Juin 2016

NOTE

sur

Le licenciement économique

_____

Allemagne - Espagne - Italie - Pays-Bas - Royaume-Uni

_____

Cette note a été réalisée à la demande de Madame Pascale GRUNY, Sénateur de l'Aisne

AVERTISSEMENT

Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe.

Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique.

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

NOTE DE SYNTHÈSE

Cette note est consacrée au régime du licenciement économique des salariés titulaires d'un contrat à durée indéterminée dans cinq pays d'Europe : l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni .

Elle évoque le régime général applicable, à l'exception des régimes particuliers (licenciement au sein d'un groupe, licenciement de salariés intérimaires, de salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée, licenciement injustifié et indemnités de chômage pour ne citer que ceux-ci).

Après avoir rappelé l'état de la question dans l'Union européenne en ce qui concerne les licenciements collectifs, puis le régime applicable en France, qu'il s'agisse de licenciements économiques individuels ou collectifs, et présenté les conclusions tirées de l'analyse de ces exemples, cette note évoque successivement, pour chacun des cinq États concernés, les caractéristiques du régime en vigueur.

A. LE RÉGIME DE DROIT COMMUN APPLICABLE DANS L'UNION EUROPÉENNE AU LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE COLLECTIF

La directive 98/59/CE du conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs détermine les principales caractéristiques du droit du licenciement économique dans l'Union européenne. Aussi les rappellera-t-on avant d'envisager les spécificités du régime existant en France.

Outre le champ d'application qu'elle fixe, la directive institue deux ordres de dispositions qui concernent respectivement : d'une part, l'information et la consultation des salariés et de leurs représentants et, d'autre part, la procédure de licenciement collectif elle-même.

• Champ d'application

En vertu de la directive, sont « collectifs » : les licenciements 1 ( * ) « effectués par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs lorsque le nombre de licenciements intervenus est, selon le choix effectué par les États membres » :

- pour une période de trente jours :

- au moins égal à 10 dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs,

- au moins égal à 10 % du nombre des travailleurs dans les établissements employant habituellement au moins 100 et moins de 300 travailleurs,

- au moins égal à 30 dans les établissements employant habituellement au moins 300 travailleurs ;

- soit, pour une période de quatre-vingt-dix jours , au moins égal à 20, quel que soit le nombre des travailleurs habituellement employés dans les établissements concernés.

• Information et consultation

Aux termes de la directive, l'employeur qui envisage d'effectuer des licenciements collectifs est tenu de consulter, en temps utile, les représentants des travailleurs en vue d'aboutir à un accord.

Ces consultations portent au moins sur les possibilités d'éviter ou de réduire les licenciements collectifs et d'en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d'accompagnement (aides au reclassement et à la reconversion).

Les États membres ont la faculté de prévoir que les représentants des travailleurs pourront faire appel à des experts, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.

Au cours des consultations, l'employeur est tenu de fournir et de communiquer par écrit tous renseignements utiles aux représentants des travailleurs, pour leur permettre de formuler des propositions constructives :

- les motifs du projet de licenciement ;

- le nombre et les catégories des travailleurs à licencier ;

- le nombre et les catégories des travailleurs habituellement employés ;

- la période au cours de laquelle il est envisagé d'effectuer les licenciements ;

- les critères envisagés pour le choix des travailleurs à licencier, dans la mesure où les législations et/ou pratiques nationales en attribuent la compétence à l'employeur ;

- ainsi que la méthode de calcul envisagée pour toute indemnité éventuelle de licenciement autre que celle découlant des législations et/ou pratiques nationales.

L'employeur transmet à l'autorité publique compétente au moins une copie des éléments communiqués par écrit.

• Procédure et délais

S'agissant de la procédure à suivre, la directive prévoit également que :

- l'employeur notifie par écrit tout projet de licenciement collectif à l'autorité publique compétente ;

- la notification contient tous renseignements utiles concernant le projet de licenciement collectif et les consultations des représentants des travailleurs (motifs de licenciement, nombre des travailleurs à licencier, nombre des travailleurs habituellement employés, période au cours de laquelle il est envisagé d'effectuer les licenciements,...) ;

- et que l'employeur transmet aux représentants des travailleurs copie de cette notification.

En termes de délais , la directive précise que :

- les licenciements collectifs dont le projet a été notifié à l'autorité publique compétente prennent effet au plus tôt trente jours après la notification ;

- les États membres peuvent accorder à l'autorité publique compétente la faculté de réduire ce délai ;

- l'autorité publique compétente met à profit ce délai pour chercher des solutions aux problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés ;

- si le délai initial est inférieur à soixante jours, les États membres peuvent accorder à l'autorité publique compétente la faculté de le prolonger jusqu'à soixante jours après la notification lorsque les problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés risquent de ne pas trouver de solution dans le délai initial.

B. LE RÉGIME APPLICABLE EN FRANCE

Les dispositions de l'article 1233-3 du code du travail actuellement en vigueur ont été amendées par l'article 67 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dont les dispositions n'entreront en application que le 1 er décembre 2016.

1. Le régime applicable en France jusqu'au 30 novembre 2016

Aux termes de l'article L. 1233-3 du Code du travail, « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques » .

a) Définition générale du licenciement pour motif économique

On verra successivement : d'une part, le motif du licenciement et, d'autre part, la justification du licenciement.

• Le motif du licenciement

Un licenciement pour motif économique n'est pas « inhérent à la personne du travailleur ».

Ne relève pas d'un tel licenciement celui opéré pour motif disciplinaire, pour absences prolongées ou répétées, pour l'âge, l'inaptitude physique ou professionnelle 2 ( * ) .

• La justification du licenciement : le contrôle de la cause réelle et sérieuse

L'article L. 1233-2 du Code du travail dispose que « tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse ».

L'article L. 1233-3 du Code du travail mentionne deux exemples de causes de nature à justifier ce licenciement : « des difficultés économiques et des mutations technologiques ».

La jurisprudence a élargi la liste des causes de ce licenciement à :

- « la nécessaire sauvegarde de la compétitivité » 3 ( * ) ;

- la cessation d'activité puisque le choix fait par l'employeur de cesser son activité peut, en lui-même, justifier le licenciement économique. 4 ( * )

b) Les catégories de licenciement pour motif économique

On verra successivement :

- la procédure de licenciement individuel pour motif économique ;

- la procédure de licenciement collectif pour motif économique.

• La procédure de licenciement individuel pour motif économique

Tout employeur qui envisage de rompre après la période d'essai le contrat de travail à durée indéterminée d'un seul salarié pour un motif économique doit respecter les principes en vertu desquels :

- le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que les mesures de reclassement ont été respectées 5 ( * ) ;

- avant toute décision de licenciement, l'employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge qui mentionne l'objet, la date, le lieu et l'heure de l'entretien 6 ( * ) ;

- la notification du licenciement est adressée au salarié sous forme de lettre recommandée avec avis de réception, mentionnant obligatoirement 7 ( * ) :

- le motif économique à l'origine du licenciement ;

- la priorité de réembauchage dont le salarié peut bénéficier ;

- et la proposition de bénéficier d'un congé de reclassement.

La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) est informée dans les huit jours suivant la notification du licenciement du salarié 8 ( * ) .

• La procédure de licenciement collectif pour motif économique

Le licenciement collectif pour motif économique concerne deux salariés ou plus. La loi prévoit, dans ce cas, des modalités et une procédure différentes en fonction du nombre de salariés selon que l'effectif est inférieur ou supérieur à dix salariés concernés au même moment par cette mesure 9 ( * ) .

Ä La procédure de licenciement économique de 2 à 9 salariés sur une période de 30 jours

Dans ce cas l'employeur :

- consulte les représentants du personnel 10 ( * ) ;

- adresse une information écrite avec la convocation à la réunion qui comporte tous « renseignements utiles » sur le projet de licenciement collectif, en indiquant :

- la ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ;

- le nombre de licenciements envisagés ;

- les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ;

- le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ;

- le calendrier prévisionnel des licenciements ;

- et les mesures de nature économique envisagées.

L'employeur est tenu de recevoir individuellement les salariés 11 ( * ) , qui peuvent se faire assister par une personne de leur choix appartenant au personnel de l'entreprise 12 ( * ) .

Le licenciement est notifié au salarié par lettre recommandée avec avis de réception 13 ( * ) .

Enfin, « un employeur qui procède à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours informe l'autorité administrative du ou des licenciements prononcés » 14 ( * ) .

Ä Les licenciements de dix salariés ou plus au cours d'une même période de trente jours

L'employeur doit consulter les représentants du personnel 15 ( * ) .

Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, l'employeur est tenu de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) 16 ( * ) . À cette fin, il consulte le comité d'entreprise au préalable, sur l'opération projetée et ses modalités d'application ainsi que sur le projet de licenciement collectif.

La convocation à la première réunion doit être adressée au moins trois jours avant celle-ci.

L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la réunion, tous les renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif (raisons économiques, nombre de licenciements envisagés, calendrier prévisionnel des licenciements etc...) et les mesures susceptibles de limiter les licenciements et de faciliter le reclassement des salariés concernés 17 ( * ) .

La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) reçoit, en application de l'article L. 1233-57-1 du code du travail, l'accord collectif majoritaire mentionné à l'article L. 1233-24-1 du même code ou le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4 pour validation de l'accord ou homologation du document.

2. Le régime applicable en France à compter du 1er décembre 2016

L'article 67 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a complété l'article L. 1233-3 précité afin d'y préciser que les motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, peuvent notamment résulter :

- des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ;

- d'une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires, qui est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

- un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

- deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

- trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

- quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

- des mutations technologiques ;

- une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

- et la cessation d'activité de l'entreprise.

Ces dispositions entreront en vigueur le 1 er décembre 2016.

3. Observations tirées des exemples étrangers

On examinera successivement le cas du licenciement économique individuel, puis celui du licenciement économique collectif.

a) Le licenciement individuel résultant d'un motif économique

Le motif du licenciement individuel résultant d'un motif économique est analogue à celui du licenciement économique collectif puisque :

- en Allemagne, le licenciement économique individuel doit être, comme le licenciement collectif, « socialement justifié » ;

- en Espagne et au Royaume-Uni, les causes du licenciement économique individuel ne se distinguent pas de celles du licenciement économique collectif ;

- aux Pays-Bas, ce licenciement est fondé sur un motif « raisonnable » de caractère économique ;

- et en Italie, le licenciement économique individuel est fondé sur « un motif objectif justifié » du fait de « raisons inhérentes à l'activité productive, à l'organisation du travail et au fonctionnement régulier de celle-ci ».

Le caractère « économique » du licenciement est décisif pour apprécier sa licéité.

b) Le licenciement collectif pour motif économique

Le licenciement collectif se caractérise par le fait qu'il résulte de circonstances ayant trait à la situation de l'entreprise et non à la personne du salarié.

On verra successivement :

- le motif du licenciement ;

- le nombre de salariés concernés ;

- les modalités de consultation du personnel ;

- l'information de l'autorité chargée du travail ;

- les critères de choix ;

- le recours ;

- le reclassement ;

- le délai imparti pour le licenciement ;

- et l'indemnisation susceptible d'être versée aux salariés.

• Le licenciement pour motif économique résulte de circonstances ayant trait à la situation de l'entreprise et non à la personne du salarié

Dans les cinq cas considérés, conformément à la directive de 1998, le licenciement économique collectif résulte de circonstances qui n'ont pas trait à la personne du salarié. Sont ainsi explicitement exclus de son champ d'application les licenciements liés à la personne ou au comportement du salarié en Allemagne et aux Pays-Bas. Entrent, en revanche, dans le champ de ce type de licenciement ceux qui sont motivés par :

- des « nécessités urgentes liées à l'établissement » que la jurisprudence a assimilées à des circonstances internes à l'établissement rationalisation, externalisation, cessation de l'activité...) ou externes (manque de débouchés, insuffisance de commandes ou de ressources énergétiques...) (Allemagne) ;

- des causes « économiques, techniques, organisationnelles ou relatives à la production », dont le contenu est détaillé par la loi (Espagne) ;

- le fait qu'un employeur en difficulté admis à bénéficier de l'aide de la caisse d'assurances sociales qui verse des allocations de chômage partiel n'est pas en mesure de réemployer tous les salariés concernés par cette procédure ou de prendre d'autres mesures (Italie) ;

- un motif raisonnable de caractère économique, à l'instar de la disparition d'un poste de travail du fait de la suppression d'une activité ou du fait qu'au cours d'une période à venir de 26 semaines, il entraîne la disparition des postes de travail dans le cadre d'une gestion efficiente de l'entreprise (Pays-Bas).

• Nombre de salariés concernés

Le tableau suivant présente les seuils d'application de la notion de licenciement économique collectif pour les cinq pays étudiés et pour la France, compte tenu de la durée (décroissante) prise en compte pour déterminer le nombre (croissant) de salariés susceptibles d'être licenciés, du nombre de ceux-ci et de la taille de l'entreprise.

Comme on l'a vu supra , la directive ouvre deux possibilités pour l'application du régime du licenciement économique collectif en fonction du nombre de salariés susceptibles d'être licenciés, en permettant aux États de se référer soit à un délai de 30 jours, soit à un délai de 90 jours pour apprécier celui-ci.

Le délai de 30 jours s'applique pour décompter :

- au moins 10 projets de licenciement dans les établissements employant habituellement de 20 à 99 travailleurs ;

- un nombre de licenciement au moins égal à 10 % de l'effectif des travailleurs dans les établissements en employant habituellement de 100 à 299 ;

- et au moins 30 licenciements dans les établissements employant habituellement 300 travailleurs ou plus.

Le délai de 90 jours s'applique, quant à lui, pour décompter au moins 20 projets de licenciements, quel que soit le nombre des travailleurs habituellement employés.

Il s'avère que sur les cinq État étudiés, quatre ont opté, dans la définition du licenciement économique collectif, pour le régime « 90 jours (trois mois) /au moins 20 salariés » : l'Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, tandis que l'Italie a retenu le seuil de 5 licenciements en 120 jours dans les établissements de plus de 15 salariés. L'Allemagne a, en revanche, à l'instar de la France, recours au régime « 30 jours / 10 salariés » dans le cas général.

De surcroît, comme l'article 5 de la directive les y autorise, trois États ont retenu un seuil d'application du licenciement collectif plus favorable aux travailleurs en le fixant à :

- 5 licenciements en 120 jours en Italie, dans les établissements de plus de 15 salariés, contre 20 prévus en 90 jours par la directive ;

- 5 licenciements en 30 jours en Allemagne, dans les établissements de 20 à 59 salariés, contre 10 visés par la directive ;

- 5 licenciements en 90 jours en Espagne, si tous les emplois sont supprimés dans l'établissement, contre 20 visés par la directive.

La législation française institue, quelle que soit la taille de l'entreprise, un double régime applicable soit aux licenciements de 2 à 9 salariés en 30 jours, soit à 10 salariés ou plus durant le même délai.

Définition du licenciement collectif en fonction de la durée prise en compte, du nombre de salariés licenciés et de la taille de l'entreprise

Italie

Espagne

Pays-Bas

Royaume-Uni

Directive 98/59/CE

France

Allemagne

120 jours

90 jours

3 mois

90 jours

90 jours

30 jours

30 jours

30 jours

5 licenciements dans établissements de plus
de 15 salariés

5 licenciements
si totalité des employés et fin d'activité

2 à 9 salariés

5 licenciements dans établissements
de 20 à 59 salariés

10 licenciements dans les entreprises de moins de 100 salariés

10 licenciements
ou plus dans établissements
de 20 à 100 salariés

10 ou plus

au moins 20 salariés

au moins
20 salariés

au moins
20 salariés quel que soit leur nombre

au moins 10 % dans établissements de 100
à 299 salariés

au moins 10 % dans établissements de 100 à 299 salariés

au moins 10 % ou plus de 25 salariés dans établissements
de 60 à 499 salariés

au moins
30 salariés dans établissements
de 300 salariés
et plus

au moins 30 salariés dans établissements de 300 salariés
et plus

au moins 30 salariés dans établissements de plus
de 500 salariés

• Information du personnel

La principale conséquence de l'institution du régime du licenciement économique collectif tient à l'obligation de consulter les représentants des travailleurs. On examinera ici cette procédure, sa durée, la nature de l'organe informé et le type d'informations communiquées.

Objet de la consultation

Les termes des textes instituant la consultation d'organes représentant le personnel traduisent des conceptions variables de l'ampleur de cette opération.

C'est ainsi que l'employeur et le conseil d'établissement ont à cette occasion, en Allemagne, la faculté de négocier afin d'éviter les licenciements, de les limiter ou d'alléger leurs effets.

En Espagne, la consultation porte sur les possibilités, par une négociation de bonne foi, d'éviter ou de réduire les licenciements collectifs et d'atténuer leurs effets par des mesures sociales d'accompagnement : réaffectations, actions de formation ou de recyclage professionnel destinées à améliorer l'employabilité. Un éventuel accord doit être approuvé par la majorité des représentants du personnel ou par la majorité de la commission représentative des salariés, l'un et l'autre représentant la majorité des salariés de la ou des unités concernées.

En Italie, on examine, en vertu de la loi, d'une part les causes de l'existence d'un excédent de personnel et les possibilités de l'utiliser d'une autre façon, en tout ou partie dans la même entreprise, y compris au moyen de contrats aidés et de formes flexibles de gestion du temps de travail et, d'autre part, la possibilité de recourir à des mesures sociales d'accompagnement destinées à faciliter la requalification et la reconversion des travailleurs licenciés.

Aux Pays-Bas, la communication de l'employeur aux associations représentatives des salariés a pour triple objet de prévenir le licenciement ou de le limiter en partie, d'en atténuer les effets par des mesures d'accompagnement social et de favoriser le reclassement et la formation des salariés.

Enfin, au Royaume-Uni, la consultation porte sur les moyens d'éviter les licenciements, de réduire le nombre de salariés concernés et d'en atténuer les effets. Elle doit, aux termes de la loi, être entreprise par l'employeur dans l'optique de parvenir à un accord avec les syndicats.

Délais et durée de la consultation

Alors que la loi ne fait pas référence à la durée de consultation du personnel en Allemagne et aux Pays-Bas, le délai de consultation est fixé :

- en Espagne, à 15 jours pour les entreprises de moins de cinquante salariés et 30 jours au plus pour celles de cinquante salariés et plus ;

- en Italie, l'examen conjoint des causes d'un excédent de personnel survient dans les sept jours à compter de la réception de la communication par l'employeur, et doit se conclure dans les quarante-cinq jours suivant cette communication, ces délais étant réduits de moitié lorsque le nombre de salariés concernés par le licenciement est inférieur à dix.

Nature de l'organe informé

L'organe destinataire de l'information est :

- le conseil d'établissement, homologue du comité d'entreprise français (Allemagne) ;

- une commission de négociation paritaire, constituée dans les conditions de droit commun prévues pour la modification substantielle des conditions de travail, la direction et les représentants du personnel pouvant cependant convenir de remplacer cette consultation par une procédure de médiation ou d'arbitrage (Espagne) ;

- les organisations syndicales représentatives des salariés et des entreprises et, à défaut, les associations représentatives, les confédérations des associations représentatives des entreprises au plan national, le cas échéant par le biais de l'association patronale à laquelle appartient l'entreprise (Italie) ;

- et les associations représentatives du personnel actives dans l'entreprise (Pays-Bas) ;

Contenu des informations communiquées

Les informations communiquées par l'employeur concernent, comme le prévoit l'article 2.3 de la directive :

- les motifs justifiant les licenciements envisagés (Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas) ;

- le nombre et la catégorie professionnelle des travailleurs à licencier (Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas) ;

- la période à laquelle les licenciements devraient être effectués (Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas) ;

- les critères retenus pour choisir les travailleurs à licencier (Allemagne, Espagne, Pays-Bas) ;

- les critères prévus pour le calcul d'éventuelles indemnités (Allemagne, Italie, Pays-Bas) ;

- le nombre et la classification professionnelle des personnes qui ont travaillé habituellement au cours de la dernière année (Espagne, Italie) ;

- les noms des représentants du personnel qui font partie de la commission de négociation si celle-ci a été réunie, ou à défaut l'indication du fait que celle-ci n'a pas été constituée dans les délais légaux (Espagne) ;

- les mesures envisagées pour faire face, au plan social, à la mise en oeuvre du programme (Italie) ;

- la copie du reçu du versement à l'Institut national de la Protection sociale (INPS) , à titre d'avance, de la somme correspondant au salaire mensuel maximum dû au titre du chômage partiel (Italie) ;

- et le nombre de travailleurs intérimaires travaillant temporairement pour et sous la supervision et la direction de l'employeur, les services de l'entreprise dans lesquels ces travailleurs intérimaires sont employés et le type d'emploi qu'ils occupent (Pays-Bas).

• Information de l'autorité chargée du travail

L'employeur a, en vertu de l'article 4 de la directive, l'obligation d'informer les services chargés de l'emploi au plus tôt 30 jours après la notification de son intention de procéder au licenciement.

Aux Pays-Bas, l'employeur est tenu de communiquer son projet à l'Institut chargé de la protection des salariés ou à la commission créée dans l'entreprise pour l'application de certaines dispositions de la convention collective.

En Allemagne, les services chargés de l'emploi, destinataires de la communication de l'employeur, peuvent statuer par eux-mêmes ou bien recourir à un comité décisionnaire qui réunit, sous la présidence d'un responsable des services chargés de l'emploi, deux représentants des employés, des employeurs et des collectivités publiques. Cette instance rend sa décision en fonction de l'intérêt de l'employeur, de celui des employés à licencier, de l'intérêt public et de la situation du marché de l'emploi global compte tenu du secteur économique auquel l'entreprise appartient.

En Espagne, l'autorité publique chargée du travail transmet la communication qui lui est adressée par l'employeur à l'entité qui gère les prestations de chômage et demande à l'inspection du travail et de la sécurité sociale un rapport sur les données qui lui ont été communiquées. Ce rapport, remis dans les quinze jours, est joint au dossier de la procédure. L'autorité publique chargée du contrôle du travail peut formuler des avis et des conseils voire effectuer une médiation à la demande conjointe des parties.

Au terme de la procédure de consultation, en Italie, l'entreprise informe les services chargés du travail du résultat de ses échanges et des motifs de leur éventuel échec. Dans ce cas, le directeur départemental du travail convoque les parties pour réexaminer le dossier dans les trente jours suivant la notification de l'information communiquée par l'entreprise, en formulant le cas échéant des propositions en vue d'un accord. Dans les dix jours suivant cette notification du licenciement, l'entreprise communique, d'une part, à l'équivalent de la direction départementale du travail, à la commission régionale pour l'emploi et aux organisations patronales, la liste des personnes licenciées et indique, d'autre part, les conditions dans lesquelles les critères prévus par la loi ont été appliqués.

Aux Pays-Bas, l'Institut chargé de la protection des salariés ne peut examiner la demande que lorsque l'employeur a rempli ses obligations en matière de communication aux représentants des salariés et que s'il résulte d'une déclaration écrite de l'employeur que les associations représentatives des salariés et le comité d'entreprise ont été consultés.

Au Royaume-Uni, l'employeur est tenu d'informer les autorités publiques avant la notification de la fin du contrat dans le cadre de la procédure lorsqu'il envisage de recourir à un licenciement économique. Cette information doit notamment contenir des renseignements sur la procédure de consultation et identifier les représentants du personnel. Tout autre élément peut être ajouté à la demande de l'autorité publique.

• Les critères de sélection

Aux termes de l'article 2.2.v de la directive, l'employeur fournit les critères envisagés pour le choix des travailleurs susceptibles d'être licenciés. On évoquera ici, outre la nature de ces critères, les dérogations qui peuvent être apportées à leur application.

Nature

À peine de voir le licenciement considéré comme « socialement injustifié », un employeur doit se référer, en Allemagne, à des critères tels que :

- l'ancienneté ;

- l'âge ;

- la charge d'une famille ;

- et l'état d'incapacité.

En Espagne, la loi dispose que pour déterminer la liste des salariés licenciés :

- les représentants du personnel sont prioritaires pour rester dans l'entreprise ;

- l'ordre de priorité peut, par un accord collectif conclu durant la période de consultation, définir des critères de priorité en faveur des salariés ayant charge de famille, des personnes de plus d'un certain âge et des personnes handicapées.

En Italie, la loi prévoit qu'à défaut de critères fixés dans la convention collective, on prend en compte des critères tels que :

- la charge de famille ;

- l'ancienneté ;

- et les nécessités technico-administratives et organisationnelles.

Au Royaume-Uni, les motifs légitimes de sélection concernent les compétences, les qualifications, l'aptitude, la qualité du travail ou de performance, l'assiduité et le dossier disciplinaire, les salariés pouvant aussi être départagés sur la base de leur ancienneté.

Le système existant aux Pays-Bas se distingue des précédents puisque pour déterminer la liste des salariés susceptibles d'être licenciés, l'employeur a recours à cinq catégories d'âge « 15-25 ans, 25-35 ans, 35-45 ans, 45-55 ans et 55 ans et plus) où les salariés sont classés en fonction de leur ancienneté, ceux ayant l'ancienneté la plus faible étant susceptibles d'être licenciés les premiers, de même que les salariés qui ont atteint l'âge de la retraite. Le caractère « échangeable » des fonctions de ces différents salariés est évalué, pour chaque site, d'après :

- le contenu de la fonction ;

- la connaissance, le savoir-faire et les compétences que la fonction nécessite ;

- la nature temporaire ou permanente de la fonction ;

- ainsi que le niveau de la fonction et les rémunérations qui y sont attachées.

La convention collective peut fixer d'autres critères de licenciement que ceux prévus par la loi évoqués supra , sous réserve de la création d'une commission pour l'application de certaines dispositions de la convention collective.

Dérogation et tempéraments aux critères

En Italie, les accords conclus avec les syndicats dans le cadre de la procédure peuvent prévoir un changement d`affectation des travailleurs considérés comme excédentaires.

En Allemagne -où les partenaires sociaux peuvent déterminer la façon dont les critères sociaux doivent être appréciés les uns par rapport aux autres- la loi exclut l'application des critères au salarié dont le maintien au travail est dans l'intérêt justifié de l'établissement, notamment du fait de ses connaissances, de ses capacités, de ses performances ou pour assurer une structure du personnel équitable au sein de l'entreprise.

Aux Pays-Bas, des tempéraments peuvent être apportés aux résultats du mode de calcul décrit supra , par exemple dans le cas d'un salarié dont les compétences sont irremplaçables pour le fonctionnement de l'entreprise, ou de salariés handicapés, ou encore de salariés dont l'embauche est liée au versement d'une aide publique compensant sa moindre productivité. En outre, l'employeur peut, en vertu de la convention collective, s'écarter de 10 % des résultats qui découleraient de l'application des principes posés par la loi, par exemple pour conserver des salariés qui travaillent plus que la moyenne ou qui disposent d'un potentiel supérieur à la moyenne, en se fondant sur les évaluations précédemment réalisées. L'application de cette « règle des 10 % » ne doit toutefois pas conduire à accroître le nombre de licenciements de salariés les plus jeunes ou les plus âgés.

• Les recours non juridictionnels

En Allemagne, l'employé peut former un recours contre un licenciement « socialement injustifié », dans un délai d'une semaine auprès du conseil d'établissement, lequel doit, si le recours paraît fondé, tenter de trouver un accord avec l'employeur ;

En Espagne, l'autorité en charge du travail peut également intenter un recours juridictionnel contre les accords conclus durant la période de consultation lorsqu'elle considère qu'ils ont été obtenus par fraude, dol, contrainte ou abus de droit susceptibles d'entraîner leur nullité et lorsque l'entité chargée de la gestion des prestations de chômage l'informe que la décision de licenciement pourrait avoir pour but d'obtenir indûment les prestations au bénéfices des salariés, sans motif.

Aux Pays-Bas, la décision de refus de l'Institut ou de la commission pour l'application de certaines dispositions de la convention collective peut, tout d'abord, faire l'objet d'observations de l'employeur avant d'être contestée, si l'agence persiste dans son refus, devant le tribunal d'instance auquel l'employeur peut demander l'autorisation de procéder au licenciement dans les deux mois suivant le refus qu'elle lui a opposé. Le salarié licencié a également la faculté d'attaquer son licenciement devant le tribunal d'instance dans les deux mois après qu'il est intervenu. Les décisions du tribunal sont susceptibles d'appel.

• Reclassement

Au Royaume-Uni, tout salarié à l'encontre duquel est engagée une procédure de licenciement économique a droit à un temps raisonnable hors-les-murs pris sur son temps de travail afin de chercher un nouvel emploi ou de prendre des dispositions pour se former pour un futur emploi.

Aux Pays-Bas, le licenciement économique n'est, du reste, possible que lorsque le reclassement du salarié dans d'autres fonctions adaptées, le cas échéant après une formation, ne peut être envisagé. La durée du délai ouvert pour le reclassement varie de un à quatre mois en fonction de l'ancienneté.

La préoccupation relative au reclassement n'est pas étrangère au droit britannique selon lequel l'employeur doit tenter de trouver un emploi alternatif qui pourrait convenir ( suitable alternative employment) au sein de l'entreprise pour les salariés concernés par le licenciement économique.

En Italie, les personnes ayant fait l'objet de ce type de licenciement sont inscrites sur une liste afin de favoriser leur réemploi, notamment grâce à la formation professionnelle.

• Délai imparti pour réaliser les licenciements

Aux termes de la directive, les licenciements ne peuvent prendre effet moins de trente jours après la communication de l'employeur à l'autorité publique.

Aux Pays-Bas, l'employeur ne peut procéder au licenciement que dans les quatre semaines suivant la réception de la décision de l'Institut chargé de la protection des salariés, et dans tous les cas moins d'un mois à compter de la communication, à moins que les associations représentatives des salariés ne formulent une déclaration aux termes de laquelle elles souscrivent, après avoir été consultées, à la démarche de l'employeur.

Au Royaume-Uni, ce délai, qui est de 30 jours dans le régime de droit commun, est porté à 45 jours si au moins 100 salariés sont concernés

• Montant de l'indemnisation

En Allemagne, le montant de l'indemnisation s'élève à la moitié d'un salaire mensuel pour chaque année passée dans l'entreprise, une période de plus de six mois est arrondie à un an pour ce décompte.

Il correspond à une indemnité de 20 jours par année travaillée, dans la limite de 12 mois de salaires en Espagne.

Aux Pays-Bas, le salarié licencié pour motif économique (à l'exception, notamment, de ceux de moins de 18 ans qui ont en moyenne travaillé moins de 12 heures par semaine et des salariés susceptibles de faire valoir leurs droits à la retraite) dont la durée de travail est d'au moins deux ans, a droit à une « indemnité de transition » dont le montant est de :

- un tiers du salaire par an pour les dix premières années d'ancienneté ;

- la moitié du salaire par an les années suivantes ;

- dans la limite d'un plafond de 76 000 euros bruts par salarié.

Les dépenses réalisées par l'employeur pour assurer le reclassement du salarié sont déductibles de cette indemnité.

Au Royaume-Uni, un salarié a droit à une indemnité du fait de son licenciement économique. Celle-ci est calculée en fonction de l'ancienneté dans l'entreprise et de l'âge du salarié, à raison de :

- 1,5 semaine de salaire par année d'ancienneté au-delà des 41 ans de l'employé ;

- 1 semaine de salaire par année d'ancienneté de 22 à 40 ans ;

- 0,5 semaine de salaire par année d'ancienneté en-deçà de 22 ans.

L'ancienneté susceptible d'être prise en compte pour le calcul est limitée à 20 années.

Enfin, en Italie, l'employeur d'une personne licenciée pour un juste motif n'a pas à verser d'indemnité à celle-ci, qui perçoit cependant une indemnité sous la forme de « traitement de fin de contrat » (trattamento di fine rapporto) au même titre que toute personne dont le contrat de travail se termine.


* 1 Les cessations du contrat de travail intervenues à l'initiative de l'employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs sont assimilées aux licenciements à compter de cinq licenciements.

* 2 Gilles Auzero, Emmanuel Dockès , Droit du travail, Précis Dalloz, 30 e édition, 2016, p. 530.

* 3 Cass. Ass. Plen. 8 décembre 2000.

* 4 Gilles Auzero, Emmanuel Dockès, Droit du travail, op. cit. p. 596 .

* 5 Article L. 1233-4 du Code du travail.

* 6 Article L. 1233-11 du Code du travail.

* 7 Article L. 1233-16 du Code du travail.

* 8 Article L. 1233-19 du Code du travail

* 9 Droit du travail et sa jurisprudence commentée , 5 e édition, Tissot, 2014-2015, p. 439 .

* 10 Article L. 1233-8 du Code du travail.

* 11 Article L. 1233-11 du Code du travail.

* 12 Article L. 1233-13 du Code du travail.

* 13 Article L. 1233-15 du Code du travail.

* 14 Article L. 1233-19 du Code du travail.

* 15 Article L. 1233-28 du Code du Travail.

* 16 Article L. 1233-61 du Code du Travail.

* 17 Article L. 1233-31 du Code du Travail.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page