Service des études juridiques (mars 2009)

SUISSE

L'instruction des affaires pénales diffère selon qu'elle est régie par le code fédéral de procédure pénale ou par l'un des codes cantonaux . Le code fédéral, applicable aux seules infractions pour lesquelles la loi attribue expressément la compétence à la Confédération (crimes et délits contre l'État fédéral, infractions relevant de procédures complexes : affaires liées au crime organisé, au blanchiment d'argent, à la corruption, etc.), prévoit une instruction sur le modèle français. Les autres infractions, les plus nombreuses, relèvent des juridictions cantonales. Selon les cantons, l'instruction est confiée soit au juge d'instruction, soit au ministère public, avec des variantes dans chaque cas .

L'unification de l'instruction sur l'ensemble du territoire est prévue pour le 1 er janvier 2011, date de l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale adopté en 2007 . C'est le ministère public qui a été choisi pour diriger l'instruction . Sa composition, son organisation et ses attributions, régies par les dispositions que la Confédération et chacun des cantons adopteront, pourront varier.

1) Les acteurs de l'instruction dans la procédure actuelle

Actuellement, la procédure pénale est régie par la loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale et par vingt-six codes cantonaux.

Le code fédéral régit les activités de police en matière de poursuite pénale, qu'elle soit fédérale ou cantonale. Il dispose que : « la police enquête sur les infractions de sa propre initiative, sur dénonciation de particuliers et d'autorités ainsi que sur mandat du ministère public, dans ce cadre, elle est soumise à la surveillance et aux instructions du ministère public ».

L'organisation judiciaire relève de la compétence des cantons . Selon le ministère fédéral chargé de la justice et de la police, il existe actuellement quatre grands modèles.

Le modèle dit du « juge d'instruction I » : le juge d'instruction est indépendant et conduit l'instruction avec l'appui de la police judiciaire, qui lui est subordonnée et qui obéit à ses ordres. Le ministère public n'a pas le pouvoir de donner des ordres au juge d'instruction, il est une simple partie pendant la phase d'instruction. Son rôle est de soutenir l'accusation devant les tribunaux. Ce modèle s'applique dans les cinq cantons suivants : Vaud, Fribourg, Valais, Glaris et Zoug.

Le modèle dit du « juge d'instruction II » : l'instruction est dirigée par un juge d'instruction soumis à l'autorité du ministère public , qui dispose de pouvoirs plus ou moins étendus selon les cantons. Dans certains cantons, le juge d'instruction peut être compétent pour classer l'affaire, prononcer un non-lieu ou mettre en accusation. Toutefois, dans la majorité des cantons qui ont opté pour ce modèle, le ministère public est seul compétent pour prononcer la mise en accusation et soutenir l'accusation devant les tribunaux. Ce modèle s'applique dans les dix cantons suivants : Berne, Lucerne, Schwytz, Obwald, Nidwald, Bâle-Campagne, Schaffhouse, Appenzell Rhodes-Extérieures, Grisons et Thurgovie.

Le modèle dit du « ministère public I », inspiré du modèle français : la police judiciaire mène l'enquête sous la direction du ministère public. Ce n'est que si le ministère public décide d'ouvrir une instruction préparatoire qu'un juge d'instruction indépendant dirige l'instruction . Lorsque l'instruction est close, le juge d'instruction communique le dossier au ministère public, qui décide de la mise en accusation ou du classement. Le ministère public soutient la mise en accusation devant les tribunaux. C'est le modèle choisie par la Confédération ainsi que par les cinq cantons suivants : Neuchâtel, Genève, Jura, Uri et Argovie.

Le modèle dit du « ministère public II », inspiré du modèle allemand : le ministère public conduit l'instruction avec l'aide de la police judiciaire qu'il dirige ou qui est placée sous son autorité. Il n'y a pas de juge d'instruction, mais un juge de l'instruction autorise les mesures de contrainte attentatoires aux libertés. Le ministère public prononce ensuite la mise en accusation et soutient celle-ci devant les tribunaux. L'accusation est contrôlée judiciairement dans une procédure intermédiaire. Ce modèle s'applique dans les six cantons suivants : Zurich, Bâle-Ville, Tessin, Saint-Gall, Appenzell Rhodes-Intérieures et Soleure.

Par ailleurs, le statut du ministère public est très variable d'un canton à l'autre , tant pour ce qui concerne l'indépendance à l'égard de l'exécutif que l'autonomie interne, le mode de désignation, etc.

2) Les acteurs de l'instruction dans la procédure unifiée

Au terme d'un long processus, entamé en 1994 et dont l'objet était d'unifier le droit de la procédure pénale sur l'ensemble du territoire, un nouveau code de procédure pénale a été adopté le 5 octobre 2007. Son entrée en vigueur est prévue pour le 1 er janvier 2011.

Ce nouveau code instaure un modèle unique de poursuite pénale, dans lequel le juge d'instruction disparaît au profit du ministère public . L'article 16 de ce code prévoit ainsi qu'il incombe au ministère public « de conduire la procédure liminaire, de poursuivre les infractions dans le cadre de l'instruction, et le cas échéant de dresser l'acte d'accusation et de soutenir l'accusation ». L'article 299 précise que la procédure liminaire se compose de la procédure d'investigation et de l'instruction conduites respectivement par la police et le ministère public .

L'article 6 précise que le ministère public instruit à charge et à décharge et l'article suivant l'oblige à respecter le principe de légalité .

En contrepartie de l'importance accordée au ministère public, les mesures qui portent le plus gravement atteinte aux droits fondamentaux doivent être autorisées (surveillance de la correspondance et des relations bancaires, utilisation de dispositifs techniques de surveillance, investigations secrètes par un agent infiltré par exemple) ou ordonnées (détention provisoire) par le tribunal des mesures de contrainte à l'issue d'un débat contradictoire .

En outre, les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et du tribunal des mesures de contraintes pourront faire l'objet d'un recours devant une autorité judiciaire.

L'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale exige une réorganisation des autorités pénales - en particulier du ministère public - de la Confédération et des cantons. Le projet de loi sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération, actuellement en cours d'élaboration place le ministère public fédéral sous le contrôle de l'exécutif, qui pourra donner des instructions générales, mais n'aura pas la possibilité d'intervenir dans des affaires particulières.

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