ESPAGNE

Le régime de l'homologue du licenciement économique en Espagne résulte du décret royal législatif n° 1 du 24 mars 1995 portant approbation du texte amendé de la loi relative au statut des travailleurs.

1. Le licenciement individuel

L'article 52 du décret royal législatif n° 1 du 24 mars 1995 précité détermine le régime des licenciements individuels « pour causes objectives ». Figure parmi ceux-ci le licenciement individuel pour causes économiques, puisqu'il peut être mis fin au contrat si l'une des causes prévues à l'article 51 alinéa 1 pour le licenciement économique collectif (voir infra ) est remplie, en deçà des seuils déterminés par cet article.

Les représentants du personnel bénéficient, dans ce cas, d'une priorité pour rester dans l'entreprise.

2. Le licenciement collectif

On examinera successivement les diverses dispositions de l'article 51 de la loi précitée :

- la cause du licenciement ;

- le nombre des salariés concernés ;

- la procédure suivie ;

- et les critères de choix des salariés.

La définition du licenciement économique collectif résulte de critères cumulatifs, tenant à la cause du licenciement et au nombre de salariés concernés pendant une période donnée.

• Cause du licenciement

Correspond à l'équivalent du licenciement économique collectif le licenciement résultant de causes « économiques, techniques, organisationnelles ou relatives à la production ».

La notion de « causes économiques » vise l'hypothèse dans laquelle « les résultats de l'entreprise traduisent une situation économique négative, dans des cas tels que l'existence de pertes actuelles ou prévues, la diminution persistante des recettes ordinaires ou des ventes » c'est-à-dire leur réduction pendant au moins trois trimestres consécutifs par rapport à celui enregistré un an plus tôt pour le même trimestre.

Les « causes techniques » ont trait à « des changements, entre autres, concernant les moyens ou les instruments de production », « les causes organisationnelles » à « des changements, notamment dans les systèmes et méthodes de travail du personnel ou de la façon d'organiser la production », tandis que les « causes productives » résultent de changements touchant « la demande de produits ou de services que l'entreprise entend mettre sur le marché ».

• Nombre de salariés concernés

De surcroît, le licenciement doit concerner, durant une période de quatre-vingt-dix jours, au moins :

- 10 personnes 22 ( * ) dans les entreprises de moins de 100 salariés ;

- 10 % du personnel dans les entreprises de 100 à 299 salariés ;

- 30 personnes dans les entreprises de plus de 300 salariés ;

- et 5 personnes si le licenciement concerne tous les travailleurs, lorsque l'entreprise met fin à son activité pour les raisons indiquées supra .

Le calcul du nombre de personnes concernées tient compte de toutes les cessations de contrat de travail (à l'exception de celles concernant des contrats à durée déterminée) résultant de l'employeur, survenues durant la période de référence, du fait d'autres motifs.

• Procédure

Le licenciement collectif est précédé de la consultation des représentants du personnel pendant :

- 15 jours pour les entreprises de moins de 50 salariés ;

- 30 jours au plus pour les entreprises de 50 salariés et plus.

Cette consultation porte sur les possibilités d'éviter ou de réduire les licenciements collectifs et d'atténuer leurs effets par des mesures sociales d'accompagnement : réaffectations, actions de formation ou de recyclage professionnel destinées à améliorer l'employabilité. Elle est réalisée dans le cadre d'une commission de négociation composée de treize représentants au plus de chacune des parties.

Cette commission est constituée dans les sept jours suivant la communication par l'entreprise de son intention de procéder à un licenciement collectif, dans les conditions de droit commun prévues pour la modification substantielle des conditions de travail 23 ( * ) . La commission est constituée dans les sept jours 24 ( * ) suivant cette communication, sans que le défaut de constitution ne puisse faire obstacle au déroulement de la procédure.

L'ouverture des consultations est communiquée par écrit aux représentants du personnel ainsi qu'à l'autorité publique compétente en matière de travail au moyen d'un document qui précise :

- les motifs du licenciement collectif ;

- le nombre et la classification professionnelle des personnes concernées par ce licenciement ;

- le nombre et la classification professionnelle des personnes qui ont travaillé habituellement au cours de la dernière année ;

- la période prévue pour les licenciements ;

- les critères pris en compte pour désigner les travailleurs concernés par les licenciements ;

- la copie de la communication transmise par l'entreprise aux travailleurs et à leurs représentants afin de leur faire connaître l'intention de procéder à un licenciement collectif ;

- le nom des représentants du personnel qui font partie de la commission de négociation, ou à défaut l'indication du fait que celle-ci n'a pas été constituée dans les délais légaux.

La communication aux représentants des salariés est accompagnée d'un document qui explique les causes du licenciement collectif et de la documentation comptable et fiscale ainsi que de rapports techniques.

À réception de la communication, l'autorité publique chargée du travail la transmet à l'entité qui gère les prestations de chômage et demande à l'inspection du travail et de la sécurité sociale (Inspección de Trabajo y de Seguridad Social) un rapport sur les données communiquées, lequel est remis dans les quinze jours à compter de la notification de la période de consultation à l'autorité publique chargée du travail. Ce rapport est joint au dossier de la procédure.

Durant les consultations, les parties doivent négocier de bonne foi afin de parvenir à un accord. Cet accord doit être approuvé par la majorité des représentants du personnel ou par la majorité de la commission représentative des salariés, sous réserve que l'un et l'autre représentent la majorité des salariés de la ou des unités concernées.

La direction et les représentants du personnel peuvent convenir de remplacer la période de consultation par une procédure de médiation ou d'arbitrage, sous réserve du respect du délai précité.

L'autorité publique chargée du contrôle du travail peut formuler des avis et des conseils sans que ceux-ci n'aient pour effet de stopper la procédure. Elle peut aussi, à la demande conjointe des parties, jouer le rôle de médiateur ou apporter son assistance à l'une d'entre elles.

Au terme des consultations, la direction en communique le résultat à l'autorité compétente et aux représentants du personnel, à savoir la copie de l'accord ou, à défaut, sa décision finale de procéder à un licenciement collectif. Elle dispose d'un délai de quinze jours à cette fin. À défaut, la procédure est caduque.

Lorsque le licenciement concerne plus de 50 % des salariés, l'employeur fait part aux représentants des salariés de la vente des biens de l'entreprise à l'autorité publique chargée du travail.

La direction notifie individuellement son licenciement à chaque salarié concerné par cette mesure dans un délai qui ne peut être inférieur à trente jours à compter de la communication de l'ouverture des consultations.

Si les organisations représentatives du personnels interviennent pour s'opposer à la décision de licenciement, les licenciements individuels sont interrompus jusqu'à la décision de la juridiction compétente.

L'autorité en charge du travail peut également intenter un recours juridictionnel contre les accords conclus durant la période de consultation lorsque :

- elle considère qu'ils ont été obtenus par fraude, dol, contrainte ou abus de droit susceptibles d'entraîner leur nullité ;

- l'entité chargée de la gestion des prestations de chômage l'informe que la décision de licenciement pourrait avoir pour but d'obtenir indûment des prestations au bénéfice des salariés, sans motif.

Quel que soit le nombre des salariés, l'autorité publique responsable des questions de travail est chargée de constater le cas de force majeure invoqué comme cause de licenciement, selon une procédure déterminée par la loi.

• Critères de choix des salariés

S'agissant des critères applicables pour déterminer la liste des salariés licenciés, la loi précise que :

- les représentants du personnel sont prioritaires pour rester dans l'entreprise ;

- l'ordre de priorité peut, par un accord collectif conclu durant la période de consultation, définir des critères de priorité en faveur des salariés ayant charge de famille, des personnes de plus d'un certain âge et des personnes handicapées.

Si le licenciement collectif concerne plus de cinquante salariés, l'entreprise doit leur proposer un plan de reclassement externe d'une durée minimale de six mois, comprenant des mesures de formation et d'orientation professionnelle.

Les entreprises qui licencient des salariés de cinquante ans et plus sont tenue de verser une contribution financière (aportación economica) au Trésor public.

• Indemnisation

L'indemnisation correspond à 20 jours de salaire par année d'ancienneté dans la limite de 12 années.


* 22 Le texte fait référence au concept de « travailleur » (trabajador) .

* 23 Article 41, 4 du même texte.

* 24 Durée portée à quinze jours lorsque l'établissement ne comporte pas de représentants des salariés.

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