11. Loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux

Travaux préparatoires :

Première lecture

Assemblée nationale

Texte n° 1058 de M. Hervé GAYMARD, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, déposé à l'Assemblée Nationale le 3 septembre 2003

Rapport n° 1333 de MM. Yves COUSSAIN, député, Jean-Claude LEMOINE, député et Francis SAINT-LEGER, député, fait au nom de la commission des affaires économiques (tableau comparatif), déposé le 7 janvier 2004

Texte n° 252 adopté avec modifications par l'Assemblée nationale le 30 janvier 2004

Sénat

Texte n° 192 (2003-2004) transmis au Sénat le 3 février 2004

Rapport n° 251, tome I (2003-2004) de MM. Jean-Paul EMORINE et Ladislas PONIATOWSKI, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 8 avril 2004

Rapport n° 251, tome II (2003-2004) de MM. Jean-Paul EMORINE et Ladislas PONIATOWSKI, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 8 avril 2004

Avis n° 264 (2003-2004) de M. Joël BOURDIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 avril 2004

Avis n° 265 (2003-2004) de M. Pierre MARTIN , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 14 avril 2004

Texte n° 76 (2003-2004) modifié par le Sénat le 18 mai 2004

Deuxième lecture

Assemblée nationale

Texte n° 1614 transmis à l'Assemblée nationale le 19 mai 2004

Rapport n° 1828 de MM. Yves GOUSSAIN, député, Jean-Claude LEMOINE, député et Francis SAINT-LEGER, député, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 29 septembre 2004

Texte n° 340 adopté avec modifications par l'Assemblée nationale le 14 octobre 2004

Sénat

Texte n° 27 (2004-2005) transmis au Sénat le 15 octobre 2004

Rapport n° 138 (2004-2005) de MM. Jean-Paul EMORINE et Ladislas PONIATOWSKI , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 21 décembre 2004

Texte n° 46 (2004-2005) adopté avec modifications par le Sénat le 27 janvier 2005

Commission mixte paritaire

Rapport n° 175 (2004-2005) de MM. Jean-Paul EMORINE, sénateur, Ladislas PONIATOWSKI, sénateur, Francis SAINT-LEGER, député, Yves COUSSAIN, député et Jean-Claude LEMOINE, député, fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 3 février 2005 (numéro de dépôt à l'Assemblée Nationale : 2057)

Texte n° 380 adopté par l'Assemblée nationale le 10 février 2005

La loi n°2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux constitue le chantier législatif le plus important concernant le monde rural depuis la loi d'orientation pour le développement du territoire du 4 février 1995. Elle s'est donné pour objectif d'apporter des réponses globales aux problèmes du monde rural : sa préparation a mobilisé le concours de plus ministères dont ceux de l'Agriculture, des Transports, de l'Ecologie, du Budget, des Affaires sociales, et de l'Aménagement du Territoire.

Les moyens mis en oeuvre s'inscrivent dans la durée et tendent à répondre aux attentes du monde rural avec des outils nouveaux. Comme le déclarait en effet le Ministre de l'Agriculture lors du débat au Sénat, cette loi a pour ambition de traduire « l'engagement du Président de la République (pris devant les Français en 2002) de définir une nouvelle politique en faveur de nos territoires ruraux » 1 ( * ) .

Le Parlement a soutenu cette volonté puisque la loi, à l'issue des lectures successives à l'Assemblée nationale et au Sénat de janvier 2004 à février 2005, compte 240 articles qui modifient une quinzaine de codes et autant de lois non codifiées.

La loi relative au développement des territoires ruraux comprend sept titres ainsi qu'un titre préliminaire :

• Le Titre préliminaire comprend un article unique qui rappelle notamment le rôle de l'Etat pour garantir la solidarité nationale en faveur des territoires ruraux et de montagne ;

• Le Titre Ier comprend des dispositions relatives au développement des activités économiques parmi lesquelles l'actualisation des zones de revitalisation rurale (ZRR), des mesures en faveur du développement rural, des mesures de soutien des activités agricoles et des mesures relatives à l'emploi ;

• Le Titre II comprend des dispositions relatives aux instruments de gestion foncière et à la rénovation du patrimoine bâti ;

• Le Titre III comprend des dispositions relatives à l'accès aux services parmi lesquelles notamment des dispositions incitatives à l'installation des professionnels de santé ainsi que des dispositions relatives à la santé vétérinaire et à la protection des végétaux ;

• Le Titre IV comprend des dispositions relatives aux espaces naturels et notamment des dispositions concernant la gestion des forêts , des dispositions concernant la protection et la mise en valeur des espaces pastoraux , des dispositions relatives à la préservation, à la restauration et à la valorisation des zones humides , des dispositions relatives aux sites Natura 2000 et des dispositions relatives à la chasse ;

• Le Titre V comprend des dispositions relatives à la montagne qui concernent en particulier les institutions montagnardes, le développement économique et social et l'urbanisme en montagne ;

• Le Titre VI est consacré à des dispositions relatives à certains établissements publics, notamment les chambres d'agriculture ;

• Le Titre VII comprend des dispositions spécifiques à l'outre-mer .

La loi s'inscrit assez largement dans la continuité des politiques menées en faveur du développement rural. Elle prévoit ainsi une adaptation et une modernisation des zones de revitalisation rurale (art 2 et suivants). Par ailleurs, elle modifie également le champ d'activité de certaines structures déjà existantes pour leur donner plus d'efficacité. C'est ainsi que les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) voient leurs missions étendues à travers un droit de préemption (art. 73) afin qu'elles puissent préserver les territoires agricoles et naturels périurbains. Enfin, la loi comprend un nombre important de dispositions relatives au droit applicable aux exploitations agricoles et engage une véritable réforme de l'aménagement foncier rural qui constitue une modernisation indiscutable.

Pour autant, il serait trompeur de limiter l'apport de cette loi à un ensemble d'adaptations, de modernisations et d'extensions de dispositifs existants de toutes sortes. Elle comporte aussi des mesures novatrices pour régler les problèmes liés notamment au déclin de certaines zones rurales, aux difficultés d'accès aux services publics et à la dégradation de l'environnement rural périurbain. Elle traite aussi des nouvelles activités rurales comme le tourisme et des nouveaux phénomènes comme la périurbanisation.

Les aspects purement agricoles sont renvoyés à la discussion de la loi de modernisation agricole . Pour autant, l'aspect agricole du monde rural n'est pas oublié notamment lorsque cette activité entre en conflit avec d'autres usages. C'est pourquoi la loi comprend des dispositions visant à protéger les terres agricoles et à prévenir les conflits d'usage ainsi que des mesures relatives au soutien des activités agricoles et d'autres relatives au développement de la pluriactivité.

Mais la loi s'inscrit également dans la logique des autres réformes engagées depuis 2002, notamment en matière de décentralisation, d'organisation institutionnelle, de coopération entre le public et le privé et de protection de l'environnement.

1) La décentralisation , tout d'abord, est devenue un principe général d'organisation de la République depuis la révision de l'article 1 er de notre Constitution à la suite de l'adoption de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003. La loi relative aux territoires ruraux tire les conséquences de cette évolution en transférant de nombreuses compétences aux collectivités territoriales.

C'est ainsi en particulier que l'article 83 transfert aux conseils généraux la responsabilité d'exécution des opérations d'aménagement foncier et leur donne la possibilité d'instituer des commissions communales ou intercommunales d'aménagement foncier (CCAF ou CIAF). Dans le même ordre d'idées, l'article 84 confie aux conseils généraux l'ensemble des étapes de préparation et d'exécution des opérations d'aménagement foncier rural, ce qui recouvre notamment le lancement des études d'aménagement, des enquêtes publiques et la décision finale de lancement des opérations d'aménagement foncier.

2) La volonté d'engager la modernisation institutionnelle est illustrée par certaines dispositions de la loi relatives à la montagne.

Partant du constat que de nombreux problèmes qui se posent au monde rural n'étaient pas du ressort d'un seul niveau de collectivité mais nécessitait la coopération de l'ensemble des collectivités parties prenantes, la loi permet, par exemple, la création d' « ententes de massif » sur une base interrégionale afin de mener une politique pour l'ensemble d'un massif ou bien la création d'un syndicat mixte ayant le même objet qu'une entente régionale, mais ne réunissant que les seuls départements du massif.

En mettant en place les institutions montagnardes prévues dès la loi de 1985 et en les adaptant pour tenir compte de « l'Acte II de la décentralisation », le présent texte participe à l'évolution de nos structures administratives vers plus de proximité, ce qui constituait une attente forte des élus de la Montagne.

3) La loi encourage également les coopérations entre le public et le privé . Afin de lutter efficacement contre la désertification et la fermeture des services publics, une coopération entre les services publics a été recherchée depuis une dizaine d'années à travers notamment l'expérience des maisons de services publics.

Si le bilan de cette politique est encourageant, il a néanmoins montré des lacunes dans certaines communes où la présence de services publics s'avérait insuffisante pour permettre, grâce à la mutualisation de leurs moyens, la création d'une offre satisfaisante. Par ailleurs, la disparition de services de première nécessité dans certains villages a fait grandir une attente vis-à-vis des communes pour qu'elles se substituent aux prestataires défaillants afin de maintenir un accès aux commerces de proximité.

La présente loi va donc plus loin en favorisant les collaborations entre privé et public, en permettant à des personnes privées de concourir à l'exercice du service public et en élargissant le champ d'intervention des communes dans le domaine des commerces de proximité. L'article 61 assouplit ainsi les règles de cumul d'un emploi public et d'un emploi privé dans les petites communes pour leur permettre de financer la création d'emplois à temps plein pour plusieurs employeurs, public et privé, sur le modèle du « multisalariat ». L'article 107 de la loi élargit également le domaine d'intervention des maisons de services public en permettant la participation à leur fonctionnement de personnes privées dont l'activité ne relève pas d'une mission de service public.

A contrario, la loi prévoit dans son article 12 la possibilité pour les communes de confier à des associations ou à toute autre personne la création et la gestion de services de première nécessité, comme les stations-service, les hôtels, les restaurants, les magasins d'alimentation, en cas de défaillance de l'initiative privée. Ce dispositif, dont le Sénat a été à l'initiative, a vocation à s'appliquer dans des cas exceptionnels. En donnant aux communes les moyens d'intervenir dans l'urgence, et en entourant ce dispositif de toutes les garanties sur le plan juridique, la loi relative au développement des territoires ruraux donne l'exemple d'un texte pragmatique qui ne s'interdit aucune solution pour garantir l'existence de services aux habitants des zones rurales.

4) La protection de l'environnement constitue assurément une préoccupation majeure du gouvernement comme l'illustre l'adoption de la Charte de l'environnement voulue par le président de la République. On peut rappeler à cet égard que son article 6 prévoit que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social ».

Cette recherche d'un équilibre entre économie et environnement dans une perspective de développement durable est présente sous de nombreux aspects dans la loi relative au développement des territoires ruraux . Elle constitue une traduction législative de la stratégie nationale du développement durable adoptée par le gouvernement le 3 juin 2003 et notamment de son axe relatif aux territoires. Dans cette perspective, la loi cherche à mieux connaître et à réduire les inégalités écologiques et sociales, à prendre en compte dans la gestion du patrimoine naturel les dimensions à la fois urbaine et bâtie, rurale et naturelle des territoires, et à mieux associer les collectivités locales à la gestion des territoires.

On peut observer, concernant par exemple les espaces forestiers, que l'article 117 prévoit des réductions et des exonérations d'impôts afin d'encourager la restructuration et la gestion des forêts privées. Dans le même esprit, l'article 137 prévoit un régime d'exonération de la taxe foncière destiné à protéger les zones humides. Dans ce dernier cas, l'objectif consiste en particulier à convaincre les propriétaires de ne pas mettre en culture des prairies et landes humides comme ces derniers pouvaient y être encouragés compte tenu des dispositions fiscales en vigueur.

Parmi les innovations relatives à la gestion du patrimoine naturel, on retiendra en particulier l'extension de la politique départementale des espaces naturels sensibles (ENS) aux espaces agricoles et naturels périurbains prévue par les articles 73 à 76 afin de lutter contre l'urbanisation tous azimuts de ces territoires. Grâce à ces dispositions, les départements seront en mesure de délimiter des périmètres d'intervention à l'intérieur desquels seront définis des programmes d'action déterminant « les aménagements et les orientation de gestion destinés à favoriser l'exploitation agricole, la gestion forestière, la préservation et la valorisation des espaces naturels et des paysages ». Il est à noter en particulier qu'une fois inclus dans un périmètre, les terrains concernés ne pourront plus être intégrés dans un secteur urbanisable par les documents d'urbanisme. Enfin, des dispositions sont prévues pour permettre aux départements d'intervenir pour acquérir des terrains à l'intérieur des périmètres en vue de leur protection ou mise en valeur.

D'autres exemples auraient pu être cités qui, tous, vont dans le même sens, celui d'une recherche de développement équilibré et durable des territoires ruraux grâce à une coopération étroite des différents acteurs publics et à la création de dispositions juridiques nouvelles.

Bien entendu, un texte aussi long et complexe concernant un sujet aussi large et mouvant, dans ses problématiques comme dans ses enjeux géographiques et économiques, ne saurait atteindre la perfection. C'est pour cela que des observateurs n'ont pas hésité à en montrer les limites ou à en souligner les faiblesses. La loi relative au développement des territoires ruraux serait ainsi selon certains trop complexe, elle ne ferait pas un choix suffisamment clair entre protection et reconquête du milieu rural ou encore ses choix n'apparaîtraient pas assez distinctement compte tenu de l'articulation choisie entre le local et le national qui donnerait un trop grand pouvoir de blocage au élus locaux. Ces arguments ne sauraient être négligés par tous ceux qui auront à faire vivre ce texte, comme par le législateur qui aura à en évaluer les résultats, mais ils ne sauraient non plus emporter la conviction concernant les mérites véritables de cette loi.

En innovant dans ses dispositifs et en donnant une importance jamais connue à des préoccupations essentielles comme la protection de l'environnement, la loi relative au développement des territoires ruraux marque probablement une époque nouvelle dans les rapports de la société française à sa composante rurale qui devrait influencer grandement à l'avenir toute entreprise de législation sur ce sujet. A cet égard, il s'agit donc bien d'une rupture dans notre façon de voir le monde rural et de se comporter à son égard. Nul doute, dans ces conditions, que le législateur aura l'occasion d'évaluer et, si besoin, d'améliorer les outils nécessaires à la poursuite de l'objectif de développement durable et de mise en valeur du monde rural.

* 1 Sénat, Compte rendu intégral des débats, séance du 28 avril 2004, intervention de M. Hervé GAYMARD, Ministre de l'Agriculture

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