ESPAGNE

Selon les articles 368 à 378 du code pénal de 1995 modifié, les infractions liées à la drogue portent atteinte à la santé publique. Ce code ne cite pas de produit stupéfiant 2 ( * ) , mais prévoit des sanctions différentes en fonction des effets supposés de ces produits sur la santé.

Le même code interdit la fabrication et le trafic de produits stupéfiants, ainsi que la culture de plantes permettant la fabrication de ces produits, mais n'en interdit pas la consommation.

En revanche, la loi organique n° 1 du 21 février 1992 sur la protection de la sécurité civile interdit la consommation de produits stupéfiants dans des lieux publics, ainsi que la détention de ces produits.

Ce dispositif traduit l'idée que la consommation de produits stupéfiants, même si elle constitue un danger pour l'usager, doit être tolérée aussi longtemps qu'elle relève de la vie privée et ne trouble pas l'ordre public.

Seule la législation nationale est analysée ci-dessous. En effet, les communautés autonomes, sans pouvoir légiférer dans le domaine pénal, ont développé leur propre politique, dans le cadre des compétences que la Constitution leur octroie en matière d'assistance sociale et de santé publique.

1. La consommation du cannabis

Le code pénal n'interdit la consommation d'aucune drogue. La consommation du cannabis ne constitue donc pas une infraction.

En revanche, la loi organique n° 1 du 21 février 1992 sur la protection de la sécurité civile prévoit que « la consommation dans des lieux, voies, établissements ou transports publics » constitue une « infraction administrative grave ». La jurisprudence a précisé la notion de « lieu public ». Ainsi, l'intérieur d'un véhicule lui-même situé sur une voie publique constitue un lieu public, parce qu'il est susceptible d'être observé de l'extérieur.

Les contrevenants sont passibles d'au moins une sanction administrative, parmi lesquelles :

- une amende comprise entre 300 et 30 000 € ;

- le retrait du permis de port d'armes ;

- la confiscation des produits stupéfiants ;

- la suspension du permis de conduire.

La loi de 1992 prévoit que l'exécution de ces sanctions peut être suspendue si les contrevenants suivent une cure de désintoxication.

En pratique, la consommation du cannabis dans des lieux publics est rarement sanctionnée.

2. La détention du cannabis

L'article 368 du code pénal interdit la détention des produits stupéfiants lorsqu'elle tend à « promouvoir, à favoriser ou à faciliter [leur] consommation illégale ».

Cette disposition, déjà présente dans l'ancien code pénal, avait été interprétée par le ministère public comme ne visant pas la « petite quantité en vue de la consommation personnelle ». La simple détention liée à la consommation personnelle n'est donc pas, en elle-même, une infraction pénale. En l'absence de détermination par la loi ou par le règlement d'un seuil au-dessous duquel la quantité détenue est présumée correspondre à la consommation personnelle, la notion a été précisée par la jurisprudence en fonction de la plus ou moins grande nocivité du produit considéré. Pour le cannabis, suivant la recommandation de la chambre pénale du Tribunal suprême et sous réserve de leur liberté d'apprécier le cas d'espèce, les juges excluent en général toute sanction lorsque la quantité détenue n'excède pas 25 grammes, quantité qu'une étude de l'Institut national de toxicologie considère comme celle que détient un consommateur habituel pour faire face à ses besoins pendant 5 jours 3 ( * ) .

En revanche, selon le code pénal, la détention en vue de l'approvisionnement de tiers constitue une infraction punie comme la vente. En pratique, les juges excluent cependant toute sanction lorsque l'offre de stupéfiants a lieu entre usagers, indépendamment de tout trafic et à condition qu'il n'y ait pas de risque de diffusion parmi des non-consommateurs.

La détention de produits stupéfiants constitue une infraction administrative aux termes de la loi organique du 21 février 1992 précitée qui interdit la détention illicite de produits stupéfiants - y compris lorsque celle-ci ne vise pas à alimenter le trafic. Cette loi la punit de la même façon que la consommation dans des lieux publics. En pratique, la détention n'est sanctionnée que si le contrevenant est appréhendé dans un lieu public.

3. La vente du cannabis

Aux termes de l'article 368 du code pénal, elle constitue une infraction.

Dans la mesure où le cannabis n'est pas considéré comme appartenant aux drogues qui nuisent gravement à la santé, la sanction de cette infraction consiste en une peine de prison d'une durée comprise entre 1 et 3 ans, ainsi qu'en une amende dont le montant est le double de la valeur de l'objet du délit 4 ( * ) . Depuis 2010, le juge peut - sauf circonstances aggravantes - (voir infra ) condamner le prévenu à une peine inférieure à celle-ci, compte tenu de l'absence de gravité (escasa entidad del hecho) en cause et des circonstances personnelles dans lesquelles il se trouve.

La sanction peut être alourdie en vertu de l'article 369 bis (peine de prison d'une durée de 3 ans, et amende s'élevant au quadruple du montant de l'objet du délit) dans des circonstances aggravantes qui sont réunies si :

- le coupable est une autorité, un fonctionnaire public, un membre du personnel médical, un travailleur social, un enseignant ou un éducateur et agit dans l'exercice de ses fonctions ;

- le coupable participe à d'autres activités organisées illicites dont l'exécution est facilitée par la commission du délit ;

- il commet le délit dans des établissements ouverts au public par des responsables ou des employés de celui-ci ;

- les substances sont délivrées à des mineurs de moins de 18 ans, à des handicapés mentaux ou à des personnes faisant l'objet de traitements de désintoxication ou réhabilitation ;

- les quantités de stupéfiants sont importantes ;

- les substances s'ajoutent ou se mélangent à d'autres en augmentant, ipso facto , le dommage pour la santé ;

- ces activités ont lieu dans des établissements d'enseignement, des établissements militaires, pénitentiaires ou des centres de désintoxication et de réhabilitation, ou dans leurs environs ;

- ou si le coupable emploie la violence, exhibe ou fait usage d'armes.

Les peines prévues à l'article 369 sont aggravées par les articles 369 bis et 370 si les délits sont commis par des personnes qui appartiennent à une organisation criminelle.

4. La culture du cannabis

Également visée par l'article 368 du code pénal, elle est punie de la même façon que la vente.


* 2 Ceux-ci figurent dans les listes annexées à la convention unique sur les stupéfiants de 1961, publiées par arrêté du 31 juillet 1967. Le cannabis est inscrit sur la liste 1.

* 3 V. Tribunal Supremo, Sala de lo Penal, Acuerdos del pleno sala segunda Tribunal Supremo, años 2000 - 2011, actualización Junio 2011, 3-02-2005, p. 23 et l'article de María Encarnación Mayán Santos, « La importancia de la cantidad y composición en los delitos relativos a drogas tóxicas, estupefacientes y sustancias psicotrópicas » publié sur le site Noticias jurídicas , septembre 2007.

* 4 Pour les drogues considérées comme plus dangereuses, la peine de prison est comprise entre 3 et 6 ans, et l'amende se monte au triple de la valeur de l'objet du délit.

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