La drôle de guerre a été mise à profit pour protéger les collections. A la déclaration de guerre, une partie des ouvrages de la Bibliothèque a été expédiée à Tours, au lycée Descartes, pour servir en cas de repliement, et, une autre, la plus précieuse (environ 7000 volumes), au château d'Ussé, afin d'être éloignée de la zone éventuelle des combats. L'évacuation des ouvrages les plus rares (les collections Pixérécourt, Morel de Vindé, Boissy d'Anglas, la Gazette de France et le Mercure Galant, entre autres) s'est effectuée dans des caisses doublées intérieurement de toile imperméable et extérieurement de baguettes isolantes fermées par vis.

Mais la totalité du fonds n'a pu être déplacée, et il reste de nombreux livres au Palais du Luxembourg, sur les rayonnages et dans les réserves, lorsque les soldats allemands investissent la capitale, le 14 juin 1940. Une cinquantaine de caisses en instance de départ se trouve notamment dans la salle d'attente du public. Mises en sécurité dans les serres du Jardin du Luxembourg, ces caisses renferment surtout des documents parlementaires.

Annexe de la bibliothèque - été 1940

Lors des travaux effectués à la fin de l'été 1940 en vue de l'installation de l'état-major de la Luftwaffe, des mesures sont prises par le service de la bibliothèque (son personnel alors présent se compose de deux bibliothécaires, d'un archiviste, de deux secrétaires dactylographes et d'un agent)  pour la conservation des  ouvrages. Tous les rayonnages sont recouverts de bois contreplaqué, jusqu'à une hauteur de 3,30 m dans la salle de lecture et jusqu'aux balcons à l'Annexe. Dans les salles des revues et des documents administratifs, les casiers sont entièrement masqués.

Les échelles fixes et mobiles sont partout démontées et retirées. Enfin, tous les placards sont fermés et les clefs remises au service du bâtiment.

La décision est prise qu'aucune caisse de livres ne doit revenir de Tours. Mais la conservation des ouvrages n'offre pas plus de garantie en Touraine qu'à Paris. A plusieurs reprises, les fonctionnaires du Sénat se préoccupent du sort de huit caisses expédiées en juin au lycée Descartes et qui demeurent introuvables. Elles auraient été saisies par les autorités allemandes lors de l'occupation de Tours et emportées par camion.

Lorsque les Allemands prennent possession du Palais du Luxembourg, il n'est plus question, pour les fonctionnaires d'y pénétrer, La salle de lecture de la Bibliothèque a été transformée en bureaux et en central téléphonique. Elle a été, à cet effet, divisée en trois parties, des cloisons en bois contreplaqué ayant été placées de chaque côté de la coupole, sous les cintres.

Dans un premier temps, la plupart des réserves de la Bibliothèque sont laissées au service. En janvier 1941, le commandant militaire du Palais demande que tous les documents, papiers et livres, entreposés dans les combles du Sénat soient déménagés, en raison des risques d'incendie. Des locaux sont loués rue Madame -une boutique- au numéro 28. Il faut y loger plus de 25 000 ouvrages.

A plusieurs reprises, en 1942 et 1943, les autorités militaires allemandes ordonnent des déménagements similaires pour les archives du Sénat -descendues d'abord, à leur arrivée, au sous-sol- puis pour la collection de cartes de la Bibliothèque et, enfin, pour les documents relatifs à la guerre de 14-18.

Ces fonds sont stockés en dehors du Palais, dans divers locaux, rue Cassette, au musée du Luxembourg et dans une baraque de D.C.A. construite dans les jardins.

Bibliothèque rue Guynemer (JPG - 171 Ko)Tout en procédant à ces transferts, la Bibliothèque (JPG - 171 Ko), installée, comme les autres services du Sénat, dans l'appartement de la rue Guynemer, poursuit son activité. Elle essaie, dans toute la mesure du possible, de tenir à jour ses collections et d'offrir à ses usagers la documentation ‑paraissant en zone occupée- qu'ils demandent. A Vichy, puis à Châtelguyon, où le Sénat est replié, une autre bibliothèque fonctionne. Le fonds s'y enrichit à l'occasion d'ouvrages qu'il est impossible de se procurer en zone occupée.

A la Libération, les ouvrages acquis pendant les années de guerre à Vichy et à Châtelguyon sont, dans un premier temps, rapatriés dans l'ancien appartement du Questeur Hamelin, boulevard Saint-Michel. Au fur et à mesure de la remise en état des locaux, ils rejoignent le Palais du Luxembourg, tout comme ceux des divers dépôts installés par la Bibliothèque dans le quartier durant les quatre années d'occupation.