Avertissement : Cette étude correspond à l'état de la législation en décembre 1996, elle a été remplacée par l'étude LC 133 de mars 2004.

SUISSE



Le titre cinquième du code pénal, " Infractions contre l'intégrité sexuelle ", contient les dispositions applicables en cas d'abus sur des mineurs.

Il résulte d'une réforme entreprise en 1992 pour adapter le code pénal aux " nouvelles conceptions sociales ". Comme en Allemagne, le champ des infractions sexuelles a été limité en même temps qu'étaient réduites les sanctions applicables. La priorité a été donnée à deux valeurs : " l'autodétermination dans le domaine sexuel " et " le libre développement sexuel des mineurs ".

Les abus sur les mineurs sont sanctionnés sur la base des articles 187 et 188 qui concernent respectivement les enfants de moins de 16 ans et les mineurs plus âgés " en situation de dépendance ". Par ailleurs, l'article 191 condamne les " actes commis sur des personnes incapables de discernement ou de résistance " tandis que l'article 193 punit le fait de profiter d'un " lien de dépendance ". Or, la Cour de cassation pénale s'est récemment prononcée pour la double qualification de certains abus sexuels commis sur des mineurs et donc pour l'application simultanée de plusieurs de ces quatre articles dans certains cas.

Au début du mois d'octobre 1996, le Conseil national a adopté un projet de loi tendant à faire passer de cinq à dix ans le délai de prescription applicable aux infractions qui relèvent de l'article 187 . Ce projet a été voté à l'unanimité. Il doit ensuite être soumis au Conseil des Etats. Compte tenu du délai référendaire ( 8( * ) ), la disposition devrait entrer en vigueur au printemps prochain.

I - LE VIOL

L'article 190 du code pénal, relatif au viol, énonce à l'alinéa 1 : " Celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, sera puni de la réclusion pour dix ans au plus. "

Il envisage donc uniquement le viol des personnes de sexe féminin mais n'exclut pas les enfants puisqu'il ne comporte aucune indication d'âge.

La peine minimale est fixée à trois ans de réclusion " si l'auteur a agi avec cruauté, notamment s'il a fait usage d'une arme dangereuse ou d'un autre objet dangereux ".

Par ailleurs, l'article 191 punit notamment l'acte sexuel commis sur " une personne incapable de discernement ou de résistance " de la réclusion pour dix ans au plus ou de l'emprisonnement (9( * )).

Aucun de ces deux articles ne permet de considérer un acte de pénétration anale ou orale comme un viol.

En revanche, l'article 187, qui punit tout " acte d'ordre sexuel " commis sur un enfant de moins de 16 ans d'une peine de réclusion d'au plus cinq ans ou d'une peine d'emprisonnement, permet de punir de tels actes. Par " acte d'ordre sexuel ", la jurisprudence entend, en effet, tout contact entre le corps de l'un des participants et les organes génitaux dénudés de l'autre.

En cas de décès de la victime, le délinquant sexuel est non seulement puni pour avoir abusé de la victime mais aussi pour assassinat, meurtre ou homicide pour négligence, selon les circonstances. Le juge punit alors le délinquant pour l'infraction la plus grave en augmentant le cas échéant la durée de la peine pour tenir compte de l'abus sexuel.

II - LES AUTRES AGRESSIONS SEXUELLES

1) Sur des enfants de moins de 16 ans

L'article 187-1 du code pénal énonce : " Celui qui aura commis un acte d'ordre sexuel sur un enfant de moins de 16 ans, celui qui aura entraîné un enfant de cet âge à commettre un acte d'ordre sexuel, celui qui aura mêlé un enfant de cet âge à un acte d'ordre sexuel, sera puni de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l'emprisonnement. "

L'expression " acte d'ordre sexuel " exclut toute différence entre les agressions et les atteintes.

Toutefois, si la différence d'âge entre les participants n'est pas supérieure à trois ans, l'acte n'est pas punissable .

De même, la peine est réduite si l'auteur de l'infraction a agi sans savoir que la victime avait moins de 16 ans.

Par ailleurs, l'article 191 punit " l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel " commis sur " une personne incapable de discernement ou de résistance " d'une peine de réclusion d'au plus dix ans.

Or, dans une affaire d'abus commis sur un enfant de 5 ans par son grand-père, la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral a décidé en août 1994 que les deux articles 187 et 191 du code pénal pouvaient s'appliquer simultanément car ils protègent deux valeurs différentes : le premier tend à préserver le développement psychique des mineurs tandis que le second cherche à sauvegarder la liberté sexuelle et l'honneur des personnes incapables de discernement ou de résistance quel que soit leur âge. Ainsi, l'abus commis sur un enfant peut donner lieu à un double verdict et à une peine aggravée.

A cette occasion, le Tribunal fédéral a rappelé qu'en cas de viol, une punition aggravée pouvait être prononcée sur la double base des articles 190 et 191.

2) Sur des mineurs de plus de 16 ans

Aux termes de l'article 188-1 du code pénal, les " actes d'ordre sexuel " commis sur des mineurs de plus de 16 ans sont punissables de l'emprisonnement s'ils ont été commis par une personne " profitant de rapports d'éducation, de confiance ou de travail, ou de liens de dépendance d'une autre nature ".

Dans une telle situation, il peut également être fait application de l'article 193 selon lequel " celui qui, profitant de la détresse où se trouve la victime ou d'un lien de dépendance fondé sur des rapports de travail ou d'un lien de dépendance de toute autre nature, aura déterminé celle-ci à commettre ou à subir un acte d'ordre sexuel, sera puni de l'emprisonnement ".

III - LES ATTEINTES SEXUELLES

Aucune différence n'est faite entre les différents abus selon que leur réalisation suppose ou non l'emploi de la violence, de la contrainte, de la menace ou de la surprise.

Le code individualise seulement l'exhibitionnisme, puni au maximum par une peine de prison de six mois.

IV - LA PREVENTION DE LA RECIDIVE

1) Les interdictions

Si le délinquant exerce une profession ou tient un commerce subordonnés à une autorisation officielle (médecin, pharmacien) et qu'il commet dans l'exercice de son activité une infraction pour laquelle il est condamné à une peine privative de liberté supérieure à trois mois, il peut se voir interdire l'exercice de sa profession pour une durée de six mois à cinq ans s'il y a lieu de craindre de nouveaux abus.

Le juge peut aussi prononcer l'incapacité pour une durée de deux à dix ans à l'encontre du magistrat ou du fonctionnaire coupable d'un délit. De façon générale, toute personne condamnée à la réclusion ou à l'emprisonnement peut se voir déclarée incapable de remplir une charge ou une fonction officielle pour une durée de deux à dix ans si l'infraction montre qu'elle est indigne de confiance.

2) Le traitement des malades mentaux

Lorsqu'il est établi que l'abus commis résulte d'une maladie mentale ou de troubles graves de la personnalité, le juge peut ordonner l'hospitalisation ou l'internement du délinquant pour une durée qui n'est pas fixée d'avance mais qui dépend des effets du traitement.

3) L'extraterritorialité des dispositions pénales

De façon générale, les autorités suisses peuvent poursuivre en Suisse des ressortissants suisses pour des crimes ou des délits commis à l'étranger si l'acte est réprimé aussi dans l'Etat où il a été commis et si l'auteur se trouve en Suisse ou s'il a été extradé vers la Confédération en raison de son infraction. Cette disposition existe depuis 1937.

Le projet de révision du code pénal va plus loin puisqu'il prévoit que tout délinquant, Suisse ou étranger , devrait pouvoir être puni en Suisse s'il se trouve en Suisse et que l'acte est également réprimé dans l'Etat où l'infraction a été commise.

Dans le cas particulier des abus sexuels sur des enfants, l'exigence de double incrimination (en Suisse et dans le pays où l'infraction a été commise) pourrait être supprimée.

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