Service des études juridiques (Décembre 2008)

ROYAUME-UNI

Les lois spécifiques qui régissent les musées nationaux ne posent pas le principe de l'inaliénabilité des collections, mais restreignent les possibilités de cession .

Les autres musées publics (6 ( * )) ne sont soumis à aucune limitation, mais ils respectent les directives de l'Association des musées , qui promeut depuis peu une politique de cession « responsable » .

1) Les fondements juridiques

a) Les lois relatives aux musées nationaux

La National Gallery , la Tate Gallery , la National Portrait Gallery et la Wallace Collection relèvent de la loi de 1992 sur les musées et les galeries ; le British Museum d'une loi spécifique de 1963 ; le Victoria and Albert Museum de la loi de 1983 sur le patrimoine national. D'autres musées nationaux moins connus sont régis par des lois spécifiques : c'est le cas du Musée national de la marine et du Musée de Londres.

Ces différents textes comprennent des dispositions explicites sur l'aliénation des oeuvres, dont les formulations ne sont pas toutes identiques. À l'intérieur d'un même texte, ces formulations varient parfois selon le musée auquel elles se rapportent. Les diverses mesures législatives relatives à l'aliénation des oeuvres détenues par les musées nationaux peuvent toutefois être résumées comme suit.


• La Wallace Collection (7 ( * )) est intangible.


• Les transferts de propriété entre musées nationaux sont possibles. Ils peuvent résulter de ventes, de dons ou d'échanges.


• Si l'on excepte cette disposition, particulière aux transferts entre musées nationaux, les possibilités d'aliénation sont limitées. Les collections de la National Gallery sont inaliénables , tandis que les oeuvres des autres musées nationaux peuvent être cédées, à titre gratuit ou onéreux, dans trois cas :

- lorsqu'elles constituent des doublons avec d'autres oeuvres ;

- lorsque le conseil d'administration de l'établissement considère leur maintien dans les collections comme inapproprié et estime que leur aliénation ne nuira ni au grand public ni aux chercheurs ;

- lorsqu'elles sont tellement endommagées qu'elles sont devenues inutiles. Dans ce cas, leur destruction est autorisée.

Le produit des cessions ne peut être utilisé que pour enrichir les collections.

b) Les directives de l'Association des musées

Les autres musées publics ne sont soumis à aucune limitation législative ou réglementaire . Ils respectent les directives de l'Association des musées , qui n'ont aucune valeur normative (8 ( * )) . Les musées membres suivent en particulier le code de déontologie et le guide des cessions , publié en février 2008 à la suite de l'assemblée générale d'octobre 2007, au cours de laquelle les participants se sont accordés sur le principe d'une gestion plus active des collections.

Si le code de déontologie continue à affirmer le principe du « préjugé contre l'aliénation » et insiste sur le fait que les musées remplissent une mission d'intérêt général et de longue durée, les musées sont invités à considérer la cession des oeuvres qu'ils détiennent comme un élément à part entière de la gestion de leurs collections.

Le guide des cessions développe les nombreuses questions qu'il convient de se poser lorsqu'une telle opération est envisagée : l'objectif poursuivi, la réalisation pratique, la documentation à conserver, la politique de communication à mener, etc. Il les récapitule sous forme d'un arbre de décision. Le document insiste sur le fait que les arguments financiers ne doivent pas être essentiels et que les cessions doivent être réalisées de façon prioritaire par des transferts gratuits à des musées publics ou à d'autres établissements publics. La vente entre musées publics n'est toutefois pas exclue (elle est même parfois imposée par les statuts de l'établissement). En revanche, la vente à un musée privé ou à un collectionneur doit avoir lieu en dernier recours, notamment lorsque la restitution aux donateurs n'est pas possible. La vente doit s'effectuer de préférence aux enchères, et sous forme classique plutôt que sur Internet.

Pour faciliter les échanges d'informations entre les établissements, l'Association des musées a mis en place, sur son site Internet, une page consacrée à la présentation des oeuvres que les musées ne souhaitent pas conserver.

2) La pratique

Même si plusieurs affaires ont connu un certain retentissement (9 ( * )) , les musées publics ont mené jusqu'à maintenant une politique de cession prudente et les responsables des principaux musées font preuve d'une grande circonspection en ce qui concerne la vente des collections. Ainsi, le rapport Trop de trucs (Too much stuff), publié en 2003 par la Conférence des directeurs des musées nationaux , soulignait les erreurs commises dans le passé par certains musées et le caractère irréversible des ventes. Le document insistait en revanche sur la nécessité de développer les échanges.

D'après une enquête réalisée récemment pour l'Association des musées auprès d'une centaine de musées et dont les résultats ont été publiés en juillet 2007, 96 % des établissements considèrent que la cession fait partie de la gestion des collections, mais seulement 62 % ont déjà eu recours à cette pratique. La principale justification avancée pour la cession est le manque de signification de certains objets par rapport à l'ensemble de la collection. Les trois quarts des établissements souhaitent pouvoir mener une politique de cession plus active, mais indiquent que la procédure prévue est complexe. C'est pour cette raison que le code de déontologie de l'Association des musées vient d'être révisé. Cette enquête a également mis en évidence la volonté généralisée de prêter et d'emprunter des oeuvres, le cas échéant pour de longues périodes.

Plusieurs musées représentatifs de différentes catégories (par la taille, la nature des collections, etc.) et situés dans l'ensemble du Royaume-Uni mènent actuellement, avec le soutien logistique et financier de l'Association des musées et de la fondation Esmée Fairbairn, des opérations de réorganisation de leurs collections. L'objectif de ces opérations doit être en premier lieu le développement des prêts de longue durée, mais les cessions ne sont pas exclues.

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Dans le document Comprendre le futur : les priorités des musées anglais , publié à la fin de l'année 2006, le ministère de la culture expose ses priorités pour les dix ans à venir. Dans le chapitre consacré à la vie des collections, l'initiative prise par l'Association des musées en matière de cession est saluée, et le ministère souligne la nécessité d'en tenir compte pour les musées nationaux, dont la politique de cession est limitée par la loi.

* (6) Dans le texte qui suit, ont été qualifiés de « publics » les musées accrédités par le Conseil des musées, des bibliothèques et des archives, qui est l'agence chargée de conseiller le gouvernement. Les musées accrédités sont environ 1 800, sur les quelque 2 500 établissements qui adhèrent à l'Association des musées. Leur régime juridique n'est pas uniforme : certains appartiennent à des collectivités territoriales, d'autres à des universités. D'autres encore sont indépendants. L'accréditation permet de bénéficier de fonds publics.

* (7) La Wallace Collection est issue de la collection réalisée au XVIII e et au XIX e siècles par Sir Richard Wallace et ses ancêtres. Elle a été léguée à l'État en 1897.

* (8) Certaines directives de l'association, en particulier celles qui concernent l'aliénation des oeuvres, sont reprises par Conseil des musées, des bibliothèques et des archives dans sa convention d'accréditation. Leur respect subordonne l'octroi des aides publiques.

* (9) La dernière remonte à 2006, lorsque la commune de Bury, située près de Manchester, a vendu un tableau de Laurence Stephen Lowry, célèbre artiste contemporain, pour combler son déficit budgétaire. Après cette vente, le musée a perdu son accréditation. Entre 1993 et 1995, Royal Holloway, l'un des collèges de l'université de Londres avait vendu plusieurs toiles de Gainsborough, Turner et Constable pour entretenir ses bâtiments.

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