ESPAGNE

On distinguera :

- le régime général du contrôle des subventions ;

- le contrôle réalisé par l'équivalent de la Cour des comptes ;

- et enfin le contrôle réalisé dans le cadre de la préservation de la concurrence.

A. RÉGIME GÉNÉRAL DU CONTRÔLE DES SUBVENTIONS

Adoptée à la suite d'une motion du Tribunal de Cuentas , l'équivalent de la Cour des comptes, la loi générale sur les subventions n° 38 du 17 novembre 2003 modifiée contient un titre III, intégralement consacré au contrôle financier des subventions. Celles-ci s'entendent comme le versement d'une somme d'argent par une administration publique à une personne publique ou privée, sans contrepartie, ce versement étant soumis à la réalisation d'un objectif, l'accomplissement d'un projet ou la réalisation d'une activité dans un but d'intérêt public ou social (article 1 er ).

En matière de subventions (Titre III), la loi s'applique à toutes les administrations de l'Etat et à celles des collectivités locales (communes, provinces et leurs organismes de coopération). Les articles 45 (contrôle des aides financées par des fonds communautaires) et 46 (obligation de collaboration avec les entités chargées du contrôle) s'appliquent cependant aussi aux 17 communautés autonomes (disposición final primera) . L'économie générale du dispositif de contrôle institué par la loi s'inspire de la procédure de contrôle fiscal 20 ( * ) .

1. Contrôles ex ante et transparence

Le contrôle est exercé ex ante par le jeu des dispositions relatives à la publicité des subventions. Les administrations sont, en effet, tenues de rendre publiques les subventions qu'elles accordent dans une publication officielle en précisant l'acte par lequel il a été permis de concourir pour l'obtention de la subvention 21 ( * ) (convocatoria) , le programme et le crédit budgétaire auxquels elle s'impute , le bénéficiaire, le montant et l'objet de la subvention. (article18)

Les mêmes administrations doivent également, dans un but statistique, communiquer les informations relatives aux subventions qu'elles accordent à la base de données nationale créée à cette fin. Elles précisent le fondement juridique et l'acte par lequel il a été permis de concourir pour l'obtention de la subvention, le bénéficiaire, le montant octroyé et la somme versée, les décisions de reversement et les sanctions imposées, le cas échéant. Ces informations revêtent un caractère confidentiel (articles 20-1 et 2).

2. Contrôles ex post

Les contrôles ex post sont le fait d'un service d'inspection national rattaché au ministère chargé des Finances, l' Intervención General de la Administración del Estado 22 ( * ) , d'une part , et des auditeurs privés auxquels ce service peut avoir recours, d'autre part.

a) Contrôle de l'Intervención General de la Administración del Estado

La loi détaille :

- le champ et l'objet du contrôle financier des subventions ;

- l'entité qui effectue le contrôle ;

- les modalités de celui-ci ;

- les pouvoirs et obligations des agents chargés du contrôle ;

- les obligations des bénéficiaires des subventions ;

- la procédure applicable ;

- les effets du rapport consécutif au contrôle ;

- et la coordination des contrôles.

Champ et objet du contrôle

Sont soumis au contrôle financier au titre des subventions versées par les administrations de l'Etat et par les organismes qui leur sont liés ou qui en dépendent, non seulement les bénéficiaires de ces subventions mais aussi les entités qui collaborent avec ceux-ci.

Le contrôle financier peut s'étendre aux personnes physiques ou morales qui sont associées au bénéficiaire et à toute autre personne susceptible de présenter un intérêt pour parvenir aux objectifs, réaliser des activités, exécuter des projets ou adopter des comportements (article 45-5).

Le contrôle a pour objet de vérifier (article 44), outre la correcte obtention de la part du bénéficiaire :

- le fait que le bénéficiaire et les entités qui prennent part à l'accomplissement des obligations qui lui incombent ont bien respecté celles-ci ;

- le fait que la perception de la subvention s'est effectuée de façon « adéquate et correcte » par le bénéficiaire ;

- et l'existence des faits, circonstances ou situations non déclarées à l'administration par les bénéficiaires qui pourraient affecter le financement des activités subventionnées ou encore l'obtention, l'utilisation, la jouissance et la justification correctes de la subvention, outre la réalité et la régularité (regularidad) des opérations financées.

Entité qui effectue le contrôle

Le service national de contrôle rattaché au ministère des Finances dénommé Intervención General de la Administración del Estado est chargé du contrôle financier des subventions, sans préjudice des compétences du Tribunal de Cuentas (article 44 -3).

Modalités du contrôle financier des subventions

Ce contrôle peut consister en (article 44-4) :

- l'examen des registres comptables, comptes et états financiers et de la documentation qui les sous-tend aussi bien pour les bénéficiaires que pour les entités qui collaborent avec eux ;

- l'examen des opérations individualisées et concrètes qui pourraient affecter les subventions ou qui leur sont liées ;

- la vérification matérielle des investissements financés ;

- les actions concrètes de contrôle qui doivent se réaliser conformément à ce dont dispose la règlementation relative à la subvention ou la décision d'attribution de celle-ci ;

- et toute autre vérification qui s'avérerait nécessaire eu égard aux caractéristiques spéciales des activités subventionnées.

Pouvoirs et obligations des agents chargés du contrôle financier des subventions

Tous les fonctionnaires de l' Intervención General de la Administración del Estado sont investis du pouvoir de contrôle. Toutes les autorités publiques sont tenues de leur apporter leur concours, de même que les tribunaux qui doivent leur communiquer les éléments qui découlent des affaires dont ils connaissent, sous réserve du respect des règles de procédure. Quant au Service juridique de l'Etat (Servicio jurídico del Estado) , il doit prêter son assistance juridique aux fonctionnaires qui, du fait de leur activité en matière de contrôle des subventions, sont cités par un organe judiciaire.

Les agents chargés du contrôle financier des subventions sont tenus de (article 48) :

- respecter le secret professionnel en ce qui concerne les faits dont ils ont à connaître à ce titre ;

- n'utiliser les données, rapports ou éléments obtenus à l'occasion de ce contrôle que pour celui-ci ou pour qu'ils servent de base au reversement des sommes perçues, tout en devant cependant communiquer aux autorités compétentes (et notamment à l' Intervención General de la Administración del Estado) les faits qui peuvent être constitutifs d'infractions administratives, ou de justifier la mise en cause de la responsabilité comptable ou pénale de leurs auteurs.

Obligations des bénéficiaires des subventions

Les bénéficiaires des subventions, les entités qui collaborent avec eux mais aussi les tiers qui sont liés à l'objet de la subvention sont tenus de collaborer et de communiquer la documentation qui leur serait demandée au titre du contrôle, à l'entité chargée de celui-ci, de sorte qu'elle ait :

- le libre accès à la documentation objet de la vérification, y compris les programmes et archives sur support informatique ;

- le libre accès aux locaux de travail (locales de negocio) et aux autres établissements ou lieux où se déroule l'activité subventionnée ou bien où peuvent être vérifiées la réalité et la régularité des opérations subventionnées ;

- l'obtention de copie ou de factures et de documents équivalents et de tout autre type de document relatif aux opérations où se trouvent des indices d'une obtention, d'une utilisation ou d'une affectation incorrecte de la subvention ;

- et le libre accès à l'information sur les comptes bancaires des entités financières où a pu être versée la subvention.

Le refus de se conformer à cette obligation est sanctionné d'une amende dont le montant varie en fonction de l'importance de l'infraction (articles 56 et 57).

Le bénéficiaire d'une subvention et les entités qui collaborent avec celui-ci sont tenus de :

- communiquer leur changement de domicile si celui-ci intervient pendant une opération de contrôle. À défaut, les procédures adressées au domicile antérieur seront valables (article 49-3 dernier al.) ;

- et de comparaître, à la demande de l'entité chargé du contrôle, tant à son domicile que dans les bureaux qu'ils lui désignent (article 50-9).

Procédure applicable au contrôle financier des subventions

L'article 49 de la loi règle également la procédure applicable au déroulement des contrôles qui sont fixés compte tenu du plan annuel d'audit approuvé par l' Intervención General de la Administración del Estado .

Le contrôle débute par la notification aux personnes intéressées de la nature et de la portée des formalités mises en oeuvre, de la date d'intervention de l'équipe chargée du contrôle et de la liste des documents à lui communiquer. Les bénéficiaires et, le cas échéant, les entités qui collaborent avec ceux-ci, doivent être informés au début de la procédure de leurs droits et obligations. Les gestionnaires des subventions sont aussi informés des formalités accomplies par l'entité qui opère le contrôle.

La loi prévoit les conditions dans lesquelles la procédure de contrôle peut être suspendue. En effet, si au cours de cette procédure, on constate que le bénéficiaire ou les entités qui collaborent avec celui-ci doivent rendre les fonds perçus pour d'autres raisons que celles prévues par l'article 37 de la loi, l'organisme qui a versé la subvention en est averti. Il prend les mesures nécessaires tandis que la procédure est suspendue. Cette suspension prend fin :

- lorsque les mesures appropriées ont été prises par l'autorité qui a délivré la subvention ;

- ou si la même autorité n'a pas indiqué avoir pris les mesures appropriées dans les trois mois suivant la suspension.

L' Intervención General de la Administración del Estado peut, lorsqu'existent des indices de l'obtention, de l'affectation ou de la justification incorrectes de la subvention, prendre toutes les mesures de sûreté de nature à empêcher la disparition, la destruction ou l'altération des factures et des documents relatifs aux opérations en cause. Ces mesures doivent être proportionnées aux fins poursuivies et ne pas occasionner un préjudice dont la réparation serait difficile, voire impossible.

Le contrôle (article 50-1) prend fin par la rédaction d'un rapport qui énonce les faits mis en lumière et les conclusions qui en découlent. Ce rapport est notifié au bénéficiaire et aux entités qui collaborent avec lui, lesquels ont été soumis au contrôle. Une copie en est adressée à l'organisme qui a accordé la subvention. La durée du contrôle de droit commun, limitée à 12 mois à compter de la notification à l'intéressé, peut être prorogée lorsque :

- la procédure revêt une complexité particulière ;

- au cours des contrôles il apparaît que le bénéficiaire ou les entités qui collaborent avec lui ont dissimulé une information ou une documentation essentielle au bon déroulement du contrôle.

Les manoeuvres dilatoires imputables au bénéficiaire et les périodes d'interruption justifiée sont retranchées du délai maximum au cours duquel le contrôle doit avoir lieu.

Effets du rapport relatif au contrôle financier des subventions

Lorsqu'il conclut à la nécessité de reverser les sommes perçues, le rapport qui marque le terme du contrôle financier des subventions a pour effet d'obliger l'organisme qui a versé celles-ci à ouvrir, dans le délai d'un mois, un dossier tendant au reversement des sommes en question, en le notifiant au bénéficiaire et aux entités qui collaborent avec lui (article 51). Ceux-ci disposent de quinze jours pour faire connaître les éléments qu'ils invoquent pour leur défense. L'organisme qui a versé la subvention, est tenu, dans le mois suivant la réception du rapport, soit de notifier à l'autorité chargée du contrôle le début d'une procédure de reversement, soit de communiquer son opposition motivée aux conclusions de ce rapport. En cas d'opposition l' Intervención General de la Administración del Estado peut rédiger un rapport mis à jour qu'elle adresse au chef du service dont dépend l'organisme qui a versé la subvention. Si le chef du service ne communique pas son désaccord au sujet des conclusions de ce rapport, celles-ci deviennent obligatoires pour l'organisme qui a versé la subvention. En cas de désaccord, l' Intervención General de la Administración del Estado a la faculté de transmettre le dossier, par l'intermédiaire du ministre chargé des Finances au Conseil des ministres ou à la commission déléguée du Gouvernement pour les Affaires économiques, selon que le montant du dossier dépasse ou non 12 millions d'euros.

Coordination des contrôles

Chaque année l' Intervención General de la Administración del Estado remet au Tribunal de Cuentas , équivalent de la Cour des comptes, un rapport sur les suites données à ses décisions en matière de reversement des subventions (disposición adicional primera) .

3. Recours à des contrôleurs privés

L' Intervención General de la Administración del Estado a la faculté de recourir à des entreprises d'audit privées pour réaliser le contrôle financier des subventions (disposición adicional tercera) .

B. CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DES COMPTES

Le Tribunal de Cuentas , homologue de la Cour des comptes, est compétent, en vertu de l'article 4 de la loi organique n° 2 du 12 mai 1982 qui régit son statut, et de l'article 38 de la loi n° 7 du 5 avril 1988 sur son fonctionnement, pour contrôler les subventions, crédits, garanties et autres aides versées par le secteur public (qui comprend notamment les administrations de l'Etat), puis perçues par des personnes physiques ou morales, publiques ou privées.

L'article 14 de la loi générale sur les subventions prévoit que les entités qui perçoivent une subvention justifient qu'elles ont rempli les obligations qui leur incombent de ce fait et fassent état de la réalisation des objectifs au titre desquels cette subvention a été versée. Lorsqu'elles ont effectué ces formalités, ces entités sont réputées, en vertu du même article, avoir satisfait à l'obligation de rendre des comptes qui résulte de l'article 34.3 de la loi n°7 du 5 avril 1988 sur le fonctionnement du Tribunal de Cuentas 23 ( * ) . Les bénéficiaires de ces subventions et diverses formes d'aides sont également liés par une obligation de collaboration avec le Tribunal de Cuentas (art. 30 de la loi sur le fonctionnement du Tribunal de Cuentas ).

C. RESPECT DE LA CONCURRENCE ET AIDES AUX ENTREPRISES

Aux termes du Titre III de la loi n° 15 du 3 juillet 2007 de défense de la concurrence, consacré aux « Aides publiques », la Commission nationale de la concurrence (Comisión nacional de competencia) peut, d'office ou à la demande des administrations publiques, analyser les critères d'attribution des aides publiques compte tenu de leur possible effet sur le maintien de la concurrence effective sur les marchés. Cette autorité :

- publie des rapports concernant aussi bien les régimes d'aides que les aides individuelles ;

- adresse aux administrations des propositions pour le maintien de la concurrence ;

- remet un rapport annuel public sur les « aides publiques attribuées en Espagne » (voir infra ) ;

- transmet au Parlement un rapport annuel sur les « aides publiques attribuées en Espagne », lequel est mis à disposition des députés, des sénateurs et des commissions parlementaires par l'intermédiaire de l'Office budgétaire des Cortes generales (Oficina Presupuestaria de las Cortes Generales) , organisme spécifique créé pour permettre un suivi de l'exécution budgétaire par le Parlement.

Elle reçoit de l'organe responsable de la notification des « aides accordées par les Etats » au sens du TFUE à la Commission européenne les données relatives à ces notifications.

Ce Rapport annuel sur les aides publiques en Espagne présente les « aides accordées par les Etats » au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à savoir tant celles notifiées a priori à la Commission européenne que celles dispensées de cette formalité, et notifiées a posteriori compte tenu des éléments transmis pas les organismes qui gèrent ces aides. Il s'ensuit que sont exclues de ce rapport les aides :

- de minimis qui n'affectent pas le marché communautaire ;

- au secteur ferroviaire relevant de l'article 93 du TFUE ;

- constituant des compensations pour des services d'intérêt économique général ;

- et les autres mesures d'aide à l'économie dans son ensemble (par exemple les mesures fiscales).


* 20 Voir Begoña Sesma Sánchez "El control financiero de subvenciones públicas en la nueva Ley 38-2033 de 17 de noviembre, General de Subvenciones" dans Auditoría Pública 35 (2005), p. 25.

* 21 La procédure de droit commun pour l'attribution d'une subvention est la concurrence compétitive (concurrencia competitiva) (article 22).

* 22 Organe de contrôle interne de la gestion économico-financière du secteur public d'Etat, l' Intervención General de la Administración del Estado dirige et gère la comptabilité publique.

* 23 Cet article dispose que les bénéficiaires d'aides émanant du budget de l'Etat ou du secteur public sont tenus d'en rendre compte dans les conditions fixées par la loi.

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