BELGIQUE



Il n'existe pas de règles générales sur la reconnaissance des repentis par la justice pénale, mais il existe, notamment dans le code pénal, plusieurs dispositions accordant une exemption ou une réduction de peine à celui qui dénonce une infraction dont il est le coauteur ou le complice. Certaines remontent au XIX e siècle, d'autres ont été introduites récemment.

Depuis une dizaine d'années, la mise en place d'un droit des repentis pour lutter contre la grande criminalité et le crime organisé est régulièrement évoquée , aussi bien dans les rapports des commissions d'enquête parlementaires que dans les projets du gouvernement.

En 1997, la question a fait l'objet d'une étude universitaire commandée par le gouvernement. Cette étude a donné lieu à un avant-projet de loi du ministère de la Justice , mais, faute de consensus au sein du gouvernement, aucun projet définitif n'a été élaboré. Récemment, deux propositions de loi reprenant la plupart des dispositions de l'avant-projet ont été déposées à la Chambre des représentants.

1) La reconnaissance juridique des repentis

a) Les infractions visées

Elles sont précisées par le code pénal et par trois lois comportant des dispositions d'ordre pénal.

• Les articles du code pénal qui régissent les complots contre la sûreté de l'État , l'association de malfaiteurs, ainsi que les infractions relatives à la fausse monnaie comportent des mesures en faveur des repentis.

Les dispositions du même code sur la diffusion d'écrits sans indication d'auteur ou d'imprimeur et sur les loteries non autorisées prévoient également de telles mesures.

À l'exception de celle qui vise l'association de malfaiteurs, qui a été introduite en 1999, toutes ces règles remontent au XIX e siècle.

• La loi du 12 mars 1858 relative aux crimes et délits qui portent atteinte aux relations internationales envisage également le cas des repentis pour les complots dirigés contre un gouvernement étranger.

• Depuis 1975, la loi sur les stupéfiants comporte des dispositions favorables aux repentis. Elles visent toutes les infractions, qu'elles soient définies par la loi ou par ses arrêtés d'application. (usage en groupe de telles substances, fourniture à autrui, prescription abusive par un médecin...).

• Il en va de même depuis 1994 de la loi de 1985 sur les hormones animales pour les infractions consistant à s'opposer aux contrôles de l'Agence fédérale pour la sécurité alimentaire (refus d'inspection ou de prélèvement d'échantillons, fourniture de renseignements inexacts...).

b) Les personnes concernées

Dans tous les cas, les règles sur les repentis visent les auteurs et les complices des infractions qui viennent d'être définies, sans que les infractions connexes soient prises en compte.

Les dispositions du code pénal sur la diffusion d'écrits sans indication d'auteur ou d'imprimeur et sur les loteries non autorisées prévoient que la collaboration du repenti sert à identifier l'auteur d'une infraction déjà réalisée. Plus qu'une incitation à la collaboration, elles constituent plutôt la traduction de l'obligation de dénoncer, prévue par les textes.

En revanche, les autres mesures sur les repentis précisent que la collaboration sert des objectifs différents selon le moment où elle a lieu. Elle peut :

- empêcher la réalisation d'une infraction et fournir aux autorités l'identité des organisateurs, lorsqu'elle est antérieure à la réalisation d'une infraction ;

- permettre d'informer les autorités de la réalisation d'une infraction qu'elles ignorent encore et fournir l'identité des organisateurs, lorsqu'elle est postérieure à l'infraction mais antérieure aux poursuites pénales ;

- faciliter l'identification du coupable d'une infraction, lorsqu'elle est postérieure aux poursuites pénales.

2) Les avantages accordés aux repentis

a) Le traitement pénal

La loi sur les hormones animales prévoit des réductions ou des exemptions de peine, selon que la collaboration est postérieure ou antérieure aux poursuites pénales. Il en va de même de la loi sur les stupéfiants, à une exception près : les auteurs de crimes (6( * )) ne peuvent bénéficier que d'une réduction de peine, jamais de l'impunité.

Les autres textes, dont la plupart réservent les avantages offerts aux repentis aux seuls cas où la collaboration a lieu avant les poursuites pénales, prévoient l'impunité.

• La réduction de peine

Pour les infractions à la loi sur les hormones animales , si la collaboration est postérieure aux poursuites pénales, les peines prévues (un emprisonnement de huit jours à trois ans et/ou une amende 5 000 à 25 000 €) sont réduites à une peine d'emprisonnement de huit jours à trois mois et/ou à une amende de 500 à 2 500 €.

Pour les infractions à la loi sur les stupéfiants , la collaboration avec les autorités entraîne une réduction de peine :

- lorsqu'elle a lieu après le début des poursuites, mais seulement pour les repentis auteurs de délits (emprisonnement de huit jours à trois mois et amende de 130 à 500 €, au lieu d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et/ou d'une amende de 5 000 à 500 000 €) ;

- lorsqu'elle a lieu avant le début des poursuites pour les repentis auteurs de crimes. Pour un crime punissable de la réclusion à perpétuité, la peine applicable est alors l'emprisonnement d'un à cinq ans et pour un crime punissable de la réclusion de vingt à trente ans, la peine consiste en une amende de 500 à 2 500 €. Pour tous les autres crimes, la peine (emprisonnement de six mois à deux ans et une amende de 250 à 1 000 €) est également beaucoup plus faible que la sanction normalement applicable.

• L'impunité

Dans tous les autres cas, le repenti bénéficie d'une exemption de peine :

- la collaboration, antérieure aux poursuites, a lieu dans le cadre de la loi sur les hormones animales ;

- la collaboration, antérieure aux poursuites, a lieu dans le cadre de la loi sur les stupéfiants, le repenti ayant commis un délit ;

- la collaboration, antérieure aux poursuites, a lieu dans le cadre des articles du code pénal comportant des dispositions sur les repentis (essentiellement complots contre la sûreté de l'État, fausse monnaie et associations de malfaiteurs) ;

- la collaboration a lieu dans le cadre de la loi de 1858, que le coupable ait fourni des informations sur le complot et ses auteurs avant les poursuites, ou qu'il ait permis l'arrestation de ceux-ci grâce aux informations fournies ultérieurement.

b) Les mesures de protection

Il n'existe pas de mesures spécifiques visant à protéger les repentis et leurs proches.

Le témoignage des repentis peut toutefois être recueilli selon des modalités particulières , la Constitution prévoyant, d'une part, que l'audition de certains témoins peut avoir lieu à huis clos et le code de procédure pénale disposant, d'autre part, qu'elle peut se dérouler hors de la présence de l'accusé. Dans certaines conditions, la jurisprudence accepte les auditions masquées. Les repentis peuvent également bénéficier des dispositions contenues dans la loi du 8 avril 2002 relative à l'anonymat des témoins.

En revanche, la loi du 7 juillet 2002 sur la protection des témoins menacés, qui prévoit différentes mesures de protection (7( * )) , ne s'applique pas aux repentis, car elle prévoit que « les mesures de protection octroyées à un témoin menacé sont retirées lorsqu'il est formellement inculpé ou poursuivi par le ministère public pour les faits sur lesquels il fait témoignage ». Les mesures de protection peuvent cependant bénéficier aux témoins auteurs d'infractions liées à celles qui font l'objet de leur témoignage.

De même, les repentis ne peuvent pas demander l'application de la loi du 2 août 2002 relative au recueil de déclarations au moyen de médias audiovisuels. En effet, celle-ci ne prévoit la possibilité de procéder à des auditions à distance par vidéoconférence, par télévision en circuit fermé ou par conférence téléphonique qu'en faveur des témoins menacés bénéficiaires d'une mesure de protection octroyée selon les termes de la loi du 7 juillet 2002 ainsi que, sur la base d'un principe de réciprocité, en faveur des témoins ou des personnes soupçonnées résidant à l'étranger.

3) La valeur probatoire des déclarations des repentis

En l'absence de dispositions spécifiques, la valeur probatoire des déclarations des repentis est laissée à la libre appréciation des juges .

La loi du 8 avril 2002 relative à l'anonymat des témoins exige que les témoignages anonymes soient « corroborés dans une mesure déterminante par des éléments recueillis par d'autres modes de preuve ».

* *

*

Deux propositions de loi sur les repentis ont été déposées au Parlement au cours des derniers mois.

La plus récente
, qui vise à instaurer un régime pour les collaborateurs de justice, a été déposée par deux députés de la majorité le 21 février 2002 . Elle reprend l'avant-projet de loi du ministre de la Justice. Faisant suite aux travaux de la commission d'enquête sur la criminalité organisée qui avait été instituée en 1996 et au rapport de recherche réalisé en 1997 par l'Université de Gand, cette proposition a un champ d'application limité aux infractions commises dans le cadre d'une organisation criminelle et aux violations les plus graves du droit international humanitaire . Le repenti (une personne inculpée, déclarée coupable ou purgeant une peine) pourrait passer un accord écrit avec le ministère public , cet accord pouvant contenir une promesse d'extinction de l'action publique, d'exemption ou de réduction de peine, ou un engagement relatif à l'exécution de la peine. La déposition ne pourrait être prise en compte à titre de preuve que si elle était corroborée par d'autres éléments et ne pourrait, en aucun cas, être anonyme.

La précédente, déposée par l'opposition en août 2001, reprend également l'essentiel des dispositions de l'avant-projet de loi, mais elle n'aborde pas la question du témoignage sous couvert d'anonymat.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page