MONOGRAPHIES PAR PAYS

ALLEMAGNE

Les dispositions relatives à la procédure de licenciement économique collectif en Allemagne résultent de la loi fédérale relative à la protection contre les licenciements du 25 août 1969.

Cette loi n'autorise pas les licenciements « socialement injustifiés » (sozial ungerechtfertigt), lesquels ne répondent à aucun des trois motifs figurant à l'article 1(2), aux termes desquels le licenciement doit :

- être lié à la personne du salarié ;

- être lié au comportement du salarié ;

- ou résulter de nécessités urgentes liées à l'établissement qui s'opposent au maintien du travailleur dans l'entreprise.

« La loi ne définissant pas les "nécessités urgentes liées à l'établissement", la jurisprudence considère qu'elles peuvent résulter de circonstances internes à l'établissement (rationalisation, externalisation, cessation de l'activité,...) ou externes (manque de débouchés, insuffisance de commandes ou de ressources énergétiques,...)» 18 ( * ) .

Le licenciement est également injustifié si l'employé aurait pu être affecté à un autre poste de travail dans le même établissement ou dans un autre établissement de la même entreprise.

On distinguera :

- la procédure applicable à un licenciement pour motif économique individuel ;

- celle applicable à un licenciement pour motif économique collectif ;

- et le cas des restructurations.

1. La procédure applicable à un licenciement pour motif économique individuel

On examinera successivement :

- le principe de « sélection sociale » ;

- et le droit à indemnisation.

a) Le principe de « sélection sociale » (soziale Auswahl)

L'employeur doit respecter de façon « suffisante » (ausreichend) la règle en vertu de laquelle il convient de prendre en considération certains critères pour le choix des employés à licencier pour motif économique. À défaut, le licenciement peut être déclaré « socialement injustifié ». Relèvent de ces critères :

- l'ancienneté ;

- l'âge ;

- la charge d'une famille ;

- et l'état d'incapacité.

À la demande de l'employé, l'employeur doit lui communiquer les motifs ayant conduit à la sélection effectuée. Un employé n'est pas concerné par la « sélection sociale » si son maintien au travail est dans l'intérêt justifié de l'établissement, notamment du fait de ses connaissances, de ses capacités, de ses performances ou pour assurer une structure du personnel équitable au sein de l'entreprise (article 1(3) de la loi précitée).

La convention collective, l'accord d'entreprise ou une « ligne directrice » 19 ( * ) conforme à la loi sur la représentation du personnel peut déterminer la façon dont les critères sociaux doivent être appréciés les uns par rapport aux autres. Dans ce cas, le contrôle juridictionnel ne peut porter que sur une erreur grave (article 1(4)).

Si le licenciement est consécutif à une restructuration (Betriebsänderung) et que les employés devant être licenciés sont nommément désignés dans la « conciliation des intérêts » (Interessenausgleich , voir infra) , on suppose que ce licenciement résulte de besoins urgents liés à l'établissement. Dans ce cas, seule l'erreur grave dans la sélection sociale peut être contrôlée (article 1(5)).

Lorsque l'employé considère son licenciement comme socialement injustifié, il peut, dans un délai d'une semaine, former un recours auprès du conseil d'établissement (Betriebsrat), homologue du comité d'entreprise français. Si le recours paraît fondé, le conseil d'établissement doit tenter de trouver un accord (Verständigung) avec l'employeur (article 3).

b) Droit à indemnisation en cas de licenciement économique

À l'expiration du délai de recours de trois semaines, l'employé a droit à une indemnisation. Le bénéfice de ce droit suppose que l'employeur a indiqué, en motivant le licenciement, que celui-ci est fondé sur des motifs économiques et que l'employé ne peut pas revendiquer l'indemnisation après qu'est écoulé le délai de recours.

Le montant de l'indemnisation s'élève à la moitié d'un salaire mensuel pour chaque année passée dans l'entreprise. Une période de plus de six mois est arrondie à un an pour ce décompte (article 1a).

Si l'employeur propose à l'employé, en lien avec le licenciement, la poursuite de la relation de travail dans des conditions révisées, ce dernier peut accepter cette offre sous réserve que la modification des conditions de travail ne soit pas « socialement injustifiée ». Des réserves peuvent être formulées par l'employé dans un délai de trois semaines, correspondant au délai de licenciement (article 2).

2. La procédure applicable à un licenciement pour motif économique collectif

L'employeur a l'obligation d'informer les services chargés de l'emploi 20 ( * ) dans un délai de 30 jours calendaires avant de procéder au licenciement :

- de plus de 5 personnes dans les établissements comprenant entre 20 et 59 salariés ;

- d'au moins 10 % ou de plus de 25 employés de l'établissement dans ceux comprenant entre 60 et 499 salariés ;

- et d'au moins 30 employés dans les établissements de plus de 500 salariés.

La procédure nécessite :

- une consultation du « conseil d'établissement », équivalent du comité d'entreprise ;

- une notification aux services chargés de l'emploi ;

- puis une décision des services chargés de l'emploi.

a) Consultation du conseil d'établissement

L'employeur doit sans délai donner au conseil d'établissement les renseignements utiles, et en particulier porter à sa connaissance par écrit :

- les motifs des licenciements projetés ;

- le nombre et la catégorie professionnelle des travailleurs concernés ;

- le nombre et la catégorie professionnelle des employés ;

- la période à laquelle les licenciements devraient être effectués ;

- les critères prévus pour opérer la « sélection sociale » des travailleurs à licencier ;

- et les critères prévus pour le calcul d'éventuelles indemnités.

L'employeur et le conseil d'établissement ont en particulier la possibilité de négocier afin d'éviter les licenciements, de les limiter ou d'alléger leurs effets.

Le conseil d'établissement émet un avis qui est joint à la notification aux services chargés de l'emploi (voir infra ).

b) Notification aux services chargés de l'emploi

L'employeur est tenu d'adresser aux services chargés de l'emploi une copie de la communication au conseil d'établissement, laquelle contient les renseignements utiles (voir supra ), auxquels s'ajoutent des informations sur l'identité de l'employeur, le siège et la nature de l'entreprise.

La notification doit être accompagnée de l'avis écrit du conseil d'établissement sur les licenciements. En l'absence d'un tel avis, la notification est effective lorsque l'employeur établit de manière plausible qu'il a informé le conseil d'établissement au moins deux semaines avant la notification et qu'il expose l'état d'avancement des consultations (Stand der Beratung) . En outre, la notification doit contenir, en accord avec le conseil d'établissement, des informations destinées aux services chargés de l'emploi sur le genre, l'âge, l'activité et la nationalité des travailleurs à licencier.

L'employeur transmet une copie de la notification au conseil d'établissement, qui peut ultérieurement notifier des avis aux services chargés de l'emploi, et doit en transmettre une copie à l'employeur.

c) Décision des services chargés de l'emploi

Les licenciements ne prennent effet, dans un délai d'un mois à compter de la réception de la notification par les services chargés de l'emploi, qu'avec le consentement de ces derniers. Ces services peuvent également décider, dans certains cas, que les licenciements ne prennent effet qu'à l'expiration d'un délai d'au plus deux mois à compter de la réception de la notification. Si les licenciements n'interviennent pas dans les 90 jours suivant la date à partir de laquelle ils sont autorisés, une nouvelle notification est requise (article 18).

Durant la période qui va de la notification à la prise d'effet des licenciements, l'employeur peut être autorisé par les services chargés de l'emploi à recourir au chômage partiel s'il n'est pas en mesure d'employer à plein temps les travailleurs (article 19).

Les services chargés de l'emploi statuent soit eux-mêmes par l'intermédiaire de leur direction lorsque le nombre de personnes concernées est inférieur à 50, soit en recourant à un comité décisionnaire (Entscheidungsträger) . Ce dernier réunit un responsable des services chargés de l'emploi, qui préside, et deux représentants des employés, des employeurs et des collectivités publiques. Il rend ses décisions à la majorité de ses membres. Il doit auditionner l'employeur et le comité d'établissement et prendre en considération tant l'intérêt de l'employeur que celui des employés à licencier, l'intérêt public et la situation du marché de l'emploi global, une attention particulière devant être portée au secteur économique auquel l'entreprise appartient.

3. Le cas des restructurations

On distinguera :

- la conclusion du plan social ;

- et les licenciements consécutifs à la restructuration.

a) Conclusion d'un plan social

Aux termes de l'article 111 de la loi sur le statut des entreprises, celles qui emploient plus de 20 personnes doivent informer sans délai et de façon complète le conseil d'établissement des restructurations prévues pouvant entraîner des préjudices importants pour le personnel ou une part considérable de celui-ci. Ces entreprises sont également tenues de consulter le conseil d'établissement sur ces restructurations. Sont considérées comme des restructurations :

- la limitation ou la cessation d'activité de l'entreprise, qu'elle soit totale ou concerne une partie substantielle de celle-ci ;

- le transfert de la totalité de l'entreprise ou d'une partie substantielle de celle-ci ;

- le regroupement avec d'autres entreprises ou la scission entre les entreprises ;

- les modifications fondamentales dans l'organisation, l'objet ou l'installation de l'entreprise ;

- et l'introduction de nouvelles méthodes de travail ou de processus de fabrication essentiels.

L'accord concernant la conciliation des intérêts (Interessenausgleich) sur la restructuration prévue entre l'entreprise et le conseil d'établissement doit être écrit et signé par chacun d'entre eux. Cette règle s'applique également en cas d'accord sur la compensation ou sur l'atténuation des préjudices économiques résultant des restructurations prévues (plan social).

En cas de désaccord ou d'absence de conciliation des intérêts sur la restructuration prévue ou sur le plan social, l'entrepreneur ou le conseil d'établissement peut demander une médiation au conseil d'administration des services de l'administration fédérale pour l'emploi. En dernier recours, ils ont la faculté de convoquer une instance de conciliation (Einigungstelle) . Celle-ci, présidée par un membre du conseil d'administration des services fédéraux chargés de l'emploi, doit rechercher l'accord entre les parties. En cas de succès, l'accord écrit est signé par l'employeur, le comité d'établissement et le président de l'instance de conciliation.

Lorsqu'aucun accord sur le plan social n'a été obtenu par l'instance de conciliation, celle-ci décide de la mise en place d'un tel plan. Elle doit aussi bien prendre en considération les intérêts sociaux des employés concernés que les répercussions économiques de sa décision pour l'entreprise.

b) Les licenciements consécutifs à une restructuration

Lorsque des licenciements constituent l'objectif même de la restructuration envisagée, la recherche d'un plan social par l'instance de conciliation ne s'applique que si le nombre des salariés licenciés pour raisons liées à l'entreprise est :

- d'au moins 6 personnes, ou 20 % des employés habituels 21 ( * ) , dans les entreprises de moins de 60 travailleurs ;

- d'au moins 37 personnes, ou 20 % des employés habituels, dans les entreprises de 60 à 249 travailleurs ;

- d'au moins 60 personnes, ou 15 % des employés habituels, dans les entreprises de 250 à 499 travailleurs ;

- et d'au moins 60 personnes, ou 10 % des employés habituels, dans les entreprises de 500 travailleurs.

Les démissions provoquées des travailleurs sur la base de conventions de rupture sont assimilées aux licenciements.


* 18 Martin Henssler, Patrick Rémy et Eduardo Martin Puebla, « Le motif économique du licenciement », dans Revue de droit du travail , 2010, p. 664.

* 19 Aux termes de l'article 76(2)8 de la loi fédérale sur la représentation du personnel du 15 mars 1974, le conseil du personnel (Personalrat) doit participer, lorsqu'il n'existe pas de règle légale ou d'accord d'entreprise en la matière, à l'adoption (Erlass) de « lignes directrices » quant à la sélection des salariés, notamment lors des licenciements.

* 20 Le service fédéral chargé de l'emploi (Bundesagentur für Arbeit) comprend une agence centrale, 10 directions régionales, 156 agences pour l'emploi (Agentur für Arbeit) , 600 « dépendances » des agences précédentes et 303 « jobcenter » . Premier prestataire de services du marché de l'emploi allemand, cet ensemble jouit du statut de collectivité de droit public autonome, remplissant pour les citoyens, les entreprises et les institutions des missions de service complètes pour le marché du travail et de la formation. Ses missions essentielles consistent en la promotion de l'employabilité et de la réinsertion professionnelles ; la médiation dans l'apprentissage et l'emploi ; l'orientation professionnelle ; le conseil aux employeurs et la promotion de la formation professionnelle, de la formation continue, de l'intégration professionnelle des personnes handicapées, outre des prestations destinées à créer et maintenir des emplois et les allocations se substituant à la rémunération (indemnités de chômage ou d'insolvabilité).

Source : site Internet de la Bundesagentur für Arbeit , onglet « über uns » .

* 21 Terminologie utilisée par la directive 98/59/CE.

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