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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mise au point au sujet d'un vote

Demande d'avis sur une nomination

Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

CMP (Candidatures)

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Accord avec l'Italie : Lyon-Turin (Procédure accélérée)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Bernard Vera

M. Jean-Noël Guérini

Mme Leila Aïchi

Mme Éliane Giraud

M. Jean-Pierre Vial

M. Vincent Capo-Canellas

M. Michel Bouvard

CMP (Nominations)

Accession du Monténégro à l'OTAN (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

M. Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Bernard Vera

M. Jean-Noël Guérini

M. Jean-Marie Bockel

Mme Leila Aïchi

M. Gilbert Roger

M. Jacques Legendre

Discussion de l'article unique

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

Accord sur l'échange des déclarations pays par pays

Discussion générale

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics

M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances

M. Yvon Collin

M. Vincent Capo-Canellas

M. André Gattolin

M. François Marc

M. Éric Bocquet

M. Philippe Dominati

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article unique

Questions d'actualité

Relations transatlantiques (I)

M. Martial Bourquin

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Substances toxiques dans les couches pour bébés

Mme Élisabeth Doineau

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Relations transatlantiques (II)

M. Jean-Pierre Raffarin

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre

État actionnaire

M. Yvon Collin

M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie

Fermeture de la centrale de Fessenheim

M. Jean Desessard

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Situation du groupe Vivarte

Mme Cécile Cukierman

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Pollution atmosphérique

Mme Éliane Giraud

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Financement des groupements de défense sanitaire

M. Jean-Claude Luche

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Communes nouvelles

M. Daniel Gremillet

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Trains d'équilibre du territoire

M. Jean-Jacques Filleul

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Retour des djihadistes en France

Mme Sophie Primas

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Politique familiale

Mme Anne Chain-Larché

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Dépôt d'un rapport

Ratification d'ordonnances relatives à la Corse (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois

M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Jean-Claude Luche

M. Philippe Kaltenbach

M. Stéphane Ravier

M. Christian Favier

M. Joseph Castelli

M. Jean-Jacques Panunzi

M. Jean-Michel Baylet, ministre

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Jacques Mézard

Mme Cécile Cukierman

M. Jean-Jacques Panunzi

ARTICLE 2

M. Jacques Mézard

Interventions sur l'ensemble

Mme Cécile Cukierman

M. Jean-Michel Baylet, ministre

Ordre du jour du mardi 31 janvier 2017

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du jeudi 26 janvier 2017

48e séance de la session ordinaire 2016-2017

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaires : Mme Corinne Bouchoux, M. Christian Cambon.

La séance est ouverte à 10 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Leila Aïchi.  - Les membres du groupe écologiste n'ont pas pu prendre part au vote par scrutin public n°91 du 24 janvier 2017 sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à l'autoconsommation d'électricité et aux énergies renouvelables. Ils souhaitaient voter pour.

M. le président.  - Acte est donné de cette rectification de vote.

Demande d'avis sur une nomination

M. le président.  - Conformément aux dispositions de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et en application de l'article L. 131-10 du code de l'environnement, M. le Premier ministre, par lettre en date du 24 janvier 2017, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis de la commission du Sénat compétente en matière d'environnement sur le projet de nomination de M. Philippe Martin aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité.

Cette demande d'avis a été transmise à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d'un sénateur appelé à siéger au sein de la commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques.

La commission de la culture a été invitée à présente un candidat. La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

CMP (Candidatures)

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d'une commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.

La commission des affaires économiques a désigné les candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire. Cette liste a été publiée conformément à l'article 12, alinéa 4, du Règlement et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de deux conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié.

Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de l'acquisition de contre-mesures médicales, est adopté définitivement.

Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention relative à l'assistance alimentaire, est adopté définitivement.

Accord avec l'Italie : Lyon-Turin (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l'engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - La liaison ferroviaire Lyon-Turin, projet né il y a trente ans, connaîtra avec cet accord une étape décisive. Cet accord, signé le 24 février 2015, complète ceux de 2011 et 2012. Il valide les derniers travaux et précise le financement et les règles de passation de marchés pour éviter toute infiltration mafieuse.

Ce projet répond à un risque de transfert de flux de la Grande-Bretagne et du Benelux vers l'Italie via la Suisse et l'Autriche, après la mise en service du tunnel du Saint-Gothard et dans la perspective de celle du Brenner, en construction.

Ce tunnel confortera la place de la France au coeur de l'Europe et sera bon pour la compétitivité de notre économie. Il ne s'agit pas seulement de relier Lyon et Turin ou Paris et Milan, mais de rapprocher deux grandes régions européennes. C'est aussi une grande infrastructure européenne entre péninsule ibérique et Slovénie vers l'Europe centrale, mettant la France au coeur des flux. Chaque année, 2,7 millions de poids lourds traversent les Alpes, occasionnant une pollution grave. Nous croyons à l'avenir du transport ferroviaire, y compris par le fret, en accord avec nos engagements à la Convention alpine de 1991 et à la COP21.

Le report modal, pour les voyageurs comme pour le fret, renforce également la sécurité - nous nous souvenons des catastrophes récentes sur les infrastructures routières. Le tunnel du Mont-Cenis, datant de 1871, ne peut pas suffire.

Le budget de ce projet est arrêté à 8,3 milliards d'euros. L'Europe y contribuera à hauteur de 40 %, soit le maximum autorisé, débloquant 813 millions d'euros sur la période 2014-2019 ; l'Italie à hauteur de 35 % ; la France 25 %. Au total notre contribution s'élèvera à 2,21 milliards d'euros, en valeur 2012.

La partie française du tunnel de base sera financée par le Fonds de développement d'une politique intermodale des transports dans le massif alpin et par l'Afitf. Nous ne pouvions pas laisser passer ce financement européen : nous nous sommes battus pour que le Lyon-Turin soit reconnu prioritaire ; il fallait ensuite montrer que la France était prête à le réaliser. Le règlement des contrats, d'une extrême rigueur, permet d'écarter toute entreprise suspectée de liens avec une organisation mafieuse.

En Italie, le Sénat et l'Assemblée nationale ont adopté cette convention, respectivement le 16 novembre et le 20 décembre. M. Sergio Mattarella, le président de la République italienne l'a promulguée. La France doit faire de même.

Cet accord est un acte de foi dans le rapprochement entre la France et l'Italie et dans le projet européen lui-même. Nous ne pouvons pas laisser passer cette opportunité. La ratification de cet accord s'impose. (Applaudissements)

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Je remercie le président Carrère de m'avoir confié ce dossier.

Le projet phare de la coopération franco-italienne qui nous rassemble aujourd'hui ajoutera à la Maurienne et au Fréjus une ligne de plaine plus compétitive. Ce tunnel de quelque 57,7 kilomètres dont 45 en France et 12 en Italie sera réalisé d'ici 2029.

Des galeries de reconnaissance ont été creusées. Le protocole de mars 2016 fixe le coût à un peu plus de 8 milliards d'euros. La commission a accordé une subvention de 813 millions d'euros pour 2014-2019 ; espérons qu'elle continuera après cette date. Il est prévu qu'elle assure 40 % du financement, l'Italie 35 %, la France 25 %.

La France doit garantir un financement de 200 millions d'euros par an sur douze ans, chiffre à rapporter aux 15 milliards qu'elle consacre chaque année aux transports.

Quid des conclusions de la mission Destot-Bouvard à propos d'un surpéage autoroutier dont bénéficierait l'Afitf ? Le financement français n'est pas sécurisé à long terme.

L'accord comporte des dispositions anti-mafia avec une liste blanche d'entreprises. Les Italiens ont la possibilité d'inscrire les entreprises sur des listes blanches ou noires. En France, nous ne pouvons écarter que les entreprises déjà condamnées. Espérons que cela n'occasionnera pas de QPC. Le préfet français pourra-t-il remplir sa mission ? Tracfin ne peut pas l'informer directement !

Les flux routiers représentent 90 % des flux avec 2,5 millions de poids lourds. Il faut une politique globale en faveur du fret ferroviaire si nous voulons que cette ligne soit utilisée de manière intermodale. Sans mobilisation de l'État, la ligne pourrait être vide.

Le train, quatre à cinq fois moins polluant que le transport routier, permettra d'éviter les pics de pollution qui se multiplient dans les Alpes. Cette ligne renforcera les échanges entre péninsule ibérique et Italie et Slovénie. Ce sera le seul grand tunnel alpin est-ouest.

Les aménagements suisses ou autrichiens ont déjà fait basculer hors de France les flux Benelux-Italie. Il faut veiller à éviter la finistérisation de la France - sans offense à nos collègues bretons.

Le Lyon-Turin devra être accompagné d'aménagements, à la charge de l'État, mais aussi de la région. (Applaudissements)

M. Bernard Vera .  - Près de trois millions de poids lourds par an soit 7 500 par jour saturent les vallées alpines et occasionnent des accidents comme dans les tunnels du Mont-Blanc en 1999 ou du Fréjus en 2005. La Savoie est le département le plus pollué de France. Depuis 1970, la part modale est passée de 70 à 10 % pour le train. Le goulet d'étranglement de Saint-Jean-de-Maurienne sature la ligne classique.

L'Union européenne ne s'y est pas trompée en 1994, quand elle a mis cette ligne dans sa liste des infrastructures prioritaires. Il s'agit d'une dynamique européenne, un investissement économiquement, socialement et écologiquement utile. Cette ligne diminuera le temps de transport pour les voyageurs, diminuera les pollutions locales, améliorera la desserte locale et créera de l'emploi.

Le groupe communiste républicain et citoyen est en faveur des transports rapides et moins polluants. (Applaudissements)

M. Jean-Noël Guérini .  - La France et l'Italie ont des relations bilatérales fortes. Le Lyon-Turin est le signe d'une Europe unie capable d'améliorer la vie de ses citoyens. Après des débuts laborieux, ce projet fait l'objet d'un troisième accord qui fixe, grâce à une certification indépendante, le coût final du projet à 8,3 milliards en valeur 2012. La part de la France s'élève à 25 %. La participation de l'Union européenne à 40 % a été confirmée. Les enjeux sont de taille : ce projet assurera une desserte plus efficace des zones alpines, tant pour les voyageurs que pour le fret ; il facilitera les échanges commerciaux, y compris locaux, en déchargeant les autres infrastructures dans des conditions de sécurité accrues ; il permettra un report modal qui aidera la France à tenir ses engagements de réduction des gaz à effet de serre.

Le groupe RDSE le soutient à l'unanimité. (Applaudissements)

Mme Leila Aïchi .  - Nous sommes en faveur du renforcement des infrastructures ferroviaires et au report modal. Mais le Lyon-Turin est-il utile ? Les prévisions initiales de report ont été surévaluées : les prévisions sont passées de 19 à 4,5 millions de passagers et de 35 millions de tonnes à 22 millions de tonnes dans les dernières années. Bref, si ce projet avait un sens au début des années 1990, c'est son utilité dans les années à venir, que nous contestons.

La voie ferroviaire existante est utilisée à moins de 20 % de sa capacité. Alors que de nombreuses lignes sont encore en voie unique, le doublement des voies et leur sécurisation pourraient suffire pour absorber une grande partie du trafic routier dans la région.

La direction du Trésor évalue le projet global à 26 milliards d'euros contre les 2,1 milliards initialement prévus. Pour la seule section transfrontalière, le coût est estimé à 8,3 milliards d'euros contre 4,5 initialement. Dès 1998 le Conseil général des ponts et chaussées mettait en garde contre la faible rentabilité socio-économique de ce projet et l'absence de financement. Le Commissariat à l'investissement devrait mener une contre-expertise indépendante de l'évaluation socio-économique pour tout projet supérieur à 100 millions d'euros et donc pour le Lyon-Turin.

Le contribuable est-il en capacité de soutenir une telle charge ? Le président de la SNCF l'a dit : ces milliards seront en moins pour le reste du réseau.

La quasi-totalité des membres du groupe écologiste voteront contre ce texte.

Mme Corinne Bouchoux.  - Très bien !

Mme Éliane Giraud .  - Quand la France tousse à cause de la pollution, en particulier dans les vallées alpines, ce projet serait-il inutile ? Une infrastructure du XIXe siècle serait-elle capable de transporter les tonnages d'aujourd'hui ? Les Suisses ont largement subventionné les infrastructures ferroviaires.

Une offre de transport ferroviaire réduit la consommation d'énergie et incite au report modal. Le Lyon-Turin est indispensable pour concurrencer le Saint-Gothard. Il améliorera la sécurité. Les longs tunnels routiers alpins sont fragiles, les accidents qu'ils ont connus en attestent. Le Lyon-Turin permet pour l'Union européenne un rééquilibrage entre l'Europe du Sud et l'Europe du Nord, entre l'Europe latine et l'Europe anglo-saxonne.

Les trafics voyageurs seront nettement améliorés entre Paris et Milan. Les gouvernements successifs ont fait en sorte que l'Europe finance ce projet à 40 %. Il ne représente que 200 millions par an pour la France, chiffre à comparer avec les 15 à 20 milliards par an d'investissements ferroviaires.

Il est étonnant d'entendre ceux qui réclament des grands travaux pour améliorer l'emploi dénigrer ce projet.

Il faut aujourd'hui travailler en parallèle pour améliorer l'ensemble des infrastructures. (Applaudissements sur tous les bancs à l'exception du groupe écologiste)

M. Jean-Pierre Vial .  - Cet accord vient autoriser les derniers travaux d'une des plus grandes infrastructures du monde, soutenue avec passion par le rapporteur et la quasi-unanimité du Sénat ; je regrette que les écologistes posent toujours les mêmes questions, auxquelles nous avons répondu depuis longtemps. Le corridor européen concerne 18 % de la population et 17 % du PIB de l'Europe. La France et l'Italie ont 70 milliards d'euros d'échanges. Les flux alpins s'élevaient à 60 millions de tonnes en 1985, ils représentent 160 millions de tonnes aujourd'hui. Le trafic des poids lourds est en hausse constante, encore plus 6 % en 2015-2016.

L'Italie finance 35 % alors que les deux tiers du tunnel sont sur le territoire français. L'enjeu est énorme : il s'agit de faire passer de 9 à 40 % la part du rail dans le transit transalpin - soit 1,5 million de tonnes de CO2.

La semaine dernière, un grand quotidien présentait la « nouvelle route de la soie », qui relie l'Allemagne et la Chine. La France ne doit pas se disqualifier sur son flanc sud comme elle l'a fait sur sa façade atlantique. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception du groupe écologiste)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Ce dossier a connu bien des difficultés jusqu'ici. Nos deux pays peuvent espérer de nombreuses retombées de ce projet.

Son objectif est de réduire le temps de transport, d'encourager le report modal et de stimuler les échanges à travers les vallées alpines, sachant que 85 % des échanges entre France et Italie sont aujourd'hui routiers.

Ce projet s'inscrit dans une politique de développement durable des Alpes ; il réduira les émissions polluantes liées au trafic routier et les nuisances sonores. Il s'inscrit dans le corridor transeuropéen, reliant l'Europe du sud à l'Europe centrale ; il contribuera à la croissance européenne et l'Union européenne assure son financement à hauteur de 40 %.

Si le coût est certifié à 8,3 milliards en valeur 2012, la Cour des comptes a émis des doutes sur la rentabilité du projet et sur son coût. Je salue les réflexions de Michel Destot et Michel Bouvard pour trouver des sources de financement alternatives. (Applaudissements)

M. Michel Bouvard .  - Ce projet fait l'objet d'un beau consensus républicain ayant rassemblé quatre chefs d'État depuis François Mitterrand, consensus que Manuel Valls a fait vivre en nous confiant à Michel Destot et moi-même, une mission sur ce sujet.

À nos collègues écologistes, seuls à partager l'opposition du Front national à ce projet, je redis qu'il n'y a pas d'alternative à ce projet, sauf si l'on considère que les échanges entre la France et l'Italie sont marginaux, sauf si l'on accepte le déclin de nos ports, au profit des ports de l'Europe du Nord. (M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur, renchérit) La ligne historique existante, réalisée par Cavour au nom du petit royaume de Piémont-Sardaigne financièrement affaibli au lendemain de la défaite de 1848, ne permet pas de laisser passer des convois de plus 1 600 tonnes, et encore, avec trois locomotives et à 30 km/heure. C'est un non-sens écologique, alors que le trafic routier est en forte hausse dans tous les tunnels.

Pourquoi refuser un projet où l'effet de levier, grâce au financement européen, est de un pour quatre, alors que le tunnel est à 80 % en France ?

L'abandon de l'écotaxe a été un mauvais signal. Il faudrait une Eurovignette, comme pour le Brenner. J'espère que nous trouverons des solutions pérennes. (Applaudissements sur tous les bancs sauf ceux du groupe écologiste)

La discussion générale est close.

L'article unique est adopté ; en conséquence, le projet de loi est adopté.

La séance, suspendue à 11 h 35, reprend à 11 h 45.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.

La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques a été publiée conformément à l'article 12 du Règlement.

Je n'ai reçu aucune opposition. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire, comme membres titulaires : MM. Jean-Claude Lenoir, Ladislas Poniatowski, Daniel Laurent, Mme Anne Catherine Loisier, MM. Roland Courteau, Franck Montaugé et Jean Pierre Bosino ; comme membres suppléants : M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Marc Daunis, Daniel Dubois, Joël Labbé, Mmes Élisabeth Lamure et Sophie Primas.

Accession du Monténégro à l'OTAN (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Monténégro.

Discussion générale

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - Ce projet de loi autorise la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord, signé à Bruxelles le 19 mai 2016 sur l'adhésion du Monténégro à l'OTAN. Il concourt à nos efforts de stabilisation des Balkans après l'adhésion de la Slovénie et Slovaquie en 2004, de la Croatie et de l'Albanie en 2009. Il représente également un gage de stabilité pour le Monténégro. L'enjeu est de première importance pour la sécurité européenne dans son ensemble. Notre pays a une responsabilité historique particulière à cet égard. Le succès du sommet des Balkans réuni à Paris, dans le cadre du processus de Berlin, à l'invitation du président de la République le 4 juillet dernier s'inscrit dans cette ligne.

Le Monténégro, dès le lendemain de son indépendance, en juin 2006, a signifié sa volonté de se rapprocher de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord et d'en devenir membre. Ce pays a mené d'importantes réformes, des forces armées, en augmentant son effort de défense, à 1,7 %, légèrement en deçà de l'objectif de 2 % fixé par les alliés, mais aussi des services de renseignement et dans le domaine de la justice, pour renforcer son indépendance, lutter contre la corruption et garantir l'État de droit. Acte a été donné de son progrès aux sommets de Lisbonne en 2010 et de Chicago en 2012.

Lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN des 1er et 2 décembre 2015, les alliés ont pris par consensus la décision d'inviter le Monténégro à engager d'ultimes pourparlers en vue de son adhésion, qui ont abouti à la signature du protocole le 19 mai 2016. Le Monténégro a participé en tant qu'invité au sommet de l'OTAN en juillet 2016. À ce jour, 21 pays sur 28 l'ont déjà ratifié.

Cette adhésion sera bénéfique pour la France, en raison du rôle du pays dans les Balkans occidentaux. Le Monténégro s'est séparé pacifiquement de la Serbie le 3 juin 2006 et son indépendance a été reconnue immédiatement par l'ensemble de la communauté internationale.

Entre la Croatie et l'Albanie, l'appartenance du Monténégro à l'OTAN assurera sa continuité littorale le long de la côte adriatique qui a son importance stratégique. Le Monténégro participe déjà à des opérations avec l'OTAN à l'étranger, en Afghanistan ou au Mali.

La France a veillé à ce que l'adhésion du Monténégro à l'OTAN ne rime pas avec une relance de la politique dite « de la porte ouverte ». Pour la France, l'élargissement de l'OTAN n'est ni une priorité ni une fin en soi. Il s'agit d'une décision souveraine des pays souhaitant l'adhésion et de l'Alliance d'accepter ou non cette adhésion. Nul État tiers n'a de droit de regard sur cette décision.

Nous avons obtenu, conformément aux principes retenus par le sommet de Varsovie, des conditions pour l'examen des candidatures d'autres pays qui ne feraient pas consensus ; afin qu'elles soient évaluées, notamment, en fonction de leur capacité à assumer les responsabilités et obligations liées au statut de membres et à contribuer à l'effort de défense euro-atlantique.

L'élargissement de l'OTAN, complémentaire, mais clairement distinct de celui de l'Union européenne, répondait à la demande de sécurité du continent européen et en particulier à celle des anciens pays membres du pacte de Varsovie. Nous continuons à refuser, vingt-cinq ans plus tard, le partage de l'Europe en plusieurs zones d'influence. L'adhésion du Monténégro à l'OTAN ne préjuge en rien de son accession à l'Union européenne, dont le processus est toujours en cours, selon des critères distincts, même si certains d'entre eux se recoupent.

Jugez donc ce projet, que je vous demande d'approuver, après l'Assemblée nationale, pour ce qu'il est, circonscrit au Monténégro, dont l'adhésion sera positive pour la sécurité des Balkans occidentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jean-Marie Bockel applaudit également)

M. Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Peu après son indépendance en 2006, le Monténégro a choisi de rejoindre la communauté euro-atlantique. Ce pays multiethnique et multiconfessionnel y voit une garantie de sa sécurité et de sa stabilité. L'adhésion du Monténégro s'inscrit dans la politique de la porte ouverte envers les pays d'Europe de l'Est, pour garantir la paix et la stabilité du continent.

L'adhésion du Monténégro est la dernière étape du processus lancé par le sommet de Bucarest en 2008, dont la mise en oeuvre a été problématique. La Croatie et l'Albanie ont adhéré à l'OTAN. Le Monténégro, seul pays à remplir les conditions posées à l'adhésion, parmi les autres candidats, a fourni de nombreux efforts, notamment pour lutter contre la corruption, reconnus dès décembre 2009 par les alliés, qui engagèrent alors les négociations aboutissant à leur feu vert en décembre 2015.

Le Monténégro a engagé un plan de modernisation de ses forces armées, entièrement dirigé vers l'objectif de l'adhésion à l'OTAN. Il participe à l'opération Resolute Support en Afghanistan, ou à l'opération Atalanta de lutte contre la piraterie.

Son adhésion renforcera la continuité de la présence otanienne sur la côte adriatique. Laisser à l'écart le Monténégro après l'intégration de la Croatie et de l'Albanie n'aurait guère de sens. Si l'adhésion est stratégiquement fondée, elle a fait l'objet de débats, la minorité serbe y étant hostile, parce qu'elle gardait un souvenir cuisant des bombardements de l'OTAN sur la Serbie. Les législatives du 16 octobre 2016 ont été remportées par les partisans de l'adhésion.

En outre, la Russie considère que l'expansion de l'OTAN représente un danger pour sa sécurité - le premier même, selon sa nouvelle doctrine militaire.

Le rapport de Robert del Picchia, Josette Durrieu et Gaétan Gorce, de 2015 sur les relations avec la Russie montre que l'élargissement de l'OTAN et de l'Union européenne joue un grand rôle dans la dégradation des relations avec la Russie. Toutefois, en l'occurrence, l'opposition de la Russie porterait surtout une question de principes.

Après réflexion et débat, la commission des affaires étrangères propose de ratifier cette adhésion, pour renforcer la stabilité de la région balkanique, tout en renforçant la présence de l'OTAN.

À l'heure où M. Trump vient d'être élu, un refus dirigé à l'encontre de ce petit pays qui manifeste une volonté sincère de s'intégrer, dont la France porterait la responsabilité, parce qu'elle serait le premier pays membre de l'alliance à l'exprimer, serait aussi un mauvais signal.

En revanche, cette adhésion, dont il faut souligner qu'elle n'est en aucune manière dirigée contre la Russie, doit, à notre sens, être la dernière, il faut clairement s'y engager.

Il est, par ailleurs, nécessaire de poursuivre les efforts de dialogue et de coopération avec la Russie dans le cadre du Conseil OTAN-Russie qui, après avoir suspendu ses activités en raison de la crise ukrainienne, a tenu trois réunions durant l'année 2016, ce qui est un signe encourageant.

Enfin, il faut souligner, comme l'a fait justement le ministre, que l'adhésion du Monténégro à l'OTAN ne préjuge en rien de son adhésion à l'Union européenne.

Je vous propose d'adopter le présent projet de loi. (Quelques applaudissements)

M. Christian Cambon, vice-président de la commission des affaires étrangères.  - Très bien !

M. Bernard Vera .  - L'adhésion du Monténégro à l'OTAN est le prolongement d'une dynamique expansionniste vers l'Est, en dépit des accords conclus avec M. Gorbatchev en 1990, et de ceux qui ont suivi.

Cette expansion isole la Russie, nous entraîne dans une logique de guerre froide, dans une spirale de tensions dangereuses. Le ministre des affaires étrangères allemand, M. Steinmeier, s'en inquiète, à juste titre, considérant que « celui qui croit augmenter le niveau de la sécurité avec des parades de chars sur le front Est de l'Alliance, se trompe ».

Après le retour de la France dans le commandement intégré de cette organisation, puis la ratification du protocole de Paris sur l'OTAN, la France a renoncé à son indépendance, notre diplomatie se conformant à une vision atlantiste, impossible à concilier avec une politique promouvant la paix et la coexistence pacifique. Il est temps, à l'heure où M. Trump est devenu président des États-Unis, et remet en question la clause d'assistance mutuelle, que la France retrouve enfin sa propre voix et son indépendance.

La course aux armements ne peut qu'aggraver les conflits. L'ONU a plus que jamais un rôle médiateur à jouer face à l'accroissement des tensions.

Persuadés que la résolution des conflits doit s'appuyer sur les résolutions de l'ONU, convaincus que l'OTAN et sa course à l'armement ne peut que conduire à la multiplication des conflits, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Noël Guérini .  - Ce protocole s'inscrit dans la politique de « porte ouverte », faisant accéder à l'OTAN les pays issus de l'ex-pacte de Varsovie.

L'adhésion du Monténégro peut faire débat. Mais nul ne peut nier ses progrès en matière militaire - il participe déjà aux opérations en Afghanistan notamment  - ou pour garantir l'État de droit - les élections législatives ont vu la victoire des partisans de l'adhésion.

La Russie est cependant inquiète de cet élargissement. Si le cas du Monténégro peut encore passer, nous savons qu'il en sera autrement pour d'autres candidats, en particulier la Géorgie, l'Ukraine et la Serbie.

Puisque 21 des 29 membres ont déjà ratifié ce texte, difficile néanmoins de ne pas le faire à notre tour. Cela ne nous interdit pas toutefois de prévoir des réserves pour les élargissements suivants et de préciser qu'il ne s'agit nullement d'une agression envers la Russie. Dans le contexte de tensions actuelles, nul besoin de provoquer (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Jean-Marie Bockel applaudit aussi)

M. Jean-Marie Bockel .  - Le Monténégro a affirmé en une décennie son indépendance. Les opposants à l'adhésion à l'OTAN ont été battus aux législatives. Ce pays progresse dans la voie de la démocratie, c'est à souligner dans la région. Il est entré en négociations avec l'Union européenne en vue de son adhésion il y a un peu plus de quatre ans - mais il s'agit d'un sujet distinct.

L'adhésion du Monténégro permettra à l'OTAN de mieux stabiliser les Balkans et de renforcer la continuité de son action sur le littoral ouvrant des capacités d'intervention au Kosovo, en Bosnie et en Serbie.

Le Monténégro voit sa sécurité renforcée. L'on nous soumet ici un accord clairement « gagnant-gagnant ». Il fallait aussi préciser que l'OTAN n'a pas vocation à s'étendre au-delà, pour ne pas inquiéter outre mesure la Russie.

L'arrivée de M. Trump nous oblige à trouver les voies d'une défense européenne, qui ne repose pas uniquement sur l'OTAN. Je tenais à le signaler en votre présence, monsieur le ministre. Le groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements de MMXavier Pintat, rapporteur, et Christian Cambon)

Mme Leila Aïchi .  - Ce texte s'inscrit dans un contexte particulièrement troublé. Les propos virulents de M. Trump contre l'OTAN et le positionnement européen posent question. En outre, du point de vue de la Russie, l'adhésion du Monténégro est considérée comme une provocation.

S'il est vrai que les partenariats du Monténégro avec l'OTAN, pour la paix, et avec l'Union européenne, permettront au Monténégro de renforcer sa démocratie, il faut avoir conscience que notre défense ne peut reposer uniquement sur l'OTAN.

N'est-il pas temps d'avancer enfin vers une défense européenne, en faveur de laquelle je plaide inlassablement, d'actualiser notre stratégie de sécurité ? Alors que le modèle européen est en proie à des déstabilisations de toute part n'est-il pas temps de dépasser les déclarations d'intentions et d'avancer concrètement sur ce dossier ? Je rappelle à nouveau l'importance d'une Europe, acteur politique stratégique autonome, mettant le poids de son influence au service du système de sécurité collective pour la prévention et la résolution des conflits.

Considérant que l'OTAN est un frein à une telle défense européenne, le groupe écologiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. Gilbert Roger .  - Après les adhésions de la Bulgarie et de la Slovénie en 2004, de la Croatie et de l'Albanie en 2009, l'adhésion du Monténégro sera un gage de stabilité pour les Balkans. Elle lui permet de consolider sa transition démocratique, d'assurer l'État de droit, de lutter contre les corruptions. Le Monténégro participe déjà à des opérations militaires en lien avec l'OTAN et l'Union européenne. Il a fait le choix de l'Europe, en adoptant l'euro dès sa création et en postulant aussitôt à l'adhésion à l'Union européenne. L'adhésion à l'OTAN a recueilli l'accord de 60 % de la population.

La Russie a dit s'y opposer mais le pays n'a jamais été inclus dans le territoire de la périphérie russe ou soviétique, contrairement à l'Ukraine et à la Géorgie ; la Russie a également déclaré officiellement qu'elle respecterait le choix du Monténégro.

Cette adhésion ne préjuge en rien d'autres adhésions : la Macédoine, la Bosnie, l'Ukraine ou la Géorgie ne sont pas prêtes à adhérer à l'OTAN.

Cet éloignement ne préjuge en rien non plus des relations avec l'Union européenne. Aussi la majorité du groupe socialiste, sauf quelques abstentions, dont celle de Mme Jourda, votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jean-Marie Bockel applaudit également)

M. Jacques Legendre .  - Je m'exprime ici à titre personnel, bien que sur le temps de parole de mon groupe. Je salue la qualité du rapport de M. Pintat, sur un sujet complexe. L'adhésion du Monténégro peut paraître mineure, vu sa taille : avec 1 850 hommes sous les drapeaux, on peut légitiment s'interroger sur sa capacité à contribuer à la sécurité de l'espace euro-atlantique, pour reprendre l'un des critères du traité.

Mais c'est le contexte stratégique qui pose question. Certes les agissements inacceptables de la Russie en Ukraine appelaient des sanctions. Toutefois, il n'est dans l'intérêt de personne d'aggraver les tensions. La Russie perçoit l'extension de l'OTAN comme une menace. Il n'est pas question de donner à la Russie un droit de regard sur l'OTAN ni de partager l'Europe en sphères d'influence.

Nous ne pouvons pas, pour autant, ne pas prendre en compte les préoccupations d'un acteur majeur de la sécurité européenne, qui doit devenir un partenaire solide. Les liens culturels et économiques entre le Monténégro et la Russie sont anciens et forts. Même si le Monténégro n'a pas la même importance stratégique que l'Ukraine, cette adhésion complique les relations Est-Ouest.

De plus, l'adhésion à l'OTAN est souvent perçue comme un premier pas vers l'accession à l'Union européenne : les précédents ont tous débouché sur une adhésion à l'Union européenne, sauf l'Albanie. Disons-le d'emblée, nous ne pouvons donner aucune perspective d'adhésion au Monténégro, que ce soit à court ou à moyen terme. La capacité d'absorption de l'UE est aujourd'hui totalement saturée, même s'agissant d'un petit pays, et l'Union doit en priorité concentrer ses efforts sur la redéfinition de son projet et de son fonctionnement avant de songer à s'élargir. Évitons de reproduire les erreurs des années 2000 !

D'ailleurs, si le Monténégro a fourni des efforts pour consolider l'État de droit et lutter contre la corruption, il est encore bien loin de répondre aux critères d'adhésion à l'Union européenne.

Évitons donc toute précipitation. Je reste circonspect à l'égard de l'adhésion du Monténégro à l'OTAN, que je ne soutiens pas.

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Le vote sur l'article unique vaudra vote sur l'ensemble du texte.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Je comprends les propos personnels de M. Legendre, mais le texte d'aujourd'hui concerne bien l'adhésion à l'OTAN, et aucunement à l'Union européenne.

On critique la corruption du Monténégro, alors qu'un rapport de Transparency International établit qu'il est l'un des États les moins corrompus des Balkans, et qu'il l'est peut-être moins que certains États membres de l'Union européenne.

C'est un petit pays, avec moins de 2 000 soldats, mais il participe à de nombreuses opérations internationales. Acceptons-nous la pression de Moscou, ou même de Trump ? Serons-nous le premier pays à refuser cette adhésion ? Prenons garde à l'importance et au sens de notre vote : je vous invite à voter ce texte.

L'article unique est adopté ; en conséquence, le projet de loi est définitivement adopté.

Accord sur l'échange des déclarations pays par pays

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays.

Discussion générale

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics .  - Le Premier ministre l'a dit : chaque jour de cette fin de législature doit être un jour utile. Nous le confirmons encore aujourd'hui. Votre vote d'aujourd'hui est important pour poursuivre, avec la ratification de cet accord multilatéral, cette priorité du Gouvernement depuis 2012, qu'est la lutte contre l'évasion fiscale.

Le Country by Country Reporting (CBCR) ou « reporting par pays » est en effet crucial. Vous vous en souvenez, la loi de finances a établi la déclaration pays par pays. Mais ces déclarations doivent être échangées entre administrations fiscales pour être vérifiées. C'est pourquoi, M. Sapin l'a signé le 17 janvier 2016 à Paris, et il a déjà été signé par cinquante États dans le monde.

Merci à M. Doligé, rapporteur, pour son travail. Ce sujet traverse les clivages partisans.

Le Conseil constitutionnel, saisi par davantage de députés que de sénateurs, avait validé la disposition de la loi de finances pour 2016 (M. Éric Bocquet confirme), jugeant qu'elle ne portait atteinte ni au principe d'égalité, ni à la liberté d'entreprendre, « pour autant que les informations transmises ne soient pas publiques ».

Je me souviens de la loi de finances rectificative de 2016, dans laquelle les députés avaient souhaité un reporting public. J'avais demandé une seconde délibération. Cela m'a valu des attaques personnelles indignes, masquant que dès la loi de finances initiale de 2016, nous avions adopté le reporting pays par pays - sans publication, craignant, à juste titre, un risque d'anticonstitutionnalité.

La France est favorable à un reporting public, dès lors qu'il sera la règle dans l'Union européenne. C'est la position de M. Sapin.

Ce sera constitutionnel si une directive européenne l'impose. (M. André Gattolin le confirme)

L'humilité commande de reconnaître que nous ne sommes pas arrivés au bout du chemin. La France peut cependant être fière de son action nationale et internationale de lutte contre la fraude fiscale, en raison, tout d'abord, de ses résultats quasi exceptionnels, soit 21,2 milliards d'euros en 2015, contre à peine 16 milliards avant 2012.

Les cinq plus gros redressements concernent de grandes multinationales et représentent 3,3 milliards d'euros : nous avons donc des outils contre cette évasion, pour lutter contre les manipulations des prix de transfert ou pour déterminer précisément ce qu'est un établissement stable. Et je le réaffirme, à la différence d'autres pays, nous ne négocions pas !

Nous sommes parvenus à faire entrer plus de 12 milliards d'euros dans les caisses de l'État, soit plus que les budgets de la justice, de la culture et de l'aide au développement réunis, parce que nous mobilisons des moyens législatifs et humains. Pas moins de 80 mesures législatives ont été prises depuis 2012, entre autres, la loi du 6 décembre 2013 de lutte contre la fraude fiscale. Bernard Cazeneuve a créé le Service de traitement des données rectificatives (STDR), qui a localisé près de 30 milliards d'euros d'avoirs à l'étranger et encaissé plus de 7 milliards d'euros de droits et de pénalités. Les redressements ont augmenté de plus de 30 % par rapport à 2009. Cela est dû aussi à la mobilisation des administrations - direction générale des finances publiques (DGFiP) et direction générale des douanes - auxquelles je veille quotidiennement.

Ces résultats sont aussi dus au rôle joué par la France sur la scène internationale depuis 2012. Nous pouvons être fiers de la mise en place de l'échange d'informations et de données financières à compter de 2017, qui mettra fin au secret bancaire et fiscal entre 101 pays, à partir du 1er janvier 2018, mais aussi de l'action de l'OCDE et du G20, où la France fut une force motrice, du BEPS notamment. Nous ne pouvons que nous réjouir de la directive européenne adoptée l'année dernière sur les rulings fiscaux.

Demeurent quelques questions sur cet accord et d'abord sur son champ d'application.

Il vise toutes les entreprises ou groupes réalisant un chiffre d'affaires de plus de 750 millions d'euros. Il s'applique donc aux 10 % d'entreprises qui font 90 % du chiffre d'affaires mondial. Cinquante États l'ont signé, pas les États-Unis, c'est un fait...

M. André Gattolin.  - Ni la Russie !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - ...or ils ont déjà pris la réglementation, imposant des déclarations pays par pays, certes avec six mois de décalage quant à son entrée en vigueur. On ne peut qu'espérer que les engagements pris seront respectés.

L'accord prévoit des conditions strictes de confidentialité et de réciprocité : en cas de manquement, nous suspendrions notre application de l'accord.

La demande d'une transparence plus large, au-delà de la seule administration fiscale, est légitime. Nous avons eu ce débat, à plusieurs reprises, et le Conseil constitutionnel a tranché.

Doit-on s'arrêter là ? Bien sûr que non ! La France souhaite l'adoption de la directive européenne en négociation en ce moment.

Quant à l'amendement du groupe CRC, qui demande un rapport, il est vrai que nous devons rendre des comptes.

Nous devons remettre annuellement un questionnaire à l'Union européenne sur l'application de ces mesures. Je m'engage à vous le communiquer. je vous propose que cette information soit présentée dans le rapport prévu à l'article 136 de la loi de finances pour 2011 , portant sur les redressements internationaux, notamment sur les prix de transferts.

Je vous demande d'autoriser à votre tour la ratification de cet accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances .  - Mes propos, prononcés en toute indépendance, seront néanmoins assez proches des vôtres, monsieur le ministre. Les entreprises dont le chiffre annuel dépasse 750 millions d'euros doivent transmettre leurs déclarations pays par pays, dans le cadre de l'article 13 du dispositif BEPS de l'OCDE, portant sur les prix de transfert, introduit par anticipation en France dans la loi de finances pour 2016.

L'objectif est de connaître les différentes filiales des groupes d'entreprises multinationales et de révéler d'éventuelles discordances de localisation entre les activités et leur imposition. La lecture des déclarations pays par pays à destination des administrations fiscales intervient donc en amont d'une éventuelle enquête approfondie, afin de déterminer les dossiers prioritaires.

Les États parties à la négociation sont convenus d'une déclaration unique déposée par un groupe d'entreprises auprès de l'administration fiscale du pays de siège, cette déclaration faisant ensuite l'objet d'un échange automatique entre autorités compétentes. Afin de permettre aux services fiscaux français de récupérer les déclarations des entités de groupes d'entreprises ayant leur siège à l'étranger, un accord international entre États parties est nécessaire pour parachever le fonctionnement du mécanisme.

Tel est précisément l'objet de l'accord multilatéral signé à Paris le 27 janvier 2016, qui réunit aujourd'hui la signature de 49 États, parmi lesquels neuf des dix pays hébergeant le plus grand nombre de sièges sociaux des cinq cents plus grandes entreprises mondiales. Préférant conclure des accords bilatéraux, les États-Unis n'ont pas signé cet accord multilatéral.

Cet accord organise les modalités de l'échange automatique des déclarations pays par pays, sous condition de réciprocité, sous l'égide du Secrétariat général de l'OCDE. Il précise également les conditions d'utilisation des données contenues dans la déclaration : en particulier, si elle permet une évaluation générale des risques liés aux prix de transfert, la déclaration ne peut servir de base à des ajustements. Elle permet une analyse risque préalable, afin de définir des priorités. Une enquête approfondie, conduisant notamment à analyser la documentation exhaustive des prix de transfert, doit ensuite être effectuée pour procéder à un éventuel ajustement.

Par ailleurs, l'accord définit des procédures de consultation en cas de difficultés de mise en oeuvre, comme la non-transmission des déclarations par un État partie ou une utilisation inappropriée des données. Une possibilité de suspension temporaire ou définitive de l'échange automatique peut également être décidée par un État partie soit à l'égard d'un autre État partie, soit à l'égard de tous.

J'approuve la conclusion rapide d'un accord équilibré qui permettra une application complète du mécanisme de déclaration pays par pays dès les premières déclarations sur l'exercice 2016, dix-huit mois après leur date de dépôt, soit à compter du deuxième semestre 2018.

Cet accord ne constitue qu'un des trois accords internationaux pouvant prévoir l'échange automatique des déclarations, avec les conventions fiscales bilatérales et les accords bilatéraux d'échange de renseignements fiscaux.

Les échanges entre administrations fiscales européennes sont déjà prévus, de même que la remise d'un bilan annuel à la commission lors de l'examen en commission. Ce matin, lors de l'examen en commission de l'amendement du groupe CRC, nous avons décidé de vous demander la transmission de ce bilan dans le cadre de l'article 136 de la loi de finances pour 2011, et je tiens à vous remercier de l'engagement que vous venez de prendre à cet égard.

Il importe de conclure rapidement des accords bilatéraux avec les États qui n'ont pas signé cet accord multilatéral et qui hébergent le siège de nombreux grands groupes d'entreprises internationales. Ainsi, les États-Unis, qui ont introduit la déclaration pays par pays dans leur droit interne pour les exercices ouverts à compter du 30 juin 2016, ont proposé à la France d'engager les négociations préalables à la conclusion d'un accord bilatéral d'échange. Mais cette matière relève des prérogatives du pouvoir exécutif : le renouvellement de l'administration américaine ne peut qu'accentuer les incertitudes sur la position réelle des États-Unis sur ce dossier. Or leur implication est indispensable pour récupérer les données des groupes américains, mais aussi pour ne pas menacer le consensus né des négociations sur BEPS.

Le projet BEPS prévoit une clause de réexamen en 2020. Grâce à la mise en oeuvre rapide, un premier retour d'expérience sera possible. Pour autant, le clivage qui existait entre pays, notamment entre les États hébergeant le siège de nombreux groupes et les autres concernant les données à inclure dans la déclaration ou le seuil de chiffre d'affaires à partir duquel les entreprises y sont assujetties, pourrait à nouveau se former. Surtout, la volonté des États-Unis de préférer la conclusion d'accords bilatéraux négociés au cas par cas à un accord multilatéral souligne la nécessaire vigilance dont il faudra faire preuve dans la mise en oeuvre de l'échange automatique. Cet aspect est d'autant plus important que dans certains États les barrières entre services fiscaux et entreprises publiques doivent encore être éprouvées...

Je vous propose donc d'adopter le présent projet de loi de ratification sans modification pour éviter des navettes inutiles en l'occurrence. (M. André Gattolin applaudit, ainsi que M. François Marc)

M. Yvon Collin .  - Cet accord rassemble une cinquantaine de pays pour consacrer un dispositif déjà établi en droit français. Il permettra de révéler les éventuelles discordances entre déclarations. Fruit d'un remarquable travail de négociation depuis 2012, cet engagement vient rejoindre les accords fiscaux avec beaucoup de pays. Je souligne néanmoins l'absence notable des États-Unis, qui préfèrent les accords bilatéraux.

Le RDSE votera donc cette ratification à l'unanimité, même si le reporting ne sert en principe qu'à repérer des risques et ne permet pas de faire l'économie d'une enquête approfondie. (M. André Gattolin applaudit)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Chacun se félicite de cette étape significative - et sans doute pas la dernière ! - dans la lutte contre l'évasion fiscale et les entreprises qui font artificiellement glisser leurs bénéfices vers des pays à la faible fiscalité. Les prix de transfert, habituelles techniques de contournement, ne doivent pas nous arrêter. Ce texte apporte des solutions concrètes, en droite ligne des importants travaux de l'OCDE.

La mise à disposition d'informations pays par pays permettra de couvrir un large pan de l'économie. Avec la crise du G8, les États du G20 se sont fixé une priorité : la lutte contre l'évasion fiscale. Cet accord - que d'aucuns jugent tardif ou timoré - en est la concrétisation. Nous le voterons même s'il ne faut pas rester au milieu du chemin. (M. François Marc applaudit)

M. André Gattolin .  - « Les paradis fiscaux, c'est fini », disait le président Sarkozy en 2009. Depuis ont été révélés les SwissLeaks, LuxLeaks, FootLeaks, les Panama Papers et la liste des Leaks ne cesse de s'allonger...

Pas plus qu'en 2009, cet accord, qui concrétise une avancée majeure dans la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, ne marquera la fin du dévoiement des règles fiscales par les entreprises multinationales et par quelques pays.

Pour autant, toutes les difficultés auxquelles nous devons faire face ne sont pas abordées par ce texte. Si je me félicite de l'enquête lancée par la médiatrice de l'Union européenne sur les liens entre M. Draghi et l'industrie financière, je reste atterré par notre tolérance collective aux conflits d'intérêts. Mais comment lutter efficacement contre ce fléau en nommant à la tête de la Commission européenne M. Juncker, principal artisan des LuxLeaks, ou en acceptant de voir partir son prédécesseur, M. Barroso, faire fructifier son carnet d'adresses chez Goldman Sachs ! (M. Éric Bocquet approuve)

La lutte contre l'évasion fiscale ne sera pleinement assumée et comprise - que lorsque nous obtiendrons enfin la publicité intégrale des données des grands groupes - à l'échelle européenne ! - pour vaincre les réticences discutables de notre Conseil constitutionnel...

Depuis 2001, le taux moyen de l'impôt sur les sociétés est passé de 32 % à 25 % : c'est le moins-disant fiscal qui est la norme. Pour autant, le groupe écologiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. François Marc .  - Je me félicite de ce projet de loi, adopté unanimement par les députés. La perte de recettes fiscales mondiales est évaluée à un montant entre 100 milliards et 200 milliards d'euros. Cinquante États ont déjà signé l'accord multilatéral permettant l'échange automatique pays par pays. Cet accord s'inscrit dans la droite ligne de l'action du Gouvernement contre l'évasion fiscale : 20 milliards d'euros de redressements l'an dernier, 5 milliards de plus qu'en 2012.

Ce volontarisme s'illustre par la création du Parquet national financier, la taxation à 60 % des avoirs dissimulés à l'étranger, le report de six à dix ans des délais de reprise d'ISF pour les biens non déclarés.

Grâce au volontarisme de la France, les pays de l'Union européenne se sont engagés dans cet accord ; un projet sur la fiscalité européenne est en cours et des avancées sur le ruling ont déjà eu lieu.

La Cour des comptes, ainsi que de nombreux experts, tel Pascal Saint-Amans, spécialiste de la fraude fiscale à l'OCDE, le notent : la France est l'un des pays les plus actifs dans ce domaine, avec l'Inde et le Brésil.

Les recettes liées aux redressements fiscaux ont fortement progressé, supérieures aux budgets de la justice, de la culture et de l'aide au développement. Autant d'impôts en moins pour les Français ! (M. Éric Doligé, rapporteur, applaudit)

M. Éric Bocquet .  - Il y a quelques mois, le président du Sénat et d'autres sénateurs saisissaient le Conseil constitutionnel sur la loi Sapin 2, notamment sur la publicité des informations pays par pays, au motif que cette disposition était contraire à la liberté d'entreprendre et faisait peser une charge excessive, qui battrait en brèche le principe d'égalité devant les charges publiques.

Le Conseil constitutionnel n'a pas remis en question la volonté de lutter contre la fraude fiscale, objectif de valeur constitutionnelle mais a permis une petite entorse au principe en indiquant, pour justifier la censure de l'article, qu'il y avait bien une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, au regard de l'objectif poursuivi, puisque les concurrents des entreprises françaises auraient disposé de documents les renseignant sur leur stratégie commerciale. Or 200 groupes et 1 200 filiales sont directement concernés, représentant une grande part de notre économie et de nos recettes fiscales. Le tribunal dans l'affaire Wildenstein a estimé qu'il n'avait pas à se substituer au législateur. Il nous reste bien des progrès à accomplir. Ce texte marque néanmoins une étape, c'est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Philippe Dominati .  - Avec le projet BEPS, l'OCDE s'attaque à l'érosion des bases fiscales. L'accord de janvier va dans cette voie : l'obligation de déclaration pays par pays supposait la réciprocité. Les initiatives unilatérales ont échouées.

La loi du 9 décembre 2016, dite « Sapin 2 », avait été censurée par le Conseil constitutionnel, car elle portait une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre.

L'accord de janvier vise les prix de transferts, dont les manipulations permettent aux multinationales de réduire leur impôt, pour un coût estimé de 100 milliards à 240 milliards d'euros. Jusque-là, les administrations fiscales n'avaient accès qu'aux données des établissements implantés sur leur sol. Les entreprises devront communiquer des données sur le chiffre d'affaires, le bénéfice, les pertes avant impôt, le capital social, les actifs corporels, la trésorerie, etc.

Cette déclaration sera destinée au pays où est installé le siège, qui la transmettra automatiquement aux autres pays, sous réserve de réciprocité. Ce texte vise les 10 % des multinationales qui représentent 90 % du chiffre d'affaires agrégé des entreprises mondiales. Les informations ne seront pas publiques.

Le groupe Les Républicains votera ce texte ; comme la commission des finances.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article unique est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article unique

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La mise en oeuvre de l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays fait l'objet d'un rapport annuel au Parlement, déposé lors de la première quinzaine d'octobre.

M. Éric Bocquet.  - Il est défendu !

M. Éric Doligé, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par l'engagement du Gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - Je renouvelle l'engagement du Gouvernement. Retrait ?

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

Le projet de loi est définitivement adopté.

La séance est suspendue à 13 h 25.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Relations transatlantiques (I)

M. Martial Bourquin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Depuis son accession à la Maison-Blanche, M. Donald Trump montre sa volonté de mettre en place rapidement ses promesses de campagne : retrait du traité transpacifique, protectionnisme fiscal et douanier, mise en cause de la défense européenne et de l'OTAN.

L'équilibre mondial qui repose depuis 1945 sur le libre-échange et la sécurité collective devra être réorganisé ; nos relations commerciales devront être refondées sur le principe de la réciprocité absolue. M. Trump doit comprendre que l'Union européenne n'est pas un supermarché à ciel ouvert. L'Union européenne et sa défense devront être reconfigurées.

La France, elle, devra réfléchir à son avenir économique tout en respectant ses engagements internationaux ; la COP 21 est une grande opportunité et non un obstacle pour réindustrialiser notre pays et décarboner notre société.

Les défis sont importants, mais nous avons les moyens de les relever. Quelle est la position du Gouvernement sur les orientations géostratégiques à prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre .  - Le président Trump multiplie les déclarations surprenantes, inquiétantes pour ceux qui, comme nous, sont attachés à un ordre du monde fondé sur la liberté, la tolérance et le respect. La France continuera de porter haut ces valeurs. Les Européens doivent prendre en main leur destin, et d'abord se protéger contre le terrorisme : Frontex monte en puissance - j'ai demandé, avec Thomas de Maizière, des exercices grandeur nature - et la réforme du code Schengen, notamment de son article 7-2, est engagée. Nous devons contrôler toutes les entrées, y compris de ressortissants européens revenant de théâtres d'opérations djihadistes. Interconnexion des fichiers, PNR, directive sur les armes à feux... : nous devons agir vite.

L'Europe doit aussi défendre son modèle de société et ses intérêts économiques. Si les États-Unis se replient sur eux-mêmes - mais je ne doute pas que les industriels américains sauront faire entendre au nouveau président tous les méfaits du protectionnisme - nous devons, pour notre part, nous garder de toute naïveté. Le plan Juncker de 300 millions d'euros va dans le bon sens.

Sur le climat et la COP 21, le président Trump a tenu des propos que l'on ne peut accepter, et qu'il faut combattre. Nous continuerons à agir pour que l'accord soit intégralement appliqué.

La défense européenne, elle, doit passer du concept à la réalité. Une poignée de pays ne peuvent continuer à assumer seuls la défense du continent. Des investissements, des unions entre nos industries de défense sont nécessaires. Le président de la République, avec la chancelière, est déterminé à agir, comme il le fait depuis quatre ans et demi. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE, ainsi que sur quelques bancs du groupe UDI-UC)

Substances toxiques dans les couches pour bébés

Mme Élisabeth Doineau .  - Ma question s'adresse à Mme Ségolène Royal.

M. François Grosdidier.  - Bienvenue au Sénat, madame la ministre !

Mme Élisabeth Doineau.  - Une enquête du magazine 60 millions de consommateurs portant sur les couches pour bébés a révélé que celles de deux marques sur douze seulement ne contiennent pas de substances indésirables : pesticides dont des glyphosates, dioxines, composés organiques volatiles, hydrocarbures, polluants industriels... Cela vaut même pour des couches dites « écologiques ». Il y a de quoi avoir peur. Certes, les doses sont infimes, mais y a-t-il là de quoi se rassurer ?

Vous avez sollicité mercredi une contre-expertise de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), dont nous attendons des précisions. Nous devons aller plus loin sur la traçabilité des produits par l'étiquetage, les Français ont droit à la transparence. Une règlementation doit aussi être élaborée, avec des seuils tenant compte de la durée d'exposition, et un cahier des charges propre à protéger non seulement l'environnement, mais aussi la santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et écologiste, et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat .  - Vous avez raison d'être en colère, je le suis aussi. Il y a quelque temps j'ai interdit le bisphénol A dans les biberons et les jouets. Jamais je n'aurais imaginé la présence de produits toxiques dans des couches. J'ai bien sûr saisi l'Anses et la Commission européenne. Mais il serait bon que les fabricants aient un minimum d'éthique, que l'on ne soit pas toujours obligé de tout contrôler et sanctionner, que la santé des consommateurs, les plus fragiles en l'occurrence, soit respectée !

Il y a du glyphosate dans les couches Pampers et même Carrefour Baby Eco Planet ! C'est la substance active du désherbant Roundup. Que fait-il dans des couches ? Il y a aussi des composés organiques volatils dans la plupart des couches, très dangereux lorsqu'ils s'évaporent.

Ce matin, j'ai mis en place la Commission nationale de déontologie et des alertes présidée par Marie-Christine Blandin, avec notamment Irène Frachon et Sylvie Metzelard, et lui ai demandé d'établir la règlementation que vous avez évoquée. (Applaudissements à gauche ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit aussi)

Relations transatlantiques (II)

M. Jean-Pierre Raffarin .  - (Applaudissements à droite) Monsieur le Premier ministre, la dégradation de la situation internationale nous préoccupe. Les crises se multiplient, le terrorisme frappe partout, les États puissances sont de retour. Le monde s'arme, la paix recule et partout la force prévaut. Dans ce contexte, le nouveau président des États-Unis s'attaque brutalement aux valeurs de la diplomatie française. Le retour des Américains au protectionnisme et à l'isolationnisme, les tensions qui se profilent avec la Russie et la Chine n'annoncent rien de bon. La remise en cause du multilatéralisme, des accords de Paris, de l'accord nucléaire iranien est inacceptable, de même que la stratégie de déconstruction de l'Union européenne, de fragilisation de l'OTAN et la campagne contre l'euro. Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre, et avec quel calendrier ? (Applaudissements au centre, à droite et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre .  - Merci pour cette question précise et complète. Malgré les propos excessifs que l'on a entendus - sans doute regrettables de la part du plus haut responsable politique d'une grande puissance - on ne peut rien contre le temps long de l'histoire, pour reprendre une notion chère à Fernand Braudel. Le temps long de l'histoire nous dit que nous sommes unis aux États-Unis par des liens que rien ne peut détruire. En tant qu'élu de Normandie, je n'oublie pas le jour où les Américains ont foulé le sol de notre pays pour aider à sa libération. Nos deux pays étaient liés par la même aspiration à la liberté et à la tolérance, par la même conception du respect que les grandes nations se doivent.

Cela dit, la France et l'Union européenne doivent agir vite et apporter aux propos du président Trump une réponse ferme et claire. S'agissant de l'environnement, la France et l'Europe ont réussi à emporter la conviction d'autres grandes nations pour parvenir à la signature de l'accord de Paris sur le climat. Nous mettrons la même énergie à le faire appliquer.

Face au terrorisme, qui déstabilise le monde, l'Union européenne doit faire la preuve de sa puissance : cela passe, je l'ai dit par la réforme du code Schengen, la montée en puissance de Frontex, la mise en place rapide du PNR, de l'interconnexion des fichiers...

La réponse à la crise migratoire passe, elle, par un dialogue renforcé avec l'Afrique et notamment les pays du Sahel, par la coopération et le développement.

La France s'est très fortement mobilisée pour parvenir à un accord sur le nucléaire iranien, et nous ferons en sorte de le préserver.

Sur tous ces sujets, nous devons agir en coopération étroite avec l'Allemagne. C'est également indispensable pour renforcer la défense européenne par des investissements et des unions entre nos industriels. L'Europe doit aussi défendre sans naïveté ses intérêts économiques et commerciaux, défendre ses filières d'excellence.

Nous souhaitons enfin que le multilatéralisme l'emporte sur les excès et les outrances, pour que l'ordre mondial repose sur la paix, la tolérance, le respect et la liberté. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE ; MMJean-Marie Bockel et Gérard Roche applaudissent aussi)

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Merci de votre réponse, mais notre diagnostic est plus grave que le vôtre. Nous devons rendre à notre politique étrangère sa puissance, renouer avec l'indépendance nationale, ce qui suppose de renforcer notre outil militaire et notre dissuasion. Il faut aussi de l'ambition pour l'Europe, et dialoguer avec tous. Enfin, n'oublions pas que si les armes sont nécessaires, c'est par le développement plutôt que par la guerre que nous soulagerons les malheurs du monde. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre.  - Un mot...

M. le président.  - Exceptionnellement !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre.  - Les déclarations de fermeté sont importantes, mais les actes comptent davantage, et c'est pourquoi nous avons mis fin à la baisse des effectifs militaires, mis en oeuvre scrupuleusement la loi de programmation militaire, fait en sorte de conserver toute son efficacité à notre dissuasion. (Murmures à droite) Lorsque le président de la République intervient pour que la France fasse entendre sa voix, il ne le fait pas pour vous faire plaisir, monsieur le Premier ministre Raffarin, mais pour que la France soit à la hauteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Joseph Castelli applaudit aussi)

M. Jean-Louis Carrère.  - Nombreux sont ceux, à droite, qui ont voté contre la loi de programmation militaire !

État actionnaire

M. Yvon Collin .  - Hier, la Cour des comptes a rendu un rapport très critique sur l'État actionnaire, identifiant des carences persistantes. Quelque 1 800 entreprises sont actuellement détenues par l'État, via l'Agence des participations de l'État, la Caisse des dépôts et consignations ou BPI France. Fin 2015, 62 de ces participations étaient cotées, pour une valeur totale de 77,4 milliards d'euros.

Selon la Cour, l'État est à la fois trop présent dans la gestion et trop peu vigilant comme actionnaire. Outre des conflits d'objectifs et d'intérêts, l'État confond souvent tutelle et actionnariat, et n'hésite pas à sacrifier l'autonomie de gestion des entreprises pour garantir la paix sociale.

Le rapport esquisse plusieurs pistes, parmi lesquelles des cessions massives, autrement dit, des privatisations. Le Premier ministre a rejeté cette option, redoutant une déstabilisation. Ne peut-on néanmoins envisager une cure d'amincissement de l'État actionnaire pour éliminer, si j'ose dire, les mauvaises graisses ? Quelle lecture le Gouvernement fait-il de ce rapport ? Certaines pistes retiennent-elles son attention ?

M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie .  - Il est important que les politiques publiques soient évaluées. Ce rapport est donc bienvenu, de même que celui de M. Vincent sur la politique de dividendes de l'État et celui de M. Bachelay à l'Assemblée nationale.

Ces rapports identifient des points positifs. L'État a élaboré une doctrine, présentée le 15 janvier 2014 en Conseil des ministres, autour de quelques axes stratégiques : souveraineté, infrastructures vitales, transition énergétique, évitement des risques systémiques. La création de BPI-France est également saluée, de même que l'ordonnance du 20 août 2014, qui clarifie la position de l'État dans les instances de gouvernance des entreprises.

La Cour des comptes recommande de fixer un objectif de détention de capital, mais nous craignons qu'il soit alors difficile de réagir rapidement, dans un monde en constante mutation.  Un désengagement massif risquerait, lui, de fragiliser des entreprises stratégiques.

Nous nous attachons à respecter des règles de bonne gestion, respectueuses du patrimoine de l'État et de nos priorités stratégiques. Le rôle de l'État n'est évidemment pas de boursicoter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur quelques bancs du groupe RDSE)

Fermeture de la centrale de Fessenheim

M. Jean Desessard .  - Ma question s'adresse à Mme Ségolène Royal. (Exclamations à droite)

Mardi 24 janvier, le conseil d'administration d'EDF a adopté le mécanisme de compensation en contrepartie de la fermeture de la centrale de Fessenheim. Nous saluons ce premier pas vers la fermeture de la plus vieille centrale de France, qui est aussi la plus dangereuse...

Mme Catherine Procaccia.  - C'est faux !

M. Jean Desessard.  - Elle est construite sur une faille sismique, à proximité immédiate du Rhin, en zone inondable. Les réacteurs reposent sur une dalle en béton d'une épaisseur d'un mètre, moins que pour toutes les autres centrales. La centrale surplombe la plus grosse nappe phréatique d'Europe qui alimente six millions d'Européens.

En contrepartie, EDF recevra 490 millions d'euros, le droit de poursuivre la construction contestée de l'EPR de Flamanville ainsi qu'une dérogation à la loi de transition énergétique pour redémarrer le réacteur n°2 de la centrale de Paluel, en Seine-Maritime, à l'arrêt depuis l'effondrement d'un générateur de vapeur de 465 tonnes. (Mme Catherine Troendlé s'exclame) Enfin, on attend l'aval de Bruxelles pour entériner une recapitalisation d'EDF par l'État à hauteur de 3 milliards d'euros.

Les concessions ne sont pas minces et les mesures nécessitent un temps d'application long. Comment le Gouvernement compte-t-il s'assurer que le processus engagé mardi ira à son terme, quels que soient les résultats des élections présidentielles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste ; Mme Patricia Schillinger applaudit également)

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat .  - La décision annoncée mardi par le conseil d'administration d'EDF présente trois avantages. D'abord, elle entérine la fermeture de Fessenheim, qui fonctionne grâce à une dérogation et dont l'autorisation arrive à échéance en décembre 2022. Il faut donc qu'EDF rationalise ses investissements.

Ensuite, elle débloquera les stratégies d'investissements franco-allemandes. Avec le ministre de l'industrie allemand, nous avons posé les bases de la construction d'une usine de voitures électriques Tesla sur ce même secteur ; une commission mixte est à l'oeuvre. Nous avons également un projet autour de batteries électriques de troisième génération avec des industriels allemands.

Enfin, le démantèlement devra être exemplaire et conduire à créer une filière industrielle de premier plan : il y 1 500 centrales à démanteler dans le monde, c'est un marché rentable. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et socialiste et républicain)

Situation du groupe Vivarte

Mme Cécile Cukierman .  - Vivarte, premier groupe français d'habillement, va supprimer deux mille emplois sur tout le territoire et liquider des enseignes centenaires, après avoir déjà supprimé quatre mille emplois en deux ans. Vivarte est victime de fonds d'investissement qui poursuivent des intérêts de court terme, sous le regard indifférent de l'État. Le groupe a perçu 44 millions d'euros d'argent public, dont 14 millions au titre du CICE en 2016, mais a toujours fait passer les intérêts des actionnaires avant ceux des salariés.

Comment pouvez-vous dire aux salariés que rien ne sera fait, madame la ministre ? Il vous reste quatre semaines de temps parlementaire pour faire voter un texte sanctionnant les plans sociaux d'optimisation financière. C'est une question de volonté ! Si vous ne faites rien, vous serez encore une fois complice de ces prédateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - À la demande de l'intersyndicale et de Laurent Berger, nous avons reçu hier, avec Christophe Sirugue, l'ensemble des organisations syndicales de Vivarte, qui ont dénoncé le comportement de la direction et la faiblesse du dialogue social et relayé les inquiétudes des salariés, qui sont à 80 % des femmes, souvent à temps partiel, souvent des mères seules. La stratégie de Vivarte consiste à protéger les intérêts financiers des actionnaires au lieu de suivre un projet industriel qui s'inscrit dans l'avenir.

Ce plan de restructuration est la conséquence d'un LBO (Leveraged buy-out) raté ; malheureusement, ce n'est pas le premier. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

L'usage du CICE est encadré et doit figurer sur les comptes du groupe : il est légitime de lui demander de justifier son utilisation.

M. Jean-Pierre Bosino.  - Allez-vous demander le remboursement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Nous avons assuré les organisations syndicales que l'État userait de tous les leviers pour contraindre l'entreprise à assumer ses responsabilités économiques et sociales.

M. Jean-Pierre Bosino.  - Comme d'habitude !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Il sera le garant du dialogue social et de la transparence de l'activité. Nous avons rendez-vous avec la direction le 31 janvier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Cécile Cukierman.  - J'aurais préféré vous entendre dire que ce plan social serait le dernier ! Les conséquences sociales et territoriales sont catastrophiques. Que n'avez-vous proposé une loi contre les licenciements boursiers, plutôt que de casser le code du travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Pollution atmosphérique

Mme Éliane Giraud .  - Pour la deuxième fois en deux mois, nous subissons un pic de pollution exceptionnel, qui touche l'Île-de-France et Rhône-Alpes mais aussi la façade ouest et une grande partie de l'Europe, avec des conséquences pour la santé.

En cause, trafic routier et industrie, chauffage plus important à cause du froid, mais aussi conditions météorologiques défavorables avec un anticyclone qui stagne, engendrant des vents trop faibles.

Les collectivités et les services décentralisés ont mis en place des mesures spéciales comme la circulation alternée ou différenciée à Paris, Lyon ou Grenoble. Mais certains partenaires se retirent des discussions ; les climatosceptiques ne sont pas tous aux États-Unis...

Madame la ministre, vous avez fait beaucoup : loi de transition énergétique, COP21. Pouvez-vous récapituler le plan d'action mis en oeuvre par le Gouvernement pour lutter durablement contre la pollution de l'air ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat .  - Vous avez raison d'évoquer ce grave problème de santé publique. Les nanoparticules, pas plus grosses que le dixième de l'épaisseur d'un cheveu, pénètrent dans le cerveau, dans le sang, dans le foetus.

M. Jean Desessard.  - Absolument.

Mme Ségolène Royal, ministre.  - Circulation différenciée, certification de la qualité de l'air : la révolution du transport et du chauffage propre doit être accélérée. (M. Jean Desessard et Mme Frédérique Espagnac applaudissent)

Citons la prime de 10 000 euros pour une voiture électrique et de 1 000 euros pour un scooter électrique, le crédit d'impôt pour l'installation de borne de rechargement ou pour le remplacement d'un chauffage polluant, l'action pour limiter l'utilisation des phytosanitaires dans l'agriculture et le renforcement des contrôles sur les industriels.

C'est par la volonté de tous - citoyens, entreprises, collectivités, à l'image de la ville de Grenoble et de l'Isère - que nous ferons changer les comportements et que nous agirons sur la qualité de l'air. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Corinne Bouchoux applaudit également)

Financement des groupements de défense sanitaire

M. Jean-Claude Luche .  - Depuis la loi NOTRe, les départements, les régions et les groupements de défense sanitaire (GDS) sont dans le flou. Privés de leur clause de compétence générale, les départements ne peuvent en effet plus intervenir pour financer les GDS, et les régions ne sont pas compétentes en matière de santé publique et de santé animale.

Les mesures transitoires permettant le maintien des aides des régions et des départements en 2016, dans un contexte de crise de l'élevage, prennent fin en 2017. Le manque de clarification juridique met en péril l'action des (GDS) qui jouent un rôle de premier plan dans la qualité et l'image de la production française.

Que compte faire le Gouvernement pour aider les GDS, prolonger les mesures transitoires et mettre en place un cadre pérenne ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - C'est un sujet que les sénateurs connaissent bien. Les GDS sont organisés avec les associations d'éleveurs par département. Ils ont montré leur utilité dans la gestion des crises sanitaires, aux côtés des vétérinaires et des services de l'État.

Avec la loi NOTRe, les départements ne pourront plus les financer. Nous sommes en discussion avec les fédérations régionales de groupements de défense sanitaire pour se coordonner à l'échelle nationale et assurer le financement par les régions à compter de 2017.

Nous tenons à conserver ce réseau des GDS, précieux pour la maîtrise des épisodes de crise et garants d'une bonne conduite de l'élevage en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Communes nouvelles

M. Daniel Gremillet .  - J'ai été alerté par une entreprise qui a été avertie par un courrier de la mairie, en date du 15 novembre 2016, du changement de son adresse postale - numéro et nom de rue - au 1er janvier 2017, conséquence de la fusion de sa commune avec une autre. A-t-on mesuré les conséquences de la création des communes nouvelles sur les acteurs économiques, mis devant le fait accompli ? Il leur faudra assumer des coûts importants, gérer des stocks périmés, sans parler des coûts indirects sur la crédibilité de l'entreprise : comment expliquer à un client que la société reste la même ? C'est aberrant, on est loin de l'objectif de simplification... Mon propos n'est pas de critiquer les communes nouvelles, mais la date butoir, irréaliste. Comment comptez-vous accompagner les communes nouvelles dans leurs relations avec les services publics, les entreprises et les habitants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - La France a, à elle seule, plus de communes que toute l'Europe réunie. (On s'en félicite sur de nombreux bancs)

M. Éric Doligé.  - Merci de nous l'apprendre !

M. Charles Revet.  - C'est ce qui fait la beauté de notre pays.

M. Alain Gournac.  - Sa richesse !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Comment peuvent-elles se développer et être pérennisées ? À cette question, nous avons répondu par l'intercommunalité. Désormais, sur décision des conseils municipaux et des maires, elles pourront se réunir pour créer une commune nouvelle : 1 760 communes ont ainsi fusionné pour créer 517 communes nouvelles, toujours sur la base du volontariat. (M. Alain Vasselle s'exclame)

Nous avons recensé, avec l'Association des maires de France, les difficultés qui peuvent s'ensuivre et apporté des réponses. Le rapport de vos collègues Mme Gatel et M. Manable, Les communes nouvelles, histoire d'une révolution silencieuse, s'en est fait l'écho.

Les anciens noms des communes pourront être conservés. L'Insee a surmonté les difficultés d'attribution de code...

Les communes pourront être mises en places tranquillement - les préfets ont instruction de ne pas bousculer les choses - avec l'accompagnement de l'État.

M. Alain Gournac.  - Facilitateur ! (M. François Bonhomme ironise)

M. Daniel Gremillet.  - Le temps économique n'est pas le temps administratif et politique. Pour les entreprises, la date butoir est un vrai problème ; il faut leur donner du temps. Quel gaspillage économique et humain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Trains d'équilibre du territoire

M. Jean-Jacques Filleul .  - En novembre 2014, l'opération Trains d'équilibre du territoire (TET) a été lancée. La commission présidée par M. Philippe Duron a dressé un diagnostic et émis des préconisations. En effet, les TET sont les parents pauvres des liaisons ferroviaires, et largement déficitaires ; l'offre actuelle ne correspond pas aux besoins de mobilité. Les recommandations de la commission clarifient le rôle des TET, décèlent des perspectives de long terme, appellent à renforcer le rôle de l'État stratège et à rénover le matériel roulant à échéance 2020-2025.

Quel est le bilan de la feuille de route « Un nouvel avenir pour les TET », objet d'une communication le 12 janvier 2017 ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Les TET recouvrent des réalités très diverses : trains de nuit, locaux, nationaux... Seul point commun, la tutelle de l'État, et leur caractère déficitaire : 400 millions de déficit en 2011, baisse de la fréquentation de 20 %, parc d'un âge moyen de 35 ans, services aux usagers contestés...

La commission Duron a fait un travail remarquable. Nous avons profité de la réforme des régions pour leur transférer dix-huit lignes qui étaient jusqu'ici à cheval sur deux régions. L'État consent un effort d'accompagnement considérable : 3,5 milliards d'euros de matériel neuf sera transféré aux régions.

Nous démontrons ainsi notre engagement pour l'avenir du ferroviaire.

Retour des djihadistes en France

Mme Sophie Primas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En décembre, un rapport alarmant du contre-terrorisme européen alertait sur risque d'arrivée massive de djihadistes de retour d'Irak et de Syrie : on en attendrait 1 750 sur les 5 000 Européens partis faire le djihad. Radicalisés, devenus experts en armement, ils rapportent avec eux les modes opératoires terroristes, souvent aveugles, toujours barbares. Les pays européens traitent le danger en ordre dispersé. Nous redoutons que les décisions urgentes et nécessaires ne mettent autant de temps à être prises que pour le PNR.

Comment comptez-vous procéder pour mettre ces combattants hors d'état de nuire ? Comment repérer ces criminels ? Quel sort réserver à ceux qui seraient capturés en Syrie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Veuillez excuser Bruno Le Roux, retenu à l'Assemblée nationale.

La question des personnes de retour de ces théâtres est une priorité du Gouvernement et des autorités administratives et judiciaires. Ces individus sont placés en garde à vue dès leur arrivée sur le territoire et font l'objet d'un traitement judiciaire. Pour faire face à la charge que représente ce contentieux, qui risque de s'accroître avec l'afflux prévisible de djihadistes en provenance de Mossoul et de Raqqa, le parquet antiterroriste de Paris a été renforcé, passant à treize magistrats, avec une capacité de soutien de soixante magistrats mobilisables.

Au 1er janvier, ont été nommés un onzième juge d'instruction antiterroriste, un juge pour enfants, quatre magistrats pour renforcer la cour d'assises spéciale, un parquetier, dix greffiers supplémentaires. En outre, depuis 2012, nous avons créé quatre mille places de prison et quatre mille nouveaux emplois dans l'administration pénitentiaire.

Il faut notamment anticiper le retour des 460 mineurs français qui se trouvent en Irak ou en Syrie, dont la moitié a moins de 5 ans.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - C'est l'objet du plan Sécurité pénitentiaire et action contre la radicalisation violente porté par Jean-Jacques Urvoas. Vous voyez que nous prenons toutes les mesures nécessaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Sophie Primas.  - Les moyens ont été renforcés, c'est bien, mais comment ces djihadistes seront-ils traités ? Quelles peines seront prononcées ? Comment les repérer ? Comment travailler avec nos partenaires européens ? Sans polémiquer, nous avons besoin d'être rassurés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Politique familiale

Mme Anne Chain-Larché .  - Aider et défendre la famille, c'est dans l'ADN de la France. L'État a toujours soutenu la natalité par des politiques intelligentes et bienveillantes. À la clé, un taux de fécondité supérieur à celui de nos voisins, notamment allemands.

Un quinquennat plus tard, rien n'est plus comme avant. Vous avez détruit la politique familiale avec méthode...

Mme Nicole Bricq.  - Plus c'est gros, plus ça passe ! (Protestations à droite)

Mme Anne Chain-Larché.  - Baisse de la PAJE, baisse du quotient familial, par deux fois...

M. Jean Desessard.  - Tant mieux !

Mme Anne Chain-Larché.  - ...allocations familiales sous condition de ressources. Conséquence, selon l'UNAF, 160 000 familles vivant sous le seuil de pauvreté ont perdu du pouvoir d'achat. Les Français sont 55 % à considérer que la politique familiale conduit les couples à renoncer à une nouvelle naissance ou à la différer. La baisse du pouvoir d'achat depuis 2012 - moins 500 euros par an et par Français  - n'améliore pas la situation.

Quand reconnaîtrez-vous que vous avez trahi la société solidaire et conduit à une paupérisation du pays et des familles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Marc Daunis.  - Quelle paupérisation de la pensée...

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Mme Rossignol m'a chargé de vous répondre. Notre politique familiale est audacieuse et juste. Elle favorise les plus fragiles, les familles monoparentales et les familles nombreuses. Dès 2012, l'allocation de rentrée scolaire a été revalorisée de 25 % et l'allocation de soutien familial d'autant. Le complément familial a augmenté de 50 % en cinq ans. Nous avons créé une garantie contre les impayés de pensions alimentaires et une agence chargée de leur recouvrement. Nous avons rétabli l'équilibre financier de la branche famille de la sécurité sociale, dont le déficit s'élevait à 2,5 milliards d'euros en 2012.

La baisse des allocations familiales a touché moins de 10 % des familles, celle du quotient familial, 5 % des foyers fiscaux, les plus favorisés. La prime de naissance n'a pas diminué.

La baisse des naissances est infime - de 1,96 à 1,93 enfant par femme. Elle tient à la baisse du nombre de femmes en âge de procréer et au recul de l'âge auquel elles ont leur premier enfant, propre aux sociétés dites développées.

Nous nous attachons à promouvoir l'égalité des tâches et des responsabilités familiales, l'égalité professionnelle et salariale, à faciliter la conciliation entre vie professionnelle et familiale : bien des pays nous envient nos modes d'accueil des jeunes enfants. Bref, notre politique familiale est efficace et juste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Anne Chain-Larché.  - Les statistiques ont une vertu, elles révèlent l'effet d'une politique : 34 000 naissances en moins. Qu'avez-vous à répondre à cela ?

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est terminé ! Fini !

Mme Anne Chain-Larché.  - Quel message envoyez-vous à la jeunesse ?

M. le président.  - Ce n'est terminé que maintenant, Monsieur Carrère !

M. Jean-Louis Carrère.  - Le traitement à géométrie variable !

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 16 h 20.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport 2016 sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne. Il a été transmis aux commissions compétentes.

Ratification d'ordonnances relatives à la Corse (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi ratifiant les ordonnances du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - C'est avec un grand plaisir que je vous présente ce projet de loi ratifiant les trois ordonnances qui parachèvent la collectivité unique de Corse.

Merci aux rapporteurs Portelli et Guené pour leur travail d'exégèse, tâche difficile s'il en est.

Ces ordonnances ont été prises sur le fondement de l'article 30 de la loi NOTRe. La collectivité unique de Corse se substituera à la collectivité de Corse et aux deux départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud à compter du 1er janvier 2018.

Cette évolution provient de la volonté des élus corses qui en ont voté le principe, le 12 décembre 2014, à 42 voix contre 8. C'est important de le rappeler.

Conformément à l'article 38 de la Constitution, les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication, mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé au Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation et ne les ratifie pas avant la date prévue. Le Gouvernement a respecté les délais, puisque la loi NOTRe lui laissait jusqu'au 4 février prochain. La publication au Journal officiel a eu lieu le 22 novembre 2016. Le projet de loi de ratification a été déposé le 21 décembre dernier.

La fin de la session, prévue le 24 février prochain, nous oblige à la voter maintenant. Chers sénateurs...

M. Jean Desessard.  - Nous sommes là !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Eh oui ! Le 29 mai 2015, le Sénat, par la voix de l'ensemble des orateurs des groupes - de M. Hyest à M. Favier - a dit son engagement consensuel en faveur d'une collectivité unique. La sagesse légendaire et la constance du Sénat me fait penser que nous parviendrons à une même position commune.

J'ai rencontré tous les élus de Corse et j'ai repris la quasi-totalité de leurs amendements, au risque de dépasser l'état d'esprit de l'habilitation. Cela n'a échappé ni au Conseil d'État, ni au rapporteur Portelli, sans toutefois remettre en cause la ratification des ordonnances.

L'ordonnance institutionnelle substituant la collectivité unique aux deux départements et à la collectivité de Corse, la nouvelle collectivité sera redimensionnée par l'ajout de douze membres supplémentaires à l'Assemblée de Corse, et une chambre des territoires sera créée.

Des dispositions transitoires importantes sont aussi prévues.

L'ordonnance financière adapte les trois financements en un financement unique à droit constant pour les biens, droits et obligations des trois collectivités appelées à fusionner.

L'ordonnance électorale apporte les modifications qui s'imposent à chaque scrutin. Il n'y a aucune conséquence pour l'élection des députés, pas plus que pour celle des sénateurs. L'Assemblée de Corse siégeant à partir du 1er janvier 2018, élue en décembre 2017, le sera selon un régime électoral identique, à l'exception de l'augmentation du nombre de ses membres, de 51 à 53 sièges, faisant passer mécaniquement la prime majoritaire de 9 à 11.

Ce projet de loi compte trois articles, un pour chaque ordonnance. Merci au travail de nos rapporteurs.

Le seul amendement déposé par le sénateur Castelli et le groupe RDSE a été déclaré irrecevable en vertu de l'article 45 de la Constitution par la commission des lois.

Je regrette que l'intérêt des Corses soit sacrifié à quelques amertumes politiciennes...

Le 10 juin 1801, il a été déclaré que le droit de propriété ne peut s'exprimer totalement en Corse : l'administrateur Miot, nommé par Napoléon, n'a pas exonéré les Corses du paiement de l'impôt, mais fait cesser les poursuites en cas d'absence de déclaration. Cette absence de titre de propriété, surtout en territoire rural et montagneux, a engendré un incroyable désordre foncier. Tant de groupes de travail, pendant tant d'années, se sont penchés sur le sujet... Le retour au droit commun devait s'achever le 31 décembre 2017.

Or 34 % des parcelles - 350 000 - sont toujours en indivision, car le Groupement d'intérêt public pour la reconstitution des titres de propriétés en Corse (Girtec) n'a pas fini son travail colossal.

L'inclusion par le sénateur Castelli de la proposition de loi de Camille de Rocca Serra, votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, était opportune car il semblait difficile de l'inscrire à l'ordre du jour en cette fin de session.

Le Gouvernement a toutefois décidé de prendre toutes ses responsabilités vis-à-vis des familles corses.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Enfin !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Je vous annonce que nous inscrirons donc cette proposition de loi à l'ordre du jour sur le temps gouvernemental. Ainsi, chacun pourra prendre ses responsabilités en toute connaissance de cause.

La collectivité unique a fait ses preuves outre-mer. Le fait qu'elle soit demandée par les élus est le gage de sa réussite. (Applaudissement sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois .  - Lors du débat de la loi NOTRe en 2015, un amendement du Gouvernement a introduit une habilitation pour créer un dispositif spécifique à la Corse, dans la continuité du long processus ayant commencé en 1982.

La Corse fut un département, une collectivité unique de 1811 à 1975, de l'Empire à la Ve République. Le débat sur les deux départements n'a duré que dix ans. La région Corse a été créée en 1982 ; le législateur a cru bon de maintenir le niveau départemental puis de le diviser en deux départements pour conserver les deux chefs-lieux. Ce système a duré jusqu'à nos jours.

Devenue en 1991 collectivité territoriale de Corse, cette région a bénéficié d'un statut spécifique avec des transferts réguliers de compétences de l'État et des départements. Ce processus continu n'a pas cessé, de 1982 à aujourd'hui.

La dernière étape qui nous occupe à présent a une préhistoire : un projet de loi en 2003 présenté par Nicolas Sarkozy, rejeté par référendum, à 2 000 voix près. C'est ce texte que l'on retrouve largement dans celui d'aujourd'hui.

La commission des lois devait seulement constater que les ordonnances étaient conformes aux habilitations. L'ossature même de la collectivité de Corse ne change pas : l'assemblée quasi parlementaire demeure, tout comme le conseil exécutif.

Les compétences administratives sont additionnées ; une administration unique est constituée progressivement, pour tenir compte des spécificités territoriales. Il n'y a donc rien d'original.

La commission des lois constatant cette conformité, n'a pu que donner un avis favorable. D'autant plus que ce processus se place dans un continuum institutionnel de trente-quatre ans. Nous sommes confrontés à deux difficultés : les dispositions fiscales ont été censurées à deux reprises par le Conseil constitutionnel. La proposition de loi reprise par l'amendement Castelli - dont nous n'avons pas à juger l'opportunité - ne peut pas être rattachée au texte qui nous occupe aujourd'hui. Si vous pouvez le plaider devant une assemblée, vous ne pourrez pas le faire devant le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur divers bancs)

M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - L'article 30 de la loi NOTRe, voté par le Sénat, habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures nécessaires pour la mise en place d'une collectivité unique en Corse. Trois ordonnances ont été prises sur cette base : l'une d'entre elles concerne les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables. L'article premier du projet de loi que nous examinons aujourd'hui propose de la ratifier. L'examen en a été délégué à la commission des finances qui se borne à des modifications rédactionnelles.

Selon la loi NOTRe, la création de la collectivité de Corse doit s'opérer dans une parfaite neutralité financière et fiscale. L'ordonnance que nous avons examinée procède principalement à des modifications rédactionnelles et prévoit des mesures transitoires, comme c'est le cas habituellement lors de fusions de collectivités territoriales.

Cette ordonnance n'épuise pas pour autant les questions financières résultant de la création de la collectivité de Corse.

La création de la collectivité de Corse s'est accompagnée de plusieurs mesures financières favorables dans la loi de finances pour 2017.

Ainsi, la contribution au redressement des finances publiques de la Corse a été diminuée de 3,2 millions d'euros, les possibilités d'emploi de la dotation de compensation territoriale ont été élargies et sa dotation générale de décentralisation a été remplacée par une part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), dont on connaît le dynamisme.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, nous aurons à nous pencher sur les conséquences de la création de cette collectivité sur les différents fonds de péréquation et sur la répartition des dotations de l'État.

Une prise en compte de la situation agrégée des données financières des deux départements conduirait à ce que la collectivité de Corse se situe au-dessus de la moyenne ou juste en dessous sur certains indicateurs. Dès lors cette fusion pourrait avoir des conséquences financières sur l'ensemble des collectivités.

Le champ de l'habilitation aurait permis de traiter ce sujet, mais il est préférable d'aborder les questions de péréquation de façon globale et dans un autre cadre.

La discussion de la loi de finances nous offrira ce débat. L'Assemblée de Corse a cependant déjà formé le voeu que les règles qui seront fixées ne conduisent « ni à minorer les ressources » de la Corse, « ni à mettre en place des mécanismes de calcul qui s'avéreraient défavorables dans la durée ».

La logique même de la péréquation et de la mise en place d'une collectivité unique serait remise en cause. Calculer ces montants sur la base des caractéristiques des anciens départements ne pourrait être un choix pérenne.

Sous ces réserves, la commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption de l'article premier. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Républicains)

M. Jean-Claude Luche .  - Nous sommes tous attachés à notre mission de représentation des territoires. Nous avons appris que çà et là, des spécificités locales justifiaient des spécificités institutionnelles. Mais cela fut longtemps tabou, jusqu'à la loi NOTRe, le principe d'égalité inscrit au fronton de nos mairies devant s'appliquer strictement.

La collectivité unique a été adoptée en Guyane et en Martinique dès 2011. Une collectivité unique dans une île en simplifie l'administration. À l'heure des grandes collectivités, il est bon de s'orienter dans cette voie.

Pour autant, comme la majorité des membres du groupe UDI-UC, je suis réticent devant la méthode.

De nombreux élus corses s'offusquent de l'absence de référendum. Je doute que leurs déclarations ne soient pas dénuées d'arrière-pensées électorales. La Guyane, la Martinique avaient été consultées ; la Corse aurait pu l'être aussi.

Faut-il pour autant aller contre l'application de ces textes utiles et indispensables pour les fonctionnaires concernés ? Ce débat a été tranché par les commissions des lois et des finances. Mais nous entendons les mécontents, dont certains parlent de manoeuvres électorales.

Nous ne pouvons pas régler l'intégralité de la question corse, ici et maintenant. Il faudra le faire dans un autre cadre, avec la solennité et la manière qui conviennent. D'autres textes seront nécessaires à cette fin. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UDI-UC)

M. Philippe Kaltenbach .  - Concentrons-nous sur le seul sujet qui nous est soumis ce soir : le travail du Gouvernement est-il bien conforme à l'article 30 de la loi NOTRe que nous avons voté en 2015 ? Cet amendement substituerait à la collectivité de Corse et aux départements une collectivité unique.

Nous sommes pris par les délais, qui entraînent des conséquences en cascades : il est impératif que nous votions la ratification avant la fin de la session.

À l'origine, cette idée est fondée sur une délibération de l'Assemblée de Corse ; elle est largement consensuelle, puisque 80 % des élus corses, gauche et droite confondues, l'ont validée. Ces mêmes élus ont souhaité qu'il n'y ait pas de consultation, ils étaient sans doute échaudés par celle de 2003.

La spécificité de la Corse dans la République a été reconnue de longue date : pas moins de 179 articles la concernent. Les statuts Defferre de 1982, Joxe de 1991 et Vaillant de 2002 ont mis en pratique ce principe.

La Corse est à l'avant-garde de notre République centralisée, avec des économies d'échelles pour une gouvernance plus cohérente.

Le débat sera donc simple ? C'est ce que je pensais jusqu'à présent, puisque chacun avait voté pour la collectivité unique... (Mme Cécile Cukierman le conteste), à l'exception du groupe communiste républicain et citoyen.

Je crois comprendre qu'un grand nombre de membres du groupe Les Républicains va voter contre ce texte, un an et demi après un vote positif. Cela m'étonne, concernant des dispositions proches du statut de 2003 présenté par Nicolas Sarkozy, consensuelles et permettant des économies. Disons-le, la Corse est aujourd'hui suradministrée.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Comme la Ville de Paris !

M. Philippe Kaltenbach.  - Jean-Jacques Hyest le disait, une collectivité unique de Corse est souhaitable. La sous-administration est un fléau, mais la suradministration n'est pas la solution. On se trompe souvent lorsqu'on vote pour ou contre un statut en fonction des résultats électoraux attendus.

M. Jacques Mézard.  - Vous avez l'expérience en la matière.

M. Philippe Kaltenbach.  - S'il vous plaît, votons pour privilégier l'intérêt général de la Corse et de la République et non en fonction d'enjeux électoraux.

L'administration locale doit s'adapter. Une vision trop jacobine n'est pas de bon aloi, alors que rien ici n'est enlevé à l'unité et à l'indivisibilité de la République.

Peut-on gérer de la même manière métropoles et territoires de montagne, petits et grands territoires ?

La République doit être capable d'adapter les règles de fonctionnement aux territoires. Le groupe socialiste apportera un soutien total à ce texte - j'espère que ce sera aussi le cas du plus grand nombre de sénateurs.

En Île-de-France, nous avons cinq sources de décision. Un véritable millefeuille, qui nuit à l'efficacité et à la lisibilité des politiques. Cinq échelons empilés, c'est trop ! J'espère que nous aussi saurons évoluer en nous inspirant de la Corse. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RDSE)

M. Stéphane Ravier .  - Ce texte signe l'instabilité institutionnelle de la Corse - un nouveau texte tous les dix ans. Ces départements sont un déni de démocratie, puisque la population n'est pas consultée - exception faite de 2003, où la consultation référendaire fut un échec.

Les mondialistes de gauche comme de droite font fi de ce que pense le peuple. La loi NOTRe a abordé la question de la collectivité unique de Corse par amendement, c'est dire la réflexion menée sur ce sujet ! Rappelez-vous que la démocratie, c'est le peuple souverain : demandons-lui son avis !

Sur le fond, la représentation des territoires ruraux n'est plus assurée, comme elle l'était par le scrutin cantonal. Ce n'est pas la chambre des territoires, vraie usine à gaz, qui résoudra le problème : elle ne fera qu'augmenter la dépense publique. Enfin, la concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul est une bien mauvaise réponse aux accusations de clientélisme adressées aux départements.

Il faut prendre le temps de réfléchir à une organisation territoriale qui tienne compte des spécificités géographiques et culturelles de l'île, et surtout du souhait de la population. Nous ne voterons pas ce texte (M. Jean-Jacques Panunzi applaudit)

M. Christian Favier .  - Ces ordonnances marquent une nouvelle étape dans le démantèlement des institutions républicaines. Le 6 juillet 2003, les Corses avaient manifesté leur attachement aux départements. Dix ans après, le sujet est revenu à l'ordre du jour de l'Assemblée de Corse, dans un contexte où certains, à Paris, tentaient un coup d'État contre les départements de France. Ils furent sévèrement sanctionnés par les électeurs corses aux élections municipales et départementales... Cela n'a pas empêché le Gouvernement de passer en force.

Aux côtés des élus communistes de l'Assemblée de Corse, nous réitérons notre position : une loi spécifique, soumise à référendum, est indispensable.

En commission des lois, certains, comme Philippe Kaltenbach, voient dans cette réforme un exemple de ce que l'on pourrait faire en Île-de-France. C'est l'oeuvre des partisans de l'Europe des régions mises en concurrence les unes avec les autres. Veut-on voir en France ce que l'on observe en Italie, où les habitants du Mezzogiorno ont des revenus inférieurs de 50 % à ceux du reste de la péninsule ? Nous refusons, pour notre part, une France à deux vitesses.

Il y a déjà fort à faire pour réduire les inégalités entre la Corse et le reste de la France métropolitaine : c'est là que le PIB est le plus faible, que la population est le moins diplômée, que le revenu par habitant est le plus bas. Inégalités internes aussi, puisque 10 % des ménages corses concentrent 33 % des revenus déclarés. Et l'on supprime les départements, dont on connaît pourtant le rôle pour venir en aide aux plus âgés, aux handicapés, aux enfants en danger ? À terme, l'oligarchie économique aimerait aussi pouvoir déroger en Corse au droit du travail national, après avoir fait main basse sur la société maritime nationale... Pour nous, l'égalité entre les territoires, entre les individus, est une valeur sur laquelle on ne peut transiger.

Certains soutiennent cette réforme parce qu'elle va permettre de réduire l'emploi public : c'est le dogme libéral partagé par M. Fillon et Mme Lebranchu. D'autres y voient la réalisation d'un projet politique porteur de division, oubliant les 20 000 Corses qui, aux côtés du résistant Jean-Baptiste Ferracci, firent à Bastia le 4 décembre 1938 serment d'attachement aux valeurs progressistes de la République.

Que dire de l'affaiblissement démocratique, les citoyens étant éloignés de leurs représentants puisque la nouvelle assemblée ne comportera plus que 63 élus au lieu de 104.

Sans République, pas d'égalité, et sans égalité, pas de République. La Corse a tant apporté à la République depuis 250 ans, il est temps qu'elle lui rende la pareille, par un investissement massif pour le progrès social et économique. Je reprendrai les termes de Dominique Bucchini, ancien président de l'Assemblée de Corse : la seule voie pour la Corse, c'est la mobilisation populaire, le problème n'étant pas identitaire, mais économique.

Le CRC s'opposera à ce projet de loi, comme les élus communistes de l'Assemblée de Corse. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Joseph Castelli .  - Félicitations, monsieur le ministre, pour le chemin parcouru aux côtés des élus de Corse. Trente-cinq ans après la création d'un statut spécifique, ces ordonnances poursuivent le chemin vers une collectivité unique de Corse. Alexis de Tocqueville le soulignait, la décentralisation n'a pas seulement une valeur administrative, elle a aussi une portée civique, accoutumant les citoyens à l'usage de leur liberté.

La Corse, avec ces ordonnances, sort de quarante ans d'incertitude. L'organisation de l'île est bien trop complexe et freine le développement. Ces ordonnances la simplifie et parvient à un juste équilibre dans les pouvoirs respectifs de l'assemblée délibérante et de l'exécutif. Monsieur le ministre, vous répondez au souhait d'une grande majorité des élus et de la population.

À peine un an pour s'accorder sur le budget, l'implantation des services publics, anticiper les marchés publics... L'équilibre territorial devra passer par un resserrement du maillage intercommunal. Après huit mois de négociations, un accord a été trouvé sur le périmètre des nouvelles intercommunalités au centre de l'île, un contrat de ruralité a été signé et des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux mis en place : merci de votre implication, monsieur le ministre.

N'oublions pas les agents, dont le régime indemnitaire sera certes préservé, mais dont la mobilité devra, autant que possible, être choisie.

Le chantier du désordre de propriété reste entier. L'absence de titres, le grand nombre de biens non délimités freinent la revitalisation de l'espace rural. Je regrette que mon amendement reprenant la proposition de loi de Camille de Rocca Serra, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, ait été jugé irrecevable. La question est pourtant urgente, la fin de la session parlementaire approchant.

L'avenir de la future collectivité unique de Corse sera-t-il assuré en cas d'alternance ? Je m'inquiète.

Le groupe RDSE votera unanimement ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Jean-Jacques Panunzi .  - Notre débat ne porte pas sur la collectivité unique mais sur les modalités de son instauration. Que ce soit en 1982, en 1991 ou en 2002, les évolutions statutaires de la Corse ont fait l'objet d'un texte dédié. En 2003, l'issue négative du référendum s'expliquait par la rupture du lien de proximité à cause d'un mode de scrutin qui ne le préserverait pas. Toute réforme devrait à la fois simplifier l'organisation territoriale, assurer un partage clair des responsabilités et maintenir la proximité entre la population et les élus.

Cette fois, c'est d'un simple amendement à la loi NOTRe que la réforme est née. Un amendement qui se contentait du principe - substituer une collectivité unique à trois collectivités territoriales - sans que les sujets essentiels soient abordés. Les ordonnances traduisent un travail d'empilement.

Lors de sa session du 6 septembre 2016, 20 élus sur 51 de l'Assemblée de Corse ont voté contre les ordonnances relatives à la collectivité unique. Tous étaient pourtant favorables à la collectivité unique. Mais l'équilibre entre les territoires n'avait pas été respecté, faute notamment d'un mode de scrutin idoine. Quant à la chambre des territoires, elle ne fera qu'apporter une satisfaction illusoire à Bastia, entretenir la confusion tout en augmentant les charges...

La concentration des pouvoirs dans les mains du président de l'exécutif est également à craindre. Mon ami Dominique Bucchini, président communiste de l'Assemblée de Corse entre 2010 et 2015, a même parlé d'un « roi de Corse »... A-t-on oublié l'équilibre des pouvoirs cher à Montesquieu ?

Une loi propre à la Corse aurait pu définir précisément le champ de compétences respectives de la collectivité unique et des intercommunalités, ainsi que des mesures d'accompagnement économique, financier et fiscal. Le risque est grand, au contraire, de voir s'alourdir la pression fiscale, puisque la dette de la collectivité unique atteindra 850 millions d'euros pour 1,1 milliard de budget. Le poids des intérêts réduira aussi les capacités d'investissement... Le comité stratégique le dit : la collectivité ne dispose pas d'assez de ressources propres pour s'autofinancer. Pendant ce temps, les fonds européens se raréfient, le programme exceptionnel d'investissement s'achève, les dotations de l'État s'amenuisent.

Songe-t-on à donner une prime à la bonne gestion ? Depuis dix ans, le département de la Corse du Sud affiche un investissement routier de plus de 55 millions d'euros par an, avec un très faible recours à l'emprunt.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est énorme !

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Cette manne servira désormais à corriger les errements des autres collectivités. On me dit que l'on ne pouvait résoudre le problème par ordonnance. Des solutions ont pourtant été proposées !

Les ordonnances, contraintes et étriquées, n'offrent aucune opérationnalité à la future Assemblée de Corse. Ce sera une coquille vide. La délibération des élus corses, que d'aucuns citent en oubliant de le dire, demandait un référendum en son article 3 ! (L'orateur brandit le texte de la délibération)

Où est la simplification administrative annoncée ? Marylise Lebranchu avait reconnu elle-même qu'il faudrait compléter la loi NOTRe par un véhicule spécifique. À moins de trois mois d'échéances électorales importantes, on nous demande de ratifier des ordonnances étriquées qui nous imposent une réforme au rabais et à marche forcée. Les nationalistes veulent tuer les deux conseils départementaux le plus vite possible, voilà tout ! L'unité de la Corse doit se bâtir dans le pluralisme. Il y aura toujours deux départements - car les circonscriptions administratives ne sont pas supprimées - cinq arrondissements, trois sous-préfectures, neuf chambres consulaires... Simplification, dites-vous ? C'est ce modèle qu'il faudrait copier ailleurs ? (Rires sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Nous ne sommes pas d'accord. À quelques mois d'échéances électorales importantes, nous proposons une loi spécifique qui aborde les questions tant statutaires qu'économiques, et qui fixe le cadre de l'épanouissement de la Corse au sein de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Michel Baylet, ministre .  - Merci au sénateur Portelli pour la qualité de son rapport, son expertise indiscutable de professeur de droit et son soutien. Il connaît ce sujet. Merci aussi au sénateur Guené qui a reconnu la qualité du travail accompli. Merci à M. Luche qui a souligné les avantages de la collectivité unique.

Tout le monde en appelle au référendum. Ce n'est pourtant pas dans les traditions de la droite française...

M. André Gattolin.  - Par exemple, sur les institutions européennes !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Pour ma part, je suis partisan de la démocratie représentative. Les citoyens appelés à se prononcer par référendum ne répondent pas toujours à la question posée. Et puis, un référendum en Corse, dans le contexte politique actuel, serait-il le meilleur moyen de préparer sereinement l'avenir ?

La ruralité n'a pas été oubliée, contrairement à ce que M. Ravier a prétendu : je suis moi-même allé signer sur place des contrats de ruralité. Les élus corses comme moi-même sommes attentifs à l'aménagement du territoire.

Merci, monsieur Kaltenbach, d'en avoir appelé à la cohérence politique. Ce sont bien les élus corses qui ont souhaité la collectivité unique. La Corse, c'est la France, mais c'est aussi la Corse. Elle a besoin d'un statut particulier. Il faut reconnaître la diversité des territoires, dont la République s'enrichit.

M. Castelli, qui parle d'expérience, a souligné qu'un équilibre institutionnel avait été trouvé. Il est le seul à avoir évoqué le sort des agents, sur lequel, rassurez-vous, les présidents des trois collectivités se sont mis d'accord. Je regrette moi aussi que l'amendement sur le désordre foncier ait été déclaré irrecevable ; le Gouvernement fera ce qu'il pourra pour rattraper le temps perdu, car la future majorité, quelle qu'elle soit, n'aura sans doute pas le temps de légiférer avant le 1er janvier 2018.

Monsieur Panunzi, vous m'étonnerez toujours. Vous voilà désormais contre la collectivité unique, après l'avoir approuvée et avoir participé à toutes les réunions de concertation. Si vous vouliez une loi spécifique, que ne l'avez-vous votée quand vous étiez aux affaires ? À vous entendre, nous gouvernerions la France depuis vingt ans...

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Ce n'est pas nous qui avons supprimé les départements.

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Ne vendez pas des chimères, même si certains le font parfois en politique, en Corse en particulier.

Les ordonnances ont été co-construites avec les élus de Corse. J'ai participé à toutes les réunions avec les présidents des trois collectivités, à Paris et en Corse. D'autres réunions et vidéoconférences ont eu lieu entre la direction générale des collectivités territoriales et les services des collectivités corses. Vos demandes ont été prises en compte.

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Aucune !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Vous réécrivez l'histoire !

La question des préfectures a été posée. Les élus ont souhaité conserver les deux. Monsieur Panunzi, ne faites pas l'étonné. J'ai ouvert le débat, la consultation a eu lieu, de même que sur les Sdis, les chambres consulaires, etc.

Monsieur Favier, s'il en est un auquel on ne peut pas reprocher de ne pas aimer les départements, c'est bien moi. Mais enfin, venir dire tout le mal que vous pouvez de la collectivité unique corse après en avoir approuvé le principe en adoptant, le 29 mai 2015, l'amendement à la loi NOTRe, c'est un peu fort... Vous déclariez alors : « Nous considérons qu'il existe effectivement une spécificité de la Corse et qu'il est nécessaire de faire évoluer son statut. »

Mme Cécile Cukierman.  - Ne tronquez pas la citation, c'est irrespectueux !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - On a le droit de changer de pied, mais alors, il faut assumer. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Le Sénat a certes adopté la loi NOTRe et l'amendement - déposé à la dernière minute - qui prévoyait l'instauration d'une collectivité unique de Corse, mais ce n'est que parce que vous aviez fait état du consensus des partis représentés au sein des collectivités corses. Or ce consensus n'est plus.

M. Philippe Kaltenbach.  - On ne peut pas changer d'avis tout le temps.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Pour nous, la question du mode de scrutin est déterminante. La suppression des départements et le maintien de l'élection de l'Assemblée de Corse au scrutin proportionnel supprimerait toute territorialisation des élus de Corse. Or les citoyens ont besoin d'élus référents de proximité. Nous pouvons fort bien être d'accord sur le principe et non sur les modalités. (M. Jean-Jacques Panunzi renchérit)

Nous n'avons pas de désaccord sur la régularisation des propriétés en Corse. Pouvait-on cependant intégrer ici des dispositions en la matière ? Non. Lorsqu'un amendement est dépourvu de tout lien avec un texte en discussion, le Conseil constitutionnel le déclare inconstitutionnel d'office. N'attendons pas de la commission des lois, gardienne du bon ordonnancement des textes, qu'elle viole une règle aussi connue ! Je n'accepterai pas ce que je reçois comme un procès d'intention. Il vous revient, monsieur le ministre, d'inscrire à l'ordre du jour la proposition de loi dédiée à cette question. Vous constaterez alors notre bonne foi, car nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Je le répète, la plus large concertation a eu lieu sur ces ordonnances : trois réunions à Paris, quatre en Corse, sans compter celles qui ont eu lieu entre les services. Les ministères du logement et de l'éducation nationale ont aussi été associés. Jamais, au cours de ces réunions, il n'a été question du mode de scrutin. Alors il ne faut pas pousser le bouchon trop loin... Pourquoi attendre aujourd'hui en séance ? J'ajoute que le mode de scrutin retenu est conforme aux dispositions de la loi NOTRe.

Quant au désordre foncier, j'avais cru comprendre que le groupe Les Républicains inscrirait la proposition de loi de M. de Rocca Serra à son ordre du jour réservé, comme c'est la tradition puisqu'il est de la même formation politique. Ce ne fut pas le cas... Tous les Corses attendent que nous résolvions ce problème, qui mérite mieux que les manoeuvres misérables auxquelles j'ai assisté. Si j'arrive à faire inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour d'ici la fin de la session, j'espère au moins que le Sénat la votera conforme. Sinon, vous en rendrez compte aux Corses ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Jacques Mézard .  - J'aimerais que le Gouvernement prenne autant de temps pour se consacrer à l'insularité de l'intérieur qu'à la Corse. Cela dit, à quel concert de jésuitisme assistons-nous ce soir ! (Rires ; Mme Michèle André renchérit)

M. Philippe Kaltenbach.  - Il y a des spécialistes !

M. Jacques Mézard.  - Je n'ai pas voté la loi NOTRe, mais j'ai voté l'amendement prévoyant une collectivité de Corse. Le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, et tous les sénateurs corses nous assuraient que tout le monde était d'accord. Dire aujourd'hui que vous n'en voulez plus en raison de directives du candidat à la présidentielle...

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Ça n'a rien à voir.

M. Jacques Mézard.  - Ne m'interrompez pas ! Mon groupe a fait ce qu'il fallait pour trouver une solution au problème du désordre foncier, en reprenant par amendement une proposition de loi d'un député Les Républicains. Vous en avez fait des confettis... Eh bien, vous en rendrez compte devant vos compatriotes !

J'essaie, pour ma part, de trouver un consensus lorsque l'intérêt général l'exige, et je n'hésite pas à dire mes désaccords à mes propres amis politiques. Il est facile de dire que les élus de Corse du Sud gèrent mieux que ceux du Nord... Les manoeuvres auxquelles nous assistons n'honorent pas la classe politique. C'est ce genre de pratiques que les Français nous reprochent, à juste titre, à longueur de temps. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, socialiste et républicain et écologiste)

Mme Cécile Cukierman .  - Monsieur le ministre, quand vous citez des propos, ne les tronquez pas. Lors des débats sur la loi NOTRe, M. Favier a certes dit que l'on ne pouvait se satisfaire du statu quo en Corse, mais il a aussi appelé à régler la question institutionnelle par référendum. Certains aimeraient changer de peuple, ce serait tellement plus facile...

Nous ne voterons pas cet article premier.

M. Jean-Jacques Panunzi .  - Il n'est pas question pour moi de remettre en cause la collectivité unique, monsieur Mézard. J'ai voté contre la loi NOTRe car nos amendements n'ont pas été acceptés. On nous avait assuré qu'ils seraient repris dans les ordonnances, or ce n'est pas le cas. C'est pourquoi nous ne sommes pas favorables à cette collectivité qu'on nous impose à marche forcée.

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Le scrutin sur la deuxième lecture de la loi NOTRe montre que les 144 membres de groupe Les Républicains ont voté pour. Il vous faudra demander un rectificatif, monsieur Panunzi, car vous avez bel et bien voté la loi NOTRe !

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. Jacques Mézard .  - Chacun doit assumer ses responsabilités. Je peux comprendre qu'on ne veuille pas d'une collectivité unique : je suis jacobin et ne m'en suis jamais caché. Mais dès lors que les élus du territoire se prononcent pour, il faut en assumer les conséquences. Si vous pensez qu'il faut désormais appuyer sur le frein, je peux l'entendre - mais pas comme ça ! Nos compatriotes corses, comme ailleurs sur le territoire national, attendent autre chose.

L'article 2 n'est pas adopté, non plus que l'article 3.

Interventions sur l'ensemble

Mme Cécile Cukierman .  - Nous dénonçons le caractère antidémocratique du processus en cours. L'Assemblée de Corse a demandé un projet de loi spécifique, avec une ratification par référendum. La chambre qui prétend défendre les collectivités ne saurait en faire abstraction !

Les Corses vont servir de cobayes aux liquidateurs de nos institutions républicaines. contrario de la solidarité républicaine, on leur impose le modèle de l'Europe des régions, c'est-à-dire de la mise en concurrence des territoires, quitte à affaiblir la Corse face à des régions aussi riches que la Catalogne ou la Toscane.

La vraie priorité est d'en finir avec les inégalités sociales et les dérives affairistes, de répondre aux besoins par des services publics performants, notamment dans les zones rurales de montagne, si difficiles d'accès. Les élus communistes de Corse luttent pour un développement de l'île dans le respect des spécificités, ce qui passe par des investissements massifs. Cette loi d'affaiblissement de l'action et de l'emploi public ne répond en aucun cas à ces défis. Relayant la position des élus et des syndicalistes de l'île, nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

À la demande du groupe Les Républicains, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°92 :

Nombre de votants 306
Nombre de suffrages exprimés 304
Pour l'adoption 143
Contre 161

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean-Michel Baylet, ministre .  - Nous venons d'assister à un mauvais moment de la vie parlementaire. N'étant pas né de la dernière pluie, je m'étais assuré du soutien de la commission des lois ; la parole n'a pas été tenue.

Madame Cukierman, c'est vrai, M. Favier a regretté l'absence de référendum - mais il n'en faisait pas une condition sine qua non, et il approuvait bel et bien la collectivité corse !

Mme Cécile Cukierman.  - Ça va !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Monsieur Luche, le représentant du groupe centriste a disparu...

M. Jacques Mézard.  - Il a fui !

M. Philippe Dominati.  - C'est le Gouvernement qui a disparu !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Ah non, l'un d'entre eux demeure, dans l'entrebâillement de la porte, le rouge de la honte au front... (M. le ministre désigne M. Pozzo di Borgo, qui s'amuse)

M. Panunzi a eu des propos différents de ceux qu'il a souvent tenus lors de nos réunions. Il a également prétendu avoir voté contre la loi NOTRe, ce qui n'est pas le cas.

Comme numéro de faux-cul parlementaire, on ne fait pas mieux ! Tout cela sous l'oeil de Camille de Rocca Serra, en tribune, commissaire politique veillant à ce que ses instructions soient suivies... Ah non, il a disparu ! Il lui faudra persuader ses amis des Républicains de trouver une niche...

Les Corses vous tiendront rigueur de ce qui s'est passé.

Merci au groupe socialiste et républicain de sa fidélité, au groupe écologiste de son soutien, au groupe RDSE de sa loyauté - car je sais que le sujet a fait débat, aux deux rapporteurs, qui ont pris leurs responsabilités.

Mais je le redis, avec de tels comportements, il ne faut pas s'étonner que l'opinion publique ait une image calamiteuse de la classe politique. Le Sénat s'est prononcé, les ordonnances sont rejetées, soit, mais c'est un mauvais coup pour la Corse. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE et écologiste)

Prochaine séance, mardi 31 janvier 2017, à 14 h 30.

La séance est levée à 18 h 35.

Marc Lebiez

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du mardi 31 janvier 2017

Séance publique

À 14 h 30

1.  Proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale (n° 126, 2016-2017).

Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 331, 2016-2017).

Texte de la commission (n° 332, 2016-2017).

À 16 h 45

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

À 17 h 45 et le soir

3. Suite de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale (n° 126, 2016-2017).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°92 sur l'ensemble du projet de loi ratifiant les ordonnances n°2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité Corse, n°2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n°2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse.

Résultat du scrutin :

Nombre de votants :306

Suffrages exprimés :304

Pour :143

Contre :161

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques :

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 6 - MM. Alain Chatillon, Jean-Pierre Grand, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Mme Catherine Troendlé, M. Jean-Pierre Vial

Contre : 136

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (108)

Pour : 107

Abstention : 1 - Mme Marie-Noëlle Lienemann

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 3

Contre : 1 - M. Yves Pozzo di Borgo

N'ont pas pris part au vote : 38 - Mme Annick Billon, MM. Jean-Marie Bockel, Philippe Bonnecarrère, Olivier Cadic, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Olivier Cigolotti, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Yves Détraigne, Mme Élisabeth Doineau, MM. Daniel Dubois, Jean-Léonce Dupont, Mme Françoise Férat, M. Jean-Marc Gabouty, Mmes Françoise Gatel, Jacqueline Gourault, Sylvie Goy-Chavent, MM. Joël Guerriau, Loïc Hervé, Mmes Sophie Joissains, Chantal Jouanno, MM. Claude Kern, Jean-Jacques Lasserre, Nuihau Laurey, Mme Valérie Létard, MM. Jean-François Longeot, Hervé Marseille, Hervé Maurey, Pierre Médevielle, Michel Mercier, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Christian Namy, Gérard Roche, Henri Tandonnet, Mme Lana Tetuanui, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, François Zocchetto

Groupe communiste républicain et citoyen (21)

Contre : 20

Abstention : 1 - Mme Gélita Hoarau

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 4

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Philippe Adnot, Robert Navarro