SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Octobre 2008)

NOTE DE SYNTHESE

En France, selon le code civil, les enfants sont tenus à une obligation alimentaire envers leurs parents « qui sont dans le besoin » ainsi qu'envers leurs autres ascendants. Cette obligation n'est donc pas limitée par le degré de parenté : le cas échéant, les petits-enfants doivent aider leurs grands-parents, et les arrière petits-enfants leurs arrière grands-parents. L'obligation alimentaire s'applique également aux gendres et aux brus à l'égard de leur belle-mère et de leur beau-père.

Traduction juridique de la solidarité familiale , l'obligation alimentaire peut prendre diverses formes : mise à disposition d'un logement, fourniture d'une autre aide matérielle, versement d'une prestation financière, etc. Si elle s'exerce souvent spontanément, elle est également prévue par la législation sur l'aide sociale, qui lui donne la priorité sur la solidarité collective.

L'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles énonce en effet le caractère subsidiaire de l'aide sociale : « Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. »

En outre, l'État ou le département peuvent se substituer à la personne qui sollicite le bénéfice de l'aide sociale et demander au juge qu'il établisse la contribution due par les descendants au titre de l'obligation alimentaire.

Bien que le champ d'application de l'obligation alimentaire s'étende en principe à toutes les prestations de l'aide sociale, il s'est réduit au fil du temps avec la mise en place de prestations à la personne, de sorte qu'il se limite désormais essentiellement à la prise en charge des frais d'hébergement dans les établissements pour les personnes âgées.

La mise en oeuvre de l'obligation alimentaire suscite toutefois des difficultés, notamment à cause de l'allongement de la durée de la vie et du coût croissant de l'hébergement collectif des personnes âgées. C'est pourquoi le Conseil économique et social a, dans un avis adopté le 14 mai 2008, préconisé une réforme de l'obligation alimentaire, qui vise notamment à clarifier les règles et à uniformiser l'application du principe de subsidiarité de l'aide sociale sur l'ensemble du territoire national.

Les interrogations relatives à la place respective de l'obligation alimentaire et de l'aide sociale dans la prise en charge des personnes âgées en France amènent à s'interroger sur la situation dans les pays étrangers .

L'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, et le Royaume-Uni , dont les systèmes sociaux reposent sur des principes fort différents, ont été retenus.

Pour chacun de ces pays, les points suivants ont été analysés :

- l'existence d'une obligation alimentaire envers les ascendants ;

- la prise en compte de l'obligation alimentaire par la législation sociale, notamment par les textes qui régissent les établissements d'accueil des personnes âgées.

L'étude des dispositions étrangères fait apparaître que :

- à l'image du code français de l'action sociale et des familles, les législations allemande et belge font primer la solidarité familiale sur l'aide sociale ;

- en Espagne et en Italie, le principe de complémentarité de la solidarité familiale par rapport à la solidarité collective fait l'objet d'applications diverses ;

- au Danemark, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, les parents ne sont titulaires d'aucune créance alimentaire sur leurs enfants .

1) Les législations allemande et belge font primer la solidarité familiale sur l'aide sociale

En Allemagne et en Belgique, non seulement le code civil impose aux enfants une obligation alimentaire envers leurs parents, mais les collectivités qui gèrent les établissements d'accueil des personnes âgées ont la possibilité de récupérer auprès des enfants les frais engagés au titre de l'aide sociale.

Toutefois, à la différence de ce que l'on constate en France, cette récupération est réalisée selon des règles relativement homogènes dans tout le pays. En effet, en Belgique, la récupération auprès des débiteurs alimentaires des frais engagés au titre de l'aide sociale s'effectue depuis le 7 octobre 2004 dans le cadre d'un barème national établi par voie réglementaire. De même, en Allemagne, la capacité qu'ont les enfants à contribuer à l'entretien de leurs parents est appréciée par rapport à un barème établi par la cour d'appel de Düsseldorf et appliqué par les autres tribunaux.

Il faut par ailleurs souligner que les juges allemands, sensibles aux difficultés de la génération « intermédiaire », qui a des obligations à la fois à l'égard des jeunes et des personnes âgées, se sont efforcés de fixer des règles qui limitent le montant des dettes alimentaires des enfants envers leurs parents et que la Cour constitutionnelle fédérale a pris position sur ce sujet en 2005. À cette occasion, elle a notamment souligné que le législateur ne considérait pas les parents comme des créanciers alimentaires prioritaires et qu'il avait, au travers des dernières évolutions normatives, manifesté la volonté de voir chacun assurer sa propre subsistance.

2) En Espagne et en Italie, le principe de complémentarité de la solidarité familiale par rapport à la solidarité collective fait l'objet d'applications diverses

Dans ces deux pays, si le code civil impose aux enfants une obligation alimentaire à l'égard de leurs parents, d'autres règles donnent un rôle second à la solidarité familiale.

Ainsi, la Constitution espagnole souligne le caractère complémentaire de la solidarité familiale par rapport à la solidarité collective, mais comme l'aide sociale relève de la compétence des communautés autonomes , ce principe fait l'objet d'applications variées. En pratique, l'une des solutions les plus souvent retenues consiste à faire signer à la personne âgée qui ne peut contribuer à la totalité des frais une reconnaissance de dette , aux termes de laquelle, au décès de l'intéressé, l'établissement récupère sur l'héritage les sommes qui lui sont dues. Les héritiers, et notamment les descendants astreints à l'obligation alimentaire, participent ainsi indirectement aux frais d'hébergement de la personne âgée.

En Italie, bien que le législateur ne fasse pas dépendre la contribution financière des personnes âgées hébergées de la situation des débiteurs alimentaires, les collectivités territoriales , qui gèrent les services sociaux, ne respectent pas toujours cette règle, ce qui provoque un important contentieux.

3) Au Danemark, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, les parents ne sont titulaires d'aucune créance alimentaire sur leurs enfants

Aux Pays-Bas, le code civil impose certes une obligation alimentaire aux enfants envers leurs parents, mais cette disposition n'est plus appliquée.

Quant au Danemark et au Royaume-Uni, ils ne prévoient aucune obligation alimentaire des enfants envers leurs parents.

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Parmi les sept pays retenus, l'Allemagne et la Belgique sont les seules à appliquer des dispositions similaires à celles qui existent en France.

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