Service des études juridiques (Octobre 2009)

ALLEMAGNE

1) Les règles et la pratique actuelles

Aucune disposition législative ne traite expressément du port de la burqa . La liberté de croyance ainsi que la liberté de profession de foi religieuse étant garanties par l'article 4 de la Loi fondamentale, le port de la burqa n'est en principe pas interdit dans les lieux publics .

Toutefois, dans les écoles publiques, le port de la burqa n'est actuellement toléré ni de la part des enseignantes ni de la part des élèves .

Depuis la décision rendue le 24 septembre 2003 (1 ( * )) par la Cour constitutionnelle fédérale, ouvrant - implicitement - la possibilité aux Länder d'adopter des lois en vue d'interdire le port du foulard islamique par les enseignantes dans les établissements scolaires publics, la moitié des Länder (2 ( * )) ont adopté des dispositions en ce sens, en invoquant le devoir de neutralité de l'État à l'égard des élèves et de leurs parents ainsi que la nécessité de ne pas troubler « l'ordre scolaire ». Si le port du foulard islamique n'est pas expressément mentionné par les textes, il est visé au titre des symboles religieux ou des manifestations religieuses extérieures. Les dispositions adoptées par les Länder de Berlin, Hesse et Bavière sont plus précises : elles font référence au port d'une « pièce de vêtement ». Dans ces Länder , les enseignantes qui portaient en classe un foulard islamique ou un substitut comme une casquette ou un béret ont toutes perdu leur procès.

S'agissant des élèves, si le port du foulard islamique est admis, le port de la burqa n'est pas toléré. Dans le seul cas relaté par la presse nationale, deux jeunes filles de dix-huit ans qui s'étaient présentées à leur lycée de Bonn vêtues d'une burqa en mai 2006 avaient été exclues des cours pendant deux semaines. L'affaire s'était rapidement réglée sans action en justice, l'une des jeunes filles ayant renoncé à la burqa , l'autre ayant choisi de ne plus être scolarisée. Après interrogatoire des intéressées par les services secrets, il était apparu qu'elles n'avaient pas agi de leur propre initiative et que leur action était notamment liée au procès de trois islamistes. Des voix s'étaient alors élevées pour réclamer l'interdiction de la burqa dans les écoles, mais les Länder n'ont pas légiféré à ce jour.

Par ailleurs, en juin 2006, le ministre fédéral des transports a indiqué que si la réglementation en vigueur ne les visait pas expressément, les femmes portant la burqa n'étaient pas autorisées, de fait, à conduire un véhicule automobile puisque leur vue et leur ouïe s'en trouvaient altérées.

2) Le débat public

Le port de la burqa dans les lieux publics ne suscite guère de controverses.

Toutefois, à la fin de l'année 2007, la question du port de la burqa par un témoin appelé à comparaître devant un tribunal a été soulevée lorsque l'épouse d'un présumé terroriste islamiste s'est présentée vêtue d'une burqa devant une commission d'enquête du Bundestag et a déclaré qu'elle refusait de témoigner. L'argument selon lequel la valeur des déclarations du témoin est difficile à apprécier si personne ne peut voir les expressions de son visage a alors été mis en avant, et certains ont suggéré l'adoption de dispositions fédérales pour interdire le port de la burqa devant les tribunaux.

En 2006, la Cour constitutionnelle fédérale avait considéré que l'interdiction systématique du port du foulard islamique dans les tribunaux violait la Loi fondamentale. Elle avait ainsi censuré la décision d'expulsion d'une audience pénale prononcée à l'encontre d'une femme portant le foulard islamique présente dans le public. Il s'agissait de la mère de l'accusé, à qui le juge avait demandé de retirer son foulard ou de quitter la salle. La Cour constitutionnelle fédérale avait déclaré que le juge aurait dû interroger la femme sur les raisons pour lesquelles elle portait le foulard, qui, en l'espèce, n'était pas un signe de mépris pour la justice. De plus, le juge aurait dû constater l'existence d'un trouble réel dans le bon déroulement de l'audience avant de prononcer l'interdiction.

La question du port du burqini (appelé aussi « maillot de bain islamique », qui ne laisse découverts que le visage, les mains et les pieds) a également commencé à se poser dans les piscines publiques.

Ainsi, en 2009, le Land de Berlin a autorisé, à titre expérimental, la baignade en burqini dans deux piscines pendant les horaires réservées aux femmes. Compte tenu du grand nombre de protestations reçues et du peu d'intérêt manifesté par les femmes visées, cette autorisation est maintenue dans les deux piscines en question, mais n'est pas généralisée comme cela avait été initialement envisagé.

* (1) Dans cette affaire, la Cour constitutionnelle avait confirmé que, en l'absence de dispositions législatives, le licenciement d'une enseignante du Land de Bade-Wurtemberg qui portait le foulard islamique en classe était illégal.

* (2) Il s'agit des Länder de Bade-Wurtemberg, Basse-Saxe, Sarre, Hesse, Bavière, Berlin, Brême et Rhénanie du Nord-Westphalie. Les Länder de Hesse et de Berlin interdisent le port du foulard islamique à tous leurs fonctionnaires, notamment aux personnels de police et de la justice.

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