies soient fauchées.

M. Jacques Mézard.  - L'heure semble être au compromis, y compris pour réviser la Constitution - ce qui ne marche pas toujours...

M. Bruno Retailleau.  - C'est plus difficile...

M. Jacques Mézard.  - Je comprends le message. Loin de moi l'idée que nos forces de sécurité ne doivent pas être protégées de poursuites scandaleuses. Mais cette rédaction ne facilitera pas les choses en cas de recours. Que signifie juridiquement « dans le but exclusif d'empêcher la réitération ? » N'est-ce pas un but en soi d'empêcher la réitération ? S'il faut que l'agent suspende son geste pour se demander s'il doit tirer... Et puis, quand on en est au « probable »... Les deux textes en débat étaient imparfaits, le troisième ne l'est pas moins. Quand on lance un message de cette nature, mieux vaut être précis

L'amendement n°266 est adopté ;

l'article 19 est ainsi rédigé.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°66 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Buffet, Allizard, G. Bailly, Béchu, Bizet, Bonhomme, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. César, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Chaize, Chasseing, Chatillon, Commeinhes, Cornu, Dallier, Danesi, Darnaud et Dassault, Mmes Debré, Deroche, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, MM. Doligé et P. Dominati, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Duvernois et Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Fontaine, Forissier, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genest, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené, Houel, Houpert et Husson, Mme Imbert, M. Joyandet, Mme Kammermann, M. Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Lemoyne, Lenoir et P. Leroy, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mmes Mélot, M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pillet et Pointereau, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Reichardt, Revet, Savary, Savin, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Vial et Vogel.

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après l'article 421-2-6, il est inséré un article 421-2-7 ainsi rédigé :

« Art. 421-2-7.  -  Constitue un acte de terrorisme le fait d'avoir séjourné intentionnellement à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes afin d'entrer en relation avec un ou plusieurs de ces groupements, en l'absence de motif légitime. » ;

2° Avant le dernier alinéa de l'article 421-5, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« L'acte de terrorisme défini à l'article 421-2-7 est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

« La tentative du délit défini à l'article 421-2-7 est punie des mêmes peines. »

M. Bruno Retailleau.  - Cet amendement, que le Sénat avait adopté dans une proposition de loi cosignée par des parrains aussi prestigieux que le président Bas, le ministre Mercier et le président Zocchetto, crée un nouveau délit de séjour intentionnel sur un théâtre étranger d'opérations terroristes, sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'intention criminelle.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Pourquoi n'ai-je pas repris cette incrimination ? Parce que d'après les praticiens, elle sera réclamée par les avocats afin d'éviter celle d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, plus durement sanctionnée. L'infraction la plus légère écrasera l'infraction plus lourde... Pour autant, la commission a donné un avis favorable à cet amendement.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Le séjour ne serait réprimé que s'il a pour but d'entrer en relation avec un ou plusieurs groupes terroristes sans nécessairement que la preuve soit apportée d'une entreprise terroriste autonome. Or depuis la loi du 13 novembre 2014, l'article 421-2-6 du code pénal fait déjà du séjour sur un théâtre d'opérations terroristes un élément constitutif de l'infraction d'entreprise individuelle terroriste. L'article 113-13, lui, s'applique à tout crime ou délit qualifié d'acte terroriste commis à l'étranger par un Français ou une personne résidant habituellement sur le territoire français. En outre, une personne qui séjourne sur un théâtre d'opérations terroristes fait déjà l'objet de poursuite sur le fondement de l'article 412-2-1.

Au total, l'infraction que vous proposez est trop proche d'incriminations existantes, et assortie d'une sanction moindre. Surtout, il est contraire au principe de la légalité des délits et des peines : comment prouver l'intention ? Une personne qui irait combattre Daech en Syrie serait concernée... Enfin, il sera difficile d'apporter la preuve de la participation à un groupement terroriste ou de la volonté d'entrer en relation avec lui. Le contrôle administratif prévu à l'article 20 est plus efficace. Soyons pragmatiques et efficaces. Le rapporteur de la commission des lois s'est posé les mêmes questions que le Gouvernement... Retrait ?

M. Bruno Retailleau.  - Le processus législatif se poursuit, je maintiens l'amendement pour doter la justice d'un outil nouveau. L'incrimination d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste est assez contraignante, qui repose sur trois éléments.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Nous proposons l'article 20 justement parce que des individus dangereux de retour de théâtres d'opérations sont jusqu'alors non judiciarisables. Vous devrez apporter la preuve de l'intention pour des raisons constitutionnelles et conventionnelles. Et le délit d'entreprise terroriste individuelle est très proche de ce que vous proposez, mais avec un niveau de peine plus élevé.

Certes, une CMP se réunira, mais peut-être pourrions-nous lui éviter un peu de travail...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Ce débat n'est pas illégitime. La commission des lois a éprouvé beaucoup de peine à accepter le contrôle administratif prévu à l'article 20 pour ceux qui s'en retournent d'une zone terroriste plutôt qu'un dispositif pénal sous le contrôle du juge.

L'amendement n°66 rectifié isole certes une composante de l'infraction d'entreprise terroriste individuelle (ETI) mais c'est délibéré, car ses éléments constitutifs ne sont pas toujours faciles à réunir. Le quantum de peine n'est pas aussi élevé que pour l'ETI elle-même, il se justifie donc pleinement. C'est pourquoi la commission des lois a donné un avis favorable à cet amendement.

M. André Reichardt.  - Cosignataire de cet amendement, je persiste à le croire utile. Cette nouvelle incrimination, hautement symbolique, envoie un message clair et lisible à ceux qui pourraient être tentés de partir sur un théâtre d'opérations terroristes. Certes, les personnes peuvent déjà être sanctionnées, mais cela n'est écrit nulle part, aussi simplement. Comme la déchéance de nationalité voulue par le président de la République, cette nouvelle infraction constituera un symbole puissant.

M. Jacques Mézard.  - Les propos du ministre m'ont convaincu ; cessons de faire des lois symboliques. Les messages à l'opinion, ça va bien ! S'il faut rassurer nos concitoyens, le Parlement est là pour voter la loi : on attend de lui des actes.

M. Alain Richard.  - Le groupe socialiste votera contre cet amendement que M. Retailleau nous a invités à voter avec un grand sourire en vue de la commission mixte paritaire. Le sujet ne s'y prête guère.

L'amendement n°66 rectifié est adopté et devient article additionnel.

ARTICLE 20 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°35, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Le manque de moyens humains et financiers de la justice ne doit pas être pallié par l'assignation à résidence des personnes s'en revenant de théâtres d'opérations terroristes. Celles-ci devraient déclarer leur domicile pendant un an...

Nous sommes opposés à un basculement des procédures judiciaires dans le champ administratif.

M. le président.  - Amendement identique n°158, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis. À l'heure actuelle, 630 Français se sont rendus sur ces théâtres d'opérations ; 254 en sont revenus ces derniers mois ; 200 sont entre la France et la Syrie. Sur ces individus rentrés sur le territoire national, 111 sont sous contrôle des services de renseignement, 143 sont incarcérés ou sous contrôle judiciaire.

Ces individus pouvant présenter un danger, il est nécessaire de contrôler leur réinsertion, voire d'engager un processus de déradicalisation, qui, accepté, emporte la levée de ces mesures administratives.

Pour être conventionnelles et constitutionnelles, ces mesures doivent être proportionnées. Nous en rediscuterons. Avis défavorable aux amendements de suppression.

Les amendements identiques nos35 et 158 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°192 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

il existe des raisons sérieuses de penser que ce

par les mots :

on peut présumer que le

M. Jacques Mézard.  - Nous poursuivons notre combat contre les « raisons sérieuses de penser »... C'est une porte ouverte à des recours contentieux... Sérieux, eux aussi.

M. le président.  - Amendement n°193 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

dans des conditions susceptibles de la conduire à porter atteinte à la sécurité publique

par les mots :

et dont l'on peut présumer, en raison des crimes de guerre ou crimes contre l'humanité auxquels elle a assisté ou pris part, qu'elle est susceptible de porter atteinte à la sécurité publique

M. Jacques Mézard.  - La notion de « théâtre de groupements terroristes » pouvant varier, il est nécessaire d'assortir ce critère géographique d'un second critère permettant d'établir la dangerosité effective des individus ayant fréquenté des groupes qualifiés de terroristes au niveau national ou international, au regard du degré de violence des activités auxquelles ils ont été effectivement associés.

Les décennies passées ont montré que notre territoire pouvait revêtir le caractère d'un tel théâtre...

M. Michel Mercier, rapporteur.  - La formule « raisons sérieuses » est courante en matière de police administrative : avis défavorable à l'amendement n°192 rectifié.

Les personnes de retour de théâtres d'opérations extérieures ne sont pas poursuivies pour crimes contre l'humanité : avis défavorable à l'amendement n°193 rectifié.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°192 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°193 rectifié

M. le président.  - Amendement n°264, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéa 9

Remplacer les mots :

de deux mois

par les mots :

d'un mois, non renouvelable

III.  -  Après l'alinéa 9

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 225-2-1.  -  Le ministre de l'intérieur peut également, après en avoir informé le procureur de la République de Paris, faire obligation à toute personne mentionnée à l'article L. 225-1, dans un délai maximal d'un an à compter de la date certaine de son retour sur le territoire national, de :

« 1° Déclarer son domicile et tout changement de domicile ;

« 2° Déclarer ses identifiants de tout moyen de communication électronique dont elle dispose ou qu'elle utilise, ainsi que tout changement d'identifiant ;

« 3° Signaler ses déplacements à l'extérieur d'un périmètre déterminé ne pouvant être plus restreint que le territoire d'une commune ;

« 4° Ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics.

« Ces obligations sont prononcées pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois par décision motivée.

IV.  -  Alinéa 10, première phrase

Remplacer la référence :

à l'article L. 225-2

par les références :

aux articles L. 225-2 et L. 225-2-1

V.  -  Alinéa 12, première phrase

Remplacer la référence :

de l'article L. 225-2

par les références :

des articles L. 225-2 et L. 225-2-1

et, après les mots :

notification de la décision

insérer les mots :

ou de son renouvellement

VI.  -  Alinéa 14

Remplacer la référence :

de l'article L. 225-2

par les références :

des articles L. 225-2 et L. 225-2-1

et les mots :

au même article

par les mots :

aux mêmes articles

VII.  -  Alinéas 15 et 16

Remplacer la référence :

de l'article L. 225-2

par les références :

des articles L. 225-2 et L. 225-2-1

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Le contrôle administratif de deux mois proposé par votre commission des lois méconnaîtrait le principe de proportionnalité : d'où ce dispositif gradué.

M. le président.  - Amendement n°127, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 9

Remplacer les mots :

de deux

par le mot :

d'un

M. Jacques Bigot.  - Cet amendement ramène à un mois la durée de l'assignation à résidence des personnes qui se sont déplacées à l'étranger afin de participer à des activités terroristes.

M. le président.  - Amendement n°251, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois.

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 225-4. - Lorsque des poursuites judiciaires sont engagées à l'encontre d'une personne faisant l'objet d'obligations fixées en application du présent chapitre ou lorsque des mesures d'assistance éducative sont ordonnées en application des articles 375 à 375-9 du code civil à l'égard d'un mineur faisant l'objet des mêmes obligations, le ministre de l'intérieur abroge les décisions fixant ces obligations.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Amendement de précision. Surveiller ces personnes s'impose ; nous en sommes d'accord. En revanche, la commission des lois a refusé les mesures de coercition, dites allégées, post-assignation à résidence, que le Gouvernement souhaite réintroduire, préférant une durée d'assignation à résidence plus longue. À titre personnel, avis défavorable à l'amendement n°264 que la commission n'a pas pu examiner en raison de son dépôt tardif. Sagesse sur l'amendement n°127 : la commission des lois avait fixé un plafond de deux mois : ce n'était qu'un maximum.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Dans son avis du 28 juillet 2015, le Conseil d'État a estimé qu'une assignation à résidence devait se limiter à un mois non renouvelable. Au-delà, le risque constitutionnel est réel. Avis favorable à l'amendement n°127. Avis favorable également à l'amendement n°251, de précision.

M. Jacques Bigot.  - Le texte du Gouvernement contenait initialement un premier alinéa laissant espérer un contrôle de nature judiciaire, sans doute plus conforme à notre État de droit. Il a sauté. Son amendement n°264 propose des astreintes très lourdes, dont l'interdiction de quitter sa commune qui peut être un village. Cela ne me semble pas conforme à la jurisprudence de la CEDH. Nous ne la voterons pas, la rédaction de la commission nous semblant meilleure.

L'amendement n°264 n'est pas adopté.

L'amendement n°127 est adopté de même que l'amendement n°251.

M. le président.  - Amendement n°137 rectifié bis, présenté par Mmes Lienemann et Bonnefoy et MM. Leconte, Duran et Labazée.

Alinéa 10, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

sur la base d'informations précises, recoupées, étayées et sourcées

M. Jean-Yves Leconte.  - Défendu.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°137 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 20, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°259, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 20

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de la sécurité intérieure, est insérée une section 4 bis ainsi rédigée : 

« Section 4 bis

« Grands événements

« Art. L. 211-11-1. - Les grands événements exposés, par leur ampleur ou leurs circonstances particulières, à un risque exceptionnel de menace terroriste sont désignés par décret. Ce décret désigne également les établissements et les installations qui accueillent ces grands événements ainsi que les organisateurs concernés.

« L'accès de toute personne, à un autre titre que celui de spectateur ou de participant, à tout ou partie des établissements et installations désignés par le décret mentionné au premier alinéa est soumis à autorisation de l'organisateur pendant la durée de cet événement et de sa préparation. L'organisateur recueille au préalable l'avis de l'autorité administrative rendu à la suite d'une enquête administrative qui peut donner lieu à la consultation, selon les règles propres à chacun d'eux, de certains traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. Un avis défavorable ne peut être émis que s'il ressort de l'enquête administrative que le comportement ou les agissements de la personne sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.

« Un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés fixe les modalités d'application du présent article, notamment la liste des fichiers mentionnés au deuxième alinéa pouvant faire l'objet d'une consultation, les catégories de personnes concernées et les garanties d'information ouvertes à ces personnes. »

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - L'objet du dispositif relatif aux « grands événements » est de renforcer les contrôles d'accès aux établissements ou installations accueillant des événements de grande ampleur, qui sont exposés à un risque exceptionnel de menace terroriste. La loi Savary avait déjà créé une procédure de contrôle aléatoire ; cet amendement va plus loin, en créant un régime d'autorisation d'accès pour pénétrer dans tout ou partie de ces établissements ou installations pendant la durée de cet événement et de sa préparation.

Le comportement ou les agissements de la personne autorisée à accéder aux établissements et installations ne sont pas de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.

En bref, le dispositif « grands événements » isole le régime d'autorisation d'accès en cas de menace terroriste exceptionnelle.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis très favorable.

M. Alain Richard.  - « Les organisateurs concernés » ? Il n'y en a généralement qu'un seul. Ne peut-on disposer plutôt au quatrième alinéa, « leur organisateur » ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Entendu.

M. le président.  - Il devient l'amendement n°259 rectifié.

Amendement n°259 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 20

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de la sécurité intérieure, est insérée une section 4 bis ainsi rédigée : 

« Section 4 bis

« Grands événements

« Art. L. 211-11-1. - Les grands événements exposés, par leur ampleur ou leurs circonstances particulières, à un risque exceptionnel de menace terroriste sont désignés par décret. Ce décret désigne également les établissements et les installations qui accueillent ces grands événements ainsi que leur organisateur.

« L'accès de toute personne, à un autre titre que celui de spectateur ou de participant, à tout ou partie des établissements et installations désignés par le décret mentionné au premier alinéa est soumis à autorisation de l'organisateur pendant la durée de cet événement et de sa préparation. L'organisateur recueille au préalable l'avis de l'autorité administrative rendu à la suite d'une enquête administrative qui peut donner lieu à la consultation, selon les règles propres à chacun d'eux, de certains traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. Un avis défavorable ne peut être émis que s'il ressort de l'enquête administrative que le comportement ou les agissements de la personne sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.

« Un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés fixe les modalités d'application du présent article, notamment la liste des fichiers mentionnés au deuxième alinéa pouvant faire l'objet d'une consultation, les catégories de personnes concernées et les garanties d'information ouvertes à ces personnes. »

L'amendement n°259 rectifié est adopté et devient article additionnel.

ARTICLE 21

M. le président.  - Amendement n°260, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, est ainsi rédigé :

« Art. L. 114-2. - I. - Les décisions de recrutement et d'affectation, non prévues à l'article L. 114-1, concernant des emplois qui, par la nature des fonctions exercées et les secteurs d'activité dans lesquels ils sont occupés, sont susceptibles de représenter des risques d'atteintes graves à la sécurité publique peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes occupant ou souhaitant occuper ces emplois n'est pas incompatible avec l'exercice de ces fonctions.

« La personne qui postule pour l'un des emplois mentionnés à l'alinéa précédent est informée qu'elle est susceptible, dans ce cadre, de faire l'objet d'une enquête administrative dans les conditions du présent article.

« II. - Si le comportement d'une personne occupant un emploi mentionné au I fait naître des raisons sérieuses de penser qu'il n'est plus compatible avec l'exercice des fonctions pour lesquelles elle a été recrutée ou affectée, une enquête administrative peut être menée à la demande de l'employeur ou à l'initiative de l'autorité administrative.

« III. - L'enquête administrative peut donner lieu à la consultation du bulletin n°2 du casier judiciaire et de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification.

« IV. - L'autorité administrative avise sans délai l'employeur du résultat de l'enquête.

« L'avis précise s'il existe des raisons sérieuses de penser que cette personne est susceptible, à l'occasion de ses fonctions, de porter gravement atteinte à la sécurité publique.

«V. - Un décret en Conseil d'État fixe la liste des fonctions et des secteurs d'activités concernés et détermine les modalités d'application du présent article. »

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Cet amendement ajuste la rédaction de votre commission des lois.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°260 est adopté et l'article 21 est ainsi rédigé.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°63 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Milon, Lemoyne et Laufoaulu, Mme Imbert, MM. D. Laurent, Danesi, Laménie, Vasselle, Pinton, Gilles, Pellevat et Bouchet, Mme Hummel, M. Chaize, Mme Micouleau, MM. Charon, Masclet, Savary, B. Fournier, Mandelli, Pierre, Dallier, Savin et Revet et Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi.

Après l'article 32 AB

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aux première et deuxième phrases du troisième alinéa de l'article L. 233-2 du code de la sécurité intérieure, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « quinze ».

M. Jean-Pierre Grand.  - L'article L. 233-2 du code de la sécurité intérieure prévoit la conservation des données collectées par les dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules durant un délai maximal de huit jours, en l'absence de rapprochement entre le numéro de la plaque d'immatriculation lu et la base de données centrale des véhicules volés ou signalés. Ce délai permet la consultation du traitement automatisé des données relatives aux objets et véhicules signalés, ainsi que du système d'information Schengen.

Porter la durée de conservation à quinze jours serait plus cohérent car le temps consacré à la collecte, l'analyse des données et leur traduction en éléments exploitables peut être long.

M. le président.  - Amendement identique n°69 rectifié, présenté par M. Paul.

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis.  - Défendu.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

Les amendements identiques nos63 rectifié bis et 69 rectifié sont adoptés et deviennent articles additionnels.

ARTICLE 32

M. François Grosdidier .  - Les caméras piétons ne présentent que des avantages : pour les citoyens, pour les agents, comme pour leurs autorités hiérarchiques et les magistrats. Largement expérimenté à l'étranger et au sein des polices municipales, le système a fait ses preuves. Le coût d'une caméra s'élèverait à 1 200 euros ? Dans ma commune, les Gopro premier prix sont à moins de cent euros, et moins de 1 000 euros pour les plus sophistiquées. Le Gouvernement, s'il reconnait le mérite de ces caméras, entend en restreindre l'usage dans les communes non situées en zone sécuritaire de priorité - précisément là où la délinquance, grâce à ces caméras, a chuté !

Je me rallierai à l'amendement élargissant le recours à ces caméras dans les polices municipales.

M. le président.  - Amendement n°131, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

I.  -  Alinéa 5

Supprimer les mots :

lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées

II.  -  Alinéa 6

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Il est déclenché lorsqu'un incident se produit ou est susceptible de se produire, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées. Il est également déclenché à la demande des personnes concernées par les interventions des agents de la police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale.

M. Alain Richard.  - Le déclenchement de l'enregistrement vidéo devrait être possible aussi à la demande d'une personne privée, c'est une question d'équilibre.

M. le président.  - Amendement n°95, présenté par M. Grosdidier.

I.  -  Alinéa 6

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Il est déclenché lorsqu'un incident se produit ou, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées, est susceptible de se produire. Il est également déclenché à la demande des personnes concernées par les interventions des agents de la police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale.

II.  -  Alinéa 7

1° Après le mot :

preuves

insérer les mots :

, le respect par les agents et militaires de leurs obligations

2° Compléter cet alinéa par les mots :

et militaires

M. François Grosdidier.  - Avec les Iphone, ce sont maintenant les policiers qui sont souvent filmés par les contrevenants ou des tiers. Reste qu'il faut donner à la personne concernée par l'intervention des agents la possibilité de demander l'enregistrement.

M. le président.  - Amendement n°132, présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 7

Après le mot :

preuves

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

, le respect par les agents et militaires de leurs obligations et la formation de ces agents et militaires.

M. Jacques Bigot.  - Amendement de mise en cohérence avec l'alinéa 5.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Je vois dans ces amendements des sources de difficultés potentiellement graves...Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Je suis favorable à l'utilisation des caméras piétons par les polices municipales et le demeure. Je me suis d'ailleurs opposé aux amendements des députés en restreignant le recours. Avis favorable à l'amendement n°132, avis défavorable aux autres.

L'amendement n°131 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos95 et 132.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par MM. Grand, Pellevat et Danesi, Mme Deromedi, MM. Laufoaulu et Milon, Mme Hummel, MM. B. Fournier, Chaize et Chasseing, Mme Garriaud-Maylam et MM. Laménie, Charon, Vasselle, Panunzi, Pinton, G. Bailly, Mandelli, Doligé, Pierre, Savin et Revet.

Alinéa 8, troisième phrase

Supprimer cette phrase.

M. Jean-Pierre Grand.  - Prévoir que le déclenchement de l'enregistrement fasse l'objet d'une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l'interdisent, c'est flou. Cela fait de plus courir le risque d'annulation de la preuve si l'agent de la police nationale ou le militaire de la gendarmerie nationale n'a pas informé la personne filmée.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Informer la personne si elle est filmée contribue parfois à diminuer la tension. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°5 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Grand, Danesi, Laufoaulu et Milon, Mme Hummel, MM. B. Fournier et Chaize, Mme Garriaud-Maylam, MM. Laménie, Charon, Béchu, Vasselle, G. Bailly et Delattre, Mme Micouleau et MM. Mandelli, Pierre et Revet.

Alinéa 9

Remplacer les mots :

de six

par les mots :

d'un

M. Jean-Pierre Grand.  - La durée de conservation des images de vidéoprotection ne peut excéder un mois, sauf procédure judiciaire en cours. En règle générale, quelques jours suffisent à effectuer les vérifications nécessaires.

Pourquoi prévoir six mois pour les vidéos effectuées à partir de caméras mobiles ? Cela parait excessif, sans compter que la Cnil ne semble pas avoir été consultée. Passons à un mois.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Sagesse.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Si cette durée est plus longue que pour les images de vidéoprotection, elle n'est pas disproportionnée à l'objectif poursuivi. Avis défavorable.

L'amendement n°3 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°261, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Le renvoi aux dispositions du code de la sécurité intérieure relatives à la vidéoprotection n'est pas adapté aux caméras mobiles, lesquelles ne sont pas soumises à une autorisation préfectorale. En tout état de cause, le contrôle de la Cnil s'exercera et le droit d'accès aux enregistrements sera assuré puisque les enregistrements audiovisuels seront soumis à la loi du 6 janvier 1978.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - À titre personnel, avis favorable à cet amendement que la commission de lois n'a pas pu examiner. Effectivement, mieux vaut éviter de mélanger les régimes juridiques. Le contrôle de la Cnil semble assuré.

L'amendement n°261 est adopté.

L'article 32, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°267, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 32

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le septième alinéa de l'article L. 2251-4-1 du code des transports, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs est ainsi rédigé :

« Ces enregistrements sont soumis à la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment en ce qui concerne le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et le droit d'accès aux enregistrements. »

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Amendement de coordination avec l'amendement n°261.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°267 est adopté et devient article additionnel.

L'article 32 bis est adopté.

L'article 32 ter est adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné 58 amendements ; il en reste 201.

Prochaine séance, demain, mercredi 30 mars 2016 à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 25.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus