SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (mars 2004)

NOTE DE SYNTHÈSE

Le code pénal français considère « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » comme une agression sexuelle. Parmi les agressions sexuelles, le viol, défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise », est traité à part.

Les agressions sexuelles sont sanctionnées plus gravement lorsqu'elles sont commises sur des enfants, car le fait que la victime n'ait pas atteint l'âge de quinze ans constitue une circonstance aggravante.

En l'absence de toute autre circonstance aggravante, relative par exemple à l'auteur ou aux résultats de l'infraction, les coupables d'une agression sexuelle commise sur un jeune de moins de quinze ans encourent :

- pour un viol , une peine de réclusion criminelle de vingt ans au lieu de quinze lorsque la victime est plus âgée ;

- pour une agression sexuelle autre que le viol , une peine de prison de sept ans au lieu de cinq et une amende de 100 000 € au lieu de 75 000 €.

Par ailleurs, la simple atteinte sexuelle , qui diffère de l'agression sexuelle parce qu'elle est exercée « sans violence, contrainte, menace ou surprise », ne constitue une infraction que lorsqu'elle est réalisée sur un jeune de moins de quinze ans, à moins qu'elle ne soit commise par une personne ayant autorité sur la victime.

Que les infractions sexuelles soient ou non commises sur des mineurs, leurs auteurs encourent des peines complémentaires .

Ils peuvent se voir interdire, définitivement ou pour une période limitée à cinq ans, l'exercice de l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise. L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, ainsi qu'une interdiction de séjour, peuvent également leur être imposées, de même que l'interdiction d'exercer, définitivement ou pour une durée limitée à dix ans, une activité professionnelle ou bénévole les conduisant à être en contact avec des mineurs.

De plus, le tribunal peut ordonner des mesures de suivi socio-judiciaire . Prononcées pour une durée variable en fonction de la gravité de l'infraction, ces mesures visent à prévenir la récidive : le tribunal peut en particulier exiger du condamné l'exercice d'une activité professionnelle, le suivi d'une formation ou la résidence dans un lieu donné, ou interdire à l'intéressé de se présenter dans certains lieux. À ces diverses obligations le juge peut ajouter l'injonction de soins.

Les dispositions françaises relatives aux infractions sexuelles commises sur les mineurs ont été modifiées à plusieurs reprises depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal, en particulier par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs.

C'est cette même loi qui a réformé les articles 7 et 8 du code de procédure pénale afin que le délai de prescription de l'action publique des infractions - notamment de nature sexuelle - commises contre des mineurs ne commence à courir qu' à partir de la majorité de la victime .

La loi n° 98-468 a également autorisé la création du fichier national automatisé des empreintes génétiques . Initialement, il ne concernait que les délinquants sexuels et seuls, les profils des personnes définitivement condamnées pouvaient être conservés. Toutefois, le champ d'application de la mesure a été élargi par les lois n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne et n° 2003-239 du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure, de sorte que le fichier comprend actuellement les empreintes des « personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves et concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis » diverses infractions, parmi lesquelles les infractions sexuelles. La durée d'enregistrement des informations est limitée à quarante années, sans pouvoir excéder le quatre-vingtième anniversaire de l'intéressé.

La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité contient un chapitre consacré à la prévention et à la répression des infractions sexuelles. Celui-ci prévoit notamment la création d'un fichier judiciaire national automatisé des délinquants sexuels . Ce fichier contiendra les informations relatives à l'identité et à l'adresse des personnes mises en examen, condamnées, ou ayant bénéficié d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement pour une infraction sexuelle susceptible d'entraîner une peine de prison d'une durée d'au moins cinq ans.

Les diverses modifications récemment apportées au régime pénal des délinquants sexuels conduisent à s'interroger sur les mesures applicables à l'étranger. Les législations applicables en Allemagne, en Angleterre et au pays de Galles, en Belgique, au Danemark, en Espagne, aux Pays-Bas et au Portugal ont donc été étudiées.

Dans chaque cas, deux points ont été analysés :

- les peines encourues par les auteurs d'infractions sexuelles commises sur des mineurs , en établissant une distinction entre le viol et les autres infractions, et en retenant les seules infractions atteignant directement les personnes, ce qui conduit par exemple à exclure les infractions d'exhibitionnisme ou d'entremise ;

- les dispositions communes à ces infractions, peines complémentaires prononcées par le juge au moment de la condamnation, nécessité ou non d'une plainte de la victime pour que la procédure pénale soit déclenchée, point de départ du délai de prescription de l'action publique et fichier des délinquants sexuels .

Les mesures particulières applicables, d'une part, aux infractions commises à l'intérieur du cercle familial ou par une personne ayant autorité sur la victime et, d'autre part, aux délinquants mineurs ou irresponsables n'ont pas été retenues.

L'analyse des législations étrangères montre la persistance d'une grande variété de l'échelle des peines et la convergence des autres mesures.

1) L'échelle des peines reste très variable

Cette affirmation vaut aussi bien pour le viol que pour les autres infractions sexuelles. En effet, si les auteurs de viols de mineurs sont diversement punis, les personnes coupables d'autres infractions sexuelles le sont également, ces infractions et les sanctions correspondantes constituant une catégorie particulièrement hétérogène.

a) Les auteurs de viols de mineurs sont diversement punis

La définition du viol varie d'un pays à l'autre. Toutefois, en règle générale, les actes de pénétration non consentis sont considérés, quels qu'ils soient, comme des infractions sexuelles particulièrement graves. Il en va de même pour les actes de fellation non consentis.

De plus, toutes les législations présument l'absence de consentement des enfants qui n'ont pas atteint un certain âge, compris entre treize et seize ans, de sorte que les actes de pénétration ou de fellation réalisés sur des jeunes qui n'ont pas atteint cet âge sont assimilés à des viols, même lorsqu'ils ont lieu sans violences ni menaces.

Partout, le viol des mineurs est sanctionné par une peine privative de liberté. La durée de celle-ci, très variable d'un pays à l'autre, est généralement supérieure à celle qui est prononcée après le viol d'un majeur, l'Allemagne et le Danemark faisant néanmoins exception à cette règle.

Le pays qui sanctionne le moins sévèrement le viol des mineurs est l'Allemagne : selon la législation actuellement en vigueur, la peine de prison est comprise entre un et dix ans et la modification apportée par la loi du 27 décembre 2003, qui entrera en vigueur le 1 er avril 2004, porte la durée minimale de la peine de prison à deux ans. À l'opposé, la législation anglaise prévoit la réclusion criminelle à perpétuité.

Dans plusieurs pays, la durée de la peine est liée à l'âge de la victime . Ainsi, le code pénal belge prévoit trois tranches d'âge (moins de dix ans, de dix à seize ans et de seize à dix-huit ans), auxquelles il associe des durées de peine de prison décroissantes. De même, au Danemark, où la durée maximale de la peine de prison est de huit ans, elle est portée à douze ans lorsque l'enfant a moins de douze ans.

Par ailleurs, le code pénal espagnol et le code pénal portugais, tout en assimilant au viol les actes de pénétration réalisés sur des jeunes indépendamment de tout moyen de contrainte, prévoient une aggravation de la peine lorsque l'acte a été réalisé par le recours à la violence ou à l'intimidation.

b) Les sanctions appliquées aux autres infractions sexuelles sont encore plus diverses

La durée de la peine de prison maximale appliquée aux auteurs d'infractions sexuelles autres que le viol varie entre quatre et quinze ans. Cette différence s'explique notamment par le fait que cette catégorie d'infractions est particulièrement hétérogène.

Plusieurs pays reprennent, avec une autre appellation, la distinction française entre les agressions et les atteintes sexuelles et sanctionnent les premières plus sévèrement que les secondes. C'est le cas de la Belgique, de l'Espagne, des Pays-Bas et du Portugal. De plus, en Belgique, aux Pays-Bas et au Portugal, les atteintes sexuelles, réalisées sans recours à la violence ou à l'intimidation ne sont punissables, comme en France, que si les victimes n'ont pas atteint l'âge de la majorité sexuelle.

En revanche, en Allemagne, en Angleterre et au pays de Galles, ainsi qu'au Danemark, la distinction entre agressions et atteintes sexuelles n'est pas considérée comme pertinente, car c'est avant tout la sauvegarde du développement psychologique des mineurs qui justifie l'existence de mesures spécifiques aux jeunes.

Il importe de souligner l'exhaustivité de la nouvelle loi anglaise sur les infractions sexuelles , que le Parlement a adoptée en novembre 2003 et qui devrait entrer en vigueur en mai 2004. Elle punit en effet toutes les relations sexuelles quelles qu'elles soient avec un jeune de moins de seize ans et considère également comme une infraction le fait d'amener ou d'inciter un jeune à se livrer à une activité sexuelle. Ces dispositions permettent de sanctionner la personne qui cherche à avoir une relation avec un jeune, mais n'y parvient pas, ainsi que celle qui conduit le jeune à se livrer à des actes sexuels sur lui-même, voire simplement à se déshabiller.

2) La convergence des autres mesures

a) Les peines complémentaires

À l'exception du Portugal, tous les pays prévoient que le juge qui condamne un délinquant sexuel puisse prononcer une peine complémentaire : interdiction d'exercer une activité - bénévole ou professionnelle - conduisant l'intéressé à entrer en contact avec des jeunes, comme en Belgique ou au Danemark ; interdiction d'apparaître dans certains lieux particulièrement fréquentés par les jeunes (terrains de jeux, piscines, plages...), comme au Danemark ; voire autres mesures relevant du contrôle judiciaire, comme en Allemagne ainsi qu'en Angleterre et au pays de Galles.

Généralement prononcées pour une période limitée, ces peines complémentaires peuvent avoir une durée illimitée en Allemagne lorsque l'intéressé est considéré comme potentiellement dangereux pour la société. Quant à la loi anglaise, elle ne prévoit pas de durée maximale . La nouvelle loi prévoit même une durée minimale de cinq ans.

De plus, le juge allemand a la possibilité de prononcer l'internement préventif des délinquants sexuels récidivistes dès la première récidive, voire indépendamment de toute récidive en cas de concours d'infractions. Cette mesure, d'une durée d'au plus dix ans, prend effet après que la peine de prison a été purgée.

b) Le point de départ du délai de prescription

À l'exception du Portugal, tous les pays d'Europe continentale ont modifié leur législation au cours des dernières années pour que le délai de prescription commence à courir seulement à partir du dix-huitième anniversaire de la victime.

En Angleterre et au pays de Galles , une telle règle n'est pas nécessaire, parce que, pour les infractions les plus graves comme les infractions sexuelles commises sur des mineurs, il n'y a pas de délai de prescription, sauf dispositions contraires prévues par la loi.

c) Le déclenchement de la procédure pénale

Le déclenchement de la procédure pénale n'est subordonné à la plainte de la victime dans aucun des pays étudiés.

En effet, les règles de droit commun permettent généralement au ministère public de déclencher la procédure dès qu'il a connaissance de l'infraction, par quelque moyen que ce soit. Quand ce n'est pas le cas, comme au Portugal, où les infractions sexuelles ne peuvent en principe être poursuivies que si elles font l'objet d'une plainte de la victime, une règle spéciale permet au ministère public de prendre l'initiative d'engager la procédure lorsque l'infraction a été commise sur un mineur.

d) Le fichier des délinquants sexuels

Il n'existe un fichier des délinquants sexuels qu'en Angleterre et au pays de Galles. Cependant, dans la plupart des autres pays, la loi prescrit l'enregistrement des profils ADN des délinquants. Or, ces dispositions concernent principalement les délinquants sexuels.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1997 sur les auteurs d'infractions sexuelles , il existe en Angleterre et au pays de Galles un fichier des délinquants sexuels. Dès leur sortie de prison, ces derniers doivent signaler à la police l'adresse de leur résidence permanente ainsi que celle des lieux où ils séjournent de façon temporaire. Ces obligations sont imposées pour au moins deux ans et leur non-respect constitue une infraction spécifique. La loi de 2003 sur les infractions sexuelles durcit ces contraintes, notamment en obligeant les intéressés à confirmer chaque année les informations précédemment fournies.

À l'exception du Portugal, tous les pays étudiés ont adopté des textes sur les fichiers ADN .

Les critères d'enregistrement varient d'un pays à l'autre : d'une part, le lien entre les personnes dont les traces ADN sont conservées et les infractions commises n'est pas le même dans tous les pays et, d'autre part, les règles nationales ne s'appliquent pas aux mêmes infractions.

En Belgique, au Danemark et aux Pays-Bas, seules les traces relatives aux condamnés sont enregistrées. En revanche, en Angleterre et au pays de Galles, les données relatives aux personnes gardées à vue le sont également, tandis que la loi allemande autorise la conservation des profils ADN des simples suspects.

De plus, les infractions visées varient d'un pays à l'autre. En règle générale, l'enregistrement ne concerne que les personnes condamnées ou mises en cause pour les infractions les plus graves, qui peuvent entraîner une peine de prison, voire une peine de prison d'une durée minimale (un an au Danemark, quatre ans aux Pays-Bas). Cependant, la nouvelle loi allemande étend l'enregistrement à toutes les personnes soupçonnées d'une infraction sexuelle, indépendamment de la gravité.

La durée d'enregistrement apparaît assez longue même si la plupart des pays la limitent . En Allemagne, les données sont conservées aussi longtemps qu'elles sont considérées comme utiles à la procédure, c'est-à-dire en moyenne dix ans. En Belgique, au Danemark et aux Pays-Bas, la durée d'enregistrement est limitée de façon explicite, puisque les données doivent respectivement être effacées dix années après le décès de l'intéressé, lorsque ce dernier atteint l'âge de soixante-dix ans et au bout de vingt ou de trente ans selon la gravité de l'infraction commise. En revanche, la loi anglaise ne prescrit pas leur destruction.

Les prélèvements ont lieu dans le cadre des enquêtes criminelles , de sorte que les fichiers sont enrichis au fur et à mesure que de nouvelles infractions sont constatées. Toutefois, l'Allemagne, dans un souci de prévention de la récidive, admet que le profil ADN de personnes déjà condamnées soit enregistré et, aux Pays-Bas, un projet de loi actuellement en cours d'examen par le Parlement prévoit également d'étendre le fichage à tous les délinquants déjà condamnés.

En Espagne, les modalités d'enregistrement ne sont pas encore définies : la loi organique de novembre 2003 qui modifie le code pénal prévoit que le gouvernement adopte un décret régissant la future Commission nationale pour l'utilisation de l'ADN à des fins juridiques. C'est cette commission qui sera chargée de déterminer les conditions de conservation des traces d'ADN.

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Comparée aux dispositions allemandes, anglaises, belges, danoises, espagnoles, néerlandaises et portugaises, la législation française apparaît comme l'une des plus complètes et les peines infligées aux auteurs d'infractions sexuelles sur des mineurs placent notre pays parmi les pays les plus répressifs.

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