Service des études juridiques (Décembre 2008)

PAYS-BAS

Les collections publiques ne sont pas explicitement qualifiées d'inaliénables, mais les procédures administratives empêchent leur aliénation inconsidérée.

En accord avec les principaux musées, l'Institut pour la protection du patrimoine culturel des Pays-Bas a établi en 2000 un code destiné aux propriétaires et aux gestionnaires de collections d'oeuvres d'art qui souhaitent se défaire de certains objets. Ce code dit « pour la cession des oeuvres des musées » a été révisé en 2006 (voir document n° 5). Il est accepté par les professionnels, qui en ont fait le fondement de leur politique de sélection et de cession. Utilisé par les musées en complément du code de déontologie du Conseil international des musées, il est également appliqué par les autres propriétaires d'objets d'art.

1) Les fondements juridiques

La loi de 1984 sur la conservation du patrimoine culturel ne reconnaît pas le principe d'inaliénabilité des oeuvres d'art, mais accorde une certaine protection aux objets inscrits à l'inventaire national.

La loi de 1984 sur la conservation du patrimoine culturel définit les objets protégés. Il s'agit, d'une part, de ceux qui sont irremplaçables, parce qu'il n'en existe pas (ou pratiquement pas) d'autres en bon état dans le pays, et, d'autre part, de ceux qui sont indispensables, compte tenu de leur valeur historique ou scientifique. La loi précise qu'une collection entière peut être protégée. À l'heure actuelle, la protection concerne quelque 250 oeuvres isolées et une vingtaine de collections.

La loi interdit qu'un bien protégé soit vendu aux enchères, aliéné, hypothéqué, loué ou prêté sans l'accord des services d'inspection du ministère de la culture.

Toutefois, la loi de 1984 ne s'applique pas aux collections publiques, qui sont protégées par les règles administratives :

- le ministre de la culture est ainsi chargé de veiller à la préservation et à l'entretien des collections des principaux musées publics, même si la gestion de ceux-ci est assurée de façon autonome ;

- quant aux communes, gestionnaires de nombreux musées, elles risquent, dans le cadre du contrôle des actes des collectivités territoriales, de voir leurs décisions de cession annulées pour violation de l'intérêt général.

Le code pour la cession des objets des musées

À la suite de quelques affaires (5 ( * )) , un congrès intitulé « Les limites de la croissance » a rassemblé en 1999 les responsables de quelque 300 musées. Ces derniers ont unanimement approuvé le principe d'une réelle gestion des collections et donc la nécessité d'effectuer un tri parmi les objets composant ces dernières, à condition que l'ensemble des opérations se déroule selon des critères strictement professionnels. Le ministère de la culture a alors chargé l'Institut pour la protection du patrimoine culturel des Pays-Bas ( Instituut Collectie Nederland : ICN ) d'établir un code de bonne conduite pour la cession des oeuvres des musées.

L'ICN est un service du ministère de la culture chargé de la gestion et de la conservation du patrimoine culturel mobilier. C'est lui qui gère les collections publiques qui ne sont pas exposées. L'ICN remplit également une fonction d'information ainsi que de conseil auprès des gestionnaires des collections publiques et privées. Par ailleurs, il entreprend des recherches sur les objets d'art et forme des restaurateurs.

Ce document ( Leidraad voor het afstoten van museale objecten : Lamo ) a été publié en 2000 et révisé en 2006.

Il décrit très précisément la procédure que les responsables des musées doivent suivre avant de se défaire de certains objets. Il distingue notamment quatre étapes :

- la préparation, qui suppose notamment l'élaboration d'un plan d'ensemble auquel la collection doit obéir et l'identification des propriétaires des objets ;

- la sélection, à l'aide de critères clairement identifiés et en tenant compte de la valeur culturelle et historique des objets, qui peut être définie grâce aux indications fournies par la classification nationale en quatre catégories du plan Delta, consacré à la conservation de la culture néerlandaise ;

- le transfert, qui doit être réalisé prioritairement par la cession à d'autres musées, de préférence à titre gratuit, aucune vente n'étant possible entre établissements nationaux ;

- la clôture du dossier, qui peut, le cas échéant, se traduire par la destruction.

Le code précise que les décisions de cession doivent être exclusivement prises en fonction de critères propres au contenu des collections et qu'elles doivent avoir pour seul but l'amélioration de la qualité et de la composition des collections. Il convient de s'assurer que le propriétaire (la commune par exemple) est d'accord. Plus la valeur de l'objet concerné est grande, plus le travail de documentation préalable doit être important. Les revenus provenant des cessions doivent être exclusivement consacrés à l'amélioration de la collection par des achats ou par des mesures de conservation et de restauration. Les opérations de cession doivent être soigneusement répertoriées et la documentation qui s'y rapporte conservée. La vente n'est organisée qu'en dernier recours , lorsqu'aucun musée n'est intéressé et que la restitution aux donateurs, voire aux prêteurs, n'est plus possible.

Pour aider les professionnels, le code établit également la liste des avantages et des inconvénients généraux de toute cession.

2) La pratique

Depuis la publication de la première version du code de bonne conduite, les musées ont engagé une réflexion sur la réorganisation de leurs collections.

Comme il s'agit d'une opération complexe et longue, le ministère de la culture a demandé à l'ICN de donner l'exemple avec sa propre collection, riche de plus de 100 000 oeuvres. L'ICN a également sélectionné plusieurs musées, afin de mener des opérations pilotes.

Pour promouvoir cette politique de rationalisation des collections, le ministère de la culture a demandé à l'ICN de vendre aux enchères les objets dont il souhaitait se défaire et qui n'intéressaient aucun musée.

Deux ventes aux enchères d'objets de l'ICN et de cinq musées ont donc eu lieu en 2007 : la première s'est déroulée sur Internet par l'intermédiaire d'eBay à partir du 4 juillet et a duré tout l'été, tandis que la seconde a eu lieu de façon traditionnelle à la Haye à la fin du mois d'octobre. Plus de 1 000 objets ont été vendus à l'occasion de la première vente, qui a rapporté 62 000 €, et quelque 350 lors de la seconde, qui a rapporté 104 000 €.

Plusieurs opérations similaires avaient précédé celles-ci : en avril 2002, une centaine d'objets du musée des poids et mesures de la Haye, fermé en 2001, avaient été vendus aux enchères dans le cadre de la dispersion de la totalité de la collection ; en mars 2005, le musée municipal de la Haye avait vendu aux enchères une centaine d'oeuvres après avoir sélectionné celles qu'il souhaitait conserver et, en mars 2006, le Musée central d'Utrecht avait fait de même avec 1 400 pièces provenant essentiellement de ses réserves.

La vente de mars 2005 à la Haye avait été suivie avec attention, car c'était la première du genre et elle faisait suite à une opération de sélection des oeuvres menée dans la stricte application du code de bonne conduite, le responsable de la collection étant soucieux d'améliorer la cohérence de celle-ci. En décembre 2003, le directeur du musée avait donc demandé au conseil municipal de la Haye l'autorisation de céder 138 peintures, qui apparaissaient comme sans intérêt pour la collection. 31 d'entre elles avaient été cédées à titre gratuit à d'autres musées, et les 107 autres vendues aux enchères. La vente avait rapporté 164 750 € nets.

Par ailleurs, l'ICN a mis au point une base de données dite « de transfert » , qui est également alimentée par les autres gestionnaires des collections publiques et qui est destinée à faciliter les cessions entre musées. Les informations relatives à un objet doivent y figurer au moins deux mois, avant qu'une décision autre que la cession à un autre établissement puisse être prise.

* (5) En 1987, la ville de Hilversum a souhaité vendre le seul tableau de Mondrian qu'elle possédait, pour obtenir des fonds lui permettant de restaurer un immeuble construit par l'architecte moderniste Duiker. Le projet a suscité une polémique, qui s'est conclue par un accord entre la commune, le gouvernement et le Stedelijk Museum d'Amsterdam. Ce dernier a acheté la toile à un prix modique. Deux ans plus tard, le directeur du musée municipal de la Haye a voulu vendre deux tableaux de Picasso et un de Monet, afin de disposer de réserves lui permettant de mener une réelle politique d'acquisition. Le projet fut abandonné, le conseil municipal ayant été menacé de voir son éventuelle autorisation annulée par la Couronne pour violation de l'intérêt général.

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