SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (mars 2004)

ALLEMAGNE

Les infractions sexuelles font l'objet de la section du code pénal intitulée « Infractions contre l'autodétermination en matière sexuelle » . Plusieurs articles de ce chapitre visent particulièrement les infractions dont les mineurs sont victimes.

Toute relation sexuelle avec un mineur de moins de quatorze ans, de quelque nature qu'elle soit, est présumée constituer une infraction punissable d'une peine de prison .

Les dispositions applicables résultent essentiellement d'une loi de novembre 1973, très contestée dès son adoption, parce que les références à la morale traditionnelle avaient été écartées au profit du « développement sexuel harmonieux de la jeunesse » . C'est pourquoi, après avoir été durcies par la loi du 26 janvier 1998 relative à la lutte contre les infractions sexuelles, ces dispositions viennent à nouveau de l'être par la loi du 27 décembre 2003 , qui entrera en vigueur le 1 er avril 2004 et qui renforce la protection des enfants de moins de quatorze ans .

C'est la sauvegarde du développement psychologique des mineurs qui justifie l'existence de mesures spécifiques, de sorte que le code pénal ne prend pas particulièrement en compte le critère de la violence pour punir les délinquants sexuels qui abusent des enfants.

Le texte ci-dessous analyse la législation actuellement en vigueur, ainsi que la loi du 27 décembre 2003, qui entrera en vigueur le 1 er avril 2004.

1) Le viol

La législation actuellement en vigueur

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La loi du 27 décembre 2003

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D'après l'article 176a du code pénal , tout acte de pénétration, dans quelque partie du corps que ce soit, commis par une personne majeure sur un enfant de moins de quatorze ans constitue une infraction, même s'il a lieu sans recours à la force ou à la contrainte.

Cette infraction, qualifiée de « grave abus sexuel » est punie, selon les circonstances dans lesquelles elle a lieu, d'une peine de prison dont la durée est comprise entre un et dix ans.

Dans les « cas les moins graves », par exemple lorsque l'auteur de l'infraction croit que l'enfant a plus de quatorze ans et que ce dernier est consentant, la durée de la peine de prison est comprise entre trois mois et cinq ans.

En revanche, en cas de décès de l'enfant, le coupable encourt, aux termes de l'article 176b, la réclusion à perpétuité ou une peine de prison d'au moins dix ans.

Par comparaison, d'après l'article 177, le viol d'une personne plus âgée, alors défini comme le rapport sexuel auquel on est contraint par la violence, par la menace ou par la mise à profit d'une situation d'infériorité, est sanctionné par une peine de prison d'au moins deux ans. C'est cette disposition qui s'applique aux jeunes de plus de quatorze ans.

La nouvelle loi porte à deux ans la durée minimale de la peine de prison.

La réduction de peine prévue pour les cas les moins graves est limitée : la durée de la peine de prison est comprise entre un et dix ans.

2) Les autres infractions sexuelles

a) Les victimes sont des enfants de moins de quatorze ans

La législation actuellement en vigueur

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La loi du 27 décembre 2003

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L'article 176 du code pénal , intitulé « Abus sexuel sur les enfants » prévoit une peine de prison dont la durée est comprise entre six mois et dix ans.

En cas de décès de l'enfant, le coupable encourt la réclusion à perpétuité ou une peine de prison d'au moins dix ans.

Dans les « cas les moins graves » (c'est-à-dire notamment en l'absence de contact physique), le plafond de la peine de prison est de cinq ans, et une simple amende peut être infligée.

La nouvelle loi introduit une peine de prison incompressible d'un an dans les cas les plus graves.

La nouvelle loi supprime l'atténuation de peine prévue pour les cas les moins graves.

b) Les victimes sont des jeunes âgés de plus de quatorze et de moins de seize ans

À l'exception de l'article 182 du code pénal, il n'existe pas de mesures particulières, de sorte que les jeunes de plus de quatorze ans sont protégés par les mêmes dispositions que les majeurs : l'article 177 du code pénal prévoit que les auteurs d'agressions sexuelles encourent une peine de prison d'au moins une année.

L'article 182 du code pénal condamne les actes sexuels commis sur un jeune de moins de seize ans dans deux cas :

- lorsqu'une personne de plus de dix-huit ans exploite une situation de détresse ou rémunère le jeune ;

- lorsqu'une personne de plus de vingt et un ans profite de « l'insuffisante capacité d'autodétermination en matière sexuelle » du mineur.

Dans le premier cas, le coupable est passible d'une peine d'emprisonnement d'une durée maximale de cinq ans ou d'une amende. Dans le second, il encourt une peine de prison d'au plus trois ans ou une amende. Cependant, le code pénal précise que le tribunal peut ne pas appliquer les peines prévues lorsque le préjudice de la victime est limité.

3) Les dispositions communes à toutes les infractions

a) Les peines complémentaires

Le code pénal prévoit que les tribunaux prononcent, outre des peines stricto sensu , telles l'amende ou l'emprisonnement, des mesures de « rééducation et de sûreté ». Celles-ci ne visent pas à punir le délinquant, mais à le rééduquer et à protéger la société.

Deux de ces mesures sont applicables aux délinquants sexuels.

Le placement sous contrôle judiciaire

L'article 181b du code pénal permet au tribunal de prendre une décision de placement sous contrôle judiciaire à l'encontre des délinquants sexuels condamnés à une peine de prison d'au moins six mois.

Sous la surveillance d'un travailleur social chargé du suivi socio-judiciaire du délinquant, l'intéressé est obligé de se soumettre à certaines obligations déterminées par le juge : interdiction de quitter son lieu de résidence sans autorisation, de fréquenter certaines personnes ou certains lieux, d'exercer certaines activités, obligation de se présenter à l'administration à des moments précis...

De telles mesures sont en principe imposées pour une période de deux à cinq ans, mais elles peuvent l'être pour une durée illimitée si le délinquant est considéré comme potentiellement dangereux pour la société.

L'internement préventif

L'internement préventif prend effet après que la peine de prison a été purgée. L'intéressé est alors placé dans un établissement spécialisé pour une durée variable, qui est déterminée par le tribunal.

D'après l'article 66 du code pénal, le tribunal peut ordonner l'internement préventif d'un délinquant sexuel récidiviste , et ce dès la première récidive (1 ( * )) , si trois conditions sont réunies :

- l'intéressé est potentiellement dangereux pour la société ;

- il est condamné à une peine de prison d'au moins deux ans ;

- sa première condamnation comportait une peine de prison d'au moins trois ans.

Une telle mesure peut même être ordonnée dès la première condamnation lorsqu'une personne est condamnée à au moins trois ans de prison pour plusieurs infractions sexuelles.

La durée de l'internement préventif est décidée par le tribunal. En principe, la mesure est limitée à dix ans , à moins que le tribunal, à l'issue de ces dix années, n'estime que la personne constitue toujours un danger pour la société « en raison de sa propension à commettre des infractions graves ». Ainsi, l'internement à vie est possible. Au début du mois de février 2004, la Cour constitutionnelle s'est prononcée sur ce point. Elle considère qu'une telle disposition n'est pas incompatible avec la Loi fondamentale, mais estime qu'il conviendrait de vérifier régulièrement la pertinence de l'internement.

À sa sortie de l'établissement, l'intéressé est placé sous le régime de la mise à l'épreuve.

b) Le point de départ du délai de prescription

Le délai de prescription ne commence à courir qu'à partir du dix-huitième anniversaire de la victime . Cette disposition a été introduite en 1994.

En revanche, pour les infractions sexuelles définies par l'article 182 et concernant seulement les jeunes de plus de quatorze ans et de moins de seize ans, le droit commun s'applique et le délai de prescription commence à courir dès que les faits constitutifs de l'infraction sont terminés.

c) Le déclenchement de la procédure pénale

Conformément au droit commun, le déclenchement de l'action publique est une prérogative du ministère public. Il n'est donc pas indispensable que la victime porte plainte.

Toutefois, la poursuite des infractions que peuvent constituer, en application de l'article 182 du code pénal, les relations sexuelles entre une personne de plus de vingt et un ans et un jeune âgé de moins de seize ans est normalement subordonnée à la plainte de la victime, le ministère public gardant toutefois la possibilité d'agir d'office pour la sauvegarde de l'intérêt général.

d) Le fichier des délinquants sexuels

Il n'existe pas de dispositions particulières au fichage des délinquants sexuels , mais ceux-ci sont concernés par les règles applicables aux fichiers des prélèvements d'ADN effectués sur certaines personnes.

La législation actuellement en vigueur

Depuis le 17 avril 1998, l'Office criminel fédéral gère une banque de données ADN. À la disposition de tous les services de police, elle contient les empreintes génétiques des personnes mises en cause dans certaines infractions, ainsi que les traces relevées sur le lieu des infractions. À la fin de l'année 2003, environ 300 000 profils ADN avaient été enregistrés.

En règle générale, les prélèvements effectués dans le cadre d'une procédure pénale doivent être détruits dès qu'ils ne sont plus utiles à la recherche de la vérité. On estime qu'ils sont conservés en moyenne pendant dix ans.

Cependant, l'article 81g du code de procédure pénale prévoit que les personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction d'une « importance considérable », et notamment une grave infraction sexuelle, sont tenues de se soumettre à un prélèvement d'ADN, s'il est à craindre qu'elles ne récidivent. Cette mesure ne peut avoir d'autre but que l'identification des coupables de futures infractions . Les prélèvements ne doivent servir qu'à cette fin et être détruits dès qu'ils ne sont plus nécessaires.

Dans le même objectif d'identification des coupables de futures infractions, la loi du 7 septembre 1998 sur l'identification par l'ADN permet l'enregistrement des profils ADN des personnes déjà condamnées pour les infractions mentionnées à l'article 81g du code de procédure pénale.

La loi du 27 décembre 2003

La nouvelle loi prévoit que le sexe de la personne dont l'empreinte génétique a été relevée doit être mentionné.

De plus, le critère de l'« importance considérable » est supprimé de l'article 81g du code de procédure pénale pour les infractions sexuelles, de sorte que le fichier comprendra le profil ADN de toutes les personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction sexuelle, quelle qu'elle soit. Ainsi, en application de la nouvelle loi, le profil ADN des exhibitionnistes sera enregistré.

* (1) Une telle mesure ne peut être prise qu'à partir de la deuxième récidive dans le cas des délinquants ayant commis des infractions d'une autre nature.

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